Language selection

Rapport d'enquête ferroviaire R07W0042

Collision de trains sur une voie autre que la voie principale
Canadien National
Manœuvre de triage à butte
Point milliaire 145,20 de la subdivision Sprague
Triage Symington, Winnipeg (Manitoba)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 13 février 2007, une manœuvre de triage à butte du Canadien National effectuait des opérations d'aiguillage au triage Symington (point milliaire 145,2 de la subdivision Sprague), à Winnipeg (Manitoba). Pendant qu'elle roulait vers l'ouest sur la voie ER-08 à une vitesse d'environ 6 milles à l'heure (mi/h), la manœuvre a pris en écharpe le train no L53241-13 du Canadien National, lequel sortait du triage sur la voie ER-04. La collision a causé le déraillement de quatre des wagons de la manœuvre. Au total, neuf wagons ont subi des dommages. Il n'y a pas eu de déversement de produits dangereux et il n'y pas eu de blessés.

This report is also available in English.

Autres renseignements de base

L'accident

Le 13 février 2007, une manœuvre de triage à butte (la manœuvre) du Canadien National (CN), dirigée par un opérateur (l'opérateur) muni d'une loco-commande Beltpack®, exécute des opérations d'aiguillage au triage Symington, à Winnipeg (Manitoba) (voir la figure 1).

Figure 1. Carte du secteur où l'accident s'est produit (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens )
Figure 1. Carte du secteur où l'accident s'est produit

Vers 14 h 00, heure normale du CentreNote de bas de page 1, l'opérateur, qui commande un groupe de traction constitué de quatre locomotives, fait entrer le groupe de traction à l'extrémité est de la voie ER-08 et l'attelle à une tranche d'environ 100 wagons. Pendant le processus d'attelage, un véhicule motorisé de la compagnie, conduit par un collègue de l'opérateur, vient s'arrêter le long de la locomotive de tête. Supposant que l'opérateur va monter à bord du mouvement et prendre place à l'avant pendant le trajet jusqu'à l'aiguillage suivant, le conducteur offre à l'opérateur de le conduire jusqu'à cet endroit. L'opérateur se retourne, marche en direction du véhicule motorisé et, se servant de la l'unité de commande (UC) de la loco-commande Beltpack®, il commande à distance la manœuvre. L'opérateur monte ensuite à bord du véhicule motorisé, et le conducteur se dirige vers l'Est en précédant le mouvement. Tandis qu'il se déplace à bord du véhicule motorisé, l'opérateur continue de diriger la manœuvre à distance.

Peu de temps après qu'on eut commandé le mouvement de la manœuvre, l'opérateur et le conducteur, surveillant la progression de la manœuvre par les rétroviseurs du véhicule, s'aperçoivent que la manœuvre s'éloigne d'eux et se dirige vers l'Ouest, alors qu'elle devrait rouler vers l'Est. L'opérateur place alors immédiatement l'UC à la position d'arrêt. Quelque temps après que le mouvement s'est immobilisé, l'opérateur apprend que sa manœuvre a heurté le train no L53241-13 (le train), lequel roulait vers la sortie du triage.

Le train no L53241-13, composé de 3 locomotives et de 108 wagons, mesure approximativement 6 600 pieds et pèse 14 727 tonnes. Au moment de l'événement, il se trouve sur la voie ER-04 et il sort du triage Symington en roulant vers l'Ouest. Tout se déroule sans incident jusqu'à ce que les membres de l'équipe du train apprennent qu'une manœuvre de triage à butte vient de heurter leur train.

Une inspection ultérieure révèle que, du fait de la collision, quatre wagons-trémies couverts déchargés qui étaient à l'extrémité ouest de la manœuvre, ont déraillé. Les deux premiers wagons déraillés (nos CNWX 110565 et CNWX 101201) sont renversés sur le côté, le troisième wagon (no CNWX 395033) s'est immobilisé à un angle de 45 degrés, et le quatrième (no CNWX 110667) est resté sur ses roues avec le bout « B » déraillé. Dans le train sortant, trois wagons-trémies couverts chargés de grain (nos BN 468454, BNSF 430572 et BN 461016) et un wagon-trémie couvert vide (no CEFX 152237) ont subi des dommages au côté lors de la collision. De plus, un wagon porte-automobiles stationnaire (no TTGX 991309), qui faisait partie d'une tranche de wagons stationnés sur la voie ER-09 voisine, a été endommagé (voir la figure 2).

Figure 2. Diagramme représentant les lieux de l'accident
Figure 2. Diagramme représentant les lieux de l'accident

Au moment de l'événement, le ciel était dégagé et la température était de −27°C. En raison du vent qui soufflait à 11 km/h, la température ressentie était d'environ −30°C .

Le 10 février 2007, les chefs de train du CN de tout le réseau du CN au Canada se sont mis en grève. La plupart des chefs de train ont repris le travail le 26 février 2007 lorsque l'ordre de grève a été suspendu. Le 18 avril 2007, l'adoption d'une loi spéciale a forcé le retour au travail des chefs de train. Pour assurer la poursuite de l'exploitation pendant la grève, la compagnie a demandé à des gestionnaires d'assumer les fonctions d'exploitation des chefs de train.

Renseignements sur les membres des équipes et qualifications de ceux-ci

Un seul opérateur dirigeait la manœuvre de triage à butte en se servant de la loco-commande Beltpack®. L'opérateur était un gestionnaire du CN qui était qualifié quant à l'application des règles et qui remplaçait les équipes d'exploitation pour la durée de la grève. Avant l'interruption de travail, l'opérateur avait travaillé pendant trois ans à titre de planificateur des moyens de traction. Même si l'opérateur n'avait pas d'expérience antérieure quant à l'utilisation de la loco­commande Beltpack®, il avait dirigé des manœuvres pendant quatre quarts de travail dans un triage différent au cours des trois années précédentes et, en 2004, il avait travaillé pendant 30 jours à titre d'aide d'un mécanicien de manœuvre au cours d'une grève précédente. Le 31 janvier 2007, en prévision de la grève, l'opérateur avait suivi une formation abrégée de deux jours sur l'emploi de la loco-commande Beltpack®.

L'équipe du train en partance comptait un mécanicien et un chef de train. Le mécanicien avait 20 ans d'expérience. Le chef de train était un gestionnaire du CN qui faisait du remplacement pendant la durée de la grève. Les membres de l'équipe étaient tous deux qualifiés quant à l'application des règles.

Tous les membres de l'équipe se conformaient aux exigences de la réglementation existante en matière de repos et de condition physique.

Renseignements consignés

L'examen des données téléchargées du consignateur d'événements de la loco-commande Beltpack® a révélé ce qui suit :

1414:36 –

La manœuvre, roulant à 1,19 mi/h en marche avant (en direction Ouest), s'attelle à la tranche de wagons stationnés sur la voie ER-08.

1414:40 –

La manœuvre s'arrête sur la voie ER-08.

1418:46 –

L'opérateur commande une vitesse de 1,75 mi/h, et la manœuvre part en marche avant, en direction Ouest.

1419:14 –

L'opérateur commande une vitesse de 4,00 mi/h.

1419:16 –

L'opérateur commande une vitesse de 8,00 mi/h.

1419:32 –

L'opérateur demande un arrêt, et le freinage de la manœuvre commence. La manœuvre roulait à 5,95 mi/h quand le freinage a débuté.

1419:41 –

Après un freinage continu, la vitesse de la manœuvre a diminué et n'est plus que de 2,97 mi/h.

1420:00 –

La manœuvre s'arrête. La manœuvre a parcouru 264 pieds depuis le moment où elle a commencé à rouler vers l'Ouest.

Renseignements sur la voie

Au triage Symington, le faisceau de réception Est, comptant neuf voies, se trouve du côté Sud du triage. Dans ce secteur du triage, le contrôle de la circulation se fait au moyen de signaux de triage et il est assuré par un coordonnateur posté dans la tour L. La voie ER-04 est la voie d'accès et elle était la voie de départ que suivait le train. La voie ER-08 mesure approximativement 6 500 pieds de longueur et elle croise la voie ER-04 à son extrémité ouest.

Dans le secteur où l'accident s'est produit, la voie était faite de longs rails soudés de 100 livres qui étaient posés sur des selles de rail à double épaulement et qui reposaient sur des traverses no 2, en bois mou, et qui étaient retenus aux traverses par quatre crampons passés dans chaque selle de rail. Les rails étaient encadrés par des anticheminants à toutes les trois traverses. Le ballast était constitué de pierre concassée dont le diamètre allait de 1 pouce à 11/2 pouce. La voie était généralement en bon état.

Emploi de la loco-commande Beltpack®

Pour les chemins de fer, la technologie Beltpack® constitue une méthode efficiente d'exploitation qui permet de diriger les locomotives de triage à l'aide d'une télécommande. Vers la fin des années 1980, cette technologie a été introduite au Canada et elle a été approuvée par Transports Canada (TC) aux fins des manœuvres de triage et de triage à butte. Depuis son introduction, la loco-commande Beltpack® est devenue le moyen de prédilection auquel on a recours pour commander les déplacements des locomotives et des trains pendant le triage.

Pendant les opérations dirigées au moyen de la loco-commande Beltpack®, l'opérateur se sert d'une unité de commande (UC), en l'occurrence une petite boîte de trois à cinq livres retenue à son gilet de sécurité par une pince (voir la photo 1). L'UC permet à l'opérateur d'actionner à distance un certain nombre de commandes de la locomotive. L'UC transmet par radio les ordres de l'opérateur à la locomotive. Ces ordres sont reçus par un équipement radio spécial qui est installé dans la locomotive, et sont ensuite traités par l'ordinateur de bord, lequel amorce la réaction voulue de la locomotive. L'UC de la loco-commande Beltpack® est munie d'un sélecteur de vitesse, d'un sélecteur de marche arrière et d'un sélecteur de freinage, lequel comprend une fonction de freinage d'urgence.

Photo 1. Unité de commande de la loco-commande Beltpack
 Photo 1. Unité de commande de la loco-commande Beltpack

Au Canada, les opérations dirigées au moyen de la loco-commande Beltpack® sont la responsabilité des chefs de train. Normalement, deux chefs de train s'occupent de diriger les mouvements de triage à l'aide de la loco-commande Beltpack®—un chef de train prenant place à chaque bout du mouvement. D'autres fois, comme dans ce cas-ci, un seul opérateur muni d'une loco-commande Beltpack® se charge d'exécuter tout le travail.

L'article 6 des Instructions générales d'exploitation (IGE) du CN, régissant l'utilisation de la loco-commande Beltpack®, définit l'opérateur de la loco-commande Beltpack® comme étant un employé de l'exploitation qui, grâce à sa formation, à son expérience et à ses connaissances, possède les qualifications voulues pour exécuter des manœuvres de triage et transmettre des signaux aux locomotives à l'aide de la loco-commande Beltpack®. Les IGE ajoutent :

l'utilisation de la loco-commande Beltpack doit être en tout temps conforme aux règles du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et des IGE. (traduction)

Bien que le CN ait une IGE concernant l'emploi de la loco-commande Beltpack® aux fins des opérations, il n'avait aucune instruction écrite ou ligne directrice qui disait aux opérateurs utilisant la loco-commande Beltpack® de s'assurer que le mouvement se déplace dans la direction voulue. En comparaison, le Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) incorpore à ses IGE l'aide-mémoire du fabricant de l'appareil, intitulé « CANAC Remote Control Locomotive System » (système CANAC de commande à distance de locomotives) (daté du 7 juin 2005), en guise d'instruction spéciale de ses IGE. L'article 1.10 se lit comme il suit :

Immédiatement après avoir sélectionné le sens d'avancement et la vitesse, l'employé qui assure le contrôle doit faire une vérification visuelle pour s'assurer que le mouvement se déplace effectivement dans la direction voulue. (traduction)

Utilisation d'un véhicule motorisé d'assistance pendant les manœuvres de triage dirigées au moyen de la loco-commande Beltpack®

À l'occasion, le CN utilise un véhicule motorisé d'assistance pour faciliter la tâche des opérateurs de loco­commandes Beltpack®. Quand un opérateur utilisant une loco-commande Beltpack® se fait transporter de la sorte dans un véhicule, il n'est pas rare qu'il contrôle le mouvement à partir du véhicule motorisé en mouvement. Actuellement, ni le CN ni TC n'ont émis des directives ou des procédures écrites qui régissent l'utilisation d'un véhicule motorisé pour faciliter les manœuvres de triage. En outre, on n'a procédé à aucune évaluation officielle des risques avant d'autoriser cette dérogation aux procédures normales d'utilisation de la loco-commande Beltpack® aux fins du triage.

Lors de cet événement, l'opérateur de la loco-commande Beltpack® dirigeait le mouvement à partir du siège avant d'un véhicule motorisé qui était conduit par une autre personne. Le véhicule motorisé précédait la manœuvre de triage et se trouvait dos à celle-ci. Pendant les opérations de triage dont cet opérateur s'était chargé avant l'événement (c'est-à-dire deux quarts de 12 heures au cours des deux jours précédents), l'opérateur avait toujours circulé avec le mouvement, en l'occurrence à l'avant du mouvement, et il n'avait pas compté sur un véhicule motorisé d'assistance.

Le BST a enquêté sur un autre accident survenu dans le triage Symington, lors duquel on a utilisé un véhicule d'assistance pour faciliter des opérations de triage contrôlées à l'aide d'une loco-commande Beltpack®. Le 17 février 2004, 15 wagons ont déraillé après qu'un aiguillage de triage eut été mal orienté et n'eut pas été vérifié pendant des manœuvres dirigées au moyen de la loco-commande Beltpack® (rapport no R04W0035 du BST). Au terme de son enquête sur cet accident, le BST a déterminé que, comme l'opérateur de la loco-commande Beltpack® prenait place dans un véhicule qui devançait le mouvement, et comme il était dos au mouvement, le mouvement ne faisait l'objet d'aucune surveillance, de sorte que la gravité du déraillement s'est accrue pour cette raison.

Formation des employés syndiqués au sujet de l'utilisation de la loco-commande Beltpack® et des manœuvres de triage

Pour ses employés syndiqués expérimentés qui sont affectés à l'exploitation et qui ont la qualification de chef de train, ce qui comprend la formation sur le REF et sur les normes de qualification des employés itinérants (QSOC), le CN offre une formation de 7 à 10 jours sur l'utilisation de la loco-commande Beltpack®. Ce programme de formation est constitué de 3 jours d'instruction en classe, et de 4 à 7 jours de formation sur le terrain pendant lesquels l'employé se familiarise avec la loco-commande Beltpack®.

Aux employés syndiqués de l'exploitation qui ont moins d'expérience et qui ont la qualification de chef de train, le CN offre un programme de formation de 33 jours portant sur l'emploi de la loco-commande Beltpack® et sur les manœuvres de triage. Ce programme de formation comprend 3 jours d'instruction en classe, 7 jours de formation sur le terrain pendant lesquels l'employé se familiarise avec la loco-commande Beltpack®, et 23 jours de formation générale sur le terrain sur les manœuvres de triage, pendant lesquels l'employé travaille sous la direction d'un chef de train de triage qui est qualifié dans l'utilisation de la loco-commande Beltpack®. Si un employé n'obtient pas la qualification au terme de ce programme de formation de 33 jours, le CN lui fournira normalement une formation additionnelle au besoin.

En dehors de la formation initiale sur l'emploi de la loco-commande Beltpack®, le CN ne donne pas de cours régulier de formation de perfectionnement. La réglementation actuelle du domaine ferroviaire n'exige pas qu'on assure une formation de perfectionnement sur l'emploi de la loco-commande Beltpack®.

Formation sur l'emploi de la loco-commande Beltpack® et sur les manœuvres de triage à l'intention des gestionnaires

Les gestionnaires du CN n'avaient pas tous les qualifications requises pour assumer des fonctions d'exploitation pendant la grève. En prévision de la grève, le CN a donné un cours abrégé de deux jours sur l'utilisation de loco-commande Beltpack®, à des groupes de gestionnaires comptant au maximum huit personnes qu'on avait identifiés comme étant des opérateurs potentiels de la loco-commande Beltpack®. Ces gestionnaires ont été sélectionnés pour la formation abrégée parce qu'ils étaient déjà qualifiés comme chefs de train et qu'ils avaient déjà une certaine expérience dans le domaine de l'exploitation. Le cours de deux jours consistait en une instruction en classe suivie d'une demi-journée de formation sur le terrain au cours de laquelle les gestionnaires se familiarisaient avec la loco-commande Beltpack®, suivie d'un test.

L'opérateur de loco-commande Beltpack® qui a été mêlé à l'événement était un gestionnaire qui avait suivi le cours abrégé de deux jours. Même si l'opérateur était qualifié comme chef de train, il n'avait aucune expérience du travail d'opérateur de loco-commande Beltpack®. Durant le cours de formation, l'opérateur n'a pas reçu d'instructions ou de conseils disant de vérifier visuellement si le mouvement roulait dans la direction voulue après qu'on eut donné une commande.

Pour les employés cadres qui avaient la qualification relative au REF et la qualification QSOC mais qui n'avaient jamais eu de formation pratique relative à l'exploitation, le CN a offert une formation de base d'une durée maximale de deux jours, qui portait sur les éléments des circuits de freinage à air des wagons de marchandises, sur les mâchoires d'attelage, sur la documentation, sur les autorisations écrites, sur les manœuvres de triage, etc. Ces gestionnaires n'ayant pas reçu de formation sur les procédures d'exploitation locales, on leur a remis des aide-mémoire et des numéros de téléphone qu'ils pourraient composer s'ils avaient besoin d'assistance.

Surveillance réglementaire

Le règlement CTC-1987-3 Rail, en vigueur le 12 mars 1987, expose les normes minimales de qualification des employés itinérants (QSOC). Ce règlement précise que les compagnies ferroviaires doivent mettre sur pied et fournir des programmes de formation afin de se conformer à la réglementation. TC est l'organisme de réglementation qui veille à ce que le matériel didactique de la compagnie réponde à toutes les exigences concernant la formation de base. Après avoir fait un examen initial de la documentation, l'organisme de réglementation n'est pas tenu de poursuivre l'examen. Aux termes de la réglementation, les chefs de train doivent obtenir les qualifications voulues relativement à six matières de base et à un élément additionnel portant sur l'évacuation des passagers. Les chefs de train ne sont pas tenus de se qualifier dans les domaines de la conduite des locomotives et des trains. Les compagnies de chemin de fer doivent veiller à renouveler la qualification des chefs de train tous les trois ans. Toutefois, la réglementation ne s'applique pas à l'utilisation de la loco-commande Beltpack® puisqu'il ne comporte aucune exigence quant à la formation qu'on doit suivre pour pouvoir se servir de la loco-commande Beltpack®. De même, il n'y a aucune exigence qui oblige les chefs de train ayant suivi la formation sur l'utilisation de la loco-commande Beltpack® à acquérir une expérience pratique de l'utilisation de la loco-commande sous la supervision d'une personne compétente.

En prévision de la grève, le CN a fourni à TC une liste des agents de la compagnie qui avaient les qualifications relatives au REF et la qualification QSOC. Toutefois, un grand nombre de ces personnes avaient peu d'expérience pratique dans le domaine de l'exploitation, sinon aucune. TC n'a pas obligé le CN à décrire la formation pratique qu'il avait donnée à ces agents pour les préparer à remplacer des employés de l'exploitation. Toutefois, le CN a rencontré les gens de TC avant la grève et a fourni à l'organisme de réglementation des renseignements relatifs à ses plans de formation. Durant la grève, TC a organisé des conférences téléphoniques quotidiennes avec le CN, lors desquelles il a été question de la conformité avec les règles, et TC a aussi accru ses activités de surveillance dans le triage Symington.

Configuration des locomotives de la manœuvre de triage à butte

L'agencement des locomotives du groupe de traction de la manœuvre était conforme à la configuration de triage à butte qu'on utilise normalement au triage Symington (voir la photo 2). Pour le triage à butte, les locomotives sont disposées de la façon suivante :

Photo 2. Agencement normal de la configuration de triage à butte au triage Symington
 Agencement normal de la configuration de triage à butte au triage Symington

Au triage Symington, on considère que les trains roulent en marche arrière quand ils se dirigent vers l'Est, et qu'ils roulent en marche avant quand ils se dirigent vers l'Ouest. Donc, l'UC de la loco-commande Beltpack® est configurée de telle façon que, pour envoyer le groupe de triage à butte vers l'Est, on doit sélectionner la marche arrière sur l'UC. Inversement, pour envoyer le groupe de triage à butte vers l'Ouest, on doit sélectionner la marche avant sur l'UC.

Accidents survenus au triage Symington de 2001 à 2007

On a examiné la base de données du BST pour relever les collisions de trains sur une voie autre que la voie principale qui s'étaient produites dans le triage Symington de 2001 à 2006. Au cours des six années qui ont précédé l'interruption de travail, on n'a signalé qu'une collision de trains sur une voie autre que la voie principale qui s'était produite dans le triage Symington. Durant la grève de 2007, soit entre le 10 et le 26 février, deux collisions de trains sur une voie autre que la voie principale se sont produites dans le même triage.

Analyse

Le Bureau ne considère pas que des défauts du matériel roulant ou de la voie aient pu être des facteurs déterminants lors de cet événement. L'analyse s'intéressera surtout à la nécessité de vérifier le sens d'avancement du mouvement pendant les opérations dirigées à l'aide de la loco-commande Beltpack®, à l'utilisation de véhicules motorisés d'assistance pendant les manœuvres de triage, aux configurations des cabines des locomotives, et à la formation qui est donnée aux gestionnaires affectés à des postes d'exploitation.

L'accident

Les données téléchargées du consignateur d'événements de la loco-commande Beltpack® ont révélé qu'après avoir attelé le mouvement à la tranche de wagons qui était sur la voie ER-08, l'opérateur n'a pas commandé un changement de direction. Par conséquent, l'UC de la loco­commande Beltpack® est restée par inadvertance à la position de marche avant (en direction Ouest). Alors que l'opérateur s'attendait à ce que le mouvement parte en marche arrière (en direction Est), l'accident s'est produit quand la manœuvre a roulé en direction Ouest et a heurté un train qui sortait du triage et se dirigeait vers l'Ouest. Le fait que l'opérateur ait omis de commander un changement de direction à l'aide de l'UC a coïncidé avec l'arrivée d'un véhicule motorisé dont le conducteur a offert à l'opérateur de le faire monter. En acceptant de monter à bord du véhicule, l'opérateur évitait d'avoir à rouler à l'avant du mouvement et à s'exposer au froid. Cette façon de faire était inédite pour l'opérateur, étant donné que celui-ci n'avait jamais compté sur un véhicule d'assistance quand il dirigeait des manœuvres à l'aide de la loco-commande Beltpack®. L'opérateur a vraisemblablement été distrait en raison de cette modification du processus, ce qui l'aurait amené à omettre d'inverser le sens d'avancement sur l'UC.

Il s'est écoulé 46 secondes avant que l'opérateur et le conducteur du véhicule s'aperçoivent que le mouvement était parti dans la mauvaise direction. Tandis qu'ils regardaient par les rétroviseurs du véhicule pour essayer de confirmer le sens d'avancement du mouvement, leur perception visuelle a pu être légèrement faussée à cause du rétroviseur, ce qui fait qu'ils ont eu de la difficulté à déterminer le sens d'avancement, surtout qu'ils étaient à une certaine distance. Un peu comme lors de l'accident faisant l'objet du rapport d'enquête no R04W0035 du BST, le fait que l'opérateur de la loco-commande Beltpack® ait pris place dans un véhicule motorisé qui précédait le mouvement, et qu'il ait été dos au mouvement, a aussi fait en sorte qu'il a eu de la difficulté à surveiller la progression du mouvement. Parce qu'il avait de la difficulté à surveiller le mouvement, il est vraisemblable que l'opérateur a tardé à décider d'immobiliser le mouvement, alors que la distance parcourue par le mouvement dans la mauvaise direction augmentait à mesure que le temps passait.

Formation dispensée par le Canadien National en prévision de la grève

En prévision de la grève, la compagnie a fait suivre à l'opérateur un cours abrégé de formation de deux jours, portant sur l'utilisation de la loco-commande Beltpack®. Pendant cette formation, l'opérateur n'a pas reçu d'instructions au sujet de la confirmation du sens d'avancement, des procédures locales de triage et de la configuration des groupes de traction de triage. En outre, les IGE du CN ne renferment aucune instruction relative à la vérification du sens d'avancement quand on utilise la loco-commande Beltpack®. Une formation insuffisante, combinée à l'expérience pratique limitée de l'opérateur, a vraisemblablement contribué à l'omission de confirmer le sens d'avancement de la manœuvre après que l'opérateur eut commandé une manœuvre à l'aide de la loco-commande Beltpack®.

Par contraste, la formation sur l'utilisation de la loco-commande Beltpack® et les manœuvres de triage que le CN donne à ses employés syndiqués qui ont l'expérience de l'exploitation consiste en un cours de sept à dix jours, comprenant des cours en classe et la mise en pratique sur le terrain des notions apprises en classe. À ses nouveaux employés syndiqués qui n'ont aucune expérience de l'exploitation, le CN donne une formation de 33 jours sur l'utilisation de la loco-commande Beltpack® et les manœuvres de triage, ce qui comprend des cours en classe, une formation pratique sur le terrain et une formation en cours d'emploi supervisée par un opérateur qualifié de loco-commande Beltpack®. Comparée à la formation que le CN donne à des employés syndiqués ayant une expérience similaire, celle qui a été dispensée aux gestionnaires du CN était minimale.

Durant l'interruption de travail, deux collisions de trains sur des voies autres que la voie principale se sont produites dans le triage Symington. Bien que la taille de l'échantillon soit petite, ce nombre est supérieur au nombre total d'accidents déclarés pendant six ans pour une même période de temps. Le taux de collisions plus élevé qui a été relevé au triage Symington durant la grève suggère qu'en raison de la formation limitée qu'on a donnée aux gestionnaires pour les préparer à assumer des fonctions d'exploitation, on a accru les risques d'erreurs et de conséquences fâcheuses.

Vérification du sens d'avancement

Après avoir attelé la manœuvre à la tranche de wagons qui se trouvait sur la voie ER-08, l'opérateur ne s'est pas servi de l'UC pour commander au mouvement de partir en direction Est (c'est-à-dire en marche arrière). Une fois le mouvement remis en route, l'opérateur n'a vérifié le sens d'avancement du mouvement qu'après avoir pris place dans le véhicule motorisé. Si l'opérateur avait fait une vérification visuelle pour s'assurer du sens d'avancement du mouvement immédiatement après avoir commandé la mise en route du mouvement, l'accident aurait fort probablement été évité.

Le matériel didactique du CN concernant la loco-commande Beltpack® et l'article des IGE qui traite de l'utilisation de celle-ci ne disent pas qu'on doit vérifier le sens d'avancement de la rame après que le mouvement contrôlé par la loco-commande Beltpack® est amorcé. En raison de l'absence d'instructions écrites ou de lignes directrices disant aux opérateurs de loco­commandes Beltpack® de confirmer le sens d'avancement après qu'ils ont commandé un mouvement à l'aide de la loco-commande, il y a un risque accru de voir des mouvements partir dans la mauvaise direction.

Utilisation de véhicules d'assistance pendant les manœuvres dirigées au moyen de la loco-commande Beltpack® au triage Symington

Durant le triage, on se sert à l'occasion d'un véhicule motorisé pour accélérer l'exécution des manœuvres de triage. Toutefois, le recours à ce véhicule ne relève pas les employés de l'exploitation de l'obligation de se conformer aux règles ou instructions en vigueur. Bien qu'il ne soit pas courant pour les opérateurs de loco-commandes Beltpack® de se déplacer à bord de véhicules motorisés pendant qu'ils dirigent les mouvements de trains, cette pratique est signalée périodiquement au triage Symington. Même si cette utilisation n'est que périodique, il reste que cet accident est le deuxième à survenir au triage Symington au cours des trois dernières années, et au sujet duquel le BST a déterminé après enquête que l'utilisation d'un véhicule motorisé d'assistance par un opérateur de loco-commande Beltpack® pendant le triage avait été un facteur déterminant de l'accident.

L'utilisation d'un véhicule motorisé d'assistance pendant des manœuvres dirigées à l'aide de la loco-commande Beltpack® n'est pas dangereuse en soi, mais cet événement et l'accident précédent ont démontré que toute modification par rapport à un processus de travail normal peut distraire l'opérateur de son travail et réduire l'efficacité des moyens de défense existants. Après que l'opérateur eut omis de vérifier si le mouvement partait dans la bonne direction, on s'est privé d'une possibilité additionnelle de connaître le sens d'avancement puisque le véhicule s'est placé devant le mouvement, plutôt qu'à la hauteur de l'avant de celui-ci. Lors des deux événements, le fait que le véhicule ait été placé devant le mouvement a fait en sorte qu'il était difficile de surveiller le matériel, ce qui fait que la gravité du déraillement s'est accrue pour cette raison.

Bien que le REF et les IGE du CN renferment de nombreuses consignes relatives au triage et aux manœuvres, la compagnie n'a pas de réglementation ou de directives qui traitent de l'utilisation de véhicules d'assistance pendant les manœuvres dirigées au moyen de la loco-commande Beltpack®. Or, en raison de cette absence de réglementation ou de directives régissant cet aspect particulier des opérations, le risque d'erreurs et d'accidents est accru.

Locomotives avec le capot long vers l'avant

La configuration normale des cabines de locomotive veut que le capot court soit placé à l'avant, et le capot long à l'arrière, lorsque le train roule en marche avant. Grâce à cette configuration, le personnel de l'exploitation est en mesure de déterminer visuellement le sens d'avancement. En comparaison, les locomotives des manœuvres de triage à butte sont placées de façon à avoir le capot court vers l'avant, aux deux bouts du groupe de traction.

Cette configuration des manœuvres de triage à butte, dont l'apparence est symétrique, ne permet pas de déterminer le sens d'avancement en se basant sur l'apparence extérieure du groupe de traction.

La formation portant sur la loco-commande Beltpack® que le CN a offerte à ses gestionnaires au triage Symington n'a pas abordé la question de la configuration des cabines des locomotives et de la signification de cette configuration au sein d'un groupe de traction de triage à butte normal. Cette question aurait normalement été enseignée dans le cadre de l'apprentissage en cours d'emploi. Lors de cet événement, il est peu probable que l'orientation proprement dite des locomotives du groupe de traction de triage à butte ait joué un rôle dans la sélection du sens d'avancement. Quoi qu'il en soit, le fait de placer la cabine d'une locomotive de commande de façon que le capot long soit vers l'avant a pour effet d'accroître le risque de confusion au moment de choisir la direction que le train va prendre, à plus forte raison si le personnel d'exploitation a peu d'expérience.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'accident s'est produit quand la manœuvre de triage à butte s'est mise intempestivement en marche en direction Ouest, et a heurté un train qui sortait du triage et se dirigeait vers l'Ouest.
  2. L'unité de commande (UC) de la loco-commande Beltpack® est restée par inadvertance à la position de marche avant lorsque le mouvement s'est mis en marche.
  3. L'opérateur de la loco-commande Beltpack® a vraisemblablement été distrait par l'arrivée d'un véhicule motorisé, ce qui l'a amené à omettre de modifier le sens d'avancement sur l'UC.
  4. Le fait que l'opérateur de la loco-commande Beltpack® ait pris place dans un véhicule motorisé qui précédait le mouvement, le fait qu'il ait été dos au mouvement, et le fait qu'il ait regardé par les rétroviseurs du véhicule pour confirmer le sens d'avancement du mouvement, ont fait en sorte qu'il a eu de la difficulté à déterminer la direction vers laquelle le mouvement se dirigeait. En raison de ces facteurs, il est vraisemblable que l'opérateur a tardé à décider d'immobiliser le mouvement, alors que la distance parcourue par le mouvement dans la mauvaise direction augmentait à mesure que le temps passait.
  5. Une formation insuffisante, combinée à l'expérience pratique limitée de l'opérateur, a vraisemblablement contribué à l'omission de confirmer le sens d'avancement de la manœuvre après que l'opérateur eut donné un commandement à l'aide de la loco-commande Beltpack®.

Faits établis quant aux risques

  1. Le taux d'accidents supérieur à la moyenne qu'on a relevé au triage Symington durant la grève suggère qu'en raison de la formation limitée qui a été donnée aux gestionnaires pour les préparer à assumer des fonctions d'exploitation, on a accru les risques d'erreurs et de conséquences fâcheuses.
  2. En raison de l'absence d'instructions écrites ou de lignes directrices disant aux opérateurs de loco-commandes Beltpack® de confirmer le sens d'avancement après qu'ils ont commandé un mouvement à l'aide de la loco-commande Beltpack®, il y a un risque accru de voir des mouvements partir dans la mauvaise direction.
  3. L'absence de réglementation ou de directives de la compagnie qui traitent de l'utilisation de véhicules d'assistance pendant les manœuvres dirigées au moyen de la loco-commande Beltpack® fait en sorte que le risque d'erreurs et d'accidents est accru.

Autre fait établi

  1. Le fait de placer la cabine d'une locomotive de commande de façon que le capot long soit vers l'avant a pour effet d'accroître le risque de confusion au moment de choisir la direction que le train va prendre, à plus forte raison si le personnel d'exploitation a peu d'expérience.

Mesures de sécurité prises

Le 22 mars 2007, Transports Canada (TC) a rendu public un Avis et ordre en vertu de l'article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire . Voici un extrait de l'Avis et ordre :

que le Canadien National ne permette pas que des employés ou des superviseurs d'un secteur autre que celui de l'exploitation travaillent dans une catégorie d'emploi du secteur de l'exploitation, à moins que l'employé ou le superviseur en question n'ait suivi une formation d'au moins 10 jours d'instruction en classe portant sur les fonctions des employés de l'exploitation et sur les règles d'exploitation auxquelles ils doivent se conformer, et qu'il n'ait reçu au minimum 20 jours de formation en cours d'emploi dans la dans une catégorie d'emploi à laquelle est affecté l'employé de secteur de l'exploitation. (traduction)

Après avoir rencontré des représentants du Canadien National (CN), examiné le programme de formation proposé et validé les qualifications qui s'appliquent au personnel d'exploitation du CN, TC a annulé l'Avis et ordre.

En novembre 2007, le CN a émis un Bulletin pour le réseau, dans lequel on indique que, dès qu'ils ont donné un commandement quant au sens d'avancement et à la vitesse, les opérateurs des loco-commandes Beltpack® doivent vérifier visuellement si le mouvement obéit effectivement aux instructions reçus.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .