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Rapport d'enquête aéronautique A97P0351

Collision avec un plan d'eau
Terry Air
Cessna 402C C-GKWV
23 nm au nord de Mackenzie (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Cessna 402C de Terry Air portant le numéro de série 402C0515 avait été nolisé pour transporter des passagers et de l'équipement jusqu'à la surface d'atterrissage de Bear Valley, dans le nord de la Colombie-Britannique. Le départ, prévu à 8 h 30, heure normale du Pacifique (HNP)Note de bas de page 1, a été retardé à cause des conditions météorologiques défavorables prévalant à Mackenzie; finalement, l'appareil a décollé à 12 h 10. Le vol d'une durée de 40 minutes vers Bear Valley s'est déroulé sans incident. Une fois à Bear Valley, les passagers sont descendus et le fret a été déchargé. Ensuite, quelque 500 livres de fret ont été chargées et deux nouveaux passagers sont alors montés à bord pour le vol de retour vers Mackenzie. L'appareil a quitté Bear Valley à 13 h 2. À 13 h 20, le pilote a communiqué par radio avec bureau de répartition de Terry Air. Il a signalé qu'il sortait de Peace Arm et qu'il prévoyait atteindre Mackenzie à 13 h 40. Le répartiteur a alors informé le pilote qu'à Mackenzie, la visibilité était tombée à deux milles. Vers 13 h 30, le pilote a transmis le message « Terry Air, KWV ». D'après sa voix, le pilote ne semblait pas en détresse, et le ton ainsi que le contenu de la communication indiquaient le début d'un appel normal. Aucun autre message en provenance du pilote n'a été entendu. Vers 13 h 50, le personnel de Terry Air a amorcé des opérations de recherche radio et de secours. Les services de recherche et de sauvetage ainsi que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont effectué des recherches dans la région se trouvant au nord de Mackenzie et ils ont repéré de petites parties de l'épave flottant près de la rive ouest du lac Williston. Aucun des occupants de l'appareil n'a alors été retrouvé. Plus tard, le corps des deux passagers a été retrouvé et repêché.

Renseignements de base

Lorsque le pilote a quitté Mackenzie, il a suivi le lac Williston vers le nord sur environ 50 milles marins (nm), puis il a tourné vers l'est, entrant dans Peace Arm, et s'est dirigé vers Bear Valley. À ce moment, le ciel était couvert avec un plafond à environ 2 000 pieds au-dessus du sol (agl) et il y avait une faible turbulence à l'entrée de Peace Arm. Le pilote est ensuite descendu afin de demeurer sous les nuages et a continué de voler dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC). Les passagers ont décrit les gestes du pilote; les renseignements qu'ils ont fournis correspondent à l'utilisation du pilote automatique par le pilote pendant la croisière et confirment le fait qu'il n'ait effectué aucun appel radio après son départ de Mackenzie.

Pour le vol de retour vers Mackenzie, le pilote avait chargé environ 500 livres de marchandise à l'avant de la cabine, juste derrière les sièges des pilotes, et il avait fixé latéralement cette charge au moyen de sangles de retenue de fret. Il avait également chargé environ 100 livres de marchandise dans le compartiment situé dans le nez de l'appareil. Des témoins ont rapporté que le pilote n'avait pas utilisé les compartiments de rangement de l'aile et que ces derniers sont demeurés fermés pendant l'escale à Bear Valley. La masse de l'appareil au moment de l'accident a été évaluée à environ 6 200 livres et son centre de gravité, à environ 156 pouces de la référence; ces deux valeurs se trouvent dans les limites homologuées.

L'itinéraire exact du vol de retour vers Mackenzie n'est pas connu. Cependant, selon le rapport radio du pilote et le lieu de l'accident, il est probable que l'appareil s'est dirigé vers l'ouest à partir de Bear Valley jusqu'au lac Williston, puis vers le sud jusqu'à Mackenzie. On ignore à quelle altitude il volait pendant le vol de retour, mais, pour demeurer en VMC, le pilote a dû être limité par le plafond couvert à environ 2 000 pieds agl et par les phénomènes météorologiques locaux rapportés par plusieurs pilotes qui avaient survolé la région antérieurement.

L'épave a été localisée près du centre du lac Williston et de l'embouchure du ruisseau Six Mile, et les débris étaient concentrés à l'intérieur d'un périmètre d'environ 100 pieds de diamètre. La profondeur de l'eau au lieu de l'accident était d'environ 160 pieds, ce qui est trop profond pour des plongeurs autonomes. Plusieurs équipes de plongeurs professionnels ont effectué des recherches sous-marines au moyen de véhicules téléguidés munis de systèmes d'enregistrement vidéo. Au cours de l'été 1998, après plusieurs tentatives, deux corps ainsi qu'une bonne partie de l'épave ont été retrouvés puis repêchés. Le BST a analysé cette partie de l'épave ainsi que les enregistrements vidéo effectués pendant les recherches sous-marines.

L'appareil a subi des dommages considérables à l'impact. Les dommages de part et d'autre du fuselage et des nacelles semblaient généralement symétriques. Les réservoirs structuraux de carburant avaient été éventrés. L'aile gauche semblait fixée au fuselage, et son saumon était détaché et visible. Le nez de l'appareil était désagrégé et une grosse partie de la cloison droite de la cabine avait été arrachée et s'était détachée en arrière de l'aile droite. La porte de l'escalier intégré semblait fixée à la structure et fermée. La porte de la soute à bagages de la nacelle gauche et son verrou ont été retrouvés ouverts avant que l'épave ne soit repêchée.

L'extrémité avant du plancher de la cabine, la paroi latérale gauche de la cabine avant et le stabilisateur droit avaient été comprimés de façon symétrique suivant un angle de 45 à 60 degrés. Les traces ainsi laissées indiquent peut-être un piqué prononcé à l'impact mais elles peuvent aussi être le résultat des forces hydrauliques appliquées sur l'appareil au cours d'un impact plus à l'horizontale.

Tous les dommages à la structure principale de l'aile ont été attribués aux forces d'impact. Bien que la gouverne de direction et la dérive aient semblé rester attachés, l'empennage a subi de graves dommages au moment de l'impact. Le stabilisateur avait pivoté vers la droite et s'était presque détaché. Le bord d'attaque du stabilisateur gauche avait subi de graves dommages mécaniques à l'extérieur de la référence transversale 61.50 et une partie triangulaire du profil aérodynamique manquait. L'extrados du stabilisateur comportait deux séries d'ondulations, dont l'une était une image symétrique des ondulations observables sur l'extrados du stabilisateur droit. Le guignol de gouverne de profondeur gauche n'avait subi aucun dommage et les butées de la commande de la gouverne de profondeur ne comportaient aucun signe de battement. Un petit morceau d'un matériau synthétique jaune semblable à du plastique était logé dans le revêtement de la gouverne de profondeur, près de la charnière extérieure gauche de cette dernière. Le stabilisateur, le compartiment de la nacelle de l'aile gauche et la substance étrangère repêchée ont été envoyés au laboratoire technique du BST à des fins d'analyse plus poussée, dans le but de déterminer si les dommages qu'a subis le stabilisateur s'étaient produits avant l'impact avec le plan d'eau (LP 001/99).

Toutes les discontinuités détectées dans le circuit des commandes de vol étaient par nature le résultat de surcharges et elles ont été attribuées aux importantes forces d'impact. On a mesuré la position des vérins de tab compensateur de profondeur et de direction. Ces mesures ont été considérées comme peu utiles pour indiquer l'état de l'appareil avant l'impact, car les deux circuits de compensation sont actionnés par des câbles et sont donc susceptibles de bouger lors d'un écrasement. De plus, le vérin du compensateur de direction se trouvait près de sa position maximale et son câble de commande s'était rompu à cause d'une surcharge.

D'après la position du sélecteur de train et des verrous train rentré, le train était rentré (UP) au moment de l'accident. De plus, le sélecteur des volets d'ailes se trouvait à la position 15 degrés; cette position est confirmée par celle des maillons de la chaîne du vérin des volets et par celle du levier du contact de présélecteur du vérin, lesquelles indiquaient que les volets se trouvaient à une position intermédiaire au moment de l'impact.

Un examen du moteur gauche n'a révélé aucune défectuosité qui aurait pu provoquer une perte de puissance soudaine ou importante. Il n'y avait aucune différence notable entre la position des manettes de gaz, des régulateurs d'hélice ou des manettes de commande; ils se trouvaient tous à la position appropriée pour un vol normal. Le fonctionnement des moteurs est corroboré par les indications des instruments du poste de pilotage qui ont été figées à l'impact. L'anémomètre gauche, l'indicateur de virage et niveau transversal gauche, l'indicateur de cap gauche, le tachymètre moteur, le débitmètre carburant et l'anémomètre droit sans son cadran ont été envoyés au laboratoire du BST à des fins d'examen. Cet examen a révélé :

Le siège d'équipage gauche a été arraché de son support et n'a pas été récupéré avec l'épave. Cependant, l'examen des parties du poste de pilotage récupérées a révélé que la ceinture de sécurité du pilote avait été bouclée et que la partie du plancher où était fixé le dispositif d'ancrage de la ceinture du siège gauche s'est détachée de la cellule sous l'effet d'une surcharge; la ceinture n'aurait donc pas retenu le pilote à l'intérieur de l'épave après l'accident. Les composants examinés ne portaient aucune trace d'incendie.

La dynamique du vol de l'appareil avant l'impact, le point d'impact original et l'assiette de l'appareil à l'impact n'ont pas été déterminés. Aucun témoin oculaire de l'écrasement ne s'est manifesté. L'appareil ne possédait ni enregistreur de vol ni enregistreur de la parole dans le poste de pilotage; ces équipements n'étaient pas exigés par la réglementation. De plus, parce qu'il s'est agi d'une collision avec un plan d'eau, il n'y avait aucune marque au sol permettant de recueillir des données quant au point d'impact original et à l'assiette de l'appareil. Enfin, les dommages hydrauliques importants subis lors de l'impact avec le plan d'eau ont tendance à masquer les signes que l'on relève habituellement sur une épave.

Terry Air possédait les permis nécessaires à l'exploitation d'un service de taxi aérien au moyen d'un Cessna 402 et d'un Piper Seneca III; la base principale de l'entreprise se trouve à Mackenzie. Le certificat d'exploitant aérien portant le numéro 8360 et ayant été délivré par le ministre des Transports était en vigueur au moment de l'accident et il autorisait l'entreprise à transporter de jour des passagers ainsi que du fret selon les règles de vol à vue (VFR) ou, après autorisation d'une unité du contrôle de la circulation aérienne, dans des conditions VFR spéciales. Selon le certificat d'exploitation aérienne, tout vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) ou selon les dispositions du vol VFR au-dessus de toute formation était expressément interdit.

Les opérations aériennes de Terry Air étaient surveillées par un gestionnaire des opérations. Ce dernier ne détenant aucune licence aéronautique valide, il avait délégué certaines de ses tâches de supervision au chef-pilote de l'entreprise, qui a succombé dans cet accident. Le chef-pilote était responsable de la sécurité des opérations aériennes et du respect des normes professionnelles par les équipages de conduite placés sous son autorité. Au moment de l'accident, un autre pilote était à l'emploi de l'entreprise et les tâches de pilotage étaient partagées entre ce dernier et le pilote en chef.

L'appareil avait été fabriqué en 1981, il avait été importé au Canada en vertu d'un certificat de navigabilité d'exportation délivré le 26 avril 1996 et les dernières opérations de maintenance avaient été effectuées par Hill Aircraft Service Ltd. Un examen des documents de l'appareil a révélé que ce dernier avait été entretenu conformément au programme de maintenance progressive du Cessna 402 et aux consignes existantes. La dernière inspection de l'appareil avait été effectuée environ 35 heures avant l'accident, le 6 novembre 1997, alors que sa cellule totalisait 16 612 heures de vol.

L'appareil avait eu accident à l'atterrissage le 18 septembre 1997; il avait percuté une pile de rondins, ce qui avait endommagé le saumon d'aile gauche, le boudin de dégivrage gauche et l'aileron gauche. Les dossiers d'entretien indiquent que ces composants ont été remplacés. L'aile gauche avait été inspectée et elle ne présentait aucun signe de corrosion ni aucun dommage important. Une fois les réparations terminées, le chef-pilote a effectué un essai en vol et a accepté la remise en service de l'appareil. Le 3 novembre 1997, des inspecteurs en maintenance de Transports Canada ont examiné les dossiers de réparation de l'aile et inspecté l'appareil; ils ont conclu que les réparations avaient été effectuées de façon appropriée et que l'appareil était en état de navigabilité. Depuis les réparations, l'appareil avait accumulé environ 60 heures de vol; rien n'indiquait la présence de défectuosité non corrigée ou d'opération de maintenance différée sur l'appareil pendant la période ayant duré jusqu'à l'accident.

Le pilote en cause détenait une licence canadienne de pilote de ligne, un certificat médical valide et une annotation de type d'aéronef. Il totalisait quelque 5 500 heures de vol, la plupart ayant été accumulées pendant des vols VFR dans le Nord canadien. Il avait travaillé pour un transporteur aérien régional en 1991 et 1992 et, à l'époque, il détenait une annotation de type pour le BA31 Jetstream et le de Havilland DHC-8. La qualification de vol aux instruments du pilote était expirée et ce dernier avait échoué à ses deux plus récents examens de vol aux instruments passés avec des inspecteurs de Transports Canada. La réglementation n'exigeait pas de qualification de vol aux instruments, pourvu que les opérations aériennes soient effectuées dans le respect des conditions stipulées par le certificat d'exploitation aérienne.

Les vols entre Mackenzie et Bear Valley se déroulent entièrement à l'intérieur d'un espace aérien de classe G. Dans la région du lac Williston, les stations d'information de vol (FSS) de Prince George et Fort Nelson fournissent sur la fréquence 126,7 MHz des services en vol limités aux appareils volant à basse altitude. Cette fréquence ne couvre pas tout le lac et sa couverture ne s'étend pas non plus jusqu'à Peace Arm. Les pilotes utilisent la fréquence 123,2 MHz ainsi qu'un système radio VHF/FM pour communiquer avec les camps forestiers et pour fournir à leurs régulateurs des rapports de suivi des vols.

Le jour de l'accident, la région centrale intérieure de la Colombie-Britannique était sous l'influence d'un important courant du sud-ouest en altitude; deux systèmes météorologiques faisant partie de ce courant affectaient la région du lac Williston. La première perturbation avait la forme d'un système frontal arrivant du Pacifique qui a traversé la région centrale intérieure le matin avant d'atteindre le sud du lac Williston vers 10 h. Ce matin-là, un deuxième système, plus petit, a également traversé la côte de la Colombie-Britannique et la partie la plus à l'est de la bande de nuages y étant associée a atteint la région du lac Williston vers midi. La partie arrière de ce deuxième système a franchi la région du lac Williston vers 15 h 00.

À bas niveau, la masse d'air était humide et stable, mais, plus haut, elle était plus instable. La région du lac Williston a été généralement couverte de couches de stratus fragmentés dont la base se trouvait entre 3 000 et 6 000 pieds au-dessus du niveau de la mer et le sommet à 7 000 pieds. Il y avait également par endroits des altocumulus castellanus noyés provoquant des averses de neige plus importantes réduisant la visibilité jusqu'à ½ mille et donnant localement des plafonds de 500 pieds agl dans des précipitations; le sommet de ces nuages pouvait atteindre 21 000 pieds.

Une analyse du temps à l'aéroport de Mackenzie a montré que les précipitations du deuxième système météorologique avaient commencé à 12 h 15. À 13 h, le plafond a chuté à 1 500 pieds et la visibilité était de 3 milles terrestres (sm). Au cours de l'heure trois quarts qui a suivi, les conditions météorologiques se sont détériorées et sont demeurées inférieures aux minima VMC. Pendant cette période, parce que les conditions météorologiques variaient rapidement, le Système automatique d'observation météorologique (AWOS) de Mackenzie a diffusé 15 rapports météorologiques spéciaux; le plafond le plus bas a été de 200 pieds et la visibilité de 1 sm.

Au nord de Mackenzie, près du lieu de l'accident, le bras sud du lac Williston va en rétrécissant et forme un canal. L'air circulant vers le nord dans ce resserrement a tendance à se comprimer et à monter lentement; ce phénomène a tendance à augmenter la probabilité et l'intensité des précipitations dans cette région.

Entre 13 h et 13 h 15, deux appareils ont atterri à Mackenzie; ils avaient tous deux traversé la région où allait plus tard se produire l'accident. Les pilotes ont signalé que la visibilité en vol avait diminué de façon importante à cause de neige d'intensité moyenne. À cause de ces conditions météorologiques, les deux pilotes ont dû descendre à environ 200 pieds agl pour demeurer en contact visuel avec la rive et la surface du lac; aucun n'a signalé d'accumulation de givre sur son appareil. Ces conditions défavorables prévalaient de Scott Creek, à l'extrémité nord du défilé du lac Williston, jusqu'à Mackenzie. Beaucoup de vols nolisés en partance de Mackenzie ont par la suite été annulés à cause des mauvaises conditions météorologiques. D'après les conclusions d'une analyse du temps faite à la suite de cet accident, les conditions qui prévalaient dans le défilé au moment de l'accident étaient probablement pires que celles décrites dans les rapports (PIREP) de ces deux pilotes, la visibilité avant dans cette région ayant pu chuter jusqu'à ½ mille au milieu de fortes chutes de neige.

Le Cessna 402 avait été nolisé spécialement pour ce voyage, à cause de sa capacité supérieure d'emport de fret. À l'origine, une escale d'une durée de 2½ heures à Bear Valley avait été prévue et le retour avait été calculé pour une arrivée à Mackenzie vers 12 h. La disposition normale des sièges comportait deux sièges d'équipage et sept fauteuils passagers; pour le vol pendant lequel est survenu l'accident, les quatre premiers sièges passagers avaient été retirés pour faire place au fret.

Le manuel d'exploitation de Terry Air définissait le pilote commandant de bord comme étant responsable de la formulation, de l'exécution et de la modification d'un plan de vol opérationnel et comme étant également responsable du bon déroulement du vol selon tous les règlements applicables. Le manuel d'exploitation exigeait que les pilotes obtiennent des renseignements météorologiques appropriés pour chaque vol. Chaque matin, le répartiteur de Terry Air obtient des renseignements météorologiques préliminaires d'un site internet d'Environnement Canada ou de NAV CANADA. Le matin de l'accident, ces renseignements ont été obtenus à 8 h 56 et ils comportaient les prévisions pour la région terminale et des bulletins météo pour Mackenzie, Fort Nelson, Prince George et Fort St. John, tous valides à 8 h. Le répartiteur a également obtenu une image satellite du couvert nuageux se trouvant au-dessus de la région à 7 h 30 min. Les renseignements météorologiques ne comportaient ni prévisions pour la région, ni analyse de surface, ni vents en haute altitude, ni cartes du temps significatif ni rapports de pilote disponibles pour la région. Les pilotes de Terry Air étaient tenus d'obtenir des renseignements préliminaires supplémentaires en se faisant communiquer un exposé météo de la FSS de Prince George avant de partir et en contactant le personnel des camps éloignés pour s'enquérir des plus récentes conditions qui prévalaient aux aérodromes de destination. Les enquêteurs du BST ont relu les registres des exposés de la FSS de Prince George, réécouté les enregistrements audio de la FSS qui couvrent la fréquence radio et les canaux téléphoniques ainsi que les enregistrements téléphoniques de tous les appels sortants et entrants des deux numéros « 1-800 » indiqués dans le Supplément de vol - Canada. Les enquêteurs n'ont découvert aucun enregistrement du pilote en train de se faire communiquer un exposé météo formel avant le vol en partance de Mackenzie ou de Bear Valley.

Terry Air doit maintenir un système de suivi des vols pour surveiller le déroulement de ces vols et avertir le personnel approprié de l'entreprise ainsi que les responsables des services de recherche et sauvetage lorsqu'un appareil est en retard ou porté disparu; cette tâche est habituellement accomplie par le répartiteur. Les pilotes lui facilitent la tâche en signalant leurs déplacements grâce aux moyens de communication disponibles. Pendant ce vol, le pilote a contacté la FSS de Prince George sur la fréquence radio 126,7 MHz avant de quitter Mackenzie à destination de Bear Valley. Il a alors avisé la FSS de son départ de Mackenzie, de son itinéraire et de la présence de deux pouces de neige sur la piste à Mackenzie. Il n'y a aucun enregistrement d'appels radio ultérieurs provenant de C-GKWV sur la fréquence 126,7 MHz. Au moyen de la radio FM, le pilote a signalé son départ de Mackenzie au répartiteur de la compagnie; il s'est agi de la seule transmission en provenance du pilote pendant le vol vers Bear Valley. Pendant le retour vers Mackenzie, le pilote a signalé son heure de départ, à savoir 13 h 2, au moyen de la radio FM, mais le répartiteur de la compagnie ne l'a pas entendu, probablement à cause des limites de couverture de la radio; à 13 h 5, le camp de Bear Valley a cependant informé par téléphone le répartiteur du départ de l'appareil. Le pilote a contacté le répartiteur à 13 h 20, après avoir quitté Peace Arm, et il a estimé qu'il atteindrait Mackenzie à 13 h 40.

Les rubriques 703.27 et 703.29 du Règlement de l'aviation canadien garantissent la sécurité des opérations VFR en spécifiant des exigences minimales de franchissement d'obstacles et en obligeant les pilotes à utiliser les derniers bulletins météorologiques et les dernières prévisions météorologiques avant le début d'un vol. Le règlement stipule entre autres que personne ne doit entreprendre un vol VFR à moins que les derniers bulletins et les dernières prévisions n'indiquent que les conditions météorologiques le long du parcours et à l'aérodrome de destination permettent au pilote de se conformer aux conditions VFR. De plus, sauf lors d'un décollage ou d'un atterrissage, personne ne doit utiliser un appareil selon les règles de vol à vue (VFR) de jour à moins de 300 pieds agl ou à moins de 300 pieds (distance horizontale) d'un obstacle.

Analyse

Une situation météo complexe affectait la région; les éléments essentiels de cette situation météo tenaient aux risques de rencontrer des plafonds bas et une visibilité réduite à proximité d'un creux en surface ou dans la région où se trouvaient des cumulus castellanus ou bourgeonnants noyés. À l'exception de ces risques localisés, la région était généralement recouverte de nuages et propice au vol VFR.

Rien n'indiquait que le pilote avait obtenu un exposé météo prévol complet avant l'un des vols en provenance de Mackenzie ou de Bear Valley; sans un tel exposé, il ne pouvait pas être informé des renseignements que comportent les prévisions de zone, la carte d'analyse de la surface, la carte du temps significatif ou les PIREP de la région; plus particulièrement, il ne pouvait pas été informé du risque de visibilité réduite qui prévalait à cause des conditions inférieures aux minima VMC à proximité des cumulus castellanus ou bourgeonnants noyés.

Pendant que le pilote se trouvait à Bear Valley, les conditions météorologiques dans la région de Mackenzie ont commencé à se détériorer et sont devenues inférieures aux minima VMC. Bien que deux autres pilotes aient échangé par radio des renseignements propres à la détérioration de ces conditions météorologiques, le pilote en cause dans cet accident n'a pu les entendre car il volait à ce moment-là vers l'ouest dans Peace Arm et se trouvait hors de la zone de couverture radio pendant cette conversation. Il était peu probable que les conditions rapportées se soient améliorées de façon importante pendant la courte période menant jusqu'à l'accident; en fait, la tendance générale à Mackenzie était à la détérioration continue du plafond et de la visibilité, à un point tel que les vols ultérieurs en partance de Mackenzie ont été annulés.

À 13 h 20, lorsque le pilote a signalé qu'il était sorti de Peace Arm, le répartiteur de la compagnie l'a informé qu'à Mackenzie, la visibilité était tombée à deux milles. Bien qu'au courant de la détérioration de la visibilité, le pilote n'a pas contacté la FSS de Prince George pour obtenir les dernières prévisions météorologiques; il n'a donc pas été mis au courant des nouvelles prévisions pour la région terminale de Mackenzie qui prévalaient à 13 h. Il n'a pas su non plus que l'AWOS de Mackenzie avait généré une multitude de rapports spéciaux sur les conditions météorologiques qui variaient rapidement ni que la visibilité à Mackenzie était inférieure aux minima VMC.

Le manuel d'exploitation de Terry Air défend expressément tout vol IFR ou VFR au-dessus de toute formation. En cas de détérioration des conditions météorologiques, le pilote, qui ne possédait pas de qualification de vol aux instruments, n'avait d'autre choix que de retourner à son point de départ ou de se diriger vers un autre aéroport utilisable.

Le lieu d'accident révèle que le pilote est entré dans la zone où prévalaient les mauvaises conditions météorologiques et la visibilité réduite. Il se peut donc qu'il ait rencontré des conditions similaires à celles signalées par les pilotes qui avaient survolé le défilé avant lui. Dans ces deux cas, la dégradation des conditions météorologiques avait forcé les pilotes à descendre jusqu'à environ 200 pieds agl pour garder un contact visuel avec la rive du lac. Les risques que comporte le vol VFR dans ces conditions sont connus et ils sont atténués jusqu'à un certain point par l'établissement d'une altitude minimale de franchissement d'obstacles de 300 pieds agl et d'une visibilité minimale de 2 milles. Le vol VFR à une altitude ou par une visibilité inférieures à ces valeurs minimales est considéré non sécuritaire et est interdit par le règlement.

Au cours de ce vol, l'absence d'appels radio sur la fréquence de 126,7 MHz, constatée pendant l'aller et le retour de ce voyage, a augmenté le risque d'accident en nuisant à la continuité du suivi des vols. L'absence de transmissions radio a augmenté le risque de rencontrer un appareil volant en direction opposée dans les parties étroites du lac et a réduit les possibilités que les autres appareils ou les FSS communiquent au pilote des renseignements pertinents sur les conditions météorologiques ou la sécurité en vol.

Selon le rapport d'un témoin de l'appel radio du pilote transmis vers 13 h 30, l'émetteur radio était fonctionnel dans la période précédant immédiatement l'accident, il était réglé sur la fréquence FM de Bevel Mountain et l'alimentation électrique permettait de faire fonctionner le système radio.

La cause immédiate de cet accident n'est pas connue; cependant, le pilote n'ayant signalé aucun problème au répartiteur ni à la FSS, il est probable que l'accident est survenu soudainement et sans beaucoup d'avertissement. Les conditions météorologiques connues étant inférieures aux minima VMC, le risque de heurter le sol par mégarde sans perte de contrôle était plus élevé. Cependant, il se peut également qu'un problème mécanique soit survenu.

Cet appareil avait déjà été accidenté. Après cet accident, sa réparation et sa remise en service avaient été vérifiées et supervisées par un organisme de maintenance agréé ainsi que par le chef-pilote et le gestionnaire de la maintenance de Terry Air. De plus, l'appareil avait subi une inspection indépendante qui avait été effectuée par deux inspecteurs de navigabilité de Transports Canada. Après la réparation de son aile et l'acceptation de sa remise en service, l'appareil a volé pendant plus de 60 heures et aucune défectuosité n'a été signalée à son endroit par aucun des pilotes de la compagnie; par conséquent, il est considéré peu probable qu'il existe un lien de cause à effet entre la réparation antérieure et l'accident.

La probabilité d'une désintégration en vol est jugée faible; une défaillance structurale en altitude aurait normalement provoqué l'éparpillement de l'épave sur une vaste étendue; la trace laissée par les débris à la suite de cet accident tenait à l'intérieur d'une petite zone dans laquelle se trouvaient les principaux éléments structuraux de l'appareil.

Les composants examinés, y compris le poste de pilotage, les composants des moteurs et de l'intérieur de la cabine, ne comportaient aucune trace d'incendie.

Une évaluation de l'épave récupérée a révélé qu'au moment de l'accident, les deux moteurs de l'appareil fonctionnaient probablement à la puissance de croisière normale ou à une puissance supérieure. Néanmoins, en cas de panne moteur, les pilotes doivent normalement pouvoir garder la maîtrise de leur appareil, particulièrement s'ils volent dans des conditions de vol à vue conformes aux exigences de leur certificat d'exploitation.

Les déformations de l'épave récupérée ne permettent pas de tirer de conclusions; elles peuvent être le signe que l'appareil s'est abîmé dans l'eau en un piqué prononcé, son aile gauche légèrement abaissée, ou avoir été causées par l'action hydraulique lorsque l'appareil est entré dans l'eau selon une assiette plus proche de l'horizontale.

Le stabilisateur gauche présentait des dommages mécaniques qui semblaient incompatibles avec ceux des parties adjacentes du profil aérodynamique. Malgré l'examen mécanique détaillé des composants en cause (LP 001/99), les résultats n'ont permis de tirer aucune conclusion quant à savoir si ces dommages dûs à un impact s'étaient produits en vol ou pendant la séquence de désintégration avant que le stabilisateur ne touche l'eau. Il n'y avait aucune trace de peinture, d'oiseau, d'animal ni de végétation dans le voisinage immédiat du profil aérodynamique endommagé. Le matériau jaune coincé dans une fissure près du bord de fuite extérieur du stabilisateur gauche n'a pas été identifié et il n'y avait pas suffisamment d'indices physiques pour conclure qu'il était en partie responsable des dommages. Bien que la porte et le verrou de la soute à bagages gauche aient été trouvés en position ouverte, on ne peut en conclure que la porte de la soute était ouverte avant l'impact.

L'importance de la désintégration et de la fragmentation de grandes parties de la cellule indiquent que l'appareil a subi une décélération rapide à l'impact. Cette décélération aurait produit des forces G élevées supérieures à celles prévues par les critères de conception des ceintures de sécurité et avoisinant les niveaux maximaux de tolérance de l'être humain. Dans ce cas-ci, à cause de la surcharge et de la rupture des systèmes de retenue des sièges, les probabilités de survie étaient très faibles. La présence et le procédé d'arrimage du fret à l'intérieur auraient réduit davantage les probabilités de survie des occupants.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Faits établis

  1. L'appareil avait déjà eu un accident à l'atterrissage à Bear Valley, le 18 septembre 1997; la probabilité qu'il existe un lien entre les dommages qu'il avait alors subis et l'accident survenu à Williston Lake est jugée faible.
  2. Avant le vol, aucune défectuosité de l'appareil n'avait été signalée et les dossiers de maintenance de l'appareil indiquaient que ce dernier était entretenu conformément aux normes de navigabilité applicables.
  3. La masse et le centrage de l'appareil se trouvaient dans les limites prescrites.
  4. En vertu de son certificat d'exploitation aérienne, Terry Air détient une licence valable pour le vol VFR de jour seulement, et tout vol IFR ou VFR au-dessus toute formation lui est expressément défendu.
  5. Une situation météo complexe affectait la région; les éléments essentiels de cette situation météo tenaient aux risques de rencontrer des plafonds bas et une visibilité réduite à proximité d'un creux en surface ou dans la région des cumulus castellanus et bourgeonnants noyés.
  6. Rien n'indique que le pilote a obtenu un exposé météo complet avant le vol de Mackenzie à Bear Valley ou le vol de retour.
  7. Aucun enregistrement n'indique que le pilote a effectué des comptes rendus de position sur la fréquence 126,7 MHz pendant le vol de Mackenzie à Bear Valley.
  8. Pendant ce vol, à partir de Scott Creek, à l'extrémité nord du défilé du lac Williston, jusqu'à Mackenzie, les conditions météorologiques sont devenues inférieures aux minima VMC à cause d'une perturbation locale associée à des cumulus castellanus et bourgeonnants imbriqués.
  9. Bien que deux autres pilotes aient signalé des conditions météorologiques difficiles au sud de Scott Creek, selon toute vraisemblance, le pilote victime de l'accident n'a pu les entendre, car il volait à ce moment-là dans Peace Arm et se trouvait ainsi hors de la zone de couverture radio au moment des échanges.
  10. D'après le lieu de l'accident, il semble que le pilote ait continué vers le sud et soit entré dans la zone de visibilité réduite.
  11. Le pilote possédait de l'expérience en vol VFR, mais il avait récemment démontré des faiblesses quant à sa capacité de voler aux instruments. Sa qualification de vol aux instruments était périmée et sa licence ne l'autorisait pas à effectuer de tels vols.
  12. Toute tentative de poursuivre le vol à basse altitude dans des conditions inférieures aux minima VMC aurait eu pour effet d'augmenter les risques associés à ce vol.
  13. D'après l'épave récupérée, il est probable qu'au moment de l'accident les deux moteurs de l'appareil fonctionnaient à la puissance de croisière normale ou à une puissance supérieure
  14. La dynamique du vol avant l'impact n'est pas connue.
  15. Les déformations de l'épave récupérée ne permettent pas de tirer de conclusions; elles peuvent être un signe que l'appareil s'est abîmé dans l'eau en un piqué prononcé et légèrement incliné à gauche, ou avoir été causées par l'action hydraulique lorsque l'appareil est entré dans une assiette plus proche de l'horizontale.
  16. La probabilité d'une désintégration en vol est considérée très peu probable.
  17. Les composants des moteurs et de la cabine ne comportaient aucune trace d'incendie.
  18. Des indices permettent de conclure que le bord d'attaque du stabilisateur gauche a été heurté par un objet avant que le stabilisateur ne touche l'eau, mais la nature de cet objet n'a pas été déterminée; de la même façon, il a été impossible de déterminer si cet impact avait eu lieu en vol ou pendant la séquence de désintégration, avant que le stabilisateur ne touche l'eau.
  19. Le matériau jaune coincé dans une fissure près du bord de fuite extérieur du stabilisateur gauche n'a pas été identifié et il n'y avait pas suffisamment d'indices physiques pour conclure qu'il était en partie responsable des dommages.
  20. Il était impossible de survivre à l'accident.

Causes et facteurs contributifs

La cause de cet accident n'a pu être déterminée; cependant, il est probable que le vol à vue à basse altitude dans des conditions météorologiques se détériorant a contribué à l'accident.

Mesures de sécurité

Mesures prises

Les risques élevés associés aux opérations de taxis aériens ont été reconnus par toute l'industrie. C'est pourquoi Transports Canada a formé un groupe de travail constitué de représentants de la Sécurité du système de l'Aviation commerciale et d'affaires ainsi que de la Navigabilité de Transports Canada pour étudier la sécurité liée à l'exploitation des taxis aériens (SATOPS). L'objectif de ce groupe de travail consistait à identifier les façons d'améliorer la sécurité des apparels servant de taxis aériens et à recommander des moyens de réduire le nombre d'accidents. Dans le Rapport final du groupe de travail SATOPS en date du printemps 1998, de nombreux domaines qui pourraient être améliorés pour augmenter la sécurité des opérations de taxis aériens ont été identifiés. Les recommandations SATOPS ont été regroupées sous treize grandes catégories : Navigabilité, Pressions provenant des clients, Communications, Prise de décision et facteurs humains, Unités de formation au pilotage, Gestion, Navigation, Pressions provenant de l'exploitation, Problèmes d'exploitation, Statistiques, Formation, Transports Canada et Météorologie. Transports Canada produira un rapport d'étape qui sera publié tous les six mois afin de donner un suivi de l'évolution du plan de mise en oeuvre des recommandations et tenir l'industrie au courant de l'état d'avancement de cette mise en oeuvre.

Après cet accident, Terry Air a signé un protocole d'entente avec la FSS de Prince George; cette dernière fournira régulièrement à Terry Air tous les renseignements météorologiques disponibles, sauf les produits graphiques.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.