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Rapport d'enquête aéronautique A09C0167

Panne d'alimentation en carburant
et atterrissage forcé
du Cessna 185A C-FBWP
exploité par West Caribou Air Service Inc.
à 10 nm au nord-est de Thunder Bay (Ontario)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Cessna 185A (immatriculation C-FBWP, numéro de série 185-0430), monté sur flotteurs et exploité par West Caribou Air Service Inc., quitte Summer Beaver avec un pilote et un passager à son bord pour effectuer un vol à vue à destination de Thunder Bay (Ontario). À l'approche de Thunder Bay, le pilote tourne en rond alors qu'il tente de communiquer avec la tour de contrôle. Pendant un virage à faible inclinaison vers la droite, le moteur perd sa puissance et le pilote doit faire un atterrissage forcé dans des arbres, à environ 10 milles marins au nord-est de Thunder Bay. Le pilote et le passager s'en tirent indemnes, mais l'avion est lourdement endommagé. L'accident se produit de jour, à 14 h 58, heure avancée de l'Est.

Renseignements de base

Conditions météorologiques

Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) de 15 hFootnote 1 pour l'aéroport de Thunder Bay était le suivant : vent de 060 degrés vrai (T) à 10 nœuds, visibilité de 20 milles terrestres (sm), température de 3 °C, ciel couvert à 1400 pieds au-dessus du sol (agl), calage altimétrique de 29,83 pouces de mercure. Les prévisions de vent en altitude à 3000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), valides entre 5 h et 14 h pour Big Trout LakeFootnote 2 indiquaient un vent venant de 210 degrés T à 12 nœuds et pour ArmstrongFootnote 3, un vent de 140 degrés T à 12 nœuds. Ces vents auraient provoqué l'effet d'un vent contraire à 10 nœuds pour un vol effectué avant l'accident, entre Webequie et Summer Beaver, et le vol en question entre Summer Beaver et Thunder Bay.

Qualifications du pilote

Le pilote possédait une licence de pilote professionnel valide pour des avions terrestres et des hydravions monomoteurs, avec qualifications de vol de nuit et d'instructeur de vol de classe IV, et un certificat médical de catégorie 1 valide jusqu'au 1er juillet 2010. Au printemps 2009, le pilote avait obtenu son diplôme à l'issue d'un programme de formation d'un collège aéronautique, et il avait été embauché par la compagnie en septembre 2009. Les dossiers disponibles indiquent que le pilote totalisait environ 450 heures de vol avant l'accident, dont environ 33 heures sur l'avion accidenté.

Programme de formation de la compagnie

Le pilote avait suivi le programme de formation de la compagnie, qui comprenait une formation sur les marchandises dangereuses et sur la politique de l'entreprise, ainsi qu'une formation en pilotage et une formation aux procédures d'urgence à bord des types d'avions Cessna 185 et Norseman.

Le manuel d'exploitation de la compagnie (MEC) West Caribou Air Service Inc. prescrit une formation de vol initiale d'au moins trois heures sur chacun des types d'avions que les pilotes utilisentFootnote 4. Cette exigence est conforme aux normes de service aérien commercial (NSAC)Footnote 5.

Pour les vols VFR de jour, les NSAC prescrivent qu'un pilote en chef ou un délégué doit certifier la compétence de chaque pilote à bord de l'avion monomoteur le plus complexe à piloter. La réglementation établit seulement que les pilotes doivent être certifiés compétents, et elle ne prescrit pas l'exécution d'un vol de vérification des compétences distinct, en plus des vols de formation au pilotage. Par conséquent, les exigences voulant qu'un pilote suive une formation de vol initiale d'au moins trois heures peuvent comprendre les heures de vol effectuées lors de la vérification des compétences d'un pilote.

Dans le cadre de l'enquête, on a examiné les dossiers de formation de la compagnie, les carnets de route d'aéronef et le carnet de vol du pilote de l'avion accidenté. Le carnet de vol de formation du pilote n'était pas à jour, et il ne fournissait aucune indication sur les vols de formation du pilote de l'avion accidenté. Les dossiers examinés contenaient les renseignements suivants pour ce qui est des vols de formation à bord du Cessna 185 effectués par le pilote en question :

Le MEC précise que, durant un vol de formation, seul l'équipage de conduite nécessaire à la formation ou tout autre personnel de la compagnie embarqué à des fins de familiarisation doit se trouver à bord.

Le MEC (paragraphe 2, annexe A, chapitre 6) prescrit une formation technique au sol d'une durée de six heures permettant à chacun des membres de l'équipage de conduite de bien connaître les systèmes d'aéronef ainsi que les procédures à suivre lors de situations normales, anormales ou d'urgence. Le pilote n'avait suivi aucune formation théorique, mais on lui avait remis un exemplaire du manuel du propriétaire de l'avion Cessna 185, aux fins d'autoformation. Le dossier de formation indique que le pilote a suivi la formation technique au sol concernant le Cessna 185 entre le 19 septembre et le 4 octobre 2009, mais la portée de la formation ainsi donnée n'est pas précisée.

Préparation du vol

L'avion était affecté à l'hydrobase de la compagnie à Webequie. Pendant la soirée, la veille du vol en question, on a informé le pilote qu'il devait prendre un passager à Summer Beaver à midi et se rendre à l'hydroaérodrome de Thunder Bay. Le pilote en chef intérimaire a indiqué au pilote qu'il devait faire le plein de carburant de l'avion, mais il ne lui a pas donné de directives précises sur la façon de procéder ni sur les accès au remplissage de réservoir à utiliser. Le pilote en chef intérimaire a estimé que le vol prendrait de 3 à 3,5 heures, et qu'un plein de carburant assurerait une autonomie de 4,5 heures de vol, en plus de la réserve de 0,5 heure. Cette estimation était fondée sur la capacité maximale de l'avion, qui est de 84 gallons américains de carburant, et d'une consommation de 16 gallons américains par heure (gal/h) d'un mélange plein riche de carburant.

L'avion était monté sur des flotteurs Wipline, modèle 3700, pour lesquels aucun tableau des performances de croisière n'est disponible. Le supplément au manuel du propriétaire de l'hydravion Cessna 185 pour les avions équipés des flotteurs EDO donne les tableaux des performances de croisière pour diverses altitudes, en fonction d'un mélange pauvre normal. Aucune donnée n'est disponible pour les vols utilisant un mélange plein riche de carburant. L'autonomie précisée, à 2500 pieds asl lorsque le moteur fonctionne à une puissance de 70 pour cent (pression d'admission de 24 pouces à 2450 tours/minute), sans prévoir une réserve de carburant, est de 5,5 heures pour une quantité de carburant utilisable de 81 gallons américains et de 4,2 heures pour une quantité de carburant utilisable de 62 gallons américains.

Le jour de l'accident, le pilote a préparé l'avion et fait le plein de carburant au moyen des installations de ravitaillement de la compagnie. L'avion était équipé de l'un des premiers modèles de système d'alimentation comprenant un robinet de coupure de carburant et des réservoirs de carburant de grande capacitéFootnote 6. Le carburant est contenu dans des réservoirs souples d'aile (un dans chaque aile) comprenant des accès au remplissage intérieur et extérieur. Une capacité totale de 65 gallons américains (dont 62 gallons de carburant utilisable) est possible lorsque le remplissage des réservoirs est fait à partir des accès intérieurs. Lorsque le remplissage se fait à partir des accès extérieurs, la capacité totale est de 84 gallons américains (dont 81 gallons de carburant utilisable). Le constructeur a ajouté des accès au remplissage intérieurs à l'avion monté sur flotteurs pour faciliter le ravitaillement effectué à partir d'une marche intégrée au fuselage.

Le pilote a fait le plein par les accès au remplissage intérieurs, et il a utilisé une jauge manuelle pour confirmer une quantité de carburant de 32,5 gallons américains par aile. Le pilote n'avait jamais utilisé les accès au remplissage extérieurs depuis le peu de temps qu'il travaillait pour la compagnie, ni durant sa formation collégiale au pilotage sur un avion monté sur flotteurs de type semblable. Pendant sa formation au pilotage donnée par la compagnie, on avait précisé au pilote qu'un plein de carburant donnait une autonomie de vol de 4,5 heures. Le pilote croyait que cette donnée était fondée sur l'utilisation des accès au remplissage intérieurs et sur une consommation moyenne de 15 gallons américains de carburant à un régime de croisière de 2450 tours/minute et à un réglage de la pression d'admission de 24 pouces. En fonction d'une distance directe d'environ 350 milles marins (nm) et d'une vitesse sol moyenne de 120 milles à l'heure (mi/h), le pilote a jugé que le vol de Webequie à Summer Beaver puis à Thunder Bay durerait en tout de 2,5 à 3 heures et que l'avion consommerait environ 38 gallons américains de carburant.

Les indicateurs de quantité de carburant fonctionnaient par intermittence avant l'accident, et le pilote ne les a pas surveillés pendant le vol en question. Les indicateurs indiquaient parfois que les réservoirs étaient vides alors qu'ils étaient pleins, mais l'anomalie n'avait pu être relevée lors de l'examen effectué par les services de maintenance. On avait demandé au pilote de vérifier les réservoirs à l'aide d'une jauge manuelle avant chaque vol pour confirmer la quantité de carburant à bord, et de faire des calculs pour s'assurer qu'il avait le carburant nécessaire pour effectuer le vol.

Déroulement du vol

L'avion a quitté le quai de Webequie à 10 h 37, et il s'est dirigé vers l'extrémité nord du lac. Le pilote a procédé aux vérifications avant vol du moteur habituelles, avant de décoller face au vent en direction sud. Le pilote a viré vers l'ouest en direction de Summer Beaver, et il est monté à une altitude de croisière de 2000 pieds asl. Il a sélectionné un mélange plein riche de carburant conformément à la politique de la compagnie établie pour les vols évoluant à moins de 5000 pieds asl. Cette dernière politique a été établie pour éviter que le moteur atteigne une température élevée à cause d'un mélange trop pauvre de carburant à basse altitude, ce qui pouvait endommager les cylindres et les soupapes du moteur. Une fois arrivé à Summer Beaver, le pilote a survolé la ville, constaté la présence de glace sur une partie du lac et atterri sur une partie non gelée du lac, à une bonne distance de l'hydrobase; il est arrivé au quai à 11 h 25.

Le passager s'est présenté avec plus de bagages que prévu, et les sièges arrière ont été enlevés et rangés pour faire plus de place. Il n'y avait pas de balance à Summer Beaver, et le pilote a estimé le poids de chaque article. Les bagages ont été placés dans la cabine, derrière les sièges du poste de pilotage. Il n'y avait pas de filet d'arrimage du fret, mais il y avait des câbles qui n'ont pas été utilisés. On a estimé que la masse totale de l'avion était de 3310 livres, ce qui est la masse brute maximale permise.

L'avion a quitté Summer Beaver à 12 h 3. Il est monté à une altitude de croisière de 4500 pieds asl. Au réglage du mélange plein riche de carburant, l'indicateur de débit carburant donnait de 16,5 à 17 gallons américains par heure, et la vitesse sol de l'avion variait de 110 à 120 mi/h, tel que l'affichait le système de positionnement à couverture mondiale (GPS) embarqué. À 14 h 50, le pilote a informé le contrôleur de la tour de Thunder Bay qu'il se trouvait à 15 milles au nord de l'aéroport, et qu'il prévoyait atterrir à l'hydroaérodrome de Thunder Bay dans six minutes. La tour a demandé au pilote de communiquer avec elle lorsqu'il serait en approche finale du port. Comme la réception radio était mauvaise, le pilote n'a pas compris les instructions du contrôleur.

Ne sachant pas s'il était autorisé ou non à entrer dans la zone réglementée, le pilote a décidé de faire un virage à faible inclinaison vers la droiteFootnote 7 pour ne pas entrer dans la zone réglementée sans autorisation. Il a ensuite répété à la tour son intention de se poser. Alors qu'il virait depuis environ 3 minutes, à 3000 pieds asl (1700 pieds agl), le moteur a commencé à avoir des ratés et à perdre de la puissance. Les ailes de l'avion ont été mises à l'horizontale, et le pilote a exécuté de mémoire les vérifications en cas de perte de puissance moteur. Le mélange de carburant était bien plein riche et les magnétos réglées à « BOTH ». La manette des gaz a été actionnée à plusieurs reprises, mais le moteur n'a pas réagi. Le sélecteur de la pompe carburant électrique d'appoint, que le manuel du propriétaire prescrivait de mettre en marche en cas de panne moteur en vol, n'a pas été placé à « ON ».

Le pilote a avisé la tour qu'il était en panne sèche, puis aucune autre communication n'a été faite. L'avion s'est incliné vers la gauche en direction d'un petit lac longeant la trajectoire de vol, mais l'avion était trop bas pour atteindre le lac. Le pilote a remis les ailes à l'horizontale, et il a ralenti la descente de l'avion tout juste avant de heurter des arbres. L'avion s'est immobilisé en piqué, l'aile gauche inclinée vers le bas, au pied d'un gros arbre. Les deux ailes et les flotteurs ont été considérablement endommagés, et les deux portes du poste de pilotage étaient coincées en position fermée. Les bagages s'étaient déplacés, mais ils n'avaient pas atteint le poste de pilotage. Le pilote et le passager s'en sont tirés indemnes, et ils ont été en mesure de sortir de l'avion par la fenêtre de la porte droite du poste de pilotage.

L'avion était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) nouvellement posée, émettant un signal sur une fréquence de 406 MHz et d'un appareil satellite SPOTMC. La compagnie assurait un suivi du vol au moyen du réseau SPOT. À 15 h 15, le pilote a déclenché le bouton SOS/911 de l'appareil en question, ce qui a avisé la compagnie (par l'entremise du centre d'intervention SPOT) de l'accident. À l'aide d'un téléphone satellite, le pilote a communiqué avec la compagnie et guidé les secouristes jusqu'à lui. Le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS) de Trenton (Ontario), du ministère de la Défense nationale, a reçu le signal de la radiobalise, et il a lancé des recherches. Le CCCOS a communiqué avec le centre de contrôle régional de Winnipeg, la compagnie ainsi que la Police provinciale de l'Ontario, et il a aidé à coordonner les secours. Les secouristes sont arrivés sur le lieu de l'accident vers 16 h 5.

Alimentation en carburant de l'avion

Les réservoirs de carburant sont raccordés par un tuyau de mise à l'air libre assurant une évacuation vers l'extérieur par une conduite située dans l'intrados de chaque aile (voir l'annexe A). Le déversement de carburant dans le tuyau de raccordement peut créer des pressions inégales dans les réservoirs et causer une vidange inégale du carburant et un déséquilibre de carburant.

Un capteur de niveau de carburant à flotteur est monté dans chacun des réservoirs, et il est relié à un indicateur de quantité de carburant situé dans le tableau de bord. L'avion n'est pas équipé d'un système ou d'un voyant d'avertissement de bas niveau de carburant. Le carburant s'écoule par gravité dans des conduites d'alimentation reliées aux coins inférieurs avant et arrière de chacun des réservoirs d'aile. Les conduites d'alimentation en carburant sont raccordées à un accumulateur monté sur la cloison pare-feu, sous le tableau de bord. Le carburant contenu dans l'accumulateur s'écoule ensuite dans un robinet d'arrêt du carburant, un filtre à carburant et une conduite de dérivation de la pompe à carburant électrique d'appoint (lorsqu'elle ne fonctionne pas), vers la pompe à carburant entraînée par le moteur. La pompe à carburant électrique d'appoint comprend deux vitesses de fonctionnement (positions « HI » et « LO »), et elle est habituellement utilisée pour le démarrage du moteur ou la purge de vapeurs. La position « HI » est habituellement utilisée en cas d'urgence, notamment en cas de perte de puissance du moteur.

Examen du lieu de l'accident

Après l'accident, du carburant s'échappait de la conduite de mise à l'air libre du réservoir carburant gauche, et un des premiers intervenants l'a bouchée. Plus tard, le bouchon a été enlevé par les enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports afin de vérifier si cette conduite contenait du carburant. Un débit continu de carburant a été constaté. Le bouchon de remplissage extérieur de l'aile gauche a également été défait, et du carburant s'est échappé par l'ouverture. Le réservoir de l'aile droite a été examiné, et il ne contenait pas de carburant. Il n'y avait aucune tache de carburant sur la surface des ailes. L'accumulateur a été vidé, et il contenait 13 onces de carburant; sa capacité normale est de 115 onces. Les conduites d'alimentation en carburant ont été ouvertes à la hauteur du régulateur de carburant et du robinet de vidange de la tubulure d'alimentation, et elles ne contenaient pas de carburant. Le circuit de carburant était intact; aucun signe ne permettait d'attribuer la perte de carburant à une brèche. Lorsque l'avion a été récupéré, on a estimé qu'il restait de 5 à 10 gallons américains de carburant dans le réservoir de l'aile gauche. Le moteur Teledyne Continental IO-520-D de 300 HP a été examiné; aucune défaillance interne n'a été décelée, et on a constaté des traces d'étincelle sur chacune des magnétos. La pompe à carburant entraînée par le moteur et l'appareil Garmin GPSmap 296 ont été retirés et examinés de plus près. On a estimé que les bagages à bord de l'avion pesaient environ 60 livres de moins que le poids figurant dans le manifeste du vol. On a déterminé que l'avion respectait les limites de masse et de centrage prescrites.

Examen et essai des composants

La pompe à carburant entraînée par le moteur a été envoyée à un atelier de révision des moteurs pour y être examinée de plus près. Aucune anomalie ayant pu contribuer à la perte de puissance du moteur n'a été constatée. Durant les essais, on a remarqué que la pompe à carburant entraînée par le moteur n'est pas à amorçage automatique, et qu'une pompe de gavage en carburant est nécessaire pour l'amorcer.

L'appareil GPS a été envoyé au Laboratoire du BST, à Ottawa. Les données extraites de l'appareil GPS ont donné des précisions sur toutes les étapes des deux vols, et elles ont indiqué que l'avion avait été utilisé pendant 3 heures et 42 minutes avant la perte de puissance. La vitesse sol moyenne de l'étape du vol de croisière entre Summer Beaver et Thunder Bay était de 113 mi/h. La consommation de carburant durant chaque étape de vol a été calculée à l'aide des valeurs inférieure et supérieure des plages de débit de carburant enregistrées par West Caribou Air Service pour l'avion accidenté. Les calculs ont indiqué qu'il devait y avoir entre 2,5 et 8,4 gallons américains de carburant utilisable dans les réservoirs de l'avion au moment de la perte de puissance moteur.

Antécédents de maintenance de l'avion

L'avion venait de faire l'objet de travaux de réparation et de peinture importants, et il avait été remis en service le 15 juin 2009. Une partie des travaux avait consisté à remplacer le réservoir de carburant de l'aile droite ainsi qu'à poser deux nouveaux capteurs de niveau de carburant et une nouvelle radio. Le nouveau réservoir a été monté exactement comme l'ancien. Une fois les nouveaux capteurs de niveau de carburant posés, un essai d'étalonnage du carburant a été effectué, et les jauges fonctionnaient normalement. L'organisme de maintenance agréé a confié la pose de la nouvelle radio à un atelier d'avionique.

L'avion a fait l'objet d'une inspection aux 100 heures le 26 août 2009, et d'une inspection aux 50 heures le 8 octobre 2009. Durant cette période, on a signalé que les indicateurs de quantité de carburant fonctionnaient par intermittence. Toutefois, lorsque ceux-ci ont été mis à l'essai, l'anomalie ne s'est pas reproduite et aucune réparation n'a pu être effectuée. Les anomalies ont été consignées dans le carnet de bord de l'avion.

Analyse

La licence et le certificat médical du pilote convenaient au vol prévu, conformément à la réglementation en vigueur.

Les entrées figurant dans les dossiers de formation et le carnet de vol ne correspondaient pas et étaient incomplètes. Par conséquent, pendant l'enquête, il n'a pas été possible de déterminer si la formation au pilotage du Cessna 185 et la formation au sol offertes au pilote par la compagnie satisfaisaient aux exigences minimales de certification des compétences du pilote, prescrites dans le MEC et les NSAC. Les vols du 5 octobre ont été effectués après la certification des compétences du pilote, et des passagers et du fret se trouvaient à bord de l'avion, ce qui est contraire à la politique de la compagnie relativement aux vols de formation. Par conséquent, les vols en question n'ont pas été inclus dans les calculs du BST ayant servi à établir le nombre d'heures de vol de formation du pilote à bord du Cessna 185.

La veille de l'accident, lors de l'exposé donné par le pilote en chef intérimaire, on a demandé au pilote de faire le plein de carburant de l'avion, mais aucune directive n'a été donnée pour indiquer les accès au remplissage des réservoirs à utiliser. Le pilote en chef intérimaire voulait que le pilote remplisse les réservoirs de façon à ce que ces derniers contiennent 84 gallons américains de carburant, ce qui était une quantité suffisante pour effectuer le vol et constituer une réserve. Toutefois, les directives données au pilote n'étaient pas explicites, et ce dernier ne les a pas bien comprises.

Pour faciliter le remplissage des réservoirs, le constructeur a prévu des accès au remplissage intérieurs pour le Cessna 185 monté sur flotteurs et équipé de réservoirs de grande capacité. Le pilote n'avait jamais fait le plein des réservoirs par les accès au remplissage extérieurs, et ce, que ce soit dans le cadre de sa formation initiale ou de l'exploitation. En ce qui concerne les hydravions, le pilote croyait qu'il pouvait faire le plein de carburant au moyen des accès au remplissage intérieurs. Par conséquent, l'avion a quitté la base alors que ses réservoirs n'étaient pas pleins.

Le pilote croyait que l'autonomie de 4,5 heures de vol de l'avion était fondée sur un débit de carburant moyen de 15 gal/h et sur le remplissage des réservoirs par les accès intérieurs, qui offraient une capacité de 65 gallons américains. Avant le vol, il avait évalué la durée du vol (2,5 à 3 heures) et la consommation de carburant (38 gallons américains) en fonction d'un débit carburant moyen de 15 gal/h, une vitesse sol de 120 mi/h et une route directe entre les points de départ et d'arrivée. Une marge de 3 gallons américains de carburant non utilisable de même que la consommation de carburant supplémentaire durant le démarrage du moteur, la circulation sur l'eau, le point fixe, le décollage, la montée ou les manœuvres au moment du départ et de l'arrivée n'avaient pas été prévues. En outre, le pilote n'a pas tenu compte d'une vitesse sol inférieure à celle prévue en raison d'un vent de face ou d'un débit carburant plus élevé que prévu, et aucune marge n'a été établie pour ces imprévus.

Les données GPS enregistrées ont révélé que, en raison de la vitesse sol inférieure à celle prévue par le pilote et des manœuvres nécessaires au départ et à l'arrivée, le nombre d'heures totales d'utilisation de l'avion se chiffrait à 3 heures et 42 minutes (3,7 heures). Il aurait fallu environ six minutes de vol de plus pour atteindre l'hydroaérodrome de Thunder Bay; le nombre d'heures de vol de Webequie à Summer Beaver puis en direction de Thunder Bay aurait donc atteint 3,8 heures, soit 48 minutes de plus que ce que le pilote a estimé durant sa planification avant le vol. En outre, comme la compagnie préconise l'utilisation d'un mélange plein riche de carburant, la moyenne du débit de carburant durant le vol atteignait de 16,5 à 17 gal/h au lieu du débit de 15 gal/h prévu. Par conséquent, les réserves de carburant de l'avion étaient presque épuisées lorsque l'avion a atteint la région de Thunder Bay.

Le pilote n'a pas surveillé les indicateurs de quantité de carburant durant le vol, car ceux-ci fonctionnaient par intermittence. La compagnie était au courant du fonctionnement intermittent des indicateurs, et elle avait demandé au personnel de maintenance de régler le problème. Le personnel de maintenance n'a pas réussi à reproduire l'anomalie, donc aucune réparation n'a été effectuée. La compagnie a demandé au pilote de se fier à ses calculs de consommation de carburant pour prévoir une quantité suffisante de carburant. Sans un moyen efficace de surveiller la quantité réelle de carburant en vol et sans dispositifs d'avertissement de bas niveau de carburant, il y avait un risque accru d'un arrêt du moteur en raison d'une panne d'alimentation en carburant ou d'une panne sèche.

Après la perte de puissance du moteur, le pilote a communiqué avec la tour de contrôle de Thunder Bay, et il a indiqué que l'avion était en panne sèche. Cet énoncé indique que le pilote était plus ou moins conscient du bas niveau de carburant, mais il ne savait probablement pas qu'une panne d'alimentation en carburant était imminente. Comme il n'a pas été en mesure de communiquer avec la tour, le pilote a décidé de prolonger le vol en tournant en rond au lieu d'entrer dans la zone réglementée sans autorisation et de se rendre directement vers l'hydroaérodrome.

Un déséquilibre de carburant peut se produire en vol lorsque les réservoirs se vident de façon inégale ou que le carburant se déplace d'un réservoir à l'autre. Il ne restait plus de carburant dans le réservoir droit, ce qui indique que le réservoir s'était vidé pendant le vol.

La perte de puissance du moteur s'est produite lors du virage à faible inclinaison vers la droite. Comme il n'y avait plus de carburant dans le réservoir droit, le carburant restant dans le réservoir gauche n'aurait pas été suffisant pour maintenir la puissance du moteur. Durant un virage coordonné vers la droite, le carburant utilisable du réservoir gauche serait alimenté de façon normale. Toutefois, durant un virage en dérapage vers la droite, le carburant se serait déplacé vers l'extérieur, loin d'une ou des deux conduites d'alimentation en carburant du réservoir gauche, ce qui réduit le débit de carburant vers l'accumulateur. La demande en carburant du moteur a dépassé la quantité de carburant entrant dans le réservoir de l'accumulateur, ce qui a fait baisser le niveau de carburant à un point tel qu'il n'y avait plus suffisamment de carburant pour garder le moteur en marche.

Lorsque le moteur a perdu sa puissance, la pompe à carburant entraînée par le moteur a été désamorcée. Par la suite, les ailes ont été ramenées à l'horizontale, et le réservoir de l'accumulateur se sera de nouveau rempli graduellement, mais une fois désamorcée, la pompe à carburant entraînée par le moteur ne pompe plus de carburant. Après la perte de puissance du moteur, le pilote a exécuté de mémoire les procédures d'urgence en cas de panne moteur, mais il n'a pas mis la pompe à carburant électrique d'appoint en marche. Par conséquent, le moteur n'a pas pu retrouver sa puissance.

Lors du chargement de l'avion à Summer Beaver, les bagages ont été placés dans la cabine de l'avion, mais ils n'ont pas été bien arrimés. Les bagages se sont déplacés durant l'écrasement, mais ils ne sont pas entrés dans la zone du poste de pilotage. Les bagages non arrimés ont présenté un risque de blessures aux occupants durant l'écrasement de l'avion.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Ce rapport est disponible sur demande auprès du Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Il n'a pas été possible de déterminer si la formation portant sur le Cessna 185 donnée au pilote par la compagnie satisfaisait aux exigences minimales prescrites pour la certification des compétences du pilote dans le manuel d'exploitation de la compagnie (MEC) et dans les normes de service aérien commercial (NSAC). La quantité de carburant prévue par le pilote lors de sa planification avant vol et son intervention en réponse à la perte de puissance du moteur indiquent que sa formation ne l'avait pas suffisamment préparé à l'exécution des tâches qui lui avaient été confiées.
  2. Le pilote en chef intérimaire et le pilote de l'avion accidenté n'avaient pas la même définition du « plein de carburant », et la directive à l'intention du pilote n'a pas été communiquée clairement. Par conséquent, même si le pilote comme la compagnie voulaient que l'avion décolle avec des réservoirs pleins, l'appareil a quitté la base alors que ses réservoirs n'étaient pas pleins.
  3. Le pilote a sous-estimé la durée du vol, et il a surestimé l'autonomie de l'avion. L'avion a consommé plus de carburant que prévu, et ses réserves de carburant étaient presque épuisées.
  4. Les indicateurs de quantité de carburant n'étaient pas fiables, et ils n'ont pas été surveillés pendant le vol. Par conséquent, le pilote ne pouvait pas être sûr de la quantité de carburant dont il disposait en vol.
  5. Au cours du vol, il s'est produit un déséquilibre quant à la quantité de carburant dans les réservoirs. Le moteur a probablement perdu sa puissance à cause d'un manque de carburant qui s'est produit lorsque la petite quantité de carburant restant dans l'aile gauche s'est déplacée et ne pouvait plus atteindre les conduites d'alimentation du réservoir gauche pendant le virage à faible inclinaison vers la droite.
  6. Après la perte de puissance du moteur, le pilote n'a pas mis en marche la pompe à carburant électrique d'appoint, et la puissance du moteur n'a pas été rétablie.

Fait établi quant aux risques

  1. Durant le chargement des bagages, ces derniers n'ont pas été arrimés dans la cabine. Les bagages se sont déplacés pendant l'écrasement, augmentant ainsi les risques de blessure aux occupants.

Autre fait établi

  1. L'avion était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) émettant un signal sur une fréquence de 406 MHz et d'un dispositif satellite SPOTMC. Les deux appareils ont fonctionné comme ils le devaient, et ils ont permis de repérer rapidement le lieu de l'accident.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A — Schéma du circuit carburant

Note : Schéma non disponible en français.

Annexe B — Trajectoire de vol de l'avion