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Rapport d'enquête maritime M96C0093

Contact avec le fond
du vraquier « VULCAN »
dans le chenal Amherstburg
Detroit River, Ontario
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

En remontant la chenal Amherstburg, le « VULCAN » a heurté un obstacle sous-marin à l'extérieur de la partie navigable du chenal. Le bordé de carène et l'arrondi de bouchain du côté bâbord ont touché l'obstacle, endommageant ainsi les caisses de ballast 1 et 2. Il n'y a eu ni blessé, ni pollution.

Renseignements de base

Fiche technique du bâtiment.

Nom « VULCAN »
Port d'immatriculation Valetta
Pavillon Maltais
Numéro officiel 5222
Type Vraquier
Jauge brute 17 187 tonneaux
Tirant d'eau Avant 7,1 m, arrière 7,2 m
Construction 1975, Espagne
Propulsion Diesel Sulzer 11 500 BHP
Propriétaire Marine Trust Limited Athènes, Grèce

Dans la nuit du 6 novembre 1996, le « VULCAN », sous le commandement d'un pilote américain, remontait le chenal Amherstburg. Le pilote a utilisé les deux radars qui étaient en service. Le capitaine, l'officier de quart (O quart), le timonier et, à l'occasion, le rondier se trouvaient sur la passerelle. Le navire se trouvait du côté ouest du chenal qui, étant plus profond, est réservé par le Service du trafic maritime (STM) aux navires remontant dont le tirant d'eau est plus important. Vers 2 h 30Note de bas de page 1, le navire se trouvait près de l'extrémité amont de l'île Bois Blanc. Le temps était clair et la visibilité bonne; le niveau de l'eau était de 0,77 m au-dessus du zéro des cartes. À cet endroit, la vitesse du courant était estimée entre 1,5 et 2 noeuds. D'après le U.S. Coast Pilot no. 6 et les Instructions nautiques canadiennes, la force du courant est comprise entre 0,8 et 1,2 noeud.

À 2 h 30, sans préavis, l'équipe de la salle des machines a entamé un changement de carburant pour passer du mazout lourd au carburant diesel. Le régime du moteur a baissé en conséquence passant de 110 tr/min à une valeur inconnue (entraînant un ralentissement correspondant du navire) pendant une période de temps indéterminée.

Au moment o le navire a croisé le feu D69 suivant un cap d'environ 003°(Cv), le système de positionnement global (GPS) indiquait une vitesse de 5,5 à 5,6 noeuds en surface. Le pilote a décidé d'amener le navire un peu plus du côté ouest du chenal. Il a expliqué au capitaine et à l'O quart qu'il croyait que le courant serait plus fort que la normale après le feu D71. Le capitaine a laissé au pilote le soin de déterminer jusqu'o, à bâbord, il fallait amener le navire sans remettre en cause la décision du pilote. À la demande de celui-ci, le capitaine a ordonné une augmentation de régime à la salle des machines. Au feu D71, le navire avait modifié son cap de 12,5° sur bâbord; à cet endroit, le chenal bifurque, passant de 350 à 342,5° (Cv).

Dans cette zone, les feux d'alignement du passage Limekiln sont des aides à la navigation qui indiquent, au feu D69, le milieu de la partie occidentale du chenal d'amont. Ni le capitaine, ni l'O quart n'ont constaté l'importance des feux de Limekiln à ce moment-là.

Vers 2 h 40, pendant le changement de cap, le capitaine est allé aux toilettes à l'arrière de la passerelle. Selon les témoignages, en croisant le feu D69 à bâbord, le navire s'était éloigné de plusieurs mètres du feu et semblait se rapprocher de la rive. Le pilote a demandé une autre augmentation de régime, mais il a annulé son ordre dès qu'il a senti que le navire heurtait le fond par bâbord. Le choc a été décrit comme un "pilonnement". À ce moment-là, aucun navire ne se trouvait dans cette zone. Le pilote ne s'en est pas préoccupé outre mesure et a dit au capitaine qu'il n'y avait pas de problème. Ni le capitaine ni l'O quart n'ont jugé nécessaire de signaler l'incident au Service du trafic maritime de Sarnia.

À 3 h 30, le pilote a avisé le Service du trafic maritime de Sarnia que le « VULCAN » avait commencé à gîter sur bâbord et devait mouiller à Ojibway près de Windsor, en Ontario. Le pilote a également indiqué que le navire avait peut-être heurté le fond. À 6 h 35, on a informé le Service du trafic maritime de Sarnia que les caisses de ballast 1 et 2 étaient endommagées et que le navire avait pris quelque 700 tonnes d'eau. Lorsque le navire est arrivé à Detroit, au Michigan, la Garde côtière américaine l'a retenu jusqu'à ce qu'une inspection sous-marine soit effectuée pour évaluer les dommages et l'état de navigabilité du navire et qu'un devis des réparations lui soit présenté.

Il est normal qu'un changement de carburant en cours de route entraîne une diminution de régime du moteur. À part cette baisse de régime, rien d'anormal, tant au plan de la mécanique que du fonctionnement des machines, n'a été détecté au moment de l'accident.

Le Service du trafic maritime n'avait émis aucun avis à la navigation concernant un courant plus fort que d'habitude à cet endroit. Au contraire, les rapports mentionnaient un courant normal. En outre, avant et après l'accident, d'autres navires, plus lourdement chargés que le « VULCAN » ont navigué dans cette zone sans problème. Aucun des navires n'a signalé des courants anormalement forts ni d'autres difficultés.

Avant cette affectation, le pilote avait pris deux jours de congé. Il est monté à bord à 8 h 50, le 5 novembre, au mouillage de Port Colborne, après huit bonnes heures de sommeil.

Au cours des années précédentes, le capitaine avait effectué plusieurs voyages dans les Grands Lacs, mais non en qualité de capitaine.

Par suite du rapport du pilote mentionnant la possibilité d'un obstacle sous-marin dans cette partie du chenal, la Garde côtière canadienne en poste à Amherstburg a effectué deux sondages et a tracé la carte du fond. Aucune profondeur anormale ni aucun obstacle n'ont été détectés en deçà de 12 à 24 m de la rive, à l'intérieur comme à l'extérieur du chenal. La distance entre le bord occidental du chenal et la rive varie de 24 à 30 m. En naviguant au centre de la partie profonde du chenal, le « VULCAN » avait 30 m d'espace de manoeuvre de chaque côté.

L'examen et les essais du système GPS ont montré que les coordonnées de latitude et de longitude obtenues étaient exactes et que toutes ses autres fonctions étaient en bon état.

Analyse

Pendant que le « VULCAN » remontait la partie profonde du chenal Amherstburg, on a remarqué que sa vitesse avant avait diminué en raison d'une baisse de régime du moteur principal. La salle des machines n'ayant pas informé le personnel à la passerelle du changement de carburant qui entraîne normalement une diminution de régime, celui-ci n'a pas compris tout de suite la cause du ralentissement. La vitesse de 5,5 à 5,6 noeuds donnée par le système GPS a été interprétée par le pilote, pendant un moment, comme une indication d'un courant plus fort que la normale.

Croyant que le courant était anormalement fort, le pilote a tenté d'amener le navire du côté occidental du chenal pour tenir compte de la direction du courant qui, selon lui, ferait éviter fortement le navire à tribord après le passage du feu D71.

Bien que le pilote ait dit au capitaine qu'il croyait que le courant était plus fort que d'habitude, ni celui-ci, ni l'O quart n'ont vérifié (sauf en ce qui concerne le cap) le déplacement transversal du navire. Aucun d'entre eux n'a remis en question l'opinion du pilote ni ses décisions.

Pendant le changement de cap sur bâbord, personne n'a remarqué le mouvement latéral du navire (en crabe) en travers du chenal avant qu'il ne soit trop tard. C'est à ce moment-là que le pilote a demandé une augmentation de régime. Lors du choc du bordé de carène (au droit de l'arrondi de bouchain à bâbord) contre le bord du chenal, on prétend que le régime était revenu à 110 tr/min environ, parce que le pilote avait annulé son ordre d'augmentation de régime.

Les avaries qu'a subies le « VULCAN » ressemblent à des dommages qui seraient produits par le choc du navire contre un obstacle situé au bord du chenal pendant qu'il se déplace de biais (en crabe). Puisque les sondages du secteur faits et les cartes tracées n'ont pas révélé de profondeur anormale ni d'obstacle entre les feux D69 et D71, les avaries au « VULCAN » corroborent également l'hypothèse du navire ayant heurté un obstacle situé à l'extérieur de la partie navigable du chenal.

Quoiqu'il y ait eu un certain degré de communication, les principes de la gestion des ressources à la passerelle (GRP) selon lesquels une bonne communication et un milieu de travail o tout le personnel de la passerelle se sent à l'aise pour remettre en cause les suppositions et les décisions prises sont essentiels, n'ont pas été respectés. Cette lacune explique le temps qu'ont mis le pilote et l'O quart à saisir la cause du ralentissement du navire et la décision subséquente de compenser

exagérément la direction du courant anticipée au-delà du feu D 71. Lorsque la direction du courant s'est révélée moins importante que prévue, le navire s'est mis à éviter rapidement et a heurté un obstacle qui se trouvait à l'extérieur de la limite ouest du chenal.

Faits établis

  1. Le personnel de la passerelle ne savait pas que la salle des machines effectuait un changement de carburant (mazout lourd à diesel), ce qui requiert une baisse de régime.
  2. Le changement de carburant n'a pas été effectué en eau libre o il y a beaucoup d'espace de manoeuvre, mais dans un chenal étroit soumis à des courants traversiers.
  3. Le pilote a momentanément attribué la diminution de vitesse du navire à un courant plus fort que la normale et a compensé la direction du courant en vue d'empêcher le navire d'éviter à tribord en amont du feu D71.
  4. Ni le capitaine, ni l'O quart n'ont remis en cause l'opinion du pilote au sujet du courant ni les décisions qui ont suivi.
  5. Les avaries subies par le « VULCAN » ressemblent à des dommages qui se seraient produits si le navire avait heurté un obstacle situé sur le bord du chenal en se déplaçant de biais (en crabe).
  6. Les avaries subies par le « VULCAN » pourraient également être attribuables au choc contre un obstacle sous-marin à l'extérieur de la partie navigable du chenal.
  7. Les deux sondages faits et les cartes du fond tracées après l'accident entre les feux D69 et D71 n'ont indiqué aucune profondeur anormale ni aucun obstacle en deçà de 12 à 24 m de la rive, à l'intérieur comme à l'extérieur du chenal.
  8. Une vérification des machines principales de propulsion effectuée après l'accident a confirmé que les machines fonctionnaient bien.
  9. Aucun courant anormalement fort n'a été signalé dans la zone où s'est produit l'accident.
  10. Avant et après l'accident, des navires à plus fort tirant d'eau que le « VULCAN » ont navigué dans la zone sans problème. Aucun de ces navires n'a signalé de courants anormalement forts.
  11. Les principes de gestion des ressources à la passerelle n'ont pas été respectés à bord du navire; il y a eu un manque de communication, particulièrement entre la passerelle et la salle des machines.

Causes et facteurs contributifs

Le VULCAN a heurté un obstacle sous-marin à la limite ouest du chenal Amherstburg parce que les officiers de la passerelle n'ont pas été avisés que la salle des machines effectuait un changement de carburant nécessitant une baisse de régime du moteur principal. La diminution subséquente de la vitesse du navire a été momentanément attribuée à un courant plus fort que la normale. On a donc effectué une correction de cap exagérée pour empêcher que le navire n'évite vers l'est. L'évitement du navire a été mal évalué et le navire s'est placé en biais à l'extérieur de la limite ouest de la partie navigable du chenal. Les instruments de navigation du navire et les aides à la navigation côtières n'ont pas été utilisées à leur plein potentiel. En outre, le milieu de travail n'était pas conforme aux bons principes de gestion des ressources à la passerelle.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Par conséquent, le Bureau, composé du président, Benoît Bouchard, ainsi que des membres, Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros, en a autorisé la publication, le .