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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R17W0267

Mort accidentelle d’une employée
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Système de télécommande de locomotive
Train facultatif de manœuvre Y1XS-01
Melville (Saskatchewan)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 22 décembre 2017, vers 18 h, heure normale du Centre, alors que la nuit était tombée, une contremaître et un aide de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le Canadien National, ou CN) effectuaient des opérations d’aiguillage à la gare de triage Melville du CN à Melville (Saskatchewan). La contremaître conduisait le train facultatif de manœuvre Y1XS-01 au moyen d’un système de télécommande de ocomotive (STL) lorsqu’elle a été coincée entre le train de manœuvre et le wagon de tête d’un mouvement non contrôlé pendant qu’elle serrait un frein à main. La contremaître a été mortellement blessée. Il n’y a eu aucun déraillement, et aucune marchandise dangereuse n’était en cause.

Le mouvement était constitué de 3 wagons-trémies découverts chargés de ballast. La contremaître avait lancé ces wagons sur une pente ascendante vers une voie de raccordement, mais à une vitesse trop lente pour que les wagons arrivent à destination. Les wagons ont perdu leur élan et ont commencé à redescendre la pente de manière incontrôlée. La contremaître a couru vers le wagon de tête, y est montée et a appliqué un frein à main, mais l’efficacité du frein à main était compromise. Par conséquent, le mouvement incontrôlé n’a pas été immobilisé ou ralenti, ce qui a laissé peu de possibilités et de temps à la contremaître pour se mettre à l’abri.

L’enquête a permis de relever un certain nombre de lacunes liées à la sécurité, décrites ci-après.

Communication de l’équipe

D’après les Instructions générales d’exploitation du CN, on doit faire en sorte, durant les séances d’information sur les travaux, que tous les membres de l’équipe comprennent les travaux à effectuer.

Dans l’événement à l’étude, même si la contremaître et l’aide avaient tenu 2 séances d’information sur les travaux, plusieurs éléments du plan n’ont pas été communiqués ou coordonnés efficacement :

L’attitude réservée des membres de l’équipe, le manque d’habitude de travailler ensemble et leur relative inexpérience dans leurs rôles le jour de l’accident ont probablement contribué à leur communication peu fréquente durant leur quart.

Formation et expérience de l’équipe de manœuvre

En général, la formation sur la télécommande Beltpack suffit aux chefs de train qualifiés pour conduire du matériel par STL. Cependant, cette formation ne donne pas nécessairement l’expérience voulue pour effectuer des tâches qui exigent du jugement, comme lancer des wagons sur une pente ascendante. Étant donné les nombreuses variables en jeu, le jugement nécessaire pour effectuer ces types de mouvements de façon efficace et sécuritaire dans diverses conditions ne s’acquiert qu’en milieu de travail, une fois la formation achevée.

À la gare de triage Melville, il arrivait couramment que le contremaître commande tous les mouvements dans la gare de triage, même si les 2 membres de l’équipe sont munis d’une télécommande Beltpack. Cette pratique limitait l’expérience de conduite qu’acquièrent les aides, ce qui pouvait retarder leurs progrès pour devenir des contremaîtres compétents et sécuritaires de manœuvres par STL. De plus, le jumelage d’employés peu expérimentés pour des affectations au service de manœuvre limitait le transfert de connaissances par accompagnement professionnel.

Même si la contremaître avait à son actif 3 années d’expérience ferroviaire au service de 2 compagnies différentes, elle avait eu peu d’occasions récentes de remplir les fonctions de contremaître d’une équipe de 2 personnes, ou encore de conduire une locomotive par télécommande Beltpack. Cette expérience n’était peut-être pas suffisante pour acquérir les compétences et le jugement nécessaires pour lancer de façon toujours sécuritaire des wagons sur une pente ascendante. La contremaître n’avait qu’une expérience limitée de l’utilisation du STL pour des opérations de manœuvre, ce qui l’a probablement amenée à établir un plan inadéquat et à tenter de lancer les 3 wagons à une vitesse trop lente dans un secteur connu de pente ascendante.

Jumelage d’opérateurs inexpérimentés de système de télécommande de locomotive

Dans le secteur ferroviaire, à l’échelle nationale, on confie à des chefs de train les tâches d’opérateurs de locomotive télécommandée, en particulier dans les gares de triage. Le poste de chef de train est habituellement un poste syndiqué régi par une convention collective conclue entre l’employeur et le syndicat des employés. Dans la plupart des cas, on affiche chaque semaine les affectations locales en gare de triage que peuvent postuler les employés. Une fois que les employés ont postulé, les affectations sont accordées en fonction de l’ancienneté, conformément à la convention collective.

Certaines des affectations affichées sont plus convoitées à cause du taux de rémunération, des jours de congé et des heures de travail. Habituellement, on considère les quarts de soir et de nuit comme étant les moins désirables. De plus, les postes à la gare de triage sont habituellement considérés comme les moins désirables, parce qu’ils offrent les taux de rémunération les plus faibles. Si personne ne postule une affectation particulière, on la donne habituellement à l’employé ayant le moins d’ancienneté.

Compte tenu du roulement de personnel élevé dans le secteur ferroviaire au cours des dernières années, il n’est pas rare de voir les 2 employés les moins chevronnés et les moins expérimentés d’un terminal travailler ensemble dans les gares de triage, en particulier durant les quarts de soir et de nuit. Le jumelage de membres d’équipe inexpérimentés n’a rien d’inhabituel dans le secteur ferroviaire au Canada.

Depuis 2007, le BST a achevé 6 enquêtes (incluant celle sur l’événement à l’étude) qui soulignent les risques liés au jumelage de chefs de train ayant peu d’expérience pour effectuer des affectations de triage. Le BST a déterminé que le manque d’expérience relatif des opérateurs de locomotive télécommandée (chefs de train) avait contribué à ces événements par des connaissances insuffisantes pour prendre des décisions efficaces en ce qui concerne la planification et la conduite du train. De plus, le BST a déterminé que la pratique consistant à jumeler des employés peu chevronnés dans le cadre d’affectations au service de manœuvre prive les employés de l’accompagnement professionnel et du mentorat requis pour développer le jugement nécessaire à la conduite de trains.

Même si un employé d’exploitation doit manifester les compétences requises pour effectuer les tâches d’un contremaître qualifié, aucune exigence de la réglementation ou de la compagnie ne stipule le temps ou l’expérience requis avant qu’un chef de train assume les fonctions de contremaître de triage. Ces rôles sont réservés aux employés syndiqués régis par une convention collective. Par conséquent, on attribue habituellement les tâches de contremaître au membre de l’équipe ayant le plus d’ancienneté à la compagnie, peu importe son expérience dans cette fonction.

Compte tenu du roulement continu d’employés dans le secteur ferroviaire et des conséquences négatives potentielles du jumelage d’opérateurs de locomotive télécommandée inexpérimentés dans les gares de triages, le Bureau s’inquiète du fait que, sans mesure d’atténuation additionnelle, le jumelage d’opérateurs de locomotive télécommandée inexpérimentés se poursuivra dans les gares de triage avec un risque correspondant que des conséquences négatives continuent de se produire.

Réduction de la fréquence des mouvements non contrôlés et des risques connexes pendant les manœuvres sans freins à air

Dans l’événement à l’étude, la contremaître commandait un train de manœuvre par STL pendant des manœuvres sans freins à air à la gare de triage Melville. Durant les opérations de manœuvre, la contremaître a été mortellement blessée pendant qu’elle tentait d’arrêter le mouvement en serrant un frein à main.

En général, les mouvements non contrôlés sont attribuables à 1 des 3 causes générales suivantes : perte de maîtrise, manœuvres sans freins à air et immobilisation insuffisante. Depuis 2016, le BST a achevé 3 enquêtesNote de bas de page 2, incluant celle-ci, sur des mouvements non contrôlés qui se sont produits dans des gares de triage pendant des manœuvres sans freins à air.

Les manœuvres sans freins à air se produisent quand la manœuvre d’un mouvement se fait avec les freins directs de locomotive, mais sans freins à air sur les wagons qui sont manœuvrés ou lancés. La grande majorité se produit dans les gares de triage.

Dans un rapport sur un événement similaire (rapport d'enquête ferroviaire R16W0074 du BST), le Bureau a émis une préoccupation en matière de sécurité selon laquelle les mécanismes de défense actuels étaient insuffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et améliorer la sécurité.

De 2009 à 2018, il y a eu 562 mouvements imprévus ou non contrôlés. La tendance a été à la hausse durant cette décennie. L’augmentation moyenne pour toutes les catégories était de 1,67 événement par année, 86 % de l’augmentation globale étant liés à des manœuvres sans freins à air. Parmi les 185 événements impliquant des manœuvres sans freins à air, 70 (38 %) sont survenus à cause de wagons qui ont redescendu la pente, et 56 (30 %) comprenaient des marchandises dangereuses. Les principaux résultats de ces événements ont été des collisions (134, soit 72 %) et des déraillements (76, soit 41 %). Deux de ces événements (1 %), incluant celui à l’étude, ont causé la mort d’un employé.

Les manœuvres sans freins à air sont routinières, et il s’en fait tous les jours dans le secteur ferroviaire, mais cette pratique comporte certains risques qui peuvent entraîner de graves conséquences. Si l’on n’adopte pas de stratégies efficaces pour améliorer la sécurité pendant les manœuvres sans freins à air, des mouvements non contrôlés continueront de se produire, ce qui augmente le risque et la gravité de conséquences négatives.

Il incombe au secteur ferroviaire d’avoir des règles, des instructions, des procédures et des processus en place pour gérer ses opérations de façon sécuritaire. Les cheminots qui participent directement à ces opérations savent le mieux comment ces travaux se déroulent en réalité, et ils sont les plus touchés lorsque des accidents se produisent. Cependant, il incombe également à l’organisme de réglementation de mettre en place des mesures d’application, des règles et des règlements adéquats pour garantir une surveillance réglementaire efficace afin d’assurer la sécurité des opérations.

Les mesures de sécurité prises par TC et le secteur ferroviaire à ce jour ont porté principalement sur les pratiques d’immobilisation. Toutefois, le résultat recherché, soit une forte réduction du nombre de mouvements non contrôlés, tarde à se concrétiser.

Les causes sous-jacentes des mouvements non contrôlés qui se produisent pendant les manœuvres sans freins à air varient énormément. C’est pourquoi il s’avère difficile d’élaborer une stratégie globale pour gérer efficacement tous les facteurs sous-jacents et les risques connexes afin de réduire le nombre de ces mouvements non contrôlés. Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports collabore avec le secteur ferroviaire et les représentants des travailleurs pour cerner les causes sous-jacentes des mouvements non contrôlés qui se produisent pendant les manœuvres sans frein à air, et pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies ou des exigences réglementaires afin de réduire leur fréquence.
Recommandation R20-01 du BST

1.0 Renseignements de base

Le 22 décembre 2017, le train facultatif de manœuvre  Y1XS-01 (le train de manœuvre) de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le Canadien National, ou CN), conduit au moyen d’un système de télécommande de locomotive (STL), effectuait des manoeuvres à l’extrémité est de la gare de triage Melville du CN à Melville (Saskatchewan) (figure 1). Le train de manœuvre était composé de 3 locomotives, 6 wagons-trémies couverts videsNote de bas de page 3 et 3 wagons-trémies découverts chargés de ballast. Le train de manœuvre mesurait quelque 660 pieds et pesait environ 1325 tonnes.

Figure 1. Lieu de l’accident (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas du rail canadien, avec annotations du BST)
Lieu de l’accident (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas du rail canadien, avec annotations du BST)

L’équipe d’affectation était composée de 2 chefs de train, l’un d’eux agissant comme contremaître de triage (contremaître) responsable de la coordination des manœuvres d’aiguillage, et l’autre, comme aide de triage (aide). Les membres de l’équipe d’affectation étaient qualifiés pour leurs postes, répondaient aux normes d’aptitude au travail et de repos, et connaissaient bien la gare de triage Melville. Les 2 membres de l’équipe d’affectation portaient des gilets vertsNote de bas de page 4. Pour effectuer les manœuvres, chaque membre de l’équipe avait une télécommande de locomotive BeltpackNote de bas de page 5 à partir de laquelle l’un ou l’autre pouvait commander la locomotive.

Environ 320 chefs de train et mécaniciens de locomotive (ML) travaillent à la gare de triage Melville. Le travail à cette gare de triage consiste en une combinaison d’affectations de triage, d’affectations de manœuvre locales et d’affectations à des trains de marchandises en voie principale.

Au moment de l’événement, le volume de travail était élevé, et des employés d’autres terminaux avaient été mutés à la gare de triage Melville pour gérer l’augmentation du trafic. En temps normal, 2 trains de manœuvres étaient en service quotidien. Toutefois, quand les affectations régulières ne suffisaient pas et des équipes additionnelles étaient disponibles, on faisait appel à des trains facultatifs de manœuvre.

La gare de triage Melville est une gare de triage en palier où les manœuvres sont effectuées principalement par STL. Durant les manœuvres, il est courant de « lancerNote de bas de page 6 » les wagons de marchandises, pratique qui est permise à l’échelle de la gare de triage. L’accès aux voies depuis l’extrémité est de la gare de triage se fait généralement par la voie d’accès MR, qui mène aux voies MR19 à MR10. La pente de la voie d’accès MR (d’est en ouest) varie de 0,24 % à l’ouest de l’aiguillage MR19 à 0,50 % entre les aiguillages MR16 et MR14. La pente du reste de la voie d’accès MR est généralement ondulante (figure 2).

Figure 2. Diagramme du lieu de l’accident à la gare de triage Melville, avec en médaillon un diagramme du profil de la voie montrant la pente ascendante vers l’ouest (Source du diagramme principal : BST. Source du diagramme en médaillon : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada)
Diagramme du lieu de l’accident à la gare de triage Melville, avec en médaillon un diagramme du profil de la voie montrant la pente ascendante vers l’ouest (Source du diagramme principal : BST. Source du diagramme en médaillon : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada)

Remarque : « PA » signifie point d’aiguillage.

1.1 L’accident

À 13 h 55Note de bas de page 7, les membres de l’équipe d’affectation ont tenu une séance d’information sur les travaux au début de leur quart de travail. Durant cette séance, l’équipe a discuté des travaux à effectuer au cours de la soirée en passant en revue les listes de manœuvre fournies par le chef de triage. Conformément à la pratique locale, en plus des tâches normales de l’équipe d’affectation (c.-à-d. orienter les aiguillages, surveiller l’avant du mouvement, atteler des wagons et serrer les freins à main), la contremaître commandait tous les mouvements de la locomotive avec la télécommande Beltpack.

Plus tard durant le quart de travail, vers 15 h 30, à cause de problèmes mécaniques avec une des locomotives de manœuvre, on a ajouté une locomotive de ligne haute puissance (HHP) au convoi. Comme les caractéristiques de performance de la locomotive HHP sont différentes de celles des locomotives de manœuvre, le chef de train et le surintendant adjoint ont tenu une séance d’information sur les travaux avec l’équipe d’affectation pour discuter de ces différences.

Après cette séance d’information, les membres de l’équipe d’affectation ont repris leurs tâches de manœuvre. Le train de manœuvre s’est rendu à l’extrémité est de la gare de triage par la voie d’accès MR, en tirant 10 wagons. Après que le train de manœuvre eut dépassé la voie MR13, l’aide a orienté l’aiguillage pour cette voie, puis a marché jusqu’à la voie MR19 pour aider à garer un wagon-trémie couvert vide (BLE 1741).

La contremaître a immobilisé le train de manœuvre juste au-delà de l’aiguillage MR19, qu’elle a orienté pour la voie MR19, puis a engagé le train de manœuvre sur la voie MR19 en marche arrière. Après que le wagon BLE 1741 eut dégagé d’environ 200 pieds la voie d’accès MR, l’aide a communiqué par radio avec la contremaître pour lui indiquer d’immobiliser le train de manœuvre. L’aide a serré le frein à main sur le wagon BLE 1741, a dételé le wagon et l’a laissé sur la voie MR19. La contremaître a ensuite déplacé le train de manœuvre sur la voie d’accès MR juste à l’est de l’aiguillage MR19.

En prévision du garage des 3 wagons suivants du train de manœuvre sur la voie MR13, la contremaître a orienté l’aiguillage MR19 vers la voie d’accès MR. Entre-temps, l’aide a marché jusqu’à des wagons qui étaient déjà garés sur la voie MR13, à environ 50 pieds du point d’obstruction de la voie d’accès MR. L’aide a supposé qu’il faudrait pousser vers l’ouest les wagons déjà sur la voie MR13 afin de faire de la place pour les 3 wagons-trémies découverts chargés de ballast (CN 302369, CN 90393 et CN 302412) qui devaient y être garés.

L’aide a attendu à côté des wagons stationnaires sur la voie MR13; il prévoyait que le train de manœuvre devrait s’engager sur la voie MR13 pour s’atteler aux wagons stationnaires et les pousser vers l’ouest. Depuis la position de l’aide sur la voie MR13, la vue de la voie d’accès MR vers l’est était bloquée par des wagons stationnaires sur la voie MR14 adjacente. Il n’y a eu aucune communication entre les membres de l’équipe d’affectation quant à la nécessité de pousser des wagons stationnaires sur la voie MR13 vers l’ouest, et l’aide ignorait que la contremaître avait l’intention de lancer des wagons sur la voie MR13.

Après avoir orienté l’aiguillage MR19, la contremaître a marché vers l’est sur le côté nord du train de manœuvre, au-delà des 3 wagons-trémies découverts chargés de ballast, et a levé le levier de dételage au bout B du wagon CN 302412. Elle a ensuite sélectionné la vitesse de 7 mi/h sur la télécommande Beltpack et a poussé les wagons vers l’ouest avant de sélectionner « Stop » sur la télécommande Beltpack.

Alors que le train de manœuvre s’immobilisait, le levier de dételage du wagon CN 302412 étant levé, les 3 wagons-trémies découverts (figure 3) se sont dételés et éloignés (et ont ainsi été lancés) du train de manœuvre. Emportés par leur élan, les 3 wagons ont roulé sur la voie d’accès MR et franchi l’aiguillage MR19 vers la voie MR13. Le reste du train de manœuvre s’est immobilisé à l’est de l’aiguillage MR19.

Figure 3. Wagons-trémies découverts en cause dans l’événement, mis en transition sur la voie d’accès MR près de l’aiguillage MR16 (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
Wagons-trémies découverts en cause dans l’événement, mis en transition sur la voie d’accès MR près de l’aiguillage MR16 (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)

Après que les 3 wagons-trémies découverts eurent franchi l’aiguillage MR19, la contremaître a orienté l’aiguillage en vue de garer le dernier wagon sur la voie MR19. Alors que le train de manœuvre faisait marche arrière sur la voie MR19, la contremaître a remarqué que les 3 wagons perdaient leur élan sur la voie d’accès MR. Les wagons se sont immobilisés avec l’extrémité avant (bout B) du wagon CN 302412 presque à la hauteur de l’aiguillage MR16. Après s’être immobilisés, les 3 wagons ont commencé à redescendre la pente vers le train de manœuvre.

Remarquant que les wagons perdaient leur élan, la contremaître a immobilisé le train de manœuvre avec le wagon de tête PLCX 21492 partiellement engagé sur la voie MR19, mais obstruant encore la voie d’accès MR.

La contremaître a alors transmis un message radio pour indiquer que les 3 wagons-trémies découverts redescendaient la pente. L’aide se tenait à côté du wagon de tête sur la voie MR13. En entendant le message radio, il s’est mis à courir vers le mouvement non contrôlé.

Figure 4. Estimation de la façon dont les wagons PLCX 21492 et CN 302412 se sont immobilisés, d’après une reconstitution effectuée le lendemain (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
Estimation de la façon dont les wagons PLCX 21492 et CN 302412 se sont immobilisés, d’après une reconstitution effectuée le lendemain (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)

La contremaître a couru vers l’ouest à partir de l’aiguillage MR19, vers le bout B avant du wagon de tête du mouvement non contrôlé (CN 302412) pour atteindre le frein à main situé près du haut du coin sud-est du wagon. La contremaître a atteint le wagon et a grimpé l’échelle menant à la plateforme du bout B du wagon CN 302412.

Une fois sur la plateforme du bout B, la contremaître a serré le frein à main surélevé, mais n’a pas pu arrêter le mouvement non contrôlé. Par la suite, le coin sud-est du wagon CN 302412 a percuté le coin nord-ouest du wagon-trémie couvert vide PLCX 21492, qui était stationnaire et qui obstruait la voie d’accès MR. La contremaître s’est trouvée coincée entre les coins des 2 wagons (figure 4) et a été mortellement blessée. Il n’y a eu aucun déraillement, et aucune marchandise dangereuse n’était en cause.

Au moment de l’événement, la températureNote de bas de page 8 était de −12,6 °C. Il neigeait, et le vent soufflait du nord-ouest à 22 km/h.

1.2 Renseignements consignés

La contremaître a passé la plus grande partie de son quart de travail à lancer des wagons à 7 mi/h. À partir des renseignements consignés par la télécommande Beltpack et le consignateur d’événements de la locomotive, on a pu déterminer ceci :

1.3 Serrage du frein à main

Pour serrer le frein à main d’un wagon de marchandises, on tourne le volant de frein à main en sens horaire pour enrouler la chaîne de frein à main dans le carter d’engrenage de frein à main et appliquer une tension sur la bielle de tirage et le levier coudé. Le levier coudé transmet cette tension à la timonerie de frein horizontale reliée au cylindre de frein, de manière à multiplier la tension aux semelles de frein par un ensemble de leviers et de bielles.

La partie supérieure de la chaîne de frein à main est peinte en blanc pour aider à déterminer si le frein à main est serré ou non. Lorsque le frein à main est serré, la peinture blanche n’est plus visible.

1.4 Examen du wagon CN 302412 après l’accident

Le wagon CN 302412 était un wagon-trémie découvert de 70 tonnes et de 44 pieds de long fabriqué en 1974 par la société Wagon d’acier national. Chargé, ce wagon pesait environ 100 tonnes, et il était équipé d’un frein à main monté en hauteur au bout B du wagon. Une plateforme en bout élevée se trouvait à quelque 90 pouces du sol, sous le frein à main.

L’examen du wagon CN 302412 par le CN immédiatement après l’accident a permis de déterminer que la chaîne de frein à main, la bielle de tirage et le levier coudé n’étaient pas placés comme ils auraient dû l’être. Le gros maillon de raccord de la chaîne était serré contre le carter d’engrenage de frein à main, et la bielle de tirage de frein à main et le levier coudé étaient serrés contre la traverse extrême (figure 5). Il n’y avait pas de peinture blanche visible sur la chaîne de frein à main.

Figure 5. Bout B du wagon CN 302412, tel qu’il était environ 30 minutes après l’accident (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
Bout B du wagon CN 302412, tel qu’il était environ 30 minutes après l’accident (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)

1.5 Reconstitution de l’accident par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

Le 23 décembre 2017, le CN a fait une reconstitution de l’accident à la gare de triage Melville. Cette reconstitution a simulé les gestes posés par l’équipe d’affectation, notamment la tentative de lancer les 3 mêmes wagons-trémies découverts chargés de ballast depuis la voie d’accès MR sur la voie MR13. La reconstitution a permis de déterminer ce qui suit :

Les 2 wagons en cause dans la collision (PLCS 21492 et CN 302412) ont été photographiés et examinés de près, y compris le support rompu du levier coudé de frein à main (figure 6).

Figure 6. Support du levier coudé et levier coudé séparés du wagon CN 302412 (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
Support du levier coudé et levier coudé séparés du wagon CN 302412 (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)

L’examen du support du levier coudé et du levier coudé a permis de constater la défaillance des soudures qui fixaient le support à la face inférieure de la traverse extrême du bout B du wagon CN 302412, et la présence de 2 petites zones de rupture récente sur la surface de rupture du support (figure 7).

Figure 7. Surface de rupture du support du levier coudé comprenant 2 petites zones de rupture récente (encerclées) (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
Surface de rupture du support du levier coudé comprenant 2 petites zones de rupture récente (encerclées) (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)

Les surfaces de rupture des soudures étaient fortement corrodées. L’importance de la corrosion indique que celle-ci était présente depuis longtemps. L’arrière des 2 soudures extérieures comprenait chacune une petite zone brillante correspondant aux 2 petites zones de rupture récente relevées sur la surface de rupture du support du levier coudé (figure 8).

Figure 8. Soudures corrodées fixant le support du levier coudé à la face inférieure du wagon CN 302412 et petites zones de rupture récente (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
Soudures corrodées fixant le support du levier coudé à la face inférieure du wagon CN 302412 et petites zones de rupture récente (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)

Après la reconstitution de l’accident, on a envoyé le wagon CN 302412 pour des réparations, qui comprenaient le soudage du support du levier coudé à la traverse extrême, l’installation d’un nouveau levier coudé, l’installation d’une nouvelle plateforme en bout, la réparation de divers éléments de la timonerie de frein, et un essai de frein à air sur wagon individuel complet pendant que le wagon était sur la voie d’atelier. On a remplacé le volant de frein à main, mais le frein à main lui-même n’exigeait aucune réparation et il est demeuré sur le wagon. Après une vérification de la sécurité du wagon, celui-ci a été envoyé à l’atelier de réparation de la gare de triage Symington du CN à Winnipeg (Manitoba).

1.6 Reconstitution sur place par le BST

Au cours de la semaine du 15 janvier 2018, le Bureau de la sécurité des transports (BST) a effectué des reconstitutions additionnelles à la gare de triage Melville avec 3 wagons-trémies découverts similaires chargés de ballast. On a lancé les 3 wagons à des vitesses variées à partir du même endroit que les wagons en cause dans l’événement à l’étude. Voici les constatations :

On a positionné et immobilisé le train de manœuvre et les wagons aux emplacements approximatifs de la contremaître et des wagons du mouvement non contrôlé immédiatement avant l’accident. On a calculé qu’en moyenne, il fallait environ 18 secondes pour réagir, puis courir depuis le côté nord de l’aiguillage MR19 (là où se trouvait la contremaître) jusqu’à l’emplacement approximatif du wagon CN 302412, grimper l’échelle jusqu’à la plateforme en bout du frein à main, et serrer à fond le frein à main. D’après la reconstitution effectuée par le BST, il est probable que le wagon CN 302412 a perdu son élan et s’est arrêté avec son bout B en tête aux environs de l’aiguillage MR16, quelque 50 pieds plus loin.

Comme les wagons ont mis de 22 à 30 secondes pour atteindre le point d’impact après avoir commencé à redescendre la pente, et comme on ne sait pas exactement quand la contremaître s’est mise à courir vers les wagons, il se peut que la contremaître ait eu plus de 18 secondes pour serrer le frein à main.

1.7 Essai d’effort au frein à main du wagon CN 302412

Le 25 janvier 2018, le BST a effectué un essai d’effort au frein à main sur le wagon-trémie découvert CN 302412 à l’atelier de réparation de la gare de triage Symington. En prévision de l’essai, on a placé le wagon dans l’atelier de réparation avec le frein à main complètement desserré (figure 9).

Figure 9. Bout B du wagon CN 302412 dans l’atelier, frein à main complètement desserré (Source : BST)
Bout B du wagon CN 302412 dans l’atelier, frein à main complètement desserré (Source : BST)

Durant l’essai, le frein à main (qui avait été réparé) a été serré à fond (figure 10). On a noté la position des éléments du frein à main.

Figure 10. Bout B du wagon CN 302412 dans l’atelier, frein à main serré (Source : BST)
Bout B du wagon CN 302412 dans l’atelier, frein à main serré (Source : BST)

Avec le frein à main serré à fond, on a comparé les positions des éléments réparés du frein à main à celles des éléments après l’accident, mais avant les réparations (figure 5). Avant les réparations, le gros maillon de raccord de la chaîne s’était arrêté tout près du carter d’engrenage de frein à main au lieu de demeurer sous le carter. De plus, la bielle de tirage de frein à main et le levier coudé étaient serrés contre la traverse extrême.

1.7.1 Essai d’effort à la semelle de frein

D’après la norme S-401, « Brake Design Requirements », du Manual of Standards and Recommended Practices (MSRP) de l’Association of American Railroads (AAR), le frein à main d’un wagon de marchandises doit produire un coefficient de freinage net de 10 % avec un effort à la chaîne de 3350 livres à la sortie d’usineNote de bas de page 9. On détermine le coefficient de freinage net du frein à main en divisant la somme de l’effort au frein à main à chacune des roues, pour un frein à main serré à fond, par le poids brut sur rail d’un wagon pleinement chargé. Le coefficient de freinage net minimum pour un wagon en service est de 6,5 % avec un couple de serrage des freins à main de 125 pieds-livresNote de bas de page 10.

Dans le cas du wagon CN 302412, on a effectué les essais d’effort à la semelle de frein pour s’assurer que le frein à main lui-même fonctionnait correctement. On a serré le frein à main au moyen d’une clé dynamométrique, et noté l’effort à la semelle de frein à des couples de 25, 50, 75, 100 et 125 pieds-livres respectivement. On a mesuré l’effort à la semelle de frein sur chacune des roues du wagon de marchandises. Avec le support du levier coudé correctement fixé et l’application d’un couple de 125 pieds-livres, on a calculé que le coefficient de freinage net pour le frein à main du wagon CN 302412 était de 8,89 %, ce qui dépasse l’exigence minimale de l’AAR et indique que le frein à main fonctionnait comme prévu.

On a ensuite coupé le support du levier coudé de la traverse extrême B pour simuler un bris. On a effectué les mêmes essais d’effort à la semelle de frein, mais avec le support du levier coudé et le levier coudé séparés de la caisse du wagon. Quand on a serré le frein à main, ces 2 éléments se sont déplacés à des positions presque identiques à celles qu’ils occupaient après l’accident (figures 11, 12 et 13). Le coefficient de freinage net le plus élevé obtenu pendant cet essai était de 2,42 %, ce qui ne satisfait pas au coefficient minimum de 6,5 %. Cet essai montre qu’un frein à main dont la timonerie est dans cet état est inefficace.

Figure 11. Wagon CN 302412 avec le frein à main serré et le support du levier coudé coupé pour simuler un bris (Source : BST)
Wagon CN 302412 avec le frein à main serré et le support du levier coudé coupé pour simuler un bris (Source : BST)
Figure 12. Position du maillon de raccord lorsque le frein à main est serré et le support du levier coudé est coupé (Source : BST)
Position du maillon de raccord lorsque le frein à main est serré et le support du levier coudé est coupé (Source : BST)
Figure 13. Position du levier coudé et de son support lorsque le frein à main est serré et le support du levier coudé est coupé (Source : BST)
Position du levier coudé et de son support lorsque le frein à main est serré et le support du levier coudé est coupé (Source : BST)

1.7.2 Calcul de la distance d’arrêt

L’enquête a cherché à déterminer quel effet un frein à main entièrement fonctionnel aurait pu avoir sur la distance d’arrêt des 3 wagons chargés dans l’événement à l’étude. On a calculé la distance d’arrêt en fonction de la force de gravité, de la résistance au roulement des wagons, du taux d’accélération et de l’effort de freinage d’un frein à main en bon état.

Selon la reconstitution effectuée sur place par le BST, après que les wagons ont commencé à redescendre la pente, durant les 18 secondes nécessaires pour réagir et serrer à fond le frein à main, les wagons auraient atteint une vitesse d’environ 1,72 mi/h et franchi une distance de 22,7 pieds. Ce calcul repose sur l’hypothèse de l’inefficacité totale du frein à main tant qu’il n’était pas serré à fond.

Si le frein à main avait été serré à fond avec un couple de 125 pieds-livres et avait été entièrement efficace, il aurait fallu 21,2 pieds additionnels pour immobiliser les 3 wagons.

1.8 Exigences réglementaires relatives au positionnement des freins à main

L’exploitation ferroviaire a changé au fil des ans, et il n’est plus nécessaire que les freins à main se trouvent près du haut d’un wagon. Par conséquent, beaucoup de wagons plus âgés ont été modifiés en abaissant la plateforme de frein à main pour la positionner plus près du bas de la caisse des wagons.

Les wagons fabriqués après le 1er janvier 2015 doivent comprendre une plateforme de frein à main (marchepied de frein) située à un maximum de 8 pouces au-dessus de la longrine centrale, laquelle se trouve à environ 48 pouces au-dessus du sommet du railNote de bas de page 11,Note de bas de page 12.

1.8.1 Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises de Transports Canada

Le Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises approuvé par Transports Canada (TC) prescrit les normes de sécurité minimales pour les wagons de marchandises exploités par des compagnies de chemin de fer en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire. D’après la partie III, « Autres exigences », du règlement :

17.          Conception

17.1       Tout nouveau wagon doit être conçu et construit [en conformité] avec le manuel des normes et des pratiques recommandées de l’Association of American Railroads Manual, ou selon une norme équivalente de façon à assurer la sécurité de son utilisation.

17.2       Tout nouveau wagon construit après le 1er janvier 2015 doit être conçu et équipé avec des appareils de sécurité conformes à la dernière édition de la norme de sécurité S-2044 de l’AAR, intitulée « Safety Appliance Requirements for Freight Cars » du Manual of Standards and Recommended Practices; les wagons construits avant le 1er janvier 2015 doivent être conçus et équipés avec des appareils de sécurité conforme (sic) à l’ordonnance générale no 10, Règlement sur les normes applicables aux appareils de sécurité des chemins de ferNote de bas de page 13.

1.8.2 Code of Federal Regulations de la Federal Railroad Administration des États-Unis

D’après l’article 231.2, alinéa (a)(3)(i) intitulé « Hopper cars and high-side gondolas with fixed ends », du Code of Federal Regulations de la Federal Railroad Administration (FRA) [traduction] :

Chaque frein à main doit être situé de manière à permettre son maniement sécuritaire pendant que le wagon est en mouvementNote de bas de page 14.

1.8.3 Manual of Standards and Recommended Practicesde l’Association of American Railroads

La norme S-2044 du MSRP de l’AAR établit les exigences relatives à la disposition des appareils de sécurité sur les wagons ferroviaires neufs fabriqués à compter des dates obligatoires stipulées pour chaque type de wagon. Les spécifications pour les wagons-trémies découverts utilisés pour transporter du ballast sont définies à l’annexe F1. D’après l’article 2.2.1 de l’annexe F1, le volant de frein à main doit se situer à un minimum de 28 pouces et à un maximum de 40 pouces au-dessus de la plateforme en bout [traduction] :

2.2.1 Le frein à main doit être situé de manière à permettre son utilisation en toute sécurité à partir de la plateforme en bout horizontale pendant que le wagon est en mouvement. Sur les wagons munis d’un seul frein à main, le centre de l’arbre de frein à main doit se trouver au bout B du wagon, à gauche de l’axe longitudinal du wagon, à un minimum de 17 po et à un maximum de 22 po de cet axe, et à un minimum de 28 po et à un maximum de 40 po au-dessus de la surface portante des supports de la plateforme en bout. Sur les wagons munis de plus d’un frein à main, les freins à main seront situés tel qu’indiqué à l’article 9.0 de la norme de baseNote de bas de page 15. [les caractères en italique figurent dans le texte original]

La norme de sécurité S-2044 a été approuvée par l’AAR et la FRA. Si la norme S-2044 n’autorise des freins à main surélevés sur aucun type de wagon, elle n’exige pas le repositionnement des freins à main surélevés sur les wagons construits avant la date d’entrée en vigueur de cette norme pour ce type de wagon.

1.9 Appareils de sécurité sur les wagons ferroviaires

L’article 4.2 de la norme de sécurité S-2044 stipule que les appareils de sécurité doivent être solidement assujettis au wagon, c’est-à-dire qu’ils doivent être [traduction] « [p]osés avec des rivets doubles, des rivets standards ou des boulons filetésNote de bas de page 16 ».

D’après l’article 5.8 de la même norme [traduction] :

Les parties du système de frein à main que l’on considère comme étant des appareils de sécurité, et qui par conséquent doivent être solidement assujettis selon la définition à l’article 4.2, sont le carter d’engrenage de frein à main et les leviers de manœuvre de frein à main. Sauf indication contraire dans les annexes individuelles à cette norme, les supports de montage de frein à main doivent être solidement assujettis. Les supports de fixation du levier coudé, supports de fixation de la poulie à gorge, supports et guides de la bielle de timonerie de frein, et supports et guides de la chaîne ne sont pas considérés comme étant des appareils de sécurité. Ils ne doivent pas nécessairement être solidement assujettis et peuvent être montés par soudageNote de bas de page 17. [les caractères en italique figurent dans le texte original]

1.10 Inspection et entretien des wagons de marchandises

D’après la partie I (Généralités), article 4 (Vérifications de sécurité) du Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises,les compagnies ferroviaires doivent s’assurer que les wagons qu’elles mettent ou maintiennent en service sont exempts de toutes les défectuosités relatives à la sécurité décrites dans la Partie II du Règlement. Plus précisément :

4.1      Sous réserve des articles 20 et 21 du présent Règlement, les compagnies ferroviaires doivent s’assurer que les wagons qu’elles mettent ou maintiennent en service sont exempts de toutes les défectuosités relatives à la sécurité décrites dans la Partie II du présent Règlement et qu’ils sont conformes à l’ordonnance générale n° 10, Règlement sur les normes applicables aux appareils de sécurité des chemins de fer, ou de la dernière édition de la norme de sécurité S-2044 de l’AAR, intitulée « Safety Appliance Requirements for Freight Cars » du Manual of Standards and Recommended Practices.

4.2      Les vérifications de sécurité doivent être effectuées par des inspecteurs accrédités de matériel remorqué aux lieux désignés pour de telles vérifications dans les circonstances suivantes :

  1. là où les trains sont formés;
  2. sur les wagons ajoutés aux trains;
  3. là où des wagons sont échangés. […]Note de bas de page 18

D’après le Règlement sur les normes applicables aux appareils de sécurité des chemins de ferNote de bas de page 19, les appareils de sécurité doivent être assujettis à la caisse d’un wagon avec des boulons ou des rivets de ½ pouce. Par conséquent, le soudage n’est pas autorisé.

Au CN, dans le cadre du cours « Car Inspection Train Yard », on apprend aux inspecteurs accrédités de matériel remorqué que durant l’inspection des appareils de sécurité, ils doivent vérifier que ces appareils sont en place, bien assujettis et en bon état, et qu’ils satisfont aux dégagements requis.

On leur apprend également que durant l’inspection du frein à main, ils doivent vérifier :

On leur indique en outre de vérifier le bon état du frein à main et du levier coudé. Si l’un ou l’autre semble endommagé, l’inspecteur accrédité de matériel remorqué doit en plus vérifier que le frein à main fonctionne.

Le Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises exige que l’on inspecte le train ou les wagons que l’on ajoute au train avant le départ. L’annexe 1, « Inspection avant départ », stipule que l’inspection doit permettre de révéler les anomalies suivantes :

  1. dangers liés à la caisse :
    1. caisse penchant sur le côté;
    2. caisse affaissée;
    3. caisse mal placée sur le bogie;
    4. pièce traînant sous la caisse;
    5. pièce dépassant d’un côté de la caisse;
    6. porte mal assujettie;
    7. appareil de sécurité rompu ou manquant;
    8. chargement qui fuit d’un wagon de marchandises dangereuses placardé;
  2. roue chauffée;
  3. roue rompue ou fissurée;
  4. frein qui ne se desserre pas;
  5. toute autre anomalie visible susceptible de provoquer des accidents ou des blessures avant l’arrivée du train à destinationNote de bas de page 20.

Outre les exigences en matière d’inspection lorsque les wagons font partie d’un train, l’élément E.4 de la règle 13 du Field Manual of the AAR Interchange Rules stipule que les mécanismes et raccords par engrenages de frein à main doivent être inspectés, testés et lubrifiés lorsqu’un wagon se trouve sur une voie d’atelier ou une voie de réparationNote de bas de page 21. Les freins à main doivent également être inspectés durant l’essai de frein à air sur wagon individuelNote de bas de page 22, au cours duquel l’inspecteur doit observer que le levier coudé se trouve dans la plage de fonctionnement normaleNote de bas de page 23. Toutefois, il n’y a aucune exigence particulière visant l’inspection des soudures qui fixent le support du levier coudé à la traverse extrême d’un wagon. La règle 7 du Field Manual of the AAR Interchange Rules (« Brake Beams Hangers, Brackets, Wear Plates and Brake Connection Pins, Hanger Pins or Bolts ») couvre l’équipement de freins à air. D’après la section A, « Wear Limits, Gaging, Cause For Renewal », durant l’inspection, les axes d’articulation ou boulons usés doivent être remplacés lorsque le diamètre original dépasse les mesures de 1/8 po ou plus. Toutefois, il n’y a aucune exigence particulière visant l’inspection des soudures.

Au cours des 10 années qui ont précédé l’accident, le wagon CN 302412 a été envoyé sur une voie d’atelier ou de réparation à 23 reprises pour des réparations. À 5 de ces occasions, on a effectué un essai de frein à air sur wagon individuel. Le plus récent de ces essais sur ce wagon a eu lieu en juillet 2013 à la gare de triage Symington, à Winnipeg. La date limite pour effectuer le prochain essai de frein, marquée au pochoir sur le wagon, était le 28 décembre 2019. La plus récente inspection autorisée du wagon à l’étude avait eu lieu à la gare de triage Symington le 19 décembre 2017 (3 jours avant l’événement à l’étude); aucune défectuosité n’avait été relevée. Le wagon est parti le lendemain dans un train de marchandises vers l’ouest et a été garé à Melville.

1.11 Inspections du parc de wagons de ballast de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

Après l’événement à l’étude, le CN a recensé 857 wagons-trémies découverts similaires fabriqués par la société Wagon d’acier national vers la même époque. Le CN a immédiatement commencé à retirer ces wagons du service en vue de les inspecter pour déceler toute défaillance similaire (freins à main et éléments de timonerie de frein connexes). Les travaux sur chaque wagon comprenaient un essai de frein à air sur wagon individuel et une inspection complète du frein à main et de toute sa timonerie pour en assurer le fonctionnement sécuritaire.

En mai 2019, l’ensemble des 857 wagons avaient été inspectés. Ces inspections ont relevé 63 wagons qui comptaient au total 71 défectuosités. De ces 71 défectuosités, 52 pouvaient nuire au bon fonctionnement des freins à main (tableau 1).

Tableau 1. Défectuosités, relevées sur les wagons-trémies découverts durant les inspections par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, qui pourraient nuire au bon fonctionnement des freins à main (en mai 2019)
Emplacement de la défectuosité Nombre de défectuosités
Marchepied de frein 10
Frein à main 15
Support du levier coudé 5
Support d’échelle 2
Connecteur de balanciers de bogie 1
Support de connecteur de balanciers de bogie 16
Axe d’articulation de la timonerie 3
Total 52

1.12 Renseignements sur l’équipe

Dans le secteur ferroviaire, le poste de chef de train est habituellement un poste syndiqué régi par une convention collective conclue entre l’employeur et le syndicat des employés. À la gare de triage Melville du CN, on affiche chaque semaine les affectations locales que peuvent postuler les employés. Une fois que les employés ont postulé, les affectations sont accordées en fonction de l’ancienneté, conformément à la convention collective. Certaines des affectations affichées sont plus convoitées à cause du taux de rémunération, des jours de congé et des heures de travail. Habituellement, on considère les quarts de soir et de nuit comme étant les moins désirables. De plus, les postes à la gare de triage sont habituellement considérés comme les moins désirables, parce qu’ils offrent les taux de rémunération les plus faibles.

Si personne ne postule une affectation particulière, on la donne habituellement à l’employé ayant le moins d’ancienneté, conformément à la convention collective. Compte tenu du roulement de personnel élevé dans le secteur ferroviaire au cours des dernières années, il n’est pas rare de voir les 2 employés les moins chevronnés et les moins expérimentés d’un terminal travailler ensemble dans les gares de triage, en particulier durant les quarts de soir et de nuit. Le jumelage de membres d’équipe de train inexpérimentés n’a rien d’inhabituel dans le secteur ferroviaire au Canada.

Toutefois, le CN a mis en place des mesures pour appuyer toute équipe composée de 2 employés nouvellement qualifiés qui travaillent ensemble. Par exemple, on utilise des gilets verts pour identifier les employés qui comptent moins de 2 ans d’expérience, ce qui favorise l’accompagnement professionnel et le mentorat par des employés plus chevronnés, des formateurs en milieu de travail et le personnel cadre. Quand des employés nouvellement qualifiés travaillent ensemble, on encourage les superviseurs de première ligne à participer à la séance d’information sur les travaux, autant que possible. Dans l’événement à l’étude, le train de manœuvre était un train facultatif de manœuvre. Ainsi, l’équipe de train a été composée à partir du tableau de réserve (une liste d’employés en disponibilité ou en réserve) en retenant les 2 premiers employés qualifiés pour utiliser le STL. L’employé ayant le plus d’ancienneté a été désigné comme contremaître.

Les collègues de travail, instructeurs et superviseurs des 2 membres de l’équipe les ont décrit comme des personnes compétentes et consciencieuses qui apprenaient vite. Cependant, on a également décrit les 2 membres de l’équipe comme étant réservés.

Les membres de l’équipe de train à l’étude avaient travaillé ensemble seulement 1 fois auparavant, en octobre 2017.

1.12.1 Contremaître

La contremaître a commencé sa formation de chef de train en septembre 2014 et a obtenu sa qualification à ce titre en février 2015, après avoir achevé la formation théorique et effectué 37 trajets de train de marchandises et 14 quarts de travail à la gare de triage. En novembre 2015, la contremaître a suivi un cours de formation STL de 2 semaines à la gare de triage Melville, au terme duquel elle a obtenu la qualification d’opérateur de locomotive par télécommande.

En avril 2016, la contremaître a été mise à pied par le CN. D’avril 2016 à mars 2017, elle a occupé le poste de chef de train à Cando Rail Services. Elle avait pour tâche de manœuvrer des wagons à la mine de potasse de la Mosaic Company à Esterhazy (Saskatchewan). Durant cette période, elle a travaillé comme chef de train et faisait partie d’une équipe de 3 personnes qui comprenait un ML. Aucune manœuvre par STL n’avait lieu à la mine de potasse. Pendant qu’elle était à l’emploi de Cando Rail Services, la contremaître a participé à 2 réunions de sécurité trimestrielles et a fait l’objet de 14 contrôles d’exécution des tâches. De ces 14 contrôles, 13 étaient conformes, mais 1 contrôle a relevé un comportement à risque concernant la protection en trois points durant les opérations ferroviaires. Les dossiers ne font état d’aucune mesure disciplinaire.

En mars 2017, la contremaître a repris le service à temps plein au CN. Depuis son retour, la contremaître avait travaillé principalement sur les voies, mais elle avait travaillé 22 quarts à la gare de triage Melville, dont 5 comme contremaître et 17 comme aide. Durant cette période, la contremaître a fait 4 fois l’objet de contrôles du CN au cours desquels on a fait 15 observations; aucun comportement à risque n’a été relevé.

Aucun historique veille-sommeil n’était disponible pour la contremaître, donc aucune analyse détaillée de la fatigue n’a été possible. Toutefois, ni l’heure à laquelle l’événement à l’étude s’est produit, ni l’horaire de travail de la contremaître ne portent à croire à une fatigue potentielle, et la fatigue n’a pas été retenue comme facteur dans cet événement.

1.12.1.1 Accident antérieur dans lequel la contremaître était en cause

Le 21 octobre 2017, la contremaître (qui agissait comme aide) a été impliquée dans un déraillement à la gare de triage MelvilleNote de bas de page 24. Dans cet événement, les 3 essieux avant de la locomotive de tête de la manœuvre de triage ont déraillé. L’enquête interne menée par la compagnie a attribué le déraillement à un aiguillage mal orienté. Comme la contremaître n’avait manifesté aucun comportement à risque au cours des 12 mois précédents, la mesure corrective adoptée prévoyait du mentorat et de l’accompagnement professionnel plutôt qu’une mesure disciplinaire.

1.12.2 Aide

L’aide a commencé sa formation de chef de train en février 2017 et a obtenu sa qualification à ce titre en juin 2017, après avoir achevé la formation théorique et effectué 41 trajets de train de marchandises et 17 quarts de travail à la gare de triage. En août 2017, l’aide a suivi un cours de formation STL de 2 semaines à la gare de triage Melville, au terme duquel il a obtenu la qualification d’opérateur de locomotive par télécommande.

Au service du CN, l’aide n’a fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire; il a fait l’objet de 5 contrôles d’exécution des tâches qui ont donné lieu à 15 observations, sans que l’on relève de comportement à risque.

L’aide était parmi les employés ayant le moins d’ancienneté au terminal Melville. Ainsi, l’aide était souvent affecté à des postes à la gare de triage. Depuis l’obtention de sa qualification d’opérateur de locomotive par télécommande, l’aide avait travaillé 40 quarts à la gare de triage Melville, incluant celui à l’étude. De ces 40 quarts, l’aide en a travaillé 37 comme contremaître jumelé à un employé moins chevronné qui agissait comme aide.

1.13 Lancement de wagons

Quand on lance des wagons durant les opérations de manœuvre, on doit faire preuve de jugement pour choisir à quelle vitesse et à quel endroit lancer les wagons afin de garantir qu’ils ont suffisamment d’élan pour se rendre sur la voie prévue. L’opérateur doit aussi s’assurer que les wagons n’ont pas trop d’élan pour éviter que l’attelage au matériel déjà sur la voie ne se fasse à une vitesse excessive.

Les Instructions générales d’exploitation (IGE) du CN stipulent qu’il faut s’assurer que la vitesse d’accostage ne dépassera pas 4 mi/hNote de bas de page 25. Il faut de la pratique pour apprendre cette technique et développer le jugement nécessaire, étant donné les nombreuses variables en jeu, incluant le nombre de wagons, le poids des wagons, la présence d’une pente et les conditions météorologiques. Les IGE indiquent de plus que l’on doit éviter qu’un wagon lancé redescende la pente et obstrue des voies ou percute d’autres matériels roulantsNote de bas de page 26.

D’après la vidéo de formation des opérateurs de locomotive par télécommande du CN, le réglage de la bonne vitesse est la partie la plus difficile quand on lance des wagons durant les opérations STL. Comme la télécommande Beltpack n’indique pas la vitesse réelle, l’opérateur doit exercer son jugement quant à la vitesse et à l’endroit du lancement des wagons en fonction d’une estimation de la vitesse.

Durant la formation STL à la gare de triage Melville, on apprend aux chefs de train stagiaires qu’ils doivent sélectionner la vitesse de 10 mi/h avant de faire accélérer les locomotives. Les formateurs soulignent de plus qu’à la gare de triage Melville, quand on lance des wagons depuis la voie d’accès MR vers les voies MR19 à MR10, la pente ascendante à cet endroit peut poser problème. Dans ce cas, la consigne veut qu’un membre de l’équipe se poste de manière à pouvoir observer les wagons et intervenir en montant sur les wagons pour serrer le frein à main, si les wagons se mettent inopinément à redescendre la pente.

À la gare de triage Melville, les équipes ont également comme directive de transmettre un message radio juste avant de lancer des wagons, en indiquant le nombre de wagons qu’elles lancent et la voie de destination. Ce message radio vise à tenir tous les membres d’équipe au courant. C’est là une pratique locale plutôt qu’une exigence applicable à l’ensemble du réseau du CN. Dans l’événement à l’étude, rien n’indique que la contremaître a transmis un message radio pour annoncer qu’elle lançait des wagons sur la voie MR13.

1.14 Exigence de tenir des séances d’information sur les travaux

La séance d’information sur les travaux vise à s’assurer que les membres de l’équipe comprennent tous les travaux à effectuer. Les IGE du CN établissent l’exigence de tenir une séance d’information sur les travaux.

La section 8 des IGE, portant sur les pratiques de travail sécuritaires, établit la responsabilité en matière de sécurité. Plus précisément, l’alinéa 3.1 (e) stipule ceci :

Tenir une séance de briefing afin de s’assurer que chacun comprend bien les tâches à effectuer, incluant les procédures d’évacuation, les mesures de premiers soins, les dangers à surveiller, les méthodes sécuritaires, les communications nécessaires pour protéger tout le personnelNote de bas de page 27.

Les IGE fournissent plus d’information sur les séances d’information sur les travaux pour « [f]aire en sorte que les membres de l’équipe se communiquent l’information essentielle concernant l’exploitation sécuritaire du train avant et pendant leur quart de travailNote de bas de page 28 ». Cette procédure précise qu’une séance d’information sur les travaux doit comprendre une discussion sur l’ordre des étapes de base d’une tâche, et couvrir les dangers potentiels ainsi que la façon de s’en protéger. La procédure précise en outre que l’on doit confirmer les responsabilités des employés et que des séances d’information additionnelles doivent avoir lieu lorsque les conditions de travail changent.

Par exemple, les conditions de travail suivantes doivent être abordées durant la séance d’information sur les travaux :

Les particularités de la voie (pente et courbure), celles des wagons (balan du liquide dans les wagons-citernes mi-pleins), la météo (effet du vent sur les wagons plats à parois de bout) […]Note de bas de page 29.

À la gare de triage Melville, les membres des équipes de triage doivent tenir une séance d’information sur les travaux avant le début de leur quart et lorsque les conditions changent, et communiquer les manœuvres de wagons par radio pour tenir tout le monde au courant.

1.15 Mouvements non contrôlés antérieurs à la gare de triage Melville

Une recherche dans la base de données sur les événements ferroviaires (RODS) du BST a relevé 11 mouvements non contrôlés à la gare de triage Melville, de 2008 à 2017 (annexe A). Parmi les 12 mouvements non contrôlés, incluant celui à l’étude, 8 se sont produits sur la voie d’accès MR, entre les aiguillages MR13 et MR19 (figure 14).

Figure 14. Carte de la gare de triage Melville montrant où se sont produits les mouvements non contrôlés antérieurs (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
Carte de la gare de triage Melville montrant où se sont produits les mouvements non contrôlés antérieurs (Source : Chemin de fer Canadien Pacifique, avec annotations du BST)

Parmi les 11 événements antérieurs, le plus récent s’est produit le 26 février 2017 au même endroit que celui à l’étude. À cette occasion, on manœuvrait des wagons entre la voie MR19 et la voie d’accès MR.

Le CN a fait savoir que la plupart des incidents antérieurs de mouvement non contrôlé dans ce secteur de la gare de triage découlaient d’une immobilisation insuffisante et d’erreurs de la part des opérateurs. Les mesures correctives ont porté sur la formation de l’employé, la clarification des instructions à l’employé, une surveillance accrue de l’employé et des mesures disciplinaires (dans certains cas).

Durant l’enquête, on a déterminé que des wagons redescendaient souvent la penteNote de bas de page 30 sur la voie d’accès MR, et que beaucoup d’employés avaient connu cette situation. Cependant, les employés de chemin de fer ne sont pas portés à signaler des incidents qui n’entraînent aucune conséquence négative pour la compagnie, car ils pourraient ainsi s’exposer à des mesures disciplinaires. Par conséquent, le nombre total de mouvements non contrôlés à la gare de triage Melville (y compris les wagons qui redescendent la pente et les mouvements qui n’occasionnent aucun dommage) est probablement plus élevé que ne l’indique la base de données RODS.

Si l’on encourageait les employés à signaler les quasi-accidents (comme les wagons qui redescendent la pente sans conséquence négative) sans crainte de mesure disciplinaire, les compagnies de chemin de fer pourraient cerner et atténuer ces dangers avant que se produisent des accidents.

1.16 Système de télécommande de locomotive

La technologie STL comprend 3 éléments :

La télécommande Beltpack est une télécommande légère que l’opérateur attache à son gilet de sécurité (figure 16) et qui permet de contrôler la ou les locomotives télécommandées.

Figure 15. Télécommande de locomotive(Source : BST)
Télécommande de locomotive(Source : BST)
Figure 16. Télécommande attachée au gilet de sécurité (Source : BST)
Télécommande attachée au gilet de sécurité (Source : BST)

Les équipes de triage travaillent en paires. Les membres d’une équipe peuvent transférer la commande de la locomotive entre eux, au besoin (processus appelé pitch and catch en anglais), mais 1 seul membre de l’équipe à la fois commande la locomotive. La télécommande Beltpack comprend un sélecteur de vitesse à 8 réglages, dont les réglages préétablis à 4 mi/h, 7 mi/h, 10 mi/h, et vitesse maximale (15 mi/h); un sélecteur de marche avant/arrière; et un sélecteur de freinage qui comprend une position de freinage d’urgence. La télécommande Beltpack n’affiche pas la vitesse réelle de la locomotive.

Quand on sélectionne une vitesse, la télécommande Beltpack applique soit le manipulateur, soit les freins de la ou des locomotives pour atteindre la vitesse demandée. Elle maintient ensuite cette vitesse avec une précision de ± 0,5 mi/h.

1.17 Rapport de la Federal Railroad Administration sur la sécurité des opérations de locomotive par télécommande

En 2002, afin de mieux comprendre l’incidence sur la sécurité des opérations de locomotive par télécommande, la FRA a lancé un programme de recherches comportant plusieurs études. En mars 2006, la FRA a publié son rapport intitulé Final Report : Safety of Remote Control Locomotive (RCL) Operations. Cette étude portait principalement sur les pratiques des chemins de fer américains, mais des compagnies de chemin de fer canadiennes ont participé à l’un des groupes de discussionNote de bas de page 31. L’analyse et les résultats de ce rapport s’appliquaient au secteur ferroviaire nord-américain.

Le rapport s’est penché sur les enjeux liés aux facteurs humains, incluant la formation, la préparation et l’expérience des opérateurs de locomotive par télécommande. À ce sujet, on affirme dans ce rapport que [traduction] :

[l]a combinaison du nombre accru de nouveaux employés sans expérience ferroviaire préalable (en particulier des opérations de manœuvre) et de lacunes autodéclarées et observées (par la recherche Foster-Miller) relativement à la formation et à la préparation des opérateurs de locomotive par télécommande, pourrait être problématique et mener à des erreurs de la part de ces opérateurs, ainsi qu’à des accidents/incidents, à cause du manque de connaissances ou de compréhension des opérations de locomotive par télécommande, incluant les opérations de manœuvreNote de bas de page 32.

Le rapport signale, par exemple, les lacunes suivantes dans la formation :

Ce rapport exprime en outre des inquiétudes à propos de l’arrivée massive de nouveaux employés dans les compagnies de chemin de fer. Il fait remarquer que la vaste expérience dont disposaient les opérateurs de locomotive par télécommande actuels lorsqu’ils apprenaient à utiliser le STL était d’une extrême importance pour maintenir un milieu de travail sécuritaire. La FRA s’est dite inquiète que l’on n’accorde pas aux travailleurs actuels qui apprennent les opérations STL les périodes d’acclimatation traditionnelles pour apprendre leur travail, en particulier le travail par STLNote de bas de page 33.

Entre autres problèmes, le rapport a désigné le jumelage de membres d’équipe inexpérimentés comme étant un enjeu de sécurité critique. Étant donné la pénurie d’aiguilleurs et de ML dans le secteur, on estime que cela pourrait représenter un important enjeu de sécurité à l’avenirNote de bas de page 34.

Par le passé, bon nombre des employés qui avaient été initialement formés à l’utilisation de la technologie STL pouvaient s’appuyer sur une expérience considérable des chemins de fer. Ces employés chevronnés connaissaient la sécurité ferroviaire, les règles d’exploitation et la complexité du travail dans des gares de triage bourdonnant d’activitéNote de bas de page 35.

1.18 Formation et qualification des employés d’exploitation ferroviaire

Les nouveaux employés d’exploitation du CN doivent d’abord obtenir la qualification de chef de train. Au CN, la formation de chef de train peut durer environ 6,5 mois et comprend les éléments suivants :

Cette formation achevée, les nouveaux employés sont considérés comme étant qualifiés pour les postes d’aide de triage, de chef de train ou de contremaître de triage.

Une fois qu’ils ont la qualification de chef de train, et au gré de la compagnie selon les besoins opérationnels, les nouveaux chefs de train à la gare de triage Melville suivent la formation STL. Cette formation comprend un volet théorique de 1 semaine et un volet pratique de 1 semaine, supervisé par un instructeur local. Les classes comptent habituellement 4 stagiaires.

Durant la semaine de formation pratique, les stagiaires occupent un secteur réservé de la gare de triage où ils peuvent apprendre les manœuvres dans un environnement contrôlé. Les formateurs essaient de faire en sorte que chaque stagiaire passe au moins 8 heures à diriger une locomotive commandée par STL durant cette période. Pour obtenir la qualification d’opérateur de locomotive par télécommande, les employés doivent maîtriser certaines compétences essentielles, comme atteler et lancer des wagons. Les employés qui ne parviennent pas à maîtriser ces compétences essentielles reçoivent de la formation pratique additionnelle.

La section 6 des IGE du CN contient des instructions relatives aux opérations STL. Selon l’article 6.5.1 : « [s]i c’est possible, l’opérateur surveillant la tête du mouvement doit commander les arrêts délicatsNote de bas de page 36 ».

À la gare de triage Melville, la formation STL comprend les procédures pour coordonner les mouvements entre 2 OLT grâce à la fonction de transfert pitch-and-catchde la télécommande Beltpack afin de s’assure que l’opérateur qui commande le mouvement est positionné pour observer l’avant d’un mouvement. Toutefois, à la gare de triage Melville, il arrivait couramment que le contremaître commande tous les mouvements pendant que l’aide s’occupait d’autres tâches. Dans l’événement à l’étude, l’équipe a suivi la pratique consistant à ce que le contremaître commande tous les mouvements.

1.18.1 Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires

Au Canada, le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, entré en vigueur en 1987, établit les qualifications minimales pour les ML, mécaniciens de manœuvre, chefs de train et contremaîtres de triage. Le Règlement vise tous les employés des chemins de fer de compétence fédérale qui effectuent les tâches visées par la catégorie d’emploi indiquée (annexe B).

De profonds changements opérationnels ont eu lieu dans le secteur ferroviaire depuis l’entrée en vigueur du Règlement, entre autres la réduction de la taille des équipes d’affectation et l’adoption généralisée des opérations STL à l’échelle du pays. Le Règlement n’a pas été modifié depuis plus de 30 ans, malgré ces profonds changements aux opérations ferroviaires.

À l’époque de l’entrée en vigueur du Règlement, les employés d’exploitation suivaient généralement une trajectoire d’avancement graduel, de serre-frein/aide de triage à chef de train/contremaître de triage, puis à ML. À mesure qu’ont évolué le secteur et la technologie, le rôle de serre-frein a disparu; aujourd’hui, les nouveaux employés d’exploitation sont habituellement embauchés comme apprentis chefs de train. Ainsi, aussitôt leur formation de chef de train achevée, on considère ces nouveaux employés comme étant qualifiés comme aide de triage, chef de train et contremaître de triage. La prestation de la formation a changé au fil des ans, à un point tel que les nouveaux candidats au poste de chef de train peuvent maintenant obtenir leur qualification en moins de 6 mois.

Le Règlement ne couvre pas les programmes de formation pour les catégories d’emplois d’exploitation comme les opérateurs de locomotive par télécommande et les contrôleurs de la circulation ferroviaire (CCF), mais la plupart des compagnies de chemin de fer ont des plans et des manuels de formation en place pour ces postes.

Le comité d’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire s’est penché sur la question de la formation et de la qualification dans son rapport intitulé Renforcer les liens : Un engagement partagé pour la sécurité ferroviaire – Examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire, publié en 2007. Ce comité a examiné le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en ce qui a trait aux normes de qualification des employés d’exploitation, à la qualification progressive, à la formation et à la surveillance réglementaire. Le rapport du comité d’examen a relevé le fait que le cadre réglementaire entourant la qualification des employés de chemin de fer n’avait pas suivi la cadence des profonds changements survenus dans l’environnement opérationnel des chemins de fer.

Le comité d’examen s’est de nouveau penché sur la question de la formation et de la qualification dans le cadre de l’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire en 2018. Son rapport, intitulé Améliorer la sécurité ferroviaire au Canada : bâtir ensemble des collectivités plus sécuritaires, comprend les observations et conclusions suivantes :

Le Comité d’examen de 2007 a étudié la formation à l’intention des équipes d’exploitation et n’a pas fait de recommandation sur la question. En effet, il reconnaissait que les programmes de l’industrie étaient régulièrement mis à jour et surveillés par Transports Canada, ce qui est toujours le cas aujourd’hui, et ce, même si la réglementation applicable n’avait pas été mise à jour depuis 198768. […]

[…]

Bien que Transports Canada certifie les membres d’équipage du transport aérien et maritime, aucune disposition n’est prévue ni pour la certification des employés des compagnies de chemin de fer ni pour l’approbation des programmes de formation ferroviaire. Par conséquent, chaque compagnie dispose d’une certaine marge de manœuvre pour préparer et offrir la formation et la certification répondant aux besoins particuliers de ses employés.

Le Comité a entendu les témoignages d’inspecteurs de Transports Canada, dans lesquels ils mentionnaient avoir parfois décelé des lacunes dans l’uniformité de la formation (p. ex., connaissances) du personnel ferroviaire. Même si le CN et le CP ont pris des mesures pour combler ces lacunes grâce à des centres de formation à Winnipeg et Calgary, des efforts restent à faire pour renforcer les exigences de formation du personnel ferroviaire. […]

[…] Le Comité est satisfait et encouragé par les efforts actuels de Transports Canada visant à mettre à jour (et à élargir) son approche du cadre de formation et de qualification des employés des compagnies de chemin de fer en vue de réviser et de remplacer la réglementation actuelle. C’est un projet important, étant donné les nombreux changements que vit l’industrie ferroviaire dans les domaines des nouvelles technologies, le roulement élevé du personnel et les nouvelles embauches connexesNote de bas de page 37.

_________
68 Examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire de 2007, Renforcer les liens : Un engagement partagé pour la sécurité ferroviaire. Novembre 2007, p. 163-164.

1.19 Rapport d’enquête ferroviaire R16T0111 et recommandation R18-02 du BST

Le 17 juin 2016, vers 23 h 35 (heure avancée de l’Est), la manœuvre de triage de l’embranchement industriel ouest de 21 h de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) effectuait des manœuvres d’aiguillage à l’extrémité sud du triage MacMillan du CN, qui se trouve dans le quartier industriel Concord, à Vaughan (Ontario), à l’aide d’un système de télécommande de locomotives. La manœuvre effectuait un mouvement de tire vers le sud hors du triage avec 72 wagons chargés et 2 wagons vides sur la voie principale no 3 de la subdivision de York afin de dégager l’aiguillage à l’extrémité sud de la voie de départ de la subdivision de Halton et d’accéder à l’aiguillage de la voie d’accès de l’embranchement industriel ouest (W100). L’aide de la manœuvre a tenté d’immobiliser le train pour se préparer à reculer dans la voie W100 et continuer d’effectuer des manœuvres d’aiguillage pour des clients. Toutefois, le train a continué d’avancer. Il est parti à la dérive sur environ 3 milles et a atteint une vitesse de 30 mi/h avant de s’immobiliser de lui-même au point milliaire 21,1 de la subdivision de York. Il n’y a eu ni blessure ni rejet de marchandises dangereuses ni déraillement.

L’enquête avait permis de cerner des lacunes dans le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en vigueur. Le Bureau avait fait remarquer que dans son plan ministériel pour 2017-2018, TC prévoyait mettre à jour le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, mais ce dossier n’avait guère progressé jusque là. La réglementation n’avait donc pas évolué au même rythme que l’environnement d’exploitation ferroviaire. Même si le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire exigeait que les chemins de fer mettent sur pied des processus de gestion des connaissances portant sur certains éléments de la formation, il subsistait des lacunes en ce qui concerne la formation.

Le Bureau estimait que, tant que les lacunes du Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en vigueur ne seraient pas comblées, il y aurait un risque que les employés de chemin de fer occupant des postes essentiels à la sécurité n’aient pas suffisamment de formation ou d’expérience pour accomplir leurs tâches en toute sécurité. De plus, TC ne pourrait pas assurer une surveillance réglementaire adéquate des programmes de formation et ne pourrait pas en évaluer la conformité. C’est pourquoi le Bureau avait recommandé que :

le ministère des Transports mette à jour le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires pour éliminer les lacunes concernant les normes de formation, de qualification, de renouvellement de la qualification et de surveillance réglementaire des employés de chemin de fer occupant des postes essentiels à la sécurité.
Recommandation R18-02 du BSTNote de bas de page 38

1.19.1 Réponse de Transports Canada à la recommandation R18-02 (décembre 2019)

En décembre 2019, TC a fourni une mise à jour à sa réponse à cette recommandation. Elle indiquait ceci :

Le Ministère continue d’améliorer son régime de réglementation sur la formation et les compétences des employés de chemin de fer. En 2019, Transports Canada a publié des Lignes directrices sur l’exploitation des locomotives avec loco-commande. Ces lignes directrices, qui sont accessibles sur le site Web du Ministère (https://www.tc.gc.ca/fra/securiteferroviaire/lignesdirectrices-78.html), formulent des recommandations relatives à la formation et aux compétences des employés qui participent à l’exploitation de locomotives avec loco-commande.

De façon plus générale, le Ministère a pour objectif de veiller à ce que les compagnies de chemin de fer canadiennes de compétence fédérale disposent de programmes assurant une formation adéquate des employés sur la sécurité ferroviaire. À cette fin, le Ministère a consulté des intervenants et effectué des visites sur place pour observer les pratiques exemplaires liées aux programmes de formation. En outre, Transports Canada a examiné les données sur les événements ferroviaires compilées par le Bureau de la sécurité des transports (BST) afin de mieux comprendre comment le manque de formation a contribué aux incidents et aux accidents. Par ailleurs, il a examiné la réglementation relative la formation des employés en vigueur aux États-Unis, en Australie et dans l’Union européenne.

En 2020, Transports Canada entamera des consultations auprès des intervenants sur les options stratégiques liées à la modification du Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires et il présentera un règlement provisoire en 2020-2021.

Entre-temps, Transports Canada continuera de surveiller les obligations en matière de formation des compagnies de chemin de fer au titre du Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaireNote de bas de page 39.

1.19.2 Réévaluation par le BST des réponses à la recommandation R18-02 (mars 2020)

En mars 2020, le Bureau a réévalué la réponse de TC à la recommandation R18-02, comme suit :

Le Bureau estime que la réponse à la recommandation R18-02 dénote une intention satisfaisanteNote de bas de page 40.

1.20 Lignes directrices sur l’exploitation des locomotives avec loco-commande

En avril 2019, TC a publié des Lignes directrices sur l’exploitation des locomotives avec loco-commande, qui « font la promotion des pratiques exemplaires de l’industrie et fournissent aux compagnies de chemin de fer sous réglementation fédérale, ainsi qu’à celles qui fournissent des services aux compagnies de chemin de fer, des directives concernant l’utilisation sécuritaire des locomotives avec loco-commande (LLC) [locomotives télécommandées] Note de bas de page 41 ».

Ces lignes directrices abordent la formation, les qualifications, la conformité et les paramètres d’exploitation. Pour ce qui est de la formation initiale des employés, ces lignes directrices recommandent que les employés suivent une formation sur le fonctionnement du STL et des freins à air et sur la conduite d’un train, et qu’ils acquièrent une compréhension des forces qui agissent sur un mouvement ainsi que des techniques de conduite du train dans diverses conditions météorologiques et sur diverses pentes.

Au chapitre de l’expérience des équipes de train, l’article 1.1 des lignes directrices indique que l’on devrait envisager de :

  • mettre en œuvre les programmes de formation et de qualification sur les systèmes de loco-commande [STL] séparément de la formation pour d’autres catégories professionnelles (p. ex., formation des chefs de train);
  • établir des normes de qualification distinctes concernant les OLT [opérateurs de locomotive par télécommande] pour les opérations à l’intérieur et à l’extérieur des gares de triage (l’extérieur des gares de triage inclut la voie principale, les embranchements et la voie de subdivision);
  • s’assurer que les OLT qualifiés pour utiliser une LLC [locomotive télécommandée] à l’extérieur d’une gare de triage sont formés de façon à avoir des compétences équivalentes à celles d’un mécanicien de locomotive;
  • établir des critères tels que l’expérience minimale de chaque membre d’une équipe et le niveau de supervision requis, au cas où des OLT moins expérimentés travaillent ensemble :
    • les critères devraient tenir compte du poste (chef de train ou chef de train adjoint) et du lieu des opérations (à l’intérieur ou à l’extérieur d’une gare de triage) Note de bas de page 42.

L’article 2.2, « Établissement des paramètres d’exploitation », recommande que les compagnies de chemin de fer :

  • élaborent des instructions, en collaboration avec les employés et en fonction d’une évaluation des risques dans tous les emplacements où les LLC [locomotives télécommandées] sont exploitées (y compris les gares de triage, les embranchements, la voie de subdivision et la voie principale) :
    • Exemples de paramètres à prendre en compte dans l’analyse :
      • les inclinaisons à l’endroit en question, dans chaque sens de circulation;
      • le nombre d’essieux et la puissance des locomotives;
      • la longueur et le tonnage des trains;
      • les types de wagons et d’équipement ferroviaire;
      • les méthodes de conformité à la règle 115 du REFC [Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada].
  • normalisent la vitesse des LLC à un maximum de 15 mi/h afin de refléter les pratiques d’exploitation en vigueur;
  • mettent en place des procédures qui aident les employés à travailler en toute sécurité au cas où l’un des deux PCP [pupitres de conduite portables, ou télécommandes de locomotive] tomberait en panne pendant un quart de travail (p. ex., l’OLT qui a le PCP a une vue directe sur l’autre membre de l’équipe);
  • Remarque : Dans un tel cas, la compagnie de chemin de fer doit déployer tous les efforts raisonnables pour remplacer immédiatement le PCP non fonctionnel.
  • établissent des normes réglementaires minimales pour l’utilisation de l’air dans tous les wagons, à l’extérieur des gares de triage, avec les opérations de loco-commande [STL], peu importe la méthode de contrôle utilisée;
  • s’assurent que les LLC à l’extérieur des gares de triage présentent des caractéristiques permettant à l’OLT de serrer le frein à air lorsqu’il est sous l’effort de traction afin de mieux contrôler le mouvement de la locomotive Note de bas de page 43.

1.21 Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire

Le 1er avril 2015, le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS de 2015) est entré en vigueur et a remplacé le Règlement sur le SGS de 2001. En vertu de ce règlement, les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale doivent développer et mettre en œuvre un système de gestion de la sécurité (SGS), établir un répertoire de tous les processus requis, tenir des registres, aviser le ministre des Transports de tout changement proposé à leurs activités, et déposer auprès du ministre, à sa demande, la documentation sur le SGS.

1.21.1 Gestion du risque

Aux termes du Règlement sur le SGS, une compagnie de chemin de fer :

élabore et met en œuvre un système de gestion de la sécurité qui comprend : […]

e)    un processus pour cerner les préoccupations en matière de sécuritéNote de bas de page 44; […]

g)    un processus pour mettre en œuvre et évaluer les mesures correctivesNote de bas de page 45; [...]Note de bas de page 46.

D’après l’article 13 du Règlement sur le SGS :

La compagnie de chemin de fer effectue, de façon continue, des analyses de son exploitation ferroviaire pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, y compris toute tendance actuelle, nouvelle tendance ou situation répétitive. Les analyses reposent, à tout le moins, sur les éléments suivants :

  1. tout signalement d’accidents ferroviaires;
  2. tout document interne relatif aux accidents ferroviaires;
  3. tout signalement de blessures;
  4. les résultats de toute inspection effectuée par la compagnie de chemin de fer ou un inspecteur de la sécurité ferroviaire;
  5. tout signalement, fait par les employés de la compagnie de chemin de fer et reçu par elle, des infractions ou des dangers pour la sécurité;
  6. toute plainte relative à la sécurité qui est reçue par la compagnie de chemin de fer;
  7. toute donnée provenant de technologies de surveillance de la sécurité;
  8. les conclusions du rapport annuel visé au paragraphe 29(3);
  9. les constatations figurant dans tout rapport d’auditNote de bas de page 47.

L’article 15 du Règlement sur le SGS dresse une liste des circonstances dans lesquelles les compagnies de chemin de fer doivent faire une évaluation des risques. Une de ces circonstances est « lorsqu’elle cerne une préoccupation en matière de sécurité dans son exploitation ferroviaire à la suite des analyses effectuées en vertu de l’article 13Note de bas de page 48 ».

Conformément au Règlement sur le SGS, le CN a élaboré et mis en œuvre un SGS détaillé. Le CN a amélioré son SGS chaque année depuis 2008 et l’a intégré dans la plupart des facettes de ses activités. Ce SGS décrit les initiatives de la compagnie qui satisfont aux exigences de l’article 2 du Règlement sur le SGS.

D’après la Norme relative à l’évaluation des risques du CN, des évaluations des risques doivent avoir lieu dans les cas suivants :

  • Changements visant les activités d’exploitation, les procédures, l’infrastructure, la technologie, etc.
  • Analyse des tendances indiquant une détérioration graduelle ou une augmentation soudaine.
  • Problèmes décelés au cours d’enquêtes sur des blessures ou des accidents, d’autres types d’enquêtes ou d’inspections, à la suite de plaintes, etc.Note de bas de page 49

Si l’on juge qu’une évaluation des risques est nécessaire, la Norme relative à l’évaluation des risques définit les étapes à suivre, qui comprennent la détermination des dangers, l’évaluation des dangers, la sélection de mesures de contrôle ou des mesures correctives, et la mise en œuvre des mesures de contrôle ou des mesures correctivesNote de bas de page 50.

1.21.2 Signalement des infractions, dangers pour la sécurité et quasi-accidents

Pour ce qui est de signaler les infractions ou les dangers pour la sécurité, les paragraphes 24(1) et (2) du Règlement sur le SGS stipulent ceci :

Signalement interne

24 (1) La compagnie de chemin de fer inclut, dans son système de gestion de la sécurité, une procédure permettant à ses employés de lui signaler, sans crainte de représailles, les infractions à la Loi ou aux règlements, règles, certificats, arrêtés ou ordres ou injonctions ministériels – pris en vertu de la Loi – en matière de sécurité ou les dangers pour la sécurité.

Politique

(2) Elle inclut, dans son système de gestion de la sécurité, une politique, établie par écrit, pour protéger ses employés contre les représailles pour le signalement des infractions ou des dangers pour la sécuritéNote de bas de page 51.

Quoique le règlement ne mentionne pas expressément les quasi-accidents, certaines compagnies de chemin de fer ont commencé à mettre en place des systèmes de signalement de ces cas. Par exemple, VIA Rail Canada Inc. (VIA Rail) encourage ses équipes de train à signaler leurs propres quasi-accidents et violations des règles; il est entendu qu’il n’y aura aucune mesure disciplinaire, ou que les mesures disciplinaires seront réduites, pour les équipes qui s’autodéclarent.

En 2013, le CN a mis en place un service d’appel direct indépendant de signalement des quasi-accidents appelé PREVENT, en collaboration avec l’Université Saint Mary’s à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Cette mesure visait à encourager les employés à déclarer leurs quasi-accidents. L’Université Saint Mary’s présente les données de manière à assurer la confidentialité des signalements. Les données étaient ensuite présentées à la direction pour qu’elle prenne des mesures correctives, s’il y a lieu. Cependant, ce programme n’a eu qu’un succès limité, et la compagnie y a mis fin en 2017.

D’après le document SGS - Procédure et politique de signalement des infractions et des dangers pour la sécurité du CN, les employés doivent signaler à la direction locale tous les dangers pour la sécurité ainsi que leurs inquiétudes liées à la sécurité. D’après cette procédure, les employés qui souhaitent signaler une infraction ou un danger pour la sécurité sans crainte de représailles doivent communiquer avec le bureau de l’ombudsman du CN. De 2009 à 2018 inclusivement, le bureau de l’ombudsman a reçu 147 signalements confidentiels liés à la sécurité.

Pour encourager le signalement d’événements, plusieurs instances internationales ont mis en place des systèmes de signalement d’infractions à la sécurité ferroviaire qui assurent aux rapporteurs confidentialité et protection contre la poursuite.

1.21.2.1 Système de déclaration des quasi-événements de la Federal Railroad Administration et de la National Aeronautics and Space Administration

La FRA des États-Unis a mis sur pied un programme intitulé Confidential Close Call Reporting System ((C3RS))Note de bas de page 52 (système confidentiel de signalement des quasi-événements) en 2007. Par suite d’un projet pilote auquel ont participé 4 compagnies ferroviaires pendant une période de 5 ans chacune, le programme a été offert à d’autres exploitants. En 2018, 8 compagnies ferroviaires y participaient; toutefois, les participants sont tous des compagnies de transport ferroviaire de voyageursNote de bas de page 53.

Les compagnies ferroviaires participent au programme par le biais d’un protocole d’entente. Les dispositions précises peuvent varier, mais comprennent généralement les éléments suivants :

Le programme (C3RS) vient compléter, plutôt que remplacer, d’autres programmes de signalement en matière de sécurité comme ceux prévus dans le cadre de la structure de gestion de la sécurité d’une compagnie. Un examen du programme (C3RS) par la FRA a permis de faire les observations suivantes :

1.21.2.2 Service confidentiel de signalement et d’analyse des incidents du Royaume-Uni

Le service confidentiel de signalement et d’analyse des incidents (Confidential Incident Reporting and Analysis Service ou CIRAS)Note de bas de page 56 du Royaume-Uni a été mis sur pied en 1996. Il offre à diverses secteurs des transport, y compris le transport ferroviaire et par autobus, une ligne téléphonique confidentielle et indépendante pour signaler des incidents.

Le CIRAS est régi par le comité CIRAS, qui est composé de représentants du secteur ferroviaire du Royaume-Uni et d’autres modes de transport du Royaume-Uni. Le comité comprend également un certain nombre de syndiqués et de professionnels indépendants qui sont des experts dans d’autres secteurs, comme le secteur du pétrole et du gaz, ainsi que des chercheurs universitaires. Le programme partage les leçons tirées avec tous les secteurs par l’entremise de bulletins d’information et de renseignements sur son site Web.

Le processus de signalement et de suivi du CIRAS est semblable à celui du programme (C3RS) de la FRA; le CIRAS agit comme intermédiaire impartial. Une fois qu’un signalement a été soumis (par le site Web, par message texte, par téléphone ou par écrit), le CIRAS communique avec la personne qui a soumis le signalement, à l’extérieur de ses heures de travail, afin d’obtenir plus de renseignements. Un rapport est ensuite préparé et soumis à l’organisme membre approprié. Une réponse dans laquelle les mesures prises sont soulignées est ensuite envoyée à la personne qui a soumis le signalementNote de bas de page 57.

1.21.2.3 Programme de signalements confidentiels du BST

Le BST administre un programme intitulé SECURITAS qui permet de signaler, en toute confidentialité, des préoccupations liées à la sécurité dans les modes de transport maritime, pipelinier, ferroviaire et aérien. Les incidents et les gestes et conditions potentiellement dangereux signalés au moyen du programme SECURITAS ne sont pas toujours signalés par d’autres moyens (ou tenus de l’être).

Les signalements SECURITAS peuvent mener le BST à émettre des communications de sécurité adressées au ministre des Transports ou à d’autres ministères, ou encore à des organismes du secteur, pour les inciter à prendre des mesures. Ces signalements peuvent également aider le BST à constater des problèmes de sécurité généralisés. Les données relatives au signalement confidentiel, combinées à celles d’autres rapports et d’autres études en matière d’accidents et d’incidents, et l’échange d’information sur la sécurité avec d’autres organismes au Canada et à l’étranger, aident à mieux comprendre les problèmes de sécurité des transports sur le plan national et mondial. Les signalements SECURITAS peuvent même étayer les études et les analyses du BST sur des questions de sécurité, par exemple les procédures d’exploitation, la formation, la performance humaine et l’équipement.

1.21.3 Gestion des connaissances

L’alinéa 5(k) et le paragraphe 28(1) du Règlement sur le SGS indiquent, entre autres, qu’une compagnie de chemin de fer doit avoir un processus à l’égard de l’établissement des horaires. Le processus d’établissement des horaires décrit dans le règlement exige d’une compagnie qu’elle suive les principes de la science de la fatigue lorsqu’elle établit les horaires d’employés d’exploitation. Rien ne l’oblige à tenir compte de l’expérience des employés d’exploitation qui pourraient être jumelés pour travailler ensemble.

Pour ce qui est de la formation des équipes de train, aux termes des articles 25 à 27 du Règlement sur le SGS, une compagnie de chemin de fer doit avoir en place un processus pour gérer les connaissances. D’après l’article 25 du Règlement sur le SGS :

25(1)    La compagnie de chemin de fer établit une liste prévoyant :

  1. les fonctions essentielles à la sécurité ferroviaire;
  2. les postes dans la compagnie de chemin de fer dont relève la responsabilité de l’exercice de chacune de ces fonctions;
  3. les compétences et les qualifications requises pour exercer chacune de ces fonctions en toute sécuritéNote de bas de page 58.

D’après l’article 27, le SGS d’une compagnie de chemin de fer doit inclure un plan pour s’assurer que tout employé exerçant l’une ou l’autre des fonctions visées au paragraphe 25(1) possède les compétences, les connaissances et les qualifications nécessaires pour accomplir ses tâches en sécuritéNote de bas de page 59, et une méthode pour le vérifierNote de bas de page 60.

Comme l’exigent ces articles du Règlement sur le SGS, le CN a rédigé un document pour définir les processus de son plan de gestion des connaissances intitulé « SMS-CN Process for Managing Knowledge » (SGS – Processus du CN pour gérer les connaissances). Ce document comprend les listes exigées en vertu du paragraphe 25(1), ainsi que le plan et les méthodes exigés en vertu de l’article 27 du règlement. En plus des postes de chef de train, de ML et d’opérateur de locomotive par télécommande, la liste du CN comprend d’autres postes d’exploitation. Le Règlement sur le SGS n’exige pas que des méthodes et des plans individuels soient élaborés pour chaque poste, et ne comprend aucune exigence liée à la formation nécessaire à l’obtention de la qualification pour chaque poste.

En ce qui concerne les employés d’exploitation ferroviaire, le CN a désigné les tâches qui sont essentielles à la sécurité des activités et les postes dont les titulaires doivent accomplir ces tâches :

Les compétences et les qualifications requises pour accomplir les tâches essentielles de chaque poste sont indiquées dans l’annexe A sur les compétences et qualifications des employés, document dans lequel on énumère également les exigences en matière de formation de ces postes. Un examen de ce document a permis de constater ce qui suit :

1.22 Gestion des ressources en équipe

La formation sur la gestion des ressources en équipe (CRM) vise à fournir aux équipes les compétences interpersonnelles nécessaires pour exécuter leurs tâches en toute sécurité [traduction] : « La formation sur la CRM consiste habituellement en un processus continu de formation et de surveillance qui mène le personnel à aborder ses activités selon une perspective d’équipe plutôt qu’individuelleNote de bas de page 62 ».

Les secteurs de l’aviation et du transport maritime ont constaté d’importants avantages pour la sécurité à la suite de l’adoption de la CRM et de la gestion des ressources à la passerelle, respectivement. Étant donné la fréquence des facteurs humains dans les statistiques sur les accidents ferroviaires, ce type de formation pourrait offrir d’importants avantages pour la sécurité dans le secteur ferroviaireNote de bas de page 63.

À la suite d’une collision entre 2 trains de marchandises en 1998, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a recommandé que plusieurs intervenants du secteur ferroviaire, incluant l’organisme de réglementation, les exploitants, les associations sectorielles et les syndicats ouvriers, collaborent au développement d’une formation sur la CRM et qu’ils en exigent l’application au secteur ferroviaire. Cette formation couvrirait au minimum la compétence des membres d’équipe de train, la conscience situationnelle, la communication efficace et le travail d’équipe, et les stratégies de remise en question de l’autorité s’il y a lieuNote de bas de page 64.

Comme suite à cette recommandation, en collaboration avec ses partenaires universitaires et sectoriels, la FRA a développé et mis à l’essai une formation sur la CRM dans le secteur ferroviaireNote de bas de page 65. L’évaluation initiale de ce projet pilote de formation a révélé des améliorations au chapitre des connaissances et des attitudes plus positives envers les principes de la CRMNote de bas de page 66.

Cependant, ce type de formation n’a été imposé ni au Canada ni aux États-Unis. En 2010, un examen de l’adoption des principes de la CRM à l’extérieur du secteur de l’aviation a révélé que dans le secteur ferroviaire nord-américain, [traduction] « l’intérêt envers les principes de la formation CRM demeure sporadiqueNote de bas de page 67 ». Cet examen a aussi décrit des initiatives volontaires de certaines compagnies de chemin de fer pour mettre en œuvre la formation sur la CRM, de même que des initiatives du secteur visant à créer des documents de formation à l’intention des exploitants. Par exemple, on y indiquait qu’en 1999, le Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a mis en œuvre un programme de formation sur la CRM s’adressant aux chefs de train et agents de train nouvellement embauchés.

Au Royaume-Uni, une initiative similaire comprenait la définition de compétences non techniques pour les équipes de train. Le Rail Safety and Standards Board (RSSB) a publié un guide de pratiques exemplaires pour le perfectionnement de compétences non techniques. Ce guide cerne 7 domaines de compétences non techniques qui sont cruciales pour l’efficacité dans des rôles essentiels à la sécurité :

1.22.1 Formation sur la conscience situationnelle des occupants des cabines de locomotives de VIA Rail Canada Inc.

Depuis 2013, tous les ML de VIA Rail doivent suivre un cours de 8 heures sur la conscience situationnelle dans la cabine de locomotive. Ce cours a pour objectif d’améliorer la sécurité en enseignant les principes de la CRM aux ML.

La formation porte sur l’acquisition des compétences nécessaires pour développer et maintenir la conscience situationnelle. Les stagiaires peuvent ainsi éviter les pièges associés à la perte de conscience situationnelle et mieux gérer les situations dangereuses imprévues en améliorant les interactions entre les membres de l’équipe dans la cabine de locomotive.

1.22.2 Évaluation par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada de la communication et de la coordination durant la formation de chef de train

Le CN n’offre aux chefs de train aucune formation structurée sur la CRM dans le secteur ferroviaire. Toutefois, le formulaire d’évaluation du chef de train stagiaire qu’utilise le CN comprend des indicateurs de comportement pour aider les formateurs à évaluer la communication et la coordination entre les membres d’équipe. Par exemple, d’après le formulaire, on s’attend à ce que le chef de train stagiaire participe aux séances d’information sur les travaux et comprenne clairement les tâches à exécuter et les dangers pour la sécurité.

En ce qui a trait à la communication parmi les membres de l’équipe, le formulaire indique que l’on s’attend à ce que le chef de train stagiaire communique dans des situations précises (p. ex., dérailleurs posés ou enlevés, aiguillages orientés, freins à main serrés), participe aux séances d’information sur les travaux en cours et communique les restrictions et les changements au plan. Ce formulaire comprend en outre une évaluation globale de l’esprit d’initiative, de la confiance et de la collaboration avec les collègues de travail.

1.23 Culture de sécurité

Tous les membres d’une organisation, et toutes les décisions prises à tous les niveaux, ont une incidence sur la sécurité. La « culture de sécurité » d’une organisation peut être définie comme étant [traduction] :

des valeurs (ce qui est important) et des principes (déroulement des activités) communs qui interagissent avec les structures et les systèmes de contrôle d’une organisation pour établir des normes comportementales (la façon dont on se conduit)Note de bas de page 69.

La relation entre une culture de sécurité et la gestion de la sécurité se reflète en partie dans les croyances, les attitudes et les comportements de la direction d’une compagnie.

Une culture de sécurité efficace comprend des mesures proactives pour cerner et gérer les risques opérationnels. Elle se caractérise par une culture d’information dans laquelle les gens comprennent les dangers et les risques que présentent leurs opérations et travaillent continuellement à cerner et à éliminer les menaces à la sécurité. C’est une culture d’équité dans laquelle le personnel sait ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas et s’entend à ce sujet. C’est une culture de déclaration dans laquelle les préoccupations liées à la sécurité, y compris les accidents évités de justesse, sont signalées et analysées et dans laquelle des mesures correctives sont prises. C’est aussi une culture d’apprentissage, dans laquelle la sécurité est améliorée à la lumière des leçons apprisesNote de bas de page 70.

Les politiques d’une compagnie déterminent comment atteindre les objectifs de sécurité en définissant clairement les responsabilités, en élaborant des processus, structures et objectifs dans le but d’incorporer la sécurité dans tous les volets des opérations, et en développant les compétences et les connaissances du personnel. Les procédures sont des consignes à l’intention des employés et elles communiquent les instructions de la direction. Les pratiques sont ce qui se passe vraiment sur le terrain, ce qui peut différer des procédures, et, dans certains cas, peut faire peser une menace accrue sur la sécurité.

En avril 2016, le BST a tenu un Sommet sur la sécurité des transports. Y ont participé plus de 70 cadres supérieurs et chefs de file représentant des exploitants, des organisations syndicales, des associations sectorielles et des organismes de réglementation de tous les modes de transport. Alliant présentations, forums et séances en atelier dirigées, le sommet a servi de tribune pour entendre parler d’expériences et de pratiques exemplaires et pour échanger des idées sur la manière de favoriser la circulation de l’information afin d’améliorer la sécurité, et pour en débattre.

Les discussions ont permis de dégager un vaste consensus sur le fait que, pour améliorer la sécurité de façon efficace, un SGS doit indiquer clairement les enjeux systémiques qui sous-tendent le comportement. De plus, une communication et une collaboration efficaces sont des éléments clés afin d’établir la confiance nécessaire pour régler les problèmes de sécurité à ce niveau. Toutefois, le plus grand défi qui a été identifié afin d’arriver à ce type de culture « juste » est le besoin d’établir la confiance et le respect envers des organisations traditionnellement fondées sur une culture de blâmeNote de bas de page 71.

1.24 Culture de sécurité à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

Parallèlement à la mise en œuvre de son SGS, le CN a reconnu l’importance de bâtir une culture de sécurité efficace, élément que la compagnie considère comme étant essentiel au SGS. Pour renforcer sa culture de sécurité, le CN a investi dans la formation, l’accompagnement professionnel, la reconnaissance des employés et l’engagement.

En 2014, le CN a inauguré 2 nouveaux centres de formation, l’un à Winnipeg (Manitoba) et l’autre à Homewood (Illinois), aux États-Unis. Chacun de ces centres offre des cours pour cheminots néophytes et chevronnés, allant des chefs de train aux mécaniciens de wagons, des inspecteurs de voie aux agents d’entretien des signaux. Les employés reçoivent une formation pratique dans des laboratoires intérieurs modernes qui comprennent de l’équipement de pointe. Le CN estimait que près de 3000 employés par année suivraient une formation à ses nouveaux centres.

En octobre 2014 et en octobre 2017, le CN a coanimé un colloque sur la culture de sécurité à Halifax (Nouvelle-Écosse) au cours duquel les participants ont parlé de la nouvelle discipline qu’est la culture de sécurité. Le CN anime également des sommets sur la sécurité partout sur ses territoires pour promouvoir la communication bidirectionnelle et les pratiques exemplaires en matière de sécurité.

Le CN intègre en outre un modèle de culture d’équité dans sa politique sur les mesures disciplinaires. Dans certaines situations, les employés pourraient faire l’objet de mesures disciplinaires s’ils sont en cause dans un incident d’exploitation. Toutefois, dans le cadre du modèle de culture d’équité, un employé en cause dans plusieurs incidents d’exploitation ne ferait pas nécessairement l’objet de telles mesures. En effet, un employé ne ferait l’objet d’aucune mesure disciplinaire si un incident se produisait malgré ses bonnes intentions.

Entre autres initiatives, en 2014, le CN a préparé et mis en œuvre son programme Veiller les uns sur les autres, une stratégie d’engagement entre pairs conçue pour :

  • sensibiliser les employés aux principales causes d’incidents et de blessures;
  • déterminer et passer en revue les méthodes de travail sécuritaires correspondant à ces activités;
  • former les membres du personnel de sorte qu’ils soient attentifs à ce qui se passe autour d’eux et reconnaissent les types de comportements ou de situations présentant un risque sur le terrain;
  • apprendre aux membres du personnel à fournir de la rétroaction constructive à leurs collègues;
  • tirer des leçons des incidents passés pour éviter qu’ils se reproduisent et veiller les uns sur les autres pour assurer la sécurité de tousNote de bas de page 72.

1.24.1 Programme « Partners in Prevention »

Le programme Partners in Prevention (partenaires en prévention) du CN vise à modifier les comportements en favorisant la communication entre les employés et le personnel cadre de la compagnie. Dans le cadre de ce programme, les coordonnateurs de trains doivent effectuer 1 test par quart de travail. Le test peut comprendre des réunions d’employés au début du quart, des observations ou des contrôles sur le terrain. Les résultats sont communiqués aux employés, au syndicat et à la compagnie et peuvent donner lieu à de l’accompagnement professionnel, à des commentaires verbaux ou à des discussions en groupe. Ce programme vise à remplacer un système punitif qui mise sur les mesures disciplinaires pour encourager les comportements sécuritaires.

Au triage Melville, l’expérience du programme Partners in Prevention a été positive dans l’ensemble. Elle a mené à une meilleure communication parmi les employés d’exploitation relativement à l’interprétation et à l’application des règles.

1.25 Autres enquêtes du BST sur des manœuvres effectuées à l’aide du système de télécommande de locomotive et mettant en cause la formation ou l’expérience

Depuis 2007, le BST a enquêté sur 5 autres événements survenus dans des opérations de manœuvre par STL (annexe C), où l’inexpérience d’un ou de plusieurs membres de l’équipe de conduite qui prenaient part à des manœuvres par télécommande de locomotive a été un facteur :

1.26 Statistiques du BST sur les événements de mouvements imprévus ou non contrôlés

Entre 2009 et 2018, pour l’ensemble des chemins de fer au Canada, 562 événements de mouvements imprévus ou non contrôlésNote de bas de page 73 ont été signalés au BST (tableau 2).

Tableau 2. Événements de mouvements imprévus ou non contrôlés signalés au BST entre 2009 et 2018
Mouvement non contrôlé en raison de 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Total
Perte de maîtrise 0 2 3 0 3 0 1 4 2 5 20
Manœuvres sans freins à air 14 10 16 12 24 21 22 18 21 27 185
Immobilisation insuffisante 37 25 32 44 42 38 37 29 39 34 357
Total 51 37 51 56 69 59 60 51 62 66 562

Nota : Les données sommaires sur le nombre annuel de mouvements non contrôlés n’ont pas été ajustées en fonction des variations des volumes annuels de trafic ferroviaire.

En général, les mouvements non contrôlés sont attribuables à 1 des 3 causes suivantes :

  1. Perte de maîtrise – Un ML ou un opérateur de locomotive par télécommande n’est pas en mesure de maîtriser une locomotive, une rame de wagons ou un train au moyen des freins à air de locomotive ou de train disponibles.
  2. Manœuvres sans freins à air – Un matériel roulant est manœuvré en utilisant seulement les freins à air de la locomotive, sans freins à air sur les wagons manœuvrés ou lancés. La grande majorité de ces incidents se produisent dans des gares de triage.
  3. Immobilisation insuffisante – Un wagon, une rame de wagons ou un train est laissé sans surveillance et se met à rouler de façon non contrôlée, en général, parce que :
    • un nombre insuffisant de freins à main ont été serrés sur un wagon, une rame de wagons ou un train;
    • les freins à main d’un wagon (ou de plusieurs wagons) sont défectueux ou inefficaces.

Dans les 562 événements signalés, la cause était :

On a calculé le coefficient de corrélation tau-b (τb) de KendallNote de bas de page 74 à partir du nombre global de mouvements non contrôlés par année, de 2009 à 2018. Dans l’ensemble, on a noté une forte corrélation positive indiquant une tendance à la hausse du nombre d’événements de mouvement imprévu ou non contrôlé ((τb) = 0,5521, p = 0,0293). D’après l’estimation de la pente selon la méthode de SenNote de bas de page 75, l’augmentation moyenne pour toutes les catégories était de 1,67 événement par année (figure 17).

Figure 17. Augmentation moyenne annuelle des événements de mouvements imprévus ou non contrôlés, de 2009 à 2018
Augmentation moyenne annuelle des événements de mouvements imprévus ou non contrôlés, de 2009 à 2018

On a ensuite calculé le coefficient de corrélation τb de Kendall pour les 3 catégories (voir le tableau 2), par année, de 2009 à 2018. Des 3 catégories, seules les manœuvres sans freins à air ont affiché une augmentation importante durant cette période. On a noté une forte corrélation positive indiquant une tendance à la hausse du nombre d’événements de mouvement imprévu ou non contrôlé qui sont survenus dans des manœuvres sans freins à air. D’après l’estimation de la pente selon la méthode de Sen, l’augmentation moyenne était de 1,44 événement par année (figure 18). Ces estimations indiquent que 86 % de l’augmentation annuelle sur 10 ans du nombre global d’événements de mouvements imprévus ou non contrôlés est attribuable à des manœuvres sans freins à air.

Figure 18. Événements de mouvements imprévus ou non contrôlés, par catégorie de cause
Événements de mouvements imprévus ou non contrôlés, par catégorie de cause

Parmi les 185 mouvements non contrôlés qui se sont produits dans des manœuvres sans freins à air :

Le tableau 3 répertorie ces événements en fonction de leurs conséquences.

Tableau 3. Conséquences des mouvements non contrôlés survenus dans des manœuvres sans freins à air
Conséquence* 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Total % du nombre d’événements de manœuvres sans freins à air
Déraillements de 1 à 5 wagons 7 4 8 3 6 5 8 12 7 11 71 38,4 %
Déraillement de plus de 5 wagons 0 0 0 0 1 0 1 0 1 2 5 2,7 %
Collision 13 9 13 10 19 15 17 7 16 15 134 72,4 %
Incidence sur la voie principale** 0 0 1 1 1 1 0 2 1 0 7 3,8 %
Présence de marchandises dangereuses 5 3 4 0 4 10 8 5 7 10 56 30,3 %
Blessures ou morts 0 0 0 0 1 0 0 0 1 0 2 1,1 %

* Certains événements peuvent avoir plus d’une conséquence.
** Se trouvait sur la voie principale au départ, s’est engagé sur la voie principale ou a obstrué la voie principale.

Depuis 1994, outre l’événement à l’étude, le BST a enquêté sur 32 autres événements de mouvement non contrôlé (annexe D), dont 7 qui sont survenus dans des manœuvres sans freins à air.

1.27 Recommandation et préoccupation liée à la sécurité précédentes relatives aux mouvements non contrôlés

À la suite de l’enquête du BST sur l’accident à Lac-Mégantic en juillet 2013Note de bas de page 76, le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports exige que les compagnies ferroviaires canadiennes mettent en place des moyens de défense physiques additionnels pour empêcher le matériel de partir à la dérive.
Recommandation R14-04 du BSTNote de bas de page 77

Cette recommandation portait avant tout sur l’immobilisation inadéquate du matériel roulant. En réponse, TC a mis en œuvre plusieurs initiatives, incluant un renforcement des exigences relatives à l’immobilisation dans la règle 112 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REFC) et un plan de surveillance exhaustif de cette nouvelle règle. En mars 2020, le Bureau a réévalué la réponse de TC à la recommandation R14-04 comme étant satisfaisante en partie.

À la suite d’une enquête sur le mouvement non contrôlé de matériel roulant sur une voie principale à Saskatoon (Saskatchewan) en mars 2016, on a déterminé que malgré les initiatives du secteur et de TC, le résultat recherché, soit une forte réduction du nombre de mouvements non contrôlés, tardait à se concrétiser. Par conséquent, le Bureau a communiqué cette préoccupation liée à la sécurité :

le Bureau s’inquiète du fait que les moyens de défense actuels ne sont pas suffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et pour améliorer la sécuritéNote de bas de page 78.

1.28 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

La gestion de la sécurité et surveillance figure sur la Liste de surveillance 2018. Tous les transporteurs sont responsables de gérer les risques de sécurité dans leurs activités d’exploitation.

Certaines entreprises estiment que le niveau de sécurité est adéquat tant qu’elles se conforment à la réglementation; or, cette dernière ne peut à elle seule prévoir tous les risques propres à une activité. C’est pourquoi le BST a maintes fois souligné les avantages d’un SGS, un cadre de gestion qui est reconnu à l’échelle internationale et permet aux entreprises de gérer efficacement les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités.

Dans l’événement à l’étude, les employés de la gare de triage Melville savaient que les mouvements non contrôlés, y compris les wagons qui redescendent la pente, étaient courants près de l’endroit où s’est produit l’accident. Cependant, la compagnie de chemin de fer n’était au courant que des accidents où des mouvements non contrôlés avaient entraîné une collision ou un déraillement. Les autres mouvements non contrôlés près de cet endroit n’ont pas été signalés, et donc n’ont pu être analysés.

MESURES À PRENDRE

La gestion de la sécurité et surveillance restera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que :

  • les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien et donc permet de déceler les risques et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour les atténuer;
  • TC intervienne lorsque des exploitants ne peuvent pas assurer une gestion efficace de la sécurité, et le fasse de façon à corriger les pratiques d’exploitation non sécuritaires.

En l’absence d’un système de signalement d’incident efficace et non punitif, il est possible que les données sur les incidents de quasi-accident ne soient pas toujours recueillies. On risque ainsi de rater des occasions d’analyser des indicateurs avancés et de prendre des mesures d’atténuation appropriées.

1.29 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

2.0 Analyse

L’état de la voie n’a pas été un facteur dans l’événement à l’étude. L’analyse portera sur : le lancement de wagons et les manœuvres sans freins à air à la gare de triage Melville; l’efficacité du frein à main sur le wagon CN 302412; le plan de manœuvres, la communication, l’expérience et la coordination des activités de l’équipe d’affectation; l’inspection de wagons similaires; les systèmes de gestion de la sécurité (SGS); le signalement des quasi-accidents; et la hausse du nombre de mouvements imprévus ou non contrôlés.

2.1 L’accident

En prévision du placement de 3 wagons-trémies découverts de 44 pieds de long chargés de ballast (CN 302369, CN 90393 et CN 302412) sur la voie MR13, la contremaître est retournée avec le train de manœuvre à la voie d’accès MR juste à l’est de l’aiguillage MR19, qu’elle a orienté vers la voie d’accès MR. L’aide a marché jusqu’aux wagons qui étaient déjà garés sur la voie MR13, à environ 50 pieds du point d’obstruction de la voie d’accès MR.

L’aide est demeuré à côté des wagons sur la voie MR13, prévoyant que le train de manœuvre s’engagerait sur la voie MR13 pour s’atteler aux wagons stationnaires et les pousser vers l’ouest. Depuis sa position, l’aide ne pouvait pas voir la voie d’accès MR à l’est, car des wagons stationnaires sur une voie adjacente bloquaient sa vue. Il n’y a eu aucune communication particulière entre les membres de l’équipe. L’aide ignorait que la contremaître avait l’intention de lancer les 3 wagons-trémies découverts sur la voie MR13, plutôt que de les pousser pour les atteler aux wagons stationnaires sur cette voie, et ensuite pousser tous ces wagons vers l’ouest.

La contremaître avait passé la plus grande partie de son quart de travail à lancer des wagons à 7 mi/h. La contremaître a dételé les 3 wagons-trémies découverts chargés de ballast (les 3 wagons), a sélectionné la vitesse de 7 mi/h sur la télécommande Beltpack, et a poussé les wagons vers l’ouest avant d’arrêter le train de manœuvre. Le train de manœuvre s’arrêtant, les 3 wagons s’en sont séparés et ont roulé sur leur élan sur la voie d’accès MR vers la voie MR13.

La contremaître a ensuite orienté l’aiguillage MR19 et a fait marche arrière pour engager le train de manœuvre sur cette voie. C’est alors que la contremaître a remarqué que les 3 wagons avaient perdu leur élan sur la voie d’accès MR et revenaient vers le train de manœuvre. La contremaître a transmis un message radio pour indiquer que les 3 wagons redescendaient la pente. L’aide, qui se tenait à côté du wagon de tête sur la voie MR13 et n’était pas en position d’intervenir, a entendu le message radio et a couru vers le mouvement non contrôlé.

À 18 h 02 min 57 s, la contremaître a serré le frein direct, et le train de manœuvre s’est immobilisé 7 secondes plus tard (à 18 h 03 min 4 s), avec le wagon de tête PLCX 21492 partiellement engagé sur la voie MR19, mais obstruant toujours la voie d’accès MR. Après avoir serré le frein direct, la contremaître a couru de l’aiguillage MR19 vers le bout B avant du wagon de tête du mouvement non contrôlé (CN 302412). La contremaître a atteint le wagon et a grimpé l’échelle pour rejoindre la plateforme du bout B du wagon CN 302412 en vue de serrer le frein à main surélevé.

Arrivée sur la plateforme, la contremaître a serré le frein à main, mais le coin sud-est du wagon CN 302412 a percuté le coin nord-ouest du wagon-trémie couvert vide stationnaire PLCX 21492.

L’accident s’est produit lorsque 3 wagons-trémies découverts chargés de ballast, lancés sur la pente ascendante de la voie d’accès MR, ont perdu leur élan et redescendu la pente, puis sont entrés en collision avec le wagon de tête du train de manœuvre, le wagon PLCX 21492 vide, qui obstruait la voie d’accès. Alors qu’elle essayait d’immobiliser les wagons non contrôlés en serrant le frein à main du wagon CN 302412, la contremaître s’est trouvée coincée entre les wagons PLCX 21492 et CN 302412, et a été mortellement blessée.

2.2 Efficacité du frein à main

L’examen du bout B du wagon CN 302412 effectué après l’accident a permis de déterminer que la chaîne de frein à main, la bielle de tirage et le levier coudé n’étaient pas dans leurs bonnes positions. Le gros maillon de raccord était tiré tout contre le carter d’engrenage de frein à main, et il n’y avait pas de peinture blanche visible sur la chaîne. De plus, la bielle de tirage de frein à main et le levier coudé étaient serrés contre la traverse extrême. Cela indique qu’avant la collision, le volant de frein à main sur le wagon CN 302412 avait été tourné au-delà de ce qui était nécessaire pour serrer à fond le frein à main.

Après l’accident, quand on a desserré le frein à main, le support du levier coudé et le levier coudé se sont détachés du wagon. Les soudures qui fixaient le support du levier coudé à la face inférieure de la traverse extrême du bout B du wagon CN 302412 avaient cédé. Puisque les surfaces de rupture des soudures étaient lourdement corrodées, la corrosion était probablement présente à ces endroits depuis longtemps, mais elle était passée inaperçue. L’arrière des surfaces de rupture des soudures extérieures ainsi que les surfaces de rupture correspondantes sur le support du levier coudé contenaient chacune de petites zones de fracture plus récentes. Étant donné l’absence de tout dommage attribuable au choc sur le support du levier coudé, il est probable que les soudures ont cédé lorsque la force de serrage du frein à main qui est appliquée dans des conditions normales a dépassé la résistance de la superficie restante de la section transversale réduite des soudures.

Un essai d’efficacité du frein à main réalisé le lendemain de l’accident, avec les composants dans l’état où ils ont été trouvés et le frein à main serré à fond, a permis de constater que le frein à main était inefficace et ne pouvait pas arrêter les 3 wagons. Un essai d’effort à la semelle de frein réalisé par la suite a permis d’établir qu’un frein à main avec sa timonerie dans cet état est inefficace et qu’il n’aurait pas pu ralentir sensiblement les wagons, et encore moins les arrêter. Lorsque la contremaître a serré le frein à main, les soudures qui fixaient le support du levier coudé à la face inférieure de la traverse extrême du bout B du wagon CN 302412 ont cédé, et le levier coudé et son support se sont séparés du wagon, ce qui a rendu le frein à main inopérant.

2.2.1 Calcul de la distance d’arrêt

Les calculs du Bureau de la sécurité des transports (BST) ont permis de déterminer que la force de 1 frein à main entièrement fonctionnel et correctement serré suffirait pour immobiliser les 3 wagons sur une pente descendante de 0,5 %.

La reconstitution effectuée par le BST a montré que les wagons ont mis de 22 à 30 secondes pour atteindre le point d’impact après avoir commencé à redescendre la pente. On a calculé qu’en moyenne, il fallait environ 18 secondes à une personne pour réagir, puis courir depuis le côté nord de l’aiguillage MR19 (là où se trouvait la contremaître) jusqu’à l’emplacement du wagon CN 302412, situé selon les estimations à environ 50 pieds de là, grimper l’échelle jusqu’à la plateforme en bout du frein à main, et serrer à fond le frein à main.

Selon la reconstitution effectuée sur place par le BST, après que les wagons ont commencé à redescendre la pente, durant les 18 secondes nécessaires pour réagir et serrer à fond le frein à main, les wagons auraient atteint une vitesse d’environ 1,72 mi/h et franchi une distance de 22,7 pieds. Ce calcul repose sur l’hypothèse de l’inefficacité totale du frein à main tant qu’il n’était pas serré à fond, mais en fait, le wagon aurait commencé à ralentir à mesure que l’on serrait le frein à main.

Si le frein à main avait été serré à fond avec un couple de 125 pieds-livres et avait été entièrement efficace, il aurait fallu 21,2 pieds additionnels pour immobiliser les 3 wagons.

Bien qu’il y ait plusieurs facteurs inconnus et distances estimées en jeu, le total combiné de la distance parcourue (22,7 pieds) et de la distance d’arrêt (21,2 pieds) serait de 43,9 pieds, soit 6,1 pieds de moins que la distance estimée de 50 pieds jusqu’au wagon CN 302412. Une fois serré à fond, le frein à main du wagon CN 302412 aurait pu arrêter le mouvement non contrôlé en deçà de la distance disponible s’il avait été entièrement efficace.

Cependant, lorsque la contremaître a serré le frein à main, les soudures qui fixaient le support du levier coudé à la face inférieure de la traverse extrême du bout B du wagon CN 302412 ont cédé, et le levier coudé et son support se sont séparés du wagon, ce qui a rendu le frein à main inopérant.

Comme l’efficacité de freinage du frein à main était compromise, le mouvement non contrôlé n’a pas été immobilisé ou ralenti, ce qui a laissé peu de possibilités et de temps à la contremaître pour se mettre à l’abri.

2.2.2 Inspection des appareils de sécurité

Deux jours avant l’événement à l’étude, une inspection autorisée du wagon CN 302412 avait été faite à Winnipeg (Manitoba). Aucune défectuosité n’avait été relevée. Comme un support de levier coudé et un levier coudé détachés pendraient du wagon et les inspecteurs et les employés d’exploitation les verraient facilement, ces éléments étaient probablement en place durant la plus récente inspection autorisée du wagon CN 302412 et juste avant l’accident.

L’importante corrosion sur les surfaces de rupture des soudures qui fixaient le support du levier coudé à la face inférieure de la traverse extrême du bout B du wagon CN 302412 indique que les fissures étaient sans doute présentes (mais non détectées) depuis longtemps, y compris durant la plus récente inspection autorisée du wagon. Cependant, aucune inspection détaillée des soudures du support du levier coudé n’est requise durant l’inspection autorisée de wagon, et toute fissure dans les joints soudés aurait été difficile à déceler, étant donné l’emplacement des soudures. Ni les inspections régulières avant le départ, ni les inspections autorisées des wagons, ni les essais de frein à air sur wagon individuel n’ont permis de détecter les soudures fissurées du support du levier coudé avant sa défaillance.

Comme le stipulent le Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises approuvé par Transports Canada (TC), le Règlement sur les normes applicables aux appareils de sécurité des chemins de fer approuvé par TC et la norme de sécurité S-2044 du Manual of Standards and Recommended Practices (MSRP) de l’Association of American Railroads (AAR), les appareils de sécurité doivent être assujettis à la caisse d’un wagon avec des boulons ou des rivets. Le soudage n’est pas autorisé. Quoiqu’un boulon ou un rivet lâche puisse être difficile à détecter, un boulon ou un rivet manquant est immédiatement détectable durant une inspection visuelle. Par contre, la détection de fissures dans des soudures exige une inspection plus détaillée. Comme le montre l’événement à l’étude, une fissure dans une soudure peut s’étendre et entraîner une défaillance avant d’être détectée. C’est pourquoi les appareils de sécurité doivent être assujettis avec des boulons ou des rivets.

De plus, l’assujettissement des appareils de sécurité à la caisse d’un wagon fait l’objet d’inspections plus fréquentes que celui d’autres éléments. Par exemple, les inspecteurs ont pour consigne d’examiner les appareils de sécurité durant les inspections autorisées des wagons pour s’assurer qu’ils sont bien assujettis, et d’examiner l’assujettissement des appareils de freinage durant les essais de frein à air sur wagon individuel. Puisque le support du levier coudé et le levier coudé ne sont pas considérés comme étant des appareils de sécurité, les inspecteurs ne les vérifient pas aussi souvent et n’ont pas pour consigne de vérifier tout particulièrement l’assujettissement du support du levier coudé.

Après l’accident, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a entrepris une inspection détaillée de son parc de wagons-trémies découverts. Cette mesure a permis de déterminer que 63 des 857 wagons présentaient en tout 71 défectuosités, dont 5 liées au support du levier coudé. La plupart de ces wagons avaient fait l’objet de diverses inspections régulières qui n’ont relevé que peu de défectuosités. Cela montre que les inspections régulières avant le départ, les inspections autorisées des wagons et les essais de frein à air sur wagon individuel ne suffisent pas toujours pour détecter, avant une défaillance, les défectuosités qui nuisent au fonctionnement sécuritaire des freins à main.

Le frein à main est devenu inopérant lorsque le support du levier coudé et le levier coudé, qui ne sont pas considérés comme étant des appareils de sécurité, se sont séparés de la caisse du wagon. Si l’assujettissement des supports de levier coudé et des leviers coudés, éléments essentiels au fonctionnement sécuritaire des freins à main, n’est pas soumis aux mêmes critères de montage et d’inspection que les appareils de sécurité, un levier coudé défectueux pourrait compromettre l’efficacité du frein à main, ce qui accroît le risque d’accident.

2.2.3 Évacuation de la plateforme en bout du frein à main

Au moment de l’événement, les employés montaient parfois sur du matériel en mouvement durant les opérations de manœuvre. Toutefois, le 5 novembre 2018, le CN a interdit au personnel de monter à bord de matériel en mouvement, sauf lorsque le matériel roulant est laissé sans surveillance en vertu des dispositions de la règle 112 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REFC) relativement à l’immobilisationNote de bas de page 79. En pareil cas, le CN continue d’attendre de ses employés qu’ils serrent un frein à main sur le matériel en mouvement.

Sur le wagon CN 302412, la plateforme en bout du frein à main se trouvait à 90 pouces au-dessus du sol, et le volant de frein à main se trouvait encore plus haut. Les normes en vigueur limitent à environ 48 pouces la hauteur de la plateforme en bout du frein à main. Étant donné que le wagon CN 302412 a été fabriqué avant 2015, rien n’obligeait à le modifier pour satisfaire aux normes courantes.

La contremaître a serré le frein direct pour immobiliser le train de manœuvre, et un serrage d’urgence des freins à air a eu lieu environ 18 secondes plus tard. La reconstitution de l’événement effectuée par le BST a permis de confirmer que 18 secondes suffisaient pour courir de la position estimée de la contremaître au sol jusqu’au wagon qui approchait, grimper sur la plateforme en bout surélevée, et serrer à fond le frein à main. Dans l’événement à l’étude, on a tourné le volant de frein à main au-delà de ce qui était nécessaire pour serrer à fond le frein à main, ce qui indique que la contremaître a eu au moins 18 secondesNote de bas de page 80 pour courir jusqu’au wagon CN 302412 et serrer le frein à main. Comme le train de manœuvre était déjà immobilisé sur la voie d’accès MR, il est probable que la collision ait activé le serrage d’urgence des freins à air.

Plus tôt on serre un frein à main en bon état de fonctionnement, plus tôt le wagon commencera à ralentir; dans une situation d’urgence, ce ralentissement donnerait plus de temps pour une évacuation. Quand les freins à main et les plateformes en bout sont surélevés sur un wagon, le temps additionnel qu’il faut pour grimper l’échelle jusqu’à la plateforme retarde le serrage du frein à main et réduit la possibilité d’évacuation en cas d’urgence. De plus, la hauteur additionnelle de la plateforme en bout accroît le risque de blessure durant la descente. Si les wagons de marchandises équipés de freins à main et de plateformes en bout surélevés demeurent en service, le serrage du frein à main en situation d’urgence pourrait être retardé, et l’évacuation d’urgence par un employé pourrait être plus difficile, ce qui accroît le risque de blessure.

2.3 Lancement de wagons à la gare de triage Melville

Les employés doivent se fier à leur jugement et à leur expérience pour déterminer l’endroit et la vitesse de lancement des wagons. Lancer des wagons à une vitesse trop élevée entraîne un attelage brutal avec ceux qui se trouvent sur la voie visée, ou leur sortie de la voie à l’autre bout. Par contre, quand on les lance à une vitesse trop faible, les wagons risquent de perdre leur élan avant de dégager la voie ou de redescendre la pente et d’obstruer la voie. Il est impossible de déterminer à l’avance et d’uniformiser la bonne vitesse à laquelle on doit lancer les wagons, puisque chaque wagon est unique et les conditions environnementales changent constamment.

À la gare de triage Melville, on apprend aux stagiaires en formation au système de télécommande de locomotive (STL) à sélectionner la vitesse de 10 mi/h pour lancer des wagons et à estimer visuellement le moment où les wagons ont atteint une vitesse suffisante pour les lancer. Plus tôt durant son quart, à d’autres endroits de la gare de triage, la contremaître avait lancé des wagons sans problème avec le sélecteur de vitesse réglé à 7 mi/h; elle n’a pas adapté sa stratégie pour lancer des wagons sur la voie d’accès MR, malgré sa pente ascendante. Des essais réalisés après l’accident ont montré que, lancés à la vitesse de 7 mi/h, les 3 wagons n’auraient pas atteint la voie MR13 depuis l’endroit d’où ils ont été lancés.

2.3.1 Plan de manœuvres

Les 2 membres de l’équipe étaient qualifiés pour leurs postes respectifs, et on a dit d’eux qu’ils étaient compétents et consciencieux et qu’ils apprenaient vite. La contremaître possédait une expérience ferroviaire suffisante pour être à l’aise dans les opérations de la gare de triage. Pourtant, son plan pour le lancement des 3 wagons-trémies découverts chargés de ballast sur la voie MR13 sur une pente ascendante était inadéquat, pour les raisons suivantes :

2.4 Formation et expérience de l’équipe de manœuvre

Durant la 2e semaine de la formation STL, le CN prévoit 1 semaine de formation pratique sur des locomotives commandées par STL. Les formateurs veillent à ce que tous les stagiaires reçoivent au moins 8 heures d’utilisation de la télécommande Beltpack.

En général, la formation sur la télécommande Beltpack suffit aux chefs de train qualifiés pour conduire du matériel par STL. Cependant, cette formation ne donne pas nécessairement l’expérience voulue pour effectuer des tâches qui exigent du jugement, comme lancer des wagons sur une pente ascendante. Étant donné les nombreuses variables en jeu, le jugement nécessaire pour effectuer ces types de mouvements de façon efficace et sécuritaire dans diverses conditions ne s’acquiert qu’en milieu de travail, une fois la formation achevée.

À la gare de triage Melville, il arrivait couramment que le contremaître commande tous les mouvements dans la gare de triage, même si les 2 membres de l’équipe sont munis d’une télécommande Beltpack. Cette pratique limitait l’expérience de conduite qu’acquièrent les aides, ce qui pouvait retarder leurs progrès pour devenir des contremaîtres compétents et sécuritaires de manœuvres par STL. De plus, le jumelage d’employés peu expérimentés pour des affectations au service de manœuvre limitait le transfert de connaissances par accompagnement professionnel.

La contremaître dans l’événement à l’étude est entrée au service du CN en septembre 2014; elle a obtenu sa qualification comme chef de train en février 2015 et comme opératrice de locomotive par télécommande en novembre 2015. Après avoir été mise à pied par le CN en avril 2016, elle a travaillé à Cando Rail Services, qui ne pratique pas les manœuvres par télécommande Beltpack. De retour au CN en mars 2017, la contremaître a travaillé 22 quarts à la gare de triage, dont 17 à titre d’aide. Le quart de travail à l’étude n’était que son 5e à la gare de triage comme contremaître avec une télécommande Beltpack.

Même si la contremaître avait à son actif 3 années d’expérience ferroviaire au service de 2 compagnies différentes, elle avait eu peu d’occasions récentes de remplir les fonctions de contremaître d’une équipe de 2 personnes, ou encore de conduire une locomotive par télécommande Beltpack. Cette expérience n’était peut-être pas suffisante pour acquérir les compétences et le jugement nécessaires pour lancer de façon toujours sécuritaire des wagons sur une pente ascendante. La contremaître n’avait qu’une expérience limitée de l’utilisation du STL pour des opérations de manœuvre, ce qui l’a probablement amenée à établir un plan inadéquat et à tenter de lancer les 3 wagons à une vitesse trop lente dans un secteur connu de pente ascendante.

2.5 Communication de l’équipe

Pour assurer la sécurité des opérations ferroviaires, tous les membres de l’équipe doivent avoir les mêmes attentes quand à la façon dont les mouvements seront exécutés et comprendre parfaitement les dangers que posent ces opérations. Par conséquent, la communication continue entre les membres de l’équipe durant tout le quart de travail est d’une importance capitale.

Le CN reconnaît que la communication est un outil essentiel pour maintenir un environnement de travail sécuritaire. C’est pourquoi la formation de chef de train que donne la compagnie aborde la nécessité de la communication. De plus, d’après les Instructions générales d’exploitation du CN, on doit faire en sorte, durant les séances d’information sur les travaux, que tous les membres de l’équipe comprennent les travaux à effectuer. Les séances d’information sur les travaux couvrent, entre autres sujets, les caractéristiques de la voie, comme la pente. Par contre, on n’aborde pas les manœuvres individuelles, puisque la stratégie pour chacune n’est pas toujours établie au moment de la séance. À la gare de triage Melville, la pratique courante veut que l’on communique les manœuvres par radio durant le quart, et que le contremaître fasse une annonce juste avant de lancer des wagons.

Dans l’événement à l’étude, même si la contremaître et l’aide avaient tenu 2 séances d’information sur les travaux, plusieurs éléments du plan n’ont pas été communiqués ou coordonnés efficacement :

Les membres de l’équipe communiquaient peu, et leurs échanges ne couvraient pas en détail la façon d’effectuer les tâches. La communication entre les membres de l’équipe était donc insuffisante, ce qui a contribué à l’élaboration d’un plan inadéquat.

Les deux membres de l’équipe avaient réussi la formation de chef de train, qui aborde l’importance de la communication, mais les deux étaient notoirement réservés. En outre, ils étaient relativement inexpérimentés dans leurs rôles respectifs et n’avaient travaillé ensemble qu’une seule fois auparavant. L’attitude réservée des membres de l’équipe, le manque d’habitude de travailler ensemble et leur relative inexpérience dans leurs rôles le jour de l’accident ont probablement contribué à leur communication peu fréquente durant leur quart.

2.5.1 Gestion des ressources en équipe

La formation sur la gestion des ressources en équipe (CRM) dans le secteur de l’aviation, entre autres, s’est révélée utile aux équipages pour acquérir les compétences qui permettent de surmonter les difficultés à communiquer et de coordonner plus efficacement leurs activités. La formation de chef de train comprend une évaluation de la communication, mais ni l’un ni l’autre des membres de l’équipe n’avait suivi de formation structurée sur la CRM.

Le respect des règles d’exploitation exige la communication entre membres de l’équipe à divers moments, mais il n’y a actuellement aucune exigence réglementaire visant l’inclusion de la formation sur la CRM comme module de la qualification ou la requalification des mécaniciens de locomotive (ML) et chefs de train. Par conséquent, l’adoption de la formation sur la CRM dans le secteur ferroviaire s’est faite de manière sporadique, et l’approche à cet égard varie d’une compagnie de chemin de fer à l’autre. Notamment, le CN n’offre aux ML et aux chefs de train aucune formation structurée sur la CRM applicable au secteur ferroviaire. Si les membres de l’équipe ne reçoivent aucune formation sur la CRM améliorée pour développer les compétences de communication et de coordination de l’équipe, il y a un risque accru qu’une communication inadéquate dans l’équipe mène à une exploitation non sécuritaire.

2.6 Tentative par la contremaître d’arrêter le mouvement non contrôlé

Durant la formation STL à la gare de triage Melville, on souligne que la pente ascendante sur la voie d’accès MR peut poser problème quand on lance des wagons vers les voies MR19 à MR10. La consigne que l’on donne aux équipes veut qu’un membre de l’équipe se poste de manière à observer les wagons et intervienne en montant sur les wagons pour serrer le frein à main, au cas où ils redescendraient inopinément la pente.

Quand elle a constaté qu’une rame de wagons redescendait la pente sur la voie d’accès MR, la contremaître a couru vers le mouvement non contrôlé, a grimpé sur le wagon de tête – qui était équipé d’un frein à main surélevé – et a tenté d’arrêter le mouvement en serrant le frein à main. Comme les wagons roulaient lentement, la contremaître a probablement estimé que le frein à main pourrait arrêter leur course. D’autres options s’offraient à elle, mais on ne saura jamais avec certitude les raisons qui ont motivé sa décision, prise dans le feu de l’action.

2.7 Jumelage d’opérateurs inexpérimentés

La Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis a mené une étude sur les opérations par STL. Même si cette étude portait principalement sur les pratiques des chemins de fer américains (des compagnies de chemin de fer canadiennes ont participé à un des groupes de discussion), l’analyse et les résultats s’appliquent au secteur ferroviaire nord-américain.

Le rapport a souligné la préoccupation quant au fait que les nouveaux employés qui reçoivent une formation sur l’utilisation du STL ont besoin de temps pour acquérir les connaissances et les compétences en matière d’exploitation ferroviaire. Ce rapport a également souligné les risques posés par le jumelage de membres d’équipe inexpérimentés pour effectuer des opérations par STL. Le rapport a de plus souligné que le manque de formation sur une certaine manœuvre ou sur un certain secteur de la gare de triage était un facteur contributif dans des accidents antérieurs d’opération par STL.

Depuis 2007, le BST a achevé 6 enquêtes (incluant celle sur l’événement à l’étude) qui soulignent les risques associés au jumelage de chefs de train peu expérimentés pour effectuer des affectations de triage (annexe C). Le BST a déterminé que le niveau d’expérience des chefs de train avait contribué à ces événements par la probabilité accrue d’erreurs et le manque de connaissances pour prendre des décisions efficaces en ce qui concerne la planification et la conduite du train. De plus, le BST a déterminé que la pratique consistant à jumeler des employés peu chevronnés dans le cadre d’affectations au service de manœuvre prive les employés de l’accompagnement professionnel et du mentorat requis pour développer le jugement nécessaire à la conduite de trains.

Aucune exigence de la réglementation ou de la compagnie ne stipule le temps ou l’expérience requis avant qu’un chef de train assume les fonctions de contremaître de triage. Cependant, avant qu’un employé puisse obtenir la qualification de contremaître, il doit manifester les compétences requises pour effectuer ces tâches. Au CN, on attribue habituellement les tâches de contremaître au membre de l’équipe qui a le plus d’ancienneté à la compagnie, peu importe son expérience dans cette fonction. Comme le système d’établissement des horaires du CN affecte les employés d’exploitation aux fonctions de triage selon leur ancienneté, il se peut que des contremaîtres de triage n’aient que peu d’expérience des opérations ou du STL. Si la fonction de contremaître de triage n’est soumise à aucune exigence sur l’expérience dans les tâches requises, le système d’établissement des horaires qui sert à doter ces postes pourrait faire que des employés inexpérimentés se voient confier des tâches qu’ils connaissent mal, ce qui accroît les risques d’erreurs.

2.8 Surveillance réglementaire de la qualification et de la formation du personnel d’exploitation ferroviaire

Le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires qui régit le personnel d’exploitation ferroviaire indique les sujets auxquels doit être formé chaque candidat dans 4 catégories d’emploi distinctes. Cependant, comme ce règlement n’a pas été actualisé depuis plus de 30 ans, il ne reflète pas certains aspects plus récents de l’environnement opérationnel des chemins de fer. Le STL est un de ces aspects. Par conséquent, aucune catégorie d’emploi n’exige une formation sur le STL.

Le comité d’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire s’est penché sur la question de la formation et de la qualification dans son rapport intitulé Renforcer les liens : Un engagement partagé pour la sécurité ferroviaire – Examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire, publié en 2007. Ce comité a examiné le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en ce qui a trait aux normes de qualification des employés d’exploitation, à la qualification progressive, à la formation et à la surveillance réglementaire. Le rapport du comité d’examen a relevé le fait que le cadre réglementaire entourant la qualification des employés de chemin de fer n’avait pas suivi la cadence des importants changements survenus dans l’environnement opérationnel des chemins de fer.

Une enquête précédente du BST (R16T0111) a permis de cerner des lacunes dans le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires en vigueur. Dans cette enquête, le Bureau a fait remarquer que dans son plan ministériel pour 2017-2018, TC prévoyait mettre à jour le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, mais ce dossier n’avait guère progressé à ce moment-là. Par conséquent, le Bureau avait recommandé que TC actualise le règlement de manière à combler les lacunes existantes relatives aux normes de formation, de qualification et de requalification, de même qu’à la surveillance réglementaire, des employés de chemin de fer qui occupent des postes essentiels à la sécurité.

Le comité d’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire s’est de nouveau penché sur la question de la formation et de la qualification en 2018. Son rapport, intitulé Améliorer la sécurité ferroviaire au Canada : bâtir ensemble des collectivités plus sécuritaires, comprend la conclusion suivante :

  • Le Comité est satisfait et encouragé par les efforts actuels de Transports Canada visant à mettre à jour (et à élargir) son approche du cadre de formation et de qualification des employés des compagnies de chemin de fer en vue de réviser et de remplacer la réglementation actuelle. C’est un projet important, étant donné les nombreux changements que vit l’industrie ferroviaire dans les domaines des nouvelles technologies, le roulement élevé du personnel et les nouvelles embauches connexesNote de bas de page 81.

Toutefois, le règlement existant n’a toujours pas été remplacé. À défaut de mettre à jour le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, l’efficacité de la surveillance réglementaire et de la mise en application de la réglementation à l’égard des tâches essentielles à la sécurité sera compromise, ce qui augmente les risques d’activités ferroviaires non sécuritaires.

2.9 Systèmes de gestion de la sécurité

Outre le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, les articles 25 à 27 du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire stipulent que toute compagnie de chemin de fer doit avoir un processus pour gérer les connaissances qui inclut la formation et la qualification pour les postes au sein de la compagnie qui remplissent des tâches essentielles à la sécurité des activités ferroviaires. En ce qui a trait à la gestion des connaissances, le CN avait une liste détaillée de tâches essentielles pour ses ML, ses chefs de train et ses opérateurs de locomotive par télécommande. Le CN avait aussi indiqué les compétences et qualifications requises pour effectuer les tâches essentielles ainsi qu’un processus pour les employés d’exploitation. Les compétences et qualifications indiquées pour les opérateurs de locomotive par télécommande et les chefs de train ne comprenaient pas la conduite de trains et l’exploitation de locomotives. De plus, il n’y avait aucune exigence minimale en matière d’expérience pour remplir les fonctions de contremaître de triage et d’opérateur de locomotive par télécommande.

Le programme Partners in Prevention du CN reconnaît la nécessité d’assurer une communication franche et efficace pour réaliser les améliorations au chapitre de la sécurité plutôt que de compter sur un système punitif pour encourager les comportements sécuritaires. Ce programme est un pas dans la bonne direction pour établir un SGS d’entreprise qui considère les incidents, incluant ceux causés par l’erreur humaine, comme des occasions d’apprentissage qui aident à forger une culture de sécurité plus forte.

Une gestion efficace de la sécurité exige en outre de cerner les problèmes systémiques pour favoriser la prévention d’accidents et de permettre aux employés de signaler infractions et les dangers pour la sécurité sans crainte de représailles. Dans l’événement à l’étude, le secteur de la gare de triage où s’est produit l’accident (la voie d’accès MR) est un endroit reconnu pour les mouvements non contrôlés. Un examen de la base de données sur les événements ferroviaires (RODS) du BST a permis de déterminer que l’événement à l’étude était le 12e mouvement non contrôlé à la gare de triage Melville au cours des 10 dernières années. De ces 12 événements, 8 se sont produits dans le secteur de la voie d’accès MR (3 cas de wagons qui ont redescendu la pente et 5 cas d’immobilisation inadéquate). Ces données comprennent uniquement les incidents qui ont entraîné des conséquences graves et qui ont été signalés au BST.

2.9.1 Signalement des quasi-accidents par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

Le fait que le secteur ferroviaire a depuis longtemps recours à des mesures punitives pour contrer les infractions et les violations commises par les employés pourrait nuire à la collecte de données exactes sur les quasi-accidents par l’autodéclaration.

Toutefois, certaines compagnies de chemin de fer ont commencé à mettre en œuvre le signalement des quasi-accidents. Par exemple, VIA Rail Canada Inc. (VIA Rail) encourage ses équipes de train à signaler les quasi-accidents aux passages à niveau afin d’aider la compagnie à déterminer les passages à niveau posant problèmes. VIA Rail encourage en outre ses équipes à signaler les quasi-accidents et les cas de violation des règles, étant entendu qu’il n’y aura aucune mesure disciplinaire, ou bien des mesures disciplinaires réduites, pour les équipes qui s’autodéclarent.

En 2013, le CN a mis en place un service d’appel direct indépendant appelé PREVENT, géré par l’Université St. Mary’s de Halifax (Nouvelle-Écosse), pour permettre aux employés de signaler les quasi-accidents. La compagnie encourageait les employés à signaler les quasi-accidents. L’université présentait les données de manière à assurer la confidentialité des signalements. Cependant, ce programme n’a eu qu’un succès limité, et la compagnie y a mis fin en 2017.

En vertu de la « Procédure et politique SGS pour signaler les infractions ou les dangers pour la sécurité » du CN, les employés doivent signaler à la direction locale tous les dangers pour la sécurité ainsi que leurs inquiétudes liées à la sécurité. Les employés qui souhaitent signaler une infraction ou un danger pour la sécurité sans crainte de représailles doivent communiquer avec le bureau de l’ombudsman du CN. De 2009 à 2018 inclusivement, le bureau de l’ombudsman a reçu 147 signalements confidentiels liés à la sécurité, soit l’équivalent d’environ 1 signalement par mois.

Même si certains enjeux de sécurité ont été signalés au bureau de l’ombudsman du CN, ce processus n’était généralement pas annoncé comme un système de signalement des quasi-accidents. La présente enquête a permis de déterminer que beaucoup d’employés ont été témoins de wagons qui redescendent la pente sur la voie d’accès MR, mais que, par crainte de s’exposer à des mesures disciplinaires, ils étaient peu enclins à signaler à la compagnie les incidents qui n’avaient pas entraîné de collision, de déraillement ou de dommages à la voie ou à du matériel roulant. Par conséquent, le nombre total de mouvements non contrôlés dans ce secteur, incluant ceux qui n’ont causé aucun dommage, pourrait être plus élevé mais demeurer inconnu. Si le SGS d’une compagnie de chemin de fer ne prévoit pas le signalement de tous les problèmes opérationnels systémiques qui donnent lieu à des quasi-accidents sans conséquence grave, des stratégies d’atténuation efficaces ne seront pas mises en œuvre, ce qui accroît le risque que des accidents similaires ou plus graves continuent de se produire.

2.10 Mouvements non contrôlés à la gare de triage Melville

À la suite de l’enquête du BST sur l’accident à Lac-MéganticNote de bas de page 82, le Bureau a recommandé que TC oblige les compagnies de chemin de fer canadiennes à mettre en place des moyens de défense physiques additionnels pour empêcher le matériel roulant de partir à la dérive (recommandation R14-04 du BST). En réponse, TC a mis en œuvre plusieurs initiatives, incluant le renforcement des exigences relatives à l’immobilisation dans la règle 112 du REFC et l’établissement d’un plan de supervision exhaustif de cette nouvelle règle. Le Bureau a vu d’un bon œil ces initiatives de TC, mais il a noté que les mécanismes de défense actuels semblent insuffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et améliorer la sécurité.

Dans un rapport d’enquête ferroviaire subséquent du BSTNote de bas de page 83 qui portait sur un mouvement non contrôlé survenu pendant des manœuvres sans freins à air, le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité selon laquelle les moyens de défense actuels ne permettent pas de réduire le nombre de mouvements non contrôlés et d’accroître la sécurité.

Bien que la formation et l’expérience puissent réduire les erreurs durant la manœuvre de wagons, incluant le lancement de wagons dans les manœuvres sans freins à air, on ne saurait s’y fier pour les éliminer entièrement. Les antécédents en matière de mouvements non contrôlés sur la voie d’accès MR montrent bien que la pente ascendante dans ce secteur peut poser des difficultés particulières. Le CN le savait et avait cerné les principales causes des mouvements non contrôlés sur la voie d’accès MR : immobilisation inadéquate et erreurs des opérateurs. Les mesures correctives locales prises par le CN étaient axées sur la formation individuelle des employés, la clarification des instructions et une surveillance accrue. Toutefois, ces mesures n’ont pas entièrement résolu les problèmes liés aux manœuvres sur la pente ascendante de la voie d’accès MR.

2.11 Statistiques sur les mouvements imprévus ou non contrôlés

De 2009 à 2018, on a recensé 562 mouvements imprévus ou non contrôlés, et la tendance au cours de cette période de 10 ans était à la hausse. Cette tendance laissait présager une augmentation de 1,67 événement par année, 86 % de l’augmentation globale étant liée à des manœuvres sans freins à air. Durant cette période, on a relevé 185 événements impliquant des manœuvres sans freins à air; 70 (38 %) sont survenus à cause de wagons qui ont redescendu la pente, et 56 (30 %) comprenaient des marchandises dangereuses. Les principaux résultats de ces événements ont été des collisions (134, soit 72 %) et des déraillements (76, soit 41 %). Deux événements (1 %), incluant celui à l’étude, ont causé la mort d’un employé.

Les manœuvres sans freins à air sont routinières, et il s’en fait tous les jours dans le secteur ferroviaire, mais cette pratique comporte néanmoins des risques qui peuvent avoir de graves conséquences. Si l’on n’adopte pas de stratégies efficaces pour améliorer la sécurité pendant les manœuvres sans freins à air, des mouvements non contrôlés continueront de se produire, ce qui augmente le risque de conséquences négatives. Malgré les mesures de sécurité prises par TC et par le secteur ferroviaire, le résultat recherché, soit une forte réduction du nombre de mouvements non contrôlés, tarde à se concrétiser.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. L’accident s’est produit lorsque 3 wagons-trémies découverts chargés de ballast, lancés sur la pente ascendante de la voie d’accès MR, ont perdu leur élan et ont redescendu la pente, puis sont entrés en collision avec le wagon de tête du train de manœuvre, le wagon PLCX 21492 vide, qui obstruait la voie d’accès.
  2. Alors qu’elle essayait d’immobiliser les wagons non contrôlés en serrant le frein à main du wagon CN 302412, la contremaître s’est trouvée coincée entre les wagons PLCX 21492 et CN 302412, et a été mortellement blessée.
  3. Lorsque la contremaître a serré le frein à main, les soudures qui fixaient le support du levier coudé à la face inférieure de la traverse extrême du bout B du wagon CN 302412 ont cédé, et le levier coudé et son support se sont séparés du wagon, ce qui a rendu le frein à main inopérant.
  4. Comme l’efficacité de freinage du frein à main était compromise, le mouvement non contrôlé n’a pas été immobilisé ou ralenti, ce qui a laissé peu de possibilités et de temps à la contremaître pour se mettre à l’abri.
  5. Ni les inspections régulières avant le départ, ni les inspections autorisées des wagons, ni les essais de frein à air sur wagon individuel n’ont permis de détecter les soudures fissurées du support du levier coudé avant sa défaillance.
  6. Le plan de la contremaître pour le lancement des 3 wagons-trémies découverts chargés de ballast sur la voie MR13 sur une pente ascendante était inadéquat parce qu’il ne tenait pas compte de l’espace nécessaire pour recevoir les 3 wagons, de l’élan dont les wagons avaient besoin pour atteindre la voie de destination et de la nécessité de surveiller le mouvement pour s’assurer que la vitesse était suffisante pour que les wagons parviennent à destination.
  7. La contremaître n’avait qu’une expérience limitée de l’utilisation du système de télécommande de locomotive pour des opérations de manœuvre, ce qui l’a probablement amenée à établir un plan inadéquat et à tenter de lancer les 3 wagons à une vitesse trop lente dans un secteur connu de pente ascendante.
  8. La communication entre les membres de l’équipe a été insuffisante, ce qui a contribué à l’établissement d’un plan inadéquat.
  9. L’attitude réservée des membres de l’équipe, le manque d’habitude de travailler ensemble et leur relative inexpérience dans leurs rôles le jour de l’accident ont probablement contribué à leur communication peu fréquente durant leur quart.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si l’assujettissement des supports de levier coudé et des leviers coudés, éléments essentiels au fonctionnement sécuritaire des freins à main, n’est pas soumis aux mêmes critères de montage et d’inspection que les appareils de sécurité, un levier coudé défectueux pourrait compromettre l’efficacité du frein à main, ce qui accroît le risque d’accident.
  2. Si les wagons de marchandises équipés de freins à main et de plateformes en bout surélevés demeurent en service, le serrage du frein à main en situation d’urgence pourrait être retardé, et l’évacuation d’urgence par un employé pourrait être plus difficile, ce qui accroît le risque de blessure.
  3. Si les membres de l’équipe ne reçoivent aucune formation sur la gestion des ressources en équipe améliorée pour développer les compétences de communication et de coordination de l’équipe, il y a un risque accru qu’une communication inadéquate dans l’équipe mène à une exploitation non sécuritaire.
  4. Si la fonction de contremaître de triage n’est soumise à aucune exigence sur l’expérience dans les tâches requises, le système d’établissement des horaires qui sert à doter ces postes pourrait faire que des employés inexpérimentés se voient confier des tâches qu’ils connaissent mal, ce qui accroît les risques d’erreurs.
  5. À défaut de mettre à jour le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, l’efficacité de la surveillance réglementaire et de la mise en application de la réglementation à l’égard des tâches essentielles à la sécurité sera compromise, ce qui augmente les risques d’activités ferroviaires non sécuritaires.
  6. Si le système de gestion de la sécurité d’une compagnie de chemin de fer ne prévoit pas le signalement de tous les problèmes opérationnels systémiques qui donnent lieu à des quasi-accidents sans conséquence grave, des stratégies d’atténuation efficaces ne seront pas mises en œuvre, ce qui accroît le risque que des accidents similaires ou plus graves continuent de se produire.
  7. Si l’on n’adopte pas de stratégies efficaces pour améliorer la sécurité pendant les manœuvres sans freins à air, des mouvements non contrôlés continueront de se produire, ce qui augmente le risque de conséquences négatives.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1.  Avant la collision, le volant de frein à main sur le wagon CN 302412 avait été tourné au-delà de ce qui était nécessaire pour serrer à fond le frein à main.
  2. Une fois serré à fond, le frein à main du wagon CN 302412 aurait pu arrêter le mouvement non contrôlé en deçà de la distance disponible s’il avait été entièrement efficace.
  3. Comme un support de levier coudé et un levier coudé détachés pendraient du wagon et les inspecteurs et les employés d’exploitation les verraient facilement, ces éléments étaient probablement en place durant la plus récente inspection autorisée du wagon CN 302412 et juste avant l’accident.
  4. L’importante corrosion sur les surfaces de rupture des soudures qui fixaient le support du levier coudé à la face inférieure de la traverse extrême du bout B du wagon CN 302412 indique que les fissures étaient sans doute présentes (mais non détectées) depuis longtemps, y compris durant la plus récente inspection autorisée du wagon.
  5. Aucune inspection détaillée des soudures du support du levier coudé n’est requise durant l’inspection autorisée de wagon, et toute fissure dans les joints soudés aurait été difficile à déceler, étant donné l’emplacement des soudures.
  6. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada a entrepris une inspection détaillée de son parc de wagons-trémies découverts. Cette mesure a permis de déterminer que 63 des 857 wagons présentaient en tout 71 défectuosités, dont 5 liées au support du levier coudé.
  7. Comme le train de manœuvre était déjà immobilisé sur la voie d’accès MR, il est probable que la collision ait activé le serrage d’urgence des freins à air.  
  8. Les mesures correctives locales prises par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada étaient axées sur la formation individuelle des employés, la clarification des instructions et une surveillance accrue. Toutefois, ces mesures n’ont pas entièrement résolu les problèmes liés aux manœuvres sur la pente ascendante de la voie d’accès MR.
  9. Malgré les mesures de sécurité prises par Transports Canada et par le secteur ferroviaire, le résultat recherché, soit une forte réduction du nombre de mouvements non contrôlés, tarde à se concrétiser.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

À la suite de l’accident, la compagnie a émis plusieurs avis locaux et instructions spéciales indiquant des endroits où le lancement de wagons sur une pente ascendante était interdit. Le 1er février 2018, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a diffusé le bulletin d’exploitation de réseau no 001. Ce bulletin indiquait que, pour prévenir la possibilité que le matériel roulant redescende la pente de manière inopinée durant les manœuvres, même si l’on prévoit se transporter sur le matériel jusqu’à l’arrêt, la phrase suivante serait ajoutée à l’article 8.4.12 des Instructions générales d’exploitation (IGE) du CN : « Il est interdit d’effectuer un dételage en mouvement (kick) ou une manœuvre par lancement (drop) sur une pente ascendante ».

En ce qui a trait à la protection de l’avant d’un mouvement par les équipes utilisant le système de télécommande de locomotive (STL), le 1er mai 2018, le CN a ajouté ce qui suit à la section 6 de ses IGE :

6.5 PRESCRIPTIONS D’UTILISATION

6.5.1 Consignes d’exploitation – Remplacer l’article par ce qui suit :

  • Chaque affectation comptant deux membres du personnel doit disposer de deux pupitres portables en ordre de marche au début du quart de travail.
  • Les pupitres en ordre de marche doivent être portés en permanence. L’opérateur surveillant la tête du mouvement doit prendre les commandes à l’aide de la fonction de transfert (Ne s’applique pas lorsque le pupitre d’un opérateur est défectueux.) :
    • lorsqu’une manœuvre de pousse ou de traction est effectuée sur une distance de plus de 20 wagons; ou
    • lorsque le mouvement risque de devoir s’arrêter devant des aiguillages, des signaux, des dérailleurs, la fin d’une voie ou des signaux rouges.
  • L’opérateur doit pouvoir continuellement voir et surveiller le mouvement qu’il commande. Toute son attention doit aller à la conduite et il ne doit pas s’en laisser distraire. […]Note de bas de page 84.

À la suite de l’accident, le CN a examiné la façon d’effectuer les manœuvres à la gare de triage Melville. Cet examen a permis au CN de déterminer les endroits où la reconfiguration de la voie et des changements à la pente de la voie réduiraient considérablement la probabilité que le matériel redescende la pente et qu’il se produise un mouvement non contrôlé. Les manœuvres se font désormais à l’extrémité ouest de la gare de triage, là où les modifications susmentionnées ont été apportées.

4.2 Mesures de sécurité à prendre

4.2.1 Réduction de la fréquence des mouvements non contrôlés et des risques connexes pendant les manœuvres sans freins à air

Dans l’événement à l’étude, la contremaître commandait un train de manœuvre par STL pendant des manœuvres sans freins à air à la gare de triage Melville. Durant les opérations de manœuvre, la contremaître a été coincée entre le train de manœuvre et le wagon de tête d’un mouvement non contrôlé pendant qu’elle tentait d’arrêter le mouvement en serrant un frein à main. La contremaître a été mortellement blessée.

En général, les mouvements non contrôlés sont attribuables à 1 des 3 causes générales suivantes : perte de maîtrise; manœuvres sans freins à air; et immobilisation insuffisante. Depuis 2016, le Bureau de la sécurité des transports (BST) a achevé 3 enquêtesNote de bas de page 85, incluant celle-ci, sur des mouvements non contrôlés qui se sont produits dans des gares de triage pendant des manœuvres sans freins à air.

Les manœuvres sans freins à air se produisent quand la manœuvre d’un mouvement se fait avec les freins directs de locomotive, mais sans freins à air sur les wagons qui sont manœuvrés ou lancés. La grande majorité se produit dans les gares de triage.

Dans l’événement R16W0074 du BST, comme dans l’événement à l’étude, des opérateurs relativement inexpérimentés effectuaient des opérations de manœuvre sans freins à air à la gare de triage Sutherland du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) à Saskatoon (Saskatchewan). L’enquête a permis de déterminer que malgré les initiatives lancées par Transports Canada (TC) et par le secteur ferroviaire, le résultat recherché, soit une forte réduction du nombre de mouvements non contrôlés, ne s’était pas encore concrétisé. Par conséquent, le Bureau s’inquiétait du fait que les mécanismes de défense actuels étaient insuffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et améliorer la sécurité.

De 2009 à 2018, il y a eu 562 mouvements imprévus ou non contrôlés. La tendance a été à la hausse durant cette décennie. L’augmentation moyenne pour toutes les catégories était de 1,67 événement par année, 86 % de l’augmentation globale étant liés à des manœuvres sans freins à air. Parmi les 185 événements impliquant des manœuvres sans freins à air, 70 (38 %) sont survenus à cause de wagons qui ont redescendu la pente, et 56 (30 %) comprenaient des marchandises dangereuses. Les principaux résultats de ces événements ont été des collisions (134, soit 72 %) et des déraillements (76, soit 41 %). Deux de ces événements (1 %), incluant celui à l’étude, ont causé la mort d’un employé.

Les manœuvres sans freins à air sont routinières, et il s’en fait tous les jours dans le secteur ferroviaire, mais cette pratique comporte certains risques qui peuvent entraîner de graves conséquences. Si l’on n’adopte pas de stratégies efficaces pour améliorer la sécurité pendant les manœuvres sans freins à air, des mouvements non contrôlés continueront de se produire, ce qui augmente le risque et la gravité de conséquences négatives.

Il incombe au secteur ferroviaire d’avoir des règles, des instructions, des procédures et des processus en place pour gérer ses opérations de façon sécuritaire. Les cheminots qui participent directement à ces opérations savent le mieux comment ces travaux se déroulent en réalité, et ils sont les plus touchés lorsque des accidents se produisent. Cependant, il incombe également à l’organisme de réglementation de mettre en place des mesures d’application, des règles et des règlements adéquats pour garantir une surveillance réglementaire efficace afin d’assurer la sécurité des opérations.

Les mesures de sécurité prises par TC et le secteur ferroviaire à ce jour ont porté principalement sur les pratiques d’immobilisation. Toutefois, le résultat recherché, soit une forte réduction du nombre de mouvements non contrôlés, tarde à se concrétiser.

Les causes sous-jacentes des mouvements non contrôlés qui se produisent pendant les manœuvres sans freins à air varient énormément. C’est pourquoi il s’avère difficile d’élaborer une stratégie globale pour gérer efficacement tous les facteurs sous-jacents et les risques connexes afin de réduire le nombre de ces mouvements non contrôlés. Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports collabore avec le secteur ferroviaire et les représentants des travailleurs pour cerner les causes sous-jacentes des mouvements non contrôlés qui se produisent pendant les manœuvres sans frein à air, et pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies ou des exigences réglementaires afin de réduire leur fréquence.
Recommandation R20-01 du BST

4.3 Préoccupation liée à la sécurité

4.3.1 Jumelage d’opérateurs inexpérimentés de système de télécommande de locomotive

Dans le secteur ferroviaire, à l’échelle nationale, on confie à des chefs de train les tâches d’opérateurs de locomotive télécommandée, en particulier dans les gares de triage. Le poste de chef de train est habituellement un poste syndiqué régi par une convention collective conclue entre l’employeur et le syndicat des employés. Dans la plupart des cas, on affiche chaque semaine les affectations locales en gare de triage que peuvent postuler les employés. Une fois que les employés ont postulé, les affectations sont accordées en fonction de l’ancienneté, conformément à la convention collective.

Certaines des affectations affichées sont plus convoitées à cause du taux de rémunération, des jours de congé et des heures de travail. Habituellement, on considère les quarts de soir et de nuit comme étant les moins désirables. De plus, les postes à la gare de triage sont habituellement considérés comme les moins désirables, parce qu’ils offrent les taux de rémunération les plus faibles. Si personne ne postule une affectation particulière, on la donne habituellement à l’employé ayant le moins d’ancienneté.

Compte tenu du roulement de personnel élevé dans le secteur ferroviaire au cours des dernières années, il n’est pas rare de voir les 2 employés les moins chevronnés et les moins expérimentés d’un terminal travailler ensemble dans les gares de triage, en particulier durant les quarts de soir et de nuit. Le jumelage de membres d’équipe inexpérimentés n’a rien d’inhabituel dans le secteur ferroviaire au Canada.

Depuis 2007, le BST a achevé 6 enquêtes (incluant celle sur l’événement à l’étude) qui soulignent les risques liés au jumelage de chefs de train ayant peu d’expérience pour effectuer des affectations de triage (annexe C). Le BST a déterminé que le manque d’expérience relatif des opérateurs de locomotive télécommandée (chefs de train) avait contribué à ces événements par des connaissances insuffisantes pour prendre des décisions efficaces en ce qui concerne la planification et la conduite du train. De plus, le BST a déterminé que la pratique consistant à jumeler des employés peu chevronnés dans le cadre d’affectations au service de manœuvre prive les employés de l’accompagnement professionnel et du mentorat requis pour développer le jugement nécessaire à la conduite de trains.

Même si un employé d’exploitation doit manifester les compétences requises pour effectuer les tâches d’un contremaître qualifié, aucune exigence de la réglementation ou de la compagnie ne stipule le temps ou l’expérience requis avant qu’un chef de train assume les fonctions de contremaître de triage. Ces rôles sont réservés aux employés syndiqués régis par une convention collective. Par conséquent, on attribue habituellement les tâches de contremaître au membre de l’équipe ayant le plus d’ancienneté à la compagnie, peu importe son expérience dans cette fonction.

De plus, comme les systèmes d’établissement des horaires affectent habituellement les employés d’exploitation aux fonctions de triage selon leur ancienneté, il se peut que des contremaîtres de triage n’aient que peu d’expérience des opérations et du STL. Si la fonction de contremaître de triage n’est soumise à aucune exigence en matière d’expérience dans les tâches requises, le système d’établissement des horaires qui sert à doter ces postes pourrait faire que des employés inexpérimentés se voient confier des tâches qu’ils connaissent mal, ce qui accroît les risques d’erreurs.

Compte tenu du roulement continu d’employés dans le secteur ferroviaire et des conséquences négatives potentielles du jumelage d’opérateurs de locomotive télécommandée inexpérimentés dans les gares de triages, le Bureau s’inquiète du fait que, sans mesure d’atténuation additionnelle, le jumelage d’opérateurs de locomotive télécommandée inexpérimentés se poursuivra dans les gares de triage avec un risque correspondant que des conséquences négatives continuent de se produire.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié en premier lieu le .

Correction

La traduction française du résumé dans le présent rapport a été corrigée pour refléter le contenu du résumé de la version anglaise du rapport.

La version corrigée du rapport a été publiée le 21 avril 2022.

Annexes

Annexe A – Mouvements non contrôlés à la gare de triage Melville au cours des 10 ans qui ont précédé l’événement à l’étude

Numéro d’événement Date Résumé Cause
R17W0047 2017-02-26 Un train de manœuvre télécommandé à la gare de triage Melville de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a garé le wagon chargé COER 800982 (chargement de minerai de fer) sur la voie MR19. Le wagon est parti à la dérive peu après et a pris en écharpe la locomotive télécommandée CN 7258 sur la voie d’accès. Aucune blessure n’a été signalée. Il n’y a pas eu de déraillement. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause. Le wagon et la locomotive ont été endommagés. Immobilisation insuffisante
R14W0274 2014-11-02 Durant des opérations de manœuvre à la gare de triage Melville du CN, le train de manœuvre télécommandé YMYS60 a lancé 2 wagons sur la voie MR13. Alors que le train de manœuvre était à l’arrêt sur la voie d’accès, les wagons ont redescendu la voie MR13, et le wagon IC 799619 (wagon-trémie couvert vide) est entré en collision avec la locomotive asservie CN 268. Aucune blessure n’a été signalée. Il n’y a eu ni dommage ni déraillement. Matériel roulant qui redescend la pente
R14W0264 2014-10-04 Durant des opérations de manœuvre normales, le train de manœuvre télécommandé YMYS60 du CN a déplacé 20 wagons sur la voie d’accès est pour garer 1 wagon sur la voie MR13. Pendant que le train de manœuvre regagnait la voie d’accès, les 20 wagons ont redescendu la pente sur environ 100 pieds, ce qui a entraîné une collision avec le train de manœuvre. Aucune blessure n’a été signalée. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause. Les appareils de sécurité de 2 des wagons ont été endommagés. Immobilisation insuffisante
R14W0175 2014-07-20 Durant des opérations de manœuvre à partir de la voie d’accès est MX01, 4 wagons chargés de sel ont redescendu la pente de la voie d’accès pendant que l’équipe (affectation de triage de 8 h 30 du CN) lançait 3 autres wagons sur la voie MA10. Le wagon NMIX 86030 a percuté le wagon NMIX 9508; ces 2 wagons ont déraillé, tout comme 2 autres wagons, NMIX 9115 et NMIX 172503, tous à la verticale. Aucune blessure n’a été signalée. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause. Environ 200 pieds de voie ont été endommagés. Matériel roulant qui redescend la pente
R14W0170 2014-07-12 Pendant que le train facultatif de manœuvre de 15 h 45 du CN effectuait des opérations de manœuvre à la gare de triage Melville, le wagon GATX 57254 (wagon de résidus ayant contenu du gaz de pétrole liquéfié) a dérivé vers l’est sur la voie MR14 et a déraillé lorsqu’il a pris en écharpe le wagon PROX 31866 (wagon de résidus ayant contenu du gaz de pétrole liquéfié) sur la voie d’accès est. Aucune blessure n’a été signalée. Les 2 wagons ont été endommagés. Matériel roulant qui redescend la pente
R13W0342 2013-07-06 Après avoir tiré des wagons de la voie de réparation MR23 à la gare de triage Melville, l’équipe de triage à bord du train de manœuvre de l’affectation de 15 h 30 du CN a indiqué que le wagon CN 383183, laissé sur la voie, était parti à la dérive et avait déraillé sur un dérailleur. Aucune blessure n’a été signalée. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause. Immobilisation insuffisante
R13W0340 2013-04-23 Après que l’affectation de triage de 15 h 30 eut garé une rame de wagons sur la voie MR13 à la gare de triage Melville, on a signalé que les wagons étaient partis à la dérive avant de percuter un wagon sur la voie d’accès. Un wagon-trémie couvert a été endommagé dans cette collision. Aucune blessure n’a été signalée. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause. Immobilisation insuffisante
R13W0171 2013-07-01 Durant des opérations de manœuvre à la gare de triage Melville, le train de manœuvre YMY-605-30 du CN a garé une rame de wagons sur la voie d’accès avant de s’engager sur la voie MR16. On a signalé que les wagons sur la voie d’accès étaient partis à la dérive et qu’ils avaient heurté le côté du train de manœuvre. Aucune blessure n’a été signalée. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause. La collision a causé des dommages à 2 wagons. Immobilisation insuffisante
R10W0257 2010-11-10 L’affectation de triage de 14 h du CN tirait des wagons depuis la voie MA10 à la gare de triage Melville quand une rame de wagons partis à la dérive depuis la voie MR05 l’a percutée. La collision a fait dérailler 1 wagon. Aucune blessure n’a été signalée. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause. Immobilisation insuffisante
R09W0278 2009-11-22 L’affectation de triage de 6 h du CN effectuait des opérations dans le secteur est de la gare de triage Melville; elle a garé une rame de 2 wagons sur la voie MR14 avant de se rendre à la voie MR16. On a signalé que les wagons garés sur la voie MR14 étaient partis à la dérive. Ces wagons ont percuté le côté d’un wagon plat que le train de manœuvre poussait sur la voie MR16, et l’ont fait dérailler. Aucune blessure n’a été signalée. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause. Immobilisation insuffisante
R08W0086 2008-04-22 Le train de manœuvre de 14 h à la gare de triage Melville du CN a indiqué que le wagon CNLX 10262 l’avait heurté pendant qu’il tirait 2 wagons depuis la voie MA05. Le wagon CNLX 10262 a déraillé, et les 2 autres wagons ont été endommagés. Le train de manœuvre de 14 h venait tout juste de placer le wagon CNLX 10262 sur la voie MA10 quand celui-ci est parti à la dérive et a causé la collision. Aucune blessure n’a été signalée. Immobilisation insuffisante

Annexe B – Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires

Le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires indique, entre autres :

Dispositions générales

  1. La compagnie de chemin de fer doit donner à ses employés la formation nécessaire pour l’application du présent règlement.
  2. (1) La compagnie de chemin de fer ne peut permettre à un employé de remplir les fonctions de mécanicien de locomotive, de mécanicien de manœuvre, de chef de train ou de contremaître de triage, que si l’employé :

    (a)  a la compétence requise pour cette catégorie d’emploi, conformément à l’article 14; et

    (b) dans le cas d’un mécanicien de locomotive ou d’un mécanicien de manœuvre, a obtenu la note de passage requise pour la formation en cours d’emploi propre à cette catégorie d’emploi. […]

  3. La compagnie de chemin de fer doit donner aux candidats au poste de mécanicien de locomotive ou de mécanicien de manœuvre une formation en cours d’emploi dans les sujets requis qui est suffisante pour leur permettre de démontrer aux moniteurs et aux examinateurs qu’ils ont la compétence nécessaire pour s’acquitter des fonctions requises.
  4. L’examinateur ne peut accorder une note de passage pour la formation en cours d’emploi au candidat au poste de mécanicien de locomotive ou de mécanicien de manœuvre que s’il :
    1. est convaincu que le candidat a la compétence nécessaire pour s’acquitter des fonctions requises :
      1. en obtenant du mécanicien de locomotive ou du mécanicien de manœuvre avec qui le candidat a effectué ses voyages de formation en cours d’emploi, une évaluation de la compétence du candidat,
      2. en évaluant la compétence du candidat à la conduite d’une locomotive ou d’un train, ou des deux, selon les exigences de la catégorie d’emploi pour laquelle le candidat subit un examen; et
    2. a rempli, signé et versé au dossier que conserve le service du personnel sur le candidat un document attestant que celui-ci a réussi la formation en cours d’emploi.
  5. L’examinateur fixe la note globale du candidat à partir des examens oraux ou écrits, ou des deux, sur les sujets requis, que le candidat subit en classe.
  6. L’employé qui reçoit une formation en cours d’emploi en vue d’accéder au poste de mécanicien de locomotive ou de mécanicien de manœuvre peut, pendant toute la durée de sa formation, exercer les fonctions de la catégorie d’emploi à laquelle il est candidat, s’il le fait sous la direction d’un moniteur de formation en cours d’emploi.
  7. (1) La compagnie de chemin de fer doit, à des intervalles ne dépassant pas trois ans, faire subir à tous les employés d’une catégorie d’emploi un réexamen sur les sujets requis.

    (2) La note de passage d’un réexamen est de 80 pour cent. […]

  1. (1) Dans les 90 jours qui suivent l’entrée en vigueur du présent règlement, la compagnie de chemin de fer doit déposer auprès du Comité deux exemplaires de chaque genre d’examen théorique qu’elle utilise et deux exemplaires d’une description détaillée de chacune de ses méthodes d’évaluation des connaissances pratiques.

    (2) La compagnie de chemin de fer doit aviser le Comité de tout changement de genre d’examen théorique ou de méthode d’évaluation des connaissances pratiques, dans les 90 jours qui suivent la mise en œuvre du changement. […]

Compétence requise des candidats

  1. (1) Les sujets requis pour accéder à un poste d’une catégorie d’emploi auprès d’une compagnie de chemin de fer sont ceux indiqués par un « X » à l’annexe, abstraction faite des sujets ou questions qui traitent de matériel que la compagnie de chemin de fer n’utilise pas.

    (2) La compagnie de chemin de fer ne peut accepter dans une catégorie d’emploi que les personnes qui ont obtenu une note globale d’au moins 80 pour cent dans les sujets requis.

Compétence requise des moniteurs de formation en cours d’emploi

  1. La compagnie de chemin de fer ne peut autoriser une personne à exercer les fonctions de moniteur de formation en cours d’emploi pour la catégorie d’emploi de mécanicien de locomotive, que si celle-ci :

    (a)  satisfait aux exigences applicables au mécanicien de locomotive et obtient une note globale d’au moins 90 pour cent; et

    (b) au moins deux années d’expérience à titre de mécanicien de locomotive, y compris une période minimale de trois mois de service dans la région où elle est censée donner la formation en cours d’emploi.

  2. La compagnie de chemin de fer ne peut autoriser une personne à exercer les fonctions de moniteur de formation en cours d’emploi pour la catégorie d’emploi de mécanicien de manœuvre, que si celle-ci :

    (a) satisfait aux exigences applicables au mécanicien de manœuvre et obtient une note globale d’au moins 90 pour cent; et

    (b) a au moins un an d’expérience à titre de mécanicien de manœuvre, y compris une période minimale de trois mois de service dans la région où elle est censée donner la formation en cours d’emploi.

Compétence requise des moniteurs de formation théorique

  1. La compagnie de chemin de fer ne peut employer une personne à titre de moniteur de formation théorique dans l’un des sujets requis, que si celle-ci a obtenu une note d’au moins 90 pour cent dans un examen écrit sur le sujet.

Compétence requise des examinateurs

  1. L’employé ou le cadre d’une compagnie de chemin de fer qui agit comme moniteur de formation en cours d’emploi ou moniteur de formation théorique est habilité à remplir les fonctions d’examinateur pour les sujets dans lesquels il est compétent pour agir comme moniteur.

Programmes de formation et consultation

  1. (1) La compagnie de chemin de fer doit mettre sur pied à l’intention de ses employés des programmes de formation pour chaque catégorie d’emploi.

    (2) La compagnie de chemin de fer doit mettre sur pied et modifier ses programmes de formation en consultation avec les syndicats ouvriers représentant les employés des diverses catégories d’emploi.

    (3) La compagnie de chemin de fer doit, dans les 90 jours qui suivent l’entrée en vigueur du présent règlement, déposer auprès du Comité une description de tous ses programmes de formation pour chaque catégorie d’emploi.

    (4) La compagnie de chemin de fer doit déposer auprès du Comité une description de tout changement apporté à ses programmes de formation, dans les 90 jours de la mise en œuvre du changement.

Rapports

  1. (1) Pour chaque année civile, la compagnie de chemin de fer doit déposer auprès du Comité, au plus tard le 31 mars de l’année suivante, un rapport exhaustif sur les programmes de formation qu’elle offre à ses employés.

    (2) Le rapport mentionné au paragraphe (1) doit préciser ce qui suit :

    1. le nombre total d’employés de chaque catégorie d’emploi;
    2. pour chaque catégorie d’emploi, le nombre total d’employés ayant reçu une formation;
    3. le nombre d’employés ayant reçu une formation qui satisfont aux exigences de formation de chaque catégorie d’emploi et le nombre de ceux qui n’y satisfont pas;
    4. les techniques ou les moyens nouveaux ou améliorés qui servent aux programmes de formation à l’intention des employés.
Annexe B. Article 14
Article 14

Annexe C – Autres enquêtes du BST sur la formation et l’expérience d’employés effectuant des manœuvres d’aiguillage commandées par système de télécommande de locomotive

R16T0111 – Le 17 juin 2016, le train de manœuvre de l’embranchement industriel ouest de 21 h de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) effectuait des opérations de manœuvre à l’extrémité sud de la gare de triage MacMillan du CN, à Vaughan (Ontario), à l’aide d’un système de télécommande de locomotive (STL). Le train de manœuvre effectuait un mouvement de tire vers le sud hors de la gare de triage avec 72 wagons chargés et 2 wagons vides sur la voie principale no 3 de la subdivision de York afin de dégager l’aiguillage à l’extrémité sud de la voie de départ de la subdivision de Halton et d’accéder à l’aiguillage de la voie d’accès de l’embranchement industriel ouest (W100). Alors qu’il tentait d’immobiliser le train pour se préparer à reculer dans la voie W100 et continuer d’effectuer des manœuvres pour des clients, l’aide de triage a perdu la maîtrise du train de manœuvre. Le train a dérivé sur environ 3 milles et a atteint une vitesse de 30 mi/h avant de s’immobiliser de lui-même au point milliaire 21,1 de la subdivision de York. Il n’y a eu ni blessure ni rejet de marchandises dangereuses ni déraillement.

L’enquête a établi les faits suivants :

R16W0074 – Le 27 mars 2016, pendant qu’il effectuait des manœuvres à la gare de triage Sutherland à Saskatoon (Saskatchewan), le train de manœuvre de formation au STL de 23 h du Chemin de fer Canadien Pacifique poussait une rame de wagons jusque dans la voie F6. Lorsque le train de manœuvre s’est arrêté, le wagon-trémie couvert vide EFCX 604991 s’est dételé du train à l’insu de l’équipe. Le wagon est parti à la dérive, a traversé la gare de triage et s’est rendu jusque sur la voie principale, à l’intérieur de la zone de marche prudente de la subdivision de Sutherland. Le wagon a parcouru environ 1 mille et a franchi 2 passages à niveau publics munis de systèmes d’avertissement automatiques avant de s’arrêter de lui-même. Il n’y a eu aucun blessé ni aucun déraillement. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause.

L’enquête a établi les faits suivants :

R07T0270 – Le 17 septembre 2007, alors qu’il se dirigeait vers le sud sur la voie de refoulement avec 67 wagons pleins et 30 wagons vides pesant en tout environ 9054 tonnes, le train de manœuvre YWCS60-17 du CN est entré en collision par le côté avec l’arrière du train de marchandises M33931-17. Celui-ci était en train de quitter la gare de triage MacMillan de Vaughan (Ontario), près de Toronto, à une vitesse de 15 mi/h sur la voie de départ Halton. Deux locomotives et deux wagons du train de manœuvre ont déraillé. Six wagons du train de marchandises ont déraillé ou ont subi des dommages, y compris 2 wagons-citernes de transport de marchandises dangereuses spéciaux contenant du chlore (UN1017). Environ 3785 litres de diesel (UN1202) se sont échappés des locomotives qui ont déraillé. Personne n’a été blessé.

L’enquête a établi les faits suivants :

R07V0213 – Le 4 août 2007, un train de manœuvre du CN commandé par STL tirait 53 wagons chargés à partir de la voie PA02 située à l’extrémité nord de la gare de triage Prince George Sud, à Prince George (Colombie-Britannique). Pendant qu’il essayait de libérer l’aiguillage pour diriger les wagons vers les voies de classement, le mouvement est parti à la dérive en direction nord et a heurté un train de marchandises du CN qui entrait dans la gare de triage par l’extrémité nord. Le train de manœuvre par STL a heurté et fait dérailler un wagon chargé d’essence et le wagon qui le précédait, chargé d’essence lui aussi.

Deux locomotives, 1 auxiliaire de traction et 1 wagon plat à support central chargé faisant partie du train de manœuvre ont déraillé et ont été détruits dans l’incendie subséquent, de même que les deux wagons-citernes de l’autre train. Environ 172 600 litres de carburant (1600 litres de carburant diesel et 171 000 litres d’essence) se sont déversés. La plus grande partie du carburant a brûlé. Personne n’a été blessé.

L’enquête a établi les faits suivants :

R07W0042 – Le 13 février 2007, un train de manœuvre du CN effectuait des opérations de manœuvre à la gare de triage à butte Symington, à Winnipeg (Manitoba). Pendant qu’il roulait vers l’ouest sur la voie ER-08 à une vitesse d’environ 6 mi/h, le train de manœuvre a pris en écharpe un train du CN qui sortait de la gare de triage sur la voie ER-04. La collision a causé le déraillement de 4 des wagons du train de manœuvre. Au total, 9 wagons ont subi des dommages. Il n’y a pas eu de déversement de produits dangereux et il n’y pas eu de blessé.

L’enquête a établi les faits suivants :

Annexe D – Enquêtes du BST sur des mouvements non contrôlés

Numéro de l’événement Date Description Lieu Cause
R18Q0046 2018-05-01 Mouvement non contrôlé et déraillement de matériel roulant en voie non principale, Chemin de fer Quebec North Shore and Labrador (QNS&L), gare de triage Sept-Îles Sept-Îles (Québec) Manœuvres sans freins à air
R17V0096 2017-04-20 Mouvement non contrôlé, collision et déraillement de matériel roulant en voie non principale, Englewood Railway, Western Forest Products Inc., rame de wagons Woss (Colombie-Britannique) Manœuvres sans freins à air
R16W0242 2016-11-29 Mouvement non contrôlé, collision et déraillement, Chemin de fer Canadien Pacifique (CP), train de ballast BAL-27 et train de marchandises 293-28, point milliaire 138,70, subdivision de Weyburn Estevan (Saskatchewan) Perte de maîtrise
R16T0111 2016-06-17 Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), affectation de triage par système de télécommande de locomotive (STL) de l’embranchement industriel ouest de 21 h, point milliaire 23,9, subdivision de York, triage MacMillan Vaughan (Ontario) Perte de maîtrise
R16W0074 2016-03-27 Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire, CP, affectation de triage de formation au STL de 23 h, point milliaire 109,7, subdivision de Sutherland Saskatoon (Saskatchewan) Manœuvres sans freins à air
R16W0059 2016-03-01 Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire, Cando Rail Services, affectation de 22 h au Co-op Refinery Complex, point milliaire 91,10, subdivision de Quappelle Regina (Saskatchewan)   Immobilisation insuffisante
R15D0103 2015-10-29 Dérive et déraillement de wagons en voie non principale, CP, rame de wagons entreposée, point milliaire 2,24, embranchement d’Outremont Montréal (Québec) Immobilisation insuffisante
R15T0173 2015-07-29 Dérive, collision et déraillement de matériel roulant en voie non principale, CN, rame de wagons et train A42241-29, point milliaire 0,0, subdivision de Halton Concord (Ontario) Manœuvres sans freins à air
R13D0054 2013-07-06 Dérive et déraillement en voie principale, train de marchandises MMA-002 de la Montreal, Maine & Atlantic Railway, point milliaire 0,23, subdivision de Sherbrooke Lac-Mégantic (Québec) Immobilisation insuffisante
R12e0004 2012-01-18 Collision en voie principale, CN, matériel roulant à la dérive et train A45951-16, point milliaire 44,5, subdivision de Grande Cache Hanlon (Alberta) Immobilisation insuffisante
R11Q0056 2011-12-11 Train parti à la dérive, Chemin de fer QNS&L, train de marchandises LIM-55, point milliaire 67,20, subdivision de Wacouna Dorée (Québec) Perte de maîtrise
R09D0053 2009-09-09 Collision en voie non principale, VIA Rail Canada Inc., locomotive 6425, Centre de maintenance de Montréal de VIA Rail Canada Inc. Montréal (Québec) Manœuvres sans freins à air
R09T0057 2009-02-11 Train à la dérive et déraillement en voie non principale, Southern Ontario Railway, train de manœuvre de 9 h de Hagersville, points milliaires 0,10 et 1,9, embranchement Hydro Nanticoke (Ontario) Immobilisation insuffisante
R08V0270 2008-12-29 Dérive et collision en voie non principale, Kettle Falls International Railway, mission de Waneta, point milliaire 141,20, subdivision de Kettle Falls Waneta (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
R07H0015 2007-07-04 Matériel roulant à la dérive, CP, rame de wagons à la dérive, point milliaire 119,5, subdivision de Winchester Smiths Falls (Ontario) Immobilisation insuffisante
R07V0109 2007-04-23 Déraillement en voie non principale, Kootenay Valley Railway (KVR), affectation de triage Trail de 7 h, point milliaire 19,0, subdivision de Rossland Trail (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
R06V0183 2006-09-03 Dérive et déraillement, White Pass and Yukon Railway, train de travaux 114, point milliaire 36,5, subdivision de Canadian Log Cabin (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
R06V0136 2006-06-29 Dérive et déraillement, CN, train de marchandises L-567-51-29, point milliaire 184,8, subdivision de Lillooet Lillooet (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
R05H0011 2005-05-02 Dérive et collision en voie principale, Ottawa Central Railway, train de marchandises 441, point milliaire 34,69, subdivision d’Alexandria Maxville (Ontario) Immobilisation insuffisante
R04V0100 2004-07-08 Mouvement non contrôlé de matériel roulant ferroviaire, CN, train M-359-51-07, point milliaire 57,7, subdivision de Fraser Bend (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
R03T0026 2003-01-21 Collision en gare de triage, CP, wagon HOKX 111044, point milliaire 197,0, subdivision de Belleville, gare de triage de Toronto Agincourt (Ontario) Manœuvres sans freins à air
R03T0047 2003-01-22 Collision en gare de triage, CN, wagon-citerne PROX 77811, point milliaire 25,0, subdivision de York Toronto (Ontario) Manœuvres sans freins à air
R99D0159 1999-08-27 Wagons partis à la dérive, CN, point milliaire 69,4, subdivision de Kingston, embranchement Wesco Cornwall (Ontario) Immobilisation insuffisante
R98M0029 1998-09-24 Dérive, collision et déraillement en voie principale, Chemin de fer de la Matapédia, train A402-21-24 du CN, point milliaire 105,4, subdivision de Mont-Joli Mont-Joli (Québec) Immobilisation insuffisante
R98M0020 1998-07-31 Dérive et collision en voie principale, VIA Rail Canada Inc., train de voyageurs 14 et wagon de type « five-pak » à la dérive, point milliaire 105,7, Chemin de fer de la Matapédia, subdivision de Mont-Joli Mont-Joli (Québec) Immobilisation insuffisante
R97C0147 1997-12-02 Dérive et déraillement, CP, train 353-946, subdivision de Laggan Field (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
R96C0172 1996-08-12 Collision en voie principale, CN, train 117 et 20 wagons à la dérive, point milliaire 122,9, subdivision d’Edson Près d’Edson (Alberta) Immobilisation insuffisante
R96C0209 1996-10-09 Wagons partis à la dérive, CP, affectation de triage de 7 h du CP, point milliaire 166,2, subdivision de Willingdon, voie d’échange de Clover Bar Edmonton (Alberta) Immobilisation insuffisante
R96T0137 1996-04-24 Cinq wagons-citernes partis à la dérive, CN, point milliaire 0,0, subdivision de Hagersville Nanticoke (Ontario) Immobilisation insuffisante
R96C0086 1996-04-13 Train parti à la dérive, CP, train de marchandises 607-042, point milliaire 133,0, subdivision de Laggan Field (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
R95M0072 1995-12-14 Wagons partis à la dérive, CN, train 130-13, point milliaire 0,0, subdivision de Pelletier Edmundston (Nouveau-Brunswick) Immobilisation insuffisante
R94V0006 1994-01-18 Train parti à la dérive, CN, train de marchandises 459-GP-18, point milliaire 175, subdivision de Grande Cache Latornell (Alberta) Perte de maîtrise