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Conférence de presse sur le rapport d'enquête ferroviaire R16M0026 - Mot d'ouverture

Faye Ackermans, Membre du Bureau du BST
et
Ian Perkins, Enquêteur principal régional, BST
Moncton (Nouveau-Brunswick)
le 15 février 2018

Seul le texte prononcé fait foi.

Faye Ackermans

Bonjour.

Le 27 juillet 2016, un peu avant deux heures du matin, une personne en fauteuil roulant a été frappée mortellement par un train de marchandises du CN au passage à niveau de la rue Robinson, au centre-ville de Moncton. Son fauteuil roulant motorisé était resté coincé dans le gravier le long du passage à niveau, et les roues n'ont pas pu remonter sur le trottoir asphalté.

Au terme de l'enquête, le Bureau de la sécurité des transports est préoccupé par le fait que des renseignements essentiels concernant certains passages à niveau publics ne sont pas partagés entre les autorités routières et les compagnies ferroviaires canadiennes – notamment, les renseignements sur les passages à niveau désignés pour les personnes qui se servent d'appareils fonctionnels comme les fauteuils roulants, les cannes et déambulateurs, ou les prothèses auditives. De plus, même si Transports Canada a adopté des normes plus strictes pour ces passages à niveau en 2014, il y aurait lieu d'améliorer ces normes encore davantage. Ainsi, le BST recommande que Transports Canada collabore avec les intervenants pour déterminer les améliorations qu'il serait possible d'apporter à ces passages à niveau désignés, et mette ensuite à jour ses dispositions réglementaires en conséquence.

Nous reviendrons sur la préoccupation et la recommandation du Bureau dans quelques minutes. Je cède maintenant la parole à Ian Perkins, enquêteur principal qui vous fournira la séquence des événements la nuit de l'accident, et vous expliquera comment et pourquoi cet accident est arrivé.

Ian Perkins

Environ un mois avant l'accident, le CN avait effectué des réparations au passage à niveau et avait fait appel à un entrepreneur pour en réparer la surface entre et autour des rails, y compris le trottoir. Les lignes réfléchissantes qui indiquent la bordure du trottoir n'avaient pas été repeintes après l'application de l'asphalte, et il n'y avait aucune exigence de le faire. Ce nouvel asphalte couvrait une bonne partie du passage à niveau, mais pas la superficie totale du trottoir est. Il restait en fait un « vide » ou un creux près du rail nord.

La nuit de l'accident, la personne en fauteuil roulant se déplaçait vers le nord sur ce trottoir. Un poteau installé presque au centre du trottoir oblige les piétons à le contourner par la droite. Cette personne, qui avait également une déficience visuelle, a probablement aperçu la ligne blanche en bordure droite du trottoir et s'en serait servi pour se guider.

Pour déterminer ce qui est arrivé ensuite, le BST a effectué une série de simulations sur les lieux de l'accident, à la clarté et à l'obscurité. Avec un fauteuil roulant identique on a suivi la ligne blanche jusqu'au nouvel asphalte, puis la bordure droite asphaltée du trottoir. Dans chaque cas, la roue avant droite du fauteuil est tombée dans le creux du trottoir et le fauteuil a tourné vers la droite, dans le gravier. Le fauteuil est resté pris dans le gravier, les roues arrière ne pouvant remonter sur l'asphalte vu la différence de hauteur.

Ce n'est pas la première fois qu'une personne se servant d'un appareil fonctionnel se fait frapper après être restée coincée à un passage à niveau. Depuis 1990, le BST a été avisé de sept cas semblables. Cinq d'entre eux, dont celui-ci, ont donné lieu à des blessures mortelles.

Après l'accident, on a asphalté et on a élargi le trottoir au complet et on a repeint les lignes. Elles sont de nouveau visibles la nuit et elles délimitent clairement le trajet à suivre le long du trottoir. La Ville de Moncton, comme « autorité routière », a désigné ce passage à niveau, ainsi qu'un autre sur la rue Victoria tout près, pour l'usage de personnes qui se servent d'appareils fonctionnels.

D'après la réglementation, une autorité routière qui désigne ainsi un passage à niveau doit en aviser la compagnie ferroviaire.

Une telle désignation est un concept relativement nouveau qui a été introduit en novembre 2014 lorsque Transports Canada a publié son Règlement sur les passages à niveau. Ce règlement accordait aux municipalités et aux autorités routières partout au Canada un délai de deux ans, soit avant novembre 2016, pour remettre leur liste de passages à niveau désignés aux compagnies ferroviaires. Notre enquête a révélé que plus d'un an après la date limite, certaines autorités routières n'ont toujours pas envoyé leur liste et les autres renseignements essentiels. Le Bureau fait donc aujourd'hui état de sa préoccupation face à ce délai. Tant et aussi longtemps que la désignation des passages à niveau ne sera pas terminée et l'information partagée, la population canadienne, en particulier les personnes se servant d'appareils fonctionnels, demeureront exposées à d'importants risques aux passages à niveau publics.

Et il ne s'agit pas d'un petit nombre. Plus de deux millions d'adultes au Canada déclarent avoir une mobilité réduite et environ 300 000 d'entre eux utilisent un fauteuil roulant. Le nombre de personnes qui se servent d'appareils fonctionnels est d'ailleurs à la hausse. Au cours de l'enquête, le BST a communiqué avec plusieurs groupes et associations pour mieux comprendre les besoins de ces personnes et les difficultés que présentent les passages à niveau.

Cela m'amène au deuxième point : comment améliorer physiquement les passages à niveau. Le règlement et les normes actuels mettent l'accent principalement sur l'état des surfaces aux passages à niveau désignés. Mais puisque ces passages sont utilisés par des personnes qui ont des besoins particuliers, on devrait aussi porter attention à leur conception et aux éléments de sécurité : on pourrait, par exemple, ajouter des signaux visuels et sonores, élargir la surface ou en modifier la texture, remplir les ornières par un matériau déplaçable lors du passage du train, ou même changer l'angle du trottoir pour le rendre perpendiculaire aux rails, et donc réduire le risque qu'une roue ne se coince. Toutes ces options ont fait l'objet de suggestions ou ont été mises en œuvre ailleurs. Certaines figurent déjà dans un projet de document de Transports Canada intitulé Guide sur la sécurité des piétons aux passages à niveau. Toutefois, aucune de ces options n'est obligatoire et elles ne sont pas considérées systématiquement au moment de faire des améliorations.

Nous avons aujourd'hui une occasion de changer cette situation. À mesure qu'on identifie et améliore les passages à niveau désignés, on peut en profiter pour renforcer les éléments de sécurité. Ces améliorations doivent toutefois dépasser les exigences déjà prévues par le règlement et les normes en vigueur. Sinon, les personnes qui se servent d'appareils fonctionnels continueront d'être exposées à d'importants risques aux passages à niveau publics.

C'est pourquoi le Bureau recommande que Transports Canada collabore avec les intervenants pour trouver et évaluer des solutions techniques afin d'améliorer les passages à niveau désignés, puis mette à jour les dispositions réglementaires pour y inclure des mesures de sécurité additionnelles.

Merci.