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Rapport d'enquête aéronautique A99W0064

Perte d'espacement
entre l'Airbus Industrie A320 G-FNNA
d'Air Canada et
le Boeing 737-200 C-GQBH
des Lignes aériennes Canadien International
6 nm au nord-est de Calgary (Alberta)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'Airbus A320 qui assurait le vol 270 d'Air Canada (ACA270) arrivait du nord pour effectuer une approche sur la piste 28 de l'aéroport international de Calgary. Il avait obtenu l'autorisation de descendre à 6 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Le Boeing 737 qui assurait le vol 960 des Lignes aériennes Canadien International (CDN960) avait décollé de la piste 34 de l'aéroport de Calgary et avait été autorisé à monter jusqu'au niveau de vol (FL) 250 à un cap de 090 degrés. Lorsque la perte d'espacement a semblé inévitable, le contrôleur des départs a ordonné à CDN960 de prendre un cap de 110 degrés, et le contrôleur des arrivées a ordonné à ACA270 de prendre un cap parallèle. Les appareils sont passés à 2 milles marins (nm) l'un de l'autre, à une altitude d'environ 9 700 pieds asl. L'espacement minimal obligatoire était de 3 nm latéralement ou 1 000 pieds verticalement.

Le Bureau a déterminé que le contrôleur des départs avait autorisé l'appareil qui venait de décoller à monter à une altitude supérieure à 9 000 pieds avant de vérifier si l'espacement entre ce dernier et le trafic à l'arrivée était suffisant. Il a assigné un code à l'ensemble des données radar de l'appareil à l'arrivée et a ainsi levé la restriction en vertu de laquelle cet appareil ne devait pas descendre à une altitude inférieure à 10 000 pieds avant d'atteindre le point de contrôle. Le manque de communication et de coordination entre le contrôleur des départs et le contrôleur des arrivées a contribué à l'incident. Le contrôleur des arrivées s'est rendu compte de la situation, mais n'a pas pris de mesures assez tôt pour empêcher la perte d'espacement.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

À 6 h 53, heure avancée des Rocheuses (HAR),Note de bas de page 1 ACA270, qui avait décollé d'Edmonton (Alberta), communique avec le contrôleur des arrivées de Calgary pour signaler qu'il a été autorisé à effectuer une « arrivée FMS ATHLO FIVE » et à descendre jusqu'à 12 000 pieds.Note de bas de page 2 Le contrôleur l'avise qu'il est autorisé à descendre jusqu'à 10 000 pieds et à maintenir cette altitude en vue d'atterrir sur la piste 28, qui est la piste d'atterrissage principale à ce moment-là. Le contrôleur est alors responsable du secteur des arrivées et du secteur des départs de 'unité de contrôle terminal (TCU) de Calgary.

Juste avant 6 h 59, un second contrôleur relève le premier contrôleur de sa responsabilités du secteur des arrivées. Toutefois, le premier contrôleur continue de s'occuper du secteur des départs. À peu près au même moment, le contrôleur des départs attribue à l'ensemble des données radar d'ACA270 la lettre N en guise d'indicateur de fonction spéciale (SFI). Cette lettre indique au contrôleur des arrivées qu'il peut faire descendre ACA270 au-dessous de l'altitude d'arrivée du système de gestion de vol (FMS), qui est de 10 000 pieds asl, avant le point de contrôle de la STAR (arrivée normalisée en région terminale).

À 6 h 57 min 50 s, CDN960, en route vers Toronto (Ontario), communique avec le contrôleur des départs de Calgary pour lui signaler qu'il a quitté la piste 34 et qu'il franchit 5 000 pieds en montée vers 7 000 pieds. Le contrôleur des départs autorise alors CDN960 à effectuer un virage à droite à un cap de 090 degrés et à monter jusqu'au FL 250. Peu après, le contrôleur des arrivées signale au contrôleur des départs que ACA270 se trouve toujours à 10 000 pieds. Environ 50 secondes plus tard, le contrôleur des départs se rend compte que les critères radar prescrivant un espacement vertical de 1 000 pieds ou un espacement latéral de 3 nm risquent de ne pas être respectés, et il ordonne à CDN960 d'effectuer un virage à droite à un cap de 110 degrés, en l'avisant que des vecteurs lui permettant d'intercepter la voie aérienne lui seront transmis. À 6 h 59, le contrôleur des arrivées autorise le pilote d'ACA270 à descendre jusqu'à 6 000 pieds s'il le désire. Le pilote d'ACA270 accuse réception de l'autorisation. Dix-neuf secondes plus tard, le contrôleur des arrivées annule la STAR et autorise ACA270 à prendre un cap de 110 degrés parallèle à la trajectoire de vol de CDN960. Les deux appareils se trouvent alors à la même altitude, à 2 nm l'un de l'autre, soit un espacement inférieur à l'espacement radar obligatoire. Ils suivent ensuite des trajectoires parallèles jusqu'à ce que l'espacement vertical minimal soit respecté, et sont alors autorisés par le contrôle de la circulation aérienne à poursuivre leur vol.

Trajectoires de vol d'ACA270 et de CDN960
Trajectoires de vol d'ACA270 et de CDN960

1.2 Renseignements sur le personnel

1.2.1 Le contrôleur des départs

Poste du contrôleur Contrôleur des départs
Âge 33 ans
Licence Qualification de contrôle terminal à Calgary
Qualification de contrôle d'aéroport à Edmonton et à Calgary
Date d'expiration du certificat de validation 1er décembre 1999
Expérience
  • - en qualité decontrôleur
  • - en qualité de contrôleur IFR
  • - dans l'unité actuelle
 
6 ans
depuis décembre 1995
depuis décembre 1995
Nombre d'heures de service avant l'événement 0.25
Nombre d'heures libres avant la prise de service 10.5

Le contrôleur des départs possédait 40 mois d'expérience comme contrôleur IFR (règles de vol aux instruments) et qu'il avait acquise dans la région terminale de Calgary. Avant septembre 1997, le centre de contrôle terminal de Calgary était situé à l'aéroport international de Calgary. Le centre a ensuite déménagé pour s'intégrer au centre de contrôle régional (ACC) d'Edmonton situé à l'aéroport international d'Edmonton. Le contrôleur des départs, dont la résidence permanente se trouvait à Calgary, faisait la navette entre Calgary et l'ACC d'Edmonton, un trajet d'environ deux heures et demie dans une direction. Pendant les périodes courtes entre les quarts de travail, il logeait habituellement chez des collègues dans la région d'Edmonton.

Le 30 avril 1999, le contrôleur des départs avait été en cause dans une perte d'espacement (rapport no A99W0063 du BST). En vertu des procédures en vigueur à l'ACC d'Edmonton, le contrôleur des départs devait assurer l'espacement entre le trafic qu'il contrôlait et celui à l'arrivée. Lors du départ d'un appareil vers le nord, il lui a transmis des vecteurs qui lui ont fait croiser un appareil à l'arrivée. Ce jour-là, le contrôleur devait travailler de 13 h 45 à 22 h; l'irrégularité d'exploitation est survenue vers 17 h 15. Le chef de quart a passé cet incident en revue, et le contrôleur a été relevé de ses fonctions. Le contrôleur a alors été aidé par un collègue pour surmonter le stress post-traumatique causé par l'incident. Le chef de quart de l'ACC d'Edmonton a ensuite avisé le contrôleur qu'il pourrait reprendre le travail lors du prochain quart prévu à son horaire et qu'avant son retour, deux lettres seraient rédigées : l'une le relevant de ses fonctions et l'autre le réintégrant. Vers 20 h, après avoir rédigé son rapport et reçu l'aide de l'un de ses collègues, le contrôleur a quitté l'ACC. Le contrôleur a affirmé qu'il avait pris une bonne nuit de sommeil et qu'il se sentait suffisamment reposé, après s'être remémoré les circonstances de l'incident. Il ne croit pas que l'incident de la veille ait eu des répercussions sur son travail le matin du 1er mai 1999.

Le 1er mai 1999, le contrôleur s'est présenté au travail à 6 h 45 mais il n'a pas signalé sa présence au chef de quart en service, car personne ne lui avait demandé de le faire. Son surveillant ne savait pas qu'il avait été en cause dans un incident le soir précédent. En relevant le contrôleur en service, il devenait responsable du secteur des arrivées et de celui des départs du contrôle terminal de Calgary ainsi que du secteur de l'information de trafic selon les règles de vol à vue (VTA). Il n'y avait aucun aéronef dans le secteur VTA.

À l'origine, le contrôleur des départs devait faire 22 quarts (d'une durée de huit heures et quinze minutes) en avril 1999, mais il en a fait 20, dont sept non prévus et pour lesquels il s'était entendu avec un autre contrôleur ou avait reçu une demande de la part du surveillant ou du chef de quart. Sept des quarts ont été effectués en heures supplémentaires. Cinq des quarts prévus à l'origine ont été changés pour des vacances et deux pour des congés. Seulement cinq des quarts prévus n'ont fait l'objet d'aucune modification. À l'origine, l'horaire de travail du contrôleur comportait neuf jours de repos. À la fin du mois, le contrôleur n'avait pris que deux jours de repos sur neuf. Pendant les autres jours de repos (sauf un), il a fait des heures supplémentaires.

Vu qu'il habitait à Calgary et qu'il faisait la navette entre Calgary et l'ACC d'Edmonton, le contrôleur changeait régulièrement ses quarts avec les autres contrôleurs du contrôle terminal de Calgary; cela lui permettait de demeurer dans la région d'Edmonton sans avoir trop souvent à faire la navette entre Calgary et Edmonton. Le 30 avril 1999, il avait passé la nuit dans la région d'Edmonton, ce qui avait écourté d'environ deux heures la durée de son déplacement dans chaque direction. Il était en congé les 28 et 29 avril 1999.

1.2.2 Le contrôleur des arrivées

Poste du contrôleur Contrôleur des arrivées
Âge 56 ans
Licence Qualification de contrôle terminal à Calgary Qualification de contrôle régional à Edmonton
Date d'expiration du certificat de validation 1er novembre 1999
Expérience
  • - en qualité de contrôleur
  • - en qualité de contrôleur IFR
  • - dans l'unité actuelle
 
27 ans
depuis octobre 1974
depuis février 1978
Nombre d'heures de service avant l'événement 0.25
Nombre d'heures libres avant la prise de service 15.75

Le jour de l'incident, le contrôleur s'est présenté au travail à 6 h 45. Il a pris son service un peu avant 7 h et a alors pris en charge le secteur des arrivées.

Au cours du mois d'avril 1999, il a fait 24 quarts, dont cinq en heures supplémentaires. Ses jours de repos prévus les plus récents ont été pris les 25 et 26 avril 1999. La veille de l'incident, il travaillait de 7 h à 15 h.

Peu après que le contrôleur des départs eut ordonné à CDN960 d'effectuer un virage à droite et l'eut autorisé à monter jusqu'au FL 250, le contrôleur des arrivées s'est rendu compte qu'il risquait d'y avoir un conflit entre CDN960 et ACA270. Pour avertir le contrôleur des départs, il lui a signalé que ACA270 se trouvait toujours à 10 000 pieds. Ne recevant aucune réponse et ne décelant aucun signe de modification d'autorisation de la part du contrôleur des départs, il a fait descendre ACA270 à 6 000 pieds. Le contrôleur des arrivées a ensuite surveillé la situation et, lorsque le contrôleur des départs a fait virer CDN960 à un cap de 110 degrés, il a fait virer ACA270 à ce même cap pour minimiser la perte d'espacement.

1.3 Arrivée FMS ATHLO FIVE

La piste 34 était utilisée pour les départs et la piste 28, pour les arrivées. Cette situation a donné lieu à des routes sécantes pour les appareils arrivant du nord et ceux décollant vers l'est. Pendant sa descente initiale vers Calgary, ACA270 a d'abord été autorisé à suivre la procédure d'arrivée FMS ATHLO FIVE par le contrôle terminal de Calgary qui l'a autorisé à descendre jusqu'à 12 000 pieds. Si cette procédure est suivie sans être modifiée par le contrôle de la circulation aérienne, l'appareil ne descend pas au-dessous de 10 000 pieds avant d'avoir dépassé le repère WISKI qui se trouve au sud de la région où est survenue la perte d'espacement.

1.4 Renseignements sur les organismes et sur la gestion de l'ACC d'Edmonton

1.4.1 Unité de contrôle terminal (TCU) de Calgary

La TCU de Calgary se trouve à l'ACC d'Edmonton. Elle est responsable de la VTA, des départs de Calgary, des arrivées à Calgary et des postes des données. Elle est en service 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Son effectif doit comprendre 28 contrôleurs, dont certains en qualité de surveillants; cependant, au moment de l'incident, son effectif comprenait seulement 24 contrôleurs. Le nombre de contrôleurs en service varie selon le trafic attendu. Le matin du 1er mai 1999, le volume et la complexité du trafic étaient faibles. Trois contrôleurs et un surveillant étaient disponibles. Un contrôleur faisait une pause, un contrôleur s'occupait des arrivées et un contrôleur s'occupait des départs; le surveillant préparait le poste des données.

1.4.2 Gestion des quarts

1.4.2.1 Chefs de quart

L'ACC d'Edmonton utilise un système de gestion des quarts selon lequel il y a du personnel de gestion en poste de 6 h à minuit tous les jours. Six chefs occupent tour à tour le poste de chef de quart. (À la fin d'octobre 1999, le nombre de chefs est passé à sept, tandis que la période de service est passée à 24 heures.)

Le chef de quart est responsable de l'exploitation des postes liés au trafic IFR et du personnel qui occupent ces postes à l'ACC, et il doit prendre les mesures qui s'imposent en cas d'irrégularité d'exploitation. Le jour où est survenue la perte d'espacement, le chef de quart avait pris le service à 6 h. Le chef de quart précédent avait terminé son travail juste après minuit et lui avait laissé une note lui signalant que la veille, un contrôleur avait été relevé de ses fonctions et que ledit contrôleur serait réintégré parce qu'il avait reçu les lettres appropriées. Le matin du 1er mai 1999, le chef de quart en service n'a pas rencontré le contrôleur avant que le contrôleur prenne le service.

Après la perte d'espacement entre ACA270 et CDN960, le surveillant a relevé le contrôleur des départs et lui a ordonné d'aller voir le chef de quart. Le contrôleur des départs est donc allé voir le chef de quart et a rempli un rapport d'incident. Il incombait au chef de quart de déterminer s'il y avait eu irrégularité et, le cas échéant, d'établir la gravité de l'irrégularité et les mesures à prendre pour y remédier. Le chef de quart a écouté les bandes des conversations radio et visionné les bandes de données radar. Après avoir établi qu'il y avait eu une perte d'espacement, il a eu une rencontre avec le contrôleur pour le relever de ses fonctions et lui permettre de consulter un représentant syndical ainsi qu'un collègue pour l'aider à surmonter le stress post-traumatique causé par l'incident. Le chef de quart a établi que le contrôleur des arrivées n'avait aucunement contribué à la perte d'espacement; il ne l'a donc pas relevé de ses fonctions. Il lui a plutôt demandé s'il voulait terminer son quart de travail. Le contrôleur des arrivées a alors choisi de se reposer pendant le reste du quart. Le chef de quart a ensuite rencontré le contrôleur des départs. Ils ont passé l'incident en revue et en ont discuté, et il a été décidé que le contrôleur ne reprendrait pas le travail avant le 10 mai 1999. Le chef de quart a remis au contrôleur une lettre le relevant de ses fonctions.

1.4.2.2 Chefs de quart - Échange de renseignements et documentation

Les chefs de quart n'avaient aucune méthode officielle ou permanente à leur disposition pour échanger des renseignements concernant les problèmes ayant pu survenir pendant leur période de service. Habituellement, le chef qui terminait son quart faisait un exposé verbal au chef qui le relevait, et celui dont le quart prenait fin à minuit laissait une note sur le bureau de faction pour le chef dont le quart débutait à 6 h. La note était souvent détruite après avoir été lue, ce qui fait qu'il ne restait aucune trace des renseignements transmis. Les chefs de quart en congé ou en repos n'étaient pas toujours au courant des problèmes qui survenaient en leur absence. Aucun dossier chronologique concernant l'exploitation de l'ACC du point de vue des chefs de quart, comme un registre permanent, n'était disponible pour être passé en revue.

Après l'incident du 30 avril 1999, le chef de quart s'est entretenu avec le contrôleur et a jugé que le contrôleur ne devait pas reprendre le travail immédiatement. D'après l'évaluation qu'il a faite de la réaction du contrôleur à cet incident, il a jugé que le contrôleur pourrait réintégrer ses fonctions dès le prochain quart prévu à son horaire. Il a ensuite rédigé une lettre relevant le contrôleur de ses fonctions et une autre lettre le réintégrant, puis il l'a avisé qu'il pourrait revenir le jour suivant et que ces deux lettres se trouveraient dans son pigeonnier. Les mesures prises par le chef de quart (par exemple, l'entrevue et le passage en revue de l'incident pour la réintégration du contrôleur) n'ont pas été documentées. Son quart ayant pris fin à minuit, le chef de quart a laissé une note sur le bureau de faction pour signaler l'incident au chef dont le quart débutait à 6 h et l'informer des mesures qu'il avait prises. En lisant la note, le chef dont le quart débutait à 6 h a pris connaissance de l'incident, mais il n'a pris aucune mesure puisque cet incident avait été réglé par le chef de quart précédent.

1.4.3 Surveillance des équipes

1.4.3.1 Surveillants d'équipe

La TCU de Calgary compte quatre surveillants d'équipe. Un surveillant d'équipe est en service lorsque les postes de la TCU de Calgary sont dotés en personnel. Les surveillants d'équipe font partie des effectifs nécessaires à l'exploitation du secteur terminal; ils doivent donc faire la rotation entre les différents postes de contrôleur. Au moment de l'incident, le surveillant d'équipe préparait le poste des données et s'est rendu compte de l'irrégularité d'exploitation. Il a relevé le contrôleur des départs et lui a demandé d'aller voir le chef de quart. Il savait qu'il y avait eu une irrégularité d'exploitation la veille, mais il ne savait pas qui était en cause.

Les tâches des surveillants d'équipe de la TCU de Calgary sont décrites de la façon suivante dans la description de poste :

Sous la surveillance générale du chef de quart, le surveillant d'équipe dirige l'exploitation d'une zone de responsabilité particulière à l'intérieur d'une unité IFR et il s'assure que les services de contrôle de la circulation aérienne sont fournis conformément aux politiques, aux normes et aux procédures approuvées; il participe au contrôle de la circulation aérienne; il supervise et évalue les performances des contrôleurs; il identifie les besoins en matière de formation; il surveille la conduite et effectue d'autres tâches connexes.

Cependant, malgré le niveau du personnel et les exigences associées à chaque poste, les surveillants d'équipe interrogés ont avoué qu'ils n'effectuaient que quelques-unes des fonctions figurant dans cette description de poste. La routine veut qu'ils occupent des postes de contrôle et fassent une rotation avec les autres membres du personnel de contrôle de la circulation aérienne. Un temps limité est alloué aux autres tâches de surveillance d'équipe.

1.4.3.2 Surveillants d'équipe - Échange de renseignements et documentation

Les surveillants d'équipe n'avaient aucune méthode officielle ou permanente à leur disposition pour échanger des renseignements concernant les problèmes pouvant survenir pendant leur période de service. Le surveillant d'équipe qui finissait son quart de travail faisait un compte-rendu verbal à celui qui prenait le service. Le surveillant d'équipe dont le quart a pris fin à 22 h 45 n'avait aucune méthode officielle à sa disposition pour transmettre des renseignements au surveillant d'équipe suivant qui prenait la relève à 6 h.

Le soir du 30 avril 1999, le surveillant d'équipe qui allait prendre le service à 6 h a téléphoné au surveillant d'équipe en service pour que ce dernier le mette au courant des problèmes possibles en prenant le service à 6 h. Le surveillant d'équipe lui a alors dit qu'un contrôleur avait été en cause dans une irrégularité d'exploitation, mais il ne lui a pas dit que la personne en question se présenterait au travail à 6 h 45, pendant son quart de travail. Le lendemain matin, avant de prendre le service, le surveillant d'équipe n'a pas rencontré le contrôleur des départs et n'a exercé aucune forme de surveillance discrète.

1.5 Procédures d'espacement de la TCU de Calgary

1.5.1 Procédures de la TCU de Calgary

La lettre d'exploitation no 98/20 en date du 30 mai 1998 décrit en détail les procédures des secteurs de la sous-unité de la TCU de Calgary. Elle définit les responsabilités et décrit les procédures à suivre pour le contrôle et la coordination des vols effectués à l'intérieur de l'espace aérien attribué à la sous-unité du contrôle terminal de Calgary. Les rubriques 404 à 408 traitent des procédures d'arrivée et de départ.

La rubrique 405.2 stipule que le contrôleur des arrivées doit s'assurer que les appareils qu'il contrôle demeurent sur la trajectoire d'arrivée appropriée et ne descendent pas au-dessous de 10 000 pieds avant le point de contrôle pertinent. Pour un vol provenant du nord, le point de contrôle se trouve aux environs du repère WISKI de l'arrivée FMS ATHLO FIVE. La rubrique 408.9 stipule que le contrôleur des départs doit limiter les départs IFR à 9 000 pieds asl ou moins jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de vols IFR qui arrivent. Cette méthode, communément appelée fenêtre 9 000/10 000 pieds, réduit la charge de travail des contrôleurs en espaçant verticalement de 1 000 pieds les appareils qui décollent de ceux qui arrivent. La fenêtre 9 000/10 000 pieds a été mise en oeuvre à la TCU de Calgary en 1982.

Lors des entrevues, plusieurs contrôleurs de la TCU de Calgary ont mentionné qu'ils utilisaient exceptionnellement, et non régulièrement, la fenêtre 9 000/10 000 pieds, car ils croient que cette méthode retarde inutilement les vols des transporteurs. Ainsi, dans l'espoir de maintenir le flux de trafic et de minimiser le déplacement des appareils à basse et à moyenne altitudes, les contrôleurs favorisent une méthode appelée « vérifier-autoriser ». La lettre d'exploitation décrit le « vérifier-autoriser » comme étant une méthode utilisée pour réduire ou éliminer la coordination et permettant l'évaluation du trafic contrôlé par les autres contrôleurs (RAMP, CADDS, etc.) ainsi que la prise de mesures en fonction du trafic. Cette méthode nécessite que le contrôleur exerce une surveillance soutenue du trafic, car l'espacement entre les appareils qui décollent et ceux qui arrivent peut n'être que vertical ou latéral.

Pendant les périodes de trafic intense, la méthode « vérifier-autoriser » augmente la charge de travail du contrôleur des départs et du contrôleur des arrivées. La méthode que la plupart des contrôleurs interrogés ont dit préférer consiste à diriger l'appareil qui décolle vers sa trajectoire de départ et, si la circulation le permet, à l'autoriser à monter jusqu'à l'altitude prévue au plan de vol. Lors de l'incident du 1er mai 1999, le contrôleur a ordonné à CDN960 d'effectuer un virage à droite à un cap de 090 degrés et de monter jusqu'au FL 250, immédiatement après que l'équipage de conduite eut communiqué avec le contrôleur des départs, alors que l'appareil était encore sur le cap de la piste.

1.5.2 Espacement du trafic--Départs et arrivées

Les contrôleurs de la TCU de Calgary ont souligné qu'il incombe au contrôleur des arrivées et au contrôleur des départs de s'assurer que les appareils qu'ils contrôlent conservent un espacement avec les autres appareils. Cependant, il incombe au contrôleur des départs de maintenir un espacement approprié entre les appareils qui décollent et les appareils sous la responsabilité du contrôleur des arrivées. La lettre d'exploitation no 98/20 ne fait mention de ces responsabilités qu'implicitement et non explicitement.

D'après la lettre d'exploitation, il incombe au contrôleur des départs, si le trafic le permet, de fournir des ANTNote de bas de page 3 au(x) contrôleur(s) des arrivées. Cette responsabilité exige que le contrôleur des départs évalue le trafic à l'arrivée pour résoudre les conflits et qu'il attribue ensuite le code SFI « N » à l'ensemble des données radar de l'appareil à l'arrivée. Le contrôleur des départs a attribué le code SFI « N » à l'ensemble des données radar d'ACA270, permettant ainsi au contrôleur des arrivées de faire descendre et/ou de guider au radar ACA270 lors de son approche en finale de la piste 28 sans avoir à le diriger vers le point de contrôle de la STAR.

1.6 Résolution des conflits - Formation des contrôleurs

Lors de l'enquête, on a demandé aux contrôleurs quel type de formation ils avaient reçu en matière de résolution de conflits de trafic dans le cadre de leur formation initiale et annuelle. Ils ont tous répondu qu'ils n'avaient reçu aucune formation particulière en résolution de conflits de trafic et que leur formation était axée sur l'évitement des conflits de trafic.

2.0 Analyse

2.1 Gestion et surveillance

Le 30 avril 1999, vers 18 h, le contrôleur des départs a été en cause dans une irrégularité d'exploitation (perte d'espacement). Le chef de quart en service a jugé que le contrôleur pouvait reprendre le travail dès le prochain quart prévu à son horaire. Cependant, le lendemain matin, le contrôleur n'a pas reçu d'évaluation du chef de quart ni du surveillant d'équipe. L'enquête n'a pas permis d'établir si une telle évaluation aurait pu influencer la décision relative au retour au travail du contrôleur, mais, si une évaluation avait été requise, le surveillant d'équipe aurait su que l'un des contrôleurs en service avait été en cause dans une irrégularité d'exploitation. Le surveillant d'équipe aurait alors pu, comme le stipule sa description de poste, faire une vérification de compétence en surveillant discrètement le contrôleur au début de son premier quart de travail après l'incident.

2.2 La fenêtre 9 000/10 000 pieds et le « vérifier-autoriser »

La « fenêtre 9 000/10 000 pieds » est une méthode qui a été mise en oeuvre il y a 17 ans à la TCU de Calgary et elle y est utilisée depuis. Elle permet d'assurer un espacement vertical adéquat entre les appareils qui se trouvent au voisinage de l'aéroport et se dirigent vers une piste d'atterrissage ou se voient attribuer un premier cap pour prendre leur trajectoire de départ. Cette méthode permet de réduire la charge de travail du contrôleur, car elle ne nécessite pas une surveillance aussi étroite du trafic que la méthode du « vérifier-autoriser ».

2.3 Espacement du trafic

Le contrôleur responsable d'un appareil doit assurer l'espacement entre cet appareil et les autres appareils effectuant des vols IFR ou VFR. Dans le cas de l'arrivée d'ACA270 et du départ de CDN960, le contrôleur des arrivées et le contrôleur des départs avaient chacun leur part de responsabilité, mais il incombait au contrôleur des départs d'assurer l'espacement entre le trafic au départ et le trafic à l'arrivée. La communication entre contrôleurs est donc importante et devient même primordiale si l'un d'eux n'est pas certain des intentions de l'autre.

Dans le cas de l'incident mettant en cause ACA270 et CDN960, le contrôleur des arrivées s'est vite rendu compte du risque que couraient les deux appareils de se trouver très près l'un de l'autre. Il a pris l'initiative de signaler au contrôleur des départs que ACA270 se trouvait toujours à 10 000 pieds. Quand il s'est rendu compte que le contrôleur des départs ne lui fournissait aucun accusé de réception verbal, qu'il ne modifiait pas la limite d'autorisation d'altitude de CDN960 et qu'il n'annulait pas le code d'ACA270, le contrôleur des arrivées n'a pris aucune mesure additionnelle pour s'assurer que le contrôleur des départs avait pris connaissance de ses inquiétudes. Le contrôleur des arrivées n'a pas pris de mesures à ce moment-là pour assurer l'espacement entre l'appareil alors sous son contrôle et CDN960.

2.4 Le contrôleur des départs

L'enquête n'a pas permis d'établir si l'incident de la veille avait eu des répercussions sur le contrôleur des départs le matin du 1er mai 1999.

L'horaire du contrôleur des départs pendant le mois d'avril 1999 comportait plusieurs changements de quart. Ces changements ont été faits à la demande du contrôleur et du personnel de gestion. Seulement 5 (17 %) des 30 quarts n'ont pas été modifiés. Une bonne partie des jours de congé prévus à l'horaire ont été remplacés par des heures supplémentaires, et 5 des 8 jours de congé ont été pris comme des jours de vacances.

Le travail par quarts peut nuire au rendement optimum d'une personne. Cependant, la communauté scientifique reconnaît les effets bénéfiques du travail régulier par quarts sur le rendement.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

  1. Le contrôleur des départs a autorisé l'appareil qui décollait à monter jusqu'à une altitude supérieure à 9 000 pieds avant de vérifier si cette altitude permettait d'assurer un espacement suffisant entre cet appareil et les appareils à l'arrivée.
  2. Le contrôleur des départs a assigné un code à l'ensemble des données radar de l'appareil à l'arrivée et a ainsi levé la restriction en vertu de laquelle cet appareil ne devait pas descendre à une altitude inférieure à 10 000 pieds avant d'atteindre le point de contrôle.
  3. Le contrôleur des arrivées s'est rendu compte qu'il risquait d'y avoir un conflit entre ACA270 et CDN960, mais les mesures qu'il a prises pour transmettre ses inquiétudes n'ont pas permis au contrôleur des départs de comprendre ce qui se passait. Le contrôleur des arrivées n'a pris aucune mesure adéquate pour éviter la perte d'espacement.
  4. Le contrôleur des départs aurait pu utiliser la fenêtre 9 000/10 000 pieds pour assurer l'espacement entre les appareils, mais il a choisi d'utiliser la méthode du « vérifier-autoriser », laquelle nécessite une surveillance étroite du trafic à l'arrivée et du trafic au départ.

3.2 Autres faits établis

  1. Les effectifs de la sous-unité de la TCU de Calgary étaient suffisants, compte tenu de la complexité du trafic.
  2. La charge de travail du contrôleur des départs était faible et peu complexe.
  3. Au moment de l'incident, le surveillant d'équipe de la sous-unité de la TCU de Calgary préparait le poste des données.
  4. La veille, le contrôleur des départs avait été en cause dans une perte d'espacement.
  5. Le surveillant d'équipe de la sous-unité de la TCU de Calgary ne savait pas que le contrôleur des départs avait été en cause dans une irrégularité d'exploitation la veille.
  6. Le chef de quart en service n'a pas rencontré le contrôleur des départs avant que ce dernier reprenne le service le 1er mai 1999.
  7. Dans les 30 jours ayant précédé l'incident, le contrôleur des départs avait effectué des quarts irréguliers, son horaire ayant fait l'objet de plusieurs modifications à sa propre demande ou à la demande de la gestion.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Gestion de l'ACC d'Edmonton

4.1.1 Documentation des renseignements

La gestion de l'ACC d'Edmonton a institué une procédure provisoire en vertu de laquelle le chef de quart doit envoyer des messages éélectroniques au chef de quart suivant pour l'informer des problèmes survenus pendant son quart. Le chef de quart suivant lit les messages éélectroniques au début de son quart. Il reçoit également un exposé verbal comme auparavant. Tous les chefs de quart peuvent lire les messages éélectroniques. Ces messages sont tenus à jour de façon à constituer un dossier chronologique des événements. Le gestionnaire du centre de contrôle régional est en train d'élaborer une base de données officielle pour le stockage des renseignements transmis par les chefs de quart. Cette base de données remplacera le système de courrier électronique.

4.1.2 Irrégularités d'exploitation

À l'ACC d'Edmonton, une procédure de traitement des irrégularités d'exploitation a été instituée. Le chef de quart qui doit relever un contrôleur de ses fonctions est maintenant responsable de s'assurer que toutes les mesures nécessaires sont prises avant la réintégration du contrôleur. Ces mesures exigent entre autres qu'un contrôleur en cause dans une irrégularité d'exploitation soit interrogé par le chef de quart en service immédiatement avant son retour au travail. L'ACC a également institué une politique en vertu de laquelle tous les contrôleurs en cause dans une irrégularité d'exploitation doivent faire l'objet d'une vérification de compétence avant de reprendre le travail.

4.2 NAV CANADA

Le plan national obligatoire de recyclage en contrôle de la circulation aérienne de NAV CANADA pour 1999/2000 et 2000/2001 souligne que la Division de la formation technique de NAV CANADA s'engage à élaborer et à livrer en totalité, pour le 31 août 2001, deux modules de formation d'une journée sur les facteurs humains portant sur la communication et le travail d'équipe. Le module portant sur la communication vise à sensibiliser les participants aux dangers que posent le manque de communication ou les communications qui ne sont pas claires, dans un environnement opérationnel. Le module portant sur le travail d'équipe vise à sensibiliser les participants aux répercussions que peuvent avoir les compétences et le travail de chacun sur le travail de groupe et la prise de décision.

4.3 Transports Canada

Transports Canada préside un groupe de travail tripartite sur la fatigue des contrôleurs. Le groupe est constitué de représentants de NAV CANADA, de l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien et de Transports Canada. Le comité directeur associé à ce groupe est présidé par le sous-ministre adjoint, Sûreté et Sécurité.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Sigles et abréviations

ACA
Air Canada
ACC
centre de contrôle régional
asl
au-dessus du niveau de la mer
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CADDS
Système automatisé d'affichage des départs de Calgary
CDN
Lignes aériennes Canadien International
FL
niveau de vol
FMS
système de gestion de vol
HAR
heure avancée des Rocheuses
IFR
règles de vol aux instruments
nm
mille(s) marin(s)
RAMP
Programme de modernisation des radars
SFI
indicateur de fonction spéciale
STAR
arrivée normalisée en région terminale
TCU
unité de contrôle terminal
UTC
temps universel coordonné
VFR
règles de vol à vue
VTA
information de trafic VFR