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Rapport d'enquête aéronautique A98W0192

Panne de réacteur
Martinair Holland N.V.
Boeing 767-300 PH-MCI
Aéroport international de Calgary (Alberta)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Boeing 767 assurant le vol numéro 815 de Martinair Holland N.V. (MPH815) a décollé de l'aéroport international de Calgary (Alberta) à destination d'Amsterdam, aux Pays-Bas ayant à son bord 10 membres d'équipage et 272 passagers. Peu après avoir passé 400 pieds au-dessus du sol (asl), l'équipage a entendu un bruit de violente explosion similaire à celui perçu dans un simulateur de vol lorsqu'on simule un décrochage de compresseur. La première indication à apparaître dans le poste de pilotage a été la perte de tout rapport de pression réacteur (EPR) sur l'indicateur d'EPR du réacteur droit. Pendant qu'il effectuait de mémoire les divers éléments de la liste de vérifications en cas d'urgence, l'équipage a constaté que la pression d'huile du réacteur droit était inférieure à la limite minimale et il a coupé intentionnellement le réacteur. L'avion est revenu à Calgary et s'est posé sur la piste 34. Pendant l'atterrissage, les freins ont surchauffé. L'appareil s'est immobilisé sur la voie de circulation et, après que les freins eurent refroidi, on a fait débarquer les passagers qui ont été transportés en autobus jusqu'à l'aérogare.

This report is also available in English.

Renseignements de base

Dans la première partie du vol, c'est le copilote qui était le pilote aux commandes. Le commandant de bord a lancé un appel d'urgence PAN au contrôle de la circulation aérienne (ATC) de Calgary et a demandé à monter droit devant jusqu'à 6 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Une fois l'avion en palier, le commandant de bord a passé en revue les diverses possibilités qui s'offraient à lui. Il a déterminé qu'un atterrissage en surcharge à Calgary, l'avion ayant une masse d'environ 172 000 kg, était préférable à la prolongation du vol nécessaire pour pouvoir larguer du carburant. L'ATC a guidé l'avion au radar en prévision d'un atterrissage sur la piste 16.

Le commandant de bord a averti les passagers qu'en raison d'un problème technique touchant le réacteur droit, il fallait retourner à Calgary. À cet instant, le commandant et le copilote ont inversé leurs rôles, et c'est le commandant qui est devenu le pilote aux commandes.

Le commandant a demandé et obtenu un guidage radar en fonction d'un atterrissage sur la piste 34, car cette dernière était dotée d'une procédure d'approche à l'aide du système d'atterrissage aux instruments (ILS) et que le vent signalé à la surface soufflait du 090 degrés à seulement deux noeuds. Comme moyens d'approche, la piste 16 est desservie par un ILS et un radiophare non directionnel (NDB); toutefois, l'ILS n'était pas en état de fonctionnement. En approche, les volets ont été sortis à 20 degrés avec une VREF (vitesse de référence à l'atterrissage) de 170 noeuds. En finale à 6 000 pieds asl, le vent signalé soufflait du 230 degrés à 24 noeuds; à 4 500 pieds asl (1 000 pieds), il soufflait du 230 degrés à 20 noeuds, sa force allant en diminuant à des altitudes plus basses, ce qui s'est traduit par une légère composante vent arrière et une vitesse sol élevée. À 50 pieds agl, la manette des gaz du réacteur gauche a été mise au ralenti. Au toucher des roues, les déporteurs sol sont sortis et le réacteur gauche a été mis en inversion de poussée maximale; le dispositif de freinage automatique était réglé au niveau trois, ce qui correspond à peu près à la moitié de la capacité de décélération que le dispositif peut produire lorsqu'il est réglé sur MAX. L'avion en décélération a pu atteindre la vitesse de roulage alors qu'il restait encore quelque 2 000 pieds de piste devant lui; la piste 34 mesure 12 675 pieds de longueur.

Après avoir libéré la piste, le commandant a immobilisé l'appareil. Une équipe d'intervention d'urgence de l'aéroport est allée à la rencontre de l'avion, elle a posé des cales en avant et en arrière des roues du train principal, puis elle a placé des ventilateurs pour refroidir les roues. Peu de temps après l'immobilisation de l'appareil, trois bouchons fusibles ont fondu, et trois pneus se sont dégonflés. Après que les roues eurent été suffisamment refroidies, une passerelle a été avancée; les passagers et membres d'équipage ont débarqué et ont été emmenés en autobus jusqu'à l'aérogare.

Une fois l'avion immobilisé sur la voie de circulation, les communications avec le responsable de l'équipe d'intervention d'urgence ont d'abord eu lieu sur la fréquence du contrôle au sol de Calgary et, par la suite, au moyen de l'interphone. Le commandant était également en communication avec le contrôleur sol de la tour et avec les bureaux de Martinair Holland N.V. à Amsterdam au moyen de l'ACARS (système d'échange de données techniques avion-sol en temps réel). Dès que MPH815 a eu libéré la piste, l'ATC a relancé les activités normales de l'aéroport. L'équipage de conduite a dit qu'il y avait eu un certain encombrement de la fréquence qui l'avait empêché de communiquer aussi bien qu'il l'aurait souhaité, tant avec l'équipe d'intervention d'urgence qu'avec le contrôleur sol de l'ATC. Il existe une seconde fréquence sol; toutefois, les contrôleurs n'ont pas l'habitude de l'utiliser systématiquement lorsqu'il y a une situation d'urgence et que la circulation continue ininterrompue à l'aéroport.

L'examen des renseignements fournis par l'enregistreur de données de vol (FDR) montre que, avant la panne réacteur, l'EPR et le régime N2 (vitesse de rotation du compresseur haute pression) des deux réacteurs concordaient, les chiffres étant respectivement de l'ordre de 1,61 et de 99 pour cent. Les deux angles du résolveur de position des manettes de gaz (TRA) concordaient, se chiffrant à quelque 82 degrés. Au moment de la panne du réacteur droit, l'EPR du réacteur en question a chuté rapidement à 0,95 et le régime N2 a décéléré graduellement pour atteindre 0 pour cent. Quand le réacteur est tombé en panne, la température tuyère (EGT) de droite a augmenté rapidement de 600 à 680 degrés Celsius. Quant à la pression d'huile du réacteur droit, elle a chuté de 237 à 0 livre par pouce carré (lb/po²).

Un examen des données des vols précédents a montré des paramètres réacteur concordants et l'absence de toute fluctuation significative de l'EPR, de N2 ou de l'EGT. L'enregistrement des données vibratoires des réacteurs montrait des vibrations légèrement plus fortes au niveau du réacteur droit pendant le décollage ayant précédé l'incident, ces niveaux de vibrations se situant toutefois bien au-dessous de la plage maximale. Une comparaison portant sur quatre décollages antérieurs a révélé des caractéristiques identiques.

Le réacteur droit (un PW 4060 portant le numéro de série 717648) a été renvoyé aux Pays-Bas, puis dans les installations de révision des réacteurs de Swissair à Zurich, en Suisse. Depuis sa dernière remise à neuf, le réacteur avait accumulé 8 649 heures et 1 648 cycles de vol. Au cours du démontage, il est apparu qu'une aube mobile du sixième étage du compresseur haute pression s'était rompue au niveau du point de fixation du talon. Une crique a été retrouvée dans le point de fixation du talon d'une autre aube mobile du sixième étage. Les aubes mobiles ainsi que les bagues de synchronisation et les aubes fixes à incidence variable des cinquième et sixième étages ont été envoyées aux installations de Pratt & Whitney à East Hartford, au Connecticut, pour y être analysées. Il a été établi que les criques étaient le résultat d'une fatigue mégacyclique. Les fortes contraintes qui ont favorisé l'apparition des criques résultaient probablement d'une excitation provoquée par les aubes directrices à incidence variable. La source n'a pu être identifiée. L'examen des aubes mobiles n'a rien révélé d'anormal, tant au niveau des matériaux que des procédés de fabrication.

Analyse

Le réacteur droit est tombé en panne à la suite de la rupture, au niveau du talon, d'une aube mobile du sixième étage du compresseur haute pression due à la fatigue mégacyclique. Il n'a pas été possible d'établir la cause des criques de fatigue à l'origine de la rupture.

Le FDR a servi à l'analyse des événements. Une évaluation du FDR faite par le Laboratoire technique du BST a montré que, à l'examen des paramètres moteur enregistrés par le FDR, la défaillance n'était pas prévisible.

Les communications sur la fréquence sol de Calgary ont été compliquées à cause de la nature des événements qui se déroulaient, de l'obligation qu'avait l'équipage de conduite de garder le contact avec l'équipe d'intervention d'urgence de l'aéroport et le contrôleur sol ATC et de la nécessité qu'avaient les autres appareils présents à ce moment-là de recourir à la fréquence sol pendant leur roulage en direction ou en provenance de l'aérogare. L'encombrement de la fréquence constaté par l'équipage n'a pas compromis la sécurité des passagers, de l'équipage ni de l'avion pendant les événements. Toutefois, à cause du volume des échanges sur la fréquence, l'équipage s'est inquiété du fait qu'il aurait pu manquer un message d'importance vitale qui aurait pu avoir une incidence sur la sécurité des passagers, du personnel au sol de l'équipe d'intervention d'urgence ou de l'équipage de conduite. Une fréquence distincte aurait permis à l'équipage de communiquer directement avec l'équipe d'intervention d'urgence de l'aéroport.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

  1. Le réacteur droit est tombé en panne peu après le décollage.
  2. La panne réacteur a été provoquée par la rupture, consécutive à des criques de fatigue mégacyclique, d'une aube mobile du sixième étage du compresseur haute pression. Il n'a pas été possible d'établir la cause de ces criques de fatigue.
  3. D'après la longueur de la piste et les calculs portant sur les performances de l'avion, le commandant en est arrivé à la conclusion qu'il n'avait pas besoin de larguer du carburant avant de se poser.
  4. Les communications entre les pilotes, les services du contrôle de la circulation aérienne et l'équipe d'intervention d'urgence de l'aéroport ont été gênées après l'atterrissage, et ce, à cause de l'utilisation de la fréquence du contrôle sol par les autres avions qui continuaient à utiliser l'aéroport.

Causes et facteurs contributifs

Le réacteur droit est tombé en panne quand, à la suite de criques de fatigue mégacyclique, une aube mobile du sixième étage du compresseur haute pression s'est rompue. Il n'a pas été possible d'établir la cause de ces criques de fatigue.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité à prises

Pour améliorer la qualité des communications au sol dans les situations d'urgence, Transports Canada se penche actuellement, dans le cadre de sa participation à un groupe de travail de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), sur la possibilité d'instaurer une fréquence discrète permettant d'établir des communications directes entre le poste de pilotage et le responsable des services d'incendie intervenant auprès d'un appareil ayant déclaré une situation d'urgence.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.