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Rapport d'enquête aéronautique A16Q0119

Perte de maîtrise et collision avec le relief
Cessna U206F, C-FWBQ
Lac Kuashkuapishiu (Québec)
143 nm N de Baie Comeau (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Cessna U206F, muni de flotteurs (immatriculé C-FWBQ, numéro de série U20602785), en exploitation privée, effectuait un vol selon les règles de vol à vue du lac Kuashkuapishiu (Québec) à destination du lac Ra-Ma (Québec) dans la région du réservoir Manicouagan (Québec) avec le pilote et 2 passagers à bord. Suite au décollage vers 14 h, heure avancée de l'Est, l'aéronef a amorcé un virage en montée vers la gauche alors qu'il se trouvait à l'extrémité nord du lac. Quelques instants plus tard, l'aéronef s'est incliné rapidement vers la droite, a perdu de l'altitude, a percuté le sol, puis a pris feu immédiatement. L'incendie a consumé en presque totalité la cabine. Le pilote a subi des blessures graves et les 2 passagers ont subi des blessures mortelles. Aucun signal de radiobalise de repérage d'urgence n'a été capté.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

La veille de l'accident, le pilote a décollé de l'aéroport de Gatineau (Québec), avec 1 passager à bord, à destination du lac Kuashkuapishiu (Québec), endroit où se trouve son camp de chasse et pêche. Le Cessna U206F, muni de flotteurs (immatriculé C-FWBQ, numéro de série U20602785), en exploitation privée, a fait escale à l'aéroport de Trois-Rivières (Québec) pour faire le plein et embarquer un deuxième passager. Après avoir débarqué les 2 premiers passagers au lac Kuashkuapishiu, le pilote a effectué 3 autres vols entre le lac Kuashkuapishiu et le lac Louise (Québec) pour transporter des bagages, du fret et embarquer 2 autres passagers qui s'étaient rendus au lac Louise en automobile pour les emmener au lac Kuashkuapishiu. L'appareil a été ravitaillé 2 fois entre les vols.

Le matin du jour de l'accident, le pilote a effectué un aller-retour au lac Louise. Le relevé de transaction de carburant au lac Louise indique que le pilote s'est procuré 278 litres d'essence aviation à 12 h 17, heure avancée de l'Est Note de bas de page 1. Rendu au lac Kuashkuapishiu, le pilote a effectué les préparatifs prévol en vue de se rendre au lac Ra-Ma (Québec) avec 2 passagers. L'aéronef a été chargé de vivres, d'une bombonne de 20 livres de gaz propane, de 3 armes à feux, de munitions, d'un moteur hors-bord et son carburant, et de bagages. Un passager s'est assis à droite du pilote et l'autre passager a occupé le siège derrière le pilote. Le pilote a donné un exposé de sécurité dans lequel il a mentionné entre autres les ceintures de sécurité, les sorties en cas d'évacuation et les gilets de sauvetage.

Vers 14h, l'aéronef, monté sur des flotteurs amphibies Wipaire 4000A, a quitté le quai et a circulé sur l'eau vers la partie sud du lac. Après avoir réchauffé son moteur, le pilote a braqué les volets à 20°, a relevé les gouvernails marins, a placé l'aéronef face au vent et a appliqué plein gaz. Par la suite, l'aéronef a débuté sa course au décollage en direction nord et a pris son envol à mi‑course, soit à quelque 1600 pieds du point de départ. Rendu à l'extrémité nord du lac, l'appareil a amorcé un virage en montée vers la gauche. L'aéronef se trouvait alors plus bas que le relief environnant, d'une élévation de 228 pieds supérieure à l'élévation du lac (figure 1).

Figure 1. Trajectoire de l'aéronef lors du décollage au lac Kuashkuapishiu (51°31′01.12″ N, 069°12′03.47″ O) (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Trajectoire de l'aéronef lors du décollage au lac Kuashkuapishiu (51°31′01.12″ N, 069°12′03.47″ O) (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Quelques instants plus tard, le moteur s'est arrêté et le pilote a ressenti une diminution de l'efficacité des gouvernes de profondeur et des ailerons. Simultanément, il a constaté une réduction de l'ordre de 20 nœuds de la vitesse anémométrique. Le pilote a décidé alors de revenir au lac Kuashkuapishiu. À cette fin, il a entamé un virage à droite en appuyant sur le palonnier droit. L'alarme sonore de l'avertisseur de décrochage a retenti. L'aile droite s'est enfoncée et l'appareil a piqué du nez.

Le pilote a poussé sur le manche. L'aéronef a perdu de l'altitude et s'est écrasé dans une zone boisée à quelques mètres de l'affluent du lac (51°30′58.95″ N, 069°12′2.92″O). Un incendie violent s'est déclaré immédiatement après l'écrasement. Seul le pilote, dont les vêtements étaient en feu, a réussi à s'extirper de l'épave et se lancer dans la rivière.

Aucun signal de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) n'a été capté par le système satellite COSPAS-SARSAT et aucun autre aéronef dans la région n'a rapporté avoir entendu un signal d'ELT. L'incendie après impact a complètement détruit l'habitacle de l'aéronef.

Deux témoins qui se trouvaient au chalet ont observé le décollage puis la colonne de fumée qui est apparue après la disparition derrière la cime des arbres de l'hydravion en descente. Ils se sont précipités vers le lieu de l'écrasement pour porter secours.

De retour au chalet avec le survivant, un des témoins a administré les premiers soins et a utilisé un téléphone satellite pour demander des secours. Vers 18 h 35, un hélicoptère d'Airmedic, un service ambulancier privé, est arrivé au chalet où 2 infirmiers ont été hélitreuillés pour administrer les premiers soins. Le centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS) de Halifax a déployé un hélicoptère Cormorant. Vers 21 h, le survivant et les infirmiers sont montés à bord du Cormorant à l'aide d'un treuil et ont été transportés à l'hôpital de Sept-Îles.

1.2 Tués et blessés

Le pilote a subi des blessures graves et les 2 passagers ont subi des blessures mortelles.

1.3 Dommages à l'aéronef

L'appareil a subi des dommages importants après avoir percuté les arbres et le relief. L'incendie après l'impact a consumé la cabine.

1.4 Autres dommages

Il s'est écoulé environ 105 litres (165 livres) de carburant et au plus 11 litres d'huile-moteur, qui ont été consumés par l'incendie après l'impact.

1.5 Renseignements sur le personnel

Tableau 1. Renseignements sur le personnel
Licence de pilote Licence de pilote privé
Date d'expiration du certificat médical 1er avril 2017
Heures de vol total 2500
Heures de vol sur type 260

Le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote a obtenu sa licence de pilote privé en juin 2001, il a obtenu une qualification sur hydravion en octobre 2011 et réussi un test en vol pour le renouvellement de sa qualification de vol aux instruments en mai 2015. L'information recueillie lors de l'enquête indique que le pilote satisfaisait aux exigences de mise à jour des connaissances stipulées à la sous-partie 1 de la Partie IV du Règlement de l'aviation canadien (RAC) :

Au cours de l'année précédant l'événement à l'étude, le pilote avait fait une cinquantaine de vols depuis le lac Kuashkuapishiu, dont des allers-retours au lac Ra-Ma, à bord de l'aéronef.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Généralités

Tableau 2. Renseignements sur l'aéronef
Constructeur Cessna Aircraft Company
Type et modèle Stationair U206F
Année de construction 1975
Numéro de série U20602785
Certificat de navigabilité Valide
Total d'heures de vol cellule 6963 (approximativement)
Type de moteur (nombre) Teledyne Continental IO-550-F (1)
Type d'hélice ou de rotor (nombre) McCauley, modèle D3A34C401-C (1)
Masse maximale autorisée au décollage 3800 livres
Type(s) de carburant recommandé(s) 100LL
Type de carburant utilisé 100LL

Le Cessna 206 fut initialement certifié aux États-Unis en 1964 avec un moteur de 285 chevaux (hp) et une hélice bipale. La variante U206F, certifiée en 1971, se caractérisait quant à elle par une hélice tripale.

Le manuel du propriétaire Note de bas de page 5 décrit, entre autres, les opérations normales, les procédures d'urgence, les limitations et les performances du Cessna Stationair, certifié en tant que modèle U206F. Aux fins de concision et de clarté, ce rapport utilisera le terme « manuel de vol » pour y référer.

Le supplément au manuel du propriétaire Note de bas de page 6 contient l'information pour les Cessna Stationair munis de flotteurs ou de skis qui ne se trouve pas dans le manuel de vol. Aux fins de concision et de clarté, ce rapport utilisera le terme « supplément (flotteurs) au manuel de vol » pour y référer.

L'aéronef avait été importé au Canada en novembre 2010 par son propriétaire précédent et le pilote/propriétaire de l'aéronef au moment de l'accident l'avait acquis en juillet 2015. L'aéronef avait fait l'objet d'une inspection annuelle en vertu de l'article 625.86 du RAC et des annexes B et C du chapitre 625 du RAC le 20 avril 2016 et de changements d'huile moteur le 6 juillet et le 15 septembre 2016. Ces travaux avaient tous été effectués par un technicien d'entretien d'aéronefs certifié.

L'aéronef était homologué, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Le carnet de route de l'aéronef se trouvait à bord de ce dernier et a été détruit dans l'incendie après impact. L'information qu'on a pu recueillir lors de l'enquête indique que l'appareil avait accumulé 6855 heures de vol en date du 31 décembre 2015.

Les carnets techniques, qui n'étaient pas à bord de l'aéronef au moment de l'accident, ne comportaient aucune inscription après le 19 février 2015 et aucun document n'a été trouvé démontrant la certification de travaux de maintenance ou les heures en service de l'aéronef. L'enquête a révélé que l'inspection annuelle avait bel et bien été effectuée au printemps 2016. Toutefois, le technicien d'entretien d'aéronefs n'était pas tenu de conserver une copie de ces certifications.

Cependant, la réglementation Note de bas de page 7 impose au propriétaire de l'aéronef de retranscrire les inscriptions d'ordre technique figurant au carnet de route dans les carnets techniques pertinents de la cellule, des moteurs et des hélices dans les 30 jours suivant l'accomplissement des travaux de maintenance. Puisque le carnet de route n'a pas été retrouvé, et que les carnets techniques n'étaient pas à jour, on a estimé que l'appareil avait accumulé approximativement 6963 heures de vol au moment de l'accident.

1.6.2 Caractéristiques de décrochage du Cessna U206F

Selon le manuel de vol, les caractéristiques d'un décrochage sont classiques et un klaxon de l'avertisseur de décrochage émet une alarme sonore lorsque la vitesse de l'appareil se trouve 5 à 10 mi/h au-dessus de la vitesse de décrochage, peu importe la configuration de l'appareil. Selon le supplément au manuel d'utilisation du pilote de Wipaire, Inc., la perte d'altitude lors du redressement suite à un décrochage peut atteindre 250 pieds Note de bas de page 8. Aux fins de concision et de clarté, ce rapport utilisera le terme « supplément (Wipaire) au manuel de vol » pour y référer.

1.6.3 Masse et centrage

La masse et le centrage de l'appareil ont été calculés à l'aide du poids de ses occupants, à partir d'une estimation de la quantité de carburant à bord Note de bas de page 9 et du poids des bagages à bord. L'appareil avait une masse estimée d'environ 3700 livres au moment de l'écrasement, soit 100 livres de moins que la masse maximale autorisée Note de bas de page 10. Selon les calculs, le centrage se trouvait dans la plage de centrage autorisée.

1.6.4 Performances au décollage

Les tableaux de performance permettent aux pilotes de prévoir le comportement de l'aéronef sous diverses conditions. Selon le constructeur, ces tableaux sont publiés sous diverses formes et en fonction de variables différentes. Les tableaux publiés dans le manuel de vol de l'aéronef en cause fournissent la distance au décollage et le taux de montée pour les aéronefs ayant au plus une masse brute de 3600 livres. Toutefois, les tableaux publiés dans le supplément (flotteurs) au manuel de vol donnent des renseignements (la distance de la course au décollage, la distance totale nécessaire au franchissement d'un obstacle de 50 pieds et le taux de montée) pour les aéronefs ayant au plus une masse brute de 3500 livres (annexe A).

Dans les conditions atmosphériques au moment du vol à l'étude, les tableaux du supplément (flotteurs) au manuel de vol indiquent que la course au décollage sur l'eau effectuée par un aéronef à 3500 livres, avec les volets braqués à 20°, aurait dû être de 1124 pieds Note de bas de page 11.

Puisque le tableau du supplément (flotteurs) au manuel de vol ne fournit pas de données au-dessus de 3500 livres, une extrapolation linéaire a été effectuée pour déterminer la course au décollage sur l'eau effectuée par un aéronef à 3700 livres Note de bas de page 12, avec les volets braqués à 20° et dans les mêmes conditions atmosphériques. Cette distance a été estimée à 1320 pieds.

La course au décollage sur l'eau observée lors du vol à l'étude était d'environ 1600 pieds, toutefois l'aéronef n'avait pas encore atteint 200 pieds agl à une distance d'environ 7000 pieds du point de la course au décollage.

Selon les tableaux de performances, dans les conditions atmosphériques au moment de l'événement à l'étude, le taux de montée d'un aéronef à 3500 livres sans volets aurait dû être de 826 pieds par minute. Selon l'extrapolation, le taux de montée d'un aéronef à 3700 livres sans volets aurait dû être de 713 pieds par minute.

En utilisant la distance de la course au décollage sur l'eau et l'altitude à laquelle l'aéronef s'est retrouvé au bout du lac, on a calculé que le taux de montée réel avec les volets braqués à 20° était de 230 pieds par minute après le décollage de la surface de l'eau.

En absence de données de vol, l'enquête n'a pu déterminer la raison pour laquelle le taux de montée de l'aéronef après le décollage était moins d'un tiers du taux de montée extrapolé.

1.6.5 Radiobalise de repérage d'urgence

L'aéronef était muni d'une ELT automatique fixe de marque Ameri‑King Corporation (Ameri-King) modèle AK‑451 (numéro de série 0528A) transmettant sur les fréquences 406 MHz et 121,5 MHz. L'examen des dossiers de l'appareil a montré que l'ELT avait été installée le 26 avril 2013.

Le 28 décembre 2015, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a émis une ordonnance de cesser et de s'abstenir d'urgence à Ameri‑King prohibant la fabrication, la vente et la distribution de tout produit pour les aéronefs certifiés sous sa compétence.

Le 1 mars 2016, la FAA a publié un avis de pièces non approuvées Note de bas de page 13 qui pourrait avoir une incidence sur les produits de la société Ameri-King dont les ELT modèle AK‑451. La FAA a constaté que la société Ameri-King a fabriqué, réparé, vendu et distribué des appareillages et des pièces d'aéronefs qui ne sont pas conformes à leur conception approuvée. De plus, la FAA a indiqué dans cet avis ne pas être confiante que les pièces et composants produits par Ameri-King avant le 28 décembre 2015 aient été produites selon les données de conception approuvées.

L'avis de pièces non approuvées avertit que tous les produits fabriqués ou distribués après la date d'émission de l'ordonnance de cesser et de s'abstenir d'urgence ne sont pas approuvés par la FAA. La FAA recommande d'enlever ces pièces si elles ont été installées.

Le 10 mai 2016, Transports Canada (TC) a publié une Alerte à la Sécurité de l'Aviation Civile (ASAC) Note de bas de page 14 indiquant que la FAA avait publié l'avis de pièces non approuvées numéro UPN 2016‑2013NM460018 et invitant le public à consulter l'ASAC par l'entremise d'un lien internet.

Les ASAC sont accessibles à partir du site internet de TC et acheminées aux propriétaires d'aéronefs inscrits par courriel. Le propriétaire de l'aéronef en cause lors de l'événement à l'étude a déclaré ne pas avoir reçu de courriels à propos des produits Ameri-King et n'était pas certain d'être inscrit à la liste de distribution des courriels ASAC pour cet aéronef.

L'ELT n'a pas été retrouvée dans les débris calcinés de l'aéronef. Comme l'ELT est presque entièrement composée de matière plastique, il est fort probable qu'elle a été complètement détruite par la chaleur du brasier. Aucun signal d'ELT n'a été capté Note de bas de page 15 par le système COSPAS-SARSAT, ni entendu ou signalé par d'autres aéronefs dans la région pendant les recherches Note de bas de page 16. Il n'a pas été possible de déterminer pourquoi la balise n'a pu émettre de signal suite à l'impact.

1.6.6 Circuit carburant

Selon le manuel de vol,

[traduction]

Le moteur est alimenté par 2 réservoirs, 1 dans chaque aile [figure 2]. […] Le carburant de chacune des ailes s'écoule dans un plus petit réservoir [situé sous le plancher de la cabine] jusqu'à un sélecteur de réservoirs. En fonction du réglage du sélecteur de réservoirs, le carburant provenant du réservoir gauche ou droit passe par une conduite de dérivation dans la pompe à carburant auxiliaire électrique (quand elle ne fonctionne pas) et le filtre à carburant vers la pompe carburant entraînée par moteur. À partir de là, le carburant est acheminé aux cylindres du moteur par le biais d'un régulateur de carburant et d'un collecteur.

NOTE: On ne peut utiliser le carburant des 2 réservoirs d'ailes simultanément Note de bas de page 17.

Figure 2. Schéma du circuit carburant (Source : 1975 Cessna Stationair Owner's Manual, en anglais seulement)
Schéma du circuit carburant (Source : <em>1975 Cessna Stationair Owner's Manual</em>, en anglais seulement)

Selon le motoriste, une panne subite de la pompe carburant entraînée par moteur entraînerait un arrêt moteur quasi immédiat.

1.6.6.1 Pompe carburant auxiliaire

Le manuel de vol indique que [traduction], « [l]'interrupteur de la pompe carburant auxiliaire est situé sur le côté gauche du tableau de bord. C'est un interrupteur basculant double ; un interrupteur jaune et un commutateur rouge » Note de bas de page 18 (figure 3).

Figure 3. Interrupteur de la pompe carburant auxiliaire (Source : Maurice Gunderson)
Interrupteur de la pompe carburant auxiliaire (Source : Maurice Gunderson)

L'interrupteur droit (jaune) est étiqueté START et la position ON est utilisé pour, entre autres le démarrage normal et en cas de panne de la pompe carburant entraînée par moteur Note de bas de page 19 En cas de panne de la pompe carburant entraînée par moteur, la pompe carburant auxiliaire fonctionne à une capacité suffisante pour faire fonctionner le moteur lors d'un vol de croisière, en descente, à l'atterrissage et pendant le roulage.

Le manuel de vol stipule que si la pompe carburant auxiliaire fonctionne en même temps que la pompe carburant entraînée par moteur, un mélange carburant-air trop riche se produit si le pilote n'appauvrit pas le mélange Note de bas de page 20. Par conséquent, l'interrupteur START ne doit pas être à la position ON pendant le décollage.

En outre, le manuel de vol explique que :

[traduction]

Le commutateur gauche (rouge) étiqueté EMERG est un commutateur à ressort. Il est placé à la position HI en cas de panne de la pompe carburant entraînée par moteur soit pendant le décollage, soit à haut régime. […] Le débit maximum de carburant est produit lorsque la moitié gauche de l'interrupteur est maintenue manuellement dans la position HI. Dans cette position, un dispositif de verrouillage déplace automatiquement l'interrupteur droit à la position ON. Lorsque le commutateur gauche est relâché, l'interrupteur droit reste en position ON jusqu'à ce qu'il soit placé manuellement à la position OFF Note de bas de page 21.

1.6.7 Procédures d'urgences du manuel de vol

La section III du manuel de vol regroupe les procédures d'urgences, incluant une procédure spécifique en cas de panne moteur après le décollage, ainsi que quelques procédures en cas de bafouillage moteur ou perte de puissance, dont la panne de la pompe carburant entraînée par moteur.

1.6.7.1 Procédures en cas de bafouillage moteur ou perte de puissance
1.6.7.1.1 Panne de la pompe carburant entraînée par moteur

Selon le manuel de vol [traduction], « une panne de la pompe carburant entraînée par moteur causerait une réduction du débit carburant avant la perte de puissance » Note de bas de page 22 Note de bas de page 23.

De plus, le manuel stipule que :

[traduction]

Dans l'éventualité où la panne se produirait pendant le décollage, le commutateur gauche de l'interrupteur de la pompe auxiliaire doit être maintenu à la position HI jusqu'à ce que l'appareil soit suffisamment éloigné des obstacles. Après avoir atteint une altitude sécuritaire, on doit réduire la puissance au régime de croisière et relâcher le commutateur. Par la suite, avec le côté droit de l'interrupteur à ON, le débit carburant sera suffisamment élevé pour manœuvrer et revenir atterrir Note de bas de page 24.

Pendant l'événement en cause, afin d'éviter l'enrichissement indésirable du mélange air-essence, la pompe carburant auxiliaire n'était pas en marche au moment de la panne de la pompe entraînée par moteur; l'utilisation de la pompe carburant auxiliaire pendant le décollage était contre-indiquée par Cessna.

1.6.7.2 Procédure en cas de panne moteur après le décollage

En cas de panne moteur après le décollage, le manuel de vol recommande [traduction], « d'abaisser le nez promptement afin de maintenir la vitesse et d'établir l'aéronef en vol plané ». Note de bas de page 25 Également, on rappelle que :

La procédure de panne moteur après le décollage (figure 4) présume qu'il y a suffisamment de temps pour sécuriser les systèmes de carburant et d'allumage avant l'atterrissage.

Figure 4. Extrait du manuel de vol : Procédure de panne moteur après le décollage (Source : 1975 Cessna Stationair Owner's Manual, en anglais seulement)
Extrait du manuel de vol : Procédure de panne moteur après le décollage (Source : <em>1975 Cessna Stationair Owner's Manual</em>, en anglais seulement)
1.6.7.2.1 Procédure en cas de panne moteur en vol

Lors du vol plané en direction d'un endroit convenable pour un atterrissage, un effort devrait être fait pour identifier la cause de la panne. Si le temps le permet et qu'un redémarrage est possible, la procédure suivante est applicable Note de bas de page 28 :

Figure 5. Extrait du manuel de vol : Procédure de panne moteur en vol (Source : 1975 Cessna Stationair Owner's Manual, en anglais seulement)
Extrait du manuel de vol : Procédure de panne moteur en vol (Source : <em>1975 Cessna Stationair Owner's Manual</em>, en anglais seulement)
1.6.7.2.2 Formation

Il est important de souligner que la gestion d'une panne moteur au décollage sur un monomoteur est critique en raison de la charge de travail importante et du peu de temps disponible avant l'atterrissage d'urgence.

L'exécution de la procédure en cas de panne moteur après le décollage fait appel à des compétences rarement mises en pratique, même lors des formations périodiques. Ce n'est que lors de son entraînement en vol que le pilote a pu s'exercer à effectuer la procédure en cas de panne moteur. Cependant, pour des raisons de sécurité évidentes, les exercices en cas de panne moteur consistaient à simuler la panne en altitude. Puisque le moteur n'était pas vraiment coupé, le pilote n'a jamais eu à exécuter la procédure complète en cas de panne moteur au décollage. De plus, le pilote n'a jamais pratiqué la procédure en cas de panne de la pompe carburant entraînée par moteur pendant le décollage.

Lorsqu'une panne moteur survient immédiatement après le décollage, le pilote n'a pas le temps de consulter la procédure appropriée avant de prendre des mesures correctives. Ce genre de situation requière du pilote un plan préétabli pour faire face à l'urgence. Un décollage qui mène au-dessus d'une région peu propice à un atterrissage forcé exige un plan détaillé. Ce plan doit reposer sur la prise en considération réfléchie de plusieurs facteurs, dont le relief, l'altitude, la finesse de l'aéronef en vol plané et la force du vent. L'élaboration de ce plan inclut généralement l'altitude minimale à laquelle un demi-tour sera tenté pour revenir au point de décollage en cas de panne moteur.

Dans l'événement à l'étude, un examen du relief permet de constater que le seul lieu dépourvu d'arbres se trouvait à environ 1300 pieds au nord du site de l'accident.

1.6.8 Modifications de l'aéronef

1.6.8.1 Généralités

L'aéronef en cause, construit en 1975, comportait plusieurs modifications approuvées par des certificats de type supplémentaires (CTS) Note de bas de page 29. Certains CTS entraînent des modifications aux caractéristiques de vol, qui parfois changent les limites d'exploitation de l'aéronef. Ces nouvelles limites sont incorporées sous forme de supplément au manuel de vol. Les sous-sections suivantes décrivent les différentes modifications apportées à l'appareil.

1.6.8.2 Modifications apportées à l'aéronef en 1996 alors qu'il était sous immatriculation américaine

Alors qu'il était sous immatriculation américaine, l'aéronef a fait l'objet de 4 modifications : une trousse de modification pour aéronef à décollage et atterrissage courts Horton; des rallonges d'ailes Wipaire, Inc.; un moteur Teledyne Continental de 300 hp et une hélice McCauley tripale; et des flotteurs amphibies Wipaire, Inc. 4000A.

1.6.8.2.1 Trousse de modification pour aéronef à décollage et atterrissage courts Horton

En 1996, l'aéronef en cause avait été modifié avec une trousse pour aéronef à décollage et atterrissage courts (ADAC) Horton conformément à un CTS homologué Note de bas de page 30. La trousse de modification fut dûment autorisée à être installée sur l'aéronef par Horton, Inc.

Cette modification a pour objet d'améliorer les performances au décollage et à l'atterrissage d'un aéronef en combinant une manœuvrabilité accrue à basse vitesse et des vitesses de décrochage aérodynamique plus basses. Les composants de la trousse de modification pour ADAC Horton installés sur l'aéronef comprenaient des profils rapportés de bord d'attaque des ailes pour modifier leur profil aérodynamique, des cloisons de décrochage et des saumons d'aile recourbés vers le bas.

1.6.8.2.2 Rallonges d'ailes Wipaire, Inc.

Conformément au CTS SA914NE, des rallonges d'ailes fabriquées par Wipaire, Inc. ont été installées sur l'aéronef en décembre 1996. Cette modification allongeait les saumons d'ailes de 18 pouces chacun et avait pour but d'augmenter le taux de montée et la stabilité de l'aéronef tout en réduisant la vitesse de décrochage et les distances de décollage et d'atterrissage.

1.6.8.2.3 Moteur Teledyne Continental de 300 hp et hélice McCauley tripale

Conformément au CTS SA1482GL, un moteur Teledyne Continental IO-550-F de 300 hp et une hélice McCauley tripale furent installés sur l'aéronef, augmentant les performances et atténuant le niveau sonore.

1.6.8.2.4 Flotteurs amphibies Wipaire, Inc. 4000A

Conformément au CTS SA1483GL, des flotteurs amphibies Wipaire 4000A furent installés, de sorte que la masse au décollage a été augmentée pour passer à 3800 livres. Le supplément (Wipaire) au manuel de vol fournit, entre autres, de nouvelles procédures normales, d'urgence, ainsi que de nouvelles limitations de vitesse, dont une vitesse à ne jamais dépasser (Vne) réduite à 158 nœuds. Note de bas de page 31 De plus, ce supplément avise que les tableaux de performance du manuel de vol sont applicables dans cette configuration amphibie.

1.6.8.3 Modifications apportées à l'aéronef en 2011 au moment de son importation au Canada.

Au moment de son importation au Canada, l'aéronef a fait l'objet des 2 modifications suivantes : une trousse de modification pour aéronef à décollage et atterrissage courts Sierra Industries et des générateurs de vortex Micro AeroDynamics Inc.

1.6.8.3.1 Trousse de modification pour aéronef à décollage et atterrissage courts Sierra Industries

Cette trousse est aussi connue sous le nom de « Robertson STOL kit ».

En vertu du CTS SA1513WE, en 2011, on avait modifié l'aéronef en installant un système de liaison entre les volets et les ailerons. Ce système permet un certain braquage vers le bas des ailerons de l'aéronef lors du déploiement des volets. La cambrure accrue de l'aile obtenue par l'abaissement des ailerons a pour objet de créer plus de portance aux saumons des ailes. Cette modification fait partie d'une trousse de modification pour ADAC fabriqué par Sierra Industries qui inclut normalement des profils rapportés de bord d'attaque des ailes, des cloisons de décrochage et un système de liaison entre les volets et les ailerons. Cependant, des profils rapportés de bord d'attaque des ailes et des cloisons de décrochage similaires avaient déjà été installés sur l'aéronef en 1996, au moment du montage de la trousse de modification Horton. Conséquemment, seul le système de liaison entre les volets et les ailerons de Sierra prélevé d'un autre aéronef a été installé sur l'aéronef en cause.

Pour installer la trousse de modification Sierra, il fallait démonter les composants de la trousse Horton et par la suite installer tous les composants de la trousse Sierra. Toutefois, l'installation n'était que partielle puisque les composants de la trousse Horton sont restés sur l'appareil et seuls les composants du système de liaison entre les volets et les ailerons de Sierra Industries ont été installés sur l'aéronef.

Les dossiers techniques de l'aéronef ne mentionnent pas une installation partielle de la trousse de modification Sierra mais laissent plutôt entendre une installation complète Note de bas de page 32.

1.6.8.3.2 Générateurs de vortex Micro AeroDynamics Inc.

Des générateurs de vortex fabriqués par Micro AeroDynamics Inc. avaient été installés sur les ailes, les stabilisateurs horizontaux et la dérive en vertu du CTS SA00887SE. Les générateurs de vortex ont pour objet d'améliorer le contrôle à basse vitesse et à angle d'attaque élevé en influant sur l'écoulement de l'air sur les ailes, les stabilisateurs horizontaux et la dérive.

1.6.9 Multiples modifications ou multiples certificats de type supplémentaires

L'approbation initiale de chacune des modifications effectuées selon un CTS est évaluée sur un aéronef certifié de série ne comportant pas d'autres modifications que celles stipulées dans le CTS.

Les organismes de réglementation approuvent les CTS individuels au terme d'essais réalisés sur un aéronef certifié sans autre modification. Ainsi, la plupart des CTS émis par TC et la FAA comprennent une attestation de compatibilité qui précise notamment ce qui suit :

Conditions : avant de procéder à cette modification, l'installateur doit s'assurer que les relations entre le travail devant être effectué et les modifications déjà incorporées ne remettront nullement en cause l'état de navigabilité du produit ainsi modifié Note de bas de page 33.

Outre cette attestation, TC a émis en 1998 l'Avis de navigabilité B045, Compatibilité entre plusieurs modifications dans laquelle TC rappelle aux propriétaires, exploitants et personnel de maintenance qu'ils doivent s'assurer que la ou les modifications à effectuer n'auront aucune incidence sur la navigabilité du produit modifié et, si nécessaire, un nouveau supplément au manuel de vol pourrait être requis avec l'installation pour prescrire le domaine d'utilisation.

Les titulaires de CTS ne testent pas habituellement les interactions aérodynamiques entre plusieurs CTS sur un seul aéronef. Dans l'événement à l'étude, ces interactions étaient inconnues. Par exemple, le pilote de l'aéronef en cause n'avait à sa disposition ni données de performance ni ligne directrice d'exploitation relativement à la combinaison des modifications apportées à cet aéronef.

De plus, certains des CTS stipulent des restrictions de vitesses qui leur sont propres. Cependant, la combinaison des CTS installés ne permet pas aux pilotes de reconnaître facilement les limites de vitesse réelles de l'appareil.

À titre d'exemple, la Vne de l'aéronef avant toute modification était de 182 nœuds, alors que le CTS d'extension des ailes (SA914NE) a réduit la Vne à 165 nœuds et l'installation de flotteurs amphibies (CTS SA1483GL) l'a réduit davantage à 158 nœuds. De plus, les caractéristiques de décrochage de ces modifications sont inconnues puisqu'elles n'ont pas fait l'objet d'une évaluation adéquate et documentée une fois combinées.

1.6.9.1 Préoccupation liée à la sécurité du Bureau de la sécurité des transports du Canada

Dans le cadre de son enquête sur l'accident impliquant le décrochage aérodynamique et la collision avec le relief d'un Cessna, modèle A185E Note de bas de page 34 en octobre 2013, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a soulevé qu'à l'heure actuelle, TC exige que l'installateur évalue toute combinaison de CTS et qu'il détermine si la combinaison de CTS maintient l'état de navigabilité de l'aéronef Note de bas de page 35. Toutefois, il n'existe aucune ligne directrice réglementaire pour déterminer l'ampleur ou la portée de cette évaluation, ou encore la façon dont elle doit être faite et documentée.

Au Canada, on confie l'entretien de la plupart des aéronefs légers, y compris ceux qui sont exploités à des fins commerciales, à des organismes de maintenance agréés plus modestes qui n'ont qu'une capacité limitée de réalisation d'essais aérodynamiques ou d'évaluations techniques. Il s'ensuit que l'homologation de la compatibilité et de l'interaction entre plusieurs CTS est souvent accordée au terme d'une évaluation sommaire.

En conclusion, le BST a émis la préoccupation liée à la sécurité suivante Note de bas de page 36 :

Le Bureau est préoccupé par le fait que si plusieurs CTS sont installés sans ligne directrice appropriée sur la façon d'évaluer et de documenter leurs effets sur la manœuvrabilité des aéronefs, les pilotes pourraient perdre la maîtrise de ces aéronefs parce qu'ils ignorent leurs caractéristiques de performance.
1.6.9.2 Recommandations du National Transportation Safety Board relatives aux multiples certificats de type supplémentaires montés sur des aéronefs

Suite à l'écrasement de 2 aéronefs légers Note de bas de page 37 où il avait été déterminé que de nombreuses modifications à l'aéronef avaient contribué à l'accident, le National Transportation Safety Board (NTSB) a diffusé une lettre de recommandation de sécurité Note de bas de page 38 qui précise :

[Traduction]

Le NTSB conclut que, sans lignes directrices précises ou une liste de vérification pour aider l'installateur à déterminer l'interrelation entre les CTS, ce dernier pourrait ne pas être en mesure de s'assurer qu'une évaluation suffisante a été faite. Comme le montrent ces accidents, plusieurs CTS installés sur un aéronef peuvent se nuire mutuellement et, au bout du compte, nuire à la performance et à la structure de l'aéronef si leur interaction n'est pas bien évaluée. Par conséquent, le NTSB recommande que la FAA élabore des lignes directrices précises ou une liste de vérification pour aider les installateurs qui effectuent des modifications CTS à déterminer la compatibilité et l'interaction entre un nouveau CTS et tout CTS installé antérieurement sur un aéronef pour s'assurer que le nouveau CTS n'aura aucun effet négatif sur la résistance structurelle, la performance ou les caractéristiques de vol de l'aéronef. Au cas où les lignes directrices ou la liste de vérification indiqueraient quelque effet négatif entre les CTS, des essais additionnels ou une évaluation technique doivent avoir lieu avant d'installer un nouveau CTS.

En outre, la recommandation A-12-022 du NTSB précise notamment ce qui suit :

[Traduction]

[La FAA devrait] ordonner aux installateurs de documenter […] comment l'installateur a déterminé la compatibilité et l'interaction entre le nouveau certificat de type supplémentaire (CTS) et les CTS installés antérieurement sur l'aéronef afin de montrer que le nouveau CTS n'aura aucun effet négatif sur la résistance structurelle, la performance ou les caractéristiques de vol de l'aéronef.

Après quoi, la FAA a répondu qu'elle « préparait une politique et des lignes directrices pour aborder les préoccupations liées à la compatibilité des CTS qui comprennent des mesures proposées visant l'installateur, le demandeur de CTS, le titulaire de l'approbation du CTS et la FAA (inspecteurs techniques et de navigabilité) » Note de bas de page 39.

En outre, la FAA a déclaré que son comité d'établissement de la réglementation aérienne (Aviation Rulemaking Committee) « envisageait des recommandations visant des changements possibles à la réglementation en vue de mettre en place des méthodes d'évaluation plus efficaces de la compatibilité des CTS » Note de bas de page 40.

Le 9 décembre 2016, la FAA a publié la Advisory Circular [circulaire d'information] numéro 20‑188 Note de bas de page 41 ayant pour objet de guider les propriétaires d'aéronefs et les installateurs de CTS dans l'évaluation de la compatibilité entre différentes modifications installées sur un même aéronef. Cette circulaire d'information établit une liste d'installations potentiellement non compatibles, des lignes directrices générales à l'intention des propriétaires et exploitants, et les responsabilités de l'installateur. Elle indique aussi comment résoudre des conflits entre des installations non compatibles.

L'examen des dossiers techniques de l'aéronef n'a pas permis de démontrer que les modifications installées avaient fait l'objet d'une évaluation de compatibilité par l'installateur. Malgré les conditions susmentionnées, TC n'exige pas que l'on démontre que cette évaluation ait été faite.

1.7 Renseignements météorologiques

Il n'y a aucune station météorologique au lac Kuashkuapishiu. Toutefois, selon l'information provenant des prévisions de zone graphique (GFA, voir l'annexe C), des prévisions d'aérodrome (TAF) et des messages d'observations météorologiques régulières d'aérodrome (METAR), les conditions météorologiques dans la région du vol au moment de l'accident étaient propices au vol à vue. Au lac Kuashkuapishiu, la température était environ 10°C, les vents soufflaient du nord entre 10 et 20 nœuds et le calage altimétrique était d'environ 30.05 pouces de mercure.

1.8 Aides à la navigation

Sans objet.

1.9 Communications

Sans objet.

1.10 Renseignements sur le lac Kuashkuapishiu

Le lac Kuashkuapishiu (51°29′43″N, 069°12′20″O) est situé juste à l'ouest du réservoir Manicouagan. Le lac est orienté sud/nord et mesure 2,25 milles marins (nm) de longueur pour environ 0,3 nm de largeur. Le lac se trouve à 1332 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). L'embouchure du lac est bordée de part et d'autre de montagnes au nord qui culminent à environ 1560 pieds ASL.

Le camp de pêche du pilote est situé à mi-longueur du lac sur la rive est. Des bas-fonds empêchent les hydravions de circuler du chalet vers le sud. Pour cette raison, le pilote ne pouvait amerrir et décoller que sur la partie nord du lac qui offre une distance de décollage d'environ 7000 pieds.

1.11 Enregistreurs de bord

L'aéronef n'était muni d'aucun enregistreur de bord (ni des données de vol, ni des conversations de poste de pilotage), et la réglementation en vigueur n'en exigeait aucun. Toutefois, l'appareil était muni d'un système de positionnement mondial (GPS) fixe et d'un GPS portable, lesquels auraient pu fournir quelques informations utiles à l'enquête. Cependant, les 2 GPS ont été consumés par l'incendie après impact.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

1.12.1 Généralités

L'aéronef s'est écrasé à 350 pieds de l'extrémité nord du lac Kuashkuapishiu, dans une zone parsemée d'épinettes sur un sol couvert de lichen. Le site de l'accident se trouve à une altitude de 1330 pieds ASL. L'appareil a percuté les arbres avec un angle en piqué d'au moins 20° et une forte inclinaison à droite. L'aéronef a heurté le sol 75 pieds plus loin. Rien n'indique qu'un objet ou un occupant n'ait été projeté ou éjecté de l'habitacle.

Étant donné l'ampleur des dommages causés par le feu, l'examen de l'aéronef sur le site a été limité et s'est concentré sur le moteur, l'empennage et les ailes.

1.12.2 Examen du moteur

Suite à l'accident, le moteur fut acheminé au laboratoire du BST à Ottawa où son démontage et son examen furent effectués. Aucune anomalie ne fut trouvée en ce qui a trait au moteur comme tel. Cependant, lors du démontage de la pompe carburant entraînée par moteur, il a été observé que l'arbre d'accouplement reliant la pompe au moteur était rompu. L'examen n'a révélé aucun autre signe de défaillance qui aurait pu contribuer à l'accident. D'autre part, aucun indice de rotation du moteur ou de l'hélice n'a été observé.

1.12.3 Examen de la pompe carburant entraînée par moteur

L'examen de la pompe carburant entraînée par moteur n'a pu déterminer la cause de la rupture de l'arbre d'accouplement. Cependant, l'examen du point de rupture de l'arbre d'accouplement a révélé que la rupture est survenue alors que le moteur fonctionnait à haute vitesse rendant celle-ci inopérante instantanément et privant le moteur de carburant. Cette pompe avait fait l'objet d'une remise à neuf le 15 octobre 2009 par un organisme de maintenance agréé et avait accumulé environ 253 heures de service depuis son installation.

1.12.4 Examen de la pompe carburant auxiliaire électrique

Quoique la pompe carburant auxiliaire montrait une usure normale et libre d'obstructions et de débris, il n'a pas été possible de confirmer si la pompe était en mesure de fonctionner dans les moments précédents l'accident dû aux dommages importants causés par l'incendie après impact.

1.12.5 Sélecteur des réservoirs carburant

L'examen du sélecteur des réservoirs carburant effectué n'a révélé aucune anomalie; on a observé que le robinet était à la position réservoir gauche.

1.12.6 Examen de l'hélice

L'hélice (McCauley D3A34C401-C) tripale était solidaire du moteur. L'examen de l'hélice sur les lieux de l'accident et au laboratoire du BST n'a révélé aucun signe de rotation au moment de l'impact. La pale qui se trouvait à la perpendiculaire du dessus du moteur n'était ni pliée ni tordue. Les 2 autres pales étaient pliées vers l'arrière et ne montraient aucune torsion (figure 6). Aucun indice indiquant une rotation de l'hélice n'a été observé ni sur les arbres ni sur le sol.

Figure 6. Vue du moteur et de l'hélice
Vue du moteur et de l'hélice

Selon l'expertise effectuée sur l'hélice, aucune anomalie n'a été observée qui aurait pu indiquer un fonctionnement anormal.

1.12.7 Examen des ailes

Les 2 ailes se sont désolidarisées de la cabine. L'aile droite reposait légèrement en retrait de l'empennage, à droite de la cabine. L'aile gauche gisait devant le moteur, à droite de la cabine. Les réservoirs se sont rompus durant la dislocation initiale de l'aéronef et la séparation des ailes. Les volets étaient braqués à 20° en conformité avec les recommandations du constructeur pour un décollage.

1.12.8 Examen des flotteurs

Les 2 flotteurs ont été en grande partie consumés par le feu.

1.12.9 Instruments

Le tableau de bord a fondu sous l'effet de la chaleur intense du feu ; il a donc été impossible de déterminer l'état et les capacités opérationnelles des systèmes de bord et de leurs composants ainsi que la position de toutes les commandes, des commutateurs et des indicateurs. L'examen des instruments de bord a été limité par l'étendue des dommages causés par la force de l'impact avec le sol et par l'incendie après impact. L'état des instruments n'a pas permis de déterminer les indications qu'ils affichaient au moment de l'impact.

1.12.10 Commandes de vol

Les divers circuits des commandes de vol situés au niveau de la cabine ont été endommagés par les forces d'impact et par l'incendie après impact. Cependant, il a été possible d'établir la continuité des commandes du gouvernail de profondeur, du gouvernail de direction et de la quasi-totalité des volets et des ailerons. L'examen n'a révélé aucune anomalie qui aurait pu nuire au fonctionnement normal des systèmes de commandes de vol.

1.12.11 Ceintures de sécurité

L'examen de l'épave n'a pas permis d'établir l'état des points de fixation des ceintures de sécurité et de l'ajustement des ceintures.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Rien n'indique que les capacités du pilote aient pu être réduites par des facteurs physiologiques.

1.14 Incendie

1.14.1 Généralités

Après avoir percuté le sol, l'appareil a pris feu et la cabine a été pratiquement détruite par l'incendie après impact. Faute de témoins et en raison de la nature destructrice de l'incendie, il a été impossible de déterminer la source de l'incendie et de la propagation de l'incendie. Les sources possibles d'allumage sont notamment un contact du carburant avec des pièces de moteur chaudes et un arc électrique. De plus, l'appareil transportait une bombonne de gaz propane de 20 livres dans la cabine, ce qui était permis selon l'article 12.10 de la partie 12 du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses. Note de bas de page 42

1.14.2 Préoccupations antérieures relatives aux incendies après impact

Des rapports d'enquête aéronautique antérieurs effectués par le BST, ainsi que le Rapport d'enquête sur des problèmes de sécurité aéronautique SII A05-01, Rapport sur les incendies après impact faisant suite à des accidents de petit aéronef publié en 2006, ont déjà évoqué les risques que posent les incendies après impact pour la sécurité aérienne. Dans ces rapports, l'on conclut qu'il existe un nombre important de petits aéronefs en service et que leurs moyens de défense contre les incendies après impact, dans les cas d'accidents offrant des chances de survie, sont insuffisants et vont le demeurer jusqu'à la mise en place de mesures de prévention ayant pour objet de réduire les risques.

Dans le cas des petits aéronefs existants, les moyens les plus efficaces de prévention des incendies après impact consistent à éliminer les sources d'incendie (articles portés à haute température, arcs électriques à haute température, étincelles dues au frottement) et à éviter tout déversement de carburant en préservant l'intégrité du circuit carburant lors d'un accident offrant des chances de survie. Les moyens techniques connus pour réduire la fréquence des incendies après impact en évitant l'inflammation et en confinant le carburant en cas d'accident pourraient être montés en rattrapage de façon sélective sur les petits aéronefs existants, y compris sur les hélicoptères certifiés avant 1994. En conséquence, dans sa recommandation A06-10, émise le 29 août 2006, le Bureau recommandait que :

afin de réduire le nombre d'incendies qui se déclarent après des accidents offrant des chances de survie mettant en cause de nouveaux avions de production ayant une masse inférieure à 5700 kg, Transports Canada, la Federal Aviation Administration et d'autres organismes de réglementation étrangers effectuent des évaluations des risques des éléments qui suivent afin de déterminer la faisabilité du montage en rattrapage sur les aéronefs existants :

  • certains moyens techniques permettant d'éviter que des articles portés à haute température ne deviennent des sources d'incendie;
  • des procédés techniques conçus pour neutraliser la batterie et le circuit électrique à l'impact pour empêcher les arcs électriques à haute température d'être une source d'incendie;
  • la présence de matériaux isolants protecteurs ou sacrificiels aux endroits exposés à la chaleur ou aux étincelles dues au frottement lors d'un accident pour empêcher les étincelles de frottement d'être une source d'incendie;
  • certains composants du circuit carburant résistant à l'écrasement capables de confiner le carburant.

Recommandation A06-10 du BST

Dans sa réponse de janvier 2017, TC mentionne que le ministère n'est pas d'accord avec cette recommandation et ne prévoit mener aucune autre activité pour remédier aux risques relevés dans la recommandation A06-10.

Le Bureau estime que les risques dont il est question dans la recommandation A06-10 n'ont pas diminué et qu'ils demeurent importants. Depuis janvier 2015 au Canada, il y a eu 4 accidents d'aéronef offrant des chances de survie qui ont donné lieu à un incendie après impact; leurs occupants ont subi des blessures de diverses gravités (2 blessures mineures, 2 blessures graves et 2 décès) Note de bas de page 43. Aucune mesure directe n'a été prise ou proposée par TC pour réduire ou éliminer la lacune relevée dans la recommandation A06-10.

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation A06-10 dénote une « attention non satisfaisante ».

Une étude similaire a été effectuée aux États-Unis par le NTSB Note de bas de page 44 en 1980; elle a donné lieu aux recommandations de sécurité A‑80‑90 à A‑80‑95. De ces 6 recommandations, 4 sont maintenant classées avec la mention « Closed – Unacceptable Action » [fermé – mesure inacceptable]. La seule qui soit classée avec la mention « Closed – Acceptable Action » [fermé – mesure acceptable] est la recommandation A-80-094, qui stipule ce qui suit :

[traduction]

Le NTSB recommande à la Federal Aviation Administration d'évaluer la faisabilité d'exiger l'installation de certains composants de circuit carburant résistant à l'écrasement qui sont offerts par les fabricants sous forme de systèmes prêt-à-monter, dans les aéronefs existants de l'aviation générale dans le cadre d'activités de montage en rattrapage et de promulguer les règlements appropriés Note de bas de page 45.

La FAA a entamé le processus de réglementation en vue de la mise en place des normes relatives à l'installation des composants de circuit carburant, mais l'a interrompu en raison des résultats de l'analyse coûts‑avantages.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

En raison des dommages importants causés par l'incendie, les enquêteurs du BST n'ont pu établir l'importance des déformations de l'espace vital qu'a entraîné la collision de l'appareil avec les arbres et le sol. Le pilote, assis du côté gauche, n'a subi aucune fracture lors de l'accident et a réussi à s'extirper de l'appareil malgré la sévérité de ses brûlures. Comme l'appareil a percuté le sol dans une inclinaison à droite, le côté droit de la carlingue a été soumis à une accélération plus brutale que le côté gauche.

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

Sans objet.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Vol lent

Selon le Guide de l'instructeur de vol — Avion de TC, « le vol lent est défini comme étant le vol effectué dans la plage de vitesses comprises entre un peu moins que la vitesse d'autonomie maximale Note de bas de page 46 et un peu plus que la vitesse de décrochage. » Note de bas de page 47 Lorsque l'aéronef se trouve en vol lent à une vitesse légèrement supérieure à la vitesse de décrochage, une sensation de mollesse des commandes et de diminution de leurs réactions est normalement ressentie par le pilote. Ainsi, une mise accidentelle en vol lent est une indication presque certaine de l'approche du décrochage.

1.18.1.1 Virages en vol lent

Étant donné que l'aéronef opère près de sa vitesse de décrochage, un mouvement de lacet autour de l'axe vertical se solde par une aile qui avance et une aile qui recule. Ce recul d'une aile peut causer le dépassement de l'angle d'attaque critique et provoquer une autorotation de mise en vrille. Étant donné la réponse léthargique des ailerons en vol lent, le contrôle du mouvement de lacet autour de l'axe vertical est un élément important pour éviter le décrochage d'une aile.

1.18.2 Décrochage

Le décrochage aérodynamique est défini comme la « diminution de portance aérodynamique survenant lorsque l'angle d'attaque critique de l'aile d'un avion est dépassé. » Note de bas de page 48 En général, la sortie de décrochage au moteur ou au régime ralenti est effectuée comme suit :

  1. Appliquer une pression vers l'avant sur la commande de profondeur afin de réduire l'angle d'attaque;
  2. Régler la puissance/poussée comme requis;
  3. Actionner la gouverne de direction avec seulement la force nécessaire pour maîtriser les glissades sur l'aile et les mouvements de lacet;
  4. Actionner les ailerons pour mettre les ailes de niveau;
  5. Établir une trajectoire de vol qui s'éloigne du terrain et terminer la sortie de décrochage.
1.18.2.1 Décrochage au décollage

Au cours du décollage, tout aéronef traverse une période vulnérable de faible vitesse à basse altitude. Ainsi, une réduction soudaine de la puissance moteur à ce moment peut rapidement réduire l'écart entre la vitesse de montée et la vitesse de décrochage si le pilote ne réagit pas immédiatement pour réduire l'assiette de l'appareil et maintenir la vitesse de vol plané.

1.19 Techniques d'enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

L'appareil évoluait dans des conditions favorables au vol à vue et rien ne porte à croire que les conditions météorologiques aient été en cause dans l'événement à l'étude. Le pilote était qualifié conformément à la réglementation en vigueur pour effectuer le vol.

L'examen des dossiers de maintenance de l'aéronef a soulevé quelques préoccupations liées aux multiples modifications apportées à l'appareil suite à sa fabrication. Toutefois, l'examen de l'épave et de différents composants n'a révélé aucun indice que l'aéronef ait subi une défaillance structurale, des problèmes de commandes de vol, un fonctionnement anormal des volets ou un incendie en vol. L'examen de l'hélice ne montre aucun signe de rotation au moment de l'impact et l'examen du moteur a révélé que, peu de temps après le décollage, l'arbre d'accouplement de la pompe carburant entraînée par moteur s'est rompu alors que le moteur fonctionnait à haut régime, causant l'interruption de l'alimentation en carburant au moteur, et ainsi l'arrêt soudain de ce dernier.

Les renseignements obtenus, dont la trajectoire de l'aéronef dans les arbres, indiquent un décrochage aérodynamique lorsqu'un virage à droite a été amorcé à moins de 200 pieds au-dessus du sol (AGL) Note de bas de page 49. Par conséquent, l'analyse portera sur les diverses modifications de l'aéronef, le décollage en question, la panne moteur à basse altitude et sur la question de la survie après impact.

2.1 Modifications de l'aéronef

Avant l'installation de la trousse de modification pour aéronef à décollage et atterrissage courts (ADAC) de Sierra Industries (CTS SA1513WE), des profils rapportés de bord d'attaque des ailes et des cloisons de décrochage similaires avaient déjà été installés au moment du montage de la trousse de modification Horton. Il apparaît que les composants de la trousse Horton ont été retenus et seuls les composants du système de liaison entre les volets et les ailerons de Sierra Industries ont été installés. Par conséquent, si les composants liés à l'aspect aérodynamique de l'aéronef ne sont pas tous installés exactement en conformité avec les consignes du certificat de type supplémentaire (CTS), il y a un risque que l'installation produise des résultats inattendus qui pourraient augmenter la possibilité de perte de maîtrise de l'aéronef.

2.1.1 Limitations lors de multiples modifications

Les organismes de réglementation approuvent les CTS individuels au terme d'essais réalisés sur un aéronef certifié sans autre modification. Par la suite, lorsqu'un aéronef subit de multiples modifications en vertu de plusieurs CTS, des essais ne sont généralement pas effectués pour vérifier les interactions aérodynamiques entre ces multiples modifications. Le Bureau a publié une préoccupation liée à la sécurité au sujet de l'absence de lignes directrices sur la façon d'évaluer et de documenter les effets de ces multiples modifications.

Dans le cas de l'aéronef en cause, les caractéristiques de décrochage de ces 6 modifications sont inconnues puisqu'elles n'ont pas fait l'objet d'essais en vol une fois combinées. De plus, certaines des modifications comportaient des réductions des limites de vitesse. Par exemple, une modification a réduit la vitesse à ne jamais dépasser (Vne) de 182 nœuds à 165 nœuds, alors qu'une autre modification l'a réduite davantage à 158 nœuds. Ces réductions tendent à indiquer des limites structurelles ou des effets indésirables à haute vitesse induits par chacune de ces modifications. Toutefois, les effets de ces modifications une fois combinées sont inconnus.

Ainsi, le pilote ne disposait pas de renseignements sur les caractéristiques de décrochage ou sur l'interaction des limitations de vitesse avec les multiples modifications apportées à l'aéronef. Par conséquent, si des évaluations adéquates ne sont pas effectués après de multiples modifications qui changent les caractéristiques aérodynamiques de l'appareil, il y a un risque que l'aéronef présente, lors d'un vol régulier quand le pilote n'y est pas préparé, des caractéristiques de vol ou de décrochage inattendues, augmentant la possibilité de perte de maîtrise.

2.1.2 Compatibilité de multiples modifications en vertu de certificats de type supplémentaires

Transports Canada (TC) exige que l'installateur s'assure que la ou les modifications à l'aéronef n'auront aucune incidence sur sa navigabilité. Cependant, TC ne requiert pas de documenter comment l'installateur a déterminé la compatibilité entre le nouveau CTS et ceux déjà installés.

L'examen des dossiers techniques de l'appareil n'a pas permis d'établir que les modifications effectuées sur l'aéronef avaient fait l'objet d'une évaluation de compatibilité par l'installateur. Ainsi, les caractéristiques de vol avec les multiples modifications apportées sont inconnues. Par conséquent, s'il n'est pas exigé de documenter la méthode utilisée pour établir la compatibilité des modifications effectuées avec les modifications existantes, il y a un risque que les essais de compatibilité ne soient pas effectués et que, lors d'un vol régulier subséquent, l'aéronef présente des caractéristiques de vol inhabituelles, augmentant la possibilité de perte de maîtrise de l'aéronef.

2.2 Décollage

2.2.1 Calcul des performances au décollage

L'aéronef était monté sur flotteurs amphibies (CTS SA1483GL) et muni d'un moteur plus puissant (CTS SA1482GL), qui permet d'augmenter la masse brute pour la faire passer à 3800 livres.

Les données de performance au décollage disponibles au pilote étaient les suivantes :

Il n'existe pas de tableaux pour les décollages à 3800 livres et les instructions du CTS SA1483GL indiquent que les données du manuel de vol sont valides. Une extrapolation linéaire a été effectuée aux fins de comparaison, afin d'estimer la performance au décollage à 3700 livres, soit le poids estimé de l'aéronef en cause au décollage.

En fonction des conditions atmosphériques au moment du décollage Note de bas de page 50, les performances au décollage ont été comparées dans le tableau 3 comme suit :

Tableau 3. Tableau comparatif des performances au décollage selon les sources disponibles
Source de données Course au décollage sur l'eau
(pieds)
Taux de montée sans volets
(pieds par minutes)
Supplément (flotteurs) du manuel de vol (3500 livres) 1124 826
Extrapolation linéaire du même tableau (3700 livres) 1320 713
Performance observée au décollage 1600 230

Dans les faits, il apparaît que la course au décollage réelle de l'aéronef était d'environ 21% de plus que la distance extrapolée à 3700 livres et 42% de plus que celle du supplément (flotteurs) au manuel de vol à 3500 livres.

L'enquête a établi que l'aéronef n'avait pas encore atteint 200 pieds AGL à une distance d'environ 7000 pieds du point de l'amorce du décollage, qui représente un taux de montée réel d'environ 32% du taux extrapolé à 3700 livres et d'environ 28% du taux du supplément (flotteurs) au manuel de vol à 3500 livres. Il n'a pas été possible de déterminer la raison précise de cet écart.

La performance réelle d'un aéronef léger ayant un moteur avec une certaine usure et une cellule âgée sera inférieure aux données du manuel de vol. De même, il est attendu que le taux de montée avec les volets braqués à 20° est inférieur au taux en configuration sans volets et que toute déviation de la vitesse optimale de montée causera une réduction du taux de montée. De plus, une technique de décollage différente de celle utilisée pour obtenir les données publiées peut augmenter les distances réelles soit; de la course au décollage et de la distance nécessaire au franchissement d'un obstacle de 50 pieds.

En réalité, le pilote devait s'appuyer sur une méthode empirique ou expérimentale pour estimer la distance de décollage, le taux de montée et la distance de franchissement d'obstacle. Dans ces conditions, prévoir l'altitude de l'aéronef à un point donné lors du décollage était difficile compte tenu des variables en cause.

Quoi qu'il en soit, en absence de tableaux de performance représentant le poids de l'appareil, il est problématique de prévoir la trajectoire de vol de l'aéronef et d'évaluer sa performance réelle par rapport à la performance théorique de l'appareil. Par conséquent, si les pilotes ne disposent pas de données de performance relatives au décollage pour la configuration de l'appareil modifié, il y a un risque accru que la distance de décollage requise excède l'aire de décollage ou que l'appareil n'arrive pas à franchir les obstacles.

2.3 Panne moteur à basse altitude

Les renseignements recueillis durant l'enquête ont permis d'établir que l'aéronef a subi un arrêt moteur lors de la montée initiale après le décollage, à une altitude inférieure à celle du relief avoisinant, soit 200 pieds AGL.

Il peut s'avérer difficile de diagnostiquer une panne de la pompe carburant entraînée par moteur puisque la durée et les caractéristiques des symptômes diffèrent en fonction de la nature de la défaillance. Si la pompe carburant avait subi une dégradation de son fonctionnement, le pilote aurait observé une réduction progressive du régime moteur et possiblement un bafouillage du moteur. De tels symptômes lui auraient fourni des indices tactiles et auditifs révélateurs qui lui auraient peut-être permis d'appliquer la procédure prévue en cas de panne de la pompe carburant entraînée par moteur. Or, la rupture de l'arbre d'accouplement de la pompe a provoqué l'interruption instantanée du débit carburant et ensuite l'arrêt du moteur.

2.3.1 Procédures d'urgences du manuel de vol

Le manuel de vol comprend une procédure spécifique en cas de panne de la pompe carburant entraînée par moteur pendant le décollage dans la section bafouillage moteur ou perte de puissance. Principalement, celle-ci consiste à maintenir l'interrupteur EMERG de la pompe carburant auxiliaire à la position HI afin de maintenir le moteur en marche jusqu'à ce que l'aéronef franchisse tous les obstacles.

Bien que la procédure en cas de panne de moteur en vol mentionne la mise en marche de la pompe carburant auxiliaire, la procédure en cas de panne moteur après le décollage, quant à elle, ne mentionne pas la mise en marche de la pompe carburant auxiliaire. Elle préconise avant tout la maîtrise de l'aéronef en abaissant le nez promptement afin de maintenir la vitesse et d'effectuer un atterrissage droit devant. De plus, elle stipule de couper le moteur, l'alimentation en carburant, l'allumage et l'électricité, si le temps le permet.

Pourtant, l'utilisation de la pompe carburant auxiliaire est de mise lors de la défaillance de la pompe carburant entraînée par moteur pendant le décollage. Par conséquent, si les procédures d'urgence du manuel de vol ne couvrent pas les éléments pertinents d'autres procédures, il y a un risque que l'équipage ne sera pas en mesure de prendre les actions appropriées à temps, nuisant ainsi la sécurité du vol.

En absence d'une procédure de panne moteur après le décollage qui comprend aussi les éléments de la procédure spécifique à une panne de la pompe carburant entraînée par moteur pendant le décollage, le pilote ne pouvait pas s'appuyer sur une routine pratiquée lors de ses formations en vol.

Dans l'événement à l'étude, le pilote devait avant tout garder la maîtrise de l'aéronef et appliquer la procédure de panne moteur après le décollage, mais en même temps il devait se souvenir que si la panne était causée par la pompe carburant entraînée par moteur, il existait une autre procédure. Étant donné que la panne moteur s'est produite à basse altitude, le pilote n'a pas eu le temps d'identifier la nature de la panne, de faire le lien entre les diverses procédures pertinentes et finalement de poser les actions qui auraient pu rétablir la puissance moteur.

2.3.2 Gestion de la panne après le décollage

L'arrêt du moteur est survenu à un moment clé, quand l'appareil se trouvait dans la phase la plus vulnérable du vol après le décollage, alors que l'hydravion survolait une forêt à basse altitude juste après avoir passé la rive nord du lac.

Compte tenu de la nature subite de l'arrêt du moteur, l'altitude de l'aéronef au moment de l'arrêt et le fait que l'arrêt s'est produit dans une phase de vol où la charge de travail du pilote était importante, le pilote disposait de peu de temps pour évaluer la situation. Dans ces circonstances, il est primordial que le pilote ait un plan établi ou du moins qu'il ait choisi une altitude limite sous laquelle il n'y aura aucune tentative de faire demi-tour en cas de panne moteur.

On peut présumer que le pilote a été pris au dépourvu par l'arrêt du moteur. Suite à l'arrêt moteur, les actions prioritaires à entreprendre consistaient à stabiliser la vitesse et s'établir en vol plané tout en conservant la maîtrise de l'appareil vers un lieu d'atterrissage. On peut toutefois s'attendre à un délai de réaction à l'arrêt moteur de quelques secondes. Or, la vitesse a diminué jusqu'à ce que le klaxon de l'avertisseur de décrochage retentisse. L'effet de surprise conjugué au réglage de compensation en cabré sont des facteurs qui ont probablement affecté la capacité de réaction du pilote à pousser le manche en temps opportun afin de contrer la perte de vitesse.

Comme l'appareil venait de décoller, sa configuration, avec les volets braqués à 20°, générait une traînée importante en raison du braquage des volets et du cabrage vers le bas des ailerons Note de bas de page 51. De plus, les flotteurs et leurs dispositifs de fixation augmentaient la traînée. Dans ces conditions, la perte subite de traction requérait de pousser rapidement sur le manche afin d'abaisser le nez de l'aéronef et réduire les effets négatifs de la traînée sur la vitesse.

Or, dans les instants qui ont suivi l'arrêt du moteur, le pilote a constaté que les actions au manche sur les ailerons et la gouverne de profondeur avaient peu d'effet sur la trajectoire de l'aéronef et que le klaxon de l'avertisseur de décrochage retentissait. Ainsi, le pilote n'a pas maintenu la vitesse de vol plané et s'est retrouvé en vol lent, à la limite de la plage du vol contrôlé.

Pour des raisons de sécurité évidentes, la formation sur la panne moteur s'effectuait en altitude sans complètement arrêter le moteur. Ainsi, le pilote n'a jamais eu à exécuter la procédure complète d'une panne moteur à l'envol. En conséquence, le pilote n'a jamais été exposé aux conditions présentes lors du vol à l'étude au moment de l'arrêt moteur.

Lorsque le moteur s'est arrêté, le pilote devait prendre des décisions et des actions rapides sans toutefois pouvoir s'appuyer sur une expérience antérieure en situation réelle. Étant donné que l'expérience du pilote était limitée aux simulations pendant l'entraînement, il est probable qu'il n'était pas préparé à passer, en une fraction de seconde, d'une situation de vol de routine à une situation d'urgence nécessitant une disponibilité et une concentration extrêmes. Bien que le pilote ait suivi la formation requise par la réglementation, il n'était pas préparé à gérer l'urgence avec efficacité.

2.3.3 Tentative de faire demi-tour et perte de maîtrise

Confronté à un atterrissage forcé dans la forêt devant lui, le pilote a décidé de faire demi‑tour pour revenir amerrir sur le lac Kuashkuapishiu. La décision de faire demi-tour à basse altitude suggère une planification incomplète avant le décollage, car à moins de 200 pieds AGL, il est impossible d'exécuter un virage de 180 degrés en vol plané.

Étant donné la réponse léthargique des ailerons en vol lent, le pilote a appuyé sur le palonnier droit afin d'amorcer le demi-tour. Le mouvement de lacet autour de l'axe vertical a provoqué le dépassement de l'angle d'attaque critique de l'aile droite dans un virage non coordonné. Le décrochage aérodynamique de l'aile droite a provoqué une autorotation de mise en vrille vers la droite, qui a été immédiatement arrêtée par le pilote. Toutefois, la manœuvre s'est soldée par un virage à droite brusque avec une descente prononcée. Le pilote a tenté de faire demi-tour à basse altitude, et un décrochage aérodynamique s'est produit à une altitude insuffisante pour permettre une reprise de la maîtrise de l'appareil avant l'impact avec le sol.

2.4 Questions relatives à la survie des occupants

L'accident offrait des chances de survie puisque le pilote assis du côté gauche est sorti vivant de l'appareil. Toutefois, l'examen de l'épave ainsi que l'analyse des données recueillies n'ont pas pu déterminer si le décès des 2 passagers assis du côté droit aurait pu être évité.

2.4.1 Incendie après impact

En raison de la nature destructrice de l'incendie, il a été impossible d'obtenir les indices physiques nécessaires pour étayer les constatations relatives à la source de l'incendie, au déversement de carburant, à la propagation de l'incendie et aux problèmes d'évacuation. Ainsi, il n'a pas été possible d'établir l'influence de la bombonne de gaz propane qui se trouvait à bord. Toutefois, selon le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, le transport de la bombonne de gaz propane était autorisé.

2.4.2 Radiobalise de repérage d'urgence

Aucun signal de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) n'a été capté par le système satellite COSPAS-SARSAT, ni entendu ou signalé par d'autres aéronefs dans la région pendant les recherches. Or, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis avait déjà publié des avis relatifs au modèle d'ELT installé à bord de l'aéronef, citant qu'elle aurait été fabriquée, réparée, vendue et distribuée avec des pièces qui n'étaient pas conformes à leur conception approuvée. Bien qu'il n'a pas été possible de retrouver l'ELT ni de déterminer la raison pour laquelle aucun signal n'a été capté suite à l'impact, il demeure que si les ELT ayant été fabriquées avec des pièces non approuvées demeurent installées à bord des aéronefs en service, l'ELT peut ne pas fonctionner comme prévu en cas d'accident, exposant les occupants à un risque plus important de blessure ou de décès car l'aide du personnel de recherche et sauvetage pourrait être retardée.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Peu de temps après le décollage, l'arbre d'accouplement de la pompe carburant entraînée par moteur s'est rompu alors que le moteur fonctionnait à haut régime, causant l'interruption de l'alimentation en carburant au moteur, et ainsi l'arrêt soudain de ce dernier.
  2. Étant donné que la panne moteur s'est produite à basse altitude, le pilote n'a pas eu le temps d'identifier la nature de la panne, de faire le lien entre les diverses procédures pertinentes et finalement de poser les actions qui auraient pu rétablir la puissance moteur.
  3. Le pilote n'a pas maintenu la vitesse de vol plané et s'est retrouvé en vol lent, à la limite de la plage du vol contrôlé.
  4. Le pilote a tenté de faire demi-tour à basse altitude, et un décrochage aérodynamique s'est produit à une altitude insuffisante pour permettre une reprise de la maîtrise de l'appareil avant l'impact avec le sol.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si les composants liés à l'aspect aérodynamique de l'aéronef ne sont pas tous installés exactement en conformité avec les consignes du certificat de type supplémentaire, il y a un risque que l'installation produise des résultats inattendus qui pourraient augmenter la possibilité de perte de maîtrise de l'aéronef.
  2. Si des évaluations adéquates ne sont pas effectués après de multiples modifications qui changent les caractéristiques aérodynamiques de l'appareil, il y a un risque que l'aéronef présente, lors d'un vol régulier quand le pilote n'y est pas préparé, des caractéristiques de vol ou de décrochage inattendues, augmentant la possibilité de perte de maîtrise.
  3. S'il n'est pas exigé de documenter la méthode utilisée pour établir la compatibilité des modifications effectuées avec les modifications existantes, il y a un risque que les essais de compatibilité ne soient pas effectués et que, lors d'un vol régulier subséquent, l'aéronef présente des caractéristiques de vol inhabituelles, augmentant la possibilité de perte de maîtrise de l'aéronef.
  4. Si les pilotes ne disposent pas de données de performance relatives au décollage pour la configuration de l'appareil modifié, il y a un risque accru que la distance de décollage requise excède l'aire de décollage ou que l'appareil n'arrive pas à franchir les obstacles.  
  5. Si les procédures d'urgence du manuel de vol ne couvrent pas les éléments pertinents d'autres procédures, il y a un risque que l'équipage ne sera pas en mesure de prendre les actions appropriées à temps, nuisant ainsi la sécurité du vol.
  6. Si les radiobalises de repérage d'urgence (ELT) ayant été fabriquées avec des pièces non approuvées demeurent installées à bord des aéronefs en service, l'ELT peut ne pas fonctionner comme prévu en cas d'accident, exposant les occupants à un risque plus important de blessure ou de décès car l'aide du personnel de recherche et sauvetage pourrait être retardée.

3.3 Autres faits établis

  1. Selon le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, le transport de la bombonne de gaz propane était autorisé.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Transports Canada

Transports Canada a publié en août 2017 une Alerte à la sécurité de l'Aviation civile (ASAC) intitulée « Alerte de pièces non approuvées concernant des batteries installées ou destinées à être installées dans les balises de repérage d'urgence modèle AK-451 d'Ameri-King », le même modèle qu'installé sur l'aéronef en cause. Cette alerte vise des batteries non approuvées provenant directement d'un fournisseur et ne répondant pas à la conception approuvée de la balise de repérage d'urgence (ELT) et est disponible sur le Site Web de Transports Canada.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Tableau des performances au décollage et taux de montée

Annexe A. Tableau des performances au décollage et taux de montée
Tableau des performances au décollage et taux de montée

Annexe B – Calcul des performances au décollage

Annexe B. Calcul des performances au décollage
Calcul des performances au décollage

Annexe C – Prévision de zone graphique (GFA) pour la région Ontario Québec valide lors de l'événement à l'étude

Annexe C. Prévision de zone graphique (GFA) pour la région Ontario Québec valide lors de l'événement à l'étude
Prévision de zone graphique (GFA) pour la région Ontario Québec valide lors de l'événement à l'étude