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Rapport d'enquête aéronautique A10Q0133

Écrasement en mer
de l'hélicoptère Bell 206L C-GVYM
exploité par Universal Helicopters Newfoundland Limited
à 40 nm au nord-ouest de Clyde River (Nunavut)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Synopsis

Le Bell 206L (immatriculation C-GVYM, numéro de série 45143), exploité par Universal Helicopters Newfoundland Limited, quitte Clyde River à 16 h 9, heure avancée de l'Est, pour se rendre selon les règles de vol à vue à Pond Inlet (Nunavut). Une visibilité réduite et des plafonds bas sont prévus le long de la côte est de l'île de Baffin. L'hélicoptère est équipé d'un dispositif de suivi de vol et il est déclaré en retard à 18 h 19. Des recherches sont lancées dans la région de la dernière position connue et l'épave est découverte à la surface de la mer le 17 août 2010, à quelque 40 milles marins au nord-ouest de Clyde River. L'hélicoptère a été détruit par les forces d'impact; il n'y a pas eu d'incendie. Le pilote, qui était seul à bord, n'a pas été retrouvé. L'accident s'est produit durant les heures de clarté. Le système de recherche et sauvetage n'a capté aucun signal provenant d'une radiobalise de repérage d'urgence.

Renseignements de base

Déroulement du vol

L'hélicoptère était convoyé de Broughton Island à Resolute Bay (Nunavut). Le pilote avait choisi une route le long de la côté est de l'île de Baffin qui nécessitait des arrêts pour avitaillement à Clyde River, Pond Inlet et Cape York (voir annexe A – Carte du trajet). Un plan de vol VFR a été déposé, lequel indiquait un temps estimé en route de 11 heures (9,5 heures de vol plus 3 arrêts de 30 minutes). Le pilote aurait commencé sa journée de travail vers 7 hFootnote 1. L'heure de départ indiquée au plan de vol était fixée à 10 h, ce qui veut dire que l'appareil aurait dû être à Resolute Bay avant 21 h. Cette durée se situait dans les 14 heures permises pendant une journée de travail du pilote, et l'arrivée aurait eu lieu avant le coucher du soleil. Le coucher officiel du soleil à Resolute Bay était prévu après minuit. Le plan de vol prévoyait une intervention des équipes de recherche et sauvetage (SAR) au bout d'une heure après l'heure d'arrivée prévue à Resolute Bay.

Le relief le long de la côte est de l'île de Baffin monte abruptement depuis le niveau de la mer et est parsemé de fjords profonds. Les endroits où faire un atterrissage de précaution sont très peu nombreux. Compte tenu du relief escarpé, le seul itinéraire possible en présence de nuages bas consiste à longer la côte.

Le pilote a quitté Broughton Island à 11 h 23 et est arrivé à Clyde River . Le pilote est parti à destination de Pond Inlet à 16 h 9. Les données de la dernière position connue ont été transmises par le dispositif de suivi des vols à 16 h 39.

Tout le trajet se déroulait dans l'espace aérien non contrôlé.

Conditions météorologiques

À 7 h, le pilote a téléphoné à la régulation des vols de Universal Helicopters Newfoundland Limited (UHNL) à partir de Broughton Island pour discuter des conditions météorologiques. Compte tenu de ces dernières, le départ prévu a été retardé. Le pilote a ensuite téléphoné à Arctic Radio à 8 h 4 et il a reçu un nouvel exposé météorologique. Au moment de cet exposé, les conditions réelles à Clyde River à 7 h faisaient état d'un vent d'est à 7 nœuds, d'une visibilité de 3/8 de mille terrestre (sm) et d'un plafond de zéro pied au-dessus du sol (agl). La prévision pour Clyde River valide jusqu'à 15 h annonçait une visibilité de 3 sm dans une légère bruine et de la brume ainsi qu'un plafond avec couvert nuageux à 300 pieds agl, ce plafond pouvant monter temporairement jusqu'à 1200 pieds agl. La prévision pour Pond Inlet au moment de l'exposé annonçait des plafonds de 100 pieds agl jusqu'à 12 h, la situation devant s'améliorer par la suite avec un plafond de nuages fragmentés à 3000 pieds agl.

Le pilote a appelé Resolute Bay vers 9 h et a discuté des images satellite et infrarouges de la région de Clyde River ainsi que des conditions réelles à Clyde River et Pond Inlet. Les conditions météorologiques de 8 h étaient disponibles à ce moment-là, et elles faisaient état à Clyde River d'une visibilité de 1 et 1/8 de sm et d'un plafond de zéro pied agl. Les conditions de 8 h à Pond Inlet indiquaient une visibilité de 9 sm et un plafond de 7600 pieds agl.

Rien n'indique que le pilote aurait formulé d'autres demandes à propos de la météo.

L'analyse de surface de 14 h le 16 août 2010 montrait un important système dépressionnaire centré sur le sud de la baie d'Hudson. Un faible creux barométrique en surface s'étendant vers le nord à partir de cette dépression jusqu'au centre de l'île de Baffin avait donné naissance à une légère circulation d'air de l'est provenant du détroit de Davis et de la baie de Baffin et se dirigeant vers la côte nord-est de l'île de Baffin.

Les images satellite montraient une importante masse nuageuse se déplaçant vers le littoral dans la légère circulation d'air de l'est tout le long de la côte nord-est de l'île de Baffin. Compte tenu de la topographie de l'île de Baffin, il est raisonnable de conclure que le relief plus élevé à l'ouest de Clyde River devait être obscurci par le vent humide qui arrivait du large et qui suivait la pente ascendante.

Les messages d'observations météorologiques régulières pour l'aviation (METAR) de Clyde River étaient les suivantes :

Quant aux METAR de Pond Inlet, elles ont été les suivantes :

Les prévisions d'aérodrome suivantes étaient valides au moment de l'accident (de 15 h le 16 août à 3 h le 17 août) :

Clyde River –
vent du 110° V à 3 nœuds, visibilité de 1 sm dans une légère bruine et de la brume, plafond avec couvert nuageux à 200 pieds agl, temporairement pour la période visibilité de 6 sm dans de la brume, plafond avec couvert nuageux à 800 pieds agl. Remarques – prévisions basées sur des observations automatiques.
Pond Inlet –
vent variable à 3 nœuds, visibilité supérieure à 6 sm, quelques nuages à 300 pieds agl, nuages épars à 2000 pieds agl, plafond avec nuages fragmentés à 6000 pieds agl, temporairement pour la période visibilité supérieure à 6 sm dans de la pluie légère, nuages épars à 300 pieds agl, plafond avec nuages fragmentés à 2000 pieds agl, plafond avec couvert nuageux à 5000 pieds agl.

La prévision de zone graphique valide pendant la période la plus rapprochée de l'heure de l'accident montrait une importante zone de nuages bas au-dessus de Clyde River avec localement une visibilité de 1 sm dans une légère bruine et de la brume ainsi que des plafonds de 300 pieds dans des sections côtières de la région de Clyde River. Aucun risque de givrage ou de turbulence n'étaient indiqués dans les prévisions.

Il n'y a aucune station météorologique entre Clyde River et Pond Inlet. De plus, aucun message de pilote (PIREP)Footnote 2 n'a été envoyé dans la période de temps entourant l'heure de l'accident.

Le pilote

Selon les dossiers, le pilote possédait les certifications et les qualifications requises pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote totalisait approximativement 5000 heures de vol, dont 3665 sur type. Il en était à sa troisième saison de travail dans l'Arctique pour le compte de l'entreprise. Il ne possédait pas de qualification de vol aux instruments.

D'après le relevé des horaires de travail de UHNL, le pilote en question a été en congé les deux premières semaines de juillet, puis il a volé du 14 juillet au 3 août avant d'être à nouveau en congé du 4 au 7 août et de voler à nouveau du 8 au 16 août. La durée moyenne des jours de service en août était de 10 heures. Au moment de l'accident, le pilote était en service depuis 9,5 heures. Les temps de vol et de service du pilote respectaient les exigences.

L'exploitant

L'entreprise UHNL est basée à Terre-Neuve-et-Labrador, son siège social et son centre de maintenance étant situés à Goose Bay. Elle exploite à partir de ses bases de Goose Bay, St. John's, Pasadena et Gander une flotte mixte d'hélicoptères relevant des sous-parties 702Footnote 3 et 703Footnote 4 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Chaque base dispose de personnel permanent et d'installations de soutien sous hangar permettant aux appareils de voler et d'être entretenus toute l'année. UHNL n'effectue que des vols VFR de jour.

L'entreprise est autorisée à effectuer des vols au-dessus d'un plan d'eau en Bell 206L, conformément à l'article 723.23 des Normes de services aériens commerciaux (NSAC). L'article 4.24 du manuel d'exploitation de la compagnie précise les exigences à respecter au cours des vols au-dessus d'un plan d'eau. Ces conditions coïncident avec les exigences réglementaires.

Suivi des vols

Comme les vols ont lieu à partir d'endroits éloignés, l'entreprise fonctionne selon un système de régulation des vols par le piloteFootnote 5. Les appareils de l'entreprise sont équipés d'un dispositif automatique de suivi des vols qui communique leur position.

Le dispositif de suivi des vols obtient des données sur la position de l'appareil à partir de la constellation de satellites du système de positionnement mondial (GPS) et il transmet automatiquement ces renseignements à des stations au sol (chez l'exploitant et le fabricant du dispositif). Les comptes rendus de position sont envoyés à des intervalles que l'exploitant peut configurer (15 minutes dans le cas d'UHNL). Une alarme se déclenche dans la station de surveillance dès qu'il s'écoule plus de 30 minutes depuis le dernier compte rendu de position. La transmission de ces comptes rendus se fait sans intervention de l'équipage. Les outils logiciels fournis par le fabricant du dispositif transforment les données brutes des comptes rendus de position en renseignements utiles (surveillance, représentation sur carte et compte rendu). UHNL a prévu plusieurs messages de compte rendu préétablis que le pilote peut utiliser, par exemple :

[Traduction]

• Vol normal • Atterrissage pour ravit. carb.
• Départ en route • Atterrissage pour raisons météo
• SVP prolongez PLAN DE VOL 2 h • Atterrissage à destination
• Au sol et paré pour la nuit • Atterrissage pour maintenance

Il est demandé aux pilotes d'utiliser les fréquences radio de l'entreprise, le téléphone satellitaire ou la liaison de données air- sol pour communiquer directement avec l'entreprise et pour se rapporter toutes les 2 heures pendant les opérations aériennes. Le pilote a envoyé 2 fois le message « Atterrissage pour raisons météo » au cours du segment de trajet entre Broughton Island et Clyde River.

Activités SAR

L'hélicoptère n'ayant envoyé aucun compte rendu de position depuis plus de 30 minutes (17 h 11), l'exploitant a appelé le fabricant du dispositif de suivi des vols pour voir s'il avait les mêmes données. Lui non plus n'avait reçu aucune donnée sur la position de l'appareil depuis plus de 30 minutes. Après plusieurs tentatives infructueuses d'entrer en communication avec l'hélicoptère, l'exploitant a appelé à 18 h 19 le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) à Halifax (Nouvelle-Écosse) et a demandé une aide en recherche et sauvetage (SAR). Aucun signal provenant d'une radiobalise de repérage d'urgence n'avait été capté par le système SAR.

Un avion C-130 Hercules des Forces canadiennes a été dépêché sur place le 16 août à 19 h 4 et est arrivé au-dessus de la dernière position connue à 1 h 52 (le 17 août). Sur place, les conditions signalées faisaient état de plafonds de 200 pieds et d'une visibilité de 1 sm. L'équipage n'a pas été capable de voler en VFR près de la dernière position connue. Un hélicoptère Cormorant des Forces canadiennes a été envoyé sur place à 20 h 51, son heure d'arrivée prévue étant fixée à 2 h (le 17 août). Cet hélicoptère a été retardé à cause des mauvaises conditions météorologiques.

Le 17 août à 2 h, le JRCC de Trenton a pris la relève à titre de coordonnateur de la mission SAR, puisque la dernière position connue se trouvait dans la région placée sous sa responsabilité. Plusieurs autres ressources ont été affectées le 17 août. Les conditions météorologiques ont retardé toute autre opération de recherche jusqu'à tard en matinée le 17 août. À 17 h 40, certains morceaux de l'épave ont été découverts flottant près de la rive sud du fjord situé à proximité de la dernière position connue (voir la photo 1). Ce fjord est large d'environ 15 nm à son embouchure; la dernière position connue se trouvait à quelque 5 nm de la rive sud du fjord. Les équipes de recherche ont poursuivi leur travail tout le reste de la journée du 17 août et toute la journée du 18 août sans trouver d'autres morceaux d'épave ni le pilote. L'épave a été récupérée subséquemment par un navire de la Garde côtière canadienne qui l'a transportée par la suite à Clyde River.

Il y avait 3 icebergs dans le fjord le 17 août 2010. Le premier était apparemment haut de 50 pieds, le deuxième de 40 et le troisième était plus petit. Les trois ont été examinés à la recherche de traces d'impact et de débris, mais rien de tel n'a été découvert.

Après d'intenses opérations de recherches dans la région entourant les débris, dans le fjord avoisinant et le long de la côte, les recherches ont été suspendues et transférées à la GRC le 19 août, à titre de cas de personne disparue.

Photo 1. Dernier segment de la route
Photo of Dernier segment de la route

L'aéronef

L'aéronef était certifié et équipé conformément à la réglementation en vigueur.

Le paragraphe 605.93(3) du Règlement de l'aviation canadien stipule ce qui suit : « Le propriétaire d'un aéronef doit s'assurer que toutes les mesures nécessaires sont prises pour que les dossiers techniques de l'aéronef soient à l'abri des dommages et de la perte. » Pour satisfaire à cette exigence, la rubrique 8 des directives figurant dans le carnet de route approuvé par l'exploitant mentionnait les mesures suivantes : si elles sont remplies ou lors d'une certification après maintenance (comme dans le cas d'une inspection aux 100 heures), on doit retirer les feuilles détachables et les acheminer aux fins de versement dans les dossiers techniques. La dernière feuille du carnet de route acheminée aux fins de versement dans les dossiers techniques de l'exploitant était datée du 26 juillet.

L'exploitant possède également un rapport de suivi de la maintenance dont la plus récente mise à jour remonte au 8 août 2010. Il indiquait que la prochaine inspection aux 100 heures était prévue dans 7,9 heures. On a laissé les feuilles récentes du carnet ainsi que celle portant sur la certification de l'inspection aux 100 heures avec le carnet de route, de façon à ce que l'on puisse les acheminer aux fins de versement dans les dossiers techniques une fois l'hélicoptère en un lieu mieux approprié à l'envoi par courrier. On a perdu la documentation en raison de l'accident. Il a ultérieurement été établi que l'inspection aux 100 heures avait été effectuée le 15 août 2010. Si un prolongement de la période avant l'inspection est nécessaire, le technicien d'entretien d'aéronef doit en faire la demande au directeur de l'entretien ou au gestionnaire de l'assurance de la qualité. Lorsqu'une telle demande est accordée, elle est normalement consignée dans le rapport de suivi de la maintenance; en l'occurrence, il n'y a pas eu de prolongement.

L'hélicoptère n'était pas équipé d'un altimètre radar, et la réglementation n'exigeait pas qu'il en soit équipé. Une combinaison d'immersion a été récupérée à bord de l'épave, mais le pilote ne l'avait pas revêtue. Parmi l'équipement emporté à bord de l'hélicoptère dans le cadre de ce vol, on comptait un gilet de sauvetage et un radeau de sauvetage, mais on n'a récupéré ni l'un ni l'autre. Le gilet de sauvetage était d'un type que l'on devait gonfler manuellement après l'évacuation et on ignore si le pilote le portait. On a récupéré le casque du pilote.

Flotteurs gonflables

Le train d'atterrissage de l'hélicoptère était muni de flotteurs gonflables permettant les amerrissages d'urgence. Chaque flotteur (gauche/droit) est constitué de trois ballonnets gonflables qui sont solidement arrimés sous une bâche conçue pour les libérer lorsque le gonflage commence. Une bouteille d'azote pour le gonflage des ballonnets est montée sous le fuselage, juste derrière la traverse tubulaire avant. La pression du gaz est libérée par une amorce actionnée électriquement et elle est distribuée aux ballonnets par des raccords en T.

La bouteille d'azote peut contenir jusqu'à 2500 livres par pouce carré (lb/po²), et la pression normale de gonflage est de 2,5 lb/po². L'excédent de pression est évacué par une soupape de décharge, et une pression minimale de 1,5 lb/po² est recommandée pour assurer la flottabilité prévue des ballonnets. Les conduits de gonflage de chaque ballonnet renferment un clapet de non-retour empêchant tout refoulement d'azote. Quelque 5 secondes sont nécessaires au gonflage complet des flotteurs.

L'armement du système s'effectue au moyen d'un interrupteur sous cache se trouvant sur la partie supérieure gauche du tableau de bord et il est confirmé par un voyant. Un interrupteur et un voyant d'essai sont également fournis aux fins de vérification du système. Le gonflage des flotteurs s'effectue au moyen d'un interrupteur de déclenchement se trouvant sous le collectif.

Le supplément au manuel de vol stipule au sujet de ces flotteurs qu'il est interdit de les gonfler lorsque l'hélicoptère vole à plus de 52 nœuds (60 milles à l'heure), car il y a alors risque de tangage intempestif. Le supplément recommande également de désarmer le système lorsque l'hélicoptère vole au-dessus du sol ou à des altitudes supérieures à 500 pieds au-dessus d'un plan d'eau. En outre, il n'est pas recommandé de gonfler les flotteurs lorsque l'hélicoptère se trouve à plus de 2000 pieds au-dessus de l'aire d'atterrissage prévue.

Comme le circuit du système de gonflage est déclenché de façon électrique, il se peut qu'il soit altéré par l'immersion en eau salée. La possibilité que l'eau de mer provoque un court-circuit dépend des facteurs suivants :

En général, on considère que l'eau salée est un relativement bon conducteur électrique dans le cas de circuits se trouvant très près les uns des autres, comme les interrupteurs utilisés pour l'armement et le déclenchement du système. Un court-circuit se produira généralement dès que l'eau de mer aura pénétré à l'intérieur des circuits.

Lorsque les flotteurs sont gonflés, la vitesse maximale est de 69 nœuds en vol normal et de 60 nœuds en autorotation.

Renseignements sur l'épave

La figure 1 montre les parties de l'hélicoptère qui ont été récupérées. Le moteur ainsi que la plus grande partie du poste de pilotage et de la queue n'ont pas été retrouvés (voir la photo 2). Les fractures observées sur les parties récupérées ont été attribuées à une surcharge résultant de l'impact contre l'eau. Le niveau de désintégration de l'hélicoptère ainsi que l'endommagement des parties récupérées témoignent d'un impact survenu à une vitesse dépassant celle associée à un atterrissage d'urgence.

Les fractures présentaient des caractéristiques indiquant que l'hélicoptère a percuté l'eau en vol vers l'avant et incliné à gauche. Le niveau d'inclinaison n'a pu être établi. Rien n'indiquait la présence de fractures préexistantes sur les morceaux d'épave récupérés.

Figure 1. Parties de l'hélicoptère récupérées
Figure of Parties de l'hélicoptère récupérées
Photo 2. Fuselage récupéré
Photo of Fuselage récupéré

Le train d'atterrissage gauche s'était détaché avec ses flotteurs gonflables. Le sens de la déformation en torsion de la traverse tubulaire avant gauche laisse croire que sa partie inférieure a été forcée vers l'arrière. Par contre, le train d'atterrissage droit était toujours fixé solidement au fuselage et tous les ballonnets du patin droit, quoique partiellement arrachés, semblaient toujours gonflés normalement au moment de la récupération de l'épave par la Garde côtière, ce qui a permis à l'épave de rester à flot. Plus précisément, le ballonnet avant a été arraché du patin droit, auquel il n'était plus retenu que par son conduit de gonflage, la moitié de la partie avant du ballonnet central a également été arrachée, mais le ballonnet arrière est demeuré intact.

La ceinture-baudrier du pilote a été trouvée débouclée. Des essais de l'agrafe de la boucle ont permis de constater que celle-ci fonctionnait toujours bien et ne présentait aucun signe de dommage. Les sangles et les ferrures métalliques étaient intactes et complètement reliées les unes aux autres. Les ferrures métalliques étaient solidement fixées à la cellule. La manière dont les ferrures métalliques du baudrier gauche et la sangle sous-abdominale gauche du pilote étaient emmêlées ensemble, tout comme l'apparence de la sangle sous-abdominale gauche, laisse penser que la ceinture-baudrier était bouclée au moment de l'impact. L'agrafe de la boucle de la ceinture baudrier peut être ouverte simplement en tirant dessus avec une force minimale, et il est donc probable qu'elle s'est ouverte pendant la séquence de désintégration.

La transmission du rotor principal et son support se sont détachés en un seul bloc. Tous les endroits où des parties se sont détachées de la structure ont été examinés, et il est apparu qu'ils présentaient des caractéristiques compatibles avec une défaillance causée par une surcharge. Des éclaboussures de graisse ont été trouvées sur la biellette de suspension adjacente à la transmission principale, graisse qui provenait de l'accouplement du moteur à la transmission. Cet accouplement s'était détaché pendant la désintégration de l'appareil, et c'est ainsi que le moteur s'était séparé de la transmission. Les éclaboussures de graisse se trouvaient sur tous les composants et sur la cloison à proximité de cet accouplement, signe que celui-ci tournait au moment de la désintégration. L'examen du filtre à huile n'a permis de déceler aucune trace de limaille. L'un des détecteurs de limaille n'avait pas été exposé à l'eau de mer et il ne présentait aucune particularité. L'autre présentait des traces de corrosion importante, sans fournir de renseignements utiles.

On a découvert que la poutre de queue s'était rompue juste derrière le stabilisateur. On a également découvert que les deux ailettes verticales montées aux extrémités du stabilisateur s'étaient rompues. Il n'y avait aucune trace de peinture confirmant un contact avec une pale du rotor principal; cependant, l'angle de rupture des ailettes verticales et de la poutre correspondait à un angle de passage des pales du rotor.

Le mât du rotor principal s'était rompu 22 pouces au-dessus du collier situé juste au-dessus de la gaine. Le mât du rotor principal était tordu par rapport à la verticale. La fracture présentait des caractéristiques compatibles avec une défaillance causée par une surcharge en torsion et non pas par des dommages préexistants. Le rotor principal tournait bien au moment de l'impact, cependant il n'a pas été possible de déterminer à quelle vitesse.

On n'a pas récupéré une partie suffisante de l'épave pour qu'il soit possible d'écarter toute possibilité qu'une anomalie mécanique ait pu allumer un voyant d'avertissement et donner lieu ainsi à un atterrissage d'urgence.

On a récupéré le réservoir carburant qui était intact et partiellement rempli. Un échantillon de carburant a été envoyé en laboratoire pour y être analysé. Aucune anomalie n'a été décelée.

Radiobalise de repérage d'urgence

L'hélicoptère était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) fixe de modèle 406AF-H, fabriquée par Kannad. Ce modèle est fixé à la cellule et spécialement conçu pour être installé à l'horizontal à bord des hélicoptères. L'ELT est actionnée par les forces d'impact; cependant, pour que son signal puisse être capté, l'antenne de l'ELT doit toujours être en bon état de service et elle ne doit pas être immergée. Lorsque le navire de la Garde côtière a récupéré l'ELT de l'épave, elle émettait une faible tonalité, mais on n'a pu détecter aucun signal à très haute fréquence (VHF). Le sélecteur se trouvait à la position Arm (mode armé), mais le câble coaxial relié à l'antenne avait été arraché du connecteur de l'ELT. On n'a pas récupéré l'antenne. Sans antenne, l'ELT ne pouvait émettre aucun signal.

Réglementation relative à la visibilité dans l'espace aérien non contrôlé

Dans le cas d'un hélicoptère utilisé de jour selon les règles de vol à vue (VFR) dans un espace aérien non contrôlé au-dessous de 1000 pieds agl, la visibilité ne doit pas être inférieure à 1 mille (RAC, article 602.115). L'entreprise possédait une spécification d'exploitation (Ops Spec) lui permettant de voler par visibilité réduite, à condition de respecter les NSAC, lesquelles exigent notamment que les pilotes aient suivi une formation spécialisée. L'entreprise n'utilise pas cette Ops Spec et elle ne dispense à ses pilotes aucune formation sur le vol par visibilité réduite puisqu'elle ne souhaite pas que ses pilotes planifient ou effectuent des vols dans l'espace aérien non contrôlé lorsque la visibilité est inférieure à 1 mille.

Réglementation relative au vol au-dessus d'un plan d'eau

Il est interdit d'utiliser, au-dessus d'un plan d'eau, un hélicoptère monomoteur au-delà de 25 nm ou d'une distance qui peut être parcourue en 15 minutes de vol, à la vitesse de croisière précisée dans le plan de vol, d'un site convenable pour un atterrissage d'urgence, selon la distance la plus courte, à moins que ne soient transportés à bord des radeaux de sauvetage d'une capacité nominale totale permettant de recevoir toutes les personnes à bord. Le pilote avait indiqué une vitesse de 110 nœuds, ce qui voulait dire que l'hélicoptère pouvait parcourir environ 27 nm en 15 minutes.

Lorsque des radeaux de sauvetage doivent être transportés à bord d'un hélicoptère, il faut porter une combinaison pour passagers d'hélicoptère (combinaison d'immersion) si l'hélicoptère vole au-dessus d'un plan d'eau dont la température est inférieure à 10 °C (article 602.63 du RAC). La température de la mer pour cette région arctique était d'environ 3 °CFootnote 6.

D'après l'article 602.62 du RAC, il est interdit d'utiliser un aéronef au-dessus d'un plan d'eau au-delà d'un point où l'aéronef pourrait rejoindre le rivage dans l'éventualité d'une panne moteur, à moins que ne soit transporté à bord un gilet de sauvetage, un dispositif de flottaison individuel ou un vêtement de flottaison individuel pour chaque personne à bord.

L'accident s'est produit pendant le tronçon prévu au plan de vol qui exigeait l'emport d'un gilet de sauvetage. Quant au dernier tronçon, il exigeait un radeau de sauvetage, une combinaison d'immersion et un gilet de sauvetage.

Désorientation spatialeFootnote 7

Au sol, la désorientation spatiale est ressentie par une combinaison entre la vision, le sens musculaire et les organes spécialisés de l'oreille interne, lesquels ressentent les accélérations linéaires et angulaires. La vision est le plus fort des sens servant à l'orientation et, en vol à vue, le pilote se fie à des références visuelles régulières au sol et à l'horizon pour maîtriser l'altitude et l'assiette de son appareil. Dans les nuages, le pilote perd ses références visuelles au sol et à l'horizon. Par voie de conséquence, les indices disponibles (qui proviennent uniquement des forces externes qui agissent sur le corps) sont souvent source de désorientation spatiale en vol, car le pilote se fait une fausse impression de l'assiette et du déplacement de son appareil. Dans de telles conditions, le pilote est entièrement dépendant des instruments de vol et des aptitudes au pilotage qu'il a acquises pour conserver la maîtrise de son appareil. Les pilotes qui n'ont pas l'habitude de voler en se référant qu'à leurs instruments sont particulièrement sujets à la désorientation spatiale quand ils se retrouvent sans aucune référence visuelle externe permettant d'évaluer leur assiette. Survoler des surfaces présentant peu de contrastes, comme de la neige ou de l'eau dans des conditions de couvert nuageux, rend l'orientation tout aussi difficile.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

Analyse

L'hélicoptère était entretenu selon les exigences en vigueur. L'inspection requise aux 100 heures avait été effectuée. Cependant, le fait d'avoir laissé la documentation à bord de l'hélicoptère en a occasionné la perte, ce qui n'était conforme ni aux dispositions du RAC ni aux directives de l'exploitant. L'emport de documentation de maintenance à bord d'un aéronef peut nuire à une enquête en cas d'accident. Aucune fracture préexistante n'a été découverte dans les parties de l'épave récupérées. D'après les dommages subis par la transmission et le mât du rotor principal, le rotor était entraîné et tournait au moment de l'impact, mais sa vitesse de rotation n'a pu être établie. Le scénario d'une panne de carburant a été écarté.

Si l'hélicoptère n'avait pas été équipé d'un dispositif de suivi des vols qui envoie un avertissement lorsque l'appareil cesse de transmettre des comptes rendus de position, l'intervention SAR aurait été retardée, car aucun signal n'a été reçu en provenance de l'ELT.

Étant donné le couvert nuageux, l'hélicoptère devait voler au-dessous de 200 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) et le système de gonflage des flotteurs devait être armé. D'après les dommages subis par la cellule, tout porte à croire que la vitesse de l'hélicoptère devait être supérieure à 52 nœuds, c'est pourquoi il est peu probable que les flotteurs aient été déclenchés manuellement. L'appareil s'est abîmé en mer à une vitesse supérieure à celle attendue d'un atterrissage d'urgence. Il est donc peu probable que le pilote ait été confronté à une importante défaillance mécanique en vol qui l'aurait obligé à faire ce genre d'atterrissage.

Les forces de l'impact initial exercées sur le train d'atterrissage gauche ont été suffisamment élevées pour arracher de la cellule le patin gauche et ses ballonnets de flottaison. Il se peut que le système de flottaison ait été court-circuité en raison de son immersion dans l'eau salée, ce qui a probablement déclenché le gonflage des ballonnets quelque temps après que le patin gauche a été arraché de l'hélicoptère. Même si la séparation du train d'atterrissage gauche a provoqué la rupture des conduits de gonflage gauches et l'évacuation d'une grande quantité d'azote, un volume suffisant d'azote a été fourni aux ballonnets de flottaison droits pour permettre au reste de l'épave de l'hélicoptère de demeurer à flot.

Le pilote était qualifié et avait des connaissances à jour pour effectuer le vol; il s'était conformé aux exigences en matière de temps de vol et de période de service de vol.

Malgré la présence d'un plafond relativement bas au départ de Clyde River, la visibilité en vol se trouvait dans les limites pour un vol enespace aérien non contrôlé. Compte tenu des prévisions et de la météo rapportée, le pilote s'attendait à une amélioration du temps à mesure qu'il approcherait de Pond Inlet. Il se peut que le pilote soit parti avec l'intention d'aller voir le temps qu'il faisait le long de la côte et de revenir à Clyde River si les conditions météorologiques l'empêchaient de se rendre en toute sécurité à Pond Inlet.

L'hélicoptère survolait l'embouchure d'un fjord large de 15 nm quand il a disparu. La dernière position connue se trouvait environ à un tiers de la traversée. Il est peu probable que le pilote se serait lancé dans la traversée s'il n'avait pas vu la rive opposée. Cela voudrait donc dire que la visibilité devait s'être grandement améliorée aux abords du fjord, du moins lorsque la traversée a débuté.

Les scénarios suivants ont été envisagés afin d'essayer d'expliquer pourquoi l'hélicoptère s'est abîmé en mer :

Les renseignements concrets recueillis ont été insuffisants pour pouvoir expliquer hors de tout doute pourquoi l'hélicoptère s'est abîmé en mer.

Faits établis

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Il n'a pas été possible d'expliquer pourquoi l'hélicoptère s'est abîmé en mer.

Faits établis quant aux risques

  1. L'emport de documentation de maintenance à bord d'un aéronef peut nuire à une enquête en cas d'accident.
  2. La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) était armée, mais l'antenne avait été arrachée. Sans antenne, le signal d'urgence d'une ELT ne peut être transmis pour déclencher une intervention de recherche et sauvetage (SAR).

Autre fait établi

  1. L'intervention SAR a été déclenchée lorsque le dispositif de suivi des vols de bord a cessé d'émettre des comptes rendus de position.

Mesures de sécurité

Universal Helicopters Newfoundland Limited a procédé à une enquête interne sur la sécurité dans le cadre de son programme de gestion de la sécurité. Le présent rapport fera partie des documents de formation des équipages de conduite et fera l'objet de discussions au cours des réunions annuelles de sécurité dans les différentes bases. Des ateliers sur l'évaluation des risques à l'intention du personnel et des clients, qui avaient été prévus avant l'accident, seront étoffés de manière à aborder les questions touchant les facteurs humains.

Le Bureau décidera, après avoir passé en revue les commentaires des personnes désignées chargées de revoir le présent rapport, s'il doit exiger la mise en application de nouvelles mesures de sécurité.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A – Carte du trajet