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Rapport d'enquête aéronautique A02O0301

Atterrissage dur
du Sikorsky S-76A (hélicoptère) C-GIMM
exploité par Canadian Helicopters Limited
à London (Ontario)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 15 h 30, heure avancée de l'Est, deux pilotes qualifiés décollent de l'aéroport international de London (Ontario) aux commandes d'un hélicoptère Sikorsky S-76A portant l'immatriculation C-GIMM et le numéro de série 760044, exploité par la division de secours médical d'urgence de Canadian Helicopters Limited. Il s'agit d'un vol d'entraînement d'équipage au cours duquel des exercices multimoteurs sont effectués dans la zone locale. Les pilotes reviennent à l'aéroport pour effectuer des exercices de simulation comportant des décollages et des atterrissages avec un moteur inopérant en travers de l'extrémité de la piste 27.

Au cours de la deuxième approche, un peu avant l'arrondi, le pilote aux commandes relève le collectif de façon normale quand les deux moteurs fonctionnent, sans penser qu'une panne du moteur numéro 2 a été simulée. Le régime rotor diminue, ce qui donne lieu à un atterrissage à une vitesse de descente supérieure à la normale, malgré la tentative du pilote qui n'est pas aux commandes de rétablir la puissance du moteur dont la panne est simulée. La poutre de queue de l'hélicoptère est déformée, ce qui provoque le contact de l'arbre de transmission du rotor de queue avec la structure interne. L'équipage n'est pas au courant des dommages structuraux. Il sent dans les palonniers un bourdonnement qui indique peut-être qu'une pale du rotor principal a percuté le rotor de queue. Il met donc fin au vol et commence à rouler au sol pour revenir vers l'aire de trafic de l'entreprise. Pendant le roulage, le rotor de queue tombe en panne lorsque l'arbre de transmission se rompt. L'accident survient vers 16 h 30.

Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Les deux pilotes sont arrivés à la base de London à 10 h, heure avancée de l'Est (HAE)Footnote 1, pour un vol d'entraînement périodique en préparation au vol de contrôle compétence pilote (CCP) de l'un des pilotes. Le pilote à l'entraînement prenait place dans le siège de droite, lequel est habituellement appelé siège du commandant de bordFootnote 2. Aucun commandant de bord n'avait été désigné pour ce vol; chaque pilote croyait que l'autre était le commandant de bord.

Au cours de l'exposé, l'équipage a déclaré qu'il allait effectuer un vol d'entraînement normal selon les règles de vol à vue (VFR), lequel vol devait comporter la simulation de pannes moteur au cours de décollages et d'approches à profil vertical à un héliport simulé situé au sol. Le moteur numéro 1 devait être le « bon » moteur et subir artificiellement un bridage avant le début des exercices avec un moteur inopérant. Le bridage est une pratique courante de l'entreprise qui permet d'éviter le dépassement des limites et les dommages au moteur. On l'effectue en réduisant au ralenti de vol le moteur numéro 2, puis en relevant le collectif et en ramenant la manette du moteur numéro 1 jusqu'à ce que le moteur ne dépasse pas les limites continues de couple, de température ou de régime lorsque le collectif est complètement relevé. En général, cela se traduit par une manette du moteur réglée à quelque 5 % avant la position « pleins gaz », ou position de « vol ».

Le vol devait commencer avec 1600 livres de carburant à bord, c'est-à-dire 400 livres de plus que la quantité normale au départ lors d'opérations de secours médical d'urgence. Il s'agissait là d'une pratique normale de l'entreprise visant à réduire le délai d'intervention en cas de rappel lorsqu'un hélicoptère de secours médical d'urgence en ligne était utilisé pour de l'entraînement. L'entraînement avec un moteur inopérant ne devait être effectué qu'à la fin du vol, alors que l'hélicoptère serait plus léger et qu'il resterait moins de 1000 livres de carburant. L'équipage n'a pas déterminé, pour les décollages à profil vertical, de masse brute maximale spécifique en fonction des conditions météorologiques qui prévalaient.

Le vol a été retardé lorsque l'hélicoptère a été appelé pour des opérations de secours médical d'urgence. L'hélicoptère est revenu à 14 h 5 et il a été ravitaillé en carburant jusqu'au niveau mentionné au cours de l'exposé. La masse au décollage consignée était de 9542 livres. Lors du premier décollage, l'équipage a reçu une fausse indication et une fausse tonalité de panne du moteur numéro 2, à la suite desquelles il a interrompu le décollage. Ces fausses indication et tonalité ont été attribuées à un signal N1 (régime du générateur de gaz) intermittent, et on a réglé le problème en nettoyant le connecteur électrique. Finalement, l'hélicoptère a décollé pour le vol d'entraînement vers 15 h 30.

Le vol s'est déroulé comme prévu lors de l'exposé. Des exercices multimoteurs ont d'abord été effectués. Avant le début des exercices avec un moteur inopérant, on a procédé au bridage du moteur numéro 1 comme prévu lors de l'exposé. On a effectué des exercices avec un moteur inopérant sous forme de circuits à l'extrémité de la piste 27 en s'approchant de cette extrémité selon un cap magnétique de quelque 360 degrés et en atterrissant en travers de cette extrémité, afin de simuler une plate-forme d'atterrissage pour hélicoptères.

Le premier circuit a été un décollage à profil vertical normal sans panne moteur. Après que le PF a signalé qu'il se trouvait au point de décision à l'atterrissage, le PNF a simulé une panne moteur en ramenant la manette du moteur numéro 2 au ralenti de vol, procédure normale dans le cadre de tels exercices d'entraînement. Le PF a réagi adéquatement en effectuant en toute sécurité un atterrissage avec un moteur inopérant. Au sol, le PNF a donné au PF un exposé après vol sur l'importance de surveiller le couple du moteur pendant l'approche, puis il lui a demandé de décoller pour refaire l'exercice.

Au deuxième décollage, le PNF a annoncé une panne du moteur numéro 2 au point critique de décision, alors que l'hélicoptère ne pouvait que poursuivre le décollage, et l'a simulée comme précédemment. Après la première réaction adéquate du PF, le PNF a ramené le moteur numéro 2 à la puissance de vol normal afin d'assurer le franchissement des arbres qui se trouvaient devant, sur la trajectoire de vol, et d'accélérer la montée jusqu'à l'altitude du circuit. Une fois établi en vent arrière, le PNF a de nouveau ramené la manette du moteur numéro 2 au ralenti de vol, il a montré au PF le couple affiché et lui a rappelé l'importance de surveiller le couple. Le PF a vérifié le couple et il a cru à tort que les deux moteurs fonctionnaient à 70 %.

L'indicateur de couple du S-76A affiche le couple des deux moteurs sur un même cadran au moyen d'une aiguille distincte pour chaque moteur. En fait, le couple du moteur numéro 1 était de 70 % et celui du moteur numéro 2, de zéro, ce qui faisait que les aiguilles se trouvaient alignées, l'une à 1 heure et l'autre à 7 heures, et ne présentaient aucun état angulaire susceptible d'attirer l'attention du pilote. Le PF n'a donc pas remarqué que le couple du moteur numéro 2 était à zéro et il a poursuivi le circuit en s'attendant à ce qu'une panne moteur soit simulée au point de décision à l'atterrissage ou près de ce dernier, comme au cours de l'approche précédente. Comme la panne n'avait pas été annoncée, à quelque 35 pieds au-dessus du sol, il a amorcé l'arrondi et relevé le collectif, procédure normale dans le cas d'un atterrissage sur deux moteurs. Le régime rotor a diminué, ce qui a donné lieu à une vitesse de descente élevée. Le PNF s'est rendu compte que la puissance du « bon » moteur (numéro 1) était insuffisante pour stopper cette descente trop rapide et il a poussé la manette du moteur numéro 2, lequel n'a pas réagi assez vite pour que soit évité l'atterrissage dur.

1.2 Dommages à l'aéronef

À l'impact, la poutre de queue de l'hélicoptère a été déformée, ce qui a provoqué le contact de l'arbre de transmission du rotor de queue avec une bride reliant la poutre de queue au fuselage. Cette bride est entrée en contact avec l'arbre de transmission, puis en a provoqué la rupture pendant le roulage au sol de l'hélicoptère qui revenait vers l'aire de trafic de l'entreprise. On a alors effectué un arrêt complet de l'hélicoptère.

1.3 Renseignements sur le personnel

Commandant (PNF) Copilote (PF)
Licence de pilote ATPL-Hélicoptère ATPL-Hélicoptère
Date d'expiration du certificat médical 1er novembre 2002 1er septembre 2003
Nombre total d'heures de vol 9000 3000
Nombre total d'heures de vol sur type en cause 3000 1700
Nombre total d'heures de vol dans les 90 derniers jours 4.3 100
Nombre total d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours 4.3 100
Nombre d'heures de service avant l'événement 6.5 6.5
Nombre d'heures libres avant la prise de service 12 16

À son arrivée chez Canadian Helicopters Limited (CHL), le PF possédait de l'expérience en qualité de copilote d'hélicoptères S-76 et il avait subi un contrôle à titre de copilote en octobre 2001. Il était passé commandant de bord en décembre 2001 et il était devenu pilote instructeur en mars 2002. Son CCP était valide jusqu'en octobre 2002. La semaine de l'incident, il était en vacances, mais il était revenu au travail pour effectuer un entraînement périodique qui était requis avant le vol de CCP prévu à Ottawa la semaine suivante. La veille, il était venu voler avec un autre pilote instructeur qui était en attente d'appels de secours médical d'urgence. Comme il y a eu trois appels de secours médical d'urgence, les pilotes ont manqué de temps pour effectuer l'exposé et le vol. Le lendemain, le pilote instructeur n'était pas disponible; le PF devait donc trouver quelqu'un d'autre pour voler avec lui ou retarder encore l'entraînement et risquer de compromettre le vol de CCP.

Le PNF était un pilote instructeur désigné de l'entreprise. Il avait récemment occupé le poste de pilote principal de secours médical d'urgence responsable des normes et de l'entraînement de toute la division de secours médical d'urgence. Il avait alors cessé d'assurer la rotation normale en attente d'appels de secours médical d'urgence. Il n'y avait aucune mention du nombre de décollages, de circuits et d'atterrissages qu'avait effectués le PNF dans les 90 derniers jours. Il n'était pas prévu qu'il vole le jour de l'incident, mais, lorsque le PF l'avait appelé la veille, en après-midi, il avait accepté d'effectuer le vol d'entraînement proposé.

1.4 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur Sikorsky
Type et modèle S-76A
Années de construction 1980
Numéro de série 760044
Certificat de navigabilité délivré le 14 septembre 1999
Nombre total d'heures de vol cellule 16 860
Type de moteur (nombre) Rolls-Royce (Allison) 250-C30S (2)
Type d'hélice ou de rotor (nombre) rotor principal à quatre pales (1)
Masse maximale autorisée au décollage 4763 kg / 10 500 lb
Type(s) de carburant recommandé(s) JP-4/JP-5/JP-8/Jet A/Jet A1/Jet B
Type de carburant utilisé Jet A1

D'après les dossiers, l'hélicoptère était entretenu conformément à la réglementation en vigueur. Il n'y avait aucun problème de maintenance en suspens ni aucun signe d'anomalie mécanique préexistante ou autre condition qui aurait pu contribuer à cet accident. L'hélicoptère était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT), laquelle ne s'est pas déclenchée à l'impact, ce qui indique que les forces d'impact localisées qu'elle a subies étaient inférieures à son seuil de déclenchement.

1.5 Renseignements météorologiques

À 16 h, soit 30 minutes avant l'incident, les conditions météorologiques signalées à l'aéroport de London étaient les suivantes : vent soufflant du 340° vrai à 5 noeuds, visibilité de 15 milles terrestres, ciel dégagé, température de 26 °C. À 17 h, 30 minutes après l'incident, les conditions météorologiques signalées étaient les suivantes : vent soufflant du 110° vrai à 2 noeuds, visibilité de 15 milles terrestres, quelques nuages à 22 000 pieds, température de 26 °C.

1.6 Enregistreurs de bord

L'hélicoptère immatriculé C-GIMM était équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) en vertu d'une exigence contractuelle de la division de secours médical d'urgence. Au moment de l'accident, le CVR ne fonctionnait pas, car le contacteur à inertie s'était déclenché auparavant, à un moment que l'on n'a pu déterminer. On a observé qu'il ne fonctionnait pas la veille de l'accident, mais aucune mention à cet effet n'a été inscrite dans le carnet de route et aucune mesure pour remédier à la situation n'a été consignée. Un supplément au manuel de vol du giravion comportait une procédure exigeant la vérification du fonctionnement du CVR avant chaque vol. L'équipage de l'hélicoptère ignorait l'existence de cette exigence, et il n'a pas vérifié le CVR avant le vol. L'hélicoptère n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR), ce qui ne contrevenait pas à la réglementation en vigueur.

1.7 Renseignements sur les organismes et la gestion

Le siège social de Canadian Helicopters Limited se trouve à Les Cèdres (Québec). Les opérations commerciales de cette dernière s'effectuent en vertu d'un seul certificat d'exploitation. Cette entreprise possède une structure organisationnelle distincte pour les opérations, les équipages de conduite et la sécurité. Les opérations de secours médical d'urgence sont contrôlées par un vice-président général (VP) des opérations se trouvant à Edmonton, un VP/directeur général se trouvant à Toronto, un directeur des opérations se trouvant à Toronto et un responsable de base se trouvant à chaque base de secours médical d'urgence. Les normes, la formation et la discipline relatives aux équipages de conduite sont gérées par un pilote en chef se trouvant à Les Cèdres, un pilote principal de secours médical d'urgence se trouvant à London ainsi que des pilotes vérificateurs et des pilotes instructeurs se trouvant aux différentes bases. Un VP de la sécurité du système se trouvant à Vancouver est responsable du programme de sécurité de l'entreprise.

CHL exploite une flotte de plus de 150 hélicoptères à partir de 40 endroits au Canada, dans une vaste gamme d'unités d'opérations aériennes commerciales et de formation au pilotage à l'échelle du pays. Les opérations de secours médical d'urgence sont effectuées en vertu de la sous-partie 703 de la partie VII du RAC. En Ontario, les opérations de secours médical d'urgence sont passées de six hélicoptères à trois endroits, en 1999, à onze hélicoptères à sept bases, actuellement. Toronto, Thunder Bay et Sudbury sont des bases principales de secours médical d'urgence possédant chacune deux hélicoptères; London, Ottawa, Kenora et Moosonee possèdent chacune un hélicoptère; enfin, il y avait un appareil de rechange pour la maintenance.

Selon le concept d'exploitation de l'entreprise, chaque base doit fonctionner sensiblement de façon indépendante. Les vols d'entraînement et de vérification sont effectués à la base d'attache de chaque pilote par des pilotes instructeurs et des pilotes vérificateurs de cette base. L'hélicoptère en ligne est habituellement utilisé pour l'entraînement. Idéalement, les pilotes instructeurs tournent selon des quarts de travail réguliers, ce qui leur permet d'être prêts à intervenir lorsque l'exigent des opérations de secours médical d'urgence tout en utilisant l'hélicoptère en ligne pour l'entraînement. Les appels de secours médical d'urgence ont priorité sur les vols d'entraînement et de vérification.

Depuis qu'elle prend de l'expansion, l'entreprise subit un roulement de personnel plus important ainsi que des problèmes de recrutement et de maintien en poste des pilotes instructeurs et des pilotes vérificateurs. Le problème de disponibilité des pilotes vérificateurs a été aggravé par des retards et par la difficulté de leur faire obtenir leur qualification ainsi que par une « grève du zèle » des inspecteurs de Transports Canada. Il a donc fallu effectuer une rotation des pilotes, notamment des pilotes instructeurs et des pilotes vérificateurs, entre les bases et il n'était pas toujours pratique de jumeler un pilote à un pilote instructeur pour permettre la tenue de vols d'entraînement pendant des quarts de travail normaux. Il est devenu courant de donner de la formation les jours de congé des pilotes, en temps supplémentaire ou pendant les vacances.

Au cours des récents vols de contrôle de compétence de Transports Canada, on a remarqué un manque de cohérence en matière d'entraînement et de connaissances de base quant aux procédures IFR et de secours médical d'urgence. Ce manque de cohérence est en partie attribué à la nature individuelle du programme d'entraînement et à l'absence de structure visant à assurer que toutes les conditions préalables sont bien respectées avant un vol de contrôle de compétence. Récemment, l'entreprise a désigné un pilote en chef de secours médical d'urgence pour régler les problèmes d'entraînement et de normalisation.

Le passage en revue des récents incidents auxquels ont été mêlés des hélicoptères S-76 de l'entreprise dans des opérations de secours médical d'urgence en Ontario a permis de découvrir un incident intéressant au cours duquel était survenu un quasi-abordage entre deux hélicoptères S-76, et pour lequel des problèmes de procédures, d'entraînement et de normalisation avaient été identifiés. Au cours d'une approche de nuit vers une héliplate-forme sur immeuble, aucun des pilotes dans l'hélicoptère en approche ne voyait clairement l'aire d'atterrissage et aucun ne s'est rendu compte qu'un autre hélicoptère se trouvait sur l'héliplate-forme. L'hélicoptère en approche effectuait son arrondi lorsque le pilote a remis les gaz sans répondre, après avoir entendu le pilote qui se trouvait à bord de l'hélicoptère situé sur l'héliplate-forme lui demander de remettre les gaz. La déflexion vers le bas produite par l'hélicoptère qui survolait l'autre appareil en stationnement a déplacé ce dernier de deux à trois pieds.

Les deux pilotes de l'hélicoptère en vol avaient entendu des bribes de communications antérieures en provenance d'un hélicoptère qui se trouvait sur l'héliplate-forme, mais ils avaient cru qu'il volait ailleurs, sans s'apercevoir qu'il se trouvait sur l'héliplate-forme où ils prévoyaient atterrir. Aucun des pilotes n'a fait part à l'autre de son incapacité à voir l'héliplate-forme. L'entreprise n'a pas signalé l'incident au BST. Elle a organisé une audience interne qui a permis de cerner de nombreux problèmes de procédures, d'entraînement et de normalisation. La norme de base consistant à établir et à maintenir un contact visuel avec l'aire d'atterrissage n'avait pas été respectée; on a identifié des anomalies dans les SOP; des hypothèses inappropriées ont été formulées quant à la pertinence des communications radio; il se peut que la politique en matière de « poste de pilotage silencieux » de l'entreprise ait nui à la communication entre les pilotes. L'audience a également donné lieu à une recommandation selon laquelle les programmes d'entraînement devraient insister sur les compétences en matière de gestion dans le poste de pilotage.

1.8 Manuels d'exploitation et réglementation

Le manuel d'exploitation de l'entreprise s'applique à l'exploitation de tous les aéronefs de l'entreprise. Il renferme les tâches et responsabilités du personnel, les directives d'orientation concernant les vols d'exploitation et d'entraînement ainsi que les procédures d'utilisation normalisées (SOP) concernant l'utilisation de différents types d'hélicoptère.

Le manuel d'exploitation requiert la désignation du commandant de bord avant le vol, sans toutefois spécifier aucune technique de consignation de cette désignation. Le RAC mentionne qu'il incombe au commandant de bord de consigner les mentions dans le carnet de route de l'aéronef. Le jour de l'accident, le PNF avait consigné les mentions requises; il s'était également identifié en tant que commandant de bord dans un rapport d'incident de l'entreprise.

Le manuel d'exploitation permet aux pilotes instructeurs de s'exercer à répondre à des situations d'urgence portant sur leurs propres exigences à partir de l'un ou l'autre des sièges. Le PF était un pilote instructeur et il prenait place dans le siège de droite, dans lequel prend habituellement place le commandant de bord.

Le manuel d'exploitation requiert qu'un pilote consigne dans le carnet de route au moins trois décollages, circuits ou atterrissages dans les 90 jours précédant son affectation en qualité de commandant de bord lors d'un vol commercial. Au cours d'un vol d'entraînement, lorsqu'un pilote instructeur s'exerce à répondre à des situations d'urgence, le manuel d'exploitation requiert que l'autre pilote soit commandant de bord sur le type d'appareil utilisé. Le manuel d'exploitation ne fait état d'aucune exigence du maintien de la compétence de vol associée à la qualification de commandant de bord pour un vol d'entraînement.

Le manuel de vol du giravionFootnote 3 de l'hélicoptère Sikorsky S-76A ne renferme aucune procédure ni limite relativement aux décollages et aux approches à profil vertical à des héliports. Okanagan Helicopters, entreprise remplacée par CHL, a élaboré les procédures et les limites de masse publiées dans le manuel d'exploitation comme SOP. La masse maximale brute lors d'un décollage vertical varie en fonction de l'altitude de l'aérodrome, de la température ambiante et de la vitesse du vent de face. Compte tenu des conditions qui prévalaient ce jour-là - température de 26 °C et altitude de l'aérodrome de 902 pieds - la masse maximale au décollage était de 8820 livres, avec un vent de face nul, et de 8990 livres, avec un vent de face soufflant à 5 noeuds. Ces chifffres sont basés sur la spécification de couple dans le cas d'un moteur n'ayant pas subi de bridage artificiel. Au moment de l'accident, la masse de l'hélicoptère était de 8842 livres.

Ni le manuel de vol du giravion de Sikorsky ni les SOP de l'entreprise ne traitent de la procédure de bridage, et cette dernière n'est d'aucune façon approuvée par le constructeur. Les tableaux de procédures et de limites avec un moteur inopérant sont basés sur un fonctionnement normal du moteur qui, selon les données de certificationFootnote 4, maintiendrait pendant deux minutes et demie, avec un moteur inopérant, une limite de couple de 111 % ou une température d'entrée turbine (T5) de 826 °C et pendant 16 secondes, une limite transitoire de couple pouvant atteindre 155 %. On ne peut atteindre ces limites lorsque le moteur a subi un bridage. L'enquête a permis d'établir que d'autres exploitants utilisent également le bridage pour des types de bimoteurs autres que l'hélicoptère Sikorsky S-76A.

La partie du manuel d'exploitation comportant les SOP fournit des directives d'orientation pour l'utilisation des listes de vérifications pendant le fonctionnement normal et d'urgence de l'hélicoptère. La partie sur les procédures normales requiert que l'on suive les listes de vérifications selon la méthode questions/réponses. La partie sur les procédures d'urgence, après les éléments de réponse mémorisés initiaux, requiert que le PNF passe en revue les éléments de la liste de vérifications et lise à haute voix les questions et les réponses, afin de garder le PF au courant sans le distraire. Il n'existe aucune SOP spécifique pour des procédures comme des circuits particuliers à l'environnement d'entraînement. Les SOP ne comportent pas de méthodes spécifiques de simulation et de communication de situations d'urgence en vol pendant l'entraînement. Il existait, sous d'autres formes à l'intérieur de l'entreprise, de la documentation sur les procédures d'entraînement, mais elles n'ont pas été utilisées pour ce vol en particulier.

La partie du manuel d'exploitation portant sur l'exploitation des ambulances aériennes requiert que les listes de vérifications soient utilisées conformément aux SOP. Cependant, la partie du manuel d'exploitation portant sur l'entraînement ne traite pas de l'utilisation des listes de vérifications. Plus précisément, le manuel d'exploitation ne prévoit pas d'abrèger les SOP habituelles ni de s'en écarter d'une façon ou d'une autre. Cependant, les pilotes de l'entreprise considéraient généralement qu'il n'était pas pratique de procéder à toutes les vérifications normales par questions et réponses dans le cadre de l'entraînement périodique. Dans le circuit, les vérifications avant l'atterrissage étaient abrégées, et on omettait les éléments que l'on considérait non nécessaires. Par exemple, comme dans un circuit, on ne rentre pas le train d'atterrissage après le décollage et que l'on n'a pas besoin de le vérifier avant d'atterrir, on omettait la vérification du train d'atterrissage. La pratique acceptée était que le PNF effectuait en silence la vérification et disait qu'elle avait été faite.

Les SOP requièrent qu'un exposé à l'atterrissage fasse partie des procédures IFR et VFR. En pratique, on considérait que l'entraînement au vol VFR était réservé aux techniques pratiques et qu'il n'obligeait pas à respecter toutes les procédures dans le poste de pilotage, tous les exposés, etc., associés aux vols commerciaux et auxquels on s'exerce pendant l'entraînement IFR.

Analyse

Les conditions météorologiques et des ennuis mécaniques n'ont joué aucun rôle dans cet incident. L'analyse portera sur la communication et la coordination de l'équipage qui ont fait que le PF a utilisé à tort une technique d'approche et d'atterrissage comme si les deux moteurs fonctionnaient, alors qu'il y avait simulation d'un moteur inopérant. De plus, au cours de l'enquête, on a tenu compte de l'effet du bridage d'un moteur pendant l'entraînement avec simulation d'un moteur inopérant, du niveau de risque associé aux opérations d'entraînement périodique effectuées par l'entrepriseFootnote 5 et des problèmes d'organisation de cette dernière.

2.1 Communication et coordination de l'équipage

L'événement important pour la sécurité qui est survenu juste avant l'accident a été le relèvement du collectif par le PF, à quelque 35 pieds, pendant l'arrondi. Il a donné lieu à une réduction du régime rotor et de la portance qui a entraîné une vitesse verticale de descente excessive et un atterrissage dur, lequel a causé des dommages à l'hélicoptère. Les mesures qu'a prises le PF constituent une mauvaise application d'une bonne règleFootnote 6, au sens où il a appliqué une technique d'atterrissage multimoteur dans une situation où il y avait simulation d'un moteur inopérant. Cette erreur a été provoquée par une rupture de la coordination de l'équipage, parce que les deux pilotes se sont formé deux modèles mentaux différents de la situation.

Lorsque le PNF a réduit la puissance pour simuler la panne du moteur numéro 2 au point critique de décision après le décollage, il prévoyait que l'exercice comporterait un circuit avec un moteur inopérant et un atterrissage. Une fois que le PF a eu correctement réagi une première fois à la panne moteur simulée, en guise de mesure temporaire, le PNF a rétabli la puissance du moteur numéro 2 afin de faciliter la montée jusqu'à l'altitude du circuit. Il n'avait aucunement l'intention de mettre fin à l'exercice avec un moteur inopérant. Le PNF n'a ni annoncé le rétablissement de la puissance ni indiqué la fin de l'exercice avec un moteur inopérant. Lorsqu'il a par la suite placé la manette du moteur au ralenti de vol, c'était dans le but de replacer l'hélicoptère dans des conditions de simulation d'un moteur inopérant et de poursuivre l'exercice en cours avec un moteur inopérant, et non d'introduire une nouvelle panne. Par conséquent, tout comme il n'avait pas annoncé le rétablissement de la puissance, il n'a pas non plus annoncé cette réduction de puissance.

Lorsque le PF a vu le PNF pousser sur la manette du moteur numéro 2 pendant la montée initiale, il a cru que l'exercice avec un moteur inopérant était terminé. Le PF n'a pas remarqué que le PNF avait rétabli la simulation d'un moteur inopérant en replaçant la manette du moteur numéro 2 au ralenti de vol, une fois établi en vent arrière, et il ne s'y attendait pas non plus, puisqu'il avait compris lors de l'exposé qu'il était question de simuler une panne moteur au point de décision à l'atterrissage, comme au cours de l'approche précédente.

Le PNF a cru que le PF avait compris que le circuit serait effectué avec un moteur inopérant et, il croyait, par conséquent, qu'aucune communication n'était nécessaire. Le PF s'attendait à un exercice de panne moteur plus près du point de décision à l'atterrissage, comme au cours de l'approche précédente, conforme à l'intention d'effectuer de nouveau l'exercice. Comme le PF n'a pas vu le PNF ramener la manette du moteur pendant le parcours vent arrière, il a cru que l'hélicoptère fonctionnait toujours sur les deux moteurs au début de l'arrondi.

Les indices qui, normalement, auraient permis au PF de déceler une panne moteur étaient soit absents soit non convaincants. Dans une situation réelle, une perte de puissance moteur est signalée au moyen d'une tonalité et d'un voyant d'avertissement, puis d'indications de pannes de systèmes connexes qui se répètent tant que le moteur demeure inopérant. Dans ce cas-ci, ces indications étaient absentes, puisque le moteur dont la panne était simulée tournait au ralenti de vol. De plus, le couple des deux moteurs est indiqué sur un même cadran au moyen d'une aiguille distincte pour chaque moteur. Un écart angulaire aurait été facile à observer et aurait attiré l'attention du pilote sur un écart de couple entre les deux moteurs. Lorsque les deux pilotes ont parlé du couple, alors qu'ils se trouvaient en vent arrière, les couples mesurés étaient de 70 % et de 0 %, ce qui faisait que les aiguilles se trouvaient alignées, l'une à 1 heure et l'autre à 7 heures, et elles ne présentaient aucun angle susceptible d'attirer l'attention du PF.

En l'absence de tels indices, la communication verbale entre les deux membres d'équipage était cruciale, afin que chacun soit à tout moment au courant de l'état de l'hélicoptère. Dans ce cas-ci, le PNF n'a pas annoncé verbalement les mesures qu'il prenait pour simuler des situations d'urgence et il n'a pas non plus fourni les renseignements critiques adéquats qu'un PNF fournit habituellement pour aider le PF à gérer les paramètres critiques. Contrairement à ce que préconisent les SOP, le PF n'a pas donné d'exposé normal avant atterrissage, ce qui aurait indiqué au PNF la divergence de compréhension. De plus, il n'a d'aucune autre façon soutenu de concept d'équipage quant au déroulement du vol, probablement parce qu'il considérait que le but du vol était sa propre formation pratique et qu'il reconnaissait le rôle de pilote instructeur du PNF.

Les éléments suivants ont contribué au faible niveau de communication :

  1. Un faible « niveau d'autorité entre les membres d'équipage »Footnote 7. Les deux pilotes ont cru que l'autre était commandant de bord. Le PNF reconnaissait la compétence du PF, lequel était également un pilote instructeur désigné de l'entreprise. Le vol en question constituait une tâche relativement régulière, répétitive et bien comprise nécessitant un exposé et un contrôle minimaux. De plus, depuis que le PNF assumait les tâches de pilote en chef de secours médical d'urgence, il ne volait pas régulièrement. Il se peut que le fait qu'il s'agissait de son premier vol en 28 jours et seulement de son troisième en 90 jours ait affaibli le niveau d'autorité et contribué au bas niveau de communication verbale.
  2. L'absence de SOP concernant la simulation de situations d'urgence en vol. Les SOP représentent un dispositif de sécurité administratif qui sert à créer des attentes communes parmi les membres d'équipage. Au moment de l'incident, il n'existait au sein de l'entreprise aucune SOP décrivant la technique de simulation et de communication de situations d'urgence en vol pendant l'entraînement. D'autres documents sur les procédures d'entraînement étaient disponibles sur papier et sur le site Web de l'entreprise, mais ils n'ont pas été utilisés. Les SOP auraient pu servir à accroître le niveau de communication dans le poste de pilotage (en exigeant des exposés standard, par exemple) ou à créer une attente commune en l'absence de communication verbale (en exigeant une technique standard d'annoncer la simulation de situations d'urgence en vol, par exemple).
  3. L'absence de SOP pour les vérifications et les exposés lors de l'exécution de circuits pendant l'entraînement. Les SOP exigent des vérifications par questions et réponses ainsi que des exposés avant atterrissage, mais les pilotes ont accepté de ne pas appliquer les procédures normales dans le circuit en raison de la courte durée de ce dernier. S'il y avait eu un exposé avant atterrissage, il est probable que le PNF aurait été informé du fait que le PF n'était pas au courant de la simulation de la panne moteur.
  4. La SOP générale de l'entreprise pour les opérations multimoteurs avec deux pilotes mentionne que les éléments de la liste de vérifications passés en revue en vol ne doivent nécessiter que la participation du PNF, à moins que le PF ne fasse partie intégrante d'un élément, afin de ne pas détourner l'attention du PF de sa mission principale, laquelle consiste à piloter l'appareil. Les SOP normales de l'hélicoptère S-76 mentionnent en caractères gras que l'utilisation de la méthode questions/réponses est obligatoire dans les opérations IFR et VFR. Les procédures d'urgence exigent que le PNF utilise la liste de vérifications et lise à haute voix les questions et les réponses afin de garder le PF au courant sans le distraire.

2.2 Bridage du moteur

La procédure de bridage fait que le moteur bridé fonctionne conformément à des limites inférieures à ses spécifications normales, à moins que l'équipage ne pousse la manette du moteur à sa position de fonctionnement normal. À cause des performances réduites du moteur, la masse brute à la limite, publiée dans les SOP de l'entreprise pour les décollages et les approches à profil vertical à des héliports, donne des performances d'hélicoptère inférieures à celles auxquelles on est en droit de s'attendre. Pendant la montée avec un moteur inopérant qui a précédé immédiatement l'accident, l'hélicoptère se trouvait essentiellement à la masse limite publiée pour les conditions ambiantes avec fonctionnement normal des deux moteurs, et la puissance réduite générée par le moteur bridé était insuffisante pour que l'hélicoptère monte et évite les obstacles après la simulation de la panne moteur au point critique de décision, ce qui, en plus de vouloir accélérer la montée, a motivé le PNF à remettre en marche le moteur dont une panne était simulée.

Pendant l'approche, si le « bon » moteur n'avait pas fait l'objet d'un bridage, il aurait généré davantage de puissance, ce qui aurait atténué les conséquences de la technique d'approche inappropriée. Plus précisément, une puissance plus grande aurait réduit la brutalité de l'atterrissage et augmenté le temps disponible pour que le moteur dont la panne était simulée réagisse à la demande de puissance lorsque le PNF a poussé la manette du moteur.

On considère que la procédure de bridage possède une valeur formatrice, car elle expose les pilotes à une réduction du régime rotor sans dépassement des limites du moteur, ce qui permet à ces derniers de connaître l'effet de la puissance limitée disponible en vol avec un moteur inopérant et d'apprendre à abaisser le collectif pour regagner le régime rotor plutôt que de continuer à tirer dessus, lorsque la limite du moteur est atteinte. Lorsque cet entraînement a lieu dans des situations où l'altitude est critique, comme au point critique de décision ou au point de décision à l'atterrissage, le temps de réaction du pilote instructeur et celui du moteur sont trop courts pour assurer un rétablissement si le PF utilise une technique inappropriée. Sans aucun autre moyen d'atténuation des effets de la réduction de la puissance disponible, le vol avec un moteur bridé comporte un risque d'accident pouvant causer d'importants dommages à l'hélicoptère ainsi que des blessures à l'équipage.

2.3 Problèmes de gestion du risque

En plus des inconvénients associés au bridage du moteur, de nombreuses pratiques habituelles observées au cours de cet accident ont accru le niveau de risque auquel l'appareil a été exposé dans le cadre de l'entraînement faisant appel à la simulation de procédures d'urgence :

  1. Lors des vols d'entraînement, on emporte habituellement une quantité additionnelle de carburant afin de faciliter le rappel et la régulation d'un vol d'évacuation sanitaire sans délai de ravitaillement en carburant, ce qui réduit les limites de rendement de l'hélicoptère.
  2. Pour simuler une héliplate-forme, on effectue les exercices avec un moteur inopérant perpendiculairement à l'extrémité de la piste, ce qui élimine pratiquement la possibilité d'effectuer un atterrissage oblique si un problème survient lors d'un atterrissage à la verticale et augmente le risque d'accident pendant les opérations d'entraînement.
  3. Des pannes moteur simulées sont introduites au point de décision à l'atterrissage, point le plus critique de l'approche où l'hélicoptère est obligé d'atterrir. Il n'y a donc pas de temps pour que l'un ou l'autre des pilotes corrige une erreur ou pour que le pilote instructeur conseille le PF ni aucune occasion pour que l'équipage suive un processus coordonné de prise de décision.

Les opérations d'entraînement nécessitent de nombreuses procédures non écrites qui diffèrent du manuel d'exploitation et des SOP de l'entreprise ou ne sont pas approuvées en vertu de ceux-ci. Il existe donc des risques associés aux procédures d'entraînement que l'administration de l'entreprise ne reconnaît ni ne contrôle adéquatement. Les éléments suivants augmentent le risque d'accident pendant les opérations d'entraînement :

  1. La pratique de l'entreprise consistant à procéder à un entraînement sur la procédure d'exploitation à profil vertical sans calculer de limite de masse conformément aux SOP comporte un risque que les opérations d'entraînement soient effectuées à des masses brutes dépassant les limites, alors que le moteur fonctionne à une puissance inférieure aux spécifications normales. Il se peut donc qu'à la suite d'une vraie panne moteur, un rétablissement soit impossible.
  2. Sous prétexte qu'ils ne s'appliquent qu'à l'entraînement IFR, les exposés et les vérifications qu'exigent les SOP dans le cadre des missions d'entraînement VFR sont souvent omis. L'omission d'un exposé à l'atterrissage pendant le circuit en cause dans cet accident a éliminé l'occasion de corriger un malentendu avant une phase critique du vol. Une telle pratique diminue la valeur de la formation et augmente le risque d'accident pendant l'entraînement.
  3. Dans le cadre des vols d'entraînement, on n'utilise pas la méthode questions/réponses pour suivre les procédures figurant sur les listes de vérifications exigées dans les SOP, et cette façon de faire accroît le risque que l'équipage omette des mesures de routine, mais essentielles.
  4. Lorsqu'il s'exerce à effectuer des procédures d'urgence, le PNF le fait en silence au lieu de garder le PF au courant, comme l'exige la SOP, ce qui nuit à la coopération et à la coordination de l'équipage dans des situations critiques.
  5. Il n'existe pas de SOP pour les vérifications et les exposés propres aux circuits d'entraînement. Des procédures non normalisées qui diffèrent des opérations normales de vol sont donc adoptées.
  6. Il n'existe pas de SOP pour la simulation de situations d'urgence en vol, ce qui entraîne une utilisation incohérente des procédures informelles et non écrites, lesquelles diffèrent d'un pilote à l'autre, d'où un affaiblissement de la valeur de normalisation de l'entraînement et un accroissement du risque de malentendus.
  7. Il n'existe aucune procédure ni aucune exigence de désignation formelle d'un commandant de bord pendant les vols d'entraînement, ce qui a entraîné de la confusion et compromis la coordination de l'équipage dans cet accident et accru le risque que des procédures inadéquates ou mal coordonnées soient utilisées dans les opérations d'entraînement périodique.

Le manuel d'exploitation traite de la désignation des qualifications et du maintien des compétences du commandant de bord et du pilote sans indiquer de quelle façon les obtenir ou les documenter et en laissant chacun l'interpréter à sa façon. Le manuel d'exploitation requiert qu'un pilote effectue au moins trois décollages, circuits ou atterrissages pour se qualifier comme commandant de bord lors d'un vol commercial. Le manuel d'exploitation ne comporte aucune exigence spécifique concernant le maintien des compétences des commandants de bord effectuant des vols non commerciaux. Le PNF n'avait effectué que deux vols, tous deux des vols de secours médical d'urgence, dans les 90 derniers jours. Aucun dossier ne faisait état du nombre de décollages et d'atterrissages effectués.

L'entraînement s'effectue de façon ponctuelle pour ne pas nuire aux opérations de secours médical d'urgence. Souvent et de façon imprévisible, l'entraînement est retardé ou annulé lorsque l'hélicoptère est rappelé ou qu'il n'est pas disponible pour toute autre raison. Les pilotes doivent s'entraîner pendant leurs vacances et leurs congés. L'entraînement est assujetti à la disponibilité des pilotes instructeurs, lesquels peuvent être en vacances ou en congé. L'absence d'un calendrier d'entraînement et de ressources d'entraînement spécialisées a stressé les pilotes, à cause de l'incapacité de ces derniers de subir l'entraînement en temps opportun et de la possibilité que leurs qualifications deviennent périmées.

L'accroissement des opérations de secours médical d'urgence a remis en question l'entraînement et la normalisation au sein de l'entreprise. L'entreprise a noté et reconnu le caractère inadéquat des procédures, de la coordination et de la normalisation des équipages lors d'un autre incident récent qui aurait pu dégénérer en accident. Des anomalies semblables étaient évidentes dans le présent accident auquel a été mêlé le pilote en chef de secours médical d'urgence, lequel était responsable de l'entraînement et de la normalisation, ainsi qu'un pilote instructeur dont le rôle consistait à mettre en oeuvre ces dernières.

Le CVR ne fonctionnait pas. La veille, un pilote l'avait vérifié et il avait établi qu'il était hors service, mais il n'avait pas consigné cette information dans le carnet de route de l'aéronef. Cette anomalie n'a pas été consignée au cours des vols ultérieurs. Au cours du vol en question dans cet accident, aucun des pilotes n'a vérifié le CVR ni n'était au courant qu'il fallait le faire. L'exigence selon laquelle le CVR doit être vérifié figure dans un supplément au manuel de vol du giravion, mais pas dans les SOP. Le fait que ni le pilote en chef de secours médical d'urgence ni le pilote instructeur n'étaient au courant de cette exigence dénote une faiblesse dans la normalisation et dans l'entraînement au sein de la division de secours médical d'urgence de l'entreprise.

L'entreprise fait connaître les responsabilités en matière de sécurité, d'exploitation, de formation et de normalisation grâce à différentes directives organisationnelles, ce qui relègue la prise de décisions et la résolution de conflits au niveau du président de l'entreprise. Cette façon de faire convient très bien dans le cas de problèmes relatifs aux politiques de l'entreprise, mais correspond à un niveau trop élevé dans le cas de problèmes quotidiens d'exploitation. Le personnel de l'entreprise compose donc avec les problèmes quotidiens en adoptant des solutions de rechange et en utilisant des procédures non écrites ou informelles comme celles mentionnées ci-dessus. La résolution de questions à trancher dans l'immédiat est efficace grâce aux compétences et aux connaissances de chaque membre du personnel, mais les problèmes sous-jacents persistent. Après un certain temps, ces solutions de rechange deviennent des normes et elles peuvent être transmises à du nouveau personnel qui possède moins de connaissances et d'expérience. Comme cela n'a pas d'impact direct sur la responsabilité de la direction en particulier, cette dernière ne discerne pas de problème ou de risque. La direction de l'entreprise considère le bon dossier en matière de sécurité opérationnelle comme une validation de l'approche. Rien n'indique que l'entreprise avait adopté un processus de gestion du risque ou de la sécurité visant à définir le risque associé à ces normes, à mettre en oeuvre les mesures ou moyens d'atténuation appropriés ainsi qu'à assurer la reconnaissance et l'acceptation explicites du risque résiduel par la haute direction. L'entreprise accepte donc tacitement, peut-être inconsciemment, le risque associé à ces normes. Des anomalies dans les procédures, l'entraînement et la normalisation au sein de la division de secours médical d'urgence de l'entreprise créent un risque latent d'accidents et d'incidents.

3.0 Conclusions

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Pendant un circuit avec simulation d'un moteur inopérant, il y a eu perte de coordination de l'équipage, parce que les deux pilotes s'étaient formé deux modèles mentaux différents de la situation.
  2. L'absence d'un indice convaincant révélant qu'un moteur était inopérant, l'absence d'un exposé avant atterrissage et le bas niveau de communication entre les pilotes ont fait que le PF a effectué l'approche comme si les deux moteurs fonctionnaient.
  3. Pendant l'arrondi, à quelque 35 pieds au-dessus du sol, même s'il y avait simulation d'un moteur inopérant, le PF a relevé le collectif, technique appropriée dans le cas d'un atterrissage multimoteurs. Cela a provoqué une vitesse de descente élevée que l'équipage n'a pu arrêter avant l'atterrissage dur.
  4. Le moteur qui fonctionnait n'était pas utilisé conformément aux procédures approuvées, d'où la présence d'une puissance inférieure à la puissance nominale à l'arrondi, ce qui a contribué à générer une vitesse de descente excessive.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. La division de secours médical d'urgence avait l'habitude de s'engager dans plusieurs pratiques opérationnelles qui contribuaient à réduire les marges de sécurité et à augmenter le risque d'accident pendant les opérations d'entraînement, notamment le bridage du moteur qui fonctionne, l'emport de carburant additionnel, l'exécution d'approches perpendiculaires à la piste et la simulation volontaire de pannes moteur dans des situations qui empêchent l'encadrement efficace, la coordination de l'équipage ou la correction d'erreurs.
  2. Les opérations d'entraînement nécessitent de nombreuses procédures informelles et non écrites ainsi que des écarts par rapport au manuel d'exploitation et aux SOP de l'entreprise. De ce fait, dans le cadre d'opérations d'entraînement périodique, des procédures non approuvées et non normalisées sont utilisées, ce qui engendre des risques qui sont mal reconnus et mal limités par la direction de l'entreprise. Cette situation est aggravée par l'effet inhérent à l'expansion de l'entreprise, le manque de normalisation dans les procédures de l'entreprise, les directives diffuses de responsabilité des opérations, l'entraînement des pilotes, les normes et la sécurité à l'intérieur de la structure organisationnelle de l'entreprise ainsi que par la nature ponctuelle des dispositions relatives à l'entraînement.

3.3 Autres faits établis

  1. Quand une simulation d'une procédure d'atterrissage avec un moteur inopérant est mal exécutée, le recours au pilote instructeur pour remettre en marche le moteur dont une panne est simulée afin de faire un rétablissement ne constitue pas un moyen de protection efficace contre un accident à l'atterrissage. Ensemble, le temps de réaction de l'être humain et celui du moteur sont trop lents pour corriger une diminution du régime rotor et réduire la vitesse de descente élevée qui en résulte avant qu'il n'y ait atterrissage dur.
  2. Au moment de l'accident, le CVR ne fonctionnait pas, car le contacteur à inertie s'était déclenché auparavant, à un moment impossible à déterminer. On omettait régulièrement de vérifier l'état de fonctionnement du CVR lors des vérifications avant vol normales. Les pilotes impliqués dans cet accident ne vérifiaient pas systématiquement le CVR et ils ignoraient qu'ils étaient tenus de le faire en vertu d'une exigence.
  3. Le manuel d'exploitation de l'entreprise ne renferme pas les exigences en matière de maintien des compétences pour un commandant de bord qui effectue un vol d'entraînement, et il n'y avait aucune mention du nombre de décollages, de circuits et d'atterrissages qu'avait effectués le PNF pour maintenir ses compétences en qualité de commandant de bord pendant des opérations de secours médical d'urgence.

Mesures de sécurité

L'exploitant a pris les mesures suivantes pour régler les problèmes de sécurité relevés au cours de cette enquête :

  1. Canadian Helicopters a passé un contrat avec Flight Safety International pour effectuer l'entraînement périodique des pilotes de Sikorsky S-76A sur un simulateur de vol, à West Palm Beach. L'entreprise n'effectue plus d'entraînement à des situations d'urgence à bord de ses appareils. La pratique qui consistait à « brider le moteur » a été abandonnée.
  2. Les principes de gestion dans le poste de pilotage, y compris la coordination et la communication de l'équipage, sont inhérents à l'entraînement sur simulateur.
  3. La normalisation a été améliorée grâce à un organisme d'entraînement central (Flight Safety International) et à l'élimination des éléments propres à une base dans le programme d'entraînement au simulateur.
  4. Le nombre de pilotes vérificateurs de l'entreprise a été réduit à quatre et les vols de contrôle de compétence sont effectués sur simulateur, ce qui se traduit par des normes de tests en vol plus cohérentes.
  5. Une nouvelle partie sur l'entraînement sur simulateur a été ajoutée au manuel d'exploitation de l'entreprise; elle renferme des normes d'entraînement qui s'appliquent à toutes les bases.
  6. Les SOP normales du S-76, la liste de vérifications en cas d'urgence et la liste de vérifications dans le poste de pilotage ont été réécrites. Des éléments du manuel de vol du giravion qui auparavant n'y figuraient pas en font maintenant partie.
  7. La formation en gestion des ressources dans le poste de pilotage a été accrue; elle est devenue une exigence semestrielle de l'entreprise et elle porte notamment sur des sujets propres aux opérations de secours médical d'urgence de l'entreprise.
  8. On insiste davantage sur le rôle des pilotes des normes de test en vol à chacune des bases d'exploitation de l'entreprise. Les réunions des pilotes des normes de test en vol et des pilotes instructeurs sont devenues semestrielles (alors qu'elles étaient annuelles).
  9. On insiste davantage sur la formation périodique au sol, notamment sur les séminaires IFR et SOP ainsi que sur la nouvelle avionique. La normalisation est assurée par un instructeur spécialisé ou par un tiers consultant qui se rend à chaque base d'exploitation.
  10. On a adopté de nouveaux critères de perfectionnement des pilotes pour que ces derniers deviennent commandants de bord.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le 1er juin 2004.