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Rapport d'enquête aéronautique A11F0012

Tangage intempestif
du Boeing 767–333 C–GHLQ
exploité par Air Canada
au– dessus de l'Atlantique Nord par 55° 00′ N, 029° 00′ W
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Synopsis

Le Boeing 767– 333 (immatriculé C– GHLQ et portant le numéro de série 30846) exploité par Air Canada assure le vol ACA878 de Toronto (Ontario) à Zurich, en Suisse. À mi– chemin environ de la traversée de l'Atlantique, pendant les heures d'obscurité, l'aéronef est confronté durant 46 secondes à un tangage intempestif qui se traduit par un écart d'altitude de moins 400 pieds à plus 400 pieds par rapport à l'altitude assignée de 35 000 pieds au–dessus du niveau de la mer. Quatorze passagers et 2 agents de bord sont blessés. La consigne lumineuse des ceintures de sécurité avait été allumée environ 40 minutes avant le tangage intempestif. Le vol continue jusqu'à sa destination, où 7 passagers sont transportés à l'hôpital et obtiennent leur congé par après.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Le vol 878 d'Air Canada (ACA878) a décollé de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) le 13 janvier 2011 à 21 h 38Footnote 1 avec 95 passagers, 6 agents de bord et 2 membres d'équipage de conduite à bord. D'après l'itinéraire prévu, l'appareil devait passer au nord du système de routes organisées (OTS) de l'Atlantique Nord sur une route aléatoireFootnote 2 afin d'éviter la turbulence liée au courant–jet qui était prévue. Le commandant de bord avait choisi de circuler au centre en vertu de la procédure de décalage latéral stratégiqueFootnote 3 (SLOP) du manuel d'exploitation (FOM) d'Air Canada.

Repos aux commandes – La section 2.9.10 « Alertness Management » (gestion de la vigilance) du FOM d'Air Canada décrit le repos aux commandes comme une mesure pour contrer la fatigue qui améliore le rendement et la vigilance au travail par rapport aux conditions sans contre– mesure. Le repos aux commandes prévoit des siestes dans le poste de pilotage pour améliorer la vigilance de l'équipage durant les phases critiques de vol. Les périodes de repos durent au maximum 40 minutes (il faut convenir des périodes avant le repos) et doivent se terminer 30 minutes avant le début de la descente. Le chef de cabine doit être informé du repos aux commandes et recevoir l'instruction d'appeler le poste de pilotage à une heure déterminée. À la fin de la période de repos, à moins d'une situation anormale ou d'urgence, le pilote réveillé doit disposer d'au moins 15 minutes sans avoir à effectuer de tâches de vol afin de se réveiller complètement avant de reprendre ses tâches normales. Un exposé opérationnel est ensuite effectué.

À 0 h 40, le copilote a indiqué qu'il avait besoin de se reposer. Le commandant de bord a accepté et le copilote a commencé une période de repos aux commandes. Le chef de cabine n'en a pas été informé.

Peu après le début de la période de repos aux commandes, le commandant de bord a augmenté l'éclairage dans le poste de pilotage pour réviser des manuels d'aéronef afin de se préparer pour une formation à venir. Lire de la sorte est conforme aux procédures d'utilisation normalisées d'Air Canada.

À 1 h 18, le commandant de bord a allumé la consigne lumineuse des ceintures de sécurité en prévision de la turbulence attendue dans la région. Le chef de cabine a fait une annonce pour rappeler aux passagers que la consigne des ceintures de sécurité était à présent allumée et qu'ils devaient demeurer à leur siège et boucler leur ceintureFootnote 4. Il n'y avait eu aucune turbulence jusqu'à ce point; après l'événement, il y en a eu peu ou aucune.

En réponse à l'apparition de la consigne lumineuse des ceintures de sécurité, les agents de bord se sont assuré visuellement que les passagers respectaient la consigne. La majorité d'entre eux étaient endormis. De nombreux passagers en classe économique étaient étendus sur les 3 sièges du centre. La classe affaire comprenait des fauteuils–lits équipés de ceinture de sécurité et de coussins gonflables. La majorité des passagers qui s'y trouvaient étaient étendus et semblaient endormis.

À 1 h 55, le commandant de bord a effectué un compte rendu de position obligatoire au centre de contrôle océanique de Shanwick, ce qui a réveillé le copilote. Celui–ci avait fait une sieste de 75 minutes, mais il a indiqué qu'il ne se sentait pas bien. Au même moment, un Boeing C–17 de la United States Air Force circulant dans le sens opposé à 34 000 pieds est apparu sur l'écran de navigation en tant qu'alerte du système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS). Le commandant de bord a avisé le copilote de ce trafic.

Pendant la minute qui a suivi ou presque, le commandant de bord a réglé l'échelle de la carte sur l'écran de navigation afin d'afficher l'appareil signalé par le TCASFootnote 5 et a jeté à l'occasion des coups d'œil par le pare–brise afin de repérer l'aéronef visuellement. Le copilote a d'abord confondu la planète Vénus avec un aéronef, mais le commandant de bord lui a rappelé que l'appareil se trouvait à la position 12 heures et 1000 pieds plus bas. Le commandant de bord d'ACA878 et l'équipage de conduite de l'aéronef en rapprochement ont fait clignoter leurs phares d'atterrissage. Le copilote a continué à chercher visuellement l'aéronef. Lorsque le copilote a aperçu l'aéronef en rapprochement, il a interprété la position de ce dernier comme étant au–dessus de la sienne et en descente vers son appareil. Le copilote a réagi à l'abordage imminent en poussant sur le manche. Le commandant de bord, qui surveillait la cible du TCAS sur l'écran de navigation, s'est aperçu que le manche se déplaçait vers l'avant et que l'altimètre commençait à afficher une diminution de l'altitude. Il a immédiatement débrayé le pilote automatique et tiré sur le manche pour reprendre de l'altitude. C'est à ce moment que l'aéronef en rapprochement est passé sous ACA878. Le TCAS n'a pas produit d'avis de trafic ou de résolution.

Durant le tangage intempestif, le tangage de l'avion est passé du cabré de croisière de 2° à un piqué de 6° suivi d'un retour à un cabré de 2°. L'accélération verticale (g) est passée de −0,5 g à +2 g en 5 secondes. La vitesse calculée a augmenté de 7 nœuds, puis elle a diminué de 14 nœuds avant de se rétablir à la vitesse de croisière. L'altitude de l'avion a diminué à 34 600 pieds, avant d'augmenter à 35 400 pieds et de se rétablir à 35 000 pieds.

Personne en classe affaire n'a été déplacé ni ne s'est blessé durant l'événement. Lorsque le chef de cabine est entré dans la section économie, il a constaté que des passagers et des membres d'équipage s'étaient blessés en entrant en contact avec le mobilier de la cabine et avec les accoudoirs et il a donc commencé à organiser les premiers soins. Deux professionnels de la santé se sont identifiés et ont aidé les membres d'équipage de cabine. Après l'évaluation des blessures, le chef de cabine a avisé le commandant de bord et les opérations aériennes d'Air Canada ont été jointes par téléphone satellite pour les informer de la situation et pour établir une liaison téléphonique avec un médecin formé pour évaluer les blessures et les maladies apparaissant en vol. Après coordination avec le centre de régulation des vols d'Air Canada et échange direct avec le médecin, le commandant de bord a demandé au chef de cabine de parler directement aux blessés. À partir des renseignements obtenus auprès des blessés, de l'évaluation du médecin, des conditions météorologiques en route et de nombreux autres facteurs, il a été décidé qu'il était acceptable de continuer jusqu'à destination. Les services de santé ont été mis en alerte à Zurich pour l'arrivée du vol ACA878.

Le nombre total de passagers qui n'étaient pas assis avec leur ceinture de sécurité bouclée est inconnu. Aucun des passagers en classe affaire n'a été blessé. Les 14 passagers dont les blessures ont été examinées se trouvaient à divers endroits en classe économique (voir l'annexe A). Un des agents de bord blessés se trouvait dans l'office arrière, l'autre se trouvant dans le cabinet de toilettes. Toutes les blessures entraient dans la catégorie des lésions de tissus mous et un petit nombre de blessés ont subit des lacérations.

Un pilote en mise en place vers Zurich (pour agir à titre de pilote de relève durant le vol de retour) était à bord. Après que le commandant de bord a été informé des blessures des passagers, il a demandé que ce pilote de relève prenne place dans le poste de pilotage pour surveiller le vol et aider au besoin. Le reste du vol s'est déroulé sans autre incident. Une aide médicale attendait le vol à son arrivée à Zurich. Dans l'espace de 20 minutes, toutes les blessures ont été évaluées et les passagers ont soit obtenu leur congé, soit ont été transportés à l'hôpital pour y être mis en observation.

Équipage de conduite

Les dossiers indiquent que l'équipage de conduite était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord possédait 30 années d'expérience chez Air Canada et totalisait 14 800 heures de vol, dont plus de 400 à titre de commandant de bord sur type depuis qu'il avait obtenu sa qualification de commandant de bord sur Boeing 767 au printemps 2010. Le copilote possédait 24 années d'expérience dans le milieu de l'aviation et avait passé les 14 dernières années chez Air Canada. Il totalisait 12 000 heures de vol, dont environ 2000 sur Boeing 767 au cours des 4 années dernières.

Le commandant de bord et le copilote avaient tous deux l'habitude de dormir la nuit. Durant les jours précédant l'événement, le commandant de bord n'avait pas travaillé, mais il combattait un rhume, ce qui l'avait amené à dormir plus que d'habitude (12 heures au lieu de 10). Le jour du départ, il s'était levé vers 8 h et il s'était senti rétabli. Il avait effectué un déplacement de 6,5 heures par aéronef de la Floride à Toronto. Il avait obtenu environ 90 minutes de repos couché dans l'installation de repos des pilotes des opérations aériennes avant de se présenter au travail bien reposé. Cette installation est une salle silencieuse équipée de lits pour le repos couché.

Avant d'avoir des enfants, le copilote dormait normalement 8 heures par nuit. Après avoir eu des enfants, il dormait environ 6 à 7 heures par nuit, de 23 h à 6 h, son sommeil étant souvent interrompu parce qu'il devait prendre soin de ses enfants. Souvent, le copilote faisait une sieste d'une heure tôt l'après–midi pour récupérer du sommeil. Il avait eu un cycle de sommeil normal durant les 2 jours de repos avant l'événement. La nuit précédant l'événement, il avait obtenu 8 heures de repos entrecoupées d'interruptions pour prendre soin de ses enfants et il s'était levé vers 6 h. Il avait fait une sieste de 2 heures dans l'après–midi avant de se présenter au travail bien reposé.

Les deux membres d'équipage se sont présentés au travail à 19 h 35, l'heure prévue, et l'aéronef a été refoulé à 21 h 9. Le vol ACA878 a atterri à Zurich à 5 h 5 et est arrivé à la porte de débarquement à 5 h 9, la durée de vol ayant été de 8 heures et 4 minutes, soit 9 minutes de plus que prévu.

Questions liées à la fatigue dans le cas des départs en soirée à destination de l'Europe

La fatigue réduit les niveaux de rendement et augmente le désir de sommeil. Cet effet est exacerbé par les creux circadiensFootnote 6, que rencontrent les personnes qui dorment normalement la nuit et travaillent le jour (diurnes). Par exemple, les pilotes nord–américains volant vers l'est la nuit et traversant l'Atlantique subiraient un creux circadien qui exacerberait la diminution de leur rendement et augmenterait leur désir de sommeil.

Les vols de nuit de l'Amérique du Nord à l'Europe comportent un risque intrinsèque de fatigue pour les pilotes basés en Amérique du Nord. La majorité de ces pilotes effectuent un petit nombre de vols de nuit par mois et recommencent à dormir la nuit lorsqu'ils ne travaillent pas. Le système circadien des pilotes qui n'effectuent qu'un petit nombre de vols de nuit ne s'adapte pas au travail de nuitFootnote 7 et ces derniers ont ainsi tendance à voir leur rendement diminuer durant les vols de nuitFootnote 8 malgré les contre–mesures mises en place.

Afin de contrer la fatigue, certains pilotes font des siestes avant un vol de nuit. Bien qu'elles soient bénéfiques dans certains cas, elles ne peuvent pas empêcher la fatigue chez tous les pilotes. De plus, il n'est pas toujours possible d'obtenir suffisamment de sommeil de bonne qualité durant le jourFootnote 9; conjugué au fait d'effectuer seulement un petit nombre de vols de nuit, la diminution du rendement persistera.

De plus, ces types de vols sont caractérisés par de longues périodes d'obscurité et par peu d'exigences opérationnelles au milieu de l'Atlantique, ce qui crée des conditions intrinsèquement soporifiquesFootnote 10. C'est seulement lorsque le vol atteint les côtes de l'Europe à l'aube que les pilotes ressentent moins le besoin de dormir à mesure que la lumière du jour et le rythme circadien commencent à réduire une partie de la fatigue. Cela dit, les pilotes doivent s'acquitter de la charge de travail élevée de l'approche et de l'atterrissage alors qu'il existe un risque important qu'ils soient fatigués.

Les pilotes doivent élaborer des stratégies à l'avance pour bien gérer leur fatigue. La planification des vols transatlantiques se déroule normalement tôt le soir lorsque les pilotes diurnes vivent un sommet circadien. Dans ces cas, les pilotes auront peut–être de la difficulté à évaluer s'ils sont prêts à effectuer la totalité du vol en se fondant sur l'évaluation subjective de leur état d'éveil ou de somnolence immédiatement avant le vol, et ils s'appuieront plutôt sur leur évaluation personnelle de la qualité de leur régime de sommeil avant le vol.

Gestion des risques liés à la fatigue

Transports Canada donne un ensemble de moyens de défense dans son Système de gestion des risques liés à la fatigue (SGRF) pour le milieu aéronautique canadienFootnote 11. Bien qu'il ne vise pas spécifiquement les opérations aériennes, il constitue un outil utile pour évaluer la gestion de la fatigue chez Air Canada. Il s'agit d'un outil semblable au cadre du SGRF destiné aux opérations aériennes que préparait l'OACI au moment de l'événementFootnote 12. Parmi les moyens de défense, on trouve notamment ceux–ci :

Certains de ces exemples sont développés ci–dessous.

Afin de réduire les risques liés à la fatigue, le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne a mis sur pied en septembre 2010 un groupe de travail sur la gestion de la fatigue des équipages de conduite qui devait formuler des recommandations sur les limites de temps de vol et de service ainsi que sur la réglementation des périodes de repos en se fondant sur la science qui sous-tend le du SGRF. Il y a eu 14 réunions, la dernière s'étant tenue en décembre 2011. Transports Canada a indiqué où en était le processus :

Les coprésidents ont commencé à rédiger le rapport du groupe de travail. Le rapport résumera la science, l'harmonisation et l'expérience opérationnelle liées à chaque question dont il a été question. Il comprendra des recommandations du groupe de travail, lorsqu'il y a consensus, et des recommandations des coprésidents lorsque le groupe de travail n'a pas atteint de consensus. Un des consensus concernait l'effet des rythmes circadiens sur la longueur du temps de service de vol. La plus longue durée de service de vol disponible commencerait entre 7 h et 12 h, et la plus courte, entre 23 h et 4 h 30 – tenant ainsi compte du creux circadien et du rendement généralement bas durant cette période.

Affectation des équipages chez Air Canada

Du point de vue d'une entreprise de transport aérien, l'affectation des équipages consiste à s'assurer que tous les vols disposent d'équipages qualifiés tout en réduisant au minimum les coûts de main d'œuvre et en respectant un grand nombre de contraintes régies par la réglementation sur la sécurité et par des contrats de travail. Dans le cas des équipages soumis à un système d'appel d'offres comme ceux d'Air Canada, le salaire et la commodité jouent également un rôle dans l'affectation des équipages.

Alors que l'affectation des équipages vise à répondre au rôle de l'employeur de fournir des conditions de travail permettant aux employés de se reposer suffisamment, les employés doivent quant à eux utiliser judicieusement le temps de repos et se présenter au travail en bonne formeFootnote 13.

Ni le Règlement de l'aviation canadien ni Air Canada ne prévoient des accommodements précis pour contrer les risques particuliers liés aux vols de nuit durant un creux circadien.

Air Canada et son association de pilotes disposent d'un mécanisme pour réviser les assignations (vols) que les pilotes peuvent trouver compliqué. Au moment de l'événement, le vol en question ne figurait pas comme préoccupation dans ce mécanisme.

Surveillance de la fatigue

Le but de la surveillance de la fatigue consiste à identifier un pilote qui semble fatigué et à prendre les mesures pertinentes avant qu'une erreur se produise. Bien qu'Air Canada fournisse des renseignements concernant les causes et les effets de la fatigue, l'entreprise ne fournit pas de procédure ou de renseignements sur l'identification des collègues fatigués grâce à l'observation des symptômes. Actuellement, il n'existe pas de liste de vérificationsFootnote 14 « apte au vol » permettant aux employés de se surveiller eux–mêmes ou de surveiller les autres afin de bien identifier les membres d'équipage qui ne sont pas suffisamment vigilants pour s'acquitter de leurs tâches.

Atténuation des erreurs liées à la fatigue

La formation d'Air Canada sur la gestion de la fatigue indique plusieurs stratégies d'atténuation de la fatigue afin de réduire les risques d'erreurs, comme l'exercice, l'interaction sociale et la caféine. Deux stratégies particulières, le repos aux commandes et l'utilisation de pilotes de relève sont décrites en détail ci–dessous.

Repos aux commandes

Le repos aux commandes fait appel à une utilisation stratégique de courtes siestes dans le poste de pilotage pour améliorer la vigilance des membres d'équipage de conduite durant les phases critiques du vol. La recherche montre que cette approche améliore le rendement au travail par rapport aux situations sans contre–mesuresFootnote 15. Cette approche a été adoptée par 17 entreprises de transport aérien au Canada ainsi que par des entreprises de transport aérien de partout au monde comme British Airways, Qantas, Air New Zealand et Emirates. L'approche a été adoptée par Transports Canada en 1996 et elle est précisée dans le RAC 700.23 ainsi que dans la Norme de service aérien commercial (NSAC) 720.23. Transports Canada a autorisé le repos aux commandes chez Air Canada le 13 juin 2005.

Chez Air CanadaFootnote 16, le chef de cabine doit être informé des périodes de repos aux commandes et recevoir l'instruction d'appeler le poste de pilotage à une heure prévue. Les périodes de repos peuvent durer au maximum 40 minutes et doivent être terminées 30 minutes avant le début de la descente.

À la fin de la période de repos, à moins d'une situation anormale ou d'urgence, le pilote réveillé doit disposer d'au moins 15 minutes sans avoir à effectuer de tâches de vol afin de se réveiller complètement avant de reprendre ses tâches normales. Après cette période d'éveil de 15 minutes, il faut effectuer un exposé opérationnel.

Ainsi, on s'assure que le repos ait lieu de manière à réduire au minimum les risques pour le vol, et ce au moyen de diverses méthodes, notamment :

Pilote de relève

Transports Canada reconnaît qu'un pilote de relève est un pilote entièrement formé qui a réussi un contrôle de compétence pilote sur le type d'aéronef et qui est utilisé uniquement pour assurer la relève du commandant de bord ou du copilote afin d'augmenter le temps de service de vol dans le poste de pilotage. Transports Canada délivre des qualifications de type individuelles aux pilotes de relève lorsque le type d'aéronef nécessite au moins deux membres d'équipage de conduite. Ces qualifications de type sont accompagnées d'une restriction indiquant qu'elles s'appliquent aux tâches de pilote de relève uniquement lorsque l'aéronef est en croisière. Le pilote de relève doit être titulaire d'une licence de pilote professionnel ou de pilote de ligne ainsi que d'une qualification de vol aux instruments du groupe 1.

Chez Air Canada, les pilotes de relève reçoivent une formation de copilote et sont titulaires d'une licence de pilote de ligne. Ils sont titulaires de la qualification sur type de l'aéronef sans la restriction de pilote de relève.

Les pilotes de relève sont utilisés par Air Canada en vertu des dispositions de la convention collective. Dans le cas du vol ACA878, un pilote de relève n'est pas nécessaire lorsque la durée maximale du vol est de 9 heures et que la durée maximale du service est de 11 heures. Le vol ACA878 avait une durée de vol prévue de 7 h 55 et une durée de service prévue de 9 h 25. Le vol de retour, ACA879, avait une durée de vol prévue de 9 h 5 et une durée de service prévue de 10 h 35. Dans ce dernier cas, le temps de vol dépassait les 9 heures et un pilote de relève devait travailler durant le vol. Pour respecter la convention, le pilote de relève était en mise en place dans le vol ACA878 afin de travailler durant le vol de retour ACA879.

Grâce au pilote de relève, les équipages de conduite peuvent obtenir un repos de meilleure qualité en quittant le poste de pilotage et obtenir de plus longues périodes de repos.

Signalement et analyse des erreurs liées à la fatigue

Chez Air Canada, il existe plusieurs méthodes grâce auxquelles l'équipage de conduite peut communiquer diverses préoccupations qui surviennent lors d'opérations aériennes. Dans le cas des préoccupations liées à la sécurité du vol, un compte rendu de sécurité d'aviation est utilisé pour consigner l'événement à des fins d'analyse par le service de sécurité des vols en vertu du SGS d'Air Canada. Le compte rendu de sécurité d'aviation ne mentionne pas spécifiquement la fatigue sur le formulaire. Un compte rendu de l'équipage de conduite est utilisé pour consigner les préoccupations de nature administrative et contractuelle. À part ces moyens de signalement, l'Association des pilotes d'Air Canada (APAC) dispose également d'un formulaire portant précisément sur les préoccupations liées à la fatigue.

En 2010, la base de données du SGS ne contenait aucun compte rendu d'aviation concernant la fatigue; plus particulièrement, il n'y en avait aucun sur les vols vers l'est à destination de l'Europe ayant décollé en soirée. Inversement, il y avait cinq comptes rendus de l'équipage de conduite concernant des préoccupations liées à la fatigue dans ces types de vols et quatre de ces comptes rendus s'interrogeaient sur l'absence d'un pilote de relève dans ces vols vers l'est.

En novembre 2009, le SGS d'Air Canada a été évalué par Transports Canada. Dans cette évaluation, Transports Canada a fait des constatations modéréesFootnote 17 sur les éléments du SGS concernant les processus de signalement proactifs et réactifs pour la surveillance de la sécurité. Le plan de mesures correctives d'Air Canada a été envoyé en septembre 2010. Transports Canada a accepté le plan le 20 juillet 2011, la mise en œuvre devant se terminer avant le 31 juillet 2012.

Formation sur la gestion des risques liés à la fatigue chez Air Canada

La formation sur la gestion des risques liés à la fatigue est un élément de base de nombreuses défenses contre la fatigue. Elle fournit aux employés des connaissances sur les méthodes d'éviter, d'atténuer et de signaler la fatigue. La NSAC 720.23 Repos aux commandes dans le poste de pilotage exige que tous les membres de l'équipage de conduite participant au programme de repos aux commandes dans le poste de pilotage reçoivent une formation sur le programme ainsi qu'une formation sur les principes généraux de la fatigue et sur les mesures pour contrer la fatigue. Le manuel d'exploitation d'Air Canada contient une exigence de formation liée au repos aux commandes : [Traduction] « Avant de pouvoir se reposer aux commandes, les pilotes doivent se familiariser avec le contenu du bulletin pertinent du manuel d'exploitationFootnote 18 ».

Tous les pilotes d'Air Canada doivent suivre une formation annuelle périodique dans le cadre du programme de maintien des qualifications d'Air Canada. Les exigences de la NSAC 725.124 sont respectées par une matrice de formation de 6 ans évaluée par Air Canada et approuvée par Transports Canada annuellement. Les exigences de la NSAC 725.124 ne comprennent pas les exigences de la NSAC 720.23, donc Air Canada a ajouté un module distinct sur le repos aux commandes en 2005, 2006 et 2010. Le cours d'entraînement initial des nouveaux pilotes traite également du repos aux commandes.

Le commandant de bord et le copilote en étaient tous les deux à la troisième année du programme de formation annuelle périodique, lequel comprenait le module sur la gestion des risques liés à la fatigue. Le commandant de bord a participé à la formation annuelle périodique le 25 juin 2010 et le copilote, le 15 septembre 2010. Ce module durait environ 30 minutes et traitait de la science de la fatigue, ainsi que des moyens que les équipages de conduite peuvent utiliser pour atténuer la fatigue au travail et à la maison. La formation a traité brièvement des étapes du sommeil et des effets de l'inertie du sommeil.

L'approche adoptée dans le cas de la formation sur le repos aux commandes consistait à lire aux stagiaires la procédure sur le repos aux commandes. Les attentes de Transports Canada en matière de formation sur le repos aux commandes reposaient sur le Document d'Orientation S740.23, lequel fait référence au « Ames Fatigue Countermeasures Program » de la NASA. Ce programme fournit un module sur la gestion de la vigilance dans les vols. L'introduction de ce module indique que les renseignements doivent être présentés directement par une personne formée dans un mode interactif qui favorise la discussion.

En cas de nouveau document sur un sujet légèrement différent de ce qui est connu, mais qui est critique, il faut mettre l'accent sur cette différence afin qu'elle soit retenueFootnote 19. De plus, à moins que les employés connaissent la raison sous–jacente à l'enseignement de la procédure, il arrive souvent qu'ils se rabattent sur ce qui est connu ou qu'ils s'aventurent au–delà des limites prévues dans les procédures jusqu'à ce qu'ils rencontrent de véritables problèmes de sécuritéFootnote 20.

Le bulletin interne sur la sécurité des vols d'Air Canada, « Flight Line », a publié un article sur l'inertie du sommeil dans le numéro de l'automne/hiver de 2010. Ni le commandant de bord ni le copilote n'avaient lu cet article avant l'événement.

Connaissances, par les pilotes, de la fatigue et du repos aux commandes

Les pilotes du vol en question et plusieurs pilotes de ligne d'Air Canada ont été interrogés afin d'évaluer leurs connaissances des mesures d'atténuation de la fatigue et surtout leurs connaissances du repos aux commandes. Les connaissances générales sur la gestion du repos pour les vols étaient bonnes, mais il y avait des lacunes précises, notamment les connaissances sur les troubles du sommeil, comme ceux engendrés lorsqu'il faut prendre soin d'enfants, les périodes d'éveil la nuit ou les effets du ronflement sur la qualité du sommeil qui peuvent tous augmenter le risque de fatigue. Ils ne savaient pas comment déterminer si les symptômes de fatigue d'un collègue ou leurs propres symptômes étaient des indications d'inaptitude au vol, mais ils avaient de bonnes connaissances des méthodes qu'ils pouvaient utiliser pour atténuer la fatigue durant le vol.

Tous les pilotes comprenaient qu'ils devaient communiquer avec le personnel de la cabine avant de commencer une période de repos aux commandes, mais ils avaient tendance à s'appuyer sur leur propre évaluation de la somnolence du pilote qui n'est pas au repos afin de décider si le personnel de cabine avait besoin d'être informé qu'une période de repos commençait. Parce que les pilotes utilisent le repos aux commandes au moment où ils ont le plus sommeil, probablement au même moment que l'autre pilote en raison du rythme circadien de la fatigue, il existe un risque élevé que les deux pilotes s'endorment pendant une période de repos aux commandes la nuitFootnote 21. Une des raisons invoquées pour expliquer pourquoi ils étaient réticents à informer le personnel de la cabine sur le repos aux commandes venait du fait que le personnel de cabine n'avait pas accès à un tel repos. Ils ne savaient pas qu'en n'informant pas le personnel de cabine du repos aux commandes, ils créaient une situation où le pilote au repos pouvait être dérangé.

Il y avait beaucoup d'incompréhension à propos de la raison derrière la limite de 40 minutes du repos aux commandes. Certains pilotes croyaient que 20 à 40 minutes de repos n'offraient pas d'avantages appréciables et croyaient qu'ils avaient plutôt besoin d'une importante période de sommeil, soit 90 à 120 minutes. Certains d'entre eux ne savaient pas que dormir plus de 40 minutes comportait un risque élevé de passer au sommeil à ondes lentes et d'augmenter l'importance de l'inertie du sommeil.

Ils avaient peu de connaissances sur l'inertie du sommeil. Ils connaissaient le terme, mais ils ne savaient pas à quel point un pilote récemment réveillé pouvait être affaibli. Certains pilotes croyaient que la période de récupération après un repos servait pour s'informer sur l'état actuel du vol, alors que cette période sert plutôt pour rétablir la vigilance à pleine capacité.

Inertie du sommeil

L'inertie du sommeilFootnote 22 s'entend de la diminution du rendement après le sommeil qui se produit directement après le réveil. L'inertie du sommeil est un état physiologique de transition caractérisé par la confusion, la désorientation, un faible degré de stimulation et des déficits dans divers types de rendement cognitifs et moteursFootnote 23. Bien que la durée de l'inertie du sommeil soit habituellement courte, à savoir entre 1 et 15 minutesFootnote 24, certains effets néfastes peuvent durer jusqu'à 30 minutesFootnote 25 ou plusFootnote 26.

La recherche indique que la durée et la gravité de l'inertie du sommeil peut être pire :

Un des effets néfastes de l'inertie du sommeil est la réduction de la vitesse de traitement cognitifFootnote 31. Par exemple, une personne aux prises avec l'inertie du sommeil prend plus de temps à filtrer les renseignements visuels incongrusFootnote 32.

Compte tenu que la réduction de la vitesse de traitement cognitif, la confusion et la désorientation sont des diminutions du rendement caractéristiques de l'inertie du sommeil, et qu'il existe également une tendance à la distraction visuelle ainsi qu'une capacité réduite de filtrer les renseignements visuels pertinentsFootnote 33, il est important de prévoir suffisamment de temps pour récupérer après une sieste afin de contrer les effets néfastes de l'inertie du sommeil.

Il est également important de contrôler la durée du sommeil durant le repos aux commandes. Une étudeFootnote 34 a montré que les meilleurs temps de réaction étaient possibles après des siestes de seulement 20 minutes, par rapport à des siestes de 50 et de 80 minutes. Les résultats s'expliquent peut–être par un réveil durant le sommeil à ondes lentes dans le cas des siestes longuesFootnote 35.

Évaluation des trajectoires de vol des aéronefs en sens inverse la nuit

L'évaluation de la position relative la nuit est difficile : il y a peu de repères à l'extérieur à partir desquels la position et le mouvement d'un objet peuvent être évalués. Les repères visuels sont d'autant plus difficiles à trouver si l'éclairage dans le poste de pilotage est pleinement allumé. Lorsqu'il faut évaluer si un aéronef en rapprochement à une altitude similaire va passer au–dessus ou au–dessous de son appareil, il n'y a pas d'horizon à partir duquel évaluer le mouvement relatif. Lorsque l'aéronef est lointain, il apparaît comme un seul point de lumière ne bougeant pas par rapport à l'observateur. En s'appuyant sur des essais effectués dans un simulateur de B767 d'Air Canada, aucun mouvement distinct vers le haut ou vers le bas de l'aéronef en rapprochement n'était détectable dans le champ de vision avant que les aéronefs soient à 15 secondes l'un de l'autre à une vitesse de rapprochement de 900 noeuds. Un aéronef en rapprochement à une altitude supérieure se déplace vers le haut dans le champ de vision, alors qu'un aéronef en rapprochement à une altitude inférieure se déplace vers le bas dans le champ de vision. Il n'existe aucune illusion connue où une personne peut percevoir le déplacement d'un objet en rapprochement dans le sens opposé au véritable sens.

C–GHLQ Boeing 767–333

Les dossiers indiquent que l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Rien n'indique qu'il y ait eu un mauvais fonctionnement d'un système avant ou durant le vol.

L'aéronef était équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) d'une capacité d'enregistrement de 2 heures ainsi que d'un enregistreur numérique des données de vol (DFDR) d'une capacité d'enregistrement de 25 heures. L'événement a été enregistré sur le DFDR mais pas sur le CVR. Il restait 3 heures au vol avant que l'avion n'arrive à Zurich lorsque le tangage intempestif s'est produit, ce qui veut dire que l'enregistrement de l'événement a été oblitéré sur le CVR.

Au moment de l'événement, le directeur de vol du pilote automatique était embrayé dans le mode normal à chaîne unique pour la croisière. Un membre d'équipage de conduite peut utiliser les commandes lorsque le pilote automatique est embrayé : la servocommande du pilote automatique embrayé se dégage et l'équipage de conduite maîtrise directement les gouvernes principales. Un effort de poussée ou de traction de 24 livres est nécessaire pour avoir cet effet sur la servocommande de profondeur. Le copilote a utilisé un effort de poussée de 80 livres durant l'événement.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire du BST suivant :

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Analyse

Inertie du sommeil

Le copilote se sentait apte au vol lorsqu'il s'est présenté au travail à 19 h 35, moment qui coïncidait probablement avec un sommet circadienFootnote 36. Cependant, le sommeil interrompu obtenu dans les dernières 24 heures avant le vol a augmenté la probabilité que le copilote ressente de la fatigue et qu'il ait besoin de repos durant le vol de nuit vers l'est, surtout lorsqu'un creux circadien serait atteint. Le copilote s'est entièrement endormi durant le repos aux commandes, ce qui indique également un certain niveau de fatigue chez cette personne.

Afin de permettre au copilote de bénéficier d'une importante période de repos, le commandant de bord lui a permis de se reposer plus longtemps que la limite de 40 minutes, qui tient lieu de défense contre le passage au sommeil à ondes lentes. La période de repos de 75 minutes qui a suivie a augmenté la probabilité de sommeil à ondes lentes. La gravité et la durée de l'inertie du sommeil risquent également d'empirer si la personne est réveillée d'un sommeil à ondes lentes, surtout si le repos a lieu durant un creux circadien et que la personne est fatiguée. Compte tenu du lien entre les conditions qui aggravent l'inertie du sommeil, le sommeil et le repos aux commandes du copilote, ainsi que des observations voulant que le copilote ne se sente pas bien lorsqu'il a été réveillé, il est probable que le copilote était affecté par une importante inertie du sommeil.

Mesures prises à la suite de l'identification de l'aéronef en rapprochement

Le commandant de bord a suivi les procédures normalisées après que l'aéronef en rapprochement a été identifié par le TCAS sur l'écran de navigation. Il a cherché l'avion visuellement – qui, à ce moment, apparaissait comme un point de lumière unique environ droit devant l'avion – et il a vérifié les renseignements. Cette tâche était plus ardue puisque l'éclairage dans le poste de pilotage était réglé à l'intensité maximale, ce qui causait des reflets dans le pare–brise et empêchait de bien voir à l'extérieur. C'est vers ce moment que le copilote s'est réveillé. Afin d'éviter de le faire tressaillir, le commandant de bord lui a précisé deux fois la position relative de l'aéronef en rapprochement. À ce moment il s'était déroulé environ 1 minute depuis que le copilote s'était réveillé et celui–ci ressentait probablement les effets importants de l'inertie du sommeil. Le copilote n'était pas en mesure de bien saisir les renseignements des instruments et de l'extérieur de l'avion ou de préparer efficacement une réponse appropriée. Même s'il avait été formé pour interpréter les renseignements du TCAS et y réagir, le copilote s'est appuyé sur les renseignements immédiats communiqués par ses sens. Le copilote ressentait les effets de l'inertie du sommeil, donc il était probablement confus et désorienté, et il a perçu l'aéronef sur une trajectoire d'abordage imminent. Ainsi, le copilote a poussé sur le manche pour éviter l'abordage. Il s'est rapidement rendu compte de son erreur parce que l'aéronef semblait se déplacer vers le bas dans le champ de vision, ce qui n'était pas sensé. À ce moment, le commandant de bord avait tiré sur le manche pour ramener l'avion à son altitude précédente.

En identifiant l'aéronef en rapprochement, le commandant de bord a sollicité le copilote avant que les effets de l'inertie du sommeil se soient dissipés. En conséquence, le copilote n'a pas bien réagi à la situation.

Formation sur les procédures de repos aux commandes chez Air Canada

Plusieurs écarts par rapport aux instructions permanentes d'opérations (SOP) d'Air Canada sur le repos aux commandes se sont produits, notamment :

Chacune de ces mesures étaient conformes aux incompréhensions courantes chez les pilotes d'Air Canada.

Les procédures sur le repos aux commandes constituent un moyen de gérer le repos tout en évitant les conséquences dangereuses. Par exemple, si le sommeil dépasse 40 minutes, il existe un risque accru de sommeil à ondes lentes qui sera probablement suivi par une inertie du sommeil plus longue et plus grave. L'inertie du sommeil se produit après toutes les siestes. Toutefois, il est particulièrement important que les siestes la nuit sur un vol de l'Amérique du Nord à destination de l'Europe respectent la procédure puisqu'elles se produisent probablement lorsque d'autres facteurs risquent d'exacerber l'inertie du sommeil, comme durant un creux circadien.

La formation offerte par Air Canada sur le repos aux commandes se limitait à répéter aux stagiaires la procédure dans le FOM et n'expliquait ni ne mettait l'accent sur les limites des procédures et pourquoi elles sont importantes pour la sécurité. La publication sur la sécurité décrivait certaines de ces questions, mais ce type de formation ne permet pas d'atteindre le niveau de formation exigé de façon fiable.

Bien que de la formation sur le repos aux commandes ait été offerte et que le sujet ait été traité dans le bulletin de sécurité des vols d'Air Canada, ces mesures étaient insuffisantes pour que les pilotes comprennent et appliquent entièrement les procédures sur le repos aux commandes.

Analyse, chez Air Canada, des comptes rendus de fatigue

Chez Air Canada, il existe plusieurs méthodes que les équipages de conduite peuvent utiliser pour identifier les questions liées à la fatigue durant les vols : les comptes rendus de sécurité d'aviation, les comptes rendus de l'équipage de conduite et les formulaires portant précisément sur les préoccupations liées à la fatigue qui sont distribuées par l'APAC. Une gamme aussi étendue de possibilités crée une situation où les questions de sécurité liées à la fatigue peuvent être signalées dans un système sans être analysées parce qu'elles ne figurent pas dans le SGS d'Air Canada. Le système de production de rapports du SGS reconnu par Transports Canada n'est peut–être pas efficace puisque plusieurs autres systèmes de production de rapports sont utilisés pour signaler les questions de sécurité liées à la fatigue.

Sécurité des passagers

Un exposé avait été fait indiquant aux passagers de toujours porter leur sécurité de sécurité lorsqu'ils étaient à leur siège. Même si la consigne lumineuse des ceintures de sécurité était allumée et qu'il y avait eu une annonce sur la possibilité de turbulence, plusieurs passagers ont été blessés durant l'événement parce qu'ils n'avaient pas bouclé leur ceinture de sécurité. Certains passagers ne connaissaient peut–être pas les risques qu'ils couraient en ne gardant pas leur ceinture bouclée en tout temps lorsqu'ils étaient assis.

Utilisation d'un pilote de relève

Les vols de nuit de l'Amérique du Nord à destination de l'Europe présentent des risques intrinsèques de fatigue pour les pilotes basés en Amérique du Nord. À ce jour, la recherche n'a pas déterminé de niveau de vigilance requis afin d'assurer la sécurité des opérations à la fin d'un ce ces vols, surtout durant l'approche et l'atterrissage où la charge de travail est élevée. Bien que le repos aux commandes atténue la fatigue dans une certaine mesure, les études n'ont pas montré si cette mesure était suffisante pour atténuer entièrement la fatigue durant ce type de vol. L'obtention d'un repos plus efficace est possible grâce à l'utilisation d'un pilote de relève pendant les vols vers l'est.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le sommeil interrompu du copilote la veille du vol a augmenté la probabilité que celui–ci ait besoin de repos durant le vol de nuit vers l'est.
  2. Le copilote a dormi environ 75 minutes, entrant probablement dans un sommeil à ondes lentes qui a créé une inertie du sommeil plus longue et plus importante.
  3. Le copilote était dans un creux circadien en raison de l'heure de la journée et il était fatigué en raison de son sommeil interrompu, ce qui a augmenté son désir de dormir et aggravé son inertie du sommeil.
  4. En identifiant l'aéronef en rapprochement, le commandant de bord a sollicité le copilote avant que les effets de l'inertie du sommeil se soient dissipés.
  5. Le copilote étant sous les effets de l'inertie du sommeil, il a cru que l'aéronef en rapprochement était sur une trajectoire d'abordage et il a poussé sur le manche.
  6. La fréquence de la formation suivie par les membres de l'équipage de conduite et la portée des documents de formation sur la gestion des risques liés à la fatigue qu'ils ont consultés ont fait en sorte que les risques liés à la fatigue n'étaient pas bien compris et que les procédures sur l'utilisation du repos aux commandes n'ont pas été suivies.
  7. Même si la consigne de sécurité des ceintures de sécurité était allumée et qu'il y avait eu une annonce sur la possibilité de turbulence, plusieurs passagers ont été blessés durant l'événement parce qu'ils n'avaient pas bouclé leur ceinture.

Faits établis quant aux risques

  1. Les pilotes basés en Amérique du Nord volant de nuit vers l'est à destination de l'Europe courent un risque accru de diminution de leur rendement à cause de la fatigue.
  2. L'utilisation de plusieurs systèmes de production de rapports sur les événements liés à la sécurité peut faire en sorte que des questions de sécurité ne soient pas identifiées et analysées.
  3. Certains passagers ne connaissent peut–être pas les risques qu'ils courent s'ils ne gardent pas leur ceinture bouclée en tout temps lorsqu'ils sont assis.

Autre fait établi

  1. La capacité d'enregistrement de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) de l'avion étant limitée à 2 heures, les renseignements propres à l'événement ont été oblitérés.

Mesures de sécurité

Air Canada

Le 2 mars 2011, Air Canada a publié le bulletin FOM 13–11, lequel indiquait que les équipages de conduite devaient respecter tous les éléments des SOP pour que le repos aux commandes soit utilisé en toute sécurité. Le bulletin mettait l'accent sur l'obligation de communiquer avec l'agent de bord pertinent et de lui indiquer de communiquer avec le poste de pilotage au plus tard 45 minutes après l'entretien.

Le 2 mars 2011, Air Canada a publié le bulletin FOM 14–11, lequel mettait l'accent sur les avantages d'utiliser la procédure de décalage latéral stratégique (SLOP) et de se décaler de 1 ou 2 nm en tout temps, y compris sur les routes aléatoires, à moins qu'une telle mesure mette l'aéronef sur une route moins favorable.

Le 23 mars 2011, les opérations aériennes d'Air Canada ont publié le bulletin 28–11 dans lequel était mentionné un exercice de collecte de données par le Pairing Evaluation and Assessment Committee (comité d'évaluation des appariements) pour la route Toronto–Zurich afin de comprendre les niveaux de vigilance des équipages de ces vols. L'entreprise et l'association sont toutes deux représentées dans le comité.

Le service de la sécurité des cabines d'Air Canada a publié un bulletin à l'intention de tout son personnel de service de cabine pour indiquer que le personnel de cabine jouait un rôle important en vertu des SOP sur le repos aux commandes dans le poste de pilotage. Le bulletin mettait l'accent sur l'exposé que l'équipage de conduite doit donner et sur l'appel au poste de pilotage qu'il faut faire après 45 minutes.

Association des pilotes d'Air Canada (APAC) – division technique et de sécurité

Le 1er mars 2011, l'APAC a publié le bulletin d'information no 3, un « Crew Flash Alert » (alerte flash à l'intention des équipages) de la division technique et de sécurité, au sujet de la collecte de données dans les vols ayant lieu durant le creux circadien. Cet exercice de collecte de données sur 60 jours a commencé par la liaison Toronto–Zurich–Toronto, mais il pourrait s'étendre à d'autres routes semblables. Les pilotes devaient remplir un formulaire de fatigue de l'APAC avant la descente pour figurer le niveau subjectif de vigilance et de fatigue. Cette enquête s'ajoute aux efforts de collecte de données du service des normes et de la qualité des vols.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .

Annexes

Annexe A – Plan des sièges et de l'emplacement des blessés