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Rapport d'enquête aéronautique A16P0078

Amerrissage dur
Inland Air Charters Ltd.
de Havilland DHC-2 Mk. I (Beaver), C-FJOM
Kitkatla (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'aéronef de Havilland DHC-2 Mk. I Beaver (immatriculé C-FJOM, numéro de série 1024) d'Inland Air Charters Ltd. effectuait un amerrissage par vents traversiers à l'hydrobase de Kitkatla (Colombie-Britannique) avec le pilote et 6 passagers à bord. Vers 14 h 40, heure avancée du Pacifique, l'aéronef a amerri sur le flotteur gauche avec suffisamment de force pour que l'aéronef rebondisse dans les airs. Son flotteur droit a ensuite percuté la surface de l'eau, ce qui a fait céder la structure de soutien des flotteurs. L'aéronef a capoté, et l'eau a envahi la cabine. Les 7 occupants ont tous évacué la cabine de l'aéronef alors que celle-ci s'enfonçait dans l'eau. L'aéronef s'est immobilisé près du rivage, et des navigateurs locaux ont pu immédiatement secourir le pilote et les passagers. Un passager a été gravement blessé, tandis que les autres passagers et le pilote ont été légèrement blessés. L'aéronef n'était pas doté d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT). Aucun incendie ne s'est déclaré après l'impact.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Vers 14 h 20Note de bas de page 1 le 24 mai 2016, l'aéronef de Havilland DHC-2 Mk. I Beaver (immatriculé C-FJOM, numéro de série 1024) muni de flotteurs, exploité par Inland Air Charters Ltd. (ci-après appelée Inland Air), a quitté l'hydrobase de Prince Rupert/Seal Cove (CZSW) (Colombie-Britannique) pour effectuer un vol régulier selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de l'hydrobase de Kitkatla (CAP7) (Colombie-Britannique). Le vol vers CAP7, situé à environ 30 milles marins au sud, devait durer environ 20 minutes. Sept personnes, y compris le pilote, étaient à bord de l'aéronef, et le compartiment à bagages contenait quelques petits articles légers. Un second aéronef d'Inland Air, C-FKDC, lui aussi un DHC-2 Mk. I Beaver, accompagnait ce vol pour transporter les bagages plus encombrants et les provisions des passagers.

Les passagers sont montés à bord du C-FJOM par la porte passagers gauche. Le pilote a alors fait un exposé sur les mesures de sécurité, précisant l'emplacement des vêtements de flottaison individuels (VFI) à bord et des issues de secours de la cabine; comme l'exigeait la politique d'Inland Air, le pilote a expliqué le fonctionnement des issues aux passagers assis à côté de celles-ci. L'exposé ne comprenait pas de démonstration de l'utilisation des issues, ce que n'exigeait ni la réglementation ni la politique de la compagnie.

Pendant l'exposé du pilote sur les mesures de sécurité, les 3 passagers qui occupaient la rangée intermédiaire (une banquette) avaient de la difficulté à trouver et boucler leurs ceintures de sécurité, et n'ont pas porté toute leur attention sur l'exposé. Après l'événement, ces passagers ne se rappelaient pas l'information sur les diverses caractéristiques de sécurité de l'aéronef, entre autres le fonctionnement des poignées des portes de la cabine ou l'emplacement et l'utilisation des VFI de l'aéronef.

Les segments de départ et de croisière du vol se sont déroulés sans incident. Avant d'amorcer leur approche, les pilotes des 2 aéronefs ont discuté par radio du plan d'approche; ils ont convenu que le C-FKDC, qui transportait les bagages, allait amerrir en premier. Le C-FJOM allait ensuite amerrir et débarquer les passagers, après quoi le C-FKDC se mettrait à quai pour débarquer les bagages.

Le C-FKDC a effectué une approche en direction ouest-nord-ouest, dans le vent, et a amerri sans incident.

Le pilote du C-FJOM a déterminé que les vents et l'état de la surface de l'eau à Kitkatla convenaient à un amerrissage par vents traversiers; il a effectué une approche directement vers le rivage et le quai (figure 1). L'aéronef s'est posé à environ 200 m du rivage.

Figure 1. Trajectoires d'amerrissage des 2 aéronefs d'Inland Air Charters Ltd. (Source : Ressources naturelles Canada, avec annotations du BST)
Trajectoires d'amerrissage des 2 aéronefs d'Inland Air Charters Ltd. (Source : Ressources naturelles Canada, avec annotations du BST)

Durant l'approche d'amerrissage, le pilote du C-FJOM a effectué une mise en glissade pour contrer les vents traversiers qui soufflaient de la droite, ce qui a accru le taux de descenteNote de bas de page 2. Durant un amerrissage par vents traversiers, le flotteur au vent (dans ce cas-ci, le flotteur droit) se pose normalement en premier. Toutefois, dans l'événement à l'étude, la dérive latérale à gauche n'a pas été corrigée, et c'est le flotteur gauche qui a d'abord touché la surface de l'eau, avec suffisamment de force pour que l'aéronef rebondisse. La structure de soutien des flotteurs et l'extrémité de l'aile gauche ont été endommagées comme suite à ce premier impact avec la surface de l'eau.

Lorsque l'aéronef s'est ensuite posé sur le flotteur droit, la structure de soutien des flotteurs a cédé. Le C-FJOM a touché l'eau dans une assiette en piqué prononcé avant de s'immobiliser à l'envers, partiellement submergé. L'eau a rapidement envahi l'aéronef. Les occupants, qui étaient immergés dans l'eau froide et partiellement à l'envers, ont réussi à évacuer la cabine immergée avec divers degrés de difficulté. Des navigateurs sont immédiatement arrivés sur les lieux et ont aidé à l'évacuation des occupants de l'aéronef (figure 2).

Figure 2. Aéronef en cause partiellement submergé (Source : Gendarmerie royale du Canada)
Aéronef en cause partiellement submergé (Source : Gendarmerie royale du Canada)

L'aéronef n'était pas doté d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) au moment de l'événement.

Victimes

Le passager qui se trouvait directement derrière le pilote a été grièvement blessé, malgré la ceinture abdominale qui le retenait.

Tableau 1. Victimes
Équipage Passagers Autres Total
Tués 0 0 0
Blessés graves 0 1 1
Blessés légers/indemnes 1 5 6
Total 1 6 7

Conditions météorologiques et état de la mer

Les conditions météorologiques prévues à CZSW durant la période du vol étaient les suivantes : nuages fragmentés à partir de 5500 pieds au-dessus du niveau de la mer, visibilité de 9 milles terrestres, et vents variables du sud-ouest au nord-ouest d'environ 10 nœuds, avec rafales à 18 nœuds. La bouée maritime Hecate, située à 26 milles marins au sud-ouest de Kitkatla, a enregistré des vents du nord-ouest soufflant de 14 à 16 nœuds, et des vagues de 1 à 3 pieds de haut.

Il n'y a pas, pour les aéronefs utilisant CAP7, de services météorologiques aéronautiques qui puissent enregistrer les conditions météorologiques ou fournir des prévisions météorologiques officielles pour Kitkatla. Au moment de l'événement, on avait observé à Kitkatla des vagues hautes d'environ 1 pied ou plus, avec des crêtes blanches occasionnelles, par vents forts de l'ouest ou du nord-nord-ouest.

Renseignements sur l'aéronef

Généralités

Les dossiers indiquent que l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées. Aucun problème de fonctionnement du moteur n'a été signalé, et aucune anomalie ne figurait au carnet de route d'aéronef, sauf le retrait de l'ELT de l'aéronef. La masse et le centrage de l'aéronef pour le vol à l'étude ont été calculés dans le cadre de l'enquête à partir du volume de carburant consigné par l'exploitant, des valeurs de poids pondéré pour les passagersNote de bas de page 3 Note de bas de page 4 Note de bas de page 5 et du plus récent rapport de masse et centrage (daté du 21 mai 2014). La masse totale au décollage et le centre de gravité se situaient en deçà des limites de l'aéronef.

Fabriqué en 1956, le C-FJOM était aménagé pour transporter 1 pilote et 6 passagers. La cabine comptait 3 rangées de sièges. La première rangée comptait 2 sièges, chacun muni d'une ceinture abdominale et de bretelles de sécurité; le siège du pilote était à gauche. À côté de chacun des sièges de la première rangée se trouvait une porte munie d'une fenêtre coulissant à la verticale. La deuxième rangée consistait en 1 banquette à 3 places orientée vers l'avant, fixée au plancher de la cabine et munie de 3 ceintures abdominales. Des portes principales de cabine identiques se trouvaient de part et d'autre de cette banquette. La 3e rangée consistant en un siège en toile amovible suspendu entre 1 barre supérieure et 1 barre inférieure (tel un hamac). Ce siège suspendu était orienté vers l'avant et muni de 2 ceintures abdominales. Les passagers pouvaient accéder à ce siège par l'une ou l'autre des portes principales de la cabine. Derrière le siège suspendu se trouvait le compartiment à bagages, qui donnait directement sur la cabine et était séparé de celle-ci par un filet d'arrimage de fret.

Au fil des ans, l'aéronef avait été modifié en vertu de divers certificats de type supplémentaires (STC)Note de bas de page 6 (annexe A). Ces modifications comprenaient un prolongement de la cabine pour agrandir le compartiment à bagages et l'ajout de 4 hublots rectangulaires (2 de chaque côté) dans le nouveau compartiment à bagages. Aucun des hublots ou fenêtres de l'aéronef à l'étude n'était conçu comme issue de secours. Dans le compartiment à bagages agrandi, une porte d'accès était aménagée sous les hublots, du côté gauche de l'aéronef. L'ampleur des modifications apportées au C-FJOM a justifié le remplacement du manuel de vol initial du DHC-2 Mk. I Beaver par le manuel de vol B75191. Cette version comprend des renseignements supplémentaires relatifs aux modifications.

D'autres modifications en rattrapage liées à la sécurité ont été prévues par le fabricant d'équipement d'origineNote de bas de page 7 pour ce modèle d'aéronef au cours des dernières années. En font partie des hublots issues de secours et des poignées de porte intérieures d'une nouvelle conception, ajoutant aux portes principales de la cabine une deuxième poignée plus facilement accessible. L'exploitant avait envisagé ces modifications facultatives, mais ne les avait pas faites sur le C-FJOM.

L'enquête a permis de déterminer que les modifications physiques apportées à l'aéronef n'ont pas été un facteur dans cet événement.

Dommages à l'aéronef

L'impact initial de l'aéronef avec le plan d'eau a généré une charge latérale du côté gauche qui a appliqué au flotteur gauche un moment de roulis en sens antihoraire (vu de l'arrière). Cette séquence a rompu les montants de gauche au niveau de leurs fixations inférieures. Les barres d'écartement ont transmis la charge latérale au flotteur droit. La géométrie des montants a déplacé de force le flotteur droit vers l'extérieur et vers le haut. Les ruptures au niveau des montants du flotteur droit présentaient une torsion en sens horaire (contraire au flotteur gauche), ce qui laisse croire qu'un deuxième impact a eu lieu du côté droit et a poussé le flotteur droit davantage vers le haut. Le flotteur droit a touché et plié le hauban d'aile droite, et la cloison terminale du flotteur a perforé le fuselage arrière. À un moment donné durant la séquence, la fixation de la barre d'écartement avant gauche s'est rompue, et l'extrémité de l'aile gauche a percuté l'eau (figure 3).

Figure 3. Figure 3. Aéronef en cause partiellement submergé montrant les dommages à la structure des flotteurs (Source : Gendarmerie royale du Canada)
Figure 3. Aéronef en cause partiellement submergé montrant les dommages à la structure des flotteurs (Source : Gendarmerie royale du Canada)

Un examen visuel des surfaces de rupture aux extrémités des montants et aux fixations des flotteurs a révélé des ruptures en surcharge dans tous les cas, sans signe de mode de défaillance progressive préexistant. Un examen plus détaillé de la fixation de la barre d'écartement avant gauche a aussi révélé une rupture en surcharge. Sa composition matérielle, sa conductivité électrique et sa dureté ont été évaluées, et correspondaient aux spécifications pour ce matériau. Les fixations des flotteurs étaient adéquates compte tenu des modifications qui avaient été apportées à l'aéronef.

Toutes les gouvernes étaient en place, et toutes les fenêtres étaient intactes. Les dommages causés au fuselage durant l'accident empêchaient d'ouvrir la porte du pilote. Les passagers n'ont tenté d'ouvrir aucune des 3 autres portes. La trappe d'accès au compartiment à bagages (du côté gauche et, à ce moment-là, au-dessus du hublot) a été ouverte de force par un passager; elle représentait la seule issue de secours pour les occupants.

Renseignements sur le pilote

Le pilote détenait une licence de pilote de ligne canadienne valide pour aéronefs terrestres et hydravions monomoteurs et multimoteurs. Les dossiers indiquent que le pilote avait la licence et les compétences nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

Le pilote comptait environ 13 ans d'expérience de vol, dont 3000 heures sur le DHC-2 Mk. I Beaver. Il était au service de l'exploitant depuis avril 2014. D'après ses dossiers de formation, le pilote avait suivi la formation initiale propre à l'aéronef sur le C-FJOM en février 2016. Cet aéronef particulier exigeait une formation distincte de la formation standard sur le DHC-2 Mk. I Beaver, étant donné les différences de performance et de manœuvrabilité attribuables aux nombreuses modifications.

Le pilote avait suivi une autre formation, moins particulière à cet aéronef, en avril 2016. Celle-ci couvrait les procédures d'urgence, y compris la préparation des passagers à un atterrissage ou amerrissage d'urgence, les procédures d'évacuation d'urgence, et la façon d'enfiler et de gonfler les VFI. Le pilote avait suivi une formation pratique sur l'évacuation subaquatique alors qu'il était au service d'un autre exploitant.

D'après les dossiers de la compagnie, le pilote avait été en service pendant environ 7 heures et avait été aux commandes du C-FJOM pendant environ 2 heures avant l'événement. Le pilote avait eu 16,5 heures de repos depuis sa dernière journée de service. Au cours des 7 jours précédents, le pilote avait accumulé 32 heures de temps de service, et il travaillait une deuxième journée consécutive après 2 journées de congé. Quoique l'enquête n'ait pas pu déterminer les périodes de sommeil du pilote au cours des 2 jours qui ont précédé l'événement, la fatigue n'a pas été retenue comme un facteur contributif.

Prise de décision du pilote

On peut décrire la prise de décisions du pilote (PDP) comme étant la capacité de reconnaître les dangers potentiels et de prévoir l'issue de différents scénarios afin de choisir la meilleure option. D'après l'article 703.98 du Règlement de l'aviation canadien (RAC), « L'exploitant aérien doit établir et maintenir un programme de formation au sol et en vol [...] »; cet article établit en outre les exigences d'un programme de formation. Le programme de formation au sol à Inland Air n'abordait pas spécifiquement la PDP. Cependant, le RAC n'exige pas que la formation fournie par un exploitant aborde la PDP.

La publication technique (TP) 13897, Prise de décisions du pilote, de Transports Canada (TC) comprend 5 modules, dont un qui couvre le processus de prise de décisions. Ce processus comprend généralement 4 étapes : recueillir l'information, traiter l'information, prendre des décisions et mettre en œuvre les décisions. Le document TP 13897 décrit les risques présents dans les étapes de collecte et de traitement de l'information. Si les pilotes utilisent de l'information inexacte, il est probable qu'ils prennent des décisions inefficaces.

En outre, la formation préalable et l'expérience des pilotes auront une incidence sur leurs décisions, puisqu'ils sont portés à recourir à des procédures qui se sont révélées efficaces par le passé. Par conséquent, il est crucial que les pilotes reçoivent une formation sur la façon d'appliquer la PDP dans diverses situations opérationnelles afin de maintenir les risques à un niveau acceptable durant les tâches opérationnelles.

Pour qu'ils prennent une décision acceptable en fonction des conditions présentes à un moment donné, les pilotes doivent avoir l'occasion de s'exercer à la PDP dans des scénarios opérationnels réalistes, exigeant d'examiner attentivement tous les facteurs et toutes les options disponibles.

Les exploitants aériens doivent établir et maintenir un manuel d'exploitation de la compagnie (MEC), qui « doit comprendre les instructions et les renseignements permettant au personnel concerné d'exercer ses fonctions en toute sécuritéNote de bas de page 8. » D'après la réglementation en vigueur, les exploitants assujettis aux sous-parties 703 (Taxi aérien) et 704 (Service aérien de navette) du RAC ne sont pas tenus de donner de formation sur la gestion des ressources de l'équipage (CRM), sur la PDP ou sur la gestion des menaces et des erreurs (TEM).

Questions relatives à la survie des occupants

Normalement, la porte principale de la cabine du DHC-2 Mk. I Beaver, située du côté gauche de l'aéronef, sert à l'embarquement et au débarquement des passagers, et c'est habituellement le pilote qui la manipule. Le pilote empruntait habituellement la porte de gauche à l'avant de l'aéronef pour monter à bord de l'aéronef et en descendre.

La poignée intérieure des portes principales de la cabine se trouve près du bord arrière de la porte, immédiatement sous la fenêtre. Les passagers qui occupent le siège suspendu à l'arrière de la cabine ont le meilleur accès à ces poignées. Toutes les poignées de porte intérieures de l'aéronef (figure 4) consistent en une courte barre en métal montée dans un logement circulaire peu profond. Les occupants ouvrent les portes de la cabine en saisissant la barre entre le pouce et le bout des doigts et en la tournant. Comme l'aéronef accoste habituellement de la gauche, on utilise rarement les portes de droite. Dans le cadre de l'exposé sur les mesures de sécurité, Inland Air ne demandait pas aux passagers d'ouvrir et de fermer les portes, et les passagers du vol à l'étude ne l'ont pas fait.

Figure 4. Poignée intérieure de la porte de droite
Poignée intérieure de la porte de droite

L'enquête a permis de déterminer que, malgré l'exposé sur les mesures de sécurité du pilote, un des passagers ignorait qu'il y avait une porte principale de cabine du côté droit de l'aéronef. Aucun des passagers ne pouvait décrire les poignées de porte ni ne se rappelait avoir reçu des explications sur leur fonctionnement. De plus, aucun passager ne se souvenait si le pilote avait indiqué l'emplacement des VFI à bord ou donné des instructions sur leur utilisation.

D'après la réglementation en vigueur, les occupants d'hydravions ne sont pas obligés de porter un VFI. Le BST a déjà souligné les risques liés au fait que des occupants d'hydravions ne portent pas de dispositif individuel assurant leur flottaison après une évacuation d'urgence. À la suite de son enquête sur un événement survenu en 2009, dans lequel un DHC-2 Mk. I Beaver s'était écrasé dans l'eau peu après son décollageNote de bas de page 9, et en réponse au nombre élevé de noyades qui se produisent après l'évacuation d'urgence d'un aéronef dans l'eau, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports exige que les occupants d'hydravions commerciaux portent un dispositif individuel qui assure leur flottaison après une évacuation d'urgence.
Recommandation A11-06 du BST

En janvier 2017, dans sa plus récente réponse à cette recommandation, TC a indiqué qu'une nouvelle réglementation exigeant que toutes les personnes à bord d'un hydravion portent un VFI entrerait en vigueur en 2017. Cette réglementation exclurait l'utilisation de vêtements de flottaison autogonflables et permettrait uniquement ceux qui sont gonflés manuellement. En octobre 2017, ces changements à la réglementation n'étaient toujours pas en vigueur.

Lorsque l'aéronef a capoté, les occupants se sont trouvés immergés dans une eau froide contaminée par du carburant et de l'huile, et certains d'entre eux ont été handicapés par une vive douleur piquante dans les yeux. Malgré tout, tous les passagers ont réussi à émerger de l'eau, certains avec de l'aide. Un des passagers a réussi à ouvrir la trappe d'accès du compartiment à bagages arrière, et les 6 passagers ont emprunté cette issue pendant qu'elle était encore partiellement hors de l'eau. Le dernier passager à évacuer l'aéronef est celui qui occupait le siège droit de la première rangée; il a été momentanément retenu par la courroie d'un bagage de cabine qui s'était enroulée autour de son cou. Aucun des 7 VFI à bord n'a été retiré de son espace de rangement.

Le pilote portait une veste avec VFI intégré. Cette veste comprenait une fonction qui gonflait automatiquement le VFI dès son immersion. Lorsque l'eau a envahi la cabine de l'aéronef, le VFI du pilote s'est automatiquement gonflé. Après qu'il eut débouclé sa ceinture de sécurité, le pilote a ouvert la fenêtre de sa porte. Toutefois, le VFI gonflé a accru la corpulence du haut du corps du pilote et l'a empêché d'évacuer l'aéronef tête première. Après avoir tenté en vain de défoncer le pare-brise, le pilote a réussi à évacuer la cabine immergée de l'aéronef par la fenêtre de sa porte, pieds devant.

Comme l'aéronef s'était immobilisé près du quai d'hydravion, des secouristes ont pu immédiatement se rendre sur les lieux. Les premiers passagers à évacuer l'aéronef ont aidé les autres passagers, et tous les occupants ont été repêchés à bord d'embarcations et conduits à terre.

Gestion de la sécurité et culture de sécurité

Généralités

Dans le secteur du transport aérien, la gestion de la sécurité met en jeu la capacité d'une organisation de cerner les dangers dans ses opérations (p. ex., opérations aériennes, de maintenance) et de prendre des mesures pour les éliminer ou de mettre en place des mesures (c.-à-d. des moyens de défense) pour réduire le plus possible le risque de conséquences indésirables.

Beaucoup d'entreprises ont reconnu les avantages d'un système de gestion de la sécurité (SGS) et ont volontairement amorcé la mise en œuvre d'un tel système au sein de leur organisation, mais environ 90 % de tous les titulaires de certificat d'aviation canadien ne sont toujours pas tenus d'avoir de SGS, selon la réglementation en vigueur. Par conséquent, TC n'a aucune assurance quant à la capacité de ces exploitants de gérer efficacement la sécurité.

À la suite de son enquête, en 2013, sur un impact sans perte de contrôle à Moosonee (Ontario)Note de bas de page 10, le BST a déterminé qu'il existait à ce titre une lacune de sécurité et a recommandé que :

le ministère des Transports exige que tous les exploitants d'aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme.
Recommandation A16-12 du BST

Transports Canada donne son accord de principe à cette recommandation. […]

TC entend donner suite à cette recommandation de deux manières. Premièrement, en continuant à promouvoir l'adoption volontaire d'un système de gestion de la sécurité chez le reste des transporteurs aériens commerciaux. Pour y arriver, le Ministère entend publier des documents d'orientation mis à jour qui visent les entreprises de plus petite taille cette année. Deuxièmement, au cours des 18 prochains mois, le Ministère réexaminera la politique, les règlements et les programmes relatifs aux systèmes de gestion de la sécurité dans l'aviation civile. Le résultat escompté de cet examen est une détermination de la portée, de l'instrument de réglementation, de l'applicabilité et du modèle de surveillance.

Le Bureau n'a pas pu évaluer la réponse de TC à la recommandation A16-12 en novembre 2016, faute d'indication claire des mesures que prendra TC une fois que son examen sera achevé. TC n'a donné aucune indication quant à son intention d'amorcer ou non un processus de modification de la réglementation pour exiger que tous les exploitants aériens commerciaux mettent en œuvre un SGS officiel.

Tous les organismes de transport peuvent tirer parti de la mise en œuvre d'une forme de gestion de la sécurité. Cependant, si un processus est officieux et les politiques et procédures ne sont pas consignées par écrit pour que le personnel et les clients d'une compagnie puissent tous s'y reporter, les pratiques quotidiennes risquent à la longue de varier selon le souvenir et l'interprétation personnels de règles et de procédures verbales. Un processus officieux pourrait ne pas aborder ou cerner les divers dangers qui se présentent chaque jour, par exemple, dans l'exploitation d'un hydravion.

Une organisation déterminée à gérer efficacement la sécurité adhère à une philosophie d'amélioration continue qu'elle communique clairement aux employés et aux parties prenantes, à la fois explicitement (par des énoncés de valeurs et de mission) et implicitement (dans les gestes de tous les jours). Elle concrétise cette philosophie par des politiques qui communiquent clairement le système d'exploitation en place et qui reconnaissent la contribution de chacun, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'organisation, à l'amélioration de la sécurité.

Inland Air Charters Ltd.

Inland Air offre un service de taxi aérien à bord d'aéronefs monomoteurs qui effectuent des vols de jour selon les règles de vol à vue (VFR), en vertu de la sous-partie 703 du RAC. Au moment de l'événement à l'étude, la compagnie, dont la base principale se situe à Prince Rupert (Colombie-Britannique), exploitait 7 DHC-2 Mk. I Beaver munis de flotteurs.

Même si la réglementation ne l'exige pas pour des activités de taxi aérien, Inland Air utilisait un système non officiel de gestion de la sécurité qui était décrit dans un manuel de l'entreprise. À Inland Air, la gestion de la sécurité reposait sur la formation des pilotes, les commentaires de clients, des réunions de sécurité semestrielles pour le personnel, des processus verbaux officieux et une politique d'ouverture encourageant les membres du personnel à signaler toute question ou menace touchant la sécurité et à en discuter avec leurs collègues et avec la direction.

Une approche formalisée de la sécurité exige la prise en compte et la gestion proactives des risques, et prévoit que la PDP, la CRM et la TEM sont des outils cruciaux de gestion de la sécurité. La section 10 du MEC d'Inland Air insiste sur l'importance de former le personnel [traduction] « pour qu'il cerne et consigne les dangers et incidents potentielsNote de bas de page 11 ». Cependant, Inland Air n'avait aucune méthode formelle pour consigner et évaluer les dangers et risques cernés, comme ceux associés à l'événement à l'étude.

Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

Gestion de la sécurité et surveillance

La gestion de la sécurité et la surveillance resteront sur la Liste de surveillance jusqu'à ce que :

  • Transports Canada mette en œuvre des règlements obligeant tous les exploitants des secteurs du transport commercial aérien et maritime à adopter des processus de gestion de la sécurité officiels et supervise efficacement ces processus;
  • les entreprises de transport qui possèdent un système de gestion de la sécurité démontrent qu'il fonctionne bien, c'est-à-dire qu'il permet de déceler les risques et que des mesures de réduction des risques efficaces sont mises en œuvre;
  • Transports Canada intervienne lorsque des entreprises de transport ne peuvent assurer efficacement la gestion de la sécurité et le fasse de façon à corriger les pratiques d'exploitation jugées non sécuritaires.

La gestion de la sécurité et la surveillance figurent sur la Liste de surveillance 2016.

Comme l'événement à l'étude l'a démontré, certaines entreprises de transport ne gèrent pas leurs risques en matière de sécurité de façon efficace, et bon nombre d'entre elles ne sont pas tenues d'avoir des processus de gestion de la sécurité officiels en place. La surveillance et l'intervention de Transports Canada ne se sont pas toujours avérées efficaces pour provoquer des changements dans les pratiques d'exploitation non sécuritaires des entreprises.

Surveillance de la sécurité par Transports Canada

La vision ministérielle de TC « est de se doter d'un réseau de transport au Canada qui est reconnu mondialement comme étant sûr et sécuritaire, efficace, et respectueux de l'environnementNote de bas de page 12. » Pour Transports Canada, Aviation civile (TCAC) en particulier, cela signifie « [u]n système intégré et progressif […] qui favorise une culture proactive de la sécuritéNote de bas de page 13 ».

D'après la Circulaire d'information (CI) SUR 004 de TC,

Le programme de surveillance de TCAC comprend des évaluations, des inspections de validation de programme (IVP) et des inspections du processus. Le programme permet de vérifier que les entreprises respectent les exigences réglementaires et disposent de systèmes efficaces afin de veiller à satisfaire en permanence aux exigences réglementairesNote de bas de page 14.

Les exploitants régis par la sous-partie 703 du RAC ne sont pas tenus de mettre en œuvre un SGS. Ainsi, celui d'Inland Air n'était assujetti ni à la surveillance ni aux inspections de TC pour en assurer la conformité réglementaire.

Inland Air faisait l'objet d'un cycle d'inspection de validation de programme (IVP) de 3 ans. La dernière activité de surveillance de TC relative à cet exploitant était une IVP, remontant à septembre 2013, portant sur le programme d'assurance qualité de la compagnie. Comme suite aux activités de surveillance, cet exploitant devait présenter des plans de mesures correctives (PMC) à TC. L'analyse qu'a dû faire l'exploitant de ses manquements à la sécurité a permis de cerner des enjeux, tels qu'insuffisance de personnel, formation inadéquate, manque de procédures et omission des pilotes à inscrire des anomalies dans les carnets de route d'aéronef.

Le 9 mai 2016, environ 2 semaines avant l'événement à l'étude, un incident mettant en cause le même exploitant s'est produit à Masset (Colombie-Britannique). Comme suite à cet incident, des inspecteurs de TC avaient prévu une visite à la base principale d'Inland Air à CZSW. Cette visite a eu lieu le lendemain de l'événement à Kitkatla. Par la suite, compte tenu des lacunes que les inspecteurs de TC ont cernées dans le programme d'assurance qualité des opérations d'entretien de l'entreprise, TC a imposé un programme de surveillance accrue à Inland Air. Ce niveau de surveillance est décrit comme suit dans la Circulaire d'information (CI) SUR-004 :

Une surveillance renforcée devrait être effectuée lorsqu'une présence accrue de TCAC est requise à la lumière du degré de conformité de l'entreprise et/ou de son bilan de sécurité afin d'assurer ce qui suit :

  1. rétablir l'état de conformité de l'entreprise avec les exigences réglementaires;
  2. s'assurer que l'entreprise peut adéquatement maintenir la conformité avec ces exigences réglementairesNote de bas de page 15.

Moyens de protection à Inland Air Charters Ltd.

Suivi du vol

À Inland Air, le suivi des vols consistait à consigner les comptes rendus de pilotes de leurs atterrissages et départs et de leur temps estimé en route. On communiquait ensuite ces renseignements aux régulateurs des vols à CZSW et à CAP7.

Radiobalise de repérage d'urgence

Après l'événement, le système de satellites de recherche et sauvetage Cospas-SarsatNote de bas de page 16 n'a reçu aucun signal de détresse, puisque l'ELT avait été retiré de l'aéronef 4 jours plus tôt pour sa vérification annuelle de performance. L'inscription voulue avait été portée au carnet de route d'aéronef. Conformément à l'article 605.39 du RAC, les exploitants assujettis à la sous-partie 703 peuvent exploiter un aéronef sans ELT pendant un maximum de 30 jours, lorsque celle-ci est retirée pour entretien.

D'après le MEC d'Inland Air, l'emplacement de l'ELT doit faire partie de l'exposé standard sur les mesures de sécurité avant le décollage; or, dans son exposé sur les mesures de sécurité prévol, le pilote n'a pas mentionné l'absence de l'ELT.

Balise de détresse SPOT

L'exploitant avait à bord de chaque aéronef un troisième dispositif de sécurité, soit une balise de détresse portative SPOT. Lorsqu'elle est déclenchée manuellement par une personne à bord, la balise de détresse SPOT transmet des messages sur la position de l'aéronef et un message de détresse préprogrammé aux services de recherche et sauvetage, aux premiers intervenants et au personnel de la compagnie. Ce dispositif ne fonctionnait pas au moment de l'événement, car ses piles étaient à plat. Il n'y avait pas moyen de déterminer visuellement la vie utile des piles du dispositif, et le remplacement périodique des piles du dispositif n'était pas prévu.

Études de sécurité

Étude de sécurité aéronautique SSA93001 du BST

En 1993, le BST a publié l'Étude de sécurité aéronautique SSA93001, Étude de sécurité portant sur les compétences et les connaissances des pilotes d'hydravion. Le BST y examine 1432 accidents d'hydravion « pour identifier les éléments relatifs à leur exploitation où il pourrait y avoir des manquements à la sécurité demandant peut-être une étude plus approfondieNote de bas de page 17 ». D'après ce rapport d'étude :

Pendant l'examen initial de ces accidents, il semble que les facteurs contributifs associés aux compétences, aux habiletés et aux connaissances des pilotes ont été mentionnés dans un grand nombre de casNote de bas de page 18.

Parmi les 10 facteurs contributifs des accidents d'hydravion les plus souvent évoqués figuraient les éléments suivants :

Dans ce rapport, on concluait qu'étant donné la nature des facteurs contributifs les plus souvent évoqués, il semblait que « les pilotes en cause n'avaient pas les compétences, les connaissances et les habiletés nécessaires pour piloter en toute sécuritéNote de bas de page 20 ». De plus :

Les pilotes d'hydravion doivent se fier à leurs propres expériences et aux conseils d'autres personnes du milieu des hydravions pour améliorer leurs compétences et leurs connaissancesNote de bas de page 21.

[…]

Les pilotes d'hydravion ont tendance à acquérir leurs compétences et leurs connaissances par tâtonnement, en suivant l'exemple de leurs collègues ou en écoutant les ouï-dire, ce qui n'est certainement pas la meilleure façon de faireNote de bas de page 22.

Cette étude a donné lieu à plusieurs recommandations du Bureau; TC a répondu à la plupart d'entre elles, d'une manière jugée comme dénotant une attention entièrement satisfaisante.

Malgré tout, les opérations de taxi aérien continuent de connaître un taux élevé d'accidents. En 2015, le Bureau a lancé une étude de sécuritéNote de bas de page 23 sur ces opérations en particulier. Au moment de la rédaction du présent rapport, cette étude se poursuivait.

Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

Analyse

L'enquête n'a révélé aucun signe de rupture ou d'autres anomalies préexistantes dans l'aéronef. Par conséquent, l'analyse portera sur les aspects opérationnels de l'approche et de l'atterrissage, et sur les moyens de défense.

Approche et atterrissage

Poser un hydravion par vents traversiers sur un plan d'eau houleux peut mettre à l'épreuve les pilotes même les plus habiles. De telles conditions sont exigeantes pour les pilotes, et les risques de conséquences fâcheuses sont élevés. Dans l'événement à l'étude, 4 des 10 facteurs contributifs les plus souvent évoqués dans les accidents d'hydravion, recensés dans l'Étude de sécurité aéronautique SSA93001 du BST, étaient en jeu. Chacun de ces 4 facteurs est lié à des conditions dangereuses reconnaissables et aux compétences de pilotage. L'accident s'est produit durant une tentative d'amerrissage d'un hydravion dans des conditions qui comprenaient les facteurs suivants :

Le C-FJOM et le C-FKDC ont amerri à Kitkatla à très peu d'intervalle. Les pilotes ont dû composer avec les mêmes conditions environnementales, qui présentaient les mêmes difficultés quant à l'approche et à la surface d'amerrissage. Toutefois, chacun a choisi une approche et une aire d'amerrissage différentes.

Le pilotage d'hydravions en région côtière présente souvent des défis complexes qui mettent en jeu des conditions météorologiques et des états de mer dynamiques; il est donc impossible pour les exploitants d'élaborer des politiques et lignes directrices qui couvrent toutes les éventualités. Inland Air Charters Ltd. (Inland Air) n'avait aucune politique indiquant à ses pilotes d'amerrir dans des aires ou dans des directions particulières. Par conséquent, il incombait à chaque pilote d'évaluer et de planifier ses approches pour amerrir à Kitkatla. Dans ces circonstances, la décision d'un pilote est influencée par ses compétences, son expérience et ses préférences.

Dans l'événement à l'étude, le pilote avait acquis une grande expérience des approches à Kitkatla durant ses 2 années au service d'Inland Air. En outre, il avait reçu une formation qui couvrait les amerrissages par vents traversiers dans des conditions de mer houleuse. Ce bagage a probablement joué dans le processus décisionnel du pilote. Il l'aurait amené à sous-estimer les risques accrus d'une approche et d'un amerrissage par vents traversiers dans des conditions de vents en rafales et en présence de vagues à crête blanche. Ainsi, la décision de poursuivre l'approche et d'amerrir dans des vents traversiers en rafales, alors que des options moins risquées étaient possibles, a exposé les occupants de l'aéronef à un risque accru d'accident à l'amerrissage.

Dans les dernières étapes de l'approche, le pilote a choisi de poursuivre l'approche jusqu'au poser, dans des vents traversiers qui soufflaient en rafales et des vagues à crête blanche, malgré un taux de descente élevé et une dérive latérale à gauche. Il en a résulté que le flotteur sous le vent (c.-à-d. gauche) s'est posé durement sur l'eau, ce qui est contraire à la technique normale d'amerrissage par vents traversiers. La structure de soutien des flotteurs a subi une forte contrainte, puis l'avion a percuté l'eau avec le flotteur droit, ce qui a fait céder la structure de soutien des flotteurs. L'aéronef s'est posé sur l'eau à un taux de descente élevé et en dérivant latéralement, ce qui a entraîné la rupture de la structure de soutien des flotteurs et le capotage de l'aéronef dans l'eau.

Moyens de protection

Prise de décisions du pilote

La formation sur la prise de décisions du pilote (PDP) est conçue pour aider les pilotes à reconnaître les situations où ils ne devraient pas affronter des conditions dangereuses. Pour ce faire, un pilote doit être capable de recueillir de l'information (c.-à-d. des indices) dans son environnement, de l'analyser pour déterminer son incidence sur sa situation, puis de prendre une décision et de l'appliquer en tenant compte des diverses options et de leurs risques respectifs. Toutefois, des problèmes peuvent survenir à chacune des 4 étapes du processus de PDP. Si les pilotes n'évaluent pas correctement les conditions des vents et de l'eau, ils peuvent sous-estimer les risques et choisir une marche à suivre non optimale.

Comme le montre l'événement à l'étude, 2 options étaient possibles : une approche et un amerrissage dans le vent; ou une approche et un amerrissage par vents traversiers. Le pilote a opté pour l'approche et l'amerrissage par vents traversiers, plutôt que l'approche et l'amerrissage dans le vent. Cette décision, probablement prise au vu des amerrissages réussis dans le passé dans des conditions semblables, supposait d'accepter un niveau de risque plus élevé.

Quoique la formation au sol de l'exploitant satisfaisait aux exigences réglementaires, elle ne couvrait pas spécifiquement la PDP pour les pilotes de la compagnie. Ainsi, les pilotes d'Inland Air n'étaient pas été exposés à différents scénarios opérationnels, et il serait irréaliste de s'attendre à ce qu'ils auraient appliqué systématiquement et efficacement le processus de PDP pour choisir parmi de multiples options. Si les pilotes ne reçoivent pas une formation dans un cadre opérationnel réaliste sur l'application des processus de PDP, ils pourraient prendre des décisions opérationnelles qui augmentent les risques d'accident.

Exposé sur les mesures de sécurité prévol

Il est primordial que les passagers comprennent et retiennent l'information cruciale de l'exposé sur les mesures de sécurité, surtout en situation d'urgence. La compréhension est le résultat de la transmission de l'information et de sa réception. Dans l'événement à l'étude, le pilote a fait un exposé sur les mesures de sécurité aux passagers avant le vol. Toutefois, les passagers n'étaient pas préparés adéquatement en vue d'une évacuation d'urgence et ils ont éprouvé de grandes difficultés à évacuer l'aéronef. La raison en est que certains renseignements cruciaux manquaient de l'exposé sur les mesures de sécurité, le pilote n'a pas vérifié si les passagers avaient bien compris leur rôle en cas d'urgence, et les passagers étaient si occupés à se préparer au départ qu'ils n'étaient pas attentifs aux directives prévol sur les mesures de sécurité et n'ont pas posé de questions.

Étant donné la nature répétitive des exposés sur les mesures de sécurité et la faible probabilité d'un accident, il est facile de comprendre pourquoi ces exposés sont souvent perçus comme une simple formalité, et non une information qui servira. Cependant, l'événement à l'étude montre toute l'importance de l'exposé sur les mesures de sécurité prévol et son effet sur une évacuation d'urgence. Si un équipage de conduite ne vérifie pas que les passagers ont compris les procédures à suivre en cas d'évacuation d'urgence, il y a un risque que des passagers seront incapables d'évacuer l'aéronef en situation d'urgence, ce qui accroît les risques de blessure ou de mort.

L'événement à l'étude illustre en outre l'importance pour les passagers de porter attention à l'exposé sur les mesures de sécurité et de poser des questions pour dissiper tout doute. Dans ce cas-ci, ils ne l'ont pas fait. En conséquence, lorsque l'aéronef a capoté dans l'eau, les passagers ont eu beaucoup de difficulté à l'évacuer car ils n'avaient pas l'information cruciale sur les issues possibles (c.-à-d. la porte droite de la cabine) qui leur aurait été utile durant l'évacuation. Si les passagers ne s'efforcent pas de bien comprendre l'exposé sur les mesures de sécurité prévol, ils risquent d'être incapables d'évacuer l'aéronef en cas d'urgence, ce qui accroît les risques de blessure ou de mort.

Vêtements de flottaison individuels

Les passagers ne portaient pas de vêtement de flottaison individuel (VFI), et la réglementation ne les y obligeait pas. Dans l'événement à l'étude, le nombre d'embarcations à proximité du lieu de l'accident a permis de secourir rapidement les occupants de l'aéronef. Le pilote portait un VFI, mais celui-ci était conçu pour se gonfler automatiquement en cas d'immersion, ce qui a entravé et retardé l'évacuation du pilote. Tant que ne sera pas en vigueur la réglementation proposée exigeant que les occupants d'hydravions portent des VFI, à l'exclusion de VFI autogonflables, les risques de noyades soulevés par la recommandation A11-06 du BST persisteront. Les passagers et les pilotes qui ne portent aucun type de vêtement de flottaison adéquat avant un impact avec l'eau courent un plus grand risque de noyade une fois qu'ils ont évacué l'aéronef.

Radiobalise de repérage d'urgence

Dans l'événement à l'étude, la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) avait été retirée de l'aéronef à des fins d'entretien. Quoique la réglementation le permette, l'événement rappelle l'existence d'un risque résiduel quand on exploite un aéronef sans ELT. Dans le cas présent, plusieurs embarcations se trouvaient à proximité et ont pu intervenir immédiatement après l'événement, ce qui n'est pas toujours le cas. Si on permet d'exploiter un aéronef sans ELT fonctionnelle, il y a un risque de retarder les services de recherche et sauvetage cruciaux après un accident.

À Inland Air, l'évaluation des risques reposait partiellement sur un dispositif de notification secondaire (balise de détresse SPOT) et n'a pas reconnu le retrait temporaire d'une ELT comme un risque inacceptable pour la sécurité. Toutefois, faute d'un moyen pour constater visuellement l'état des piles du dispositif et d'un programme pour les remplacer périodiquement, la compagnie ignorait que les piles de la balise de détresse SPOT étaient à plat. Par conséquent, le vol à l'étude ne pouvait pas bénéficier des avantages potentiels de la balise de détresse SPOT pour la sécurité.

Quoique la réglementation ne les exige pas, les balises de détresse SPOT constituent un dispositif additionnel de repérage qui peut aider à retrouver un aéronef après un accident. Si de l'équipement de suivi de vol disponible ne fait pas l'objet d'inspections et d'un entretien adéquats, il y a un risque accru que cet équipement ne fonctionne pas comme prévu après un événement.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'aéronef s'est posé sur l'eau à un taux de descente élevé et en dérivant latéralement, ce qui a entraîné la rupture de la structure de soutien des flotteurs et le capotage de l'aéronef dans l'eau.
  2. La décision de poursuivre l'approche et d'amerrir dans des vents traversiers en rafales, alors que des options moins risquées étaient possibles, a exposé les occupants de l'aéronef à un risque accru d'accident à l'amerrissage.

Faits établis quant aux risques

  1. Si les pilotes ne reçoivent pas une formation dans un cadre opérationnel réaliste sur l'application des processus de prise de décisions du pilote, ils pourraient prendre des décisions opérationnelles qui augmentent les risques d'accident.
  2. Si un équipage de conduite ne vérifie pas que les passagers ont compris les procédures à suivre en cas d'évacuation d'urgence, il y a un risque que des passagers seront incapables d'évacuer l'aéronef en situation d'urgence, ce qui accroît leurs risques de blessure ou de mort.
  3. Si les passagers ne s'efforcent pas de bien comprendre l'exposé sur les mesures de sécurité prévol, ils risquent d'être incapables d'évacuer l'aéronef en cas d'urgence, ce qui accroît les risques de blessure ou de mort.
  4. Les passagers et les pilotes qui ne portent aucun type de vêtement de flottaison adéquat avant un impact avec l'eau courent un plus grand risque de noyade une fois qu'ils ont évacué l'aéronef.
  5. Si on permet d'exploiter un aéronef sans radiobalise de repérage d'urgence fonctionnelle, il y a un risque de retarder les services de recherche et sauvetage cruciaux après un accident.
  6. Si de l'équipement de suivi de vol disponible ne fait pas l'objet d'inspections et d'un entretien adéquats, il y a un risque accru que cet équipement ne fonctionne pas comme prévu après un événement.

Autre fait établi

  1. Le pilote portait un vêtement de flottaison individuel, mais celui-ci était conçu pour se gonfler automatiquement en cas d'immersion, ce qui a entravé et retardé l'évacuation du pilote.

Mesures de sécurité

Le Bureau n'est pas au courant de mesures de sécurité prises à la suite de l'événement à l'étude.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Certificats de type supplémentaires du C-FJOM

NUMÉRO : SA90—2
No D'ÉDITION : 1
DATE D'APPROBATION : 11 OCTOBRE 1990
DATE DE DÉLIVRANCE : 11 OCTOBRE 1990
PROLONGEMENT DE LA CABINE

NUMÉRO : SA95—44
No D'ÉDITION : 1
DATE D'APPROBATION : 15 MAI 1995
DATE DE DÉLIVRANCE : 16 MAI 1995
BRETELLES DE SÉCURITÉ

NUMÉRO : SA97—88
No D'ÉDITION : 9
DATE D'APPROBATION : 25 JUIN 1997
DATE DE DÉLIVRANCE : 9 MAI 2011
FIXATIONS DE HAUBAN/RENFORCEMENT DE L'AILE AU POINT D'ATTACHE CRÉÉ LORS DE LA FABRICATION

NUMÉRO : SF99—201
No D'ÉDITION : 1
DATE D'APPROBATION : 14 JUIN 1999
DATE DE DÉLIVRANCE : 14 JUIN 1999
AMÉLIORATION DE LA FLOTTABILITÉ DES FLOTTEURS

NUMÉRO : SA99—228
No D'ÉDITION : 3
DATE D'APPROBATION : 28 JUILLET 1999 DATE DE DÉLIVRANCE : 9 MAI 2011
INSTALLATION DE FLOTTEURS EDO 4930

NUMÉRO : P-LSAO3-107
No D'ÉDITION : 1
DATE D'APPROBATION : 10 JUILLET 2003
DATE DE DÉLIVRANCE : 10 JUILLET 2003
PROLONGEMENT DU SUPPORT DU MOTEUR À CYLINDRES EN ÉTOILE

NUMÉRO : P—LSA13-071/D
No D'ÉDITION : 1
DATE D'APPROBATION : 18 NOVEMBRE 2003
PROLONGEMENT DU BAC SUPPORT DE BATTERIES/INSTALLATION D'UNE BATTERIE GILL G-247