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Rapport d'enquête maritime M95W0005

Naufrage
bateau de pêche «PACIFIC BANDIT»
au large de la baie Barkley
(Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Aux petites heures du matin le 11 février 1995, le «PACIFIC BANDIT», chargé de quelque 23 000 kg de poisson et qui se trouvait au large de la côte ouest de l'île de Vancouver (Colombie-Britannique), n'était pas engagé dans des activités de pêche. Les conditions de mer et de vent étaient telles que le bateau embarquait et retenait de l'eau sur le pont principal. Le bateau a gîté sur tribord et a subi un envahissement par les hauts, après quoi il a chaviré puis coulé. Deux membres de l'équipage ont été projetés par-dessus bord; les deux autres ont abandonné le bâtiment et ont réussi à se hisser à bord du radeau de sauvetage. Trois des membres de l'équipage ont été secourus par la suite, et un naufragé, qui a séjourné dans l'eau alors qu'il ne portait ni gilet de sauvetage ni combinaison d'immersion, a succombé à l'hypothermie et s'est noyé.

Le Bureau a déterminé que le «PACIFIC BANDIT», alors qu'il naviguait sur une mer agitée, a chaviré après avoir perdu sa stabilité transversale positive en raison de l'effet cumulatif attribuable à l'eau embarquée et retenue sur le pont, à l'arrimage de la prise dans les cales, à l'effet de carène liquide et à l'envahissement par les hauts des espaces situés sous le pont. Le fait que les portes étanches aux intempéries aient été ouvertes et que les fenêtres de la cuisine aient été brisées a accéléré l'envahissement par les hauts, lequel s'est poursuivi jusqu'à ce que le bateau perde toute sa réserve de flottabilité et coule.

1.0 Renseignements de base

1.1 Fiche technique du navire

Nom « PACIFIC BANDIT »
Numéro officiel 347761
Numéro de licence 25685
Port d'immatriculation Victoria (C.-B.)Note de bas de page 1
Pavillon Canadien
Type Petit bateau de pêche
Jauge brute 69 tonneauxNote de bas de page 2
Longueur 17,02 m
Tirant d'eau inconnu
Cargaison Poisson - 22 700 kg environ
Équipage Quatre
Construction 1973, Victoria (C.-B.)
Groupe propulseur Diesel de 400 BHP entraînant une hélice à pas fixe
Propriétaires Banditos Fishing Ltd.Surrey (C.-B.)

1.1.1 Renseignements sur le navire

Le «PACIFIC BANDIT» était un bateau en acier soudé dont le pont de gaillard était surélevé. L'espace du gaillard d'avant abritait des emménagements pour trois membres d'équipage. Pour accéder à cet espace, on passait par une porte située dans l'axe longitudinal du bateau, à la limite du gaillard d'avant. Dans la cabine / timonerie faite d'acier, située sur l'arrière du milieu, se trouvaient la cabine du patron, la passerelle, la cuisine et la salle de toilette.

À l'extrémité arrière, trois portes donnaient accès (de droite à gauche) à la salle de toilette, à la salle des machines et aux emménagements. La porte d'entrée des emménagements était une porte coupée, faite de deux sections conçues de façon que la moitié supérieure puisse être attachée en position ouverte et la moitié inférieure en position fermée. Un tambour à filet et deux treuils de chalut étaient montés sur le pont arrière, derrière la timonerie.

1.2 Déroulement du voyage

Après s'être ravitaillé partiellement en combustible, et alors qu'il avait quelque 22 700 kg de poisson à bord, le «PACIFIC BANDIT» a appareillé d'Ucluelet (C.-B.) vers 16 h 30Note de bas de page 3 le 10 février 1995, à destination de lieux de pêche situés à 30 milles au sud-ouest de la pointe Amphitrite (C.-B.). Les stabilisateurs à paravane, destinés à atténuer le roulis, étaient déployés.

Les conditions météorologiques étaient bonnes, avec des vents modérés du nord-ouest et des vagues de 1 à 2 m venant du nord-ouest.

Les filets ont été mouillés vers 21 h et ont été rentrés à 23 h. Ils contenaient seulement une petite quantité de poisson. Après avoir trié la prise, l'équipage a ouvert la petite trappe d'accès du panneau d'écoutille de la cale à poisson avant et a envoyé le poisson dans la cale. On a alors refermé la trappe d'accès, sans toutefois la fermer hermétiquement.

Après avoir arrimé l'équipement et mis de l'ordre, le cuisinier / matelot (ci-après le cuisinier) et le matelot sont revenus au gaillard d'avant. Le patron a dit au mécanicien / matelot (ci-après le mécanicien) de faire route lentement vers le sud, en direction d'un point de route situé à huit milles de la position du bateau à ce moment, puis de revenir en direction nord. Ensuite, le patron est allé se coucher.

Le bateau avait apparemment un franc-bord de 150 mm à l'arrière et de 450 mm à l'avant. Vers 1 h, le mécanicien s'est fait relever par le cuisinier qui a pris le quart. Le mécanicien a indiqué au cuisinier quelle était la position du bateau et lui a transmis les instructions du patron, puis il est allé se coucher dans sa cabine, dans les emménagements du gaillard d'avant.

Le bateau a fait route par vent et mer arrière pendant plus de deux heures, période au cours de laquelle de 75 mm à 100 mm d'eau de mer se sont accumulés sur le pont arrière de façon plus ou moins continue. Vers 3 h 50, le bateau se dirigeait vers le sud avec une mer arrière. Le cuisinier, qui assurait seul le quart, a vérifié la position du bateau et a tourné la barre à droite pour amener le bateau face à la houle du nord.

Réveillé par le mouvement du bateau, le patron est entré dans la timonerie. À peu près en même temps, le signal d'alarme de bas niveau de liquide de refroidissement du moteur principal et du moteur auxiliaire a retenti. À l'aide de l'interphone, le patron a demandé au mécanicien d'aller voir ce qu'il en était.

Le mécanicien a alerté le matelot, et ils ont tous deux quitté les emménagements du gaillard d'avant. Ils sont montés sur le pont principal et ont constaté qu'environ 0,5 m d'eau de mer s'était accumulé du côté tribord. Le patron et le mécanicien se sont tous deux aperçus que le bateau avait une gîte d'environ 10 ° sur tribord.

Le mécanicien et le matelot se sont dirigés vers l'arrière et sont entrés dans les emménagements. Le mécanicien a fait démarrer le moteur auxiliaire à partir de la timonerie, après quoi il a pénétré dans la salle des machines, a ouvert les vannes des compartiments appropriés, a mis la pompe en marche et a commencé à assécher les fonds de la cale à poisson avant et de la salle des machines; il y avait quelque 300 mm d'eau dans les fonds de la salle des machines.

Il semble que le patron avait prévu de pêcher dans les parages le lendemain matin pour finir de remplir la cale à poisson, à condition que la météo le permette. Toutefois, les conditions météorologiques s'étant détériorées, on a changé de cap pour se diriger vers le nord-est, en direction de Tofino (C.-B.). Comme le bateau recevait alors la houle sur l'avant bâbord, l'eau de mer embarquée sur le pont ne s'écoulait pas rapidement, si bien que le patron a ordonné au cuisinier et au matelot d'aller à l'avant pour retirer les planches de séparation placées près des grands sabords de décharge.

On a démonté les planches de séparation, après quoi on les a jetées dans la cale à poisson avant par la trappe d'accès, et on a refermé le panneau. Le cuisinier et le matelot se sont ensuite rendus au gaillard d'avant pour se changer, car leurs vêtements et leurs bottes de caoutchouc étaient trempés. Ils sont ressortis du compartiment une dizaine de minutes plus tard. La porte des emménagements du gaillard d'avant et celle des emménagements de l'arrière étaient toutes deux en position ouverte.

À ce moment, la gîte sur tribord avait augmenté et atteignait un angle de 20 à 30 °, et le bateau subissait un envahissement par les hauts, car l'eau de mer entrait par la porte ouverte du gaillard d'avant. Alors que le pont était à fleur d'eau, le cuisinier et le matelot se sont rendus à l'avant et ont détaché quelques flotteurs à filets. Pendant ce temps, le mécanicien a vérifié le vacuomètre de la cale à poisson avant -- qui indiquait que le compartiment était au sec. Il a débrayé la pompe, a fermé les vannes, et il est sorti de la salle des machines lorsque la gîte sur tribord s'est accentuée subitement. En se dirigeant vers la timonerie, il est allé prendre sa combinaison d'immersion dans la cabine et l'a revêtue.

Le patron a mis la barre à gauche toute et a augmenté le régime des moteurs pour tenter de "gagner du temps"; toutefois, la gîte a augmenté, et le matelot et le cuisinier ont été projetés par-dessus bord par une grosse lame qui a déferlé sur le pont avant.

À 4 h 32, le patron a lancé des messages «MAYDAY» sur la voie 74 à l'intention du Centre de trafic maritime (CTM) de Tofino, et sur la voie 8 du radiotéléphone à très haute fréquence (R/T VHF), à l'intention des bateaux de pêche qui naviguaient dans les parages. Le CTM et plusieurs bateaux de pêche qui se trouvaient dans les parages ont immédiatement répondu aux messages «MAYDAY».

Constatant que la mer démontée avait brisé deux fenêtres du côté tribord de la cuisine et que l'eau de mer, entrant par les portes ouvertes, envahissait déjà rapidement les emménagements, le patron a décidé d'abandonner le navire. Pendant ce temps, le mécanicien avait grimpé sur le toit de la cabine et, non sans quelques difficultés, était parvenu à couper les amarres du radeau de sauvetage pneumatique. Une fois le bateau engagé, le mécanicien a mis à l'eau le radeau de sauvetage en l'éloignant du bateau à coups de pied. Le patron s'est rendu dans l'eau jusqu'à l'arrière, a fait surface près du conteneur du radeau de sauvetage et a tiré sur la bosse. Peu après, le radeau de sauvetage s'est gonflé par-dessus lui. Le mécanicien a été le premier à monter à bord du radeau de sauvetage.

Lorsque le patron a refait surface, le mécanicien l'a aidé à se hisser à bord du radeau. Ils ont entendu les deux autres membres de l'équipage du côté le plus éloigné du bateau chaviré et les ont appelés; toutefois, ils n'ont pas pu les voir en raison de l'obsécuritéé. Le radeau de sauvetage était encore relié au bateau. Le patron, craignant que le bateau chaviré coule et entraîne le radeau avec lui, a cherché un couteau pour couper la bosse. Ne pouvant trouver le couteau dans l'obsécuritéé, le patron et le mécanicien ont dû couper la bosse avec leurs dents pour libérer le radeau de sauvetage. Par la suite, ils ont essayé de rejoindre les autres survivants, mais le vent a fait dériver le radeau. Entre-temps, le matelot et le cuisinier, qui étaient dans l'eau et portaient des vêtements légers, sont parvenus à s'agripper à des planches avec beaucoup de peine, en raison des conditions difficiles. Ils ont essayé de pagayer en direction du bateau chaviré, mais n'ont pu le rejoindre. Le bateau a fini par couler à la position approximative 48°38′N, 126°10′W, par 300 m de profondeur.

Quelque temps plus tard, le matelot a lâché prise. Le cuisinier s'est agrippé à lui, mais la mer a emporté le matelot sans que le cuisinier puisse le retenir, et le matelot a disparu dans la nuit.

1.3 Recherches et sauvetage

Dès réception du message MAYDAY, le CTM a averti le Centre de coordination du sauvetage (CCS) de Victoria, déclenchant une opération officielle de recherches et sauvetage (SAR). Dans ses efforts de coordination des recherches, le CCS a fait appel à quatre unités aériennes, à deux unités SAR maritimes spécialisées ainsi qu'à de nombreux bateaux de pêche et navires de commerce. Les unités SAR aériennes ont localisé trois naufragés et ont dirigé vers eux les unités de surface, qui les ont secourus vers 7 h 15.

1.4 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - - - -
Disparus 1 - - 1
Blessés graves - - - -
Blessés légers/Indemnes 3 - - 3
Total 4 - - 4

Lorsqu'ils ont été secourus, les survivants souffraient d'hypothermie à divers °. Ils ont été transportés à l'hôpital pour y être traités, après quoi ils ont reçu leur congé. Le matelot n'a pas été retrouvé; on présume qu'il s'est noyé.

1.5 Avaries au navire

Le bateau a coulé et a été déclaré perte totale.

1.6 Certificats du navire

La Direction de la sécurité des navires de la Garde côtière canadienne (GCC) avait inspecté le «PACIFIC BANDIT» le 17 juin 1994 et lui avait délivré un certificat d'inspection SIC 29 valide pour toute la période visée, qui expirait le 26 mai 1998.

1.7 Brevets, formation et antécédents du personnel

À bord d'un bateau de pêche de moins de 100 tonneaux de jauge brute, comme le «PACIFIC BANDIT», les membres d'équipage ne sont pas tenus d'être brevetés.

Seul le mécanicien avait suivi le programme de formation sur les fonctions d'urgence en mer (FUM) en vue d'obtenir un certificat de capacité de capitaine de pêche de classe III. Ce programme donne une formation sur le sauvetage, l'abandon du navire, la lutte contre l'incendie et les premiers soins, ainsi que sur la façon d'utiliser l'équipement approprié. À l'heure actuelle, aucun règlement n'oblige les membres d'équipage non brevetés des bateaux de pêche à suivre le programme de formation sur les FUM. Le mécanicien en était à sa troisième sortie à bord du «PACIFIC BANDIT».

Le patron est un pêcheur expérimenté qui, depuis août 1994, avait été employé par intermittence comme patron du «PACIFIC BANDIT».

Le cuisinier a commencé à pêcher en 1986 et il en était à sa troisième sortie à bord du «PACIFIC BANDIT».

Le matelot était un nouveau-venu dans l'industrie de la pêche et il en était à sa troisième sortie à bord du «PACIFIC BANDIT».

1.8 Exigences en matière de stabilité

Comme le «PACIFIC BANDIT» n'avait pas fait l'objet d'un essai de stabilité, aucune donnée de stabilité n'avait été produite. D'ailleurs, aucun règlement n'exige la production de telles données. On n'a trouvé aucune donnée de stabilité, de quelque provenance que ce soit, permettant de faire une analyse de stabilité, et les plans du bateau n'étaient pas disponibles.

1.8.1 Observations de l'équipage -- Période de roulis

Les survivants ont déclaré que le bateau était lourdement chargé et ont décrit différemment le mouvement de roulis, certains le qualifiant de doux et régulier, et d'autres de plus lent que la normale.

1.9 Cale à poisson

La cale à poisson avant se trouvait entre le gaillard et la timonerie. La hiloire de la cale à poisson mesurait environ 1 m de hauteur. Un panneau d'écoutille fait d'aluminium, mesurant 1,5 m sur 2,5 m, était muni d'une trappe d'accès de 0,45 m de côté qui donnait sur la cale à poisson. Le dispositif de fixation consistait en un bout de câble passant par-dessus le panneau d'écoutille et fixé à un piton à plaque situé de part et d'autre de la hiloire. Ni le panneau ni la trappe d'accès n'était fermé hermétiquement au moment de l'accident.

La cale à poisson arrière se trouvait derrière la timonerie et contenait une petite quantité de glace et des fournitures. La hiloire, mesurant 250 mm de hauteur, était surmontée d'un panneau d'aluminium mesurant 1,2 m sur 1,2 m percé d'une trappe d'accès de 0,45 m de côté. Le dispositif de fixation de ces ouvertures était similaire à celui de la cale avant. Les deux ouvertures de la cale à poisson arrière étaient fermées hermétiquement au moment de l'accident.

1.10 Épontilles dans les cales à poisson

Suivant les règles du bon usage maritime, et bien qu'aucun règlement ne l'exigeait, les cales à poisson du «PACIFIC BANDIT» étaient subdivisées au moyen d'épontilles longitudinales et transversales mobiles, destinées à prévenir le déplacement du poisson en vrac. La cale avant était divisée en neuf cases, et la cale arrière en comptait quatre. Les épontilles longitudinales et transversales de la cale à poisson avant ne montaient pas jusqu'au barrot de pont mais arrêtaient à environ 450 mm sous celui-ci, et la hauteur du poisson arrimé dans la cale dépassait d'environ 150 mm le sommet des épontilles.

1.11 Écoutillons de chargement du poisson

La cale à poisson avant était munie de quatre écoutillons de chargement du poisson, légèrement en saillie (ci-après les écoutillons), situés deux par deux (bâbord et tribord) devant et derrière l'écoutille principale. Les écoutillons servaient au chargement du poisson dans la cale, et chaque écoutillon était équipé d'un panneau d'aluminium étanche à l'eau retenu par un mécanisme de fermeture à simple effet actionné par une clé. Les panneaux n'avaient pas de charnière et n'étaient pas non plus retenus en permanence par une chaîne à la structure du bateau, contrairement à ce qu'exige le règlement.

D'après l'équipage, les joints des écoutillons avant de la cale à poisson avant étaient étanches à l'eau, mais les joints d'étanchéité des écoutillons à l'extrémité arrière de la cale ne l'étaient pas. Les écoutillons arrière laissaient fuir dans la cale à poisson avant l'eau qui s'accumulait sur le pont. L'équipage en était conscient et avait apparemment parlé de remplacer les joints à la fin du voyage.

1.11.1 Pratique du bord -- Fermeture des écoutillons

À bord du «PACIFIC BANDIT», la pratique voulait que la personne qui était sur place s'occupe de fermer hermétiquement l'écoutillon après usage. Le patron confirmait ensuite avec l'équipage que les écoutillons étaient bien fermés. À cette occasion, le mécanicien avait fermé les écoutillons et en avait informé le patron.

1.12 Planches de séparation sur le pont

Pour faciliter le triage de la prise avant le chargement de celle-ci dans la cale, on avait installé sur le pont deux rangées superposées de planches de séparation de 250 mm de hauteur afin d'empêcher le poisson de glisser et de tomber à la mer. Les planches de séparation étaient dépourvues des dispositifs exigés par le règlement pour faciliter l'écoulement rapide et efficace de l'eau accumulée dans les bacs. Dans l'événement à l'étude, les planches de séparation n'ont été démontées qu'après que le temps se soit détérioré et que l'eau de mer embarquée sur le pont ne se soit plus écoulée rapidement.

1.12.1 Sabords de décharge

Les sabords de décharge du «PACIFIC BANDIT» étaient semblables à ceux d'un bateau similaire, le «TWIN J», c'est-à-dire qu'ils étaient ménagés dans les pavois sur le pont principal. Les espaces entre le rebord supérieur de la virure de carreau et l'extrémité inférieure du bordé de pavois sur le pont principal faisaient office de sabords de décharge. Pour faciliter l'écoulement rapide et efficace de l'eau accumulée sur le pont, il y avait quatre sabords de décharge additionnels : deux qui mesuraient environ 0,5 m sur 0,5 m au droit de la cale à poisson avant, un à tribord et un à bâbord; et deux autres, un de chaque côté, qui mesuraient environ 0,3 m sur 0,3 m, au droit de la cale à poisson arrière.

1.13 Méthode de chargement du poisson

Chaque fois qu'on rentrait le filet, on vidait la prise dans les bacs aménagés sur le pont pour la trier. On ouvrait ensuite un écoutillon, et un membre de l'équipage posté dans la cale plaçait le poisson dans la glace au fur et à mesure que celui-ci tombait dans le compartiment.

1.14 Dispositif d'assèchement des fonds de cale

Le dispositif d'assèchement des fonds comprenait une motopompe d'assèchement des fonds à auto-amorçage reliée par des conduites de 38 mm de diamètre à des orifices d'aspiration situés dans la cale à poisson avant, dans la salle des machines et dans la cale à poisson arrière. Le dispositif installé dans la cambuse faisait en sorte que l'eau s'écoulait vers les fonds de la salle des machines, d'où elle était rejetée par-dessus bord. Il n'y avait apparemment aucun problème quant au dispositif d'assèchement.

1.15 Autres ouvertures étanches à l'eau / aux intempéries

Un écoutillon étanche à l'eau installé à ras du pont principal donnait accès à la cambuse.

1.16 Renseignements sur les conditions météorologiques et sur la marée

1.16.1 Prévisions météorologiques et conditions rencontrées par le bateau

Prévisions maritimes émises par le Centre météorologique du Pacifique d'Environnement Canada à 16 h 45 le vendredi 10 février 1995, faisaient état de vents du nord-ouest de 5 à 15 noeuds et de vagues de 1 à 2 m, et l'aperçu parlait de vents forts du nord. Les prévisions de 22 h 45 disaient qu'au cours de la nuit, la vitesse des vents augmenterait pour atteindre de 15 à 25 noeuds, avec des vagues de 2 à 3 m.

Les conditions que le bateau a rencontrées concordent avec celles qui ont été consignées par la station météorologique la plus proche, située au banc La Pérouse (C.-B.). Au moment de l'accident, les vagues atteignaient 2 m environ, et des vents de 15 à 20 noeuds soufflaient du nord.

1.16.2 Courants et marées

À Tofino, la marée haute était prévue à 22 h 53 le 10 février 1995 et devait atteindre 3,05 m au-dessus du zéro des cartes, et la marée basse, prévue à 4 h 18 le lendemain matin, devait atteindre 1,95 m au-dessus du zéro des cartes. La crue maximale survient 3 heures et 50 minutes avant l'heure de la marée haute à TofinoNote de bas de page 4.

1.17 Équipement de sauvetage

Il y a des contradictions entre les renseignements concernant l'équipement de sauvetage consignés dans le certificat SIC 29 et le SIRS II, et l'équipement qui était effectivement à bord du «PACIFIC BANDIT» lors de l'accident :

Document Date de délivrance de fin de validité/ Date d'entrée Gilets de sauvetage Combinaisons d'immersion Chaloupe
SIC 29 17.06.94-26.05.98 6 0 4
SIRS II 17.06.94 3 3 4
À bord au moment de l'accident 11.02.95 4 4 4

Les règlements pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada et de la British Columbia Workers' Compensation Board Act exigent que le capitaine veille à ce que l'équipage comprenne la façon d'utiliser l'équipement de sauvetage et en connaisse l'emplacement. Dans le cas à l'étude, le cuisinier et le matelot ne savaient pas que les gilets de sauvetage ou les combinaisons d'immersion se trouvaient dans les emménagements du gaillard d'avant, et ils n'ont pas non plus pensé à les revêtir.

Aucun exercice d'urgence n'avait été mené sur le bateau depuis que les survivants travaillaient à bord.

1.17.1 Radeau de sauvetage pneumatique

Saisines additionnelles pour arrimer le radeau de sauvetage

Le radeau de sauvetage pneumatique était placé dans un berceau situé sur le côté bâbord du toit de la cabine, et était retenu au pont par des sangles d'arrimage. Des saisines additionnelles servaient à assujettir davantage le radeau de sauvetage au pont, mais aucun mécanisme à déclenchement rapide tel qu'une bosse Senhouse n'était utilisé. Comme on n'avait pas sous la main un couteau ou un autre moyen de couper la saisine, le mécanicien a dû redescendre sous le pont pour aller prendre un couteau. La lame du couteau s'est brisée avant qu'il ait fini de couper les saisines, mais il est tout de même parvenu à mettre à l'eau le radeau de sauvetage au moment où le bateau était engagé.

Gonflage du radeau de sauvetage

La longueur réglementaire de la bosse des radeaux de sauvetage pneumatiques est de 15 m au minimum, mais certains fabricants équipent leurs radeaux de bosses plus longues. L'extrémité intérieure de la bosse est reliée au câble de traction / de déclenchement servant à activer la bouteille de gaz (non-toxique) qui gonfle le radeau. Il faut extraire complètement la bosse du conteneur avant que le radeau de sauvetage se gonfle. Comme cela s'est produit dans l'événement à l'étude, il est déjà arrivé que des membres d'équipage se retrouvent dans l'eau sans gilet de sauvetage avant qu'on puisse mettre à l'eau ou gonfler le radeau. Dans les vagues de 2 à 3 m, le patron, qui ne portait pas de gilet de sauvetage, a dû se maintenir à flot et retenir le radeau de sauvetage d'une main tout en tirant sur la bosse de l'autre main.

Bosse du radeau de sauvetageM

Une fois à bord du radeau, le patron n'a pas trouvé, à cause de l'obsécuritéé, le couteau qui était à l'intérieur du radeau et dont il avait besoin pour couper la bosse qui retenait le radeau au bateau chaviré. Il a donc commencé à couper la corde de nylon avec ses dents. Le mécanicien a terminé le travail une vingtaine de minutes plus tard, après que le patron se soit cassé une dent.

Entretien et défectuosités du radeau de sauvetage

L'entretien du radeau de sauvetage Beaufort à six places avait été fait le 1er juin 1994, soit environ 16 jours avant la délivrance du certificat SIC 29. Toutefois, lorsque le radeau de sauvetage a été déployé, on a relevé les défectuosités suivantes :

On a réussi à lancer une fusée éclairante à parachute pour attirer l'attention d'un hélicoptère de sauvetage, et les survivants ont été secourus peu après.

Fixations des panneaux de l'entrée

L'entrée du radeau était munie de panneaux qu'on pouvait fermer et fixer en place à l'aide de cordons. Toutefois, les survivants ont eu de la difficulté à utiliser les cordons, car ils avaient les doigts engourdis par le froid.

1.17.2 Défectuosités de l'équipement du radeau de sauvetage

Lampe de poche

D'après le dépôt d'entretien, on utilise des piles de type industriel dans la lampe de poche, et les piles sont toujours remplacées au moment de l'entretien annuel du radeau de sauvetage.

Feu extérieur

Les piles du feu extérieur du radeau sont activées par l'eau. Étant donné que les contacts font office d'interrupteur lorsqu'ils sont exposés à l'eau de mer et laissent passer le courant, les contacts en question sont recouverts de capuchons de sécurité destinés à les protéger des risques de déclenchement prématuré. Les capuchons de sécurité sont reliés par une courroie à la guirlande qui entoure le radeau de sauvetage, de façon que les capuchons soient retirés automatiquement lorsque le radeau se gonfle.

L'inspection du radeau de sauvetage effectuée après l'accident a révélé que :

L'appareil a été envoyé au Laboratoire technique du BST pour fins d'analyse. L'appareil a été examiné et a fait l'objet d'essais. Le rapport de laboratoireNote de bas de page 5 a conclu que la présence de dépôts importants de chlorure cuivreux (produits par la corrosion) sur les surfaces de rupture indique que la corrosion s'était produite depuis un bon moment, ce qui donne à penser que le conducteur s'était rompu bien avant que le radeau soit mis à l'eau.

1.17.3 Radiobalise de localisation des sinistres (RLS)

Le bateau était équipé d'une RLS de classe II, bien qu'il n'était pas tenu d'en avoir en vertu du règlement. La RLS n'a pas été activée. Elle était dans la cabine du patron, et le patron n'a pas pu l'atteindre avant d'abandonner le navire en raison de l'envahissement des lieux.

1.18 Survie en eau froide

On n'a pas consigné la température de l'eau de mer sur les lieux du naufrage, mais la température moyenne de l'eau de mer à l'ouest de l'île de Vancouver est de 7 C. Des études scientifiques sur le taux de déperdition calorique d'un adulte moyen qui reste immobile dans l'eau de mer à une température de 7 C alors qu'il porte un gilet de sauvetage standard et des vêtements légers, montrent une espérance de survie de deux heures environ. La durée peut être plus longue chez une personne plus grasse.

On a décrit le matelot porté disparu comme étant un homme de 1,82 m pesant environ 82 kg. Il était apparemment en bonne santé et était un excellent nageur. Il ne portait pas de gilet de sauvetage ni de vêtement de flottaison individuel (VFI) approuvé.

2.0 Analyse

2.1 Perte d'une paravane

Bien que rien n'indique que les choses se soient passées ainsi lors de l'événement à l'étude, on a déjà signalé des situations où la perte d'une paravane d'un côté a contribué au chavirement d'un navire. La rupture à l'effort du câble ou de la chaîne qui retenait la paravane bâbord aurait fait gîter le navire sur tribord. Le cas échéant, la paravane tribord aurait donné lieu à une traînée qui aurait fait virer le navire à tribord.

2.2 Emploi de planches de séparation et sécurité

Les sabords de décharge facilitent l'écoulement rapide de l'eau de mer embarquée sur le pont. Comme les planches de séparation étaient en place et n'avaient pas de fentes ou de trous destinés à faciliter l'écoulement, l'eau de mer embarquée sur le pont y était retenue, et le débit d'écoulement de l'eau par les sabords de décharge était réduit. Les planches de séparation n'ont pas été démontées et n'ont pas été arrimées sous le pont après la fin des opérations de pêche et ce, même si les prévisions météorologiques annonçaient que les vents du nord-ouest allaient s'intensifier pour atteindre de 15 à 25 noeuds au matin, avec des vagues de 2 à 3 m, et que l'aperçu parlait de vents forts du nord. Puisqu'il faut beaucoup de temps pour démonter les planches de séparation et les remettre en place, l'équipage avait pris l'habitude de les laisser en place, même lorsqu'elles ne servaient pas. L'équipage n'a pas apprécié pleinement le danger que présentait une telle pratique.

2.3 Effet de carène liquide

Dès qu'il y a une surface libre attribuable à des liquides à bord d'un navire, on observe une diminution de la hauteur métacentrique effective (GM), en raison d'une élévation virtuelle du centre de gravité du navire, ainsi qu'une diminution de la stabilité transversale attribuable au mouvement des liquides dans les compartiments partiellement remplis ou au mouvement de l'eau embarquée sur le pont, lorsque le navire roule. Ce mouvement peut donner lieu à des transferts de poids considérables. En l'occurrence, l'effet de carène liquide a été causé par l'eau embarquée et retenue sur le pont et par l'accumulation d'eau de mer dans les emménagements du gaillard d'avant et de l'arrière. Étant donné que le bateau avait été ravitaillé en combustible et en eau la veille de l'accident, on considère que l'effet de carène liquide attribuable aux approvisionnements consommables à bord a été minime.

En général, peu de pêcheurs comprennent bien l'effet de carène liquide, et il y en a encore moins qui sachent à quel point la stabilité transversale peut diminuer lorsque de l'eau, ne serait-ce que quelques pouces, s'accumule et est retenue sur le pont. Si l'on ajoute cet effet à la perte de surface effective de flottaison qui survient lorsque le livet de pont est submergé, les conséquences peuvent être désastreuses.

2.4 Épontilles dans les cales à poisson

Bien que cela ne soit pas exigé par la réglementation, les cales à poisson du «PACIFIC BANDIT» étaient pourvues d'épontilles. Ces épontilles empêchent des poids de se déplacer sur une grande surface, de façon à réduire l'effet de carène liquide attribuable au glissement du poisson dans le compartiment. Elles permettent aussi de limiter / restreindre l'angle de la gîte associée à des déplacements de poids considérables (poisson).

Dans la cale à poisson, les épontilles étaient disposées de telle façon que le dessus de la cargaison pouvait se déplacer transversalement dès que la cargaison atteignait ou dépassait le sommet des épontilles. Le déplacement transversal de poids occasionné par le roulis du bateau a dû accroître encore davantage la gîte. Qui plus est, la situation a dû se compliquer lorsque l'eau de mer s'est mélangée au poisson dans les cales et a facilité le déplacement de ce dernier. Cette eau de mer s'était infiltrée dans le compartiment en passant par les écoutillons dont les joints d'étanchéité étaient en mauvais état.

Pour obtenir une efficacité maximale, les épontilles doivent être beaucoup plus hautes que le poisson chargé dans le compartiment. Dans le cas à l'étude, la hauteur des épontilles transversales devait nécessairement être limitée pour faciliter le chargement de la prise du fait qu'il n'y avait que quatre écoutillons sur le pont et une trappe d'accès dans le panneau pour charger le poisson dans la cale avant. Toutefois, tel n'était pas le cas pour les épontilles longitudinales. Si les épontilles longitudinales avaient été installées le plus près possible du barrot de pont, il aurait été possible d'atténuer les effets indésirables que le déplacement de la cargaison avait sur la stabilité transversale du navire. Cela aurait également permis de charger davantage la cale à poisson.

2.5 Facteurs qui ont compromis la stabilité

Lorsque le bateau s'est trouvé face au vent et à la mer, il a commencé à embarquer de l'eau sur le pont avant. Le roulis sur tribord a dû causer le déplacement de la cargaison vers tribord, faisant ainsi augmenter l'angle de gîte de ce côté. Au moment où le mécanicien est monté sur le pont, environ 0,3 m d'eau de mer s'était accumulé du côté tribord, et la poussée de l'eau vers le côté tribord a dû accentuer la gîte, au point que les sabords de décharge tribord ont été submergés. Le fait que les sabords étaient submergés a dû ralentir encore davantage l'écoulement de l'eau de mer accumulée sur le pont. Le poids additionnel de l'eau de mer embarquée et retenue sur le pont a dû aggraver la situation, ce qui a fait augmenter la gîte progressivement. À cette situation s'ajoutait l'effet causé par le déplacement du poisson dans la cale.

Comme les portes donnant sur les emménagements du gaillard d'avant et de l'arrière étaient ouvertes, les compartiments situés sous le pont ont subi un envahissement par les hauts. Le fait d'avoir mis et maintenu la barre à gauche toute et d'avoir augmenté le régime des moteurs n'a fait qu'aggraver la situation parce que les forces centrifuges générées par le virage à gauche ont dû pousser vers tribord les liquides des citernes partiellement remplies. Ceci laisse croire que les forces générées par la manoeuvre et l'effet de carène liquide de l'eau de mer embarquée et des autres liquides, combinés au déplacement du poisson dans la cale, ont fait en sorte que le bateau ne pouvait plus se redresser. Le bateau a perdu toute sa stabilité transversale positive et a chaviré.

Les dommages causés aux fenêtres de la cuisine ont accéléré l'envahissement des emménagements et des espaces situés sous le pont; l'envahissement s'est poursuivi jusqu'à ce que le bateau perde toute sa réserve de flottabilité et coule.

2.6 État des joints d'étanchéité des écoutillons

La durée de vie utile des joints d'étanchéité dépend d'un certain nombre de facteurs, dont le matériau dont ils sont faits, la fréquence d'utilisation et les conditions climatiques dans lesquelles le bateau est exploité. Le bateau ayant coulé, il n'a pas été possible d'examiner les joints, de sorte qu'on n'a pu établir avec précision l'état de ces derniers au moment de l'accident. Toutefois, d'après les déclarations de l'équipage, les joints des écoutillons étaient dans un tel état que l'eau pouvait s'infiltrer dans la cale à poisson. Le fait que l'équipage avait parlé de remplacer les joints donne à penser que ces derniers aient pu être détériorés depuis quelque temps.

La Direction de la sécurité des navires de la GCC avait inspecté le «PACIFIC BANDIT» huit mois auparavant et lui avait délivré un certificat d'inspection SIC 29 valide pour toute la période visée (quatre ans). L'avis S.I.7, donné au sujet d'autres articles, ne fait pas état des joints d'étanchéité des écoutillons. L'absence de S.I.7 donne à penser que l'étanchéité à l'eau des joints n'était pas compromise au moment de l'inspection.

Pour vérifier l'étanchéité à l'eau des joints des écoutillons, il existe deux méthodes employées couramment, à savoir l'épreuve à la lance d'arrosage ou l'épreuve sous pression. L'épreuve à la lance est celle qui est employée le plus souvent. Quoi qu'il en soit, pour que les joints des écoutillons aient eu des fuites quelque huit mois après l'inspection, il faut qu'ils aient subi une détérioration considérable et rapide au cours de la période en question. Or, rien n'indique que le «PACIFIC BANDIT» ait été exploité dans des conditions autres que celles que l'on considère comme normales.

En l'absence de registres précisant le matériau dont les joints étaient faits et la date à laquelle ceux-ci avaient été remplacés, il n'est pas possible de déterminer avec précision dans quel état étaient les joints d'étanchéité au moment de l'inspection du bateau.

2.7 Radeau de sauvetage pneumatique et sécurité

Utilisation de saisines pour assujettir le radeau de sauvetage

Étant donné qu'à bord des petits bateaux de pêche, les radeaux de sauvetage sont placés près du niveau de la mer, les équipages craignent qu'ils soient délogés de leur position. À bord de certains bateaux de pêche, on utilise des saisines additionnelles pour assujettir les radeaux de sauvetage. Toutefois, en cas d'urgence, il faut mettre à l'eau les radeaux de sauvetage lorsque chaque minute compte, et il est alors impératif que les dispositifs d'arrimage n'empêchent pas le radeau d'être mis à l'eau rapidement et en toute sécurité. Dans le cas à l'étude, le radeau du «PACIFIC BANDIT» était assujetti à l'aide de saisines additionnelles, mais il n'y avait aucun mécanisme à déclenchement rapide, et il n'y avait pas non plus de couteau à portée de la main.

Fixations des panneaux d'entrée

Dans un climat froid tel que celui que l'on connaît au Canada, il est essentiel que le personnel qui prend place dans un radeau de sauvetage pneumatique soit protégé des éléments. Les normes relatives aux radeaux de sauvetage pneumatiques exigent que les dispositifs de fermeture des panneaux d'entrée soient conçus de façon qu'on puisse les ouvrir et les fermer «facilement et rapidement» de l'intérieur et de l'extérieur, par tous les temps. Toutefois, le fait que l'équipage ait eu de la difficulté à manipuler les cordons en raison du temps froid donne à penser que les chances de survie des naufragés seraient peut-être meilleures si les panneaux d'entrée étaient pourvus d'un moyen de fixation différent ou supplémentaire, ou les deux.

Méthode de gonflage du radeau de sauvetage

Au moment de l'abandon, l'effet cumulatif de l'anxiété causée par la situation et du temps précieux qu'on peut perdre à tirer sur la bosse pour gonfler le radeau de sauvetage pourrait réduire le temps de survie d'une personne qui ne sait pas nager. Le recours à un moyen de gonflage différent ou supplémentaire, comme ceux dont sont équipés actuellement certains radeaux de sauvetage, pourrait éviter la perte d'un temps précieux et maximiser les chances de survie de l'équipage.

Entretien des radeaux de sauvetage et de leur équipement

Les piles des lampes de poche sont toujours remplacées au moment de l'entretien annuel, mais la lampe de poche ne fonctionnait pas. Comme on n'a pas pu examiner la lampe de poche après l'accident, il a été impossible de déterminer la cause exacte de la défectuosité.

Il semble que les méthodes de contrôle de la qualité en vigueur au dépôt d'entretien n'étaient pas optimales puisque :

2.7.1 Exercices d'urgence

Comme les équipages des bateaux de pêche de cette taille et de ce type ne sont pas tenus de suivre la formation sur les FUM, les patrons doivent mener des exercices d'urgence et s'assurer que les membres de leur équipage connaissent l'emplacement des engins de sauvetage et de lutte contre l'incendie, qu'ils savent s'en servir et qu'ils sont informés des fonctions et responsabilités qui leur incombent en cas d'urgence.

2.8 Emplacement de la RLS

Du fait qu'il est essentiel d'apporter une RLS à bord du radeau de sauvetage au moment de l'abandon, la RLS doit occuper une position stratégique dans la timonerie, de façon qu'on y accède immédiatement. Lors de l'accident, la RLS, qui se trouvait dans la cabine du patron, n'était plus accessible en raison de l'envahissement des lieux lorsque le patron a été forcé d'abandonner le navire; la RLS est donc restée à bord.

3.0 Faits établis

  1. Lorsque le bateau s'est trouvé face au vent et à la mer, il a commencé à embarquer de l'eau de mer sur le pont.
  2. Les planches de séparation qui étaient en place sur le pont n'étaient pas munies de moyens d'assurer un écoulement rapide de l'eau de mer qui s'accumulait dans les cases.
  3. Les planches de séparation n'ont pas été retirées avant que le bateau commence à gîter fortement sur tribord.
  4. L'équipage n'a pas apprécié pleinement le danger lié à la pratique consistant à laisser les planches de séparation en place pendant que le bateau ne pêchait pas.
  5. Les joints d'étanchéité des deux écoutillons arrière de la cale à poisson avant étaient dans un tel état qu'ils laissaient fuir dans la cale une partie de l'eau de mer qui s'accumulait sur le pont.
  6. Les épontilles placées dans la cale à poisson avant ne montaient pas jusqu'au barrot de pont, et l'eau de mer qui pénétrait dans la cale par les écoutillons facilitait le déplacement du poisson dans la cale pendant que le bateau roulait.
  7. Le bateau a commencé à gîter sur tribord, et l'angle de gîte s'est accentué progressivement par suite de l'effet cumulatif de l'eau de mer embarquée et retenue du côté tribord du pont principal et du déplacement de la cargaison vers tribord.
  8. L'angle de gîte a augmenté jusqu'à ce que les sabords de décharge tribord soient submergés et ne soient plus efficaces.
  9. L'équipage n'a pas apprécié pleinement l'effet cumulatif exercé sur la stabilité du bateau par l'effet de carène liquide attribuable à l'eau de mer embarquée sur le pont et accumulée dans les emménagements du gaillard d'avant et de l'arrière.
  10. Les forces générées par la manoeuvre, l'effet de carène liquide et le déplacement du poisson dans la cale ont fait en sorte que le bateau ne pouvait plus se redresser.
  11. Le bateau a chaviré après avoir perdu toute sa stabilité transversale positive.
  12. L'envahissement par les hauts attribuable à l'eau qui entrait par les portes ouvertes des emménagements et par les fenêtres brisées de la cuisine s'est poursuivi jusqu'à ce que le bateau perde sa réserve de flottabilité et coule.
  13. Au moment d'abandonner le navire, le mécanicien était le seul membre de l'équipage à porter une combinaison d'immersion. Aucun des membres de l'équipage n'a enfilé un gilet de sauvetage.
  14. Aucun exercice d'urgence n'avait été mené sur le bateau depuis que les survivants travaillaient à bord, et certains membres de l'équipage ne savaient pas où étaient arrimés les gilets de sauvetage et les combinaisons d'immersion.
  15. Aucun règlement n'oblige les membres d'équipage non brevetés à suivre le programme de formation sur les fonctions d'urgence en mer (FUM).
  16. La radiobalise de localisation des sinistres (RLS) qui était dans la cabine du patron n'a pas été activée, et on ne l'a pas apportée à bord du radeau de sauvetage.
  17. On a perdu un temps précieux au moment de mettre à l'eau le radeau de sauvetage pneumatique, parce qu'il était assujetti au moyen de saisines additionnelles qui étaient dépourvues d'un mécanisme à déclenchement rapide.
  18. Dans le radeau de sauvetage, les occupants n'ont pas trouvé le couteau à cause de l'obsécuritéé et n'ont pas pu couper rapidement la bosse du radeau ou prêter immédiatement assistance aux autres membres de l'équipage, qui étaient dans l'eau.
  19. Parce qu'ils avaient les doigts engourdis par le froid, les occupants du radeau de sauvetage ont eu de la difficulté à attacher les cordons de fermeture des panneaux d'entrée.
  20. L'entretien du radeau de sauvetage pneumatique avait été fait par un dépôt d'entretien accrédité huit mois avant l'accident, mais le feu extérieur et la lampe de poche du radeau ne fonctionnaient pas.

3.1 Causes

Le «PACIFIC BANDIT», alors qu'il naviguait sur une mer agitée, a chaviré après avoir perdu sa stabilité transversale positive en raison de l'effet cumulatif attribuable à l'eau embarquée et retenue sur le pont, à l'arrimage de la prise dans les cales, à l'effet de carène liquide et à l'envahissement par les hauts des espaces situés sous le pont. Le fait que les portes étanches aux intempéries aient été ouvertes et que les fenêtres de la cuisine aient été brisées a accéléré l'envahissement par les hauts, lequel s'est poursuivi jusqu'à ce que le bateau perde toute sa réserve de flottabilité et coule.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures à prendre

4.1.1 Stabilité des petits bateaux de pêche

Au moment de l'événement, le «PACIFIC BANDIT» était chargé au maximum et avait un franc-bord relativement faible. Les conditions météorologiques défavorables et la mer arrière faisaient en sorte que le navire embarquait de grosses lames sur l'arrière. Plusieurs lacunes à bord du «PACIFIC BANDIT» contribuaient à créer une situation dangereuse : les planches de séparation n'étaient pas munies de dispositifs pour permettre à l'eau de s'écouler; les joints d'étanchéité des écoutillons étaient dans un tel état que l'eau de mer s'infiltrait dans la cale à poisson; et le déplacement du poisson, dont le niveau excédait le sommet des épontilles dans la cale, réduisait la stabilité transversale pendant que le bateau roulait.

Les conditions défavorables qui compromettaient la navigabilité du «PACIFIC BANDIT» un peu avant son naufrage étaient similaires à celles qu'on a constatées dans plusieurs autres événementsNote de bas de page 6 survenus au cours des cinq dernières années. Tous ces événements mettaient en cause des petits bateaux de pêche dont l'équipage connaissait, ou s'inquiétait, apparemment peu des facteurs susceptibles de compromettre la stabilité du navire. À l'heure actuelle, aucune évaluation de la stabilité n'est imposée aux petits bateaux de pêche, sauf ceux qui sont engagés dans la pêche du hareng ou du capelan, et les équipages et les patrons ne sont pas tenus non plus de démontrer leur connaissance ou leur aptitude pour la conduite de ces bateaux.

Les petits bateaux de pêche représentent la grande majoritéNote de bas de page 7 de la flottille de pêche canadienne; au cours de la dernière décennie, 238 bateaux de pêche de moins de 150 tonneaux de jauge brute (tjb) ont chaviré ou ont sombré dans les eaux canadiennes (plus des deux tiers de ces bâtiments jaugeaient moins de 15 tjb). Dans la seule région de l'Ouest, une moyenne de 12 petits bateaux de pêche chavirent ou sombrent chaque année, entraînant 20 pertes de vies.

La Garde côtière canadienne (GCC) a produit nombre de publications de sécurité sur la stabilité des navires et sur les pratiques d'exploitation dangereuses. Comme le démontrent les statistiques susmentionnées, le message ne rejoint pas les personnes qui exploitent les navires et qui font partie des équipages. Le Bureau croit que bon nombre d'opérateurs ne s'aperçoivent pas que leurs pratiques d'exploitation sont dangereuses; en fait, certaines pratiques peuvent ne pas sembler dangereuses, surtout dans des conditions favorables. Toutefois, ces mêmes pratiques peuvent rapidement compromettre la stabilité du navire et, dans bien des cas, le faire chavirer, dès que les conditions météorologiques et l'état de la mer se détériorent. Le Bureau reconnaît que Transports Canada (TC) a entrepris de remplacer le Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche (RIPBP) par le Règlement proposé sur la sécurité des petits bateaux de pêche (RSPBP). Un des objectifs à long terme du règlement proposé est que chaque bateau de pêche de plus de 15 m de longueur soit tenu d'avoir un livret de stabilité. Toutefois, comme bien des équipages de bateaux de pêche ne comprennent pas bien que leurs pratiques courantes d'exploitation combinées à des défectuosités en apparence mineures des navires peuvent présenter des risques, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports, en collaboration avec d'autres ministères, organisations et organismes gouvernementaux, mette immédiatement sur pied un programme national de promotion de la sécurité destiné à sensibiliser les exploitants et les équipages des petits bateaux de pêche aux effets que les pratiques d'exploitation dangereuses peuvent avoir sur la stabilité des navires.
Recommandation M96-13 du BST

À plus long terme, le Bureau recommande de plus que :

Le ministère des Transports mène une étude pour déterminer dans quelle mesure les pêcheurs utilisent des méthodes de chargement et d'exploitation dangereuses à bord des petits bateaux de pêche, en vue d'élaborer des lignes directrices sur la sécurité des opérations à bord des bateaux en question.
Recommandation M96-14 du BST

4.1.2 Chances de survie des équipages de bateaux de pêche

À la suite de son enquête sur le chavirement subit du bateau de pêche «STRAITS PRIDE II» (rapport du BST no M90N5017), lors duquel trois membres de l'équipage n'ont pas réussi à abandonner le navire, le Bureau a fait deux recommandations concernant la capacité de survie des équipages des bateaux de pêche. Le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports s'assure que tous les membres réguliers d'équipages de bateaux de pêche pontés reçoivent une formation en bonne et due forme sur l'équipement de sauvetage et les techniques de survie.
Recommandation M92-06 du BST

et que :

Le ministère des Transports termine au plus tôt sa révision du Règlement sur la sécurité des petits bateaux de pêche qui exigera le port de combinaisons de travail isothermes ou d'habits de survie pour les pêcheurs.
Recommandation M92-07 du BST

En réponse à ces recommandations, TC a publié le Bulletin de la sécurité des navires no 6/95 qui insiste sur l'importance pour les petits bateaux de pêche d'avoir à bord les engins de sauvetage recommandés, et que le personnel reçoive la formation voulue sur la façon de s'en servir. Le bulletin incite aussi les marins à suivre la formation nécessaire et à faire des exercices d'urgence à bord des navires pour maintenir leurs compétences.

De plus, TC a fait savoir que, dans sa version révisée, le RSPBP exigera des combinaisons de travail isothermes comme équipement de rechange. D'ici la promulgation du RSPBP, la GCC a indiqué qu'elle encouragera les intéressés à avoir à bord des combinaisons de travail isothermes.

La fréquence des chavirements de petits bateaux de pêche continue d'être un sujet de préoccupation. Des chavirements continuent de se produire malgré toutes les mesures de sécurité qui ont été prises pour corriger les manquements à la sécurité constatés. Malgré le Bulletin sur la sécurité des navires et la promotion relative aux combinaisons de travail isothermes, le Bureau note que la capacité de survie des pêcheurs est toujours menacée en raison d'un manque de connaissance et de formation sur l'utilisation de l'équipement de sauvetage disponible. De toute évidence, le message ne passe pas.

Le Bureau croit en fait qu'il faudrait prendre des mesures additionnelles à la suite de recommandations antérieures du BST à propos de la formation en bonne et due forme sur l'équipement de sauvetage et les techniques de survie (M92-06) et de l'obligation d'avoir à bord des combinaisons de travail isothermes / habits de survie (M92-07). Par conséquent, pour faire en sorte que les pêcheurs aient de meilleures chances de survie en cas d'abandon du navire, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports examine le recours à des moyens de communication différents destinés à encourager les équipages de petits bateaux de pêche à s'entraîner à l'utilisation de l'équipement de sauvetage.
Recommandation M96-15 du BST

Depuis un an et demi, on a signalé au BST au moins quatre événements mettant en cause des bateaux de pêche, en plus de celui-ci, événements au cours desquels des problèmes liés à l'utilisation des radeaux de sauvetage ont été constatés. En avril 1995, lors du naufrage du bateau de pêche de 44 tjb «HILI-KUM», deux membres de l'équipage se sont noyés lorsque le radeau de sauvetage a chaviré. En novembre 1995, le bateau de pêche de 27 tjb «LADY CANDACE» a chaviré et a coulé rapidement; il a fallu couper les saisines du radeau pour le libérer, mais aucun des membres de l'équipage ne savait qu'il y avait un couteau dans le radeau. Le même jour, le «SIMON JACQUES» a coulé, entraînant avec lui le radeau de sauvetage avant que l'équipage ait eu le temps de le mettre à l'eau. En mars 1996, un incendie a éclaté à bord du bateau de pêche de 12 m «LITTLE BRAT»; quand on a déployé le radeau de sauvetage, l'équipage n'a pu gonfler que le compartiment de flottaison supérieur du radeau.

Quand un équipage abandonne un navire en mer, sa survie dépend en grande partie des capacités et de la fiabilité de l'équipement de survie, mais aussi de la connaissance qu'a l'équipage de l'équipement en question et de sa capacité de s'en servir. Le Bureau a déjà abordé la question des lacunes de conception des radeaux de sauvetage en ce qui a trait à la facilité d'y monter (recommandation M93-12 du BST) et à leur arrimage et leur accessibilité (recommandation M93-03 du BST). Toutefois, comme on l'avait constaté lors de ces événements, le fait que les équipages ne sachent pas bien se servir des radeaux de sauvetage continue de présenter des risques pour les marins. C'est pourquoi le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports incite les propriétaires et les équipages de petits bateaux de pêche à mener de façon régulière des exercices réalistes d'abandon d'urgence.
Recommandation M96-16 du BST

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, Benoît Bouchard, et des membres Maurice Harquail et W.A. Tadros.

Annexes

Annexe A - Croquis du lieu de l'événement

Annexe B - Photographies

Le "TWIN J" bateau semblable au "PACIFIC BANDIT"
Le - TWIN J - bateau semblable au PACIFIC BANDIT
Disposition typique de l'entrée des emménagements du gaillard d'avant.
Disposition typique de l'entrée des emménagements du gaillard d'avant
Sabords de d'echarge sembles à ceux à bord du "PACIFIC BANDIT"
Sabords de d'echarge sembles à ceux à bord du PACIFIC BANDIT
Dispositif de fermeture de l'écoutille semblable à celui à bord du "PACIFIC BANDIT"
Dispositif de fermeture de l'écoutille semblable à celui à bord du PACIFIC BANDIT

Annexe C - Sigles et abréviations

BHP
puissance au frein
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
C
Celsius
C. - B.
Colombie - Britannique
CCS
Centre de coordination du sauvetage
CTM
Centre de trafic maritime
FUM
Fonctions d'urgence en mer
GCC
Garde côtière canadienne
GM
hauteur métacentrique
HNP
heure normale du Pacifique
kg
kilogramme
m
mètre
mm
millimètre
N
nord
OMI
Organisation maritime internationale
RIPBP
Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche
RLS
radiobalise de localisation des sinistres
RSPBP
Règlement sur la sécurité des petits bateaux de pêche
R/T VHF
radiotéléphone à très haute fréquence
SAR
recherches et sauvetage
SI
système international (d'unités)
S.I.7
Formulaire d'inspection du navire qui donne la liste des manquements relevésou des directives à l'intention du capitaine, ou les deux, et qui est attaché au Certificat d'inspection du navire gardé à bord lorsque le certificat est de courte durée.
SIC 29
Certificat d'inspection du navire 29
SIRS II
Ship Inspection and Reporting System (Système de rapports sur l'inspection des navires)
TC
Transports Canada
tjb
tonneau de jauge brute
UTC
temps universel coordonné
VFI
vêtement de flottaison individuel
W
ouest
°
degré
'
minute