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Rapport d'enquête aéronautique A05P0298

Panne moteur et descente vers le relief
du Mitsubishi MU-2B-36 C-FTWO
exploité par Nav Air Charter Inc.
à Terrace (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

À 18 h 34, heure normale du Pacifique, l'avion Mitsubishi MU-2B-36 de Nav Air Charter Inc., (immatriculation C-FTWO, numéro de série 672) décolle de la piste 15 à l'aéroport de Terrace pour un vol de messagerie à destination de Vancouver (Colombie-Britannique). Le moteur gauche perd de la puissance peu après le décollage. L'avion descend, légèrement incliné à gauche, dans des arbres et s'écrase à environ 1600 pieds à l'est de l'extrémité de départ de la piste 15, à un cap magnétique de 072°. L'avion est détruit par l'impact et un incendie qui se déclare par la suite, et les deux pilotes sont mortellement blessés.

Renseignements de base

L'avion avait quitté Vancouver (Colombie-Britannique) pour assurer le vol FCV830 à 6 h 37, heure normale du PacifiqueNote de bas de page 1, le 20 décembre 2005, s'était posé à Terrace (Colombie-Britannique) à 8 h 10, avait quitté Terrace à 8 h 45 pour atterrir à Smithers (Colombie-Britannique) à 9 h 6. Le commandant de bord avait piloté l'avion de Vancouver à Smithers en place gauche. L'équipage avait passé la journée à l'hôtel, puis avait quitté Smithers sous le numéro de vol FCV831 à 17 h 32. Conformément à la politique de la compagnie, le copilote était aux commandes de l'avion pour la partie retour du vol et il occupait la place gauche. L'avion s'était posé à Terrace à 18 h 3. L'avion était exploité en fonction d'un système de régulation par le pilote.

L'aéroport de Terrace est situé en terrain montagneux à une altitude de 713 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). La piste 15 à Terrace mesure 7500 pieds de longueur sur 150 pieds de largeur et elle est la plus longue piste disponible. La piste a une procédure de visibilité minimale de ½ et une procédure de visibilité minimale spécifiée au décollage (SPEC VIS) pour les départs aux instrumentsNote de bas de page 2. Les circuits de nuit se font par la gauche à une altitude de 1700 pieds asl et à l'intérieur du périmètre délimité par les phares de danger situés à environ deux milles terrestres (sm) de l'extrémité de départ de la piste 15.

Les prévisions d'aérodrome (TAF) pour Terrace, émises à 18 h 24 et valides jusqu'à 4 h le lendemain matin, étaient les suivantes : vent du 020° vrais (V) à 8 noeuds, visibilité supérieure à 6 sm, nuages épars à 1500 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), temporairement entre 16 h et 18 h, visibilité de 3 sm dans une légère pluie verglaçante, nuages fragmentés à 1500 pieds asl.

Au moment du départ de Smithers, le dernier message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) disponible pour Terrace et émis à 17 h était le suivant : vent du 110°V à 2 noeuds, visibilité de 15 sm, quelques nuages à 1500 pieds au-dessus du sol (agl), nuages épars à 4000 pieds agl, nuages fragmentés à 8000 pieds agl, température de −1 °C, point de rosée de −2 °C, calage altimétrique de 29,44; remarques : 1 octaNote de bas de page 3 de stratus fractus, 2 octas de stratocumulus, 3 octas d'altocumulus, pression de 980 hectopascals au niveau de la mer.

Dès contact radio avec la station d'information de vol (FSS) de Terrace, l'équipage a reçu un METAR spécial, émis à 17 h 44, indiquant ce qui suit : vent du 090°V à 4 noeuds, visibilité de 15 sm dans une légère pluie verglaçante, quelques nuages à 1500 pieds agl, nuages épars à 4000 pieds agl, nuages fragmentés à 5200 pieds agl; remarques : 1 octa de stratus fractus, 2 octas de stratocumulus, 3 octas de stratocumulus.

Le METAR de 18 h pour Terrace était le suivant : vent calme, visibilité de 10 sm dans une légère pluie verglaçante, quelques nuages à 600 pieds agl, quelques nuages à 1500 pieds agl, nuages épars à 3600 pieds agl, nuages fragmentés à 4800 pieds agl, température de 0 °C, point de rosée de −1 °C, calage altimétrique de 29,46 po. Le METAR de 19 h était le suivant : vent calme, visibilité de 10 sm dans une légère pluie verglaçante, quelques nuages à 600 pieds agl, quelques nuages à 1500 pieds agl, nuages épars à 3200 pieds agl, nuages fragmentés à 4600 pieds agl, couvert nuageux à 5500 pieds agl, température de 0 °C, point de rosée de −1 °C, calage altimétrique de 29,47.

Les ailes de l'avion étaient mouillées et exemptes de glace tout juste avant le départ de Terrace, même s'il tombait une légère pluie verglaçante. Pendant le vol, comme l'air passe sur l'extrados d'une aile d'avion, il se produit une diminution de pression qui correspond à une diminution de température : c'est ce qu'on appelle l'effet Bernoulli. Les dossiers de la compagnie indiquent que les deux pilotes avaient suivi la formation requise sur le givrage.

Des autopsies et des examens toxicologiques complets ont été effectués sur les deux pilotes. Rien de significatif n'a été découvert qui aurait pu mener ou contribuer à l'accident.

Le commandant de bord était employé par Nav Air Charter Inc., depuis trois ans, et il était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation existante. Son contrôle de compétence pilote (CCP) sur MU-2B avait été effectué par un pilote examinateur de la compagnie le 11 février 2005. Il avait été employé comme copilote sur MU-2B et commandant de bord sur Piper PA-31 jusqu'au 24 octobre 2005, moment où il a été exclusivement employé comme commandant de bord de MU-2B. Il totalisait 2111 heures de vol, dont 655 sur MU-2B et 140 comme commandant de bord. Le commandant de bord avait volé le jour précédant l'accident, mais il avait été libre les 17 et 18 décembre 2005. À l'occasion, le commandant de bord avait un second emploi comme technicien ambulancier, mais il était prudent en s'assurant que cette activité ne compromette pas sa forme physique pour le vol; il n'avait que très peu travaillé dans ces deux postes à la fois au cours des deux derniers mois. Il veillait à obtenir suffisamment de sommeil et il pouvait habituellement dormir pendant les escales de jour. Au cours des dernières 24 heures précédant l'accident, rien n'indique que la fatigue aurait contribué à ce dernier. Le commandant de bord était considéré par la compagnie comme un pilote compétent et prudent.

Le copilote était employé par Nav Air Charter Inc., depuis presque deux ans, et il était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Son CCP sur MU-2B avait été effectué par un pilote examinateur de la compagnie le 5 janvier 2005. Il avait été employé comme commandant de bord sur Britten-Norman Islander et comme copilote sur MU-2B jusqu'au 5 octobre 2005, moment où il avait été employé comme commandant de bord sur MU-2B seulement. Il totalisait 2000 heures de vol, dont 500 comme copilote sur MU-2B. Il avait volé le jour précédant l'accident, mais il avait été libre les 17 et 18 décembre 2005. Le copilote vivait seul, et il n'a pas été possible de déterminer ses périodes de repos au cours des jours précédant l'accident. Rien n'a été découvert pouvant laisser croire que la fatigue avait contribué à l'accident. La compagnie était d'avis que le copilote avait besoin de plus d'expérience sur l'avion haute performance MU-2B avant de pouvoir lui accorder une promotion à commandant de bord.

La formation sur MU-2B de Nav Air Charter Inc., se faisait à l'interne, sans le recours à un simulateur. La formation relative à une panne moteur après décollage était simulée dans l'avion au moyen d'exercices exécutés à une altitude comprise entre 5000 et 6000 pieds, à une vitesse indiquée (IAS) de 110 noeuds, volets à 20, après rentrée du train d'atterrissage. Un problème courant signalé par la compagnie au cours de cet exercice était que certains pilotes laissaient la vitesse diminuer après la panne moteur, ce qui amenait la traînée à faire descendre l'avion plutôt que monter.

Les dossiers indiquent que l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'avion avait été construit en 1975 et il totalisait 23 033 heures de vol au 19 décembre 2005. L'avion était équipé de deux moteurs TPE331-6-252M de Honeywell. Le moteur gauche (numéro de série P-20190C) totalisait 4742 heures depuis la dernière activité de maintenance visant le maintien de la navigabilité aérienne (MMNA). Le moteur droit (numéro de série P-20362C) totalisait 3007 heures depuis sa dernière inspection MMNA. Ces moteurs sont équipés d'un système de détection de couple négatif (NTS) qui limite automatiquement la traînée d'une hélice. Le système NTS fait tourner les pales d'hélice sur la position de grand pas, mais il ne met pas l'hélice en drapeau, opération qui doit être faite manuellement. Un examen des livrets de la cellule, des moteurs et des hélices n'a permis de découvrir rien de spécial, sauf ce qui est indiqué ci-dessous.

L'épave a été envoyée à l'atelier technique régional du BST pour un examen plus poussé. Les deux manettes des gaz se trouvaient à la position de décollage (complètement en avant), et les deux leviers de commande de régime se trouvaient sur la position décollage/atterrissage. Les deux poignées en T ont été récupérées et démontées. On a déterminé que la poignée en T de gauche était probablement tirée. Cette position aurait eu pour conséquence de fermer le robinet d'arrêt de carburant du moteur gauche. On a déterminé que le train d'atterrissage était rentré, que les trappes du train étaient fermées et que les volets étaient sortis à 20°. Le vérin de commande du compensateur d'aileron a été mesuré et trouvé en position neutre.

Les deux hélices s'étaient séparées de leur moteur. On a procédé au démontage avec l'aide d'un représentant de l'hélicier. Aucune anomalie n'a été découverte qui aurait compromis un fonctionnement normal, et tous les dommages résultaient de l'impact. Aucune marque témoin du calage des pales n'a été découverte sur l'une ou l'autre hélice qui aurait pu servir à calculer la puissance produite. Toutes les marques témoins semblaient avoir été faites après l'impact.

Les pales de l'hélice droite étaient gravement endommagées, mais le mécanisme de changement de pas et la casserole étaient relativement intacts. Les pales présentaient des déformations multiples, une déformation dans le plan de la corde du profil, de la torsion et un arrachement aux extrémités, dénotant tous une puissance élevée au moment de l'impact.

Le piston/cylindre s'était séparé du moyeu de l'hélice gauche. Les dommages à l'hélice gauche se limitaient à une déformation longitudinale des pales et ils étaient nettement moins graves que ceux de l'hélice droite. La déformation longitudinale indique qu'il y avait rotation à l'impact, tandis que l'absence relative de dommages dénote que le moteur gauche produisait peu ou pas de puissance. Les pales ne se trouvaient pas en drapeau.

Les moteurs ont été expédiés au Laboratoire technique du BST, à Ottawa (Ontario), où a eu lieu un examen après démontage. Le moteur gauche et un certain nombre de ses composants avaient été consumés dans l'incendie qui a suivi l'écrasement. On a déterminé que la chambre de tranquillisation de la chambre de combustion du moteur gauche s'était fissurée et ouverte suffisamment pour causer l'extinction du moteur. La fissure avait pris naissance dans une soudure d'angle entre les bossages P3 et de prélèvement d'air soudés. La fissure, horizontale et circulaire, avait été causée par de la fatigue et elle mesurait environ 0,76 cm. Le reste de la fente mesurait 62,23 cm, et on a déterminé qu'il s'agissait d'une fracture rapide causée par une contrainte excessive. La partie fatigue de la fissure était légèrement oxydée, indiquant qu'elle s'était développée avec le temps. Le rapport LP 009/2006 du Laboratoire technique du BST précise à la rubrique 3.12 qu'il est probable que la chambre de tranquillisation était déjà criquée, et que cette crique était passée inaperçue lors d'un certain nombre d'inspections plus récentes.

Les dossiers du moteur révèlent que cette chambre de tranquillisation, réf. 893973-5, avait été inspectée le 20 février 1992 et montée sur le moteur gauche lors d'une inspection de la partie chaude, le 21 octobre 1992. La dernière inspection de partie chaude du moteur gauche avait été effectuée le 23 décembre 2003. On n'a retrouvé aucun dossier documentant les antécédents de cette chambre de tranquillisation avant le 20 février 1992, sauf pour ce qui est de la date de fabrication d'origine.

Le moteur droit était intact et il ne présentait que très peu de dommages visibles. À la suite de l'examen qui a suivi le démontage, on a découvert des indices indiquant que le moteur produisait une puissance élevée au moment de l'impact. On a examiné les soudures des bossages P3 et de prélèvement d'air, tant visuellement que par ressuage fluorescent, mais sans y relever de criques. À cet endroit, il n'y avait aucune soudure de renforcement entre ces deux bossages. On a sectionné la partie située entre les soudures pour en examiner le matériau. Une petite crique d'environ 0,5 mm de profondeur au point milieu et de 3,5 mm de longueur a été décelée visuellement le long du bord de la soudure du bossage P3. La crique s'est ouverte à la suite de l'élimination des contraintes lors de la coupe permettant d'analyser le matériau dans le cadre de la présente enquête. On l'a examinée au microscope électronique à balayage (MEB) et déterminé qu'elle avait été causée par de la fatigue.

Les bases de données canadiennes, australiennes et américaines ont fait l'objet d'un examen pour la période comprise entre 1974 et 2005 afin qu'on puisse mieux comprendre les antécédents de défaillance de la chambre de tranquillisation des moteurs de la série TPE331. On a découvert soixante rapports de difficultés en service (RDS) relatifs à des bossages brisés et à des chambres de tranquillisation criquées, endommagées et rompues. De plus,

En 1977, le constructeur a modifié le dessin de la chambre de tranquillisation pour montrer que, dorénavant, celle-ci devait être fabriquée d'une seule pièce moulée usinée comprenant les bossages P3 et de prélèvement d'air. On n'a découvert aucun dossier indiquant que des criques s'étaient produites dans ces pièces moulées usinées d'un seul bloc bien que des chambres de tranquillisation qui en sont pourvues aient criqué à des bossages situés ailleurs sur la chambre. Cette modification a été considérée comme une amélioration de fabrication, mais il n'y a eu aucune exigence visant à modifier les chambres de tranquillisation existantes en service.

La masse au décollage à Terrace a été calculée à 10 272 livres, soit 1303 livres sous la masse maximale autorisée au décollage. Il n'a pas été possible de calculer la position du centrage puisque la répartition de la charge était inconnue. Cependant, on n'a rien découvert qui indiquerait que le centrage se trouvait hors limites.

Le manuel de vol de l'avion MU-2B permet le décollage volets sortis à 5 ou à 20. Toutefois, les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de Nav Air Charter Inc., précisent que pour le décollage : « Un décollage standard à bord du MU-2B se fait volets sortis à 20, comme l'approuve le manuel de vol. » Apparemment, cette procédure se justifiait pour réduire l'usure des freins et des pneus. L'équipage a réglé les volets à 20 pour le décollage. Compte tenu des conditions environnementales au moment de l'accident, l'avion aurait eu besoin d'une distance de décollage de 3400 pieds volets réglés à 20, et de 3480 pieds volets réglés à 5.

La performance de montée lorsque les deux moteurs fonctionnent, volets réglés à 20 ou à 5, est d'environ 1900 pieds par minute (pi/min). La performance de montée sur un seul moteur, à pleine puissance du moteur opérant, hélice du moteur inopérant en drapeau et train rentré, pour un réglage à 20 des volets est d'environ 200 pi/min, et pour un réglage à 5 des volets, d'environ 400 pi/min.

Le manuel de vol du MU donne aux pilotes le choix entre trois options à la suite d'une panne moteur au décollage. Si la panne se produit avant le déjaugeage, on s'attend du pilote aux commandes (PF) qu'il demeure sur la piste et qu'il immobilise l'avion dès que possible tout en conservant la maîtrise en direction. Si la panne se produit après le déjaugeage alors que le train est sorti ou en train de rentrer et que la poursuite du vol n'est pas possible, on s'attend du PF qu'il sorte le train et qu'il se pose droit devant. Une note d'avertissement est ajoutée : « Si un décollage avec volets à 20° est exécuté et que la panne moteur se produise après le déjaugeage, le maintien de la performance de montée n'est pas assuré à moins que le train soit complètement rentré, que les trappes de train soient fermées et que les volets se trouvent à 5° ou moins. » La troisième option, panne moteur après décollage avec train complètement rentré, est traitée par la procédure d'urgence en cas de panne moteur/incendie de Nav Air Charter Inc.

La liste des vérifications en cas de panne moteur/incendie du MU-2 de NAV Air Charter Inc., exige que l'équipage prenne en partie les mesures suivantes en cas de panne moteur ou d'incendie :

L'examen de l'épave a montré que la compensation transversale avait été réglée au neutre, indiquant que les ailes de l'avion n'avaient fait l'objet d'aucune compensation après que le moteur est tombé en panne, que le levier de commande de régime du moteur en panne n'avait pas été réglé sur la butée Emergency, que les volets n'avaient pas été réglés sur 5 et, compte tenu du fait que l'avion n'avait pas été configuré lisse pour réduire la traînée, la vitesse n'a probablement jamais augmenté pour atteindre 148 noeuds.

L'article 4.22.1 du manuel d'exploitation de Nav Air Charter Inc., précise : « Tout décollage dans de la pluie verglaçante... est interdit pour tous les aéronefs de la compagnie. »

Analyse

Alors qu'il approchait de l'aéroport de Terrace, l'équipage de conduite a reçu le METAR le plus récent, lequel indiquait qu'une légère pluie verglaçante tombait. Même si le manuel d'exploitation de la compagnie interdit les décollages dans de la pluie verglaçante, l'équipage a décidé de se poser à l'aéroport de Terrace et d'y décoller dans la légère pluie verglaçante qui avait été signalée.

Pendant le décollage de Terrace, la chambre de tranquillisation du moteur gauche s'est rompue, ce qui a entraîné l'extinction du moteur. Les moteurs TPE331 de l'avion MU-2B sont équipés d'un système de détection de couple négatif (NTS), mais ce dernier n'est qu'un système de réduction de la traînée et il ne comprend pas de système de mise en drapeau automatique. Pour obtenir une traînée minimale sur le moteur en panne, il faut mettre manuellement l'hélice en drapeau (levier de commande de régime sur la butée Emergency). On a déterminé que l'hélice gauche tournait à faible vitesse et qu'elle n'était pas en drapeau au moment de l'impact. L'hélice droite tournait à haute vitesse, probablement au maximum, au moment de l'impact.

Lorsque le moteur gauche est tombé en panne, il y aurait eu une perte de la performance de montée à cause de l'accroissement de la traînée, comparativement à une performance de montée avec hélice en drapeau. Il y aurait aussi eu une réduction considérable de la performance de montée parce que l'équipage avait laissé les volets réglés sur 20 après la panne moteur.

L'extrados de la voilure de l'avion était mouillé mais exempt de glace. Toutefois, il est possible que, alors que l'avion accélérait le long de la piste, du givre ait pu se former sur la voilure à mesure que la température diminuait, réduisant encore plus par le fait même les performances de l'avion. Une fois l'avion en vol, son cap est passé de 150°M à 070°M en relativement peu de temps. Ce changement de cap nécessiterait une inclinaison modérée qui aurait compromis la performance de montée. Du fait des facteurs mentionnés précédemment, l'avion ne pouvait pas monter.

Il n'a pas été possible de déterminer pourquoi l'avion avait amorcé un virage à gauche après le décollage, bien qu'il soit possible que les membres d'équipage essayaient de revenir vers l'aéroport. Cependant, la performance de montée de l'avion n'était pas assurée tant que l'équipage n'avait pas exécuté la liste des vérifications en cas de panne moteur, plus précisément, la mise en drapeau de l'hélice du moteur gauche et le réglage des volets à 5°. Compte tenu de la longueur de la piste et des exigences de montée, un réglage des volets à 5 aurait été plus avantageux pour l'équipage.

Le copilote était aux commandes de l'avion lorsque le moteur gauche est tombé en panne. Il aurait été très difficile de conserver la maîtrise de l'avion dans une configuration ne favorisant pas les performances, tout en essayant d'exécuter une liste de vérifications en cas de panne moteur dans un virage. Le copilote avait suivi sa formation sur les pannes moteur il y avait presque un an maintenant. Si le copilote avait de la difficulté à s'occuper de la situation d'urgence, le commandant de bord pourrait ne pas avoir eu le temps de prendre les commandes. Le levier de commande de régime du moteur gauche n'était pas réglé sur la butée Emergency; néanmoins, le prochain élément de la liste de vérifications « tirer la poignée en T » avait déjà été exécuté. Voilà qui laisse croire qu'il régnait de l'incertitude dans le poste de pilotage. Le commandant de bord occupait un siège qu'il n'occupait normalement pas lorsqu'il pilotait l'avion ou exécutait la liste de vérifications en cas de panne moteur, et il s'était écoulé 10 mois depuis qu'il s'était exercé à cette éventualité, ce qui peut avoir contribué à l'incertitude.

Il est évident que les bossages de la chambre de tranquillisation du moteur TPE331 sont vulnérables au criquage, surtout aux endroits où deux bossages sont à proximité immédiate l'un de l'autre et où une soudure de renforcement a été faite. Les criques qui se développent à cet endroit ne sont pas nécessairement décelées visuellement ou même par ressuage fluorescent.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Pendant le décollage, la chambre de tranquillisation de la chambre de combustion du moteur gauche s'est ouverte à la suite d'une crique de fatigue. La rupture a été tellement importante que le moteur s'est éteint en vol.
  2. L'équipage n'a pas mis en drapeau l'hélice du moteur gauche ni rentré les volets, et l'avion a amorcé un virage à gauche modéré après le décollage; la traînée qui en a résulté a fait descendre l'avion jusqu'à ce qu'il percute les arbres.
  3. Les compétences de pilotage du copilote ont peut-être été mises à rude épreuve dans la gestion de la panne moteur, et la liste de vérifications n'a pas été exécutée dans l'ordre, laissant croire qu'il régnait de l'incertitude dans le poste de pilotage. Le manque de familiarisation du commandant de bord dans la gestion d'une situation d'urgence depuis le siège droit peut avoir été un facteur contributif.
  4. L'utilisation des volets réglés à 20 pour le décollage, bien que conforme à la politique de la compagnie, a ajouté à la difficulté de maîtriser l'avion lors de la situation d'urgence.

Faits établis quant aux risques

  1. La chambre de tranquillisation du moteur TPE331 sont vulnérables au criquage, surtout aux endroits où deux bossages sont à proximité immédiate l'un de l'autre et où une soudure de renforcement a été faite. Les criques qui se développent à cet endroit ne sont pas nécessairement décelées visuellement ou même par ressuage fluorescent.
  2. Comme la voilure était mouillée et que la température de l'air était de 0 °C, il est possible que du givre se soit formé sur l'extrados de la voilure lors du décollage, diminuant ainsi la capacité de la voilure de produire de la portance.
  3. Le fait de ne devoir exécuter que des décollages volets réglés à 20 augmente le risque d'accident en cas de problème moteur immédiatement après le décollage.

Autre fait établi

  1. La chambre de tranquillisation fabriquée d'une seule pièce moulée usinée et comprenant les bossages P3 et de prélèvement d'air est une amélioration par rapport à la chambre de tranquillisation à bossages à plusieurs pièces moulées; toutefois, des criques peuvent toujours faire leur apparition sur des bossages situés ailleurs sur la chambre de tranquillisation.

Mesures de sécurité prises

Le 6 juillet 2006, le BST a publié l'Avis de sécurité A060025-1 indiquant que Transports Canada pourrait vouloir rappeler aux exploitants de MU-2B et d'autres bimoteurs l'importance d'assurer que les éléments requis de la liste de vérifications sont exécutés immédiatement après la reconnaissance d'une panne moteur après le décollage.

Le 8 septembre 2006, Transports Canada a publié l'Avis de difficulté en service (ADS) AV-2006-07 relatif aux chambres de tranquillisation de chambre de combustion criquées du Mitsubishi MU-2B (moteurs TPE-331-6-252M de Honeywell). L'ADS recommandait la conformité avec le bulletin de service TPE331-72-2023 du motoriste (Honeywell) pour que soit remplacée la chambre de combustion 3102613-1 (chambre de tranquillisation à bossages à pièces moulées multiples) par la chambre de combustion 3102613-2 (chambre de tranquillisation à bossage moulée d'une seule pièce). Transports Canada a aussi recommandé que le personnel de maintenance soit particulièrement vigilant quant aux soudures des bossages lorsqu'il inspecte des moteurs TPE331 à la recherche de criques dans les chambres de tranquillisation.

Le 14 novembre 2006, le BST a publié de nouveau l'Avis de sécurité A060025-1 indiquant que Transports Canada pourrait vouloir rappeler aux exploitants de MU-2B et aux autres exploitants l'effet du réglage des volets sur l'atteinte de la pente de montée requise à la suite d'une panne moteur dans diverses conditions ambiantes.

Le 18 mai 2007, le BST a publié l'Avis de sécurité A06P0298-D2-A2 (Criques dans la chambre de tranquillisation de la chambre de combustion des moteurs TPE331). L'Avis donnait les antécédents du criquage des chambres de tranquillisation sur les moteurs TPE331, surtout aux endroits où deux bossages étaient à proximité immédiate l'un de l'autre et où une soudure de renforcement avait été faite. Les criques qui prennent naissance à cet endroit ne sont pas nécessairement décelées par des inspections visuelles, ni même par des contrôles par ressuage fluorescent. L'Avis indiquait que Transports Canada pourrait vouloir aviser les exploitants commerciaux des circonstances du présent événement. De plus, il indiquait que Transports Canada pourrait vouloir envisager la nécessité de discuter avec la FAA de l'efficacité des instructions de maintenance permettant de déceler des criques dans la chambre de tranquillisation des moteurs TPE331.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .