Language selection

Rapport d'enquête ferroviaire R08E0150

Déraillement en voie principale
Canadien National
Train de marchandises no A41651-16
Point milliaire 106,20 de la subdivision Edson
Peers (Alberta)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 18 décembre 2008 à 6 h 52, heure normale des Rocheuses, 48 wagons du train de marchandises no A41651-16 du Canadien National, qui roulait vers l'est sur les voies de la subdivision Edson, ont déraillé au point milliaire 106,20, près de Peers (Alberta). L'accident n'a pas causé de déversement de marchandises dangereuses et n'a pas fait de blessés.

This report is also available in English.

Autres renseignements de base

L'accident

Le 18 décembre 2008 à 5 h 50 Note de bas de page 1, le train de marchandises noA41651-16 Est (le train) du Canadien National (CN), composé de 3 locomotives, de 48 wagons chargés et de 99 wagons vides, part d'Edson (Alberta) et roule dans la subdivision Edson Note de bas de page 2 à destination d'Edmonton (Alberta). Le train pèse 9 444 tonnes et mesure 8 244 pieds. Lors de la formation du train, on a placé 37 wagons-trémies chargés de pierres à chaux immédiatement derrière les locomotives, suivis de 6 wagons plats à paroi de bout et longrine centrale, de 3 wagons couverts et d'un wagon plat à paroi de bout et longrine centrale, tous chargés de bois d'œuvre, de 12 wagons-trémies couverts vides, d'un wagon-tombereau chargé, de 29 wagons-citernes vides et de 58 wagons-trémies vides.

L'équipe du train, composée d'un mécanicien et d'un chef de train, prend les commandes du train à Edson. Les membres de l'équipe se conforment aux normes en matière de repos et de condition physique et ils connaissent bien la subdivision Edson. Entre Edson et le lieu de l'accident, les membres de l'équipe ne relèvent aucune irrégularité quant au fonctionnement du train. Les deux côtés de leur train sont inspectés par l'équipe du train no M359 ouest, qu'ils ont croisé à Peers (Alberta). Aucune anomalie n'est signalée lors de cette inspection.

Les données du consignateur d'événements de locomotive (CEL) indiquent que :

Figure 1. Lieu de l'accident, dans la subdivision Edson
 Lieu de l'accident, dans la subdivision Edson

Après avoir diffusé le message d'urgence nécessaire et avisé le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF), le chef de train inspecte le train et constate que 48 wagons, du 22e au 69e, viennent de dérailler (voir photo 1). Les wagons déraillés comprennent 16 wagons-trémies chargés, 7 wagons plats chargés à parois de bout et à longrine centrale, 3 wagons couverts chargés, 12 wagons-trémies couverts vides, un wagon-tombereau chargé et 9 wagons-citernes vides. Les 6 premiers wagons ont déraillé du côté haut de la courbe, et les 42 wagons suivants ont déraillé des deux côtés de la voie. La voie principale a été endommagée sur une distance d'environ 1 715 pieds.

Photo 1. Le déraillement vu de l'ouest
Le déraillement vu de l'ouest

Conditions météorologiques

Lors de l'accident, la température était d'environ -27°C et le vent soufflait du nord-ouest à 6 km/h. Les données publiées par Environnement Canada pour Edson, à environ 20 milles à l'ouest du lieu du déraillement, indiquent que les températures étaient basses depuis le 12 décembre (six jours avant l'accident). La température la plus basse qu'on a enregistrée au cours de cette période a été de −37,1°C, le 14 décembre. On a signalé un léger réchauffement des températures les 16 et 17 décembre.

Renseignements sur la voie

Dans la subdivision Edson, la circulation des trains est régie grâce au système de commande centralisée de la circulation (CCC), en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), et elle est surveillée par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Edmonton. La vitesse maximale autorisée dans le secteur est de 60 mi/h pour tous les trains. Il s'agit d'une voie de catégorie 4 au sens du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV). Dans le secteur où le déraillement s'est produit, la voie principale est simple et est construite sur un talus de hauteur moyenne.

Entre le point milliaire 108,4 et le lieu de l'accident, la voie descend une pente dont la déclivité varie entre 0,55 et 0,36 p. 100. La voie décrit une courbe vers la droite de 1°45′ (dans le sens d'avancement du train), au point milliaire 107,7. Le déraillement s'est produit au point milliaire 106,2, dans un secteur où la voie décrit une courbe vers la gauche de 2°40′ (dans le sens d'avancement du train) et descend une pente de 0,36 p. 100. D'après le rapport du contrôle des rails réalisé lors du passage de la voiture TEST Note de bas de page 5, le 16 octobre 2008, la courbe mesurait 2 292 pieds de longueur et avait un dévers moyen de 4,87 pouces. D'après les normes d'ingénierie de la voie du CN (Engineering Track Standards (ETS)), le dévers minimal pour une vitesse de 60 mi/h dans une courbe de 2°40′ correspond à un dévers d'équilibre de 6,7 pouces, moins 2 pouces. Le dévers maximal permissible est de 5 pouces. Le RSV est moins restrictif, car il autorise un dévers non équilibré de 3 pouces et un dévers maximal de 6 pouces.

Les rails de la courbe étaient des longs rails soudés de 136 livres à champignon traité thermiquement, qui avaient été fabriqués en 2002 par Nippon Steel. Les rails étaient posés sur des traverses en béton et ils étaient retenus à celles-ci par des attaches élastiques, le tout reposant sur une section où le ballast était criblé et les cases étaient garnies. On n'a relevé aucun signe de dommages causés à la voie dans le tronçon qui précédait le point de déraillement (PDD). Le PDD était localisé dans un tronçon de 400 pieds de longueur reposant sur des traverses en bois, qu'on avait laissé en place après l'installation de panneaux de voie qui avaient été mis en place après un déraillement précédent, survenu en décembre 2001. La première rupture du rail a été observée à environ 80 pieds de l'extrémité ouest de la section posée sur des de traverses en béton, dans la section posée sur des traverses en bois qui se trouvé à lest. Dans cette section, les rails étaient posés sur des selles de rail de 16 pouces, ils étaient fixés aux traverses par des crampons, et encadrés par des anticheminants à chaque traverse.

Inspection et entretien de la voie

Avant le déraillement, une voiture rail-route avait ausculté la voie dans le secteur du déraillement les 14, 16 et 17 décembre 2008, et n'avait relevé aucune anomalie. Le 27 novembre 2008, on a réparé un défaut transversal dans le rail Algoma de 136 livres en acier au carbone de 1981, qui affectait le rail haut de la courbe au point milliaire 106,1. Le 22 janvier 2008, on a aussi retiré près du PDD une soudure de chantier défectueuse qui affectait le rail Nippon Steel de 136 livres de 1993. On a placé ce coupon de rail sur le rail nord d'un tronçon en alignement droit situé un peu à l'est du PDD. Les deux coupons de rail ont été placés sur des traverses en béton. Même si les coupons faisaient partie du tronçon où la voie a été endommagée par le déraillement, ils étaient intacts après le déraillement.

Sperry a réalisé une auscultation par ultrasons des rails de la subdivision Edson le 9 décembre 2008, soit neuf jours avant le déraillement. Une soudure de chantier défectueuse a été détectée et remplacée dans le rail sud au point milliaire 104,7. Un examen des résultats de ces tests, fait par Sperry, a révélé des résultats normaux ou les résultats attendus pour les particularités connues de la voie dans le secteur du déraillement. Une recherche continue de défauts internes a été réalisée d'un bout à l'autre de la zone critique, mais n'a relevé aucune réponse attribuable aux défauts.

On a examiné les données que la voiture TEST de contrôle de l'état géométrique de la voie a recueillies dans le secteur du déraillement les 27 septembre et 16 octobre 2008. Les défauts nécessitant une intervention urgente sont définis comme étant des écarts considérables par rapport aux normes de sécurité minimales du RSV en matière de géométrie de la voie. Les défauts nécessitant une intervention pressante sont des écarts par rapport aux normes de sécurité minimales du RSV en matière de géométrie de la voie, et les défauts nécessitant une intervention prioritaire sont des écarts par rapport aux tolérances d'entretien imposées par le CN.

Inspection du matériel roulant

L'examen des wagons déraillés sur les lieux de l'accident n'a pas permis de relever des défauts évidents du matériel roulant. L'examen des locomotives et des wagons non déraillés n'a révélé aucune marque d'impact sur les roues. Les dossiers d'entretien mécanique et de réparation du CN et de Procor (propriétaire des wagons) portant sur les 21 wagons de tête indiquent que les inspections et l'entretien courants ont été faits au cours des cinq années précédentes.

Pour compléter les renseignements recueillis pendant les inspections visuelles des wagons de marchandises, le CN a équipé son réseau de systèmes électroniques de détection en voie (SDV) qui évaluent l'état du matériel roulant en cours de route. Ces systèmes sont placés à intervalles de 12 milles le long de la voie et comprennent normalement un détecteur de boîtes chaudes, qui mesure la température des roulements, un détecteur de roues chaudes, qui mesure la température des roues, et un détecteur de pièces traînantes. Les résultats des inspections des SDV sont recueillis dans un emplacement central qui transmet un avertissement aux équipes des trains dès que la valeur limite inférieure est atteinte ou dépassée. Lors de cet événement, le train no A41651-16 (le train qui a déraillé) n'a pas déclenché d'alarme quand il est passé devant le SDV du point milliaire 116,3. En outre, aucune alarme n'a été déclenchée lors du passage du train no M359 ouest (qui a croisé le train no A41651-16 à Peers) devant le SDV placé au point milliaire 104,8.

Un détecteur de défauts de roues (DDR) est constitué de capteurs qui mesurent les impacts causés par le passage de chaque roue sur la voie. L'excentration et les méplats des roues, et d'autres imperfections des roues, peuvent occasionner des charges d'impact considérables susceptibles d'entraîner la rupture de roues ou de rails. L'information recueillie par les DDR est transmise vers un emplacement central de coordination, qui assure la surveillance et l'évaluation du matériel roulant et, au besoin, transmet immédiatement des avertissements aux équipes des trains. Quand la limite inférieure du DDR (soit 140 kips Note de bas de page 7) est atteinte ou dépassée, on peut faire arrêter et isoler immédiatement le train, ou encore limiter sa vitesse. On a examiné les données du site DDR du point milliaire 23,8 de la subdivision Edson qui portaient sur le train no A41651-16 et le train no M359 ouest. Les valeurs de charges d'impact des roues qu'on a enregistrées pour ces deux trains n'ont pas excédé les valeurs inférieures fixées par le CN.

Analyse des rails brisés et des pièces brisées des wagons

Inspections et exploitation par temps froid

Les articles 35 à 39 de la norme de la voie – Ingénierie de la voie no 7.0 (directives d'inspection de la voie) du CN précisent les exigences en matière d'inspection et de limitation de la vitesse qui sont en vigueur par temps extrêmement froid.

La norme exige notamment :

Au cours des cinq dernières années, le CN a accru de façon continue le nombre d'auscultations de rails durant les mois de temps froid, ce qui a permis de réduire le nombre de déraillements en voie principale causés par des ruptures de rails.

Compte tenu du nombre et du type des défauts relevés dans le secteur du déraillement, le CN ne considère pas que ce tronçon soit susceptible d'être affecté par des ruptures de rails liées au temps froid. Des inspections quotidiennes ont été effectuées dans le secteur deux jours avant le déraillement.

Pour les trains formés de wagons de marchandises mixtes, de wagons chargés et de wagons vides, comme le train no A41651-16, les lignes directrices du CN limitent la longueur des trains à 8 000 pieds quand la température atteint les −25°C, et à 7 000 pieds quand la température atteint les −30°C, étant donné qu'il est difficile de maintenir une pression adéquate dans la conduite générale des trains par temps froid.

Effet des basses températures sur l'acier des rails

Par basse température, la mesure dans laquelle la voie et l'infrastructure peuvent résister aux contraintes dues au service, et résister aux dommages et aux risques de rupture est réduite. La résistance des rails diminue habituellement en hiver, surtout en raison de la contraction des rails, laquelle occasionne un accroissement des efforts internes de traction qui facilitent la formation de fissures et, partant, une croissance accélérée des défauts transversaux.

La résistance du rail est généralement beaucoup plus grande que les contraintes auxquelles le rail est exposé durant le service, de sorte que les ruptures sont rares—surtout dans le cas de rails neufs faits d'aciers propres à haute résistance. Toutefois, comme la résistance des rails diminue par basse température, la capacité des rails de résister à des efforts ponctuels, et plus particulièrement à des charges d'impact supérieures à la normale causées par des roues écaillées, est réduite.

Traverses de transition entre les tronçons posés sur des traverses en bois et les tronçons posés sur des traverses en béton

À cause des écarts quant au module de la voie (c'est-à-dire la rigidité de la voie) entre les tronçons posés sur des traverses en bois et ceux qui reposent sur des traverses en béton, la Circulaire sur les méthodes normalisées (CMN) no 3303 du CN a rendu obligatoire l'installation d'un jeu de traverses de transition en bois dur aux endroits où des traverses en béton avoisinent des traverses en bois. La zone de transition consistait normalement en quatre traverses de 9 pieds, quatre traverses de 10 pieds et quatre traverses de 11 pieds, qui étaient placées à environ 20 pouces les unes des autres et dont les traverses les plus longues étaient accolées aux traverses en béton. L'expérience acquise au CN montre que les traverses de transition ne sont pas particulièrement avantageuses, étant donné que le bourrage de la voie n'est fait que sous les rails, quelle que soit la longueur des traverses. En conséquence, la CMN 3303, à l'instar d'autres CMN, a été remplacée par les normes d'ingénierie de la voie du CN (Engineering Track Standards [ETS]), dans lesquelles l'installation de traverses de transition n'est plus obligatoire. Lors de l'événement, aucune traverse de transition n'était installée entre les tronçons reposant sur des traverses en bois et ceux qui reposaient sur des traverses en béton.

Analyse

La distribution des wagons déraillés indique que l'accident a vraisemblablement résulté d'une défaillance catastrophique soudaine, soit de la structure de la voie, soit d'un élément du matériel roulant. Toutefois, la cause du déraillement ne peut pas être attribuée à un seul élément. L'analyse évaluera un certain nombre de facteurs contributifs possibles, y compris l'intégrité des rails, la structure et la géométrie de la voie, l'état du matériel roulant et les conditions météorologiques.

L'accident

On n'a pas relevé de marques sur la structure de la voie avant le PDD. L'équipe du train no M359 a fait une inspection visuelle du train qui a déraillé, peu de temps avant que celui-ci déraille. L'inspection n'a révélé aucune anomalie du train ou de la voie. On a examiné les roues des 21 premiers wagons et des locomotives qui n'ont pas déraillé, et on n'a relevé aucune anomalie. Les dossiers d'entretien des premiers des wagons à dérailler ont révélé que l'entretien normal et les inspections normales de ces matériels avaient été exécutés avant le déraillement.

Des bouts de rail brisés et des morceaux de roues ont été examinés. L'examen n'a révélé aucune anomalie ou condition préexistante qui aurait pu être à l'origine de la rupture. Les inspections de la voie et du matériel roulant et la conduite du train ont été conformes aux normes du CN.

Avant le freinage d'urgence en provenance de la conduite générale, le train roulait à une vitesse variant entre 59 et 58 mi/h, avec les freins desserrés pendant qu'il descendait une pente en provenance du point milliaire 108,4. Le freinage d'urgence en provenance de la conduite générale ne s'est déclenché que trois secondes après qu'on a réduit les gaz de la position 7 à la position 2, tandis que le train roulait à 58 mi/h et que les freins étaient desserrés. Comme il n'y a pas eu de variation de la pente qui aurait pu causer une décélération rapide des locomotives, il est peu vraisemblable que le train ait été affecté par la compression des attelages, et rien n'indique d'ailleurs que cela se soit produit. On n'a relevé aucune anomalie quant à la conduite du train, et on ne considère pas que la dynamique voie/train ait joué un rôle dans le déraillement.

Les enquêteurs ont fait un résumé des événements qui ont précédé l'accident (voir le tableau 1) à partir des informations enregistrées Note de bas de page 9 par la caméra de la locomotive et par le consignateur d'événements de locomotive (CEL).

Tableau 1. Heures, événements et lieux
Heure du CEL Événement Point milliaire sur le terrain
0651:12 La tête du train dépasse le point milliaire (PM) 107 106,97
0651:37 La tête du train heurte un cerf 106,57
La tête du train entre dans la courbe 106,48
Position du wagon no 22 au moment du déraillement 106,17
0652:03 La tête du train dépasse la position du coupon de rail sur le rail haut 106,15
0652:09 La tête du train dépasse la position du coupon de rail sur le rail nord 106,05
La tête du train sort de la courbe 106,04
0652:11 La tête du train dépasse le PM 106 106,00
0652:15 Freinage d'urgence en provenance de la conduite générale 105,95
0653:32 La tête du train s'immobilise 105,22

La locomotive se trouvait au point milliaire 105,95 au moment où le freinage d'urgence en provenance de la conduite générale s'est déclenché. Le wagon no 22 (le premier des wagons à dérailler) se serait donc trouvé à environ 1 142 pieds vers l'arrière, dans la courbe du point milliaire 106,17, soit un peu à l'ouest du coupon de rail du rail haut. En supposant que la séquence de déraillement ait débuté un peu avant le serrage d'urgence des freins, le PDD se situerait vraisemblablement aux environs du point milliaire 106,20, en l'occurrence dans le tronçon de voie qui reposait sur des traverses en bois.

Quand on a réduit les gaz rapidement, en faisant passer la manette de la position 7 à la position 2 en l'espace de trois secondes, une seconde avant le serrage d'urgence des freins, on a cherché surtout à contrôler la vitesse du train dans la pente. On n'a pas commandé cette réduction des gaz à cause de la collision avec le cerf ou d'une éventuelle rupture du rail. Le bruit qu'on a entendu a vraisemblablement été causé par le choc de la collision entre la locomotive et le cerf quelque temps avant le déraillement, et non pas par la rupture d'un rail sous la locomotive. À ce moment, la locomotive avait quitté la courbe car, à une vitesse de 58 mi/h, il a dû se passer environ 13 secondes pendant lesquelles le groupe de traction et les 21 wagons non déraillés ont poursuivi leur route en direction est et ont dépassé le point où les premiers wagons ont commencé à dérailler du côté haut de la courbe.

Dans l'hypothèse d'un déraillement causé par la rupture d'une roue, on aurait relevé des marques de roues sur la voie jusqu'au PDD. Or, on n'a relevé aucune marque de ce genre. En outre, il est peu vraisemblable qu'une roue brisée entraîne un déraillement subit et un amoncellement de wagons semblables à ceux qu'on a signalés lors de cet événement. À partir des éléments de preuve recueillis, on conclut que le rail haut de la courbe s'est vraisemblablement brisé sous le 21e wagon, ou sous un wagon voisin de ce dernier. Vu que les deux coupons de rail étaient intacts après le déraillement, il y a lieu de croire que ni l'un ni l'autre des coupons de rail n'a été un facteur déterminant ou un facteur contributif de ce déraillement.

Effet des basses températures sur les rails

Il faisait très froid lorsque le déraillement s'est produit, et on sait que le temps froid est propice aux ruptures de rail. Bien que les systèmes de signalisation aident à limiter le nombre de déraillements attribuables aux ruptures de rails, il reste qu'il est impossible de prévenir les ruptures de rail qui se produisent au moment du passage d'un train. L'acier des rails plus récents est plus propre et plus dur, et résiste mieux à l'usure que par le passé. Toutefois, les basses températures ont toujours pour effet de réduire la ténacité de l'acier et la capacité du rail de supporter des charges ponctuelles considérables, et plus particulièrement des charges d'impact, d'où un risque accru de rupture du rail et de déraillement. Le temps froid qui régnait lors du déraillement a réduit la capacité du rail de supporter les forces qui s'exerçaient pendant le service.

État géométrique de la voie dans le secteur du déraillement

Lors des deux contrôles de l'état géométrique de la voie qui ont été réalisés avant le déraillement, on a relevé un surécartement affectant une bonne partie de la courbe. Les défauts de l'écartement qui nécessitaient une intervention pressante dans la courbe ont été corrigés; toutefois, le défaut de l'écartement nécessitant une intervention prioritaire s'est aggravé entre les deux contrôles de l'état géométrique. Avec le temps, les voies posées sur des traverses en bois sont davantage susceptibles d'être affectées par un surécartement que les voies reposant sur des traverses en béton car, dans les courbes, les rails retenus par des crampons résistent moins bien aux forces latérales que les rails posés sur des traverses en béton et retenus par des attaches élastiques. De plus, on a signalé un défaut d'inclinaison, lequel contribue au surécartement de la voie. Ce défaut était particulièrement apparent dans le tiers est de la courbe, vraisemblablement dans le secteur où la voie reposait sur des traverses en bois. Dans le cas des traverses en bois, le surécartement et les défauts d'inclinaison sont causés la plupart du temps par des selles de rail encastrées dans les traverses, alors que dans le cas des traverses en béton, ils sont attribuables à l'abrasion de l'appui de rail ou à l'usure des isolateurs.

Le surécartement et les défauts d'inclinaison sont des phénomènes normaux pour des voies qui supportent des charges de roues considérables et des vitesses élevées, même dans des courbes dont le dévers est approprié. Le tronçon posé sur des traverses en bois résistait moins bien aux forces latérales exercées en courbe que les tronçons posés sur des traverses en béton et, advenant une détérioration des conditions, ils étaient davantage susceptibles de causer le renversement du rail. Le surécartement, le défaut d'inclinaison et la « bosse » de dévers qu'on a relevés dans le secteur du déraillement satisfaisaient aux normes du RSV. On ne considère pas que ces défauts de l'état géométrique de la voie aient été des facteurs de causalité de l'accident.

Utilisation de traverses de transition entre les tronçons posés sur des traverses en bois et les tronçons posés sur des traverses en béton

Les premières ruptures du rail ont été observées à environ 1 000 pieds à l'est de l'extrémité ouest de la courbe, soit dans le tronçon reposant sur des traverses en bois qui se trouvait aux environs du point milliaire 106,20. Le tronçon reposant sur des traverses en bois avait été laissé en place après l'installation de panneaux de voie qu'on avait posés à la suite d'un déraillement précédent, survenu en 2001. Comme dans ce cas-ci, on place normalement les panneaux de voie éclissés peu de temps après un déraillement, mais on laisse habituellement en place les traverses en bois sur lesquelles repose la voie. On n'a pas posé de traverse de transition entre les tronçons posés sur des traverses de bois et ceux qui étaient posés sur des traverses en béton. Même si la CMN 3303 du CN exigeait par le passé l'installation de traverses de transition, l'expérience a démontré que les traverses de transition n'étaient pas particulièrement avantageuses, étant donné que le bourrage de la voie n'est fait que sous les rails, quelle que soit la longueur des traverses. La CMN 3303 a été remplacée par les normes d'ingénierie de la voie du CN (Engineering Track Standards [ETS]), lesquelles n'imposent plus l'installation de traverses de transition entre les tronçons posés sur des traverses en bois et les tronçons posés sur des traverses en béton. On ne considère pas que la présence dans la courbe d'un court tronçon posé sur des traverses en bois au voisinage d'un tronçon posé sur des traverses en béton, et l'absence de traverses de transition, aient été des facteurs de causalité du déraillement.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

LP 008/2009 – Examination of Rail Pieces (examen des bouts de rail)

LP 022/2009 – Examination of Wheel Pieces (examen des morceaux de roues)

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

3.0 Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Une rupture catastrophique et soudaine de la structure de la voie s'est produite et a causé le déraillement.
  2. Tandis que le train roulait dans la courbe, le rail haut de la courbe s'est rompu sous le 21e wagon ou sous un des wagons adjacents.
  3. Le temps froid qui régnait lors du déraillement a réduit la ténacité de l'acier du rail et la capacité du rail de supporter les forces qui s'exerçaient pendant le service, et plus particulièrement des charges d'impact ponctuelles considérables.

Autres faits établis

  1. Le surécartement, le défaut d'inclinaison et la « bosse » de dévers qu'on a relevés dans le secteur du déraillement satisfaisaient aux normes du Règlement sur la sécurité de la voie . On ne considère pas que les défauts de la géométrie de la voie aient été des facteurs de causalité de l'accident.
  2. On ne considère pas que la présence dans la courbe d'un court tronçon posé sur des traverses en bois au voisinage d'un tronçon posé sur des traverses en béton, et l'absence de traverses de transition, aient été des facteurs de causalité du déraillement.

Mesures de sécurité prises

Transports Canada mène des recherches sur les effets que les conditions hivernales peuvent avoir sur les opérations ferroviaires.

Le Canadien National (CN) continue de mettre l'accent sur l'auscultation des rails pendant les mois de temps froid. Ces efforts d'auscultation comprendront une augmentation marquée du nombre d'auscultations des voies. Aux endroits où l'historique et les données sur les défauts du rail dénotent un risque accru de problèmes causés par le temps froid, on exigera une augmentation de la fréquence des inspections de la voie et on limitera la vitesse des trains.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .