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Rapport de laboratoire d'ingénierie du BST (LP149/2013)

1.0 Introduction

1.1 Description de l’événement

1.1.1

Le 5 juin 2013, vers 22 h 50, heure normale de l’Est, le train de marchandises MMA-002 (le train) de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), en route de Montréal (Québec) à Saint John (Nouveau-Brunswick), est arrêté à Nantes (Qc) au point milliaire 7,40 de la subdivision de Sherbrooke, point de relève désigné des équipes de la MMA. Le train, formé de 5 locomotives en tête, de 1 fourgon VB (fourgon de queue spécial), de 1 wagon couvert et de 72 wagons-citernes de la classe 111 transportant des liquides inflammables (pétrole brut, UN 1267, classe 3), est ensuite immobilisé sur la voie principale, dans une pente.

1.1.2

Peu avant 1 h le 6 juillet 2013, le train laissé sans surveillance se met en mouvement et gagne de la vitesse en dérivant dans la pente jusque dans la ville de Lac-Mégantic (Québec). Soixante-trois (63) wagons-citernes et le wagon couvert déraillent près du centre de la ville. Les 9 wagons-citernes en queue n’ont pas quitté les rails et, par la suite, ont été remorqués à Nantes dans le cadre de l’intervention d’urgence.

1.1.3

Le déraillement provoque le déversement de quelque 6 millions de litres de pétrole brut. Le produit rejeté s’enflamme presque tout de suite, provoquant un grand feu en nappe qui brûle durant plus d’une journée. Le pétrole brut qui n’a pas brûlé infiltre et contamine le sol du centre-ville; une certaine quantité atteint la rivière et le lac Mégantic.

1.2 Services techniques demandés

1.2.1

Le bureau des Opérations d’enquêtes de la région de l’Est - Rail/Pipeline du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a demandé un examen sur le terrain des wagons-citernes déraillés.

2.0 Examen

2.1 Renseignements sur les wagons-citernes

2.1.1

Le tableau 1 résume l’information relative aux 63 wagons-citernes déraillés. Les wagons-citernes ont été construits par les compagnies suivantes : Trinity Tank Car (34 wagons), Gunderson (9 wagons), American Railcar Industries (9 wagons), American Car & Foundry (7 wagons) et Union Tank Car (4 wagons).

2.1.2

Le wagon-citerne le plus ancien avait été construit en 1980 et le plus récent, en 2012; les wagons-citernes déraillés étaient donc âgés de 1 à 33 ans. Tous avaient été commandés avant le 1er octobre 2011. Par conséquent, aucun n’était assujetti aux exigences de la circulaire CPC-1232 de l’Association of American Railroads (AAR), qui établissait de nouvelles normes pour la construction des wagons-citernes DOT-111 du service général commandés après le 1er octobre 2011. La circulaire CPC-1232 porte sur les wagons construits pour le transport de matières des groupes d’emballage I et II désignées par les appellations réglementaires appropriées suivantes : pétrole brut, alcools, n.s.a. (éthanol dénaturé) et mélanges éthanol-essence dans les groupes d’emballage I et II Note de bas de page 1.

2.1.3

Le tableau 2 indique les marchandises initiales inscrites sur le certificat de construction (CDC) Note de bas de page 2 des wagons-citernes déraillés. Ces wagons étaient destinés au transport de produits autorisés dans la partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, ainsi qu’au transport de marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons. Certains wagons étaient également destinés au transport de liquides inflammables de la classe 3 dans les groupes d’emballage II et III.

2.1.4

On a remarqué que 11 wagons construits par Trinity Tank Car en vertu du CDC L116012A portaient la nouvelle marque WFIX aux termes d’un protocole de location conclu entre les sociétés First Union Rail et Western Petroleum Company. Pour faciliter la consultation, le tableau 1 indique la marque initiale TILX et le numéro de chacun des wagons WFIX.

2.1.5

Tous les wagons déraillés, de conception non isolée et à longrine tronquée, respectaient la spécification 111A100W1 du département des Transports (DOT) des États-Unis. Chacun des wagons-citernes était équipé d’un robinet de déchargement par le bas (RDB), de plusieurs raccords supérieurs avec enceinte protectrice, d’un trou d’homme avec couvercle à charnières boulonné ainsi que de 1 ou 2 dispositifs de décharge de la pression (DDP). Aucun des wagons ne possédait de boucliers protecteurs, d’enveloppe externe ou une protection thermique.

2.1.6

Les spécifications générales propres au wagon-citerne DOT-111 se trouvent dans le titre 49 du CFR, partie 179.200 Note de bas de page 3. La disposition 179.200-17 du titre 49 du CFR exige que les wagons DOT-111 équipés de dispositifs de déchargement par le bas soient munis aussi d’une protection des discontinuités des raccords inférieurs conçue pour empêcher l’endommagement du robinet de déchargement et la perte du chargement au cours d’un déraillement. Le mécanisme de commande du robinet doit également être doté d’un dispositif de verrouillage assurant une fermeture efficace au cours du transport. Les méthodes approuvées de protection dans le bas, telles qu’un point de rupture pour les structures qui s’étendent sous le robinet ainsi qu’une structure de protection contre le glissement, sont précisées à l’annexe E des spécifications de l’AAR pour les wagons-citernes. Le dessus des wagons-citernes peut recevoir divers raccords et dispositifs, tels des robinets de chargement et de déchargement, un dispositif de décharge de la pression (DDP), une soupape casse-vide et un trou d’homme. La protection des discontinuités des raccords supérieurs est facultative pour les wagons-citernes DOT-111A100W1.

2.1.7

L’exigence relative à l’épaisseur minimale des têtes et de la coque, prescrite par la disposition 179.201-1 du titre 49 du CFR, est de 7/16 pouce. La tôle utilisée pour la construction des wagons-citernes doit être en acier AAR TC128 de nuance B ou ASTM A516 de nuance 70 Note de bas de page 4. Le tableau 3 résume les exigences relatives aux matériaux destinés aux citernes et indiquées dans les CDC des wagons-citernes déraillés. Les coques étaient faites d’acier non normalisé (52 wagons) ou normalisé (11 wagons) AAR TC128 de nuance B, de 7/16 pouce d’épaisseur. L’épaisseur nominale des matériaux de tête variait de 7/16 à 15/32 pouce. Les têtes étaient faites d’acier non normalisé ASTM A515 de nuance 70 (6 wagons), d’acier non normalisé (38 wagons) ou normalisé (17 wagons) ASTM A516 de nuance 70 ou d’acier normalisé AAR TC128 de nuance B (2 wagons).

Tableau 1 : Information sur les wagons-citernes déraillés
Position (no) dans le convoi (dlc) Marque du wagon Numéro du wagon CDC Constructeur Note de bas de page 5 Mois-année de commande Mois-année de onstruction Âge du wagon (a) Marque du propriétaire No du wagon sur le terrain
3 TILX 316547 L116012A Trinity Fév 11 Juil 11 2 TILX 1
4 WFIX 130608 L116012A Trinity
(TILX 316400)
Mars 11 Juil 11 2 FURX 2
5 TILX 316359 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 FURX 3
6 TILX 316338 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 4
7 NATX 310428 L114001 Gunderson Déc 09 Août 11 2 NATX 5
8 CTCX 735541 F111018 ARI Juin 11 Jan 12 1 CEFX 6
9 DBUX 303879 F071004C ARI Oct 06 Déc 07 6 CEFX 7
10 WFIX 130682 L116012A Trinity
(TILX 316486)
Mars 11 Juil 11 2 FURX 8
11 TILX 316641 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 9
12 TILX 316570 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 10
13 NATX 310457 L114001 Gunderson Déc 09 Août 11 2 NATX 11
14 WFIX 130638 L116012A Trinity
(TILX 316430)
Mars 11 Juil 11 2 FURX 12
15 NATX 310473 L114001 Gunderson Déc 09 Août 11 2 NATX 13
16 TILX 316379 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 14
17 ACFX 79709 A811019A ACF Sept 79 Déc 81 32 NATX 15
18 TILX 316333 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 16
19 TILX 316549 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 17
20 CTCX 735527 F111018 ARI Juin 11 Jan 12 1 CEFX 18
21 NATX 310477 L114001 Gunderson Déc 09 Août 11 2 NATX 32
22 WFIX 130603 L116012A Trinity
(TILX 316395)
Mars 11 Juil 11 2 FURX 33
23 TILX 316556 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 23
24 CTCX 735629 F111018 ARI Juin 11 Jan 12 1 CEFX 19
25 ACFX 76605 A841016 ACF Avr 84 Sept 84 29 NATX 24
26 PROX 44293 F067034B Union Tank Car Fév 06 Avr 07 6 PROX 20
27 NATX 310581 L114001 Gunderson Déc 09 Nov 11 2 NATX 21
28 PROX 44202 F067034B Union Tank Car Fév 06 Fév 07 6 PROX 22
29 TILX 316234 L116012A Trinity Fév 11 Juil 11 2 TILX 25
30 TILX 316584 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 26
31 WFIX 130571 L116012A Trinity
(TILX 316362)
Mars 11 Juil 11 2 FURX 34
32 TILX 316330 L116012A Trinity Fév 11 Juil 11 2 TILX 27
33 NATX 310412 L114001 Gunderson Déc 09 Juil 11 2 NATX 35
34 TILX 316317 L116012A Trinity Fév 11 Juil 11 2 TILX 28
35 WFIX 130545 L116012A Trinity
(TILX 316310)
Fév 11 Juil 11 2 FURX 29
36 ACFX 79698 A811019A ACF Sept 79 Déc 81 32 NATX 31
37 NATX 302784 L066085 Trinity Jan 07 Fév 07 6 NATX 30
38 ACFX 71505 A861020 ACF Juin 86 Oct 86 27 NATX 36
39 ACFX 71121 A851028 ACF Juin 85 Août 85 28 NATX 37
40 CTCX 735537 F111018 ARI Juin 11 Jan 12 1 CEFX 38
41 NATX 303128 L066085 Trinity Jan 07 Mars 07 6 NATX 39
42 CTCX 735572 F111018 ARI Juin 11 Jan 12 1 CEFX 40
43 WFIX 130616 L116012A Trinity
(TILX 316408)
Mars 11 Juil 11 2 FURX 60
44 WFIX 130664 L116012A Trinity
(TILX 316456)
Mars 11 Juil 11 2 FURX 42
45 WFIX 130630 L116012A Trinity
(TILX 316422)
Mars 11 Juil 11 2 FURX 43
46 TILX 316523 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 44
47 TILX 316613 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 45
48 TILX 316616 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 46
49 TILX 316206 L116012A Trinity Fév 11 Juil 11 2 TILX 47
50 TILX 316319 L116012A Trinity Fév 11 Juil 11 2 TILX 48
51 CTCX 735617 F111018 ARI Juin 11 Jan 12 1 CEFX 49
52 TILX 316572 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 63
53 CTCX 735526 F111018 ARI Juin 11 Jan 12 1 CEFX 50
54 TILX 316622 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 62
55 WFIX 130585 L116012A Trinity
(TILX 316376)
Mars 11 Juil 11 2 FURX 41
56 NATX 310508 L114001 Gunderson Déc 09 Sept 11 2 NATX 61
57 CTCX 735525 F111018 ARI Juin 11 Jan 12 1 CEFX 51
58 ACFX 79383 A801029A ACF Mai 79 Oct 80 33 NATX 59
59 PROX 44428 F067036B Union Tank Car Déc 08 Mai 07 6 PROX 52
60 PROX 44150 F067040A Union Tank Car Fév 06 Jan 07 6 PROX 53
61 TILX 316533 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 54
62 ACFX 94578 A911018B ACF Août 91 Mars 92 21 NATX 55
63 NATX 310515 L114001 Gunderson Déc 09 Oct 11 2 NATX 58
64 TILX 316528 L116012A Trinity Mars 11 Juil 11 2 TILX 56
65 NATX 310470 L114001 Gunderson Déc 09 Août 11 2 NATX 57
Tableau 2 : Produits destinés aux wagons-citernes déraillés
Constructeur Nbre de wagons CDC Marchandise initiale inscrite sur le CDC
Trinity 32 L116012A Pétrole brut (groupe d’emballage II) et produits autorisés dans la partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons.
2 L066085 Alcool éthylique et produits autorisés dans la Partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons.
Gunderson 9 L114001 Éthanol (non réglementé) et produits autorisés dans la partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons.
ARI 8 F111018 Pétrole brut – groupe d’emballage III et produits autorisés dans la partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons.
1 F071004C Éthanol et produits autorisés dans la partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons.
ACF 1 A801029A Marchandises autorisées pour cette catégorie de wagons par la partie 173 de la réglementation du DOT sur les matières dangereuses et pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec la conception de la citerne (marchandise initiale : alcool).
2 A811019A
1 A841016 Toluène et produits autorisés dans la partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons.
1 A851028 Naphta léger et produits autorisés dans la partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons.
1 A861020 Alcool et produits autorisés dans la partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons.
1 A911018B Méthanol et produits autorisés dans la partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons.
Union Tank Car 2 F067034B Produits autorisés dans la partie 173 du DOT pour lesquels il n’existe pas d’exigences propres aux marchandises particulières, et marchandises non réglementées compatibles avec cette catégorie de wagons.
1 F067036B
1 F067040A
Tableau 3 : Exigences relatives aux matériaux de la citerne des wagons-citernes déraillés
Constructeur Nbre de wagons CDC Matériau des têtes (type et nuance) Épaisseur du matériau des têtes (po) Matériau de la coque (type et nuance) Épaisseur du matériau de la coque (po)
Trinity 32 L116012A ASTM A516 de nuance 70, non normalisé 7/16 AAR TC128 de nuance B, non normalisé 7/16
2 L066085 AAR TC128 de nuance B, normalisé 7/16 AAR TC128 de nuance B, normalisé 7/16
Gunderson 9 L114001 ASTM A516 de nuance 70, normalisé 0,443 AAR TC128 de nuance B, normalisé 0,438
ARI 8 F111018 ASTM A516 de nuance 70, normalisé 7/16 AAR TC128 de nuance B, non normalisé 7/16
1 F071004C ASTM A516 de nuance 70, non normalisé 7/16 AAR TC128 de nuance B, non normalisé 7/16
ACF 1 A801029A ASTM A515 de nuance 70, non normalisé 15/32 AAR TC128 de nuance B, non normalisé 7/16
2 A811019A
1 A841016
1 A851028
1 A861020
1 A911018B ASTM A516 de nuance 70, non normalisé 7/16 AAR TC128 de nuance B, non normalisé 7/16
Union Tank Car 2 F067034B ASTM A516 de nuance 70, non normalisé 15/32 AAR TC128 de nuance B, non normalisé 7/16
1 F067036B
1 F067040A

2.2 Examen sur le terrain

2.2.1

Des photos aériennes de la zone du déraillement ont été prises après l’extinction de l’incendie et pendant que les pompiers s’employaient encore à refroidir certains wagons-citernes (figure 1).

Figure 1. Vue aérienne de la zone du déraillement. Les wagons-citernes déraillés sont identifiés en fonction de leur position dans le convoi.
Vue aérienne de la zone du déraillement

2.2.2

Les opérations de dégagement des épaves ont commencé après l’extinction de l’incendie et pendant qu’une partie de la scène était toujours l’objet d’une enquête par les policiers et le coroner, donc partiellement accessible au personnel du BST. Par conséquent, il n’a pas été possible de procéder à une documentation photographique exhaustive des wagons déraillés in situ.

2.2.3

L’entrepreneur en remédiation a attribué un numéro de wagon sur le terrain à chacun des wagons-citernes déraillés. Ces numéros, peints au pistolet sur chaque wagon, sont indiqués dans le tableau 1 pour faciliter la consultation. Les wagons ont été vidés du produit qu’ils contenaient encore et déplacés vers une zone de transition aux fins de l’examen et de la documentation photographique par le personnel d’enquête du BST. L’entrepreneur en remédiation a fait savoir qu’environ un quart des wagons ont été vidés par leur trou d’homme. Pour 26 des 63 wagons-citernes déraillés, on en a vidé le contenu en découpant dans leur citerne un trou d’accès au moyen d’un équipement à jet d’eau. Le dernier wagon-citerne à dérailler, le NATX 310470, no 65 dans le convoi (ci-après « dlc » en abrégé), n’était que légèrement endommagé et a été remis sur rails, puis retiré de l’empilement au cours des opérations de dégagement des épaves.

2.2.4

L’inspection des wagons-citernes par le BST s’est déroulée durant le jour, puisqu’un équipement pour photographie de nuit n’était pas disponible. Quelques wagons-citernes ont été mis au rebut par erreur pendant les opérations nocturnes, sans que l’équipe d’enquête du BST ait pu les inspecter. Heureusement, ces wagons avaient été examinés par l’équipe du Projet de sécurité RSI-AAR, qui a accepté de partager ses photos avec le BST.

2.2.5

L’inspection des wagons-citernes déraillés par le BST a eu lieu du 15 au 26 juillet 2013. Si aucun autre examen n’était nécessaire, les wagons étaient marqués « BST », puis immédiatement libérés en vue de leur mise au rebut. Les wagons sélectionnés pour un balayage laser en trois dimensions (3D) ont reçu la marque « 3D-Hold ». Au cours de l’examen sur le terrain, des coupons ont été prélevés sur 9 wagons-citernes déraillés, sur lesquels on a indiqué l’emplacement des coupons avec de la peinture au pistolet. Après le balayage 3D ou la récupération des coupons, les wagons concernés ont à leur tour été libérés aux fins de leur mise au rebut.

2.2.6

Les résultats détaillés de l’inspection des 63 wagons-citernes déraillés sont présentés à l’annexe A (tableaux A-1 à A-63 et figures A-1 à A-63, respectivement). L’annexe B présente des photos in situ montrant l’orientation et la position relative de wagons-citernes sélectionnés.

2.3 Identification des wagons-citernes déraillés

2.3.1

Le fini extérieur et les inscriptions au pochoir de nombreux wagons-citernes ont été endommagés au cours de l’incendie qui a suivi le déraillement, ce qui a empêché d’identifier la marque et le numéro des wagons. On a pu identifier certains wagons à partir des marques estampillées sur leur longrine tronquée, leur plaque-couvercle des raccords supérieurs ou leurs têtes. La figure 2 montre des exemples représentatifs de tels marquages. La figure 2a montre la marque estampillée « TILX 316395 » sur la longrine tronquée du wagon no 33 sur le terrain, identifiant ce wagon-citerne comme étant le WFIX 130603 (un des wagons ayant reçu une nouvelle marque; se reporter au paragraphe 2.1.3 et au tableau 1). La figure 2b montre la marque estampillée « NATX 310412 » sur la plaque-couvercle des raccords supérieurs du wagon no 35 sur le terrain, identifiant ce wagon-citerne comme étant le NATX 310412. La figure 2c montre un numéro de série « R50175-182 » estampillé sur la tête du wagon no 21 sur le terrain, identifiant ce wagon-citerne comme étant le NATX 310581 (no 27 dlc).

Figure 2: Exemples représentatifs de marques estampées sur les wagons-citernes déraillés
Figure 2a. Marque estampée sur la longrine tronquée du wagon no 33 sur le terrain et l'identifiant comme le wagon-citerne WFIX 130603 (no 22 dlc)
 
Image de marque estampée sur la longrine tronquée du wagon
Figure 2b. Marque estampée sur la plaque-couvercle des raccords supérieurs du wagon no 35 sur le terrain et l'identifiant comme le wagon-citerne NATX 310412 (no 33 dlc)
Image de marque estampée sur la plaque-couvercle des raccords supérieurs du wagon no 35
Figure 2c. Marque estampée « R50175-182 » (encerclée) sur la tête du wagon no 21 sur le terrain et l'identifiant comme le wagon-citerne NATX 310581 (no 27 dlc)
 
Image de marque estampée « R50175-182 » sur la tête du wagon n<sup>o</sup> 21

2.3.2

L’AAR Manual of Standards and Recommended Practices (manuel des normes et des pratiques recommandées) exige que « tous les wagons-citernes commandés après le 31 décembre 2003 soient équipés de deux plaques d’identification en acier inoxydable identiques. Les plaques doivent être d’au moins 3/32 pouce d’épaisseur et être fixées en permanence par soudage ou attaches mécaniques à un endroit visible sur les surfaces intérieures des âmes des traverses pivots aux positions AR et BL » (traduction) Note de bas de page 6. La figure 3a montre un exemple d’une plaque d’identification AAR observée sur un wagon relativement non endommagé. La figure 3b montre un exemple représentatif d’une plaque d’identification fixée par soudage – le texte était encore lisible, même si le wagon avait été gravement endommagé par le feu. Sur certains wagons, les plaques d’identification étaient fixées par des attaches fabriquées avec un matériau à faible point de fusion. La plupart de ces plaques d’identification s’étaient détachées du wagon au cours de l’incendie qui a suivi le déraillement (exemple représentatif dans la figure 3c). Une plaque d’identification ne présentait pas les éléments de texte exigés par l’AAR (figure 3d).

Figure 3. Exemples représentatifs de plaques d'identification de citerne
Figure 3a. Plaque d'identification de citerne sur le côté intérieur de la traverse pivot BL du wagon WFIX 30682
Image du plaque d'identification de citerne sur le wagon WFIX 130682
Figure 3b. Plaque d'identification de citerne soudée sur la traverse pivot du wagon CTCX 735617
Image du plaque d'identification de citerne sur le wagon CTCX 735617
Figure 3c. Plaque d'identification de citerne détachée trouvée à côté du wagon TILX 316622
Image du plaque d'identification de citerne détachée du wagon TILX 316622
Figure 3d. Plaque d'identification de citerne avec texte manquant observée sur le wagon PROX 44428
Image du plaque d'identification de citerne sur le wagon PROX 44428

2.4 Description de la zone du déraillement

2.4.1

La voie principale croise la rue Frontenac, juste à l’ouest du branchement ouest de Mégantic. Ce branchement est un modèle no 11, armé de rails de 115 livres et à aiguillage à gauche, conçu pour une vitesse maximale de 15 mi/h. Il est situé au point milliaire 0,23, ses aiguilles orientées vers l’ouest. Le branchement se trouve dans le raccordement d’entrée d’une courbe à droite de 4,25 degrés dans la direction du mouvement. La zone du déraillement commence au point milliaire 0,23, juste à l’est du passage à niveau public de la rue Frontenac, et s’étend sur la voie principale, 3 voies de triage adjacentes et la voie ouest du triangle de virage. Les différentes voies sont indiquées par un tireté rouge dans la figure B-1. Au moment de l’accident, 2 rames de wagons couverts étaient stationnées sur les voies de triage adjacentes. La figure B-2a est une vue aérienne de la zone du déraillement montrant l’orientation des bouts A et B de chaque wagon-citerne au moment où il s’est immobilisé, ainsi que la direction de l’extrémité avant du wagon préalablement au déraillement (indiquée par des flèches rouges dans la figure B-2a). Trente-deux (32) wagons se sont immobilisés sur leur côté, 18 sont restés debout et 13 se sont renversés sens dessus dessous (figure B-2b).

2.4.2

Le wagon couvert et les 8 premiers wagons-citernes déraillés (nos 3 à 10 dlc) se sont arrêtés entre la voie principale et la voie ouest du triangle de virage (figure B-3a). Le wagon no 3 dlc s’est arrêté avec son bout B adjacent à un wagon couvert stationné sur la voie de triage 2 (figure B-3b). La figure B-3c est une photo in situ qui montre une marque sur le sol provenant des raccords supérieurs du wagon no 5 dlc. Cette marque sur le sol donne à penser que le wagon concerné a glissé sur son côté sur une certaine distance avant de s’immobiliser. La figure B-3d montre l’état des voies de triage 1 et 2 vues par l’arrière le long de la direction de cette marque sur le sol. Le rail s’est rompu en plusieurs endroits et un morceau a été courbé vers l’arrière à un angle de 180 degrés. La figure B-3e est une photo in situ montrant une marque sur le sol et une traînée de débris qui provenaient des wagons nos 8 et 9 dlc. Ces indices suggèrent que les wagons en question ont suivi une trajectoire située approximativement entre les voies de triage 2 et 3 avant de s’immobiliser. Le wagon no 10 dlc s’est arrêté avec son extrémité avant la plus proche de l’extrémité arrière du wagon no 9 dlc (figure B-2a). Cette situation laisse entendre que le wagon no 10 dlc est resté raccordé aux deux autres wagons sur une certaine distance et que son extrémité arrière a pivoté vers l’extérieur au moment du désaccouplement.

2.4.3

Les 2 wagons déraillés suivants (nos 11 et 12 dlc) se sont immobilisés sur leur côté, à peu près parallèlement à la voie ouest du triangle de virage. La traverse pivot AR du wagon no 12 dlc a été transpercée par deux rails provenant d’un aiguillage (figures A-10e, A-10f, B-4a et B-4c). On estime fort probable que ces rails ont servi d’ancrage pour le wagon déraillé. Le wagon a sans doute été poussé sur une courte distance dans la direction du mouvement, avant que les rails encastrés dans la traverse pivot empêchent tout autre mouvement. La figure A-10d est une photo in situ montrant à l’extrémité avant du wagon une pile de ballast créée par ce mouvement vers l’avant. La figure A-10d montre également les graves dommages attribuables aux chocs subis par l’extrémité arrière du wagon no 12 dlc quand il a été percuté par le wagon no 13 dlc.

2.4.4

La plupart des wagons-citernes déraillés situés derrière le wagon n0 12 dlc se sont mis en portefeuille Note de bas de page 7 en direction du triangle de virage (figures B-4b et B-4c). À mesure qu’augmentait le nombre de wagons dans la pile, certains wagons étaient poussés de force dans le sol, tandis que d’autres étaient projetés sur le côté ou finalement, sur le dessus de la pile (figures B-4b, B-5a et B-5b). Ainsi, les wagons nos 21, 43, 55, 63, 64 et 65 dlc se sont immobilisés à un léger angle par rapport à la direction du mouvement ou en parallèle avec celle-ci. La figure B-6a montre une partie de la pile où les wagons-citernes déraillés ont été partiellement enfouis et écrasés l’un contre l’autre. Dans l’empilement principal, jusqu’à trois wagons-citernes déraillés se sont empilés les uns sur les autres (figures B-6b, B-6c et B-6d). La figure B-7 montre la position relative de 3 de ces wagons (nos 38, 39 et 55 dlc) après le retrait des wagons voisins au cours des opérations de remédiation. Visiblement, ces wagons ont été fortement écrasés l’un contre l’autre. Le dernier wagon mis en portefeuille (no 62 dlc) a subi des chocs latéraux de la part des wagons nos 63 et 64.

2.5 Dommages à la coque

2.5.1

Le tableau 4 résume l’état des coques observé sur les wagons-citernes déraillés. Vingt et un (21) wagons ne présentaient aucune brèche dans leur coque. De ces 21 wagons, 4 (les wagons nos 6, 11, 64 et 65 dlc) n’avaient aucune bosselure, tandis que 17 (nos 5, 7, 8, 9, 10, 13, 16, 19, 21, 27, 29, 33, 34, 35, 36, 37 et 61 dlc) affichaient des déformations allant de bosselures localisées (figure A-5e) au flambage à grande échelle (figure A-31c). Les déformations observées sur les coques des citernes étaient le signe de chocs avec des corps allant d’objets petits et relativement pointus (attelage, traverse pivot) à de gros objets arrondis (tête d’un autre wagon).

Tableau 4 : Résumé des dommages aux coques
État Nbre de wagons touchés
Aucune bosselure 4
Déformé/bosselé, sans brèche 17
Brèches causées par des dommages attribuables aux chocs 37
Brèches causées par des ruptures thermiques 4
Inconnu Note de bas de page 8 1

2.5.2

La coque de 37 wagons-citernes présentait une ou des brèches résultant de dommages attribuables aux chocs. La figure 4 montre l’emplacement, à l’intérieur de la zone du déraillement, des wagons contenant des brèches de coque causées par des dommages attribuables aux chocs. La coque de quatre (4) wagons avait subi des ruptures thermiques – il est question plus en détail de ces wagons à la section 2.10.

Figure 4. Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches de coque résultant de dommages attribuables aux chocs
Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches de coque résultant de dommages attribuables aux chocs

2.5.3

En raison du grand nombre de wagons déraillés et du temps limité pour l’inspection de chacun d’eux, on n’a pas pu mesurer les dimensions de chaque brèche. Cependant, les brèches de coque peuvent être regroupées en trois catégories dimensionnelles qualitatives :

Le tableau 5 résume les brèches les plus grosses observées sur chaque wagon et le nombre de wagons touchés. L’emplacement des wagons avec brèches de différentes dimensions est indiqué dans la figure 5. Les brèches de coque (33 sur 37) sur la majorité des wagons qui en présentaient étaient de moyennes à grandes.

Figure 5. Photographie aérienne de wagons avec des petites (en vert), moyennes (en jaune) ou grandes (en rouge) brèches de coque
Photographie aérienne de wagons avec des petites (en vert), moyennes (en jaune) ou grandes (en rouge) brèches de coque
Tableau 5 : Dimensions des brèches de coque Note de bas de page 9
Taille de la brèche Nbre de wagons touchés No dans le convoi (dlc)
Grande 20 12, 14, 17, 20, 22, 23, 25, 28, 32, 43, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 57, 58, 62
Moyenne 13 3, 24, 30, 31, 38, 39, 40, 41, 42, 44, 46, 47, 58
Petite 4 15, 45, 55, 56

2.5.4

L’examen visuel des brèches de coque sur le terrain a révélé des caractéristiques telles que des surfaces de rupture inclinées, un aspect rugueux et une déformation plastique localisée, indiquant un mode de rupture ductile causée par des contraintes excessives. Aucun signe de défaillance par fatigue n’a été observé. Occasionnellement, la brèche était liée à une des soudures joignant les sections de coque; des exemples représentatifs à ce sujet se trouvent sur les wagons ACFX 76605, tableau A-23, et TILX 316622, tableau A-52. Cependant, de telles surfaces de rupture étaient généralement situées dans des parties extrêmement déformées de la coque, et rien n’indiquait qu’une soudure défectueuse avait contribué à la rupture.

2.5.5

Des wagons-citernes présentant divers degrés de dommages attribuables aux chocs ont été sélectionnés à des fins de mesure au moyen d’une technique de balayage laser à trois dimensions (3D), dont les résultats sont résumés dans le tableau 6 Note de bas de page 10. La coque de ces wagons présentait des dommages attribuables aux chocs allant d’un flambage localisé (wagon no 61 dlc) au flambage à grande échelle (wagons nos 25, 35, 38 et 42 dlc). Le wagon TILX 316570 (no 12 dlc) a été soumis lui aussi à un balayage, car il était représentatif d’une grande rupture causée par un choc axial (sur la tête). Cette grande rupture de coque avait une longueur mesurée de 3,9 m, pour une surface d’environ 1,1 m2.

2.5.6

L’analyse des balayages laser 3D a révélé que les citernes en question avaient subi des réductions importantes de volume, près de 40 % pour le wagon le plus déformé. Les changements transversaux dans la partie la plus déformée de la coque des wagons-citernes ont montré des réductions de jusqu’à 75 %. Quant à la longueur des wagons-citernes, on a mesuré des réductions relativement modestes, d’environ 0,5 à 2,7 %. De tels résultats ne sont pas inattendus, puisqu’il est établi que les citernes ont une plus grande complaisance sous des chocs latéraux que dans la direction axiale Note de bas de page 11. Le rayon de courbure mesuré à un pli de flambage prononcé dans la paroi du wagon WFIX 130545 était de l’ordre de 0,1 m, comparativement à un rayon de coque non endommagée de 1,524 m.

Tableau 6 : Résumé des balayages laser 3D
Paramètre Pourcentage de changement par rapport à un wagon non endommagé
(une valeur négative indique une réduction)
Wagon no 12
TILX 316570
Wagon no 25
ACFX 76605
Wagon no 35
WFIX 130545
Wagon no 38
ACFX 71505
Wagon no 42
CTCX 735572
Wagon no 61
TILX 316533
Volume de la citerne -5,52 -39,7 -26,8 -22,8 -11,2 -2,7
Longueur de la citerne -0,77 -2,76 -1,58 -2,42 -0,60 -0,51
Superficie de la section transversale de la citerne -17 A -73,6 B -52,8 B -53,3 B -17,7 B -11,5 C
A mesuré à côté de la rupture
B mesuré dans la région la plus déformée
C mesuré au pli de flambage transversal

2.6 Dommages aux têtes

2.6.1

Le tableau 7 résume l’état des têtes observé sur les wagons-citernes déraillés. Trente-deux (32) wagons ne présentaient aucune brèche dans leurs têtes. De ces 32 wagons, 4 n’avaient aucune bosselure, tandis que 28 affichaient des déformations allant de bosselures localisées (wagon no 16 dlc, figure A-14b) à des bosselures profondes s’étendant sur la plus grande partie de la tête (wagon no 20 dlc, figure A-18g). Les déformations observées sur les têtes de citerne étaient le signe de chocs avec des corps allant d’objets petits et relativement pointus (attelage, traverse pivot) à de gros objets arrondis (tête d’un autre wagon). De nombreuses bosselures étaient liées à des rainures ou à des éraflures.

Tableau 7 : Résumé des dommages aux têtes
État Nbre de wagons touchés No dans le convoi (dlc)
Aucune bosselure ni brèche 4 4, 11, 13, 65
Bosselée, sans brèche 28 5, 10, 12, 14, 16, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 30, 31, 32, 35, 37, 39, 40, 43, 47, 48, 49, 50, 51, 57, 59, 61, 64
Brèche(s) dans la partie inférieure de la tête 10 15, 19, 28, 33, 42, 45, 52, 54, 60, 63
Brèche(s) dans la partie supérieure de la tête 21 3, 6, 7, 8, 9, 17, 18, 25, 27, 29, 34, 36, 38, 41, 44, 46, 53, 55, 56, 58, 62

2.6.2

Trente et un (31) wagons contenaient au moins une brèche de tête. La figure 6 montre l’emplacement, à l’intérieur de la zone du déraillement, des wagons avec des brèches de tête. Dix (10) wagons avaient au moins une brèche dans la partie inférieure de la tête (au-dessous de la mi-hauteur). Vingt et un (21) wagons avaient une brèche dans la partie supérieure de la tête (à la mi-hauteur ou au-dessus). Plusieurs wagons présentaient une brèche sur le côté d’une tête ou près de la soudure tête-coque; ces brèches ont été comptées comme des brèches de tête. La plupart des brèches de tête mesuraient de quelques pouces à moins d’un pied. Ces brèches comprenaient des perforations par un rail (wagons nos 3 et 6 dlc, figures A-1a et A-4d), des brûlures par rail Note de bas de page 12 (wagons nos 8 et 9 dlc, figures A-6d et A-7d) et des perforations causées par des chocs avec des objets plus gros, tels des attelages, bogies ou des traverses pivots (wagons nos 19 et 27 dlc, figures A-17d et A-25a). Trois (3) wagons arboraient de grandes brèches de tête – wagon no 25 dlc (figures A-23a et A-23c), wagon no 36 dlc (figure A-34b) et wagon no 58 dlc (figure A-56a). Ces grandes brèches de tête étaient liées à une déformation et à un écrasement important de la tête et de la coque adjacente.

Figure 6. Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches de tête résultant de dommages attribuables aux chocs
Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches de tête résultant de dommages attribuables aux chocs

2.6.3

Tous les wagons (sauf les 4 non endommagés indiqués dans le tableau 7) présentaient une certaine forme de dommages attribuables aux chocs (bosselures ou brèche) dans la partie supérieure d’au moins une tête. Cette situation n’est pas inattendue, puisque la majorité de ces wagons se sont immobilisés sur leur côté ou sens dessus dessous, ce qui par conséquent rapprochait du sol la partie supérieure des têtes et augmentait le risque de choc avec des objets comme un rail, des attelages ou des traverses pivots. Il convient de noter que les têtes de certains wagons, bien que considérablement déformées, ne présentaient aucune perforation (par exemple, les wagons nos 48 et 51 dlc figures A-46b et A-49a). Cette situation est généralement liée à un écrasement important de la coque dans le voisinage de la tête, ce qui est compatible avec un choc latéral (wagon no 43 dlc, figure A-41a). Dans certains cas, les déformations importantes d’une tête et de la coque ont amené la première à se séparer de la seconde (wagon no 52 dlc, figure A-50d). Ce type de brèche a été considéré comme une grande brèche de coque et est pris en compte dans le résumé des dommages présenté au tableau 5.

2.6.4

L’examen visuel des brèches de tête sur le terrain a révélé des caractéristiques telles que des surfaces de rupture inclinées, un aspect rugueux et une déformation plastique localisée, indiquant un mode de rupture ductile causée par des contraintes excessives. Aucun signe de défaillance par fatigue n’a été observé.

2.7 Dommages aux raccords supérieurs

2.7.1

Le tableau 8 résume l’information pertinente relative aux raccords supérieurs installés sur les wagons-citernes déraillés. Tous les wagons en question étaient équipés d’un manchon et d’une bride (plaque-couvercle) de déchargement par le haut auxquelles étaient fixés plusieurs raccords. Sur les 32 wagons construits selon le CDC L116012A, l’enceinte des raccords supérieurs constituait une structure protectrice conforme aux exigences de l’AAR en matière de protection des raccords supérieurs pour les wagons-citernes non pressurisés Note de bas de page 13. Les structures de protection des discontinuités supérieures « doivent être aussi hautes que le raccord le plus haut concerné,assurer la protection de ces raccords sans imposer de contraintes excessives à la paroi et aux manchons de la citerne lorsque ces structures sont soumises à des forces de 1/2 W dans la direction descendante verticale, de 1 W à l’horizontale dans la direction longitudinale et de 1/2 W à l’horizontale dans la direction latérale » (traduction); où W (symbole provenant de l’anglais « weight ») correspond à la charge brute de conception exercée sur le rail par le wagon, à l’exclusion de ses bogies Note de bas de page 14. Les 31 autres wagons étaient équipés d’enceintes protectrices à charnières faites d’un matériau d’une épaisseur minimale de 0,119 pouce, comme le prescrit la disposition 179.200-16(g) du titre 49 du CFR.

Tableau 8 : Information relative aux raccords supérieurs
Constructeur Nbre de wagons CDC Dispositif de déchargement par le haut Type de protection
Trinity 32 L116012A Manchon multi-enceinte de 20 po de diamètre avec plaque-couvercle boulonnée, soupapes à bille de 3 et de 2 po, soupape casse-vide et soupape de décharge de pression Enceinte en acier au carbone à paroi de 3/4 po d’épaisseur avec couvercle plat à charnières de 1/4 po d’épaisseur, conforme aux exigences de l’AAR pour la protection des discontinuités supérieures
2 L066085 Manchon multi-enceinte de 15 po de diamètre avec plaque-couvercle boulonnée, soupapes à bille de 2 po et de 1 po et soupape casse-vide Enceinte protectrice à charnières à dessus plat, d’une épaisseur de 0,1198 po
Gunderson 9 L114001 Manchon et bride de déchargement par le haut de 15 po de diamètre avec soupapes à bille de 3 et de 2 po Enceinte protectrice à charnières à dessus plat
ARI 9 F111018 Manchon et bride de déchargement par le haut de 15 po de diamètre avec soupape à bille de 3 po, dispositif d’entrée d’air et soupape casse-vide Enceinte protectrice à charnières à dessus plat
1 F071004C
ACF 1 A801029A Manchon et bride de déchargement par le haut de 15 3/8 po de diamètre avec soupapes à bille de 2 po et de 1 po et soupape casse-vide Enceinte protectrice à charnières en forme de dôme, d’une épaisseur de 0,1198 po
2 A811019A
1 A861020
1 A911018B
1 A841016 Manchon et bride de déchargement par le haut de 19 3/4 po de diamètre avec soupape à bille de 3 po, dispositif d’entrée d’air et soupape casse-vide Enceinte protectrice à charnières à dessus plat, d’une épaisseur de 0,1198 po
1 A851028
Union Tank Car 2 F067034B Manchon et bride de déchargement par le haut avec dispositifs de siphonage et d’entrée d’air Enceinte protectrice à charnières à dessus plat
1 F067036B
1 F067040A

2.7.2

La figure A-28e (wagon no 30 dlc) montre un exemple représentatif d’une enceinte de protection des discontinuités supérieures ne présentant pas de dommage. Les figures A-56e et A-61f (wagons nos 58 et 63 dlc, respectivement) sont des exemples représentatifs des enceintes protectrices à charnières.

2.7.3

Le tableau 9 résume les dommages aux raccords supérieurs observés sur les 32 wagons équipés d’enceintes de protection des discontinuités supérieures. Vingt-sept (27) wagons ont subi une certaine forme de dommages attribuables aux chocs à l’enceinte protectrice. Les raccords de 4 wagons dont l’enceinte était endommagée étaient sectionnés ou autrement compromis. Dans le cas de 3 wagons avec brèche à leurs raccords supérieurs (wagons nos 31, 32 et 54 dlc), la paroi et le couvercle de l’enceinte s’étaient séparés de la plaque-couvercle du manchon de déchargement par le haut (figures A-29e, A-30e et A-52e). Sur le quatrième wagon (no 52 dlc), la paroi de l’enceinte protectrice était déformée et le couvercle s’était détaché par suite de dommages attribuables aux chocs (figure A-50g).

2.7.4

Le tableau 10 résume les dommages aux raccords supérieurs des 31 wagons dotés d’une enceinte protectrice. L’enceinte protectrice sur 26 wagons avait subi des dommages attribuables aux chocs ou manquait. Les raccords supérieurs de 16 wagons présentaient une brèche résultant de ces dommages. On trouve sur les wagons CTCX 735629 (no 24 dlc, figure A-22e) et NATX 303128 (no 41 dlc, figure A-39f) des exemples représentatifs d’enceintes protectrices endommagées par un impact. La figure 7 montre l’emplacement, dans la zone du déraillement, des wagons avec brèche à leurs raccords supérieurs.

Figure 7. Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches aux raccords supérieurs résultant de dommages attribuables aux chocs
Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches aux raccords supérieurs résultant de dommages attribuables aux chocs
Tableau 9 : Dommages aux raccords supérieurs sur les wagons munis d’une enceinte de protection des discontinuités supérieures
État Nbre de wagons touchés No dans le convoi (dlc)
Enceinte ne présentant aucun dommage attribuableaux chocs visible 5 10, 11, 30, 35, 64
Enceinte avec dommages attribuables aux chocs et couvercle encore en place 20 3, 4, 5, 6, 12, 14, 16, 18, 19, 22, 34, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50 55, 61
Enceinte avec dommages attribuables aux chocs et couvercle manquant 4 23, 29, 43, 52
Enceinte manquante 3 31, 32, 54
Brèche aux raccords supérieurs 4 31, 32, 52, 54
Tableau 10 : Dommages aux raccords supérieurs sur les wagons munis d’une enceinte protectrice
État Nbre de wagons touchés No dans le convoi (dlc)
Enceinte ne présentant aucun dommage attribuable aux chocs visible 4 56, 60, 63, 65
Enceinte avec dommages attribuables aux chocs 12 8, 9, 20, 24, 26, 28, 33, 39, 42, 51, 53, 58
Enceinte manquante 14 7, 13, 15, 17, 21, 25, 27, 36, 37, 38, 40, 41, 57, 62
Brèche aux raccords supérieurs 16 7, 13, 15, 17, 21, 25, 26, 33, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 57, 62
Inconnu Note de bas de page 15 1 59

2.8 Dommages aux DDP

2.8.1

Les dispositifs de décharge de pression (DDP) ont pour fonction d’empêcher la montée de la pression interne au-delà d’une valeur prescrite, montée résultant d’une exposition à des conditions anormales. La réglementation fédérale exige que la pression de début de décharge (pression DD) d’un DDP ne soit pas inférieure à une pression de 75 lb/po² au manomètre Note de bas de page 16 ou ne dépasse pas 33 pour cent de la pression d’éclatement minimale de la citerne Note de bas de page 17. Comme les wagons-citernes DOT 111A100W1 ont une pression d’éclatement minimale de la citerne de 500 lb/po² au manomètre Note de bas de page 18, leur pression DD maximale est de 165 lb/po² au manomètre. Dans le cas présent, le DDP sur 48 wagons avait une pression DD de 75 lb/po² au manomètre; sur les 18 autres wagons, cette pression était de 165 lb/po² (tableau 11). Les 7 wagons construits par ACF comptaient 2 DDP placés de chaque côté de l’enceinte protectrice des raccords supérieurs et du trou d’homme. Les autres wagons possédaient 1 DDP. Le DDP des 32 wagons construits selon le CDC L116012A était fixé à la plaque-couvercle du manchon multi-enceinte des raccords supérieurs, à l’intérieur de l’enceinte de protection des discontinuités supérieures. Sur les 31 autres wagons, les DDP étaient fixés à un manchon de soupape de sécurité lui-même attaché au sommet de la citerne.

2.8.2

En plus de différentes pressions DD, les DDP sont conçus avec différentes capacités de débit. Un DDP qui permet d’évacuer un produit à un débit supérieur à 27 000 pcsm Note de bas de page 19 est considéré comme ayant un haut débit. Dans le cas présent, 22 wagons étaient équipés de DDP assurant un débit réel supérieur à 27 000 pcsm, y compris les 15 wagons avec une pression DD de 165 lb/po² au manomètre. La pression DD et la capacité de débit déterminent ensemble l’efficacité avec laquelle le DDP peut réduire la pression dans un wagon-citerne.

2.8.3

Au cours d’un déraillement, les DDP peuvent se retrouver dans l’espace liquide d’un wagon-citerne en raison de l’orientation de celui-ci après le déraillement. Il convient de noter que les soupapes de décharge de pression conçues pour le service compressible (vapeur) peuvent ne pas fournir les mêmes caractéristiques opérationnelles qu’en service liquide; les liquides, en effet, ne fournissent pas les forces d’expansion propres aux vapeurs Note de bas de page 20. Cette réalité doit être prise en considération quand on calcule la capacité d’un DDP à évacuer la pression sur un wagon renversé sens dessus dessous. L’AAR exige que le coefficient de décharge Note de bas de page 21 soit de 0,8 pour les vapeurs et de 0,6 pour les liquides. Il est permis d’utiliser d’autres coefficients de décharge si les données réelles sur les essais de débit le justifient Note de bas de page 22.

Tableau 11 : Information relative aux DDP
Constructeur Nbre de wagons CDC Nbre de DDP Pression de début de décharge (en lb/po² au manomètre) Capacité de débit réelle (en pcm)
Trinity 32 L116012A 1 75 20 464
2 L066085 1 165 35 608
Gunderson 9 L114001 1 165 38 902
ARI 8 F111018 1 75 20 605
1 F071004C 1 75 20 605
ACF 1 A801029A 2 75 35 660
2 A811019A 2 75 35 660
1 A841016 2 75 35 660
1 A851028 2 75 35 660
1 A861020 2 75 35 660
1 A911018B 2 75 33 808
Union Tank Car 2 F067034B 1 165 38 902
1 F067036B 1 165 38 902
1 F067040A 1 165 38 902

2.8.4

Les DDP de 12 wagons déraillés présentaient une brèche causée par des dommages attribuables aux chocs. Des 32 wagons avec DDP situé à l’intérieur de l’enceinte de protection des discontinuités supérieures, seulement 3 comptaient un DDP avec brèche (wagons nos 31, 32 et 54 dlc – voir les figures A-29e, A-30e et A-52e). Par ailleurs, sur 9 des 31 wagons munis de DDP non protégés, ceux-ci présentaient une brèche (wagons nos 21, 24, 25, 33, 37, 38, 56, 57 et 62 dlc – voir les figures A-19e, A-22e, A-23h, A-31f, A-35g, A-36h, A-54f, A-55e et A-60f). La figure 8 indique l’emplacement, à l’intérieur de la zone du déraillement, des wagons dont les DDP présentaient une brèche.

Figure 8. Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches aux DDP résultant de dommages attribuables aux chocs
Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches aux DDP résultant de dommages attribuables aux chocs

2.9 Dommages aux robinets de déchargement par le bas (RDB)

2.9.1

Les wagons-citernes déraillés possédaient différents types de RDB et de protection dans le bas. Six (6) wagons (nos 17, 25, 36, 38, 39 et 58 dlc) étaient équipés d’un robinet interne à tournant à fermeture automatique, avec une bride de fixation conique satisfaisant aux exigences de niveau A de l’AAR en matière de protection Note de bas de page 23. Tous les autres wagons-citernes (57) étaient munis d’un robinet externe avec soupape à bille de 4 po ainsi que d’un dispositif de protection contre le glissement moulé ou mécano-soudé, en conformité avec les exigences de l’AAR Note de bas de page 24.

2.9.2

Le tableau 12 résume les dommages aux robinets de déchargement par le bas observés sur les wagons déraillés. Sur 26 wagons, les dispositifs de protection contre le glissement avaient subi une certaine forme de dommages attribuables aux chocs, dans la plupart des cas une déformation ou une fissuration causée par des chocs latéraux (voir un exemple représentatif à la figure A-40f). Le dispositif de protection contre le glissement de 4 wagons (nos 45, 51, 52 et 57 dlc) présentait d’importants dommages attribuables aux chocs, tels qu’une rupture ou la séparation des soudures entre le dispositif et la coque. Il convient de noter que la coque de ces wagons était considérablement déformée dans le voisinage du dispositif de protection contre le glissement, indication que la citerne avait été soumise à des forces attribuables aux chocs élevées (voir un exemple représentatif dans la figure A-49g). Un examen visuel sur le terrain des surfaces de rupture des dispositifs de protection contre le glissement a révélé des caractéristiques compatibles avec un mode de défaillance causée par des contraintes excessives.

Tableau 12 : Résumé des dommages aux robinets de déchargement par le bas
Dispositif de protection contre le glissement Ensemble de la poignée Manchon du RDB
État Nbre de wagons touchés État Nbre de wagons touchés État Nbre de wagons touchés
Aucun dommage attribuable aux chocs 29 Aucun dommage attribuable aux chocs 18 Aucun dommage attribuable aux chocs 25
Endommagé par un choc 26 Déformé ou endommagé par un choc 21 Cisaillé, laissant à découvert la soupape à bille du RDB Note de bas de page 25 33
Wagon sans dispositif de protection contre le glissement 6 Manquant 22 headers="e3 mr-1"Cisaillé, laissant à découvert le tournant du RDB 3
Inconnu Note de bas de page 26 2 Inconnu 2 Inconnu 2

2.9.3

L’AAR exige que « la poignée du robinet de déchargement par le bas, sauf si elle est rangée séparément,soit conçue de manière qu’aux chocs elle se déforme ou se libère par rupture, ou que, dans la position fermée, elle soit située au-dessus de la surface inférieure du dispositif de protection contre le glissement » (traduction) Note de bas de page 27. Dans le cas présent, sur 43 wagons, l’ensemble de la poignée du RDB était déformé, endommagé par un choc ou manquant (tableau 12).

2.9.4

Sur 36 wagons, le manchon du RDB avait été cisaillé à la bride de fixation (point de rupture prévu), laissant ainsi à découvert la soupape à bille (33 wagons) ou le tournant (3 wagons) du RDB. Les tournants à découvert étaient fermés sans aucun signe de fuite (wagons nos 36, 39 et 58 dlc, figures A-34f, A- 37g et A-56g). Cependant, sur 7 des 33 wagons où les soupapes à billes étaient à découvert (wagons nos 23, 34, 35, 45, 46, 61 et 64 dlc), la bille était ouverte en tout ou en partie ou laissait fuir visiblement du produit (voir les figures A-21h, A-32f, A-33h, A-43f, A-44d, A-59h et A-62g). On a remarqué que, sur ces mêmes wagons, l’ensemble de la poignée était endommagé ou manquant. La figure 9 montre l’emplacement, à l’intérieur de la zone du déraillement, des 7 wagons dont le RDB présentait une brèche. Ces wagons-citernes se sont immobilisés sur leur flanc droit (wagons nos 23 et 34 dlc) ou en position debout (wagons nos 35, 45, 46, 61 et 64 dlc). Par conséquent, la brèche créée par la bille en partie ou totalement ouverte du RDB aurait permis au produit de se déverser.

Figure 9. Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches aux RDB résultant de dommages attribuables aux chocs
Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches aux RDB résultant de dommages attribuables aux chocs

2.9.5

Des résidus du produit ont été observés sur l’extérieur du manchon du RDB de certains wagons (nos 15 et 37 dlc - voir les figures A-13h et A-35f) et sur la soupape à bille à découvert (wagons nos 8, 16, 49 et 55 dlc – voir les figures A-6h, A-14f, A-47d et A-53h), ce qui donne à penser qu’une certaine quantité du produit a suinté hors de ces RDB.

2.9.6

Généralement, des joints d’étanchéité élastomériques sont utilisés avec les RDB. Une chaleur excessive dégrade progressivement les élastomères et en détériore la performance. Les joints d’étanchéité exposés à des températures élevées ou à une chaleur prolongée peuvent connaître une défaillance prématurée qui conduit à des fuites. Une température au-dessus de 350 °F (177 °C) est considérée comme une température élevée pour ce type de matériau Note de bas de page 28. La documentation disponible fait état de températures de l’ordre de 900 à 1100 °C sévissant au sein de feux en nappe Note de bas de page 29. Ainsi, il est probable que le suintement observé sur les RDB en question résulte des dommages à haute température causés aux joints d’étanchéité des RDB lors de l’incendie qui a suivi le déraillement.

2.10 Ruptures thermiques

2.10.1

Une rupture thermique se produit quand un wagon-citerne est exposé à des températures élevées, comme celles résultant d’un incendie consécutif à un déraillement. À mesure qu’augmente la température à l’intérieur de la citerne, le produit se vaporise, entraînant un accroissement de sa pression interne ainsi que des contraintes dans la paroi de la citerne. Avec la hausse des températures, la résistance des alliages métalliques diminue alors que leur ductilité augmente, bien qu’on puisse rencontrer divers phénomènes de fragilisation Note de bas de page 30. À terme, si la pression interne n’est pas évacuée par le DDP, la citerne se rompt quand les contraintes dans la paroi dépassent la résistance à la rupture du matériau de la citerne. De telles ruptures sont particulièrement énergétiques en raison de la libération soudaine de la pression accumulée, ce qui se traduit par de grandes boules de feu.

2.10.2

Les systèmes de protection thermique pour les wagons-citernes sont constitués de divers matériaux ou revêtements isolants qui peuvent être recouverts d’une enveloppe externe en acier. Une fois installé sur un wagon-citerne, le système de protection thermique doit empêcher tout rejet du contenu du wagon (sauf par le DDP) durant 100 minutes dans le cas d’un feu en nappe et 30 minutes dans le cas d’un feu de torche Note de bas de page 31. Dans le cas présent, aucun des wagons-citernes déraillés ne possédait une protection thermique, qui n’était pas exigée au moment de la construction du wagon.

2.10.3

Quatre (4) wagons déraillés comportaient des ruptures de coque longitudinales qui ont été reconnues comme des ruptures thermiques (se reporter au tableau 4). Des observations détaillées de ces wagons sont présentées dans les tableaux A-2, A-16, A-24 et A-61; le tableau 13 en résume les points saillants. En comparant l’emplacement de chaque rupture thermique à l’orientation du wagon après son immobilisation, on a déterminé que toutes ces ruptures étaient situées dans l’espace vapeur de la citerne.

2.10.4

La figure 10 montre l’emplacement, à l’intérieur de la zone du déraillement, des wagons avec ruptures thermiques. Le wagon WFIX 130608 (no 4 dlc) a été exposé au produit en feu qui s’est échappé par les perforations dans le wagon adjacent TILX 316547 (no 3 dlc). Les 3 autres wagons se sont arrêtés contre l’empilement principal et ont été exposés au grand feu en nappe qui a suivi le déraillement. Le wagon no 4 dlc ne comportait aucune autre brèche qui aurait pu contribuer à évacuer la pression interne (tableau 13). Les 3 autres wagons comportaient de petites brèches qui auraient pu évacuer une certaine partie de la pression accumulée.

Figure 10. Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches résultant de ruptures thermiques
Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec brèches résultant de ruptures thermiques
Tableau 13 : Wagons avec ruptures thermiques
No dans le convoi (dlc) Marque Orientation du wagon déraillé Emplacement de la rupture thermique Autre brèche dans la citerne?
4 WFIX 130608 Côté gauche Côté droit Non
18 TILX 316333 Côté droit Côté gauche Petite perforation dans la tête du bout B
26 PROX 44293 Sens dessus dessous Côté supérieur gauche Raccord supérieur plié
63 NATX 310515 Debout et incliné à droite Côté supérieur gauche Petite perforation dans la tête du bout A

2.10.5

Le tableau 14 résume l’information relative aux DDP installés sur les wagons avec ruptures thermiques. Deux wagons possédaient un DDP dont la pression de déclenchement de décharge (pression DD) était de 75 lb/po² au manomètre, tandis qu’elle était de 165 lb/po² sur les 2 autres wagons. En comparant l’emplacement du DDP de chaque wagon à l’orientation de celui-ci après son immobilisation, on a déterminé que le DDP des 4 wagons en question se trouvait dans l’espace liquide de la citerne.

Tableau 14 : DDP sur les wagons avec ruptures thermiques
Nodans le convoi (dlc) Marque Nbre de DDP Pression de déclenchement de décharge (en lb/po² au manomètre) Capacité de débit réelle (en pcm)
4 WFIX 130608 1 75 20 464
18 TILX 316333 1 75 20 464
26 PROX 44293 1 165 38 902
63 NATX 310515 1 165 38 902

2.10.6

L’analyse des données du balayage laser 3D Note de bas de page 32 du wagon WFIX 130608 a révélé une rupture thermique de 4,4 m de longueur et d’environ 2,5 m2 de surface. La longueur de ce wagon avait été réduite d’environ 0,29 % par rapport à celle d’un wagon non endommagé. La partie de la citerne éloignée de la rupture thermique présentait une légère augmentation de volume d’environ 1,5 % par rapport à un wagon non endommagé. La longueur des ruptures thermiques dans les 3 autres wagons a été estimée sur le terrain à environ 1,6 m pour le wagon NATX 310515 et à 2,4 m pour les wagons PROX 44293 et TILX 316333.

2.10.7

Les ruptures en traction causées par la surchauffe rapide d’un récipient sous pression présentent de façon générale un renflement de la paroi dans les régions adjacentes à la rupture et une réduction manifeste de l’épaisseur de la paroi (rupture à bords minces). Une surchauffe prolongée et une exposition à l’oxydation ou à d’autres conditions de fragilisation peuvent entraîner des ruptures à bords épais et un léger renflement Note de bas de page 33. Dans le cas présent, les ruptures thermiques sur les wagons nos 4 et 26 dlc présentaient des caractéristiques compatibles avec une rupture à bords minces (figures A-2c et A-24e), tandis que celles des wagons nos 18 et 63 dlc étaient plus représentatives de ruptures à bords épais (figures A-16f et A-61e). Comme les 4 wagons étaient situés dans différentes parties de l’incendie qui a suivi le déraillement, ils ont sans doute connu différentes conditions d’exposition. De plus, les wagons nos 18, 26 et 63 dlc comportaient de petites brèches qui ont pu permettre d’évacuer une partie de la pression accumulée, tandis que le wagon no 4 dlc ne comportait pas de telles brèches. Cela pourrait expliquer pourquoi les wagons nos 18, 26 et 63 dlc présentaient de plus petites ruptures thermiques que le wagon no 4 dlc.

2.11 Dommages aux trous d’homme

2.11.1

Les wagons déraillés étaient équipés de couvercles de trou d’homme à charnières et boulonnés. Sur 13 de ces wagons, le couvercle de trou d’homme était ouvert quand l’équipe d’enquête du BST a inspecté le wagon mis en transition. Des photos aériennes et in situ indiquent que ces couvercles étaient fermés quand les wagons se sont immobilisés et qu’ils ont été ouverts par la suite au cours des opérations de remédiation.

2.11.

Le tableau 15 résume l’état des trous d’homme. Le couvercle de trou d’homme de 2 wagons s’était détaché à la suite de dommages attribuables aux chocs (wagons nos 16 et 21 dlc, figures A-14g et A-19f). Le wagon TILX 316379 (no 16 dlc) s’est immobilisé sur son côté gauche et le wagon NATX 310477 (no 21 dlc), sens dessus dessous. Par conséquent, les deux wagons auraient déversé leur produit par le trou d’homme ouvert. Un couvercle de trou d’homme a été partiellement consumé par l’incendie qui a suivi le déraillement (wagon no 38 dlc, figure A-36h).

Tableau 15 : Résumé des dommages aux trous d’homme
État Nbre de wagons touchés
Couvercle manquant 2
Aucun dommage attribuable aux chocs visible 34
Charnière, boulons ou goujons déformés ou cassés 22
Inconnu Note de bas de page 34 5

2.11.3

Sur 22 wagons, les charnières, les boulons ou les oreilles du couvercle de trou d’homme présentaient des dommages attribuables aux chocs qui auraient probablement pu compromettre l’étanchéité. En plus de ces dommages attribuables aux chocs, on estime très probable que le joint d’étanchéité du trou d’homme de la plupart des wagons a été endommagé par une exposition à l’incendie qui a suivi le déraillement. De fait, certains wagons présentaient un intervalle visible ou des résidus de produit entre le manchon et le couvercle du trou d’homme, ce qui suggère que du produit s’est échappé par le trou d’homme (voir un exemple représentatif à la figure A-59f).

2.12 Perçage par brûlure

2.12.1

Treize (13) wagons présentaient, sous forme de trous de brûlure, des dommages extrêmes causés par le feu Note de bas de page 35. La figure 11 indique l’emplacement de ces wagons à l’intérieur de la zone du déraillement. On en trouve des exemples représentatifs dans les figures A-33e, A-36h, A-46c et A-59e (wagons nos 35, 38, 48 et 61 dlc, respectivement). Les trous de brûlure avaient des bords ébréchés et la paroi de la citerne était visiblement amincie autour des perforations. Dans certains cas, le matériau de la citerne autour de la perforation contenait des fissures fragiles et pouvait facilement être détaché à la main.

Figure 11. Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec trous de brûlure
Photographie aérienne de wagons (en rouge) avec trous de brûlure

2.12.2

L’examen métallurgique d’un coupon représentatif contenant un trou de brûlure a révélé que le matériau de la citerne avait subi une cémentation (enrichissement en carbone) et une oxydation, ce qui est compatible avec une exposition à du pétrole brut et à l’air à des températures élevées au cours de l’incendie qui a suivi le déraillement. On en a conclu que ces réactions étaient probablement responsables de la perte de matériau à l’origine du trou de brûlure Note de bas de page 36.

2.13 Dommages aux longrines tronquées et aux attelages

2.13.1

L’AAR Manual of Standards and Recommended Practices précise les exigences à satisfaire pour la fixation de la longrine tronquée, de la plaque de renfort et de la citerne. Les longrines tronquées doivent être fixées aux plaques de renfort, elles-mêmes fixées à la citerne d’une manière que « la gorge des soudures joignant la longrine à la plaque de renfort ait une section totale qui ne dépasse pas 85 % de la section de gorge totale des soudures joignant la plaque de renfort à la citerne. On peut modifier ces sections de gorge par des valeurs équivalentes si la procédure de soudage diffère pour chaque zone de soudure considérée, et aussi pour des considérations liées à la résistance du matériau de base » (traduction) Note de bas de page 37. Il existe aussi des exigences relatives à l’agrandissement de la plaque de renfort de chaque côté de la fixation de la longrine tronquée et au niveau de la fixation de la cale de bout de citerne Note de bas de page 38. Ces exigences visent à ce que, si une longrine tronquée est surchargée, la séparation se produise entre la longrine et la plaque de renfort plutôt qu’au niveau de la citerne.

2.13.2

Le tableau 16 résume l’information relative aux longrines tronquées fournie dans le CDC des wagons déraillés. Tous les dessins des longrines tronquées en question incorporaient une cale de bout de citerne, sauf les longrines tronquées de type ACF. L’AAR Manual of Standards and Recommended Practices exige que tous les wagons-citernes transportant des marchandises réglementées soient équipés d’attelages à double plateau Note de bas de page 39. Tous les wagons-citernes en question étaient équipés de tels attelages.

Tableau 16 : Information relative aux longrines tronquées
Constructeur Nbre de wagons CDC Type de longrine tronquée
Trinity 32 L116012A TRN 023
2 L066085 TRN 023
Gunderson 9 L114001 GUN-001
ARI 8 F111018 ARI 300
1 F071004C ARI 300
ACF 1 A801029A ACF
2 A811019A ACF
1 A841016 ACF
1 A851028 ACF
1 A861020 ACF
1 A911018B ACF
Union Tank Car 2 F067034B UTL ZBG
1 F067036B UTL ZBG
1 F067040A UTL ZBG

2.13.3

Le tableau 17 résume les dommages attribuables aux chocs observés sur les longrines tronquées et les attelages des wagons-citernes déraillés. Seulement 5 wagons ne présentaient aucun de ces dommages. Sur tous les autres (58), au moins une longrine tronquée ou un attelage était endommagé. La plupart (46) étaient endommagés aux deux bouts. Onze (11) présentaient des dommages à une longrine tronquée ou aux deux, mais les attelages étaient intacts. Quarante-sept (47) montraient des dommages à la fois aux longrines tronquées et aux attelages. Parmi les exemples représentatifs de ce type de dommages, mentionnons une longrine tronquée déformée (figure A-11a, wagon no 13 dlc), une mâchoire détachée (figure A-17d, wagon no 19 dlc), une longrine tronquée et un attelage cassés (figure A-51f, wagon no 53 dlc). On a noté que même les 2 derniers wagons déraillés (wagons nos 64 et 65 dlc) montraient des dommages attribuables aux chocs à leurs longrines tronquées et à leurs attelages (tableaux A-62 et A-63).

Tableau 17 : Résumé des dommages aux longrines tronquées et aux attelages
État Nbre de wagons touchés Nbre de wagons avec dommages seulement aux longrines tronquées Nbre de wagons avec dommages aux longrines tronquées et aux attelages
Aucun dommage attribuable aux chocs 5 Sans objet Sans objet
Dommages attribuables aux chocs à un bout 12 4 8
Dommages attribuables aux chocs aux deux bouts 46 7 39

2.13.4

Neuf (9) wagons-citernes déraillés affichaient des dommages aux fixations des longrines tronquées. La longrine tronquée au bout A du wagon ACFX 76605 (wagon no 25 dlc) s’était séparée de sa plaque de renfort avant (figure A-23c). Les wagons TILX 316319, CTCX 735617 et TILX 316533 (wagons nos 50, 51 et 61 dlc) comportaient des séparations au niveau des fixations entre la cale de bout de citerne et la plaque de renfort avant de la longrine ou entre la longrine tronquée et la cale de bout de citerne (figures A-48b, A-49b et A-59b). Sur les wagons PROX 44293, TILX 316523, TILX 316613 et TILX 16622 (wagons nos 26, 46, 47 et 54 dlc), la plaque de renfort avant de la longrine s’était séparée de la citerne à la soudure d’angle (figures A-24b, A-44a, A-45b et A-52b).

2.13.5

Le bout A du wagon WFIX 130664 (wagon no 44 dlc) contenait aussi une séparation à la soudure d’angle entre la plaque de renfort avant de la longrine et la citerne. Cette fissure s’était propagée à la soudure d’angle de la plaque de renfort de la traverse pivot et dans la soudure tête-coque, faisant une brèche dans la citerne en deux endroits (figures A-42b et A-42c). Selon l’analyse des données du balayage laser 3D du wagon WFIX 130664, la brèche dans le bas de la citerne mesurait 0,50 m de longueur et 0,11 m de largeur Note de bas de page 40. La brèche dans le haut de la citerne mesurait 0,25 m de longueur et 0,03 m de largeur. L’écart entre la plaque de renfort avant de la longrine détachée et la surface de la tête était d’environ 5,3 cm. Il y avait une grande bosselure dans la partie gauche de la tête au bout A, près de la séparation de la plaque de renfort avant de la longrine. Cette bosselure avait une superficie d’environ 2,8 m2 et un volume de 0,64 m3.

3.0 Discussion

3.1 Résumé des brèches sur les wagons-citernes

3.1.1

Le tableau 18 résume les divers types de brèches observées sur chaque wagon-citerne déraillé. Quatre (4) wagons-citernes ne présentaient aucune brèche visible (wagons nos 5, 10, 11 et 65 dlc). Des 59 wagons avec brèches, 33 (56 %) en affichaient plus d’un type.

Tableau 18 : Types de brèches observées sur chaque wagon-citerne Note de bas de page 41
Position (no) dans le convoi (dlc) Marque du wagon Numéro du wagon Type de brèche
Tête Coque Raccords supérieurs DDP Trou d’homme RDB Rupture thermique
3 TILX 316547 x x          
4 WFIX 130608             x
5 TILX 316359              
6 TILX 316338 x            
7 NATX 310428 x   x        
8 CTCX 735541 x            
9 DBUX 303879 x            
10 WFIX 130682              
11 TILX 316641              
12 TILX 316570   x          
13 NATX 310457     x        
14 WFIX 130638   x          
15 NATX 310473 x x x        
16 TILX 316379         x    
17 ACFX 79709 x x x        
18 TILX 316333 x           x
19 TILX 316549 x            
20 CTCX 735527   x          
21 NATX 310477     x x x    
22 WFIX 130603   x          
23 TILX 316556   x       x  
24 CTCX 735629   x x x      
25 ACFX 76605 x x x x      
26 PROX 44293     x       x
27 NATX 310581 x            
28 PROX 44202 x x          
29 TILX 316234 x            
30 TILX 316584   x          
31 WFIX 130571   x x x      
32 TILX 316330   x x x      
33 NATX 310412 x   x x      
34 TILX 316317 x         x  
35 WFIX 130545           x  
36 ACFX 79698 x   x        
37 NATX 302784     x x      
38 ACFX 71505 x x x x      
39 ACFX 71121   x          
40 CTCX 735537   x x        
41 NATX 303128 x x x        
42 CTCX 735572 x x          
43 WFIX 130616   x          
44 WFIX 130664 x x          
45 WFIX 130630 x x       x  
46 TILX 316523 x x       x  
47 TILX 316613   x          
48 TILX 316616   x          
49 TILX 316206   x          
50 TILX 316319   x          
51 CTCX 735617   x          
52 TILX 316572 x x x        
53 CTCX 735526 x x          
54 TILX 316622 x x x x      
55 WFIX 130585 x x          
56 NATX 310508 x x   x      
57 CTCX 735525   x x x      
58 ACFX 79383 x x          
59 PROX 44428   x          
60 PROX 44150 x            
61 TILX 316533           x  
62 ACFX 94578 x x x x      
63 NATX 310515 x           x
64 TILX 316528           x  
65 NATX 310470              

3.1.2

Le tableau 19 résume le nombre total de wagons présentant chaque type de brèche. Les brèches de coque (37 wagons) ont été la cause la plus fréquemment observée du rejet de produit, suivie par les brèches de tête (31 wagons), et les brèches aux raccords supérieurs et aux DDP (20 et 12 wagons, respectivement). Les brèches de RDB (7 wagons), les ruptures thermiques (4 wagons) et les brèches de trou d’homme (2 wagons) étaient les causes les moins fréquentes du rejet de produit.

Tableau 19 : Résumé des dommages aux wagons-citernes
Type de brèche Nbre de wagons touchés
Coque 37
Tête 31
Raccords supérieurs 20
DDP 12
RDB 7
Rupture thermique 4
Trou d’homme 2

3.2 Rejet par les brèches de coque et de tête sur les wagons-citernes

3.2.1

Dans le présent déraillement, les brèches de coque constituaient le type de dommage le plus fréquemment observé. La taille de ces brèches variait de petite (quelques pouces de diamètre) à grande (semblable au diamètre de la citerne). Pour la majorité des brèches de coque (20 sur 37, soit 54 %), leur taille était semblable au diamètre du wagon. Ainsi, du point de vue de leur taille (coupe transversale) et du nombre de wagons touchés, les brèches de coque ont été les plus importants contributeurs au rejet de produit. On estime que, sur les wagons présentant de grandes brèches de coque, le rejet du chargement aurait été presque instantané. Par conséquent, le nombre élevé de brèches de coque a contribué à la taille importante de la boule de feu et du feu en nappe au cours du présent déraillement. Après l’extinction de l’incendie, le rejet par de petites brèches de coque, bien que non instantané, a contribué à l’alimentation du feu en nappe et au déversement de produit.

3.2.2

Les brèches de tête, qui ont touché 31 wagons (tableau 19), étaient le deuxième type de dommage le plus fréquent. Ces brèches étaient en général plus petites que les brèches de coque, allant de quelques pouces à environ 1 pied de diamètre. Elles auraient également contribué à l’alimentation du feu en nappe et au déversement de produit.

3.2.3

Les têtes et la coque des wagons-citernes déraillés étaient fabriquées d’acier de 7/16 à 15/32 pouce d’épaisseur, ce qui est plus mince que l’épaisseur prescrite pour certaines autres classes de wagons-citernes. Les têtes étaient faites d’acier normalisé (19 wagons) ou non normalisé (44 wagons). Rien n’indiquait que les têtes en acier non normalisé étaient moins résistantes aux perforations que les têtes en acier normalisé - 50 % des wagons aux têtes en acier non normalisé présentaient des brèches de tête, contre 59 % des wagons aux têtes en acier normalisé. Les coques étaient également faites d’acier normalisé (11 wagons) ou non normalisé (52 wagons). Seulement 3 des wagons présentant des brèches de coque avaient une coque en acier normalisé; sur les autres, la coque était faite d’acier non normalisé. Il convient de noter que la plupart des wagons dont la coque était en acier normalisé se trouvaient dans la partie de la zone du déraillement où les forces exercées étaient les moins importantes (se reporter au paragraphe 3.2.8). Les surfaces de rupture des citernes affichaient les caractéristiques typiques d’un mode de rupture ductile causée par des contraintes excessives (surfaces de rupture inclinées à 45 degrés, déformation plastique et aspect rugueux). Au cours de l’enquête, on n’a remarqué aucun signe de fragilisation (absence de déformation plastique, présence de chevrons ou aspect granulaire). En outre, des coupons représentatifs prélevés sur des wagons-citernes déraillés construits en acier normalisé et non normalisé ont donné des résultats similaires lors des essais de traction Note de bas de page 42. En conclusion, rien n’indique que les aciers non normalisés utilisés pour certaines citernes aient, dans le présent déraillement, contribué au rejet de produit.

3.2.4

L’enquête a relevé la présence à la fois de brèches de coque et de brèches de tête sur 18 wagons (tableau 18). Treize (13) wagons ne présentaient que des brèches de coque et 7 des brèches de tête, sans aucun autre type de brèche. On estime très probable que le rejet de produit par ces wagons aurait pu être réduit si leur coque et leurs têtes avaient été plus résistantes aux chocs. Plus précisément, les wagons construits avec de l’acier plus épais, des boucliers protecteurs ou une enveloppe externe ont la réputation d’être mieux protégés. Il convient de noter que tous les wagons (sauf les 4 non endommagés) présentaient une certaine forme de dommages attribuables aux chocs (bosselures ou brèche) dans la partie supérieure d’au moins une tête. Ces dommages suggèrent que, dans le présent type de déraillement, des boucliers protecteurs complets seraient plus avantageux que des boucliers partiels (qui ne protègent que la partie inférieure de la tête).

3.2.5

Des paramètres comme le nombre de wagons, leur poids, la vitesse initiale du train et les coefficients de frottement en voie (sur les rails) et hors voie (au sol) sont connus pour influer sur la gravité des déraillements Note de bas de page 43. De plus, on a constaté que l’ampleur des forces attribuables aux chocs était liée à la vitesse relative des wagons au moment du contact (vitesse au choc) et à la localisation du point de contact. La modélisation des perforations sur les wagons-citernes indique que, au contact d’un objet avec la citerne, les forces résistant aux charges attribuables aux chocs sont la pression exercée sur la surface intérieure de l’aire de contact et la contrainte de cisaillement s’exerçant autour du périmètre de cette aire Note de bas de page 44. Ainsi, le creux du wagon et la taille de l’impacteur influent également sur le comportement du wagon lorsqu’il est soumis à un choc.

3.2.6

Les déraillements constituent des événements complexes et chaotiques qui peuvent comporter un vaste éventail de collisions entre les divers wagons dans le train. Il n’entrait pas dans le cadre du présent rapport d’analyser les circonstances de chacune des bosselures et brèches observées sur la coque et les têtes des wagons-citernes déraillés. Cependant, une analyse qualitative des dommages aux citernes laisse croire que les wagons-citernes déraillés ont été soumis à une gamme de vitesses et de forces attribuables aux chocs, selon leur position dans le train.

3.2.7

On a remarqué que les wagons à l’avant du train (wagons nos 3 à 10 dlc) avaient suivi une trajectoire relativement droite. De plus, ces wagons ont subi des dommages attribuables aux chocs relativement mineurs – pour la plupart, de petites perforations résultant du contact avec les rails, à l’exception du premier wagon (no 3 dlc), qui a percuté un wagon couvert sur la voie de triage 2 (figure B-3b). Ces observations donnent à penser que, même s’il est possible que ces wagons aient roulé à une vitesse plus élevée, ils ont été soumis à des forces attribuables aux chocs moins intenses que les wagons de l’empilement principal.

3.2.8

Les wagons situés immédiatement à l’arrière du wagon no 12 dlc, qui était ancré par les rails logés dans sa traverse pivot AR (se reporter au paragraphe 2.4.3), se sont immobilisés dans des positions alternées (en portefeuille), affaissés les uns sur les autres. En général, ces wagons ont été l’objet de multiples bosselures et perforations, bon nombre d’entre eux montrant des dommages autant à leur coque qu’à leurs têtes. De tels dommages autorisent à penser que ces wagons avaient été exposés à des chocs plus violents que les wagons situés à l’avant du train. Malgré la dispersion, dans l’empilement, des wagons présentant de grandes ruptures de coque (indiqués en rouge dans la figure 5), la moitié d’entre eux environ étaient regroupés plutôt vers la fin du train. On estime que ces wagons auraient été confrontés à des conditions de déraillement plus violentes que les wagons situés vers l’avant du train. Au moment où ils se sont immobilisés, un empilement important s’était déjà formé, certains wagons étant enfoncés dans le sol et d’autres empilés jusqu’à trois les uns sur les autres. Cet empilement a probablement agi comme un mur pour les wagons qui déraillaient. On a remarqué que la plupart des wagons à l’arrière du train se sont arrêtés dans la position à peu près debout (figure B-2b), ce qui permet de penser qu’aussitôt qu’un wagon déraillait et quittait la voie, il était mis en portefeuille et écrasé contre l’empilement par les wagons derrière. Ces conditions de déraillement hautement contraignantes ont provoqué un flambage à grande échelle et des déformations extrêmes (instabilité plastique) et ont été à l’origine des grandes ruptures de coque.

3.2.9

En 2011, l’AAR a révisé ses normes relatives aux wagons-citernes afin d’y incorporer un certain nombre d’améliorations pour tous les wagons-citernes de la classe 111 construits pour le transport de marchandises des groupes d’emballage I et II désignées par les appellations réglementaires appropriées « pétroles bruts », « alcools, n.s.a. » et « mélanges éthanol-essence » Note de bas de page 45. Les citernes construites avec de l’acier normalisé TC1128 de nuance B doivent avoir une épaisseur d’au moins 1/2 po si elles sont dépourvues d’enveloppe externe, et d’au moins 7/16 po si elles en ont une. Les citernes construites avec de l’acier normalisé ASTM A516 de nuance 70 doivent avoir une épaisseur d’au moins 9/16 po si elles sont dépourvues d’enveloppe externe, et d’au moins 1/2 po si elles en ont une. De plus, les wagons doivent être équipés de demi-boucliers protecteurs d’au moins 1/2 po d’épaisseur. De telles améliorations se sont révélées aptes à réduire la probabilité de perte de produit provenant de perforations de la citerne. Cependant, on ne sait pas si elles auraient fourni une protection suffisante dans des conditions de chocs intenses entraînant l’instabilité plastique des citernes, comme les conditions qui régnaient au cours du présent déraillement.

3.3 Rejet par des brèches aux raccords supérieurs et aux DDP

3.3.1

L’enquête a montré que les raccords supérieurs présentaient des brèches sur 4 des 27 wagons (15 %) dont l’enceinte de protection des discontinuités supérieures avait subi des dommages attribuables aux chocs. Il en était de même des raccords supérieurs sur 16 des 26 wagons (62 %) dont l’enceinte protectrice avait été endommagée par des chocs.

3.3.2

Le 32 wagons dont le DDP était situé à l’intérieur de l’enceinte de protection des discontinuités supérieures ont été l’objet d’un nombre bien moindre de rejets de produit provenant de DPP endommagés par des chocs – seulement 3 de ces 32 DDP protégés (9 %) ont subi une brèche. Par ailleurs, 9 des 31 wagons (29 %) dont les DDP n’étaient pas protégés ont été le siège d’un rejet de produit causé par une brèche dans un DDP.

3.3.3

Également, sur les 20 wagons avec brèche aux raccords supérieurs, le DDP de plus de la moitié d’entre eux (11 wagons, 55 %) présentait une brèche. Cette situation n’est pas inattendue, puisque les raccords supérieurs et les DDP sont contigus sur le dessus du wagon. Par conséquent, il existe une probabilité relativement élevée qu’un choc qui touche les uns endommage aussi les autres.

3.3.4

Ces observations indiquent que la protection des discontinuités supérieures constitue un moyen efficace de réduire le rejet de produit qui résulte de dommages attribuables aux chocs aux raccords supérieurs et aux DDP.

3.3.5

Les wagons avec brèche aux raccords supérieurs ou aux DDP se trouvaient surtout dans l’empilement principal (figures 8 et 9). La plupart d’entre eux se sont immobilisés sur le côté ou sens dessus dessous, de sorte que le produit se serait écoulé par les raccords supérieurs ou les DDP pour alimenter le feu en nappe. La plupart des wagons avec brèche aux raccords supérieurs ou aux DDP présentaient aussi une certaine forme de dommages attribuables aux chocs à leur coque ou tête(s). Cependant, sur 2 wagons (nos 13 et 21 dlc), le produit s’est échappé seulement par les raccords supérieurs ou le DDP, qui avaient subi des dommages attribuables aux chocs; si ces wagons avaient été équipés d’une protection des discontinuités supérieures, ils n’auraient peut-être pas connu une perte de produit en raison de ces dommages attribuables aux chocs.

3.4 Rejet par une brèche dans le RDB

3.4.1

Sur plus de la moitié des wagons déraillés (36 sur 63 - 57 %), le manchon du RDB s’est cisaillé à la bride de fixation (point de rupture prévu), mettant ainsi à découvert la soupape à bille (33 wagons) ou le tournant du robinet (3 wagons). Dans le cas de 7 wagons, la soupape à bille mise à découvert sur le RDB était ouverte en totalité ou en partie, ou laissait manifestement fuir du produit. Sur ces mêmes wagons, l’ensemble de la poignée du RDB avait subi des dommages attribuables aux chocs ou était déformé. Pour 3 de ces 7 wagons, la brèche du RDB était la seule qu’on ait observée sur la citerne. De plus, ces 3 wagons s’étaient immobilisés dans la position debout, de sorte que le produit se serait écoulé par la brèche dans leur RDB. Ces observations donnent à penser que les 3 wagons en question auraient pu ne connaître aucune perte de produit s’ils avaient été équipés d’un ensemble de la poignée conçu pour empêcher l’actionnement de la soupape à bille s’il est déformé ou brisé.

3.4.2

On a fait la constatation suivante : certains des wagons équipés d’un RDB interne à tournant à fermeture automatique ont subi des dommages à leurs raccords inférieurs; toutefois, le tournant à découvert est demeuré fermé et il n’y a pas eu de perte de produit. Cette constatation suggère que ces robinets sont foncièrement mieux protégés contre la perte de produit que les soupapes à billes externes.

3.4.3

L’enquête au sujet du déraillement de 2013 impliquant des wagons-citernes de la classe 111 en Ontario (rapport d’évènement R13T0060 du BST) avait déjà reconnu le problème et le BST avait émis à Transports Canada l’Avis de sécurité ferroviaire 15/13 lui demandant de communiquer le risque de perte de produit par les poignées de RDB endommagées au cours d’un déraillement. Les résultats de l’enquête sur le présent déraillement renforcent encore davantage le besoin d’améliorer la conception des wagons pour réduire le risque de perte de produit par suite de dommages attribuables aux chocs aux raccords inférieurs.

3.5 Rejet par les ruptures thermiques

3.5.1

Des 63 wagons déraillés, 4 présentaient des ruptures thermiques. De telles ruptures se produisent lorsqu’un wagon-citerne est exposé à un feu et que le DDP et toute autre brèche dans la citerne sont incapables d’évacuer la pression interne croissante, provoquant ainsi une rupture énergétique de la citerne. La soudaine détente de la pression accumulée entraîne une perte de chargement de la citerne sous forme de grande boule de feu. Aucun fragment du matériau des citernes ne s’est détaché par suite des ruptures thermiques survenues dans le présent déraillement; cela indique que les rejets catastrophiques liés à ces ruptures thermiques ont été moins énergétiques que ceux causés par une BLEVE Note de bas de page 46.

3.5.2

Deux (2) des wagons ayant subi des ruptures thermiques possédaient un DDP doté d’une pression de déclenchement de décharge (pression DD) de 75 lb/po² au manomètre, tandis que cette pression était de 165 lb/po² sur le DDP des 2 autres wagons. Il a été suggéré que les DDP dont la pression DD est plus élevée risquaient de créer une pression interne excessive au cours d’un incendie, entraînant ainsi des ruptures thermiques plus énergétiques. Dans le cas présent, le wagon no 4 dlc, qui présentait la plus grande rupture thermique (4,4 m), était équipé d’un dispositif de décharge de pression (DDP) avec pression DD de 75 lb/po² au manomètre, tandis que cette pression était de 165 lb/po² sur le DDP du wagon no 63 dlc, qui affichait la plus petite rupture thermique (1,6 m). Ainsi, rien n’indiquait que le type de DDP ait contribué au nombre limité de ruptures thermiques dans le présent déraillement.

3.5.3

L’enquête a révélé qu’au moins 2 des ruptures thermiques se sont produites dans les 20 minutes suivant l’accident, tandis que les 2 autres sont survenues au cours du feu en nappe prolongé. Les exigences de l’AAR relatives aux systèmes de protection thermique visent à s’assurer que la conjugaison des facteurs wagon-citerne, DDP, système de protection thermique et marchandise transportée peut résister à un feu en nappe avec immersion totale durant 100 minutes, sans perte de produit, sauf par le DDP. Dans le cas présent, aucun wagon n’était équipé d’un système de protection thermique et un tel système n’était pas exigé.

3.5.4

On a remarqué que l’un des wagons avec ruptures thermiques (no 4 dlc) s’est arrêté à côté d’un autre wagon (no 5 dlc) qui avait été exposé à des conditions de déraillement similaires, mais sans subir de rupture thermique. Ce wagon ne présentait aucune brèche visible (tableau A-3). Sa citerne était légèrement bombée sur le côté situé le plus près des wagons nos 3 et 4 dlc avec brèche, qui auraient alimenté le feu en nappe. On considère comme probable que le wagon no 5 dlc avait connu une montée de sa pression interne, mais que sa température et sa pression internes conjuguées n’ont pas tout à fait atteint les niveaux nécessaires pour provoquer une rupture thermique. Ces observations donnent à penser que des améliorations relativement modestes de la capacité de survie au feu auraient pu suffire à empêcher le wagon no 4 dlc de subir une rupture thermique. Des simulations menées par l’AAR sur la capacité de survie des wagons-citernes indiquent qu’une protection thermique, des aciers plus épais et une enveloppe externe peuvent accroître sensiblement le temps de survie d’un wagon-citerne dans un feu en nappe.

3.6 Rejet par des trous de brûlure

3.6.1

Tous les wagons présentant du perçage par brûlure comptaient au moins un autre type de brèche causée par des dommages attribuables aux chocs. Les brèches liées aux chocs auraient entraîné un rejet de produit immédiat. Par ailleurs, on considère que le matériau des citernes a été exposé, pendant un certain temps, à l’incendie qui a suivi le déraillement, avant que le perçage par brûlure forme des brèches sur les wagons. Par conséquent, le produit qui s’est écoulé par les trous de brûlure a contribué à alimenter le feu en nappe et le déversement, après l’extinction de l’incendie.

3.6.2

Le wagon WFIX 130585 (no 55 dlc) s’est immobilisé sur le dessus de l’empilement principal. Il avait subi des dommages importants par le feu, avec trou de brûlure dans le haut de sa citerne. Des dommages attribuables aux chocs mineurs ont été observés. La citerne était légèrement bombée près du bout B et présentait de petites ruptures avec décoloration rouge indicatrice de dommages par le feu et de résidus de produit. Ni le RDB, ni les raccords supérieurs ne montraient de brèches visibles, quoique la présence de résidus de produits laisse à penser que certaines fuites s’étaient produites. Ces constatations indiquent que ce wagon-citerne avait connu une montée de sa pression interne pendant qu’il reposait dans le feu en nappe. Le trou de brûlure a probablement contribué à évacuer une partie de cette pression interne, de sorte que la défaillance ultime de la citerne s’est soldée par quelques petites ruptures plutôt que par une grande rupture thermique.

3.7 Rejet dû à la défaillance des longrines tronquées

3.7.1

L’examen a montré que, sur la vaste majorité des wagons-citernes déraillés (58 sur 63 – 92 %), au moins une longrine tronquée ou un attelage avaient été endommagés. La plupart (46) étaient endommagés aux deux bouts. On a noté que même les 2 derniers wagons déraillés (nos 64 et 65 dlc) présentaient des dommages attribuables aux chocs importants à leurs longrines tronquées et à leurs attelages, ce qui cadre bien avec les conditions de chocs intenses observées dans le présent déraillement.

3.7.2

Neuf (9) wagons-citernes déraillés affichaient des dommages aux fixations des longrines tronquées. Sur 5 d’entre eux, ces séparations étaient situées à la soudure d’angle entre la plaque de renfort avant de la longrine et la citerne. Sur 1 wagon (WFIX 130664), la fissure s’était propagée jusque dans la citerne, provoquant deux brèches, une d’une longueur de 0,50 m et l’autre de 0,25 m.

3.7.3

Le National Transportation Safety Board (NTSB) a émis la recommandation de sécurité R-12-09 en rapport avec son enquête sur le déraillement du 19 juin 2009 du train de marchandises U7069l-l8 du Canadien National à Cherry Valley, dans l’Illinois. Cette enquête du NTSB a révélé que, en raison d’un chargement vers le bas appliqué sur la longrine de traction d’un wagon-citerne, une plaque de renfort s’était rompue et détachée de la paroi de la citerne. Après la séparation de la plaque de renfort, la paroi de la citerne a subi une rupture circonférentielle. On a conclu que les fixations de la longrine et de la plaque de renfort sont configurées d’une manière qui rend la citerne vulnérable à des ruptures de sa paroi lorsque la longrine subit un chargement vers le bas.

3.7.4

Il est apparu que, par rapport au wagon de l’accident de Cherry Valley, dans l’Illinois, le wagon WFIX 130664 présentait une longrine tronquée de conception similaire et un type similaire de défaillance de cette longrine.

3.7.5

La recommandation du NTSB demandait à l’AAR de réviser les exigences de conception relativement aux fixations des longrines tronquées, dans la mesure nécessaire pour s’assurer que des distances appropriées entre les soudures soient maintenues dans toutes les directions, afin d’empêcher une fissure de cheminer d’une fixation à l’autre et jusque dans la paroi de la citerne. Il a été signalé que le comité de l’AAR sur les wagons-citernes a discuté de cette recommandation et a décidé d’une distance minimale entre les soudures correspondant à 3 fois l’épaisseur de la plaque que l’on fixe à la citerne. La prochaine étape pour le comité serait d’incorporer ce changement dans une édition révisée du Manual of Standards and Recommended Practices C-III.

4.0 Conclusion

4.1

La majorité (94 %) des wagons déraillés présentait un type quelconque de brèche entraînant une perte de produit; 56 % d’entre eux en affichaient plus d’un type.

4.2

Les brèches de coque (37 wagons) ont été la cause la plus fréquemment observée du rejet de produit, suivie par les brèches de tête (31 wagons), les brèches de raccord supérieur et de DDP (20 et 12 wagons, respectivement). Les brèches de RDB (7 wagons), les ruptures thermiques (4 wagons) et les brèches de trou d’homme (2 wagons) étaient les causes les moins fréquentes du rejet de produit.

4.3

La plupart (54 %) des ruptures de coque étaient d’une taille semblable au diamètre du wagon et auraient provoqué à peu près instantanément la perte du chargement du wagon. Par conséquent, le nombre élevé de brèches de coque a contribué à la taille importante de la boule de feu et du feu en nappe au cours du présent déraillement.

4.4

Les brèches de tête étaient en général plus petites que les brèches de coque, allant de quelques pouces à environ 1 pied de diamètre. Elles auraient également contribué à l’alimentation du feu en nappe et au déversement du produit.

4.5

Rien n’indiquait que l’utilisation d’aciers non normalisés pour certaines citernes ait, dans le présent déraillement, contribué au rejet de produit.

4.6

Treize (13) wagons ne présentaient que des brèches de coque et 7 des brèches de tête, sans aucun autre type de brèche. Il est probable qu’une certaine perte de produit aurait pu être réduite si les wagons avaient été construits avec un acier plus épais, des boucliers protecteurs ou une enveloppe externe.

4.7

La plupart des wagons (sauf les 4 wagons non endommagés) présentaient une forme quelconque de dommages attribuables aux chocs (bosselures ou brèche) dans la partie supérieure d’au moins une tête. Ces dommages suggèrent que, dans le présent type de déraillement, des boucliers protecteurs complets seraient plus avantageux que des demi-boucliers (qui ne protègent que la partie inférieure de la tête).

4.8

Une analyse qualitative des dommages aux citernes laisse croire que les wagons-citernes déraillés à l’avant du train (nos 3 à 11 dlc) avaient subi des forces attribuables aux chocs moins importantes que ceux situés dans l’empilement principal.

4.9

Environ la moitié des wagons victimes de grandes ruptures de coque étaient regroupés en direction de la fin du train. Ces wagons auraient été confrontés à des conditions de déraillement plus violentes que les wagons situés vers l’avant du train. Le gros empilement a probablement agi comme un mur pour les wagons qui déraillaient, créant ainsi des conditions de déraillement hautement contraignantes. Cette situation a provoqué du flambage à grande échelle et des déformations extrêmes (instabilité plastique), et s’est soldée par de grandes ruptures de coque.

4.10

L’enquête a montré que 15 % des wagons dont l’enceinte de protection des discontinuités supérieures avait subi des dommages attribuables aux chocs présentaient des brèches à leurs raccords supérieurs, tandis que des brèches s’étaient produites sur 62 % des wagons dont l’enceinte protectrice avait été endommagée par un impact. Dans la même veine, seulement 9 % des DDP protégés ont subi une brèche, tandis que 29 % des wagons dont les DDP n’étaient pas protégés montraient une perte de produit résultant de dommages aux DDP. Ces observations indiquent que la protection des discontinuités supérieures constitue un moyen efficace de réduire le rejet de produit qui résulte de dommages attribuables aux chocs aux raccords supérieurs et aux DDP.

4.11

Plus de la moitié des wagons déraillés montraient sur leur robinet de déchargement par le bas (RDB) des dommages attribuables aux chocs qui avaient mis à découvert la soupape à bille (33 wagons) ou à tournant (3 wagons). Sur 7 wagons, la soupape à bille mise à découvert était ouverte en partie ou en totalité, ou fuyait visiblement; la poignée de manœuvre de tous ces robinets était déformée par les impacts ou manquante. Dans le cas de 3 de ces wagons, la brèche du RDB a été la seule qu’on ait observée sur le véhicule. Cela donne à penser que les 3 wagons en question auraient pu ne connaître aucune perte de produit s’ils avaient été équipés de poignées conçues de manière à ce que le robinet ne puisse être actionné si sa poignée est déformée ou rompue.

4.12

Sur les wagons équipés d’un RDB interne à tournant à fermeture automatique, le tournant à découvert est demeuré fermé et il n’y a pas eu de perte de produit. Cette constatation suggère que ces robinets sont foncièrement mieux protégés contre la perte de produit que les robinets à soupape à bille externes.

4.13

Quatre des wagons-citernes déraillés présentaient des ruptures thermiques. La soudaine détente de la pression accumulée a entraîné une perte du chargement de la citerne sous forme de grande boule de feu. Aucun fragment du matériau des citernes ne s’est détaché par suite des ruptures thermiques survenues dans le présent déraillement.

4.14

Le wagon no 4 dlc, qui présentait la plus grande rupture thermique (4,4 m), était équipé d’un dispositif de décharge de pression (DDP) avec pression de déclenchement de décharge (pression DD) de 75 lb/po² au manomètre, comparativement à une pression de 165 lb/po² pour le DDP du wagon no 63 dlc, qui affichait la plus petite rupture thermique (1,6 m). Rien n’indiquait que, dans le présent déraillement, le type de DDP ait contribué au nombre limité de ruptures thermiques.

4.15

Un des wagons avec ruptures thermiques s’est arrêté à côté d’un autre wagon qui avait été exposé à des conditions de déraillement similaires, mais sans subir de rupture thermique. Cette situation donne à penser que des améliorations relativement modestes de la capacité de survie au feu auraient pu empêcher la rupture thermique. Une protection thermique, un acier plus épais ou une enveloppe externe peuvent accroître sensiblement le temps de survie d’un wagon-citerne dans un feu en nappe.

4.16

Tous les wagons présentant du perçage par brûlure comptaient au moins un autre type de brèche causée par des dommages attribuables aux chocs. Après l’extinction de l’incendie, le produit qui s’est écoulé par les trous de brûlure aurait contribué à alimenter le feu en nappe et le déversement.

4.17

Presque tous les wagons-citernes déraillés (92 %) comportaient au moins une longrine tronquée ou un attelage endommagé. La plupart étaient endommagés aux deux bouts. Les 2 derniers wagons déraillés montraient des dommages attribuables aux chocs à leurs longrines tronquées et à leurs attelages. Ces dommages sont compatibles avec les conditions de chocs intenses observées dans le présent déraillement.

4.18

Neuf (9) wagons-citernes déraillés affichaient des dommages aux fixations des longrines tronquées. Un wagon présentait, entre la plaque de renfort avant et la citerne, une séparation à la soudure d’angle qui s’était propagée jusque dans la citerne, faisant une brèche en 2 endroits. Cette défaillance de la longrine tronquée était d’un type similaire à celle observée au cours de l’enquête du NTSB sur l’accident de Cherry Valley, dans l’Illinois.

4.19

Le manque de lisibilité des inscriptions au pochoir ou l’absence de marques estampées ont nui à l’identification sur le terrain de certains wagons-citernes déraillés. Certaines plaques d’identification avaient été fixées avec des attaches à faible point de fusion et se sont détachées du wagon au cours de l’incendie qui a suivi le déraillement.

5.0 Annexes

Annexe A: Résultats de l'inspection des wagons-citernes

Annexe B: Photographies in situ des wagons-citernes déraillés