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Rapport d'enquête aéronautique A11O0098

Sortie de piste
Skycharter Ltd.
Dassault Falcon 10 C-GRIS
Aéroport municipal de Toronto/Buttonville (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Synopsis

Le Dassault Falcon 10 (immatriculé C-GRIS, numéro de série 002) exploité par Skycharter Ltd. effectuait un vol depuis l'Aéroport international Lester B. Pearson-Toronto à destination de l'aéroport municipal de Toronto/Buttonville (Ontario) avec 2 pilotes à bord. Le contrôle de la circulation aérienne a autorisé l'aéronef à effectuer une approche contact vers la piste d'atterrissage 33. Durant le virage à gauche à l'approche finale, l'aéronef a dépassé l'axe de piste. Le pilote a alors compensé cet écart par un virage serré à droite pour aligner l'aéronef sur le cap de piste, et a posé l'aéronef juste au-delà des marques de seuil de piste. Immédiatement après l'atterrissage, l'aéronef a quitté la piste vers la droite, a poursuivi sa course sur l'entrepiste et la voie de circulation Bravo et a heurté un panneau de signalisation de piste/voie de circulation, mais a évité les aéronefs qui étaient garés sur l'aire de trafic. L'aéronef s'est immobilisé sur l'entrepiste devant la piste 21/03. L'aéronef a été lourdement endommagé, mais est demeuré à l'endroit, et le train d'atterrissage ne s'est pas affaissé. Aucun incendie ne s'est déclaré, et les membres de l'équipage de conduite n'ont pas été blessés. Le contrôleur de la tour de l'aéroport de Toronto/Buttonville a observé le déroulement de l'incident et a immédiatement appelé les services d'intervention d'urgence de la municipalité. L'accident est survenu à 15 h 06, heure avancée de l'Est.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Vers 15 hFootnote 1, l’aéronef en cause a décollé de la piste 05 à l’Aéroport international Lester B. Pearson-Toronto (CYYZ). L’équipage de conduite a effectué les vérifications après décollage et a amorcé la montée vers l’altitude autorisée de 5000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl).

À 15 h 00 min 56 s, alors que l’aéronef avait franchi une altitude de 3400 pieds asl, le contrôleur des départs de Toronto a émis une nouvelle autorisation pour que l’aéronef maintienne une altitude de 4000 pieds asl.

À 15 h 01 min 20 s, le premier officier (P/O) et pilote qui n’est pas aux commandes (PNF), qui occupait le siège de droite, a changé la fréquence de communication, passant de celle du contrôleur des départs de Toronto à celle du service automatique d’information de région terminale (ATIS) de l’aéroport municipal de Toronto/Buttonville (CYKZ) pour obtenir les plus récentes informations sur l’aéroport et les conditions météorologiques. Le commandant de bord et pilote aux commandes (PF), qui occupait le siège de gauche, écoutait la fréquence du contrôleur des départs de Toronto sur l’autre radio.

À 15 h 01 min 42 s, alors que l’aéronef volait en palier à 4000 pieds asl à une vitesse sol de 270 nœudsFootnote 2, le contrôleur des départs de Toronto a autorisé l’aéronef à descendre à 3000 pieds asl et à naviguer directement vers CYKZ. Au cours des 30 secondes suivantes, le commandant de bord a tenté à 4 reprises de répéter l’autorisation, mais le contrôleur des départs de Toronto n’a pas reçu les transmissions. Le commandant de bord a alors demandé au P/O d’accuser réception de l’autorisation au moyen de l’autre radio. Lorsque l’aéronef a amorcé sa descente, sa vitesse sol a atteint 290 nœuds.

À 15 h 02 min 34 s, l’aéronef avait franchi 3400 pieds aslFootnote 3 en descente à une vitesse sol de 280 nœuds, et se trouvait à 6 milles marins (nm) à l’ouest de CYKZ. Le P/O a de nouveau changé de radiofréquence pour communiquer avec le contrôleur des départs de Toronto afin de confirmer l’autorisation.

À 15 h 02 min 53 s, le contrôleur des départs de Toronto a demandé à l’aéronef de changer de fréquence pour celle du centre de contrôle régional (ACC) de Toronto. Une fois le contact radio établi, le contrôleur de l’ACC de Toronto a autorisé l’aéronef à descendre à 2400 pieds asl et à prévoir une approche contact ou visuelle vers la piste 33 de l’aéroport CYKZ.

À 15 h 03 min 25 s, le contrôleur de l’ACC de Toronto a autorisé l’aéronef à effectuer une approche contact vers la piste 33, à amorcer sa descente et à maintenir une approche serrée, car il y avait d’autres aéronefs à suivre. À ce stade, l’aéronef se trouvait à environ 3 nm de l’aéroport et avait franchi une altitude de 2600 pieds asl en descente à une vitesse sol de 230 nœuds. L’aéronef se dirigeait vers le seuil de la piste 33 en virage serré à l’étape de base gauche.

À 15 h 03 min 40 s, à 1,6 nm du seuil de piste, alors qu’il volait à une vitesse sol de 220 nœuds et avait atteint une altitude de 1900 pieds asl, l’aéronef a viré à droite afin d’élargir l’étape de base gauche (Figure 1).

Figure 1. Tracé radar de la trajectoire de vol de l'aéronef
Figure of Tracé radar de la trajectoire de vol de l'aéronef

À 15 h 03 min 53 s, le contrôleur de l’ACC de Toronto a demandé à l’aéronef de changer de fréquence et de sélectionner celle de la tour de CYKZ. Le commandant de bord a demandé de régler les volets, et le P/O a confirmé la demande du contrôleur de l’ACC de Toronto. Le P/O a ensuite communiqué avec le contrôleur de la tour de CYKZ pour fournir le numéro d’identification du vol et la position de l’aéronef en étape de base gauche pour la piste 33. Le contrôleur de la tour de CYKZ a fourni l’information d’altimètre et a autorisé l’aéronef à atterrir sur la piste 33. À ce stade, l’aéronef avait franchi 1400 pieds asl en descente à une vitesse sol de 210 nœuds et se trouvait à environ 0,3 nm de la trajectoire de rapprochement de la piste 33. L’aéronef a rétabli le vol rectiligne après le virage à droite et a continué à voler en direction est. Il a traversé la trajectoire de rapprochement à un angle transversal d’environ 120° et à environ 1 nm de l’approche finale. En tentant de regagner l’axe de piste, l’aéronef s’est incliné vers la gauche à un angle surpassant 30°. L’aéronef a dépassé l’axe de piste d’environ 0,3 nm.

À 15 h 04 min 20 s, le dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS) a déclenché une alerte auditive indiquant au pilote de cabrer l’aéronef. Le P/O a annoncé une approche interrompue en utilisant une phraséologie non standard et un faible timbre de voix. Le commandant de bord a répondu, mais a néanmoins poursuivi l’approche. Peu après, le GPWS a déclenché une autre alerte sonore indiquant au pilote de cabrer l’aéronef.

À 15 h 04 min 29 s, l’aéronef se trouvait à environ 300 pieds au-dessus du sol (agl), à 0,7 nm au sud de la piste 33 et à 0,3 nm à l’est de la trajectoire de rapprochement, incliné à gauche vers le seuil de la piste d’atterrissage. Le commandant de bord a demandé les volets braqués à fond et a viré à droite à une forte inclinaison, après avoir regagné l’axe de piste en courte finale.

À 15 h 04 min 35 s, le GPWS a annoncé une altitude de 200 pieds. Le P/O a rappelé au commandant de bord la vitesse d’approche de référence (Vref)Footnote 4, et à 2 reprises a annoncé Vref plus 5 nœuds.

À 15 h 04 min 46 s, le GPWS a annoncé une altitude de 100 pieds. Le P/O a avisé le commandant de bord que les volets étaient complètement sortis.

À 15 h 04 min 48 s, le GPWS a annoncé une altitude de 40 pieds. Moins d’une seconde plus tard, le P/O a demandé plus de puissance moteur.

À 15 h 04 min 49 s, l’aéronef a fait un atterrissage dur sur le train d’atterrissage principal avec une assiette de cabré prononcée, puis a immédiatement quitté la surface de la piste vers la droite. Il n’a pas été possible de déterminer précisément la vitesse sol de l’aéronef à sa sortie de piste, mais on estime qu’elle était inférieure à 110 nœuds. Le commandant de bord a serré les freins et a d’abord tenté de rediriger l’aéronef sur la piste au moyen de la gouverne de direction. Toutefois, à cause de la surface gazonnée de l’entrepiste, les tentatives de freinage et de contrôle de l’aéronef étaient inefficaces. Le commandant de bord aurait pu utiliser le dispositif d’orientation du train avant, mais cette manœuvre n’est habituellement utilisée qu’à des vitesses inférieures à 80 nœuds.

L’aéronef a ainsi traversé l’entrepiste gazonnée jusqu’à l’intersection des voies de circulation Charlie et Bravo, s’est engagé sur la voie de circulation Bravo, et a heurté un panneau de signalisation de piste/voie de circulation avant de traverser l’intersection des voies de circulation Bravo et Alpha. L’avion a heurté le panneau avec le côté droit du fuselage avant, et le bord d’attaque intérieur et les becs de l’aile droite. La force de l’impact entre l’aéronef et le panneau était suffisante pour arracher ce dernier de sa base avant qu’il ne s’immobilise derrière l’aéronef, sur l’aire de trafic. L’aéronef s’est enfin immobilisé sur la pelouse juste au-delà de l’intersection des voies de circulation Bravo et Bravo/Alpha.

Le contrôleur de la tour de CYKZ a observé l’aéronef qui sortait de la piste et a immédiatement lancé un appel d’urgence pour alerter les services d’urgence de la municipalité. Les pilotes ont coupé l’alimentation électrique des 2 moteurs de l’aéronef et ont ensuite quitté l’aéronef par la porte principale de la cabine. Au total, la durée du vol a été d’environ 6 minutes, et ce, à partir de l’application de la puissance de décollage sur la piste 05 de l’aéroport CYYZ, jusqu’à la coupure des moteurs après l’immobilisation de l’aéronef sur l’entrepiste gazonnée en bordure de la voie de circulation Bravo.

Renseignements sur l'équipage

Les dossiers indiquent que l’équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Les 2 pilotes étaient détenteurs d’une licence de pilote de ligne valide et avaient reçu la formation périodique sur le Falcon 10 en janvier 2011. Les dossiers de formation indiquent que les pilotes avaient également reçu la formation en gestion des ressources de l’équipage (CRM) dans le cadre d’une formation sur simulateur de vol.

Le commandant de bord avait accumulé environ 12 000 heures de vol au total, dont 4000 heures aux commandes d’aéronefs Falcon 10. Pour sa part, le P/O comptait 7100 heures de vol au total, dont 475 heures à bord d’aéronefs Falcon 10. Les 2 pilotes avaient été hors service pendant environ 60 heures avant l’incident et étaient bien reposés. Rien ne donne à croire que des facteurs physiologiques aient pu nuire à leur performance. Les 2 pilotes pilotaient cet aéronef exclusivement pour le compte de Skycharter et formaient toujours un équipage de conduite ensemble. Les pilotes connaissaient bien les procédures opérationnelles et les tâches à l’intérieur du poste de pilotage. L’équipage n’effectuait pas régulièrement cette route, ni d’autres routes aussi courtes.

Le tableau ci-après illustre la nature du pilotage de vols nolisés, qui se fait sur demande. Les heures de vol sont limitées, et étant donné que les équipages de conduite doivent toujours se tenir prêts à effectuer des vols nolisés pour leur employeur, la politique de telles entreprises interdit aux pilotes d’offrir leurs services à d’autres exploitants.

Membre de l'équipage de conduite Heures dans les 30 derniers jours Heures dans les 60 derniers jours Heures dans les 90 derniers jours
Commandant de bord 10 25,2 28,0
Premier officier 10 25,2 28,0

Gestion des ressources de l'équipage (CRM)

La CRM, que l’on appelait à l’origine la gestion des ressources du poste de pilotage, a été élaborée autour de 1979 durant un atelier de la NASA, alors qu’il a été reconnu que l’erreur humaine menait à des accidents d’aéronefs. La CRM porte principalement sur la communication interpersonnelle, le leadership et la prise de décisions. Durant la formation en CRM, les équipages de conduite apprennent en participant à différents scénarios qui peuvent survenir durant un vol et qui pourraient mettre à risque la sécurité du vol. La CRM permet aux équipages de conduite de développer des compétences de communication de sorte que lorsqu’un membre constate une situation dangereuse, il la communique de manière à attirer l’attention du commandant de bord, et à provoquer une réponse et une confirmation du commandant de bord et des autres membres de l’équipage. Les procédures d’utilisation normalisées (SOP) de l’entreprise intègrent dans une certaine mesure la CRM, au moyen d’une approche « action et réponse » à différentes annonces, selon l’étape du vol.

Procédures d'utilisation normalisées (SOP) de Skycharter

Les SOP de Skycharter indiquent que les équipages de conduite doivent utiliser la liste de vérifications du Falcon 10 durant tous les vols. Cette liste fournit aux équipages de conduite une méthode étape par étape pour vérifier et préparer les systèmes de bord en vue de chaque étape du vol.

Cette liste doit être utilisée selon une méthode question-réponse avec des phrases établies d’avance. Si le commandant de bord ne demande pas qu’on effectue la liste de vérifications au moment voulu, le P/O doit le lui rappeler. Aucun écart par rapport à ces procédures n’est acceptable, à moins que le commandant de bord détermine que la sécurité du vol est en péril.

Durant le vol en cause, l’équipage de conduite a utilisé la liste de vérifications jusqu’à l’étape après décollage. Toutefois, ni le commandant de bord ni le P/O n’a utilisé la liste de vérifications pour les étapes de croisière, d’avant descente, d’approche et d’atterrissage.

D’après les SOP, avant toute approche, le PF doit donner un exposé d’approche qui comprend le type d’approche, la piste d’atterrissage, les aides à la navigation, les altitudes d’approche et le point d’approche interrompue. Il existe des appels standards pour tout écart par rapport à la vitesse indiquée, à l’altitude, à la trajectoire d’alignement ou à la trajectoire de descente, et lorsque l’angle d’inclinaison est supérieur à 30°. Aucune annonce n’a été faite relativement à de tels écarts durant ce vol.

D’après les SOP de Skycharter, l’aéronef doit se conformer aux critères de la fenêtre d’approche à moins de 500 pieds au-dessus de la piste d’atterrissage, sans quoi on doit effectuer une approche interrompe.

Les critères de la fenêtre d’approche de Skycharter sont les suivants :

La phraséologie normalisée, indiquée dans les SOP de l’exploitant, est « Missed Approach » (approche interrompue). Les SOP ne comprennent aucune procédure à suivre en cas d’alerte du GPWS.

D’après les SOP, la vitesse indiquée pour une approche selon les règles de vol à vue (VFR) devrait être de 160 nœuds à l’étape vent arrière du circuit, de 140 nœuds à l’étape de base, et de Vref plus 10 nœuds à l’approche finale. Avant le décollage du vol en cause, l’équipage de conduite avait déterminé que la Vref était de 117 nœuds en fonction d’une masse à l’atterrissage de 17 000 livres. L’aéronef avait reçu l’autorisation de se diriger directement à l’aéroport CYKZ et a rejoint le circuit à l’étape de base. À ce point-ci, la vitesse corrigée de l’aéronef était de 186 nœuds.

Règlement de l'aviation canadien (RAC)

D'après le paragraphe 602.32(1) du Règlement de l'aviation canadien (RAC) :

[…] il est interdit :

  1. d'utiliser un aéronef à une vitesse indiquée de plus de 250 nœuds lorsque celui-ci se trouve à une altitude inférieure à 10 000 pieds asl;
  2. b) d'utiliser un aéronef à une vitesse indiquée de plus de 200 nœuds lorsque celui-ci se trouve à une altitude inférieure à 3 000 pieds agl et à une distance de 10 milles marins ou moins d'un aérodrome contrôlé, à moins d'y être autorisé par une autorisation du contrôle de la circulation aérienne.

Critères d'une approche stabilisée

Le groupe d’étude Approach and Landing Accident Reduction (ALAR) de la Flight Safety Foundation (FSF) a examiné 76 accidents et incidents graves survenus aux phases d’approche et d’atterrissage qui ont eu lieu de 1984 à 1997, et a conclu que des approches non stabilisées étaient un facteur causal dans 66 % de ces événements.

Ce groupe d’étude a conclu que les approches avec puissance (c’est-à-dire, hautes et vites) menaient à la perte de maîtrise de l’aéronef, aux sorties en bout de piste et aux sorties de piste.

Ce groupe a également conclu que certaines difficultés de manœuvrabilité en vol, entre autres lorsque l’équipage de conduite est incapable de maintenir l’aéronef à l’intérieur des paramètres souhaités comme la vitesse indiquée, l’altitude et la vitesse de descente, étaient des facteurs de causalité dans 45 % des accidents et des incidents graves survenus aux phases d’approche et d’atterrissage.

On considère qu’une approche est stabilisée uniquement lorsqu’elle respecte tous les critères des SOP de l’exploitant, avant ou au moment où l’aéronef atteint l’altitude minimale de stabilisation applicable. On doit immédiatement remettre les gaz lorsqu’une approche devient non stabilisée à moins de 1000 pieds agl dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC), ou à moins de 500 pieds au-dessus de l’altitude d’aérodrome dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC) (Annexe A).

Durant le vol en cause, il y avait plusieurs indicateurs d’une approche non stabilisée, entre autres : l’angle d’inclinaison excessif, l’activation du GPWS, la sortie tardive des volets, les écarts excessifs par rapport aux paramètres de vol au moment de franchir l’altitude minimale de stabilisation et l’écart par rapport à la trajectoire jusqu’au seuil de la piste.

Sortie de piste

Les traces de pneus laissées par le train d’atterrissage principal indiquaient que le train d’atterrissage principal gauche a touché la piste en premier, suivi du train d’atterrissage principal droit 24 pieds plus loin. Il a été déterminé l’aéronef est sorti de la piste à un angle de 37° à la droite de l’axe de piste, ou à un cap magnétique de 007°. Les traces de pneus indiquaient également que l’aéronef se trouvait déjà à cet angle lorsque le train d’atterrissage principal a touché le sol, et que, peu après le toucher des roues, les freins ont été serrés avec suffisamment de force pour activer le système d’antidérapage (Annexe B).

Dommages à l'aéronef

Les becs étaient sortis pour l’atterrissage et ont été lourdement endommagés par l’impact avec le panneau. Le bout de l’aile droite a également été endommagé par le contact avec le sol lorsque l’aéronef a traversé l’entrepiste.

Les dommages semblaient être limités au fuselage avant ainsi qu’à l’aile et aux becs de droite, mais des inspections menées après que l’aéronef a été retiré de l’entrepiste ont révélé d’importants dommages à la jambe et au cadre-support du train avant.

En outre, des inspections internes des 2 moteurs ont révélé qu’ils avaient aspiré de la terre et de l’herbe, et qu’ils étaient donc désormais hors service.

Renseignements sur l'aéronef

Les dossiers indiquent que l’aéronef était en bon état de service pour le vol prévu et qu’il ne présentait aucune défectuosité qui n’avait pas été corrigée. L’aéronef comptait au total 12 697 heures en service. Il avait été en service continu chez cet exploitant pendant environ 20 ans, et il a été entretenu conformément à la réglementation en vigueur et à un programme de maintenance approuvé.

L’aéronef était doté d’un système de freinage antidérapage assisté pour faciliter la maîtrise en direction et empêcher le blocage des roues au toucher, mais il n’était pas doté d’inverseurs de poussée. Avec cet aéronef, l’équipage de conduite doit normalement actionner les aérofreins après le toucher des roues, ce qui accroît la traînée aérodynamique et ainsi réduit la vitesse sol. Durant l’atterrissage et après le toucher des roues, l’équipage n’a pas actionné les aérofreins, contrairement aux procédures d’atterrissage décrites dans le manuel de vol de l’avion.

Cet aéronef était doté d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR), qui a été retiré de l’aéronef et dont le contenu a été téléchargé au Laboratoire technique du BST. Par contre, il n’était pas doté d’un enregistreur de données de vol (FDR), et n’était pas tenu d’en avoir un, selon la réglementation en vigueur.

Système d'avertissement et d'alarme d'impact

Cet aéronef était doté d’un système d’avertissement et d’alarme d’impact (TAWS)Footnote 5 Sandel ST 3400 de classe BFootnote 6. Le TAWS fournit à l’équipage de conduite les alertes GPWS, qui comprennent des indications sonores et visuelles en cas de collision par inadvertance avec le relief. Selon l’altitude radar et l’étape de vol d’un aéronef, le GPWS génère des alertes lorsque les éléments suivants sont considérés comme dangereux :

La FSF recommande les procédures GPWS suivantes durant toutes les opérations aériennes :

Renseignements sur l'aéroport et conditions météorologiques

Le message d’observation météorologique régulière pour l’aviation (METAR) de 15 h pour l’aéroport CYKZ indiquait un vent 220° vrai à 2 nœuds, une visibilité de 10 milles terrestres (sm), quelques nuages à 2900 pieds, des nuages fragmentés à 5100 pieds, une température de 22 °C, un point de rosée de 17 °C, et un calage altimétrique de 29,84 pouces de mercure.

Les prévisions de vents en altitude à 3000 pieds indiquaient un vent debout d’un nœud durant le vol en cause.

L’aéroport CYKZ est un aéroport contrôlé situé à une altitude de 650 pieds et qui compte 2 pistes à surface asphaltée. La piste 15/33 mesure 3897 pieds de long et 100 pieds de large. La piste 03/21 mesure 2694 pieds de long et 80 pieds de large. La piste 15/33 est bordée du côté droit par des hangars de maintenance et d’entreposage d’aéronefs adjacents à la voie de circulation Bravo, et du côté gauche par la voie de circulation Charlie. Il y a une aire de trafic pour aéronefs garés à la droite de la voie de circulation Bravo, juste avant la voie de circulation Bravo/Alpha.

Le rapport suivant a été préparé par le laboratoire technique du BST :

Analyse

L’enquête a déterminé que l’aéronef était en bon état de service et qu’il n’existait aucune défectuosité de maintenance qui pouvait nuire à l’aéronef durant le vol. En outre, la fatigue de l’équipage de conduite et les conditions météorologiques n’ont pas contribué à cet incident. L’enquête a donc porté principalement sur la façon dont l’équipage de conduite a manœuvré l’aéronef avant le toucher des roues sur la piste 33, et sur les procédures que l’équipage a suivies durant cet incident.

Étant donné que le vol dans son ensemble a duré environ 6 minutes et qu’il s’est déroulé à moins de 4000 pieds asl, il n’était pas nécessaire de voler à la vitesse enregistrée durant le vol. Même si les indications radar ont fourni les valeurs de vitesse au sol, il a été déterminé que, même après les conversions aux valeurs de vitesse indiquée, l’aéronef volait plus vite que les limites permises par la réglementation actuelle et les SOP de Skycharter.

Cette vitesse excessive, jumelée au fait que l’équipage de conduite n’effectuait pas régulièrement cette route ou d’autres routes aussi courtes, a réduit le temps dont disposait l’équipage pour effectuer toutes les tâches indiquées dans les SOP de l’entreprise, celles de la liste de vérifications ainsi que l’exposé d’approche. L’équipage de conduite a ainsi réalisé une approche non stabilisée.

L’ATC avait demandé à l’équipage de conduite de suivre un circuit serré. À cause de sa vitesse excessive, toutefois, l’aéronef a dépassé la trajectoire d’approche finale. L’affichage radar a indiqué que l’aéronef est passé au circuit d’approche finale à une vitesse d’environ 140 nœuds. C’est ainsi que l’aéronef a dû effectuer un virage à gauche à un angle d’inclinaison supérieur à 30°, bien au-delà de la limite stipulée dans les SOP et en dehors des critères de la FSF pour une approche stabilisée. La distance au seuil de la piste continuait de diminuer rapidement, et les manœuvres pour regagner le cap de piste sont devenues plus agressives et non standard.

Le P/O a demandé une approche interrompue au moyen d’un appel non standard. L’alerte sonore GPWS a sonné à 2 reprises. L’une ou l’autre de ces actions aurait dû inciter le commandant de bord à effectuer une approche interrompue. L’appel non standard et le timbre de voix du P/O n’ont pas suffi pour inciter le commandant à interrompre l’approche. La détermination du commandant de bord à poser l’aéronef ou encore son manque de conscience du degré d’instabilité de la trajectoire de vol ont probablement influé sur sa décision de ne pas effectuer une approche interrompue.

Le commandant de bord a demandé les pleins volets à l’approche finale, et le P/O a exécuté la commande. Les volets ont atteint leur pleine extension environ 13 secondes plus tard, alors que l’aéronef se trouvait à environ 40 pieds au-dessus de la piste.

Juste avant le toucher des roues, le P/O a demandé l’augmentation de la puissance moteur, probablement pour ralentir la vitesse de descente. Le commandant de bord n’a pas augmenté la puissance moteur, et l’aéronef a fait un atterrissage dur. Les efforts pour diriger l’aéronef à l’aide de la gouverne de direction et pour freiner n’ont pas réduit la vitesse ou permis de diriger l’aéronef, puisque les pneus n’offraient que très peu de traction sur la pelouse.

Les freins ont retrouvé leur efficacité lorsque l’aéronef a quitté l’entrepiste pour revenir sur la voie de circulation Bravo asphaltée. Toutefois, l’équipage n’a pas repris l’entière maîtrise en direction de l’aéronef. Celui-ci a alors heurté un panneau de signalisation de piste/voie de circulation avant de quitter la voie de circulation Bravo et atteindre l’entrepiste gazonnée.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L’équipage de conduite a effectué une approche non stabilisée à une vitesse indiquée excessive.
  2. Le fait que l’équipage n’a pas adhéré aux procédures d’utilisation normalisées de l’entreprise ni aux principes de gestion des ressources de l’équipage, et aussi le fait qu’il n’a pas effectué tous les éléments de la liste de vérifications, sont autant de facteurs qui ont contribué à cet incident.
  3. La détermination du commandant de bord à poser l’aéronef ou son manque de conscience du degré d’instabilité de la trajectoire de vol ont probablement influé sur sa décision de ne pas obéir aux alertes sonores du GPWS et à l’appel d’approche interrompue du premier officier
  4. L’appel non standard et le timbre de voix du premier officier n’ont pas suffi pour convaincre le commandant de bord d’interrompre l’approche.
  5. Au toucher des roues, l’équipage de conduite a perdu la maîtrise en direction de l’aéronef et celui-ci a quitté la piste avec suffisamment de vitesse pour contrer toute tentative de reprise de commande de l’aéronef.

Fait établi quant aux risques

  1. Les entreprises dont les procédures d'utilisation normalisées ne comprennent pas de procédure liée aux systèmes d'avertissement de proximité du sol pourraient compromettre la sécurité des équipages de conduite et des passagers en cas d'alerte.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .

Annexes

Annexe A — Éléments d'une approche stabilisée recommandés par la Flight Safety Foundation [Traduction]Footnote 8

Tout appareil doit être stabilisé avant d’atteindre une hauteur de 1000 pieds au-dessus de l’altitude de l’aéroport dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC), et une hauteur de 500 pieds au-dessus de l’altitude de l’aéroport dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC).

On considère qu’une approche est stabilisée lorsqu’elle répond à tous les critères suivants :

  1. l’aéronef se trouve sur la bonne trajectoire de vol;
  2. seules des rectifications mineures au cap ou au tangage sont requises pour maintenir la bonne trajectoire de vol;
  3. la vitesse indiquée de l’aéronef n’est pas supérieure à Vref + 20 nœuds, et non inférieure à Vref;
  4. l’aéronef présente la bonne configuration d’atterrissage;
  5. la vitesse verticale de descente n’est pas supérieure à 1000 pieds/minute; si une approche exige une vitesse verticale de descente supérieure à 1000 pieds/minute, des instructions spéciales devraient être communiquées;
  6. le réglage de puissance de l’aéronef est approprié en fonction de sa configuration et ne se trouve pas en deçà de la puissance minimale d’approche définie dans le manuel d’utilisation de l’aéronef;
  7. tous les exposés ont été donnés, et tous les éléments des listes de vérifications ont été effectués;
  8. certains types particuliers d’approche sont considérés comme étant stabilisés s’ils respectent également les exigences suivantes : les approches de système d’atterrissage aux instruments (ILS) doivent être à moins d’un point d’écart par rapport à la trajectoire de descente et à la trajectoire d’alignement; une approche ILS de catégorie II ou de catégorie III doit s’effectuer à l’intérieur de la bande d’index d’écart d’alignement de piste; durant une approche indirecte, en approche finale, les ailes de l’aéronef doivent être à l’horizontale lorsque celui-ci arrive à 300 pieds au-dessus de l’altitude de l’aéroport;
  9. des procédures d’approche uniques en leur genre ou des conditions météorologiques anormales qui exigent une dérogation par rapport aux éléments d’approche stabilisée ci-dessus requièrent aussi des exposés spéciaux. Une approche qui devient non stabilisée à une hauteur inférieure à 1000 pieds au-dessus de l’altitude de l’aéroport dans des conditions IMC, ou une hauteur inférieure à 500 pieds au-dessus de l’altitude de l’aéroport dans des conditions VMC, exige une remise immédiate des gaz.

On attribue les approches non stabilisées aux facteurs suivants :

Annexe B — Schéma de sortie de piste