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Rapport d'enquête aéronautique A94W0169

Collision avec le relief
Piper PA 32-301T Saratoga N8337M
6 nm au nord-nord-ouest de
Rancheria (Territoire du Yukon)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Piper Saratoga effectuait un vol selon les règles de vol à vue (VFR) entre Fort Nelson (Colombie-Britannique) et Beaver Creek (Yukon). Des recherches ont été lancées quand on s'est aperçu que l'avion n'était pas arrivé à destination. L'appareil manquant a été retrouvé six jours plus tard par un aéronef de recherche des Forces canadiennes. L'avion s'était écrasé sur le flanc escarpé et rocailleux d'une montagne, à 6 000 pieds-mer. L'appareil a été détruit; les deux occupants ont subi des blessures mortelles.

Le Bureau a déterminé que le pilote a poursuivi le vol à vue dans des conditions météorologiques défavorables.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le pilote et son fils effectuaient un vol voyage entre la Californie et l'Alaska, en passant par la route de l'Alaska. Ils sont partis de la Californie le 9 septembre 1994 et sont arrivés à Fort Nelson (Colombie-Britannique) en soirée, le 11 septembre 1994. L'avion est parti de Fort Nelson le lendemain matin, à 10 h 26, heure avancée du Pacifique (HAP)1, pour un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de Beaver Creek (Yukon). À 12 h 13, le pilote a contacté la station radio de Whitehorse par l'installation radio télécommandée (RCO)2 de Watson Lake (Yukon) pour signaler sa position à 24 milles au sud de Watson Lake, à 6 000 pieds. Il a demandé et reçu les plus récentes conditions météorologiques pour Teslin (Yukon), et il a été avisé de la présence de plafonds IFR (règles de vol aux instruments) plus à l'ouest, à Whitehorse (Yukon). Ce fut la dernière communication avec l'aéronef. Quand on a constaté que l'avion n'arrivait pas à Beaver Creek, des recherches ont été lancées. Le mauvais temps a gêné les...

1 Les heures sont exprimées en HAP (temps universel coordonné [UTC] moins sept heures) sauf indication contraire.

2 Voir l'annexe A pour la signification des sigles et abréviations.

3 Les unités correspondent à celles des manuels officiels, des documents, des rapports et des instructions utilisés ou reçus par l'équipage.

...recherches pendant plusieurs jours. L'appareil manquant a été retrouvé le 18 septembre 1994 par un aéronef de recherche des Forces canadiennes. Le Piper Saratoga s'était écrasé sur le flanc d'une montagne à six milles marins au nord-ouest de Rancheria (Yukon). Les deux occupants ont subi des blessures mortelles; l'avion a été détruit.

L'appareil a heurté le flanc escarpé et rocailleux d'une montagne par 60° 11′ de latitude Nord et 130° 33′ de longitude Ouest3, vers 13 h 15 HAP, en plein jour, à 6 000 pieds-mer.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués 1 1 - 2
Blessés graves - - - -
Blessés légers/indemnes - - - -
Total 1 1 - 2

1.3 Dommages à l'aéronef

L'aéronef a été détruit à l'impact.

1.4 Autres dommages

Aucun.

1.5 Renseignements sur le personnel

Pilote
Âge - 69 ans
Licence - pilote professionnel (USA)
Date d'expiration du certificat de validation - 29 sept 1995
Nombre d'heures de vol - 5 000 h
Nombre d'heures de vol sur type en cause - 400 h
Nombre d'heures de vol dans les 90 derniers jours - 30 h
Nombre d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours - 30 h
Nombre d'heures de service avant l'accident - 5 h
Nombre d'heures libres avant la prise de service - 12 h

Le pilote était âgé de 69 ans. C'était un pilote de l'aéronavale américaine à la retraite. Il avait piloté le Corsair, et il avait effectué des opérations de transport aérien pendant et après la Deuxième Guerre mondiale. Il aurait effectué entre 3 000 et 5 000 heures de vol dans l'aéronavale.

Le pilote possédait la licence nécessaire au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il possédait une licence de pilote professionnel américaine annotée terre, mer, monomoteur, multimoteur, vol aux instruments, et giravion, ainsi qu'un certificat médical de validation de licence de classe III. Lors de son dernier examen médical, le 24 septembre 1993, il avait déclaré avoir effectué 350 heures de vol à titre de pilote civil. Le pilote avait réussi son plus récent test en vol biannuel le 4 janvier 1993. Il était qualifié pour le vol aux instruments, mais il avait refusé, semble-t-il, de voler en IFR au cours des dernières années car ses compétences IFR n'étaient pas à jour.

D'après les témoins qui ont parlé au pilote à Fort Nelson, ce dernier était d'humeur à parler et il semblait avoir hâte d'entreprendre son vol vers l'Alaska. Il n'avait jamais survolé la route de l'Alaska. Un pilote du Yukon, qui connaissait bien la route de l'Alaska, lui a demandé s'il désirait recevoir un exposé prévol à Fort Nelson, mais le pilote a refusé. Le pilote du Yukon est parti de Fort Nelson vers 9 h 15 pour se rendre à Whitehorse en VFR. Il a toutefois dû se poser à Watson Lake à cause du mauvais temps.

Le pilote avait indiqué sur son plan de vol qu'il prévoyait quatre heures et demie en route, et qu'il emprunterait la voie aérienne V326 jusqu'à Whitehorse et la voie aérienne V444 jusqu'à Beaver Creek. Le plan de vol indiquait également que le pilote essaierait de suivre la route de l'Alaska. L'avion est parti de Fort Nelson avec du carburant pour six heures et demie de vol.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur - Piper Aircraft Corporation
Type et modèle - PA 32-301T Saratoga
Année de construction - 1981
Numéro de série - 32-8124009
Certificat de navigabilité (Permis de vol) - valide
Nombre d'heures de vol cellule - 688 h
Type de moteur (nombre) - Lycoming TIO-540-S1AD (1)
Type d'hélice/de rotor (nombre) - Hartzell HC-E3YR-1RF (1)
Masse maximale autorisée au décollage - 3 600 lb
Type(s) de carburant recommandé(s) - essence aviation 100 ou 100 LL
Type de carburant utilisé - essence aviation 100 LL

Le pilote était propriétaire du Saratoga depuis février 1983. L'appareil avait été inspecté et certifié pour la dernière fois conformément aux exigences d'inspection annuelle le 29 décembre 1993. L'avion avait un turbocompresseur de suralimentation; il était équipé d'un circuit d'oxygène optionnel et possédait l'équipement et l'homologation pour effectuer des vols en VFR, IFR, et de jour et de nuit dans des conditions non givrantes.

Le calcul de la masse et du centrage a été effectué en fonction des masses réelles et de la position probable des effets personnels des occupants. La masse et le centrage se trouvaient probablement dans les limites prescrites.

1.7 Renseignements météorologiques

D'après les renseignements météorologiques, des creux d'air chaud en altitude se déplaçaient vers l'est dans la partie nord de la Colombie-Britannique et la partie sud du Yukon. Ces creux étaient accompagnés de pluie dans le secteur voisin du lieu de l'accident.

On prévoyait du beau temps entre Fort Nelson et Watson Lake et des plafonds VFR situés entre 3 000 et 5 000 pieds-sol. Les prévisions régionales annonçaient des conditions à la limite de l'acceptable pour le vol VFR entre Watson Lake et Teslin, et un ciel couvert à partir de 4 000 pieds-mer. Les deux agglomérations sont espacées d'environ 120 milles aériens et par des montagnes qui culminent à plus de 6 000 pieds-mer. La visibilité prévue était de deux à cinq milles dans la pluie et le brouillard. Comme la masse d'air était très humide dans le secteur, on s'attendait à ce que le ciel soit couvert jusqu'à 20 000 pieds-mer. Le point de congélation était prévu aux environs de 6 000 pieds-mer, et on prévoyait du givre blanc et du givre mixte dans les nuages, à l'occasion. Les conditions météorologiques étaient censées demeurer mauvaises toute la journée. Des conditions météorologiques à la limite de l'acceptable similaires pour le vol VFR étaient prévues pour le reste de la route, entre Teslin, Whitehorse et Beaver Creek.

Le pilote a reçu un exposé météorologique détaillé par téléphone de la station d'information de vol (FSS) de Fort Nelson vers 9 h 45. L'exposé concernait la route de l'Alaska, de l'ouest de Fort Nelson à Watson Lake, Teslin, Whitehorse et Burwash, au Yukon, et faisait état des dernières conditions météorologiques réelles. La séquence des conditions réelles de 16 h Z (9 h HAP) du Système automatisé d'observations météorologiques (AWOS) faisait état des conditions suivantes : plafond estimé à 200 pieds-sol avec ciel couvert; ciel couvert à 4 000 pieds-sol; visibilité de six milles dans la pluie légère; température et point de rosée à trois °C, et vents du 330 degrés à trois noeuds.

La météo de Teslin à 16 h Z était la suivante : nuages épars minces à 1 800 pieds-sol; plafond estimé à 4 500 pieds-sol avec nuages fragmentés, ciel couvert à 5 500 pieds-sol, visibilité de 15 milles dans la pluie légère; température et point de rosée à sept °C. Burwash se trouve à environ 85 milles marins au sud-est de Beaver Creek. La météo de Burwash à 16 h Z annonçait les conditions suivantes : nuages épars à 1 500 pieds-sol; plafond estimé à 3 500 pieds-sol avec nuages fragmentés; ciel couvert à 9 000 pieds-sol; visibilité de 20 milles dans des averses de pluie; température de quatre °C; point de rosée de trois °C; et visibilité vers le nord de six milles dans le brouillard.

Le pilote a aussi été avisé qu'une observation spéciale avait été diffusée pour Whitehorse à 16 h 30 Z (9 h 30 HAP). L'observation faisait état des conditions suivantes : ciel partiellement obscurci; plafond mesuré à 700 pieds-sol; ciel couvert; visibilité de deux milles dans une pluie légère et du brouillard; température et point de rosée à sept °C; vents du 330 degrés à sept noeuds, et calage altimétrique de 29,58.

À la fin de l'exposé météorologique, le pilote a indiqué au spécialiste de la FSS que ce serait une journée où il faudrait «chercher à se faufiler». Il a ensuite déposé un plan de vol et il a précisé qu'il retournerait à Fort Nelson ou qu'il demeurerait là où il pourrait se rendre s'il rencontrait du mauvais temps.

1.8 Aides à la navigation

La route de l'Alaska est en elle-même une aide à la navigation principale pour les pilotes VFR qui volent dans le nord de la Colombie-Britannique et le Yukon. L'accident s'est produit à environ 6 milles marins au nord de cette route.

Le lieu de l'écrasement se trouve près de l'axe de la voie aérienne R5 à basse fréquence qui passe entre les radiophares non directionnels (NDB) de Watson Lake et de Teslin. L'altitude minimale de franchissement d'obstacles (MOCA) de la voie aérienne est de 8 800 pieds-mer (voir figure 1). L'examen de l'épave a permis de déterminer que le radiogoniomètre automatique (ADF) était accordé sur la fréquence du NDB de Watson Lake, soit 248 kHz. Les radiophares non directionnels diffusent sur les bandes radio de faible et de moyenne fréquence et ne nécessitent pas que les aéronefs se trouvent à portée optique d'eux pour recevoir les signaux.

Un étui à cartes, contenant des cartes aéronautiques ainsi qu'une carte (déchirée) de navigation VFR de la route de l'Alaska, a été retrouvé parmi les débris. L'état de la carte de navigation VFR indique que cette carte ne se trouvait pas dans l'étui à cartes au moment de l'impact. Une carte de planification aéronautique a aussi été retrouvée. La route de l'Alaska y était surlignée en jaune, de Fort Nelson, en Colombie-Britannique, à Fairbanks, en Alaska. Les communautés de Fort Nelson et de Beaver Creek avaient été encerclées au stylo.

Le pilote transportait, semble-t-il, un système de positionnement mondial (GPS) portatif. Les débris d'un GPS Trimble Flightmate Pro ont été retrouvés parmi les débris de l'épave.

Figure 1 - Partie de la carte de navigation VFR
Partie de la carte de navigation VFR

1.9 Communications

Le pilote a signalé sa position à 24 milles au sud de Watson Lake, à 6 000 pieds, par l'intermédiaire de la RCO de Whitehorse, à 19 h 13 Z (12 h 13 HAP). Il a indiqué qu'il avait suivi la route de l'Alaska à partir de Fort Nelson.

Le pilote a demandé les conditions météorologiques qui prévalaient à Teslin immédiatement après avoir communiqué son compte rendu de position. Il a été informé que les conditions météo de Teslin à 19 h Z (12 h HAP) étaient les suivantes : nuages minces épars à 1 800 pieds avec plafond estimé à 4 500 pieds dans des nuages fragmentés; ciel couvert à 5 500 pieds; visibilité de 15 milles dans de la pluie légère; température de neuf °C; point de rosée de huit °C; vents du 070 degrés à deux noeuds, et calage altimétrique de 29,59. Il a aussi été avisé que Whitehorse signalait des plafonds IFR, avec une visibilité de cinq milles dans de la pluie légère et du brouillard. On a aussi averti le pilote du fait qu'un avion léger volant selon un plan de vol VFR de Fort Nelson à Whitehorse s'était posé à Watson Lake environ une demi-heure plus tôt après avoir rencontré des plafonds de 100 et de 200 pieds et une faible visibilité à environ 14 milles au sud-est de Watson Lake.

Il n'y a pas eu d'autres communications avec l'avion ni aucun appel de détresse. Des communications radio à très haute fréquence (VHF) avec les stations au sol de la région auraient été difficiles ou impossibles pour un avion volant à 6 000 pieds dans le voisinage du lieu de l'accident à cause du relief montagneux.

1.10 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

Le lieu de l'accident était recouvert d'une fine couche de neige lorsque les enquêteurs sont arrivés. L'examen de l'épave et du lieu de l'accident a révélé que l'avion avait heurté le flanc de la montagne les ailes et le nez presque à l'horizontale. Le flanc de la montagne présentait une inclinaison de 32 degrés. L'anémomètre était bloqué à une vitesse indiquée de 140 noeuds. L'emplacement des fragments de la roue avant et de son capotage ainsi que de l'extrémité d'une pale d'hélice indique que l'impact principal s'est produit à environ 200 pieds en contrebas du sommet de la montagne. Le fuselage, le moteur, et l'aile gauche partiellement retenue au fuselage ont ensuite roulé avant de s'immobiliser à l'envers à environ 800 pieds en contrebas du sommet de la montagne. Toutes les trappes, portes et gouvernes ont été retrouvées. Le contenu de la cabine et des morceaux d'épave ont été retrouvés le long du sillon laissé par l'épave. Les dommages en torsion et les dommages aux pales de l'hélice indiquent que le moteur fournissait une puissance considérable au moment de l'impact. L'examen visuel externe et l'essai de rotation du moteur n'ont révélé aucun signe de défaillance. Il n'y avait aucun signe évident de givrage de la cellule sur l'épave.

En raison de la destruction quasi complète de l'avion au moment de l'écrasement, il n'a pas été possible de déterminer si une défaillance antérieure à l'impact ou une défectuosité d'un système avaient contribué à l'accident; toutefois, aucune n'a été identifiée.

1.11 Renseignements médicaux

Rien n'indique qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques aient pu perturber les capacités du pilote. Les résultats des analyses toxicologiques visant à déceler la présence de monoxyde de carbone (CO) ont été négatifs.

Le pilote souffrait d'asthme depuis de nombreuses années. Cette affection était contrôlée par des médicaments, et ces derniers n'étaient pas réputés induire une fatigue observable ni affaiblir le pilote. Une variété de médicaments d'ordonnance et en vente libre ont été retrouvés dans l'épave. Les résultats des analyses toxicologiques visant à déceler la présence de drogues acides et de base et d'opiacés ont été négatifs pour les deux occupants.

Le pilote devait porter des verres parce qu'il était myope. Un étui contenant une paire de lunettes a été retrouvé sur les lieux de l'accident.

1.12 Incendie

Rien n'indique qu'il y ait eu un incendie en vol; toutefois, un incendie s'est déclaré après l'impact. Le revêtement en tissu, les sièges et les harnais près du côté inférieur gauche de la cabine ainsi que le cadre de la porte gauche de la cabine avaient été roussis et brûlés. La porte gauche de la cabine s'est détachée à l'impact et a été retrouvée sur les lieux de l'accident, assez loin de l'épave principale. L'intérieur de la porte de la cabine ne présentait aucun signe de dommage par le feu, signe que l'incendie s'est déclaré à l'impact et qu'il s'est éteint de lui-même. Le compartiment de carburant de l'aile droite a aussi subi des dommages causés par le feu après l'écrasement.

4 Ordonnance sur le transport de matériel de télécommunications et de secours dans les régions inhospitalières, ONA, série V, no 12.

1.13 Questions relatives à la survie des occupants

L'avion s'est disloqué au moment de l'impact. L'accident n'offrait aucune chance de survie en raison de l'importance des forces de décélération et de l'écrasement de l'espace habitable de la cabine.

L'avion était équipé d'une radiobalise de détresse (ELT) Narco 10. La radiobalise s'est détachée de son support et du câble de l'antenne co-axiale au moment de l'impact. Des fragments du boîtier de la radiobalise et plusieurs batteries de radiobalise ont été retrouvés parmi les débris.

Les recherches pour retrouver l'avion ont été gênées pendant plusieurs jours par le mauvais temps et par l'absence de signal de radiobalise.

L'accident s'est produit dans une région dite «inhospitalière» comme le précise les Ordonnances sur la navigation aérienne (ONA)4. Un examen rapide du matériel et des fournitures récupérés sur les lieux de l'accident a indiqué que l'avion transportait suffisamment de matériel de survie.

1.14 Renseignements additionnels

Un chasseur, se trouvant sur une montagne voisine à une altitude de 4 200 pieds-mer et à environ six milles du lieu de l'accident, a entendu un avion léger le survoler environ trois ou quatre fois sur une période d'environ une heure au début de l'après-midi du 12 septembre 1994. Il ne pouvait apercevoir l'avion à cause du temps couvert; cependant, il croyait qu'il s'agissait du même avion passant d'est en ouest chaque fois. Il a estimé la visibilité au sol à un mille dans la pluie légère et la neige. Tous les sommets et toutes les crêtes étaient obscurcis par les nuages au- dessus de 6 000 pieds-mer, et la plus grande partie de la base nuageuse s'étendait vers le bas jusqu'à une altitude inférieure à 5 300 pieds-mer. Le chasseur a fait part de ses observations au Centre de coordination de sauvetage (RCC) le 14 septembre lorsqu'il s'est rendu compte que des recherches étaient en cours. Les renseignements ont effectivement servi à concentrer les efforts dans la zone de recherche.

L'accident s'est produit dans un espace aérien non contrôlé. L'ONA, série V, no 3 définit deux minima pour les vols VFR se déroulant ailleurs que dans un espace aérien contrôlé ou dans des zones de circulation d'aérodrome. L'ONA précise que lorsqu'un aéronef vole à 700 pieds ou plus verticalement par rapport au sol ou à un plan d'eau, la visibilité en vol ne doit pas être inférieure à un mille, et la distance de l'aéronef par rapport aux nuages ne doit pas être inférieure à 500 pieds verticalement et à 2 000 pieds...

5 Ordonnance concernant les minima atmosphériques pour le vol VFR. ONA, série V, no 3.

6 Tourisme aérien au Canada - La route de l'Alaska, Transports Canada, TP 2168, p. 1.

...horizontalement. L'ONA indique aussi que lorsqu'un aéronef vole à moins de 700 pieds verticalement par rapport au sol ou à un plan d'eau, la visibilité en vol ne doit pas être inférieure à un mille, et l'aéronef doit voler hors de tout nuage5. Le vol VFR «sur la couche», au-dessus d'un ciel couvert, n'est pas permis au Canada.

1.15 La route de l'Alaska

La route de l'Alaska va de Dawson Creek, en Colombie-Britannique, à Fairbanks, en Alaska. La route traverse Fort Nelson, en Colombie-Britannique, et les communautés de Watson Lake, Teslin, Whitehorse et Beaver Creek, au Yukon. De nombreux avions légers suivent cette route pour se rendre en Alaska chaque année, et bon nombre d'accidents liés aux conditions météorologiques se sont déjà produits le long de cette route. Un guide publié par Transports Canada à l'intention des touristes qui visitent le Canada et qui projettent de voler le long de la route de l'Alaska indique ce qui suit : «Le relief est sauvage et voler dans cette région nécessite de bonnes conditions météorologiques et toutes vos capacités en tant que pilote VFR.»6 La publication précise aussi : «La règle cardinale pour voler le long de la route est : NE PERSISTEZ PAS DANS DU MAUVAIS TEMPS.»

2.0 Analyse

2.1 Introduction

L'examen de l'épave sur les lieux a révélé que l'avion était en bon état de fonctionnement au moment de l'accident. Par conséquent, l'analyse portera sur les conditions météorologiques qui prévalaient le long de la route prévue au moment de l'accident ainsi que sur l'expérience du pilote et sa décision de poursuivre le vol dans une région montagneuse alors que le temps se dégradait.

2.2 Conditions météorologiques

Les prévisions ainsi que les conditions météorologiques réelles sur la route prévue n'étaient pas favorables au vol VFR dans le voisinage de Watson Lake ni dans les régions montagneuses situées à l'ouest de Watson Lake. Des conditions VFR prévalaient près de Teslin, mais elles se sont dégradées et sont devenues des conditions IFR plus à l'ouest, au voisinage de Whitehorse.

2.3 Le pilote

La combinaison de conditions météorologiques VFR défavorables, du relief montagneux et d'une méconnaissance de la route ont placé le pilote dans une situation dangereuse. Lorsque le pilote a communiqué son dernier compte rendu de position, à 24 milles au sud de Watson Lake, il a indiqué qu'il avait suivi la route de l'Alaska à une altitude de 6 000 pieds-mer depuis Fort Nelson. D'après la position signalée, l'avion se trouvait à environ 24 milles au sud de la route de l'Alaska et laisse croire qu'il s'était écarté de la route prévue à cause du mauvais temps à ce moment-là.

L'avion était équipé et certifié pour le vol IFR en conditions non givrantes, et le pilote était qualifié aux instruments; toutefois, il n'avait pas volé aux instruments récemment parce que ses compétences n'étaient pas à jour. Il n'a pas été possible de déterminer si l'avion se trouvait au-dessous ou au-dessus des nuages, ou s'il volait dans les nuages, lorsqu'il a heurté le flanc de la montagne. Toutefois, la proximité du lieu de l'accident par rapport à l'axe de la voie aérienne R5 à basse fréquence et la fréquence de 248 kHz syntonisée sur l'ADF laissent croire que le pilote suivait une route en éloignement du NDB de Watson Lake, à 2 800 pieds au-dessous de l'altitude minimale de franchissement d'obstacles (MOCA), plutôt qu'il ne tentait de suivre la route.

L'enquête n'a pas révélé pourquoi le pilote a décidé de quitter Fort Nelson tout en sachant que les conditions météorologiques en route à l'ouest de Watson Lake étaient à la limite de l'acceptable pour le vol VFR, ni pourquoi il a poursuivi le vol après avoir rencontré du mauvais temps. Rien n'indique qu'il devait respecter un horaire précis ni qu'il subissait des pressions extérieures pour terminer l'étape entre Fort Nelson et Beaver Creek ce jour-là.

Plusieurs faits indiquent qu'il croyait qu'il devait absolument effectuer le voyage. Des témoins ont remarqué qu'il était très enthousiaste au sujet du vol vers l'Alaska. Il n'avait jamais suivi la route de l'Alaska auparavant; cependant, il avait refusé de recevoir un exposé en route d'un pilote du Yukon qui connaissait le relief. L'exposé météorologique de la FSS avant le départ indiquait que les conditions météorologiques seraient à la limite de l'acceptable pour le vol VFR dans les régions montagneuses situées à l'ouest de Watson Lake; toutefois, le pilote a déposé un plan de vol pour la voie aérienne Victor jusqu'à Beaver Creek et est parti en se disant que ce serait une journée où il faudrait «chercher à se faufiler». Il a poursuivi le vol dans la région montagneuse après avoir rencontré le mauvais temps prévu et après qu'on l'eut avisé qu'un autre appareil volant en VFR à destination de Whitehorse s'était posé à Watson Lake. Il peut avoir délibérément choisi de ne pas se poser à Watson Lake à cause du plafond qui se situait à 200 pieds et décidé de continuer à Teslin, où l'on signalait des conditions meilleures. L'avion transportait suffisamment de carburant pour revenir à Fort Nelson, et la procédure VFR la plus sûre aurait été de revenir vers des conditions météorologiques VFR connues.

3.0 Faits établis

  1. Les conditions météorologiques à Fort Nelson étaient favorables au vol VFR au départ de l'avion.
  2. Les conditions météorologiques se sont dégradées comme prévu le long de la route prévue et ne favorisaient plus le vol VFR près de Watson Lake et à l'ouest de cette communauté.
  3. Le pilote était titulaire d'une qualification aux instruments; toutefois, il n'avait pas volé aux instruments récemment parce que ses compétences n'étaient plus à jour.
  4. La radiobalise de détresse s'est détachée de son support et s'est brisée au moment de l'impact.
  5. Les recherches ont été gênées par le mauvais temps et l'absence de signal de radiobalise.
  6. Rien n'indique qu'il y ait eu un problème de moteur ou de cellule avant l'impact.
  7. L'accident n'offrait aucune chance de survie en raison de l'importance des forces d'impact et de l'écrasement de l'espace habitable du poste de pilotage.

3.1 Causes

Le pilote a poursuivi le vol à vue dans des conditions météorologiques défavorables.

4.0 Mesures de sécurité

Le Bureau n'a, jusqu'ici, recommandé aucune mesure de sécurité.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.

Annexes

Annexe A - Sigles et abréviations

ADF
radiogoniomètre automatique
AWOS
Système automatisé d'observations météorologiques
BST
Bureau de la sécurité des transports
CO
monoxyde de carbone
ELT
radiobalise de détresse
FSS
station d'information de vol
GPS
système de positionnement mondial
h
heure(s)
HAP
heure avancée du Pacifique
IFR
règles de vol aux instruments
kHz
kilohertz
lb
livre(s)
MOCA
altitude minimale de franchissement d'obstacles
NDB
radiophare non directionnel
nm
mille(s) marin(s)
ONA
Ordonnance sur la navigation aérienne
RCC
Centre de coordination de sauvetage
RCO
installation radio télécommandée
UTC
temps universel coordonné
VFR
règles de vol à vue
minute(s)
°
degré(s)