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Rapport d'enquête aéronautique A02W0064

Collision avec le relief
Hélicoptère Robinson R22 Beta C-FVBG
exploité par Valley B Aviation
à 20 nm à l'ouest de Manning (Alberta)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'hélicoptère Robinson R22 Beta de Valley B Aviation immatriculé C-FVBG, portant le numéro de série 2534, effectue un vol aller-retour à partir de Manning (Alberta) pour prendre des lectures d'instruments à plusieurs puits de gaz naturel de la région. Vers 15 h 25, heure avancée des Rocheuses, le centre de coordination des opérations de sauvetage (RCC) de Trenton (Ontario) capte le signal d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) à 20 milles marins à l'ouest de Manning, et il prévient tous les exploitants des environs. L'appareil accidenté est retrouvé 90 minutes plus tard. Il avait percuté le sol aux abords du puits 11-6. Le pilote a perdu la vie dans l'accident; l'hélicoptère a été lourdement endommagé.

Renseignements de base

L'hélicoptère Robinson R22 Beta avait été construit en 1994 et importé au Canada en 2000. L'appareil totalisait environ 1 318 heures en service. L'hélicoptère était équipé pour voler selon les règles de vol à vue (VFR), et il était utilisé en grande partie pour accéder à des puits de gaz naturel pour de l'entretien, quand il n'était pas possible d'emprunter d'autres moyens de transport.

Les dossiers indiquent que l'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'appareil ne présentait aucune anomalie connue avant le premier vol de la journée et il était exploité à l'intérieur des limites de masse et centrage prescrites. Le vol a été entrepris avec du carburant utilisable du bon type et en quantité suffisante pour effectuer le vol.

Le jour de l'accident, le pilote, qui était un des copropriétaires de la compagnie, avait décollé à 10 h, heure avancée des Rocheuses (HAR)Note de bas de page 1 dans l'intention de se rendre à neuf puits et à une usine de gaz pour y faire des lectures. Les dossiers de suivi des vols indiquent que le pilote a communiqué avec le répartiteur à 11 h 30 puis à 14 h 40. Lors de cette dernière communication, le pilote a indiqué qu'il ne lui restait plus que deux endroits à visiter : le puits 11-6 et l'usine de compression de gaz Buick. Il a aussi indiqué qu'il y avait quelques rafales de vent. Il n'a pas précisé où il se trouvait à ce moment-là ni dans quel ordre il allait faire les visites du puits et de l'usine. Les dossiers récupérés dans l'épave indiquent que le pilote a visité les neuf puits ainsi que l'usine.

Le pilote totalisait environ 1 625 heures de vol sur hélicoptère, la plupart ayant été effectuées sur R22 et R44. Il avait effectué environ 2 heures de vol le jour de l'accident, 4 heures de vol dans les 7 derniers jours, et 7 heures de vol dans les 30 derniers jours et les 90 derniers jours.

La station météorologique la plus proche du lieu de l'accident se trouve à Peace River (Alberta), à 40 milles marins (nm) au sud-est. Les conditions météorologiques qui figuraient dans le bulletin de 15 h pour Peace River étaient les suivantes : vents du 220° vrai à 9 noeuds, visibilité de 15 milles terrestres (sm), quelques nuages à 3 500 pieds au-dessus du sol (agl), température de −4 °C, point de rosée de −15 °C et calage altimétrique de 29,95 pouces de mercure. À 16 h, les vents et les nuages étaient sensiblement les mêmes, la température était de −3 °C et le point de rosée, de −14 °C. La prévision graphique de zone n'indiquait rien de particulier pour la région de Peace River à 18 h; cependant, à l'aéroport de Peace River, la visibilité était réduite à 2 sm dans de la neige légère, le ciel était couvert et le plafond était à 2 000 pieds. Une image satellite prise à 16 h 34 révèle la présence d'une couche de nuages dans la région de Peace River. Ces nuages se trouvaient à peu près à la verticale du lieu de l'accident.

Des pilotes de l'endroit ont signalé qu'à Manning (Alberta) situé à 20 nm à l'est du lieu de l'accident et que sur le lieu de l'accident il y avait des nuages d'altitude moyenne et de haute altitude, les vents étaient négligeables et la température avoisinait le point de congélation. Aucune neige ou pluie n'a été observée sur l'épave ni au sol lorsque l'hélicoptère a été retrouvé. Les températures et les points de rosée qui figuraient dans les bulletins de 15 h et de 16 h pour Peace River n'étaient pas propices au givrage du carburateurNote de bas de page 2.

Selon les résultats de l'autopsie et des analyses toxicologiques du pilote, rien n'indique qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques aient perturbé les capacités du pilote. Le pilote a été grièvement blessé au côté gauche du torse. Les sièges de l'hélicoptère étaient équipés d'une ceinture de sécurité et d'un baudrier à enrouleur à inertie à un seul point. La partie femelle de la ceinture de sécurité du pilote a été retrouvée de l'autre côté d'un panneau de métal qui se trouvait entre les sièges; l'orifice pour le passage de la pièce était bien défini. Rien n'indique que la partie mâle de la ceinture-baudrier ait été insérée dans le mécanisme de verrouillage au moment de l'impact.

L'hélicoptère s'est écrasé dans le coin nord-ouest d'un terrain sur lequel se trouvait un puits. Plusieurs arbres ont été étêtés. Le rotor de queue presque intact et une section de 2 pieds de longueur du cône de queue de l'hélicoptère ont été retrouvés dans un arbre d'environ 60 pieds de hauteur situé à 35 pieds derrière l'épave. Le reste de l'épave reposait à l'endroit devant cet arbre au bord du terrain où se trouve le puits. La partie comportant le moteur était plus enfoncée dans le sol que la cabine. La partie inférieure du sabot de queue a été retrouvée à environ 40 pieds en avant et à droite de l'épave principale (à environ 45°). La partie avant de la poutre de queue présentait deux marques d'impact faites par le rotor principal. Le bord d'attaque de chaque pale du rotor principal était déformé et présentait des résidus de peinture provenant de la poutre de queue. La majeure partie du pare-brise/verrière a éclaté en plusieurs morceaux qui se sont retrouvés à l'avant de la cabine. La partie de la poutre de queue qui comportait le feu anti-collision a été heurtée par une pale du rotor principal et a été retrouvée à environ 50 pieds devant la cabine. L'arbre d'entraînement du rotor de queue reposait à environ 150 pieds à droite de l'épave (voir l'annexe A).

Un examen minutieux de l'épave a été effectué sur le lieu de l'accident, puis à l'atelier régional d'examen des épaves du BST à Edmonton (Alberta). Le moteur et divers autres composants ont été examinés à un atelier de révision agréé par Transports Canada à Edmonton et au Laboratoire technique du BST à Ottawa (Ontario). Il a été établi qu'aucune défectuosité d'un composant n'avait contribué directement à l'accident.

L'alternateur (modèle ALY-842OLS fabriqué par Electrosystems) totalisait 1 318,6 heures en service et a fait l'objet d'un examen à un atelier de révision. La structure de l'alternateur ne montrait aucun dommage, mais les balais étaient usés bien au-delà des marques de limite d'utilisation, au point d'être quasiment inexistants. Un des balais n'était plus à sa place en raison de son usure extrême, et l'alternateur ne fournissait aucun courant au circuit électrique au moment de l'accident. L'hélicoptère était équipé d'un voyant d'avertissement ambre (relié à l'alternateur) qui s'allume en cas de basse tension et de panne potentielle de l'alternateur. La section III (pages 3 à 8), Procédures d'urgence, du manuel d'utilisation de l'hélicoptère publié par le constructeur, exige que le pilote prenne les mesures suivantes : couper tout équipement électrique non essentiel, placer l'interrupteur ALT (alternateur) sur OFF, puis le placer sur ON après une seconde afin de réarmer le relais de surtension, et si le voyant est toujours allumé, atterrir dès que possible. De plus, le manuel stipule que poursuivre le vol sans un alternateur en état de fonctionnement peut mener à la panne du tachymètre électronique, ce qui pourrait entraîner une situation de vol dangereuse.

L'interrupteur ALT et les interrupteurs des feux à éclats, des équipements radio/navigation et du ventilateur du circuit de réchauffage cabine ont été trouvés sur ON. Il n'a pas été possible de déterminer dans quelle position ces interrupteurs se trouvaient avant l'impact. L'alternateur est assujetti à un programme « selon état ». Les autorités réglementaires et le constructeur ne précisent aucun intervalle d'inspection ou de remplacement à respecter pour ce composant; il doit être inspecté ou remplacé seulement s'il tombe en panne. Il n'a pas été possible de déterminer quand l'alternateur avait cessé de produire du courant.

Le circuit électrique de l'hélicoptère fonctionne sous une tension de 12 volts. Une analyse et des essais approfondis de l'indicateur tachymétrique du moteur et du rotor principal, du régulateur de vitesse du moteur et du relais de la batterie ont été effectués par le constructeur afin d'établir comment ces composants se comportent lorsque la tension diminue de façon continue. Les essais ont montré qu'avec un signal d'entrée constant de 104 % (régime du moteur et du rotor principal), les indications affichées étaient exactes jusqu'à une tension de 8 volts, puis se mettaient progressivement à être inférieures à 104 % à mesure que la tension diminuait.

Le régulateur de vitesse du moteur est conçu pour maintenir le régime du moteur entre 97 % et 104 %. En situation de basse tension, le régulateur commande l'augmentation du régime du moteur lorsque la tension est presque égale ou inférieure à 8 volts. Le relais de la batterie qui se trouvait sur l'hélicoptère accidenté a été soumis à des essais et celui-ci a été en mesure de maintenir la tension de la batterie aux bornes de la barre omnibus principale jusqu'à une tension de 1,8 volt. Environ 48 heures après l'accident, la tension à vide de la batterie était de 2,5 volts. La batterie et les cellules n'ont pas été endommagées. Il n'a pas été possible de déterminer le niveau de charge de la batterie immédiatement avant l'accident.

L'hélicoptère R22 possède un système rotor à faible inertie. Le rotor principal d'un hélicoptère équipé d'un système rotor à faible inertie peut perdre rapidement de l'énergie lorsqu'on tire sur le levier de pas collectif et que la puissance demandée dépasse la puissance disponible. Cette situation peut entraîner un décrochage aérodynamique des pales du rotor et une perte de portance si le pilote ne corrige pas immédiatement la situation. L'air qui se déplace rapidement vers le haut entre les pales augmente encore plus l'angle d'attaque des pales, créant ainsi plus de traînée et réduisant davantage la vitesse de rotation du rotor. Une diminution excessive de la vitesse de rotation du rotor principal peut se produire rapidement, et un rétablissement à basse altitude est pratiquement impossible.

De par sa conception, la tête rotor de l'hélicoptère R22 possède trois points d'articulation. Le moyeu est fixé à l'arbre à l'aide d'une articulation à bascule qui permet aux deux pales de battre ensemble comme si elles étaient solidaires. Les articulations de conicité (situées sous l'articulation à bascule) permettent à chaque pale de battre indépendamment l'une de l'autre, notamment en cas de faible régime rotor. Cette situation peut entraîner un déséquilibre et des conditions de vol dangereuses. Le National Transportation Safety Board (NTSB) a publié un rapport d'enquête spécial (PB96-917003) sur 31 accidents mortels mettant en cause des hélicoptères R22/44. Cette étude a permis d'établir qu'à des vitesses normales de rotation du rotor principal, le déplacement des pales hors de leur plan de rotation normal jusqu'au point de provoquer un impact avec le fuselage donnait lieu à la déformation ou au cisaillement du mât et des cornes des fusées des pales. Le mât du rotor principal et les cornes des fusées du C-FVBG ne présentaient aucune marque d'impact ni aucun dommage; cependant, la butée d'affaissement d'une des pales était un peu déformée.

L'examen de l'épave a permis de découvrir qu'une des pales était déformée vers le haut, ce qui indique que le rotor tournait à basse vitesse à un moment tardif dans la séquence d'accident. Les dommages relevés sur les arbres laissent croire que le rotor ne tournait presque pas avant l'impact, sans doute parce que le rotor a heurté la poutre de queue à deux reprises.

Analyse

L'enquête n'a pas permis d'établir l'élément déclencheur de l'accident. Selon toute vraisemblance, le pilote a perdu la maîtrise de l'appareil au décollage pour une raison qui n'a pas été déterminée. Les dommages relevés sont typiques d'un faible régime rotor et d'un mouvement irrégulier des pales qui ont mené à deux heurts du rotor principal avec la poutre de queue.

L'examen de l'épave et de divers composants n'a révélé aucune anomalie mécanique qui aurait pu causer l'accident ou y contribuer. On a jugé que la météo n'avait joué aucun rôle dans l'accident.

Il est possible que la panne de l'alternateur ait distrait le pilote de la situation de faible régime rotor, mais il n'a pas été possible de le confirmer.

Selon toute vraisemblance, le pilote ne portait pas sa ceinture-baudrier au moment de l'accident. Le port de cet équipement aurait probablement diminué la gravité de ses blessures et augmenté ses chances de survie.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Un faible régime rotor et un mouvement irrégulier des pales a mené à deux heurts du rotor principal avec la poutre de queue et à la dislocation de l'hélicoptère. L'enquête n'a pas permis d'établir pourquoi le rotor tournait à faible régime.

Autres faits établis

  1. L'alternateur ne produisait pas de courant avant l'accident, mais l'enquête n'a pas révélé depuis combien de temps.
  2. Le pilote ne portait pas sa ceinture-baudrier au moment de l'accident.

Mesures de sécurité

Le BST a envoyé la lettre d'information sur la sécurité aérienne numéro A020020-1 à Transports Canada le 25 juillet 2002. La section relative à l'identification des anomalies aborde le manque d'exigences concernant l'inspection des alternateurs installés sur les hélicoptères Robinson.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Schéma du lieu de l'accident