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Rapport d'enquête aéronautique A02A0107

Sortie en bout de piste
du DC-8-63F N441J
exploité par Arrow Air Incorporated
à l'aéroport international de Gander
(Terre-Neuve-et-Labrador)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le DC-8-63 cargo d'Arrow Air portant l'immatriculation N441J et le numéro de série 45988 effectue un vol en partance de Norfolk (Virginie) à destination de Bahreïn, avec escale technique prévue à Gander. Les cinq personnes à bord sont le commandant de bord, le copilote, le second officier et deux spécialistes du chargement. La croisière du vol vers Gander se déroule sans incident. Pendant la descente, le contrôleur du centre de contrôle régional de Gander informe l'équipage de conduite de s'attendre à effectuer une approche directe de la piste 04. L'équipage effectue sous guidage radar une approche à l'aide du système d'atterrissage aux instruments de la piste 04, et l'appareil effectue un atterrissage dur 2800 à 3500 pieds au-delà du seuil de la piste, à une vitesse-sol de quelque 180 noeuds. Au moment de l'atterrissage, il y a une composante vent arrière de neuf noeuds et la piste est humide.

Après l'atterrissage, le commandant de bord inverse immédiatement la poussée et freine, mais cela ne suffit pas à immobiliser l'appareil avant l'extrémité de la piste. Ce dernier heurte les barricades en bois se trouvant à l'extrémité éloignée de la piste et s'immobilise 6400 à 7100 pieds au-delà du point de toucher des roues, à 10 000 pieds du seuil de la piste, 100 pieds après les barricades (voir l'annexe A). Après s'être assuré que l'appareil n'a subi aucun dommage, l'équipage roule jusqu'à l'aire de trafic de l'aérogare principale. L'incident, qui survient à 11 h 35, heure avancée de Terre-Neuve, ne fait aucun blessé.

Renseignements de base

Pendant que N441J descendait vers Gander, le contrôleur du centre de contrôle régional (ACC) a informé l'équipage qu'à Gander un vent du 190 °M soufflait à 10 noeuds, et il lui a proposé d'effectuer son approche vers la piste 22. Le commandant de bord a accepté et il a reçu ses premiers vecteurs d'approche. Le contrôleur de l'ACC a ensuite communiqué avec le contrôleur de la tour pour lui dire que l'appareil se trouvait à 25 milles à l'ouest en prévision d'un atterrissage sur la piste 22. Le contrôleur de la tour a avisé le contrôleur de l'ACC que le seuil de la piste 22 avait été décalé en raison de travaux de construction et que la piste 22 ne comportait aucun balisage lumineux d'approche. Le contrôleur de l'ACC a ensuite transmis ces renseignements à l'équipage de conduite, lequel a demandé une approche à l'aide du système d'atterrissage aux instruments (ILS) de la piste 04 suivie d'une approche indirecte de la piste 22. Le contrôleur de l'ACC a alors informé N411J que le plafond à Gander était de 800 pieds. Comme l'altitude de l'approche indirecte était de 1000 pieds, l'équipage a décidé de continuer l'approche ILS de la piste 04 et d'atterrir sur cette même piste. L'appareil se trouvait à 8,5 milles marins à l'ouest de l'aéroport.

L'ACC a guidé l'appareil au radar en vue de l'approche ILS directe et, comme l'appareil interceptait le radiophare d'alignement de piste, l'équipage a été prié de communiquer avec la tour de Gander. Le contrôleur de la tour lui a transmis l'autorisation d'atterrir et l'a avisé qu'il y avait un vent de surface du 190 °M à 10 noeuds. La température était alors de 10 °C. Le commandant de bord a demandé confirmation du vent de surface, et le contrôleur de la tour lui a répété les renseignements sur le vent de surface. Après le survol du repère d'approche finale, la vitesse-sol de l'appareil se situait entre 190 et 200 noeuds et le taux de descente moyen était de 1000 pieds par minute. À quelque 500 pieds au-dessus du sol, le commandant de bord a réduit la puissance des moteurs au ralenti de vol. D'après les renseignements fournis par l'enregistreur de données de vol (FDR), les moteurs ont pleinement atteint le ralenti de vol 16 secondes avant le toucher des roues. L'appareil a survolé le seuil de la piste à quelque 90 pieds au-dessus de cette dernière, à une vitesse-sol de 190 noeuds.

On utilise une carte d'analyse de piste pour calculer la masse maximale à l'atterrissage de l'appareil pour une piste en particulier. Cette carte tient compte du vent et de l'état de la surface de la piste, et elle est basée sur un toucher des roues de l'appareil à la vitesse d'atterrissage calculée. La carte d'analyse de piste qu'a utilisée l'équipage faisait état d'une réduction de la longueur de piste de 1020 pieds, ce qui laissait une longueur de piste utilisable de 9180 pieds. En réalité, cette carte aurait dû refléter les renseignements que renfermait un NOTAM publié qui mentionnait que le seuil de la piste 22 avait été décalé de 1100 pieds (passant de 10 200 à 9100 pieds), ce qui laissait une distance d'atterrissage utilisable de 9100 pieds sur la piste 04.

Avec un vent nul et des conditions de piste humide, l'équipage a calculé une masse maximale à l'atterrissage de 255 400 livres, alors qu'une composante vent arrière soufflait à neuf noeuds. Pour chaque noeud de vent arrière, la masse maximale à l'atterrissage doit être réduite de 3200 livres. Compte tenu du vent arrière de neuf noeuds, la masse maximale à l'atterrissage devait être réduite de 28 800 livres, ce qui donnait une masse maximale à l'atterrissage de 226 600 livres. La masse réelle à l'atterrissage de l'appareil était de 249 500 livres, c'est-à-dire 22 900 livres de plus que la masse maximale indiquée sur la carte. La vitesse de référence à l'atterrissage, VRéf, est basée sur un braquage des volets et une masse d'aéronef spécifiques. Pour atterrir sur la piste 04, l'équipage a calculé une VRéf indiquée en noeuds (KIAS) de 144 KIAS avec un braquage des volets à 35 degrés. Pour l'appareil en cause dans cet incident, il s'agissait de la vitesse minimale jusqu'au tout début de l'arrondi. D'après les données fournies par le FDR, au toucher des roues, la vitesse de l'appareil se situait entre 158 et 168 KIAS.

Le manuel de vol de l'appareil mentionne qu'en approche, la vitesse ne doit pas dépasser la vitesse préaffichée de plus de 10 KIAS, avec un point nominal de toucher des roues à l'atterrissage situé 1000 pieds au-delà du seuil de la piste. Il mentionne également que le toucher des roues ne doit pas s'effectuer plus de 500 pieds avant ni plus de 1500 pieds après le point nominal de toucher des roues, ce qui revient à dire qu'il doit s'effectuer de 500 à 2500 pieds au-delà du seuil de la piste.

La vitesse enregistrée par le FDR était inexacte, et ces sont les données radar de l'ATC qui ont servi à déterminer la vitesse de l'appareil. En plus de confirmer que des vitesses erronées avaient été enregistrées, l'analyse du FDR effectuée par le Laboratoire technique du BST a révélé que les entrées des accélérations longitudinale et verticale du FDR étaient mal câblées et que les paramètres étaient inversés. Elle a de plus permis d'établir que le roulis n'était mesuré que de façon intermittente. Tous les autres paramètres du FDR semblaient valides, et aucune correction n'a été apportée. L'exigence établie en matière d'étalonnage du FDR stipule que ce dernier doit être étalonné toutes les 5900 heures de vol cellule, ou tous les deux ans. Il a été impossible d'établir avec certitude la date du plus récent étalonnage du FDR avant l'incident. Les accélérations longitudinales mesurées n'indiquent aucune perte importante de frottement entre les pneus et la piste. De plus, on n'a décelé aucun dommage visible sur les pneus du train principal ni aucune trace de pneu sur la piste, ce qui indique qu'il n'y a pas eu aquaplanage à l'atterrissage.

L'avionneur a procédé à des simulations techniques d'atterrissage sur piste humide au cours desquelles il a obtenu une distance nominale d'arrêt de 5940 pieds avec un braquage des volets à 35 degrés.

Analyse

Dans ses calculs d'atterrissage, l'équipage n'a pas tenu compte du vent arrière qui soufflait à neuf noeuds. Pendant la descente, le choix final de la piste n'a été arrêté qu'à 8,5 milles marins de l'aéroport. On ignore si le moment où a été prise cette décision a contribué à l'omission du vent arrière lors du calcul des performances d'atterrissage. Même si le commandant de bord a demandé au contrôleur de la tour de lui répéter le vent de surface pendant l'approche finale, le vent arrière n'a pas été pris en compte dans les calculs d'atterrissage.

Pendant l'approche, le vent arrière a rendu difficile le maintien d'un profil de descente normal. Le taux de descente et la vitesse étaient tous deux supérieurs à la normale. Le commandant de bord a réduit la puissance des moteurs au ralenti 16 secondes avant le toucher des roues, probablement parce qu'il s'est rendu compte que l'approche était compromise en raison de la vitesse excessive de l'appareil. Au toucher des roues, la vitesse de l'appareil était de 14 à 24 noeuds supérieure à la VRéf calculée. Cette vitesse excessive a du accentuer l'effet du vent arrière, ce qui a contribué à accroître davantage la distance d'arrêt de l'appareil.

La différence entre la distance d'arrêt calculée dans le cadre de la simulation technique d'atterrissage (5940 pieds) et la distance d'arrêt réelle (6400 à 7100 pieds) peut dépendre de facteurs comme la technique d'arrondi, la technique de freinage et les différences entre les conditions de piste réelles et les conditions de piste prévues. La combinaison de la hauteur élevée de survol du seuil, de vitesses d'approche et de toucher des roues excessives et du déplacement du point de toucher des roues a fait que l'appareil est sorti en bout de piste et a heurté les barricades. L'approche n'était pas stabilisée, et une approche interrompue (remise des gaz) aurait été judicieuse.

Certains paramètres qu'a mesurés le FDR étaient déficients, ce qui a donné lieu à des enregistrements erronés et rendu difficile l'interprétation des véritables performances de l'appareil.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Dans ses calculs d'atterrissage, l'équipage n'a pas tenu compte du vent arrière qui soufflait à neuf noeuds.
  2. Le commandant de bord n'a pas interrompu l'approche quand il est devenu évident que l'appareil n'effectuait pas une approche stabilisée.
  3. La combinaison de la hauteur élevée du survol du seuil, de vitesses d'approche et de toucher des roues excessives et du déplacement du point de toucher des roues a fait que l'appareil est sorti en bout de piste et a heurté les barricades.

Autres faits établis

  1. Plusieurs des paramètres de l'enregistreur de données de vol (FDR) étaient erronés.

Mesures de sécurité

L'exploitant a pris les mesures de sécurité suivantes :

  1. Réviser immédiatement les procédures des opérations aériennes en ce qui a trait à la politique d'atterrissage en vent arrière et, au besoin, apporter des éclaircissements concernant les ajouts relatifs au vent.
  2. Attirer l'attention des équipages de conduite quant à la précision requise lors de la détermination de la masse maximale à l'atterrissage dans des conditions données et à un aéroport spécifique.
  3. Accroître la formation en gestion des ressources dans le poste de pilotage (CRM) et mettre en oeuvre la plus récente version de « Threat and Error Management CRM (TEM CRM) », laquelle est actuellement enseignée dans les modules de formation périodique au sol.
  4. Insister sur l'importance des cartes d'analyse des performances dans les scénarios de formation (simulateurs) et les vérifications de compétence en ligne.
  5. Insister davantage sur les définitions de piste humide que renferme le manuel d'exploitation de l'aéronef.
  6. Demander aux responsables du suivi des vols de tenir compte des conditions de piste mouillée et de vent arrière au moment de la planification des vols.
  7. Examiner les NOTAM et les conditions météorologiques au cours de chaque séance de formation.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le .

Annexes

Annexe A - Schéma des pistes