Language selection

Rapport d'enquête ferroviaire R04M0032

Déraillement en voie principale
du train numéro CBNS 301-18
exploité par la Cape Breton and
Central Nova Scotia Railway
au point milliaire 51,7 de la subdivision Hopewell
à Linacy (Nouvelle-Écosse)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 18 avril 2004, vers 23 h 35, heure avancée de l'Atlantique, 10 wagons du train de marchandises 301-18 de la Cape Breton and Central Nova Scotia Railway (CBNS) ont déraillé au point milliaire 51,7 de la subdivision Hopewell, près de Linacy (Nouvelle-Écosse) alors que le train roulait vers l'ouest. Neuf des dix wagons déraillés étaient des wagons-citernes sous pression chargés de gaz de pétrole liquéfié, UN 1075. Personne n'a été blessé. Aucune marchandise dangereuse ne s'est déversée. On a dû évacuer deux écoles et deux résidences des environs pendant neuf jours, le temps qu'on procède au transbordement et au brûlage à la torche du contenu des wagons-citernes déraillés. La CBNS, dont l'Administration centrale se trouve à Stellarton (Nouvelle-Écosse), est une compagnie ferroviaire sous réglementation provinciale. Il s'agit d'une filiale de la RailAmerica Inc., en l'occurrence un groupe de 47 compagnies ferroviaires dont l'Administration centrale se trouve à Boca Raton (Floride), aux États-Unis. Le BST a enquêté sur ce déraillement à la demande du gouvernement provincial.

This report is also available in English.

Renseignements de base

Le train de marchandises 301-18 (le train) de la Cape Breton and Central Nova Scotia Railway (CBNS) part de SydneyNote de bas de page 1 à destination de Truro (figure 1). Le train, dont le groupe de traction compte 4 locomotives, est formé de 54 wagons chargés et de 10 wagons vides. Il pèse environ 6 250 tonnes et mesure quelque 3 800 pieds. L'équipe est formée d'un chef de train et d'un mécanicien qui prennent tous deux place dans la cabine de la locomotive de tête. Les membres de l'équipe répondent aux exigences de leurs postes respectifs et satisfont aux exigences en matière de repos et de condition physique. Ils connaissent bien la subdivision.

Le temps est calme, le ciel est dégagé et la température est de 3 °C.

Figure 1. Schéma représentant le secteur géographique (Source : Atlas des chemins de fer canadiens de l'Association des chemins de fer du Canada)
Schéma représentant le secteur géographique

Après être parti de Sydney, le train roule sans incident jusqu'au point milliaire 51,7, près de Linacy dans le comté de Pictou. À 23 h 35, heure avancée de l'AtlantiqueNote de bas de page 2, alors que le train roule dans une courbe avant d'aborder une rampe de 1,5 %, un freinage d'urgence provenant de la conduite générale se déclenche. Les données du consignateur d'événements indiquent qu'on venait d'augmenter graduellement la manette des gaz de la locomotive, passant de la position 6 à la position 7, et que le train roulait à 30 mi/h au moment du serrage d'urgence des freins. Les données du consignateur montrent aussi que la locomotive s'est arrêtée à 23 h 35 min 33 s.

Il n'y a eu rien d'inhabituel dans la conduite du train. L'équipe a suivi la procédure d'urgence. Le chef de train a inspecté la queue du train et a déterminé que 10 wagons, du 54e au 63e à partir de la tête du train, avaient déraillé dans une courbe à gauche dans le sens d'avancement du train. Neuf des dix wagons déraillés étaient des wagons-citernes sous pression chargés de gaz de pétrole liquéfié (classe 2.1, UN 1075). L'autre wagon déraillé était un wagon couvert chargé de produits de papier. Huit des wagons-citernes chargés de gaz de pétrole liquéfié se sont renversés sur le côté ou se sont renversés sens dessus dessous (photos 1 et 2). Conformément aux directives de la compagnie, l'équipe a immédiatement signalé l'accident au bureau de la CBNS à Stellarton et au bureau du contrôle de la circulation ferroviaire situé à North Bay (Ontario). Le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) a avisé un gestionnaire des opérations de la CBNS à Stellarton, le BST à Gatineau (Québec) et CanutecNote de bas de page 3 à Ottawa (Ontario)Note de bas de page 4.

Le gaz de pétrole liquéfié, quand il est transporté dans des wagons-citernes, est un gaz liquéfié (c'est-à-dire expédié sous pression) inflammable, incolore (et inodore) dont les vapeurs sont plus lourdes que l'air. Il présente un grand danger d'incendie quand il est exposé à une source d'inflammation, et notamment à une décharge d'électricité statique. Sous forme gazeuse et liquide, le gaz de pétrole liquéfié est un produit irritant susceptible de causer des lésions oculaires, des gelures ou des difficultés respiratoires. Il est toxique pour le système nerveux central lorsque sa concentration est élevée, et il peut aussi causer l'asphyxie. Quand la concentration est inconnue, il est recommandé de porter des vêtements de protection (lunettes de protection, tenues de protection de la peau et une protection des voies respiratoires comme un appareil respiratoire autonome) tant qu'on n'a pas déterminé, à l'aide d'appareils spécialisés de détection des gaz, que le secteur est sûr.

Personne n'a été blessé et aucune marchandises dangereuse ne s'est déversée. Un wagon a été légèrement endommagé, huit wagons ont été considérablement endommagés et un wagon a été détruit. La voie ferrée a subi des dommages considérables ou a été détruite sur une distance d'environ 1 100 pieds.

Photo 1. Le premier wagon-citerne de gaz de pétrole liquéfié déraillé, renversé complètement à l'extérieur de l'emprise
Le premier wagon-citerne de gaz de pétrole liquéfié déraillé, renversé complètement à l'extérieur de l'emprise
Photo 2. Wagons-citernes de gaz de pétrole liquéfié renversés sur le côté. Noter l'étendue de la destruction de la voie ferrée
agons-citernes de gaz de pétrole liquéfié renversés sur le côté

Les wagons déraillés étaient séparés en trois groupes (voir l'annexe A). On a retrouvé plusieurs pièces de wagon brisées parmi les troisième, quatrième et cinquième wagons déraillés, dont :

Il a été déterminé que la rupture de la longrine tronquée a été consécutive au déraillement. La clavette et le bras d'attelage ont été envoyés au Laboratoire technique du BST, à Ottawa, où ils ont été soumis à des analyses et des examens plus poussés (voir l'annexe B). On a par la suite déterminé que les deux pièces avaient subi une rupture fragile due à un effort excessif causé par des forces de torsion, ce qui concorde avec une rupture consécutive à un déraillement. Toutefois, on a constaté que les propriétés mécaniques du matériau dont le bras d'attelage était fait n'étaient pas conformes aux spécifications de l'Association of American Railroads (AAR), particulièrement en ce qui a trait à la ductilité. Un rapport du Laboratoire technique du BST (LP 064/2004) conclut notamment que :

Même si la rupture du bras d'attelage n'est pas considérée comme ayant contribué à l'accident, elle était similaire à une rupture d'attelage qui a été en cause dans un événement survenu en 2002 dans la subdivision Broadview, au Manitoba. Dans les deux cas, les attelages n'étaient pas conformes à toutes les spécifications de l'AAR, et le système d'assurance de la qualité des fabricants n'a pas permis de relever les lacunes.

L'examen des autres matériels roulants déraillés a révélé qu'une roue (à la position R-2) du wagon couvert CNA 405508 avait atteint la limite d'usure fixée par l'AAR, soit 15/16 de pouce; toutefois, cette usure était inférieure à la limite tolérée par le Règlement concernant l'inspection et la sécurité des wagons de marchandises approuvé par Transports Canada, et les dommages matériels relevés dans les autres parties du wagon donnaient à penser que celui-ci n'a pas été le premier wagon à dérailler. On n'a pas relevé d'autres défauts mécaniques qui auraient pu être considérés comme étant des facteurs contributifs.

Photo 3. Clavette d'attelage rompue à l'avant (bout B) du troisième wagon déraillé, soit le wagon-citerne de gaz de pétrole liquéfié GATX 2122
Clavette d'attelage rompue à l'avant (bout B) du troisième wagon déraillé
Photo 4.Bras d'attelage rompu à l'avant (bout B) du quatrième wagon déraillé, soit le wagon-citerne de gaz de pétrole liquéfié GATX 9138
Bras d'attelage rompu à l'avant (bout B) du quatrième wagon déraillé
Photo 5. La flèche montre l'emplacement de la longrine tronquée brisée à l'arrière (bout B) du cinquième wagon déraillé, soit le wagon-citerne de gaz de pétrole liquéfié GATX 62822
La flèche montre l'emplacement de la longrine tronquée brisée à l'arrière (bout B) du cinquième wagon déraillé
Photo 6. Longrine tronquée rompue du wagon GATX 62822 encore reliée à l'avant (bout A) du sixième wagon déraillé, soit le wagon-citerne de gaz de pétrole liquéfié GATX 2506
Longrine tronquée rompue du wagon GATX 62822 encore reliée à l'avant (bout A) du sixième wagon déraillé

La subdivision Hopewell va de Truro, point milliaire 2,3, à Havre Boucher, point milliaire 116,2. Dans cette subdivision, la voie principale est simple et le contrôle de la circulation ferroviaire y est assuré grâce à la régulation de l'occupation de la voie en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada. La circulation est supervisée par un CCF posté à North Bay. La vitesse de zone autorisée entre le point milliaire 38,5 et le point milliaire 66,0 était de 35 mi/h pour les trains de voyageurs et les trains de marchandises. Entre le point milliaire 51,0 et le point milliaire 52,6, la vitesse maximale autorisée était limitée à 30 mi/h en tout temps. La voie était une voie de catégorie 3 aux termes du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV).

Dans le secteur du déraillement, la structure de la voie était constituée de longs rails soudés (LRS) de 115 livres fabriqués et posés en 1981, dans le cas du rail haut (nord), et de rails éclissés de 115 livres fabriqués en 2002 et installés en 2003, dans le cas du rail bas (sud)Note de bas de page 5. On a remarqué que certains des rails éclissés dans les environs du point de déraillement initial étaient affaissés en raison d'un tassement du ballast et de la plate-forme.

Les traverses étaient des traverses de bois dur no 1, posées à raison de 2 960 traverses par mille de voie. Les rails reposaient sur des selles de rail de 11 pouces pour la plupart, et parfois sur des selles de 14 pouces dans les courbes, et ils étaient fixés à chaque selle de rail par deux crampons dans les tronçons en alignement droit, et par trois crampons (ou plus) à chaque selle de rail dans les courbes. Les rails étaient encadrés par des anticheminants à toutes les deux ou trois traverses. Le ballast était fait de gravier concassé propre (de 1 ½ pouce de diamètre). Les marques les plus à l'est qui ont été relevées sur le rail à partir du matériel roulant déraillé se trouvaient à environ 225 pieds à l'ouest de l'entrée de la courbe de raccordement.

D'après le RSV, chaque tronçon de 39 pieds de voie doit reposer sur au moins 10 traverses en bon état et également réparties. Il y avait 26 traverses défectueuses (fendues, mâchées par les crampons ou brisées) sur les 93 traverses qui se trouvaient entre l'entrée de la courbe de raccordement et le point de déraillement, ce qui est en deçà des limites tolérées par le RSV. À plusieurs endroits, il y avait deux traverses défectueuses consécutives; ailleurs, on a relevé jusqu'à quatre traverses défectueuses groupées (photo 7).

Photo 7. Vue des traverses et des rails près de l'endroit où le déraillement initial s'est produit
Vue des traverses et des rails près de l'endroit où le déraillement initial s'est produit

La voie faisait l'objet de contrôles annuels visant à détecter les défauts du rail et de la géométrie de la voie. Un contrôle ultrasonique du rail a été effectué le 18 août 2003. La voie a été inspectée pour la dernière fois le 14 avril 2004 par un employé d'entretien qui circulait à bord d'un véhicule rail-route. Cette dernière inspection n'a révélé aucune anomalie dans le secteur du déraillement. Un dernier contrôle de la géométrie de la voie a été fait le 23 juillet 2003, lors duquel un entrepreneur a utilisé son matériel rail-route pour appliquer une charge verticale de 15 000 livres et une charge latérale de 9 000 livres à la structure de la voie afin d'obtenir des données sur l'écartement sous une charge. Dans la courbe de 1 246 pieds située entre les points milliaires 51,745 et 51,509, le contrôle a révélé qu'un tronçon de 406 pieds montrait des surécartements correspondant aux codes rouge et jaune (un surécartement de 1 ½ pouce correspond au code rouge alors qu'un surécartement de ¾ de pouce correspond au code jaune). Le surécartement maximal autorisé dans le RSV pour une voie de catégorie 3 était de 1 ¼ pouce. Ultérieurement, des employés locaux d'entretien de la voie ont corrigé les défauts urgents en rétablissant l'écartement et en fixant le rail au moyen de crampons additionnels. L'annexe C montre les résultats de mesurages du nivellement transversal et de l'écartement qui ont été faits après l'accident, à 20 stations (espacées de 15 pieds et 6 pouces les unes des autres) établies à l'est du point de déraillement.

Le personnel de Transports Canada faisait une inspection annuelle dans la subdivision Hopewell. L'examen des dossiers d'inspection pour les années 2000 à 2004 n'a révélé aucune anomalie dans le secteur du déraillement.

État de la voie

Le 5 mai 2004, le BST et le personnel de la CBNS ont examiné la voie entre le point milliaire 43,28 et le point milliaire 79,77 de la subdivision Hopewell à bord d'un véhicule rail-route. Voici les observations générales qu'ils ont faites à cette occasion :

Évaluation des lieux faite par la CBNS

Quand elle a fait une évaluation préliminaire de la situation, l'équipe a conclu que le déraillement avait affecté tous les wagons chargés de gaz de pétrole liquéfié qui se trouvaient à la queue du train. L'équipe acheminait régulièrement des wagons de ce genre et connaissait bien les risques d'explosion que ceux-ci représentaient. L'équipe disposait aussi des documents d'expédition qui renfermaient les renseignements concernant une éventuelle intervention d'urgence. Lors de son évaluation initiale, l'équipe n'a pas vu de flammes et n'a pas non plus entendu le bruit d'une fuite de gaz. Pour avoir une meilleure idée de l'étendue des dommages et des risques potentiels, les membres de l'équipe se sont rendus à pied jusqu'au dernier des wagons déraillés, se fiant en partie sur leur sens de l'odorat pour déterminer si l'un ou l'autre des wagons laissait fuir son chargement. À ce moment, ils ignoraient que le chargement de trois des wagons de gaz de pétrole liquéfié, qui étaient chargés de butane, n'était pas odorisé, c'est-à-dire qu'on ne lui avait pas ajouté de mercaptanNote de bas de page 6. Par conséquent, leur sens de l'odorat ne leur aurait pas permis de détecter une fuite du butane contenu dans ces wagons.

Service d'urgence 911

Le bureau du CCF étant situé en Ontario, des représentants locaux de la compagnie ferroviaire ont communiqué avec le détachement régional de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en utilisant un numéro autre que le numéro d'urgence (autre que le 911). L'information sur l'accident a été transmise au détachement de la GRC de Truro, situé à quelque 70 km des lieux de l'accident, mais l'appel n'a pas été fait au service d'urgence 911. Le service 911 est censé faciliter les interventions d'urgence, car il permet de transmettre l'information pertinente sur divers types d'urgence aux personnes qui coordonnent ces interventions dès le début du processus. L'information peut être transmise électroniquement à des voitures de police spécialement équipées, pour que les policiers en fassent un usage opportun dans les meilleurs délais. Il est possible de recevoir et de transmettre des messages utiles et exacts et d'archiver les communications en vue d'un examen ultérieur de données historiques, le cas échéant. Le système permet d'obtenir et de partager les renseignements relatifs à l'intervention d'urgence, comme les numéros de la police, des services d'incendie, des services médicaux, des services environnementaux, du centre antipoisons, de Canutec et des organismes chargés des mesures d'urgence.

En cas d'urgence, le CCF est souvent le point de contact le plus important lorsqu'il s'agit de communiquer avec d'autres organismes comme le BST, Canutec et l'Association des chemins de fer du Canada. Au Canada, il y a un grand nombre de chemins de fer sur courtes distances qui relèvent de la réglementation provinciale et dont les CCF sont postés dans une autre province. Comme cet événement l'a fait ressortir, même si les bureaux des CCF ont accès aux numéros de téléphone de la police, des services des incendies et des services médicaux, il arrive que le CCF ne puisse pas accéder directement au système 911 ou au coordonnateur des services 911 dans la province où le chemin de fer sur courtes distances est exploité.

Dans les premières heures qui ont suivi l'événement, la compagnie ignorait que l'accident était survenu dans le secteur qui relevait du service des incendies de Linacy, de sorte qu'elle s'est adressée à un service des incendies d'une localité plus grande, celui de New Glasgow, pour demander qu'on vérifie la présence de gaz explosifs dans l'air à l'aide d'un détecteur de gaz. Le chef des incendies de Linacy n'a rien su de la situation d'urgence qui affectait le secteur de Linacy (y compris la fermeture de deux écoles et une évacuation mineure) jusqu'à ce que le coordonnateur des mesures d'urgence l'en avise le lendemain matin vers 7 h (environ sept heures après l'accident). Comme on n'a pas recouru au service d'urgence 911, il a été impossible de mettre à profit le système pour assurer la coordination voulue et pour communiquer en temps opportun l'information nécessaire aux organismes compétents d'intervention d'urgence.

De même, le rapport de la GRC concernant l'appel téléphonique initial de la compagnie ferroviaire indiquait que la position exacte du déraillement était inconnue. Cependant, le personnel de la compagnie était bien au courant de l'endroit où l'accident avait eu lieu, étant donné les points de repère normalisés dont il disposait, à savoir le nom de la subdivision et le point milliaire. Durant les discussions ultérieures, on a constaté que le système 911 n'était pas conçu pour utiliser des points de repère comme le nom de la subdivision et le point milliaire pour dépêcher les équipes d'intervention d'urgence sur les lieux des accidents ferroviaires. Toutefois, le système 911 peut réagir rapidement lorsque surviennent d'autres accidents de transport. Par exemple, en cas d'accident dans une canalisation de la Maritimes and Northeast Pipeline, l'infrastructure est identifiée en fonction des poteaux kilométriques placés sur toute la longueur de l'emprise, et tous les points d'accès à ces bornes de distance sont facilement identifiables sur les cartes du bureau du service 911. De même, les routes de la série 100 de la Nouvelle-Écosse ont récemment été jalonnées au moyen de bornes kilométriques qui facilitent l'envoi des premiers intervenants sur les lieux d'une situation d'urgence. À l'heure actuelle, le bureau du service 911 ne dispose pas de points de repère de ce genre qui lui permettent d'intervenir en cas d'accident ferroviaire. Il y a cinq compagnies ferroviaires qui circulent régulièrement sur le réseau ferroviaire de la Nouvelle-Écosse (le Canadien National, VIA Rail Canada Inc.Note de bas de page 7, la Windsor and Hantsport Railway, la Sydney Coal Railway et la CBNS). Une meilleure coordination entre les municipalités et les compagnies ferroviaires faciliterait une intervention d'urgence plus rapide. Cette coordination pourrait inclure l'identification de tous les points d'accès aux subdivisions et aux points milliaires et l'établissement de corrélations entre ces renseignements et d'autres renseignements importants de nature topographique dont le bureau du service 911 dispose déjà, par exemple les cours d'eau, les lignes de transport d'électricité et de gaz, les ponts, les ponceaux et les écoles.

Intervention d'urgence

Le personnel d'intervention comptait la GRC, les services des incendies de New Glasgow et de Linacy, l'équipe d'intervention en matières dangereuses de Bible Hill, l'équipe d'intervention d'urgence spécialisée dans le gaz de pétrole liquéfié (envoyée par RST Industries de Saint John), et des représentants de la CBNS. Le Guide des mesures d'urgence suggérait une zone d'isolement initiale de 800 mètres. Étant donné que cette zone s'étendait au-delà de la propriété de la compagnie et qu'elle rendait nécessaire l'évacuation de deux écoles et de deux résidences, on a mis en oeuvre le plan d'intervention localeNote de bas de page 8 de l'organisation régionale des mesures d'urgence, et le chef adjoint du service des incendies de Linacy a été nommé ultérieurement commandant du lieu de l'incident.

Au nombre des autres organismes qui sont intervenus se trouvaient l'Association des chemins de fer du Canada, les services des marchandises dangereuses de Transports Canada, Canutec, Environnement Canada, le ministère de l'Environnement et du Travail de la province, et d'autres représentants municipaux, provinciaux et fédéraux. Les responsables ont convoqué régulièrement des séances d'information multi-organismes et l'intervention d'urgence, qui a duré plus d'une semaine, a été généralement bien coordonnée et exécutée avec soin.

Après l'accident, l'organisation des mesures d'urgence de la Nouvelle-Écosse a convoqué tous les organismes d'intervention à une séance de compte rendu qui a eu lieu le 10 juin 2004 à Westville. À cette occasion, on a étudié les efforts d'intervention de tous les organismes d'urgence afin de trouver des façons d'améliorer les plans d'intervention d'urgence.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le déraillement a été causé par une combinaison de défauts de la voie (dévers excessif, surécartement et traverses défectueuses) au moment où des wagons-citernes sous pression rigides, lesquels sont sujets aux déraillements dans les secteurs où la voie est affectée par des irrégularités, roulaient à une vitesse inférieure à la vitesse d'équilibre dans une courbe de raccordement menant à une courbe composée de trois ou quatre degrés.

Faits établis quant aux risques

  1. Comme le chargement des trois wagons de butane n'était pas odorisé (c'est-à-dire qu'on n'avait pas ajouté de mercaptan au butane) et comme le gaz de pétrole liquéfié est inodore, les membres de l'équipe du train ont couru des risques quand ils ont inspecté les wagons de gaz de pétrole liquéfié déraillés en se fiant sur leur sens de l'odorat, plutôt que de se servir de détecteurs de fuites de gaz.
  2. La compagnie ferroviaire n'a pas appelé le service 911 pour signaler l'accident; par conséquent, il a été impossible de mettre à profit le système pour assurer la coordination voulue et pour communiquer en temps opportun l'information voulue à tous les organismes d'intervention (y compris les services de police, les services des incendies, les services médicaux, la compagnie ferroviaire, l'expéditeur, les organismes municipaux, provinciaux et fédéraux).
  3. Bien que toutes les compagnies ferroviaires établissent dans leurs subdivisions des points milliaires qui leur permettent de connaître la position exacte d'un déraillement, le bureau du service 911 n'a pas pu déterminer rapidement l'emplacement en question puisqu'il ne disposait pas au préalable des renseignements qui lui auraient permis de dépêcher le personnel d'intervention d'urgence vers ces points de repère.
  4. Même si la rupture du bras d'attelage du wagon-citerne GATX 9138 n'est pas considérée comme étant un facteur déterminant de ce déraillement, les essais faits par le BST et par des autorités externes ont révélé que le bras avait une très faible capacité d'absorption d'énergie, ce qui signifie que, par temps très froid, ce bras d'attelage pouvait poser un risque pour la sécurité ferroviaire, surtout dans le cas de wagons chargés de marchandises dangereuses.

Mesures de sécurité

État de la voie

La Cape Breton and Central Nova Scotia Railway (CBNS) a élaboré un programme visant à identifier les tronçons dans lesquels des courbes ont un dévers excessif et à fixer les priorités à cet égard. Le programme prévoit des travaux d'entretien, d'installation de traverses et de réduction du dévers dans les courbes. Dans la subdivision Hopewell, on a recensé 57 courbes dont le dévers était excessif. Les réparations voulues ont déjà été faites dans 51 des courbes en question, et les réparations seront faites dans les courbes restantes au cours du programme de pose de traverses et de nivellement de 2005.

En 2004, la CBNS a aussi exécuté les travaux énumérés ci-après dans la subdivision Hopewell :

La CBNS a entrepris d'éliminer les rails de 100 livres, en mettant au rebut le rail de file basse, en transposant le rail de file haute sur le côté bas des courbes et en installant des rails neufs de 115 livres du côté haut des courbes. Pour corriger la voie dans les endroits affectés par un tassement du ballast (p. ex. vis à vis des joints de rail), on a prévu, dans le cadre du programme d'installation de rails, d'utiliser une bourreuse pour combler les écarts entre les traverses et les rails.

Pièces coulées des attelages

En septembre 2004, le BST a fait parvenir une Lettre d'information sur la sécurité ferroviaire (10/04), intitulée Mechanical Properties of Coupler Casting (Propriétés mécaniques des pièces coulées des attelages), au ministère des Transports et des Travaux publics de la Nouvelle-Écosse, et en a envoyé une copie à Transports Canada et à l'Association des chemins de fer du Canada. Dans cette lettre, le BST parlait de l'état des pièces coulées de l'attelage rompu du quatrième wagon déraillé (GATX 9138). Par la suite, Transports Canada a porté cette question à l'attention de l'Association of American Railroads (AAR), en insistant sur le fait que les processus d'assurance de la qualité mis en place par le fabricant n'ont pas permis de détecter les lacunes que le Laboratoire technique du BST a mises en évidence. On demandait aussi à l'AAR de fournir de l'information sur les mesures correctives que celle-ci pourrait prendre à la suite de ce déraillement.

Système 911

L'Organisation des mesures d'urgence de la Nouvelle-Écosse a tenu une rencontre initiale avec la CBNS au cours de laquelle il a été question de l'état actuel du système d'urgence 911. L'Organisation des mesures d'urgence prévoit rencontrer toutes les compagnies ferroviaires dont les trains circulent en Nouvelle-Écosse afin d'améliorer le système d'urgence 911 quant aux interventions en cas d'accident ferroviaire.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports au sujet de cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Schéma montrant les positions approximatives des wagons déraillés

Schéma montrant les positions approximatives des wagons déraillés

Annexe B - Liste des rapports pertinents

Le Laboratoire technique du BST a rédigé les rapports suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe C - Mesurages de la voie faits après l'accident

Station Plus Nivellement transversal sans charge Nivellement transversal sous une charge Écartement sans charge Écartement sous une charge Commentaires
1 - ¾ 5/8 56 ¾ 56 ¾  
2 - ½ 3/8 56 ½ 56 ½  
3 - ¾ 5/8 56 7/8 57  
4 - 1 1/8 1 ¼ 56 7/8 57  
5 - 1 7/8 56 5/8 56 5/8  
6 - 1 ¼ 1 1/8 56 ¾ 56 ¾  
6 8' 3" 1 ½ 1 ½ 56 ½ 56 5/8  
7 - 1 ½ 1 ½ 56 ½ 56 ½  
8 - 2 1/8 2 57 56 5/8 Voie en alignement abordant une courbe de raccordement
9 - 2 1/8 2 56 ½ 56 5/8  
10 - 2 2 56 5/8 56 5/8  
11 - 2 3/8 2 ¼ 56 7/8 56 5/8  
12 - 2 ½ 2 ½ 56 ¾ 56 7/8  
13 - 2 ¾ 2 5/8 56 7/8 57  
14 - 3 2 7/8 56 ¾ 57  
15 - 3 ¾ 3 ¼ 57 57 ¼  
16 - 3 7/8 3 5/8 56 ½ 56 ½  
17 - 4 3 ¾ 56 ½ 56 ½  
17 10' 0" 3 ¾ 4 1/8 56 ¾ 56 7/8  
18 - 4 3 ¾ 56 ¾ 56 7/8  
19 - 4 ¼ 3 5/8 57 56 7/8  
20 - 4 - 57 ½ -  
21 - 5 - 57 ½ -  
Point de déraillement