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Rapport d'enquête aéronautique A08W0162

Impact dans l'eau sans perte de contrôle
de l'hélicoptère Bell 206B C-FGGC
exploité par Trans North Turbo Air Limited
à Carmacks (Yukon)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le pilote, seul à bord de l'hélicoptère Bell 206B (immatriculé C-FGGC et portant le numéro de série 1080), quitte la base d'hélicoptère de Trans North située sur la rive ouest du fleuve Yukon, à Carmacks (Yukon), vers 7 h, heure avancée du Pacifique. Après le décollage de l'hélisurface, en vol stationnaire bas, le fleuve derrière l'appareil, le pilote met du pied à gauche pour virer de 180 degrés et s'éloigne au-dessus du fleuve, cap à l'est. Peu après, il y a un fort bruit d'impact et d'éclaboussure et des morceaux d'épave sont emportés par le courant du fleuve. Un pilote et deux techniciens d'entretien d'aéronef, qui préparent pour le vol un hélicoptère Bell 205 sur une hélisurface adjacente, démarrent aussitôt l'appareil, suivent la partie arrière du fuselage qui flotte dans le fleuve et aident à la récupérer. La partie avant du fuselage, le moteur et la transmission sont submergés et sont récupérés lorsqu'un sonar à balayage latéral permet de les localiser le 17 août 2008. Le pilote s'est noyé.

Renseignements de base

Le pilote du C-FGGC devait participer à l'installation de colonnes d'alimentation dans les environs de Carmacks (Yukon). Il devait décoller pour se rendre au lieu de travail vers 7 h, heure avancée du Pacifique (HAP)Note de bas de page 1. Un autre pilote d'hélicoptère, aux commandes d'un Bell 205 (immatriculé C-GEAG), devait l'aider dans ce travail et devait décoller vers 8 h.

Avant que le pilote ne se rende à l'hélisurface, un technicien d'entretien d'aéronef de la compagnie avait effectué une inspection quotidienne de routine du C-FGGC, puis il avait rempli les réservoirs de carburant de 50 gallons américains (US) de carburant. Le pilote est arrivé et il a effectué une inspection pré-vol de l'hélicoptère; aucune anomalie n'a été signalée. Il a démarré l'hélicoptère, décollé et entré en vol stationnaire bas (environ cinq pieds) au-dessus de l'hélisurface, mis du pied à gauche pour virer de 180 degrés et il est parti vers l'est, en direction du soleil, directement au-dessus du fleuve large de 800 pieds.

L'hélisurface se trouvait à environ six pieds au-dessus du niveau du fleuve; ainsi, lorsque l'appareil a commencé à se déplacer, son altitude devait être d'environ dix à quinze pieds au-dessus du niveau de l'eau du fleuve. La trajectoire de vol est passé directement au-dessus du fleuve, descendant constamment selon une assiette horizontale jusqu'au lieu de l'impact avec la surface de l'eau, à 600 pieds horizontalement de l'hélisurface. Le temps de vol réel a été d'environ 14 secondes. Les bruits du moteur et du rotor ont été normaux jusqu'à l'impact.

La partie inférieure du fuselage et la partie arrière de l'hélicoptère, comprenant le plancher, les sièges arrière, le réservoir de carburant, le compartiment à bagages et le train d'atterrissage, ont flotté, emportées par le courant du fleuve jusqu'à-ce qu'elles s'échouent sur une barre de sable. Tous les autres composants de l'hélicoptère ont été submergés. Huit jours plus tard, une embarcation munie d'un sonar à balayage latéral a trouvé la partie avant du poste de pilotage qui contenait le pilote et la chaîne dynamique dans les environs du lieu de l'impact initial avec la surface du fleuve. Le pilote était retenu dans son siège par son harnais à quatre points et il portait un casque d'écoute, mais pas de casque protecteur.

Le rotor principal s'était séparé du mât à l'impact, mais même s'il a été trouvé grâce au sonar, on ne l'a pas récupéré en raison de contraintes opérationnelles. L'examen de la surface des points de rupture sur le mât a permis de constater des lèvres de cisaillement à 45 degrés, ce qui indique une rupture due à une surcharge et une transmission de puissance à l'impact. La transmission et les servomécanismes hydrauliques sont restés attachés à l'habitacle et ils ont été examinés dans la mesure du possible. Aucune anomalie préexistante n'a été constatée. La poutre de queue et le rotor de queue n'ont pas été localisés.

L'indicateur de vitesse affichait environ 40 nœuds, l'indicateur de couple affichait 100 p. 100 et l'altimètre indiquait 5250 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Tous les autres instruments étaient revenus à zéro ou avaient été endommagés par l'impact. Une pale du rotor principal avait percuté la chambre de combustion du moteur, séparant la partie du générateur de gaz de la boîte de transmission. Le réservoir de carburant était intact et environ 50 gallons US de carburant ont pu être récupérés. On n'a pas pu déterminer la quantité de carburant résiduel à bord avant l'avitaillement.

Le pilote était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Il totalisait environ 23 000 heures de vol. Il n'avait pas volé dans les 24 heures précédentes, mais il avait accumulé 116,6 heures de vol lors des 30 jours précédents et 285 heures lors des 90 jours précédents. Ce nombre d'heures est à l'intérieur des limites prescrites par la réglementation.

La licence du pilote comportait un certificat médical de catégorie 1 délivré le 7 mars 2008 et valide jusqu'au 1er novembre 2008, lequel exigeait que des lunettes soient accessibles. Le pilote devait normalement porter ses lunettes au moment du démarrage et du décollage. Il ne portait pas de lunettes de soleil.

Une autopsie a permis de constater des fractures et des blessures non mortelles aux côtes, au pelvis et à la jambe droite, la tête n'ayant pas subi d'importante blessure. La mort a été due à une noyade. On a également pu observer une importante athérosclérose multifocale des coronaires sans signe évident d'infarcissement aigu. Selon un avis médical, l'incapacité soudaine du pilote n'a pas été un facteur lors de cet événement.

Les conditions météorologiques à Carmacks enregistrées par un système automatisé d'observations météorologiques (AWOS) au moment de l'événement étaient les suivantes : vent de 2 nœuds soufflant du 350 degrés vrai (°V), température de 3 degrés Celsius (°C).

La majeure partie du vol et l'impact ont été captés par une caméra vidéo à faible résolution à environ un demi-mille en amont du lieu de l'événement. Le cours du fleuve entre l'hélisurface et le terrain de camping où la vidéo a été enregistrée est rectiligne et orienté parfaitement nord-sud (environ 350 degrés V). Le courant du fleuve était d'environ 11 nœuds et il n'y avait pas d'effet de vagues. Malgré la présence d'un ciel dégagé, il y avait de légères traces de brume au-dessus du fleuve. Le soleil était juste au-dessus de la crête et des arbres, directement à l'est, de l'autre côté du fleuve dont l'eau réfléchissait les rayons du soleil avec intensité. La trajectoire prévue de l'hélicoptère allait en direction du soleil. On a calculé que l'angle du soleil par rapport à la référence horizontale du pilote était de 15 degrés et que le reflet du soleil sur l'eau se trouvait environ 15 degrés au-dessous de la référence horizontale du pilote.

Le rapport numéro DOT/FAA/AM-03/6 de la Federal Aviation Administration (FAA) du département des Transports des États-Unis (É.-U.) définit l'éblouissement comme [Traduction] « une sensation visuelle temporaire induite par de la luminosité (brillance) située dans le champ visuel qui est beaucoup plus importante que ce à quoi les yeux sont adaptés ». Dans le cadre de ce rapport, des recherches ont été faites pour la période comprise entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1998 dans la base de données sur les incidents et les accidents aéronautiques du National Transportation Safety Board; ces recherches ont porté sur des mots liés à l'éblouissement comme sun, glare, vision, blinded et reflections (soleil, éblouissement, vision, aveuglé et reflets). Pendant la période choisie, il y a eu 130 accidents où l'éblouissement causé par les rayons du soleil a été un facteur contributif, et 55 p. 100 de ces accidents ont eu lieu pendant les étapes de décollage ou de départ et d'approche ou d'atterrissage.

Une illusion somatogravique est une fausse sensation de tangage (rotation dans le plan vertical) causée par une accélération ou une décélération linéaire. C'est un phénomène courant pendant l'accélération ou la décélération rapide que l'on ressent lors du décollage, de la montée initiale ou de la descente. L'analyse de la vidéo a permis de constater que l'hélicoptère avait accéléré de 0 à 40 milles à l'heure en moins de 14 secondes, ce qui est suffisant pour induire une sensation de cabrage de 8,5 degrés en l'absence de repères visuels indiquant l'assiette réelle s'il y a une accélération linéaire.

Analyse

Lors d'un départ normal d'hélicoptère, le pilote doit mettre son appareil légèrement en piqué et augmenter le pas collectif afin d'amorcer le vol vers l'avant et de commencer à monter. Pendant la phase de départ et de montée du vol, on peut contrer tous les problèmes, comme une perte de puissance, en cabrant l'appareil afin d'effectuer un arrondi et de ralentir l'hélicoptère avant d'atterrir. Lors de cet événement, le pilote a accéléré jusqu'à environ 40 nœuds en translation selon une assiette horizontale légèrement en piqué tout en volant en ligne droite pendant 14 secondes jusqu'à l'impact. Le moteur et le rotor n'ont fait aucun bruit anormal et l'examen de l'épave n'a pas révélé d'anomalies de la mécanique ou des commandes qui auraient pu empêcher l'hélicoptère d'accélérer et de monter.

Le pilote a décollé alors que le soleil était derrière l'appareil et il a ensuite viré de manière à faire face au soleil pour commencer le vol vers l'avant. Une procédure de départ plus habituelle dans un hélicoptère monomoteur aurait été de virer de 90 degrés à gauche ou à droite, d'accélérer et de monter le long de la rive du fleuve avant de virer vers le fleuve pour le survoler. Le risque d'un amerrissage forcé dans le fleuve au puissant courant s'en trouverait réduit en cas de défaillance du moteur ou de la chaîne dynamique.

Le soleil formait un angle faible avec l'horizon et les rayons brillants du soleil étaient amplifiés par leur reflet sur la surface de l'eau. L'éblouissement ainsi causé sur et à travers le pare-brise aurait obscurci le champ de vision vers l'avant du pilote avant que ses yeux n'aient eu le temps de s'adapter à la luminosité soudaine, surtout parce qu'il ne portait pas de lunettes de soleil. La lumière aveuglante aurait également jeté le tableau de bord dans l'ombre, privant le pilote de l'information de soutien fournie par les instruments.

Pendant ce temps, l'hélicoptère a dû accélérer. Une illusion somatogravique aurait pu donner au pilote l'impression que l'aéronef montait à un angle d'environ 8,5 degrés alors qu'en fait, l'appareil est descendu légèrement jusqu'à l'impact.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

  1. La vision avant du pilote était obscurcie en raison des rayons brillants du soleil et de l'éblouissement causé par la surface du fleuve.
  2. Le pilote a probablement perdu ses repères visuels au sol avant de descendre jusque dans les eaux du fleuve.
  3. En raison de l'illusion somatogravique, le pilote ne savait probablement pas que l'hélicoptère descendait au lieu de monter.

Fait établi quant aux risques

  1. Partir au-dessus de l'eau, au lieu d'accélérer et de monter le long de la rive, augmente le risque de perdre de vue les repères visuels ainsi que le risque d'amerrissage forcé en cas de défaillance de la chaîne dynamique.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .