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Rapport d'enquête aéronautique A95Q0090

Collision avec le relief
Cessna U206F C-GJGM
10 mi au sud-ouest de Baie-Saint-Paul (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le pilote, seul à bord, était parti de l'aéroport de Sept-Iles (Québec) à 7 h 42 HAENote de bas de page 1 pour un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de l'aéroport international Jean Lesage (Québec). Le Service de recherches et sauvetage (SAR) de Trenton (Ontario) a capté un signal d'une radiobalise de détresse (ELT) à 10 h 05 HAE et un aéronef de recherche a immédiatement été dépêché.

L'avion a été localisé à 12 h 03 HAE. Il avait heurté des arbres et s'était écrasé sur le flanc d'une montagne à environ 42 milles nautiques au nord-est de sa destination. Le pilote avait subi des blessures mortelles.

Renseignements de base

Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol entrepris et en vertu de la réglementation en vigueur. Il était expérimenté et possédait plus de 2 200 heures de vol. Celui-ci était très familier avec le trajet, l'ayant effectué à plus de 200 reprises. Il n'était pas titulaire d'une qualification canadienne de vol aux instruments.

Le pilote avait soumis un avis de vol avant d'entreprendre le vol, mais n'avait pas demandé d'exposé météo à la station d'information de vol (FSS) de Sept-Iles. Lors du roulement au sol, il a mentionné au contrôleur de la tour une altitude prévue en route de 4 500 pieds-mer.

Le pilote avait subi son dernier examen médical de l'aviation civile quelques semaines auparavant. Il devait subir un examen de la vue chaque année. Le dernier examen a été passé avec succès le 2 février 1995. L'enquête médicale n'a révélé aucun indice permettant de croire qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques aient pu perturber le comportement du pilote. L'autopsie a montré que l'avion a heurté le sol à grande vitesse.

L'accident a eu lieu à une altitude de 2 650 pieds-mer, sur le côté nord-ouest de la Montagne à Liguori (Québec) culminant à 2 725 pieds-mer. L'avion se dirigeait vers le sud-ouest, soit le cap approximatif de sa route, lorsqu'il a heurté horizontalement des arbres de plus de 100 pieds de hauteur. Plusieurs arbres ont été sectionnés et cassés. L'avion a laissé une trace d'environ 400 pieds de longueur, trace orientée au 236 degrés magnétique. Il y avait des marques d'hélices importantes sur les arbres. Les deux ailes s'étaient détachées du fuselage et les autres parties ont été lourdement endommagées par l'impact avec les arbres et le sol.

L'examen de l'avion effectué sur les lieux de l'accident n'a révélé aucune défaillance ni mauvais fonctionnement antérieurs à l'impact qui auraient pu réduire les performances de l'appareil. Les volets étaient rentrés et le calage altimétrique correspondait au calage en vigueur. La masse et le centrage de l'avion étaient dans les limites prescrites et l'avion emportait suffisamment de carburant pour effectuer le vol. L'appareil était doté de l'instrumentation nécessaire pour le vol aux instruments.

La route directe de Sept-Iles à Québec amène le pilote à voler dans la direction sud-ouest, du côté ouest du fleuve Saint-Laurent. L'altitude minimale de franchissement d'obstacle (MOCA) qui s'applique pour les vols aux instruments pour la portion de la voie aérienne entre Charlevoix et Québec est de 5 300 pieds-mer. Une altitude de 4 300 pieds, appelée altitude de franchissement d'obstacle, est publiée sur la carte de navigation VFR pour le secteur où l'accident est survenu. Cette altitude indiquée dans le quadrilatère délimité par les lignes de latitude et de longitude est en milliers et centaines de pieds au-dessus du niveau moyen de la mer et représente la plus haute altitude du terrain plus 328 pieds (100 mètres), soit la plus haute altitude d'un obstacle connu, suivant l'altitude la plus élevée des deux.

Une analyse par Environnement Canada mentionne que les prévisions couvrant la région où devait se dérouler le vol faisaient état d'un creux en altitude qui s'étendait de 60 milles au nord-ouest de Sept-Iles jusqu'à Montréal. On prévoyait que ce creux dériverait lentement vers l'est de cinq à dix noeuds. Le vol s'est déroulé à l'avant de ce creux en altitude où l'on prévoyait des nuages bas fragmentés entre 1 500 et 2 500 pieds-mer avec une couche solide d'altocumulus au-dessus. Des plafonds de stratus de 200 à 1 000 pieds-sol par endroits, ainsi que des visibilités réduites de deux à cinq milles dans la pluie, la bruine et/ou le brouillard étaient également prévues. Les prévisions pour Sept-Iles mentionnaient que les conditions VFR continueraient; cependant, celles pour Baie-Comeau donnaient, comme conditions générales jusqu'à midi, un plafond à 200 pieds et une visibilité d'un mille dans la pluie, la bruine et le brouillard. Pour Québec, la condition principale prévue était un plafond à 600 pieds, sans restriction à la visibilité.

Deux stations automatiques, soit celle de l'Ile Rouge à l'embouchure du Saguenay et celle de Rivière-du-Loup, bien qu'elles n'ont aucune information sur les plafonds, ont rapporté des visibilités réduites dans le brouillard. La photographie prise par satellite montre l'étendue de nuages le long de la route prévue.

Au décollage, les conditions météorologiques à Sept-Iles étaient les suivantes: 6 000 pieds épars, plafond à 8 000 pieds couvert et une visibilité de 30 milles. À 08 h 20 HAE, en survolant la région de Godbout, le pilote a demandé et reçu du FSS de Mont-Joli les dernières séquences pour Mont-Joli, Baie-Comeau et Québec, ainsi que les prévisions pour les prochaines deux heures à Québec. Les données faisaient état de plafonds à 2 000 pieds à Mont-Joli, 200 pieds à Baie-Comeau et 600 pieds à Québec, avec des visibilités respectives de cinq milles, deux milles et cinq milles dans la pluie, la brume et le brouillard.

L'analyse mentionne également que, sur les lieux de l'accident, le plafond nuageux était fort probablement inférieur à 1 000 pieds et, possiblement très inférieur à ce seuil, avec une visibilité réduite. Un témoin a observé un appareil hors des nuages et survolant a faible altitude, quelques instants avant l'événement. D'autres témoins, qui se trouvaient en bas de la montagne et dans les alentours du site, ont indiqué que jusqu'à environ 13 h, un épais brouillard rendait la visibilité presque nulle et que la montagne était obscurcie par le brouillard. Même les conditions routières étaient affectées par l'épais brouillard. Cependant, personne n'a entendu de bruits inhabituels.

Analyse

Puisqu'il n'y a pas d'évidence de défaillance ni de mauvais fonctionnement ayant pu réduire les performances de l'appareil antérieurement à l'impact, l'analyse porte sur les conditions météorologiques, la préparation du vol et la décision du pilote.

Les prévisions du temps et les observations indiquent que la météo sur la route prévue n'était pas favorable pour le vol entrepris. Des stratus bas accompagnés de précipitation, de bruine et de brouillard, tels que mentionnés dans les prévisions, prévalaient sur la route et en région montagneuse. Même si le pilote n'a pas demandé d'exposé météo au FSS avant son vol et que les conditions à l'aérodrome de départ étaient favorables au vol à vue, il était évident dans ses communications radio en route que le pilote était conscient que des conditions météorologiques défavorables se trouvaient sur la route de vol prévue. Le pilote, ayant déjà effectué le trajet à maintes reprises, a néanmoins continué sa route.

Étant donné les conditions météorologiques qui prévalaient au moment de l'accident, tout indique que le pilote a fait descendre l'appareil en région montagneuse, à une altitude inférieure à l'altitude sécuritaire pour les vols aux instruments et l'altitude de franchissement d'obstacle publiée sur la carte de navigation VFR, dans l'espoir de continuer sa route. Comme les dommages observés sur l'avion indiquent que sa vitesse était élevée et que l'appareil a heurté les arbres dans une attitude horizontale, le Cessna a fort probablement percuté la montagne sans que le pilote ne se rende compte de la situation.

Une étude de sécurité, effectuée par le BST et produite en 1990, sur le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables, mentionne que ce genre d'accident représente environ 23 pour cent de tous les accidents mortels. De plus, elle ajoute que les pilotes expérimentés ont tendance à être victimes d'accidents ayant trait à la prise de décision plutôt qu'à un manque d'habileté.

Faits établis

  1. Le pilote n'a pas demandé d'exposé météo du FSS pour le vol entrepris.
  2. Les conditions météorologiques sur la route prévue étaient défavorables pour le vol à vue.
  3. En route, le pilote a rencontré des conditions météorologiques défavorables et a poursuivi son vol.
  4. La montagne où l'avion s'est écrasé était obscurcie par le brouillard durant toute la matinée.
  5. L'appareil ne présentait aucun signe de défaillance antérieure à l'impact.
  6. L'avion volait à grande vitesse quand il a heurté les arbres.

Causes et facteurs contributifs

Le pilote a poursuivi le vol à vue dans des conditions météorologiques défavorables. Contributif à l'accident est le fait qu'il n'a pas demandé les renseignements météorologiques pour la route prévue avant son départ.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et du membre Zita Brunet.