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Rapport d'enquête maritime M12N0017

Heurt du quai
Traversier Beaumont Hamel
Portugal Cove (Terre-Neuve-et-Labrador)
Le 30 mai 2012



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 30 mai 2012, à 10 h, heure avancée de Terre-Neuve, le traversier à passagers Beaumont Hamel a heurté le quai de Portugal Cove (Terre-Neuve-et-Labrador) après avoir perdu sa propulsion principale et sa direction à la suite d’une panne électrique. La porte d’étrave du traversier a été perforée et le quai légèrement endommagé. Une blessure mineure a été signalée.

This report is also available in English.

Renseignements de base

Fiche technique du navire

Nom du navire Beaumont Hamel
Numéro officiel 803729
Port d’immatriculation St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)
Pavillon Canadien
Type Traversier roulier
Jauge brute 831
Longueur Note de bas de page 1 53 m
Tirant d'eau Avant : 2,4 m
Arrière : 2,4 m
Construction 1985
Propulsion 2 x hélices électriques de 600 kW montées sur des nacelles orientables (propulseurs à nacelle)
Capacité maximale : 106 passagers, 33 véhicules
Personnes et véhicules à bord au moment de l'événement 103 passagers, 27 véhicules
Membres d'équipage 9
Propriétaire enregistré et gestionnaire Department of Transportation and Works (Terre-Neuve-et-Labrador)

Description du navire

Le Beaumont Hamel a été construit en 1985 par le Department of Transportation and Works (DTW) [ministère du transport et du travail] de Terre-Neuve-et-Labrador à titre de prototype de traversier de passagers à propulsion par nacelle. Le navire de 53 m est pourvu d’un pont-garage découvert accessible par les 2 extrémités au moyen de rampes. La poupe est ouverte et la proue est fermée par une porte d’étrave que l’on peut lever et abaisser. Le navire comporte un propulseur d’étrave normalement utilisé à l’accostage et à l’appareillage.

Le navire est alimenté par 3 groupes électrogènes comprenant chacun un moteur diesel principal accouplé à son propre alternateur. Aux fins d’identification, les groupes électrogènes portent les numéros 1, 2 et 3. En conditions d’exploitation normales, 2 groupes électrogènes fonctionnent en parallèle pour alimenter les 2 propulseurs à nacelle. Les hélices sont montées sur des propulseurs à nacelle qui peuvent tourner sur 360° pour assurer la propulsion et la direction. Le navire peut fonctionner avec un seul propulseur à nacelle alimenté par un groupe électrogène ou les deux.

Le navire est équipé d’un système de protection électrique de manière à doter chaque propulseur à nacelle d’un circuit d’arrêt qui assure la disponibilité d’au moins 1 propulseur en vue de la propulsion. Lorsque 2 groupes électrogènes fonctionnent en parallèle et que l’un d’eux est mis hors circuit,le circuit d’arrêt se déclenche et coupe l’alimentation d’un des propulseurs afin de prévenir la surcharge sur l’autre groupe électrogène. Toutefois, lorsque les 2 groupes électrogènes sont simultanément mis hors circuit, le circuit électrique s’arrête.

Le navire est aussi pourvu d’une génératrice de secours, qui n’assure toutefois aucune propulsion puisqu’elle n’alimente ni le propulseur d’étrave, ni les propulseurs à nacelle. En l’absence d’électricité, les nacelles peuvent être orientées à la main à partir du compartiment de propulsion.

Déroulement du voyage

Au moment de l’événement, le Beaumont Hamel était l’un des 2 traversiers exploités entre 12 et 18 heures par jour pour offrir un service de navette entre Bell Island et Portugal Cove (Terre-Neuve-et-Labrador) (annexe A). La traversée de près de 3 milles marins dure environ 20 minutes.

Le 30 mai 2012, à 5 h 50Note de bas de page 2, le traversier a quitté Bell Island pour la première traversée de la journée en utilisant les groupes électrogènes 1 et 3. Plus tard en matinée, le capitaine a communiqué avec la direction à terre pour demander qu’un entrepreneur vienne « réparer un problème de commande sur le groupe électrogène no 2 ». Un problème de fluctuation électrique du groupe électrogène no 2 avait été signalé à la passerelle le soir précédent. Cette fluctuation avait aussi été notée le 24 mai. Le navire a continué de suivre l’horaire habituel du MV FlandersNote de bas de page 3. À 9 h, l’entrepreneur en électricité est monté à bord du traversier, à Portugal Cove, pour régler le problème de fluctuation électrique du groupe électrogène no 2. Une fois l’entrepreneur à bord, le navire a repris son service et a quitté Portugal Cove en utilisant les groupes électrogènes 1 et 3.

À la moitié de la traversée, la salle des machines a communiqué avec la passerelle et demandé au capitaine de réduire la puissance. La salle des machines a mis le groupe électrogène no 2 en service pour l’évaluer en conditions normales d’exploitation. Les groupes électrogènes 2 et 3 étaient en service lorsque le traversier a accosté à Bell Island. Aucune fluctuation n’a été notée au cours de la traversée.

Le traversier a pris des passagers et a quitté Bell Island vers 9 h 30. L’évaluation du groupe électrogène no 2 s’est poursuivie au cours de la traversée de 20 minutes jusqu’à Portugal Cove. Même si aucune fluctuation électrique n’a été notée sur les groupes électrogènes 2 et 3, on a observé une augmentation de la demande de carburant sur le groupe électrogène no 2. La passerelle du Beaumont Hamel n’avait aucun moyen de savoir quels groupes électrogènes fonctionnaient.

À 10 h, le navire approchait du quai de Portugal Cove à vitesse réduite au moyen des groupes électrogènes 2 et 3 lorsque les deux se sont simultanément mis hors circuit. Cette panne simultanée a causé la perte totale de la puissance et une panne électrique généraleNote de bas de page 4 à environ 50 m du quai. Sans propulsion ni direction, le traversier a continué de se diriger vers le quai et l’a heurté à 10 h 01.

Trois minutes plus tard, les groupes électrogènes 1 et 3 ont été remis en service, et ont été utilisés pour la mise à quai. Le Beaumont Hamel a été retiré du service à la suite de l’événement afin de faire l’objet de réparations majeures et de réglages.

La Sécurité et sûreté maritime de Transports Canada (TC) s’est rendue à bord du navire le 30 mai pour autoriser les réparations temporaires nécessaires pour son déplacement jusqu’à St. John’s. Le 11 juin, TC a inspecté les réparations effectuées sur la porte d’étrave. À la demande de DTW, un évaluateur de Lloyd’s Register s’est joint aux inspecteurs de la Sécurité maritime de TC puisque le propriétaire du navire avait demandé la certification de cet organisme reconnu. Le 14 juillet, TC a participé aux essais en mer du navire et a constaté les réglages effectués sur le circuit électrique. Le traversier a repris le service le 19 juillet, 51 jours après l’événement.

Avaries au navire

La porte d’étrave du navire a été endommagée entre les couples 76 et 77.

Avaries au quai

Au terminal de Portugal Cove, une seule lisse en bois installée sur le bord du quai en béton a été endommagée (photo 4). Les avaries n'ont pas eu d'incidence sur le service de traversier.

Blessures

Après l'accident, un passager a signalé l'aggravation d'une blessure préexistante. Aucune autre blessure n'a été signalée.

Certification

Navire

Le navire était doté d'un équipage, équipé et certifié conformément aux règlements en vigueur. Bien qu'aucun règlement ne l'exige, le DTW se conforme de façon volontaire au Code international de gestion de la sécurité (ISM). Au moment de l'événement, le DTW détenait un document de conformité (DOC)Note de bas de page 5 pour la durée complète avec évaluations périodiques émis par Lloyd's Register.

Photo 1. Avaries à la porte d'étrave
Photo 2. Avaries à la porte d'étrave
Photo 3. Avaries à la porte d'étrave
Photo 3. Avaries à la porte d'étrave
Photo 4. Avaries à la lisse en bois
Photo 4. Avaries à la lisse en bois

Personnel

Le capitaine détenait un brevet de capitaine à proximité du littoral sans restriction de jauge brute, travaillait pour le DTW depuis 1989 et agissait à titre de capitaine du Beaumont Hamel depuis 2005.

Le capitaine en second détenait un brevet de capitaine au long cours, travaillait au poste de capitaine en second pour le DTW depuis 2002, et à bord du Beaumont Hamel depuis 2005.

Le chef mécanicien était titulaire d’un brevet d’officier mécanicien de troisième classe, navire à moteur, était chef mécanicien pour le DTW depuis 1986 et occupait ce poste sur le Beaumont Hamel depuis 2009.

Le mécanicien en second était titulaire d’un brevet d’officier mécanicien de troisième classe, navire à moteur, travaillait pour le DTW depuis 1997 et à bord du Beaumont Hamel depuis 2007. Cette personne avait aussi occupé les postes de deuxième mécanicien et de chef mécanicien sur de nombreux navires de la flotte.

Conditions environnementales

Au moment de l’événement, la visibilité était bonne et le vent soufflait en direction du nord à une force de 6 sur l’échelle de BeaufortNote de bas de page 6. À 10 h, la marée était basse à 1,3 m au-dessus du zéro des cartes.

Historique des pannes électriques générales

Le Beaumont Hamel avait connu des pannes électriques générales depuis sa mise en service en 1985, notamment une panne survenue au cours de son voyage de livraison. On a signalé 8 pannes électriques générales au Bureau de la sécurité des transports (BST), dont 3 depuis 2009. De plus, au cours des ans, ce navire a connu des pannes électriques générales non consignées ni signalées.

La fiabilité du circuit électrique sur le Beaumont Hamel est essentielle, puisqu’une panne électrique générale a des effets sur la propulsion et la direction du navire. La direction des navires traditionnels repose sur les gouvernails à grande surface; un système à nacelle dépend quant à lui de la poussée des hélices. On a jugé qu’un système de direction de secours sur le Beaumont Hamel serait redondant, parce que le navire avait 2 propulseurs à nacelleNote de bas de page 7. Toutefois, en cas de panne d’électricité, les propulseurs à nacelle n’assurent plus la propulsion, éliminant ainsi la redondance. Donc, en cas de panne électrique générale, le Beaumont Hamel n’avait aucun système de direction de secours efficace.

À la suite de chacune des pannes électriques générales, on effectuait des réparations pour régler les différents problèmes mécaniques que l’on croyait être à l’origine de ces pannes à bord du Beaumont Hamel. Ces travaux d’entretien comprenaient notamment :

D’autres réparations ont été faites; cependant, le nombre limité de registres n’a pas permis la création d’un historique exhaustif des travaux d’entretien sur le navire. À la suite de la panne électrique générale du 22 avril 2009, un inspecteur de la Sécurité maritime de TC avait visité le navire et avait délivré une Note de la Sécurité maritime (SI­07) pour indiquer que le navire ne devait plus transporter de passagers jusqu’à ce que la cause de la panne électrique au cours dudéclenchement préférentiel du propulseur ait été établie et que des mesures correctives aient été prises. L’avis SI­07 exigeait en outre la vérification des mesures correctives par un inspecteur de la Sécurité maritime de Transports Canada. Afin de respecter l’avis SI­07, un entrepreneur en électricité a été embauché et ce dernier a sous-traité l’évaluation du système d’alimentation en carburant. Le sous-traitant a remplacé l’unique conduite d’alimentation en carburant qui alimentait tous les groupes électrogènes par 3 conduites d’alimentation distinctes, une pour chaque groupe électrogène. Le système de protection électrique du navire n’a pas été réparé. Le 14 mai 2009, un inspecteur de la Sécurité maritime de Transports Canada a mis à l’essai le système de protection électrique du navire et a vérifié qu’il fonctionnait dans les règles de l’art.

Au cours des ans, les travaux effectués à la suite de chacune des pannes électriques générales consistaient en des réparations visant à régler différents problèmes mécaniques que l’on croyait à l’origine des pannes. Il n’existe aucun document qui indique que le DTW avait évalué l’efficacité de ces réparations. À la suite de cet événement, le DTW a embauché un entrepreneur en électricité pour établir la ou les causes réelles des pannes électriques générales et régler le problème une fois pour toutes. L’entrepreneur a trouvé et corrigé certains problèmes mécaniques et électriques susceptibles d’avoir contribué à la perte de courant survenue le 30 mai. On pensait que le système de protection électrique était en cause et le déclenchement préférentiel a été soumis à des essais rigoureux. Aucun problème n’a toutefois été décelé au cours de ces essais. L’entrepreneur a établi que la cause la plus probable de la panne d’électricité était des interférences aux fréquences radioélectriques qui entraînaient le déclenchement des 2 disjoncteursNote de bas de page 8.

Le Gallipoli, un traversier à passagers électrique et diesel d’âge et de conception électrique comparables a connu 2 pannes électriques générales : l’une en 1999 et l’autre en 2006. En 2011, 2 nouveaux navires, le Hazel McIsaac et le Grace Sparkes, ont été construits pour le DTW selon des schémas électriques similaires à celui du Beaumont Hamel. Ni l’un ni l’autre des nouveaux navires n’a un système de propulsion électrique et diesel comme le Beaumont Hamel, et aucun d’entre eux n’a eu de problème de pannes électriques générales répétées.

Department of Transportation and Works (Terre-Neuve-et-Labrador)

Le DTW compte plus de 2000 employés partout dans la province et fournit un éventail de services de transports, notamment des services de traversiers provinciaux sur 15 itinéraires qui desservent plus de 40 communautésNote de bas de page 9. Au moment de l’événement, le DTW possédait 10 navires, dont 8 étaient dotés d’un équipage et exploités directement par le DTW. Le sous-ministre adjoint (SMA) est responsable de la gestion globale des services de traversiers intraprovinciauxNote de bas de page 10.

Système de gestion de la sécurité

Bien qu’aucune activité maritime ne soit entièrement sans risque, il existe de nombreuses façons d’identifier, d’évaluer et d’atténuer les risques. Une des méthodes reconnues à l’échelle internationale consiste à mettre en œuvre un système de gestion de la sécurité (SGS). Le SGS est une méthode structurée et cohérente basée sur le risque permettant de cerner et de combler les écarts de sécurité critiques, d’adopter des pratiques exemplaires en matière de sécurité, et de démontrer clairement un engagement, ainsi qu’une responsabilisation et une diligence raisonnable, à l’égard de la sécuritéNote de bas de page 12

Figure 1. Le cycle de gestion des risquesNote de bas de page 11
Figure 1.  Le cycle de gestion des risques

[traduction]

Identify Hazard Identifier le risque
Analyze Risk Analyser le risque
Identify mitigation options Cibler les mesures de prévention
Mitigation Plan Préparer le plan de prévention
Implement mitigation Mettre en œuvre le plan de prévention
Assess mitigation strategy Évaluer la stratégie de prévention

Un SGS offre un cadre formel servant à cerner et à atténuer les risques. Dans le cadre d’un SGS, la gestion des risques est un cycle continu qui permet aux exploitants de navires d’identifier, d’analyser et de traiter les dangers réels et potentiels ainsi que d’en assurer le suivi (figure 1). Chaque étape du cycle de gestion des risques doit être accompagnée de documents présentés dans le format que l’entreprise juge le plus efficaceNote de bas de page 13. Ces documents sont nécessaires pour surveiller et analyser l’efficacité des évaluations des risques et des stratégies de prévention précédentes. Ce processus normalisé de gestion des risques garantit que toutes les personnes à tous les niveaux d’une organisation possèdent les connaissances et les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées au cours des activités de routine et d’urgence.

Bien que l’industrie maritime ait reconnu depuis longtemps les avantages d’un SGS, ce système n’est pas requis dans tous les types de navire. Les règlements canadiens n’exigeaient pas que le Beaumont Hamel possède un SGS. Puisque le navire était certifié pour une utilisation nationale seulement, il n’était pas non plus assujetti à la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS). En outre, le Code international de gestion pour la sécurité de l’exploitation des navires et la prévention de la pollution (Code ISM)ne s’appliquait pasNote de bas de page 14.

Le Code ISM régit presque toute la communauté internationale de transport maritime. Il fournit une norme internationale sur la gestion et l’exploitation sécuritaires des navires, ainsi que sur la prévention de la pollution. Afin de se conformer au Code, un navire doit être doté d’un SGS comportant les éléments suivants :

La Liste de surveillance du BST comprend les enjeux de sécurité qui posent les plus grands risques pour le système de transports canadiens. Le SGS figure sur cette liste. Le BST a maintes fois mis en valeur les avantages des SGS dans l’industrie maritime, en soulignant les lacunes qui ont été relevées dans de nombreux événements. Le BST est d’avis que Transports Canada devrait exiger la présence d’un SGS à bord des navires commerciaux ainsi que la certification et la vérification des SGS. TC prévoit que les règlements canadiens sur les SGS seront l’objet d’une publication préalable dans la Partie I de la Gazette du Canada au cours du 2e trimestre de 2014. TC a confirmé que les règlements ne viseront pas tous les navires canadiens, mais qu’ils régiront les navires de passagers qui transportent plus de 50 personnes, comme le Beaumont Hamel.

Système de gestion de la sécurité au Department of Transportation and Works (Terre-Neuve-et-Labrador)

Un SGS peut ne pas cerner tous les dangers à l’avance. Cependant, une fois les dangers établis, que ce soit avant ou après un accident, ils doivent être évalués et, si nécessaire, des mesures d’atténuation doivent être prises pour l’avenir. La gestion des risques est un cycle continu, et non un événement ponctuel. Le SGS du DTW a été certifié en 2010. L’enquête du BST a permis d’établir qu’au moment de l’événement du 30 mai 2012, les risques suivants étaient présents dans l’exploitation courante du DTW et du Beaumont Hamel : pannes électriques générales récurrentes, gestion de la pression du public, fatigue, absence de signalement des situations dangereuses, manque d’enquêtes axées sur la sécurité, suivi limité de l’entretien et gestion limitée des travaux d’entretien, étant donné que le DTW exploite une flotte vieillissante.

Suivi limité de l’entretien

L’historique des registres d’entretien et des renseignements sur les pannes de l’équipement critique du point de vue de la sécurité est essentiel à l’efficacité de l’entretien, tant au moment de l’évaluation de la performance du système qu’à celui de la planification de l’entretien préventif fondé sur les risques. Le Beaumont Hamel tenait un journal de passerelle, un registre radio, un journal de la salle des machines, des rapports de la circulation maritime et un registre du personnel à bord.

Le journal de passerelle constitue en général le registre officiel; il s’agit par conséquent d’un registre légal des activités du navire. Ce journal doit ainsi fournir des renseignements sur les conditions météorologiques, l’emplacement du navire, son itinéraire, sa vitesse et l’état de tous les systèmes critiques, y compris les anomalies. Le journal de la salle des machines est un registre des paramètres, de la performance, de l’entretien et des mauvais fonctionnements des machines du navire.

Dans certains cas, les registres du navire ne fournissaient pas assez de données pour confirmer les événements à bord. Il n’y avait aucune approche systématique à terre pour assurer le suivi et évaluer l’efficacité des travaux d’entretien. De plus, les registres d’entretien et autres rapports sur les pannes électriques générales à bord du Beaumont Hamel n’étaient pas regroupés et étaient gardés à plusieurs endroits. C’était le cas notamment des documents et des endroits suivants :

Aucun document indiquant que le DTW avait procédé à des essais de suivi ou réalisé une analyse des risques post-événement des réparations effectuées à la suite de chacune des pannes électriques générales n’était disponible.

Gestion de l’entretien d’une flotte vieillissante

Lorsqu’une entreprise exploite une flotte vieillissante, les périodes de retrait du service aux fins d’entretien augmentent. Le DTW reconnaissait que ses navires prenaient de l’âge et avait un navire « de rechange » pour remplacer, sur les différents itinéraires, les navires principaux accostés aux fins d’entretienNote de bas de page 15. Le DTW a aussi présenté un rapport sur sa stratégie de remplacement des navires. Au moment de sa publication en 2006, le rapport indiquait que les navires, y compris le Beaumont Hamel, pouvaient encore être utilisés pour une période de 10 à 15 ans, mais que les travaux d’entretien régulier quotidiens et les remises à neuf, nécessaires ou recommandés par le fabricant, ne seraient probablement pas suffisants pour assurer un service à l’abri de tout incidentNote de bas de page 16. Le Beaumont Hamel a été construit en 1985 et allait bientôt atteindre sa durée de vie utile optimale.

Gestion de la pression publique

Le Beaumont Hamel est l’un des 2 navires qui assurent normalement un service de transport de passagers essentiel en direction et en provenance de Bell Island. Les navires fournissaient aussi des services de transports médicaux d’urgence et s’échangeaient des quarts de 24 heures sur appel. Comme pour tous les navires qui assurent un transport de passagers essentiel, le public s’attend à obtenir le service selon les horaires prévus. Ainsi, l’exploitation normale du navire est liée à une pression publique. Cette pression est normale; elle doit être anticipée et des stratégies doivent être en place pour assurer un bon équilibre entre la pression de maintenir le service et la sécurité.

La haute direction du DTW recevait souvent des plaintes du public et était donc à même de traiter ces plaintes et de réduire le transfert de cette pression publique sur les épaules des personnes responsables de la prise de décisions critiques du point de vue de la sécurité. Toutefois, les plaintes reçues aux paliers supérieursdu gouvernement étaient souvent transmises au capitaine ou à l’équipage du navire retardé.

Selon une politique du DTW, les passagers devaient sortir de leur véhicule durant la traversée de 20 minutes. Cependant, à la suite de plaintes à l’égard de cette politique, le DTW a informé l’équipage du Beaumont Hamel de cesser de l’appliquer si des passagers refusaient de quitter le pont.

L’horaire, et toute modification apportée à celui-ci, relève du directeur de secteur du DTW, qui supervise les capitaines. Le capitaine est ultimement responsable de prendre des décisions qui sont dans le meilleur intérêt de la sécurité du navire. La prise de décisions est un processus complexe. Des recherches sur le comportement humain ont démontré que les gens qui doivent résoudre un problème en l’absence de directives ou de règles obligatoires ont tendance à considérer ce problème comme un choix entre un gain ou une perte. Des études indiquent que les gens préfèrent une solution présentant un risque potentiellement élevé à une solution ayant des répercussions négativesNote de bas de page 17 Note de bas de page 18. Cette tendance est appelée raisonnement négatif.

Dans le présent cas, le capitaine et le directeur du secteur ont convenu que le navire devait naviguer avec l’entrepreneur en électricité à bord pour dépanner et réparer le groupe électrogène no 2. Comme une panne électrique générale était jugée peu probable, on a préféré maintenir l’horaire plutôt que devoir faire face à la réaction négative du public en raison de l’interruption du service.

Affectation des équipages et fatigue

Le terme « fatigue » s’entend de la réponse du corps à un manque ou à une interruption de sommeil. La fatigue mène notamment aux pertes de rendement suivantes : temps de réaction plus lentNote de bas de page 19, réduction de la planificationNote de bas de page 20 Note de bas de page 21 Note de bas de page 22, augmentation de la prise de risques, incapacité de résoudre des problèmes simultanés, persistance à effectuer des tâches au-delà d’un résultat raisonnable. Les effets de la fatigue peuvent présenter des risques sérieux pour la sécurité, surtout chez les employés qui occupent des postes essentiels à la sécurité. Une bonne gestion de la fatigue demande que l’entreprise et les employés gèrent ensemble les horaires et les environnements de travail afin de réduire les risques de fatigue.

Il incombe au DTW de s’assurer que les horaires de l’équipage respectent au moins les règlements sur les périodes de repos (6 heures de repos par période de 24 heures et 16 heures de repos par période de 48 heures)Note de bas de page 23, que les horaires permettent des périodes de sommeil réparateur et que les logements de l’équipage et d’autres éléments de leur environnement de travail favorisent un bon sommeil. Il incombe aux membres de l’équipage de respecter les plages de repos, de signaler qu’ils ne sont pas aptes à travailler en raison de la fatigue, le cas échéant, et de faire rapport des volets à améliorer du programme de gestion de la fatigue de l’entreprise. Le capitaine du navire doit surveiller et appliquer les politiques et les procédures de gestion de la fatigue de l’entreprise. Il doit aussi travailler avec l’équipage et l’entreprise afin de corriger les problèmes et de réduire ainsi les risques de fatigue.

Le DTW a un programme de gestion de la fatigue et reconnaît que le risque de fatigue était élevé sur les traversées de Bell Island en raison de l’horaire rigoureux. Le Beaumont Hamel était normalement en service pendant des périodes de 12 à 18 heures par jour et devait parfois effectuer des transports d’urgence. Le capitaine était responsable de modifier les horaires de travail après les transports d’urgence, et le faisait régulièrement. La convention collective de l’équipage stipule que les équipages des traversées de Bell Island travaillent selon un horaire d’une semaine plutôt que selon l’horaire de 2 semaines utilisé pour le reste de la flotte. Cette modification visait à prévenir les risques de fatigue. Toutefois, même après le changement d’horaire, des membres de l’équipage ont rapporté qu’ils se sentaient fatigués au terme d’un quart de travail d’une semaine.

Un examen des horaires de travail des membres de l’équipage du Beaumont Hamel a révélé que de nombreux départs avaient lieu dès la fin de la période minimale de repos de 6 heures et qu’il était fréquent que les journées de travail se prolongent au point où la période de repos de 16 heures par période de 24 heures n’était pas respectéeNote de bas de page 24. De plus, les traversées d’urgence et le prolongement des journées de travail résultant de retards ou de l’absence d’un navire partenaire perturbaient l’horaire normal et augmentaient la probabilité des risques de fatigue.

mal contrôlée nuisent à la qualité du sommeil. Le Beaumont Hamel n’a pas été conçu pour que des membres d’équipage dorment à bord, mais des logements avaient été aménagés dans le compartiment du moteur. De nombreux éléments de la conception des logements allaient à l’encontre des meilleures pratiques visant à assurer un environnement propice à un sommeil réparateur, notamment :

Le Beaumont Hamel est amarré à Bell Island la nuit et les membres de l’équipage demeurent généralement à bord à moins qu’ils habitent sur Bell Island et souhaitent faire la navette jusqu’à leur lieu de travail. Huit des 9 membres de l’équipage présents sur le navire au moment de l’événement dormaient généralement à bord. Il était difficile d’obtenir un sommeil réparateur à bord du Beaumont Hamel.

Signalement des situations dangereuses

Les entreprises exploitées selon le Code ISM doivent établir une approche systématique de signalement des situations dangereuses. Ces signalements sont ensuite évalués et analysés du point de vue de la sécurité et de la prévention de la pollution. Des méthodes de mise en œuvre des mesures correctives, si nécessaires, doivent aussi être en place.

Le DTW n’avait pas les documents requis pour démontrer qu’un programme de signalement des situations dangereuses était en place ou que des procédures étaient établies pour permettre des enquêtes axées sur la sécurité sur les situations dangereuses. Il n’y avait aucun document écrit des situations dangereuses ou des quasi-accidents pour la région de l’Est – le Beaumont Hamel, en particulier, n’avait fait aucun rapport. Par exemple, les pannes électriques générales qui n’ont pas eu d’incidence négative sur les activités du Beaumont Hamel n’ont pas été signalées comme l’exige le SGS de l’entrepriseNote de bas de page 25.

Enquêtes au Department of Transportation and Works (Terre-Neuve-et-Labrador)

Lorsque le manuel du SGS a été rédigé en 2010, le responsable de la sécurité et de la conformité était la personne désignée à terre qui devait aussi mener des enquêtes sur les accidents. Cette tâche a toutefois été retirée du mandat de la personne désignée à terre avant qu’elle ne mène une seule enquête. Seul le service des ressources humaines du DTW menait les enquêtes sur les accidents, et ces enquêtes avaient pour seul but de trouver un coupable. La panne électrique générale du 30 mai n’a été l’objet d’aucune enquête technique ou de sécurité interne.

Enregistreur des données du voyage

Le BST se fonde sur les données d’un enregistreur des données du voyage (VDR) pour mener une enquête. En plus des conversations sur la passerelle, un VDR conserve plusieurs renseignements, notamment la date, l’heure, le cap, la position, la vitesse, les communications radio, les images radar, les conditions météorologiques, les commandes envoyées au gouvernail et au moteur et la réponse à ces commandes.

Les Règlements sur les enregistreurs des données du voyageNote de bas de page 26, qui sont entrés en vigueur en janvier 2012, exigent que les navires à passagers existants d’une jauge brute de 500 ou plus soient munis d’un VDR. Conformément aux règlements, le Beaumont Hamel était muni d’un VDR, et celui-ci était nouvellement installé. Le capitaine de relève a activé la fonction de sauvegarde des données du VDR immédiatement après l’événement; toutefois, en raison d’un défaut technique sur le VDR, aucune donnée n’a été conservée. L’enquête du BST n’a pas permis d’établir pourquoi le VDR n’enregistrait pas les données. Les membres de l’équipage à bord n’étaient pas tenus de vérifier le fonctionnement du VDR.

Analyse

Événements ayant mené à la collision

Le 30 mai 2012, le Beaumont Hamel, avec à son bord des véhicules et des passagers, approchait de Portugal Cove lorsque les 2 groupes électrogènes se sont mis hors circuit, causant une panne électrique générale à bord du navire, à environ 50 m du quai. Une fluctuation de l’alimentation électrique et un déséquilibre de l’alimentation en carburant avaient été notés plus tôt, mais on ne sait pas si ces anomalies ont contribué à la mise hors circuit simultanée. L’équipage n’ayant pas le temps de redémarrer le moteur afin de rétablir immédiatement les systèmes de propulsion et de direction, le navire a heurté le quai. Même si le rapport post-événement sur le circuit électrique indique que la cause la plus probable de la panne électrique générale du 30 mai était des interférences radio, l’enquête n’a pas permis de confirmer la ou les causes des pannes électriques générales récurrentes.

Le Beaumont Hamel assurait le service de traversier de passagers entre Bell Island et Portugal Cove depuis plus de 25 ans, malgré son historique de pannes électriques générales récurrentes. Le système de gestion de la sécurité (SGS) du Department of Transportation and Works (DTW) de Terre-Neuve-et-Labrador n’était pas efficace puisqu’il permettait que des risques, comme ceux liés aux pannes électriques récurrentes, persistent à bord du navire sans que l’on tente d’y remédier. D’autres problèmes de sécurité ont aussi été décelés sur le navire ou au sein du DTW, notamment ceux liés à la gestion de la pression publique, à la gestion de l’entretien de la flotte vieillissante du DTW, au suivi limité de l’entretien, à la fatigue, à l’absence de rapports sur les situations dangereuses et au manque d’enquêtes axées sur la sécurité.

Système de gestion de la sécurité

Suivi et évaluation de l’entretien

L’amélioration de la sécurité exige l’accès à l’historique d’un navire et de son équipement; cet historique permet l’analyse des tendances et la réalisation de l’entretien préventif. L’entretien efficace d’un navire de passagers comme le Beaumont Hamel passe par des méthodes de signalement, de suivi et d’évaluation des réparations harmonisées. Sans historique écrit complet, il était impossible de cibler la ou les causes des pannes électriques générales récurrentes et d’établir des liens avec le présent événement.

Même si l’équipage et l’entrepreneur ont réparé les défauts mécaniques après chacune des pannes électriques générales, ces réparations n’ont pas empêché d’autres pannes électriques générales de se produire. Puisque l’efficacité de l’entretien du navire n’a pas été évaluée, les efforts visant à régler le problème des pannes électriques générales sont demeurés axés sur les défauts mécaniques, sans tenir compte de la nature électrique sous-jacente du problème. En raison du nombre limité de documents résultant de l’absence de registres harmonisés, le DTW n’avait pas la capacité d’analyser les tendances et d’effectuer un entretien préventif efficace.

Gestion de l’entretien d’une flotte vieillissante

Les navires vieillissants demandent plus d’entretien. Même si le DTW reconnaissait les dangers liés à une flotte vieillissante, le Beaumont Hamel était souvent exploité durant des heures supplémentaires et son entretien était parfois reporté pour le maintenir en service.

Le renouvellement de la flotte était inscrit dans le rapport annuel 2011-2012. Le rapport indiquait qu’au 31 mars 2012, le DTW aurait accéléré son programme de remplacement des navires avec la livraison et la conception de nouveaux traversiersNote de bas de page 27. Le DTW a construit 2 nouveaux navires en 2011, et les travaux de conception ont été réalisés.

À l’exception des périodes de remise en état et de la fourniture d’un navire de rechange, qui a été retiré du service à l’automne 2012, le DTW n’avait aucune stratégie d’atténuation des risques pour gérer l’augmentation des travaux d’entretien liés à une flotte vieillissante. L’exploitation d’une flotte vieillissante sans stratégie efficace d’atténuation des risques présente des dangers pour les navires, l’équipage, les passagers et l’environnement.

Gestion de la pression publique

Le capitaine d’un navire doit avoir toute l’autorité pour établir si la sécurité du navire, de l’équipage, des passagers et de l’environnement est compromise. Cela signifie que le capitaine doit être en mesure de prendre des décisions complexes, fondées sur les faits disponibles à un moment précis. Le capitaine doit aussi être informé de l’état de tous les systèmes critiques. La direction à terre doit appuyer les décisions du capitaine qui visent à assurer la sécurité, même si ces décisions entraînent des retards, quels que soient les horaires annoncés ou les demandes de service. Le 30 mai, le directeur du secteur a embauché un entrepreneur en électricité à la demande du capitaine et a appuyé sa décision de poursuivre la traversée.

L’équilibre entre la fourniture du service et la sécurité des navires de passagers est fragile. Il est essentiel que l’équipe de direction reconnaisse le rôle du capitaine dans la prise de décisions complexes en matière de sécurité et qu’elle trouve un bon équilibre entre les attentes du public et les questions de sécurité, même si ces décisions peuvent compromettre le service de façon temporaire.

La décision de mettre le navire hors service pour procéder à l’essai du groupe électrogène no 2 aurait assurément eu des répercussions négatives, notamment le mécontentement des passagers en raison du retard de service, alors que le Flanders n’était pas non plus en service. Les plaintes reçues par la haute direction seraient sans doute transmises directement au capitaine et à l’équipage, comme dans le passé. La mise à l’essai du groupe électrogène no 2 en cours de traversée ne présentait quant à elle que le potentiel de répercussions négatives. Lorsque les attentes du public ne sont pas gérées de façon efficace, elles peuvent nuire à la capacité de la direction et des employés de prendre des décisions essentielles pour la sécurité. La mauvaise gestion de la pression imposée par le public a joué un rôle dans la décision de maintenir le Beaumont Hamel en service le 30 mai, alors que l’entrepreneur en électricité se trouvait à bord.

Fatigue

Le niveau de fatigue des membres de l’équipage varie selon les horaires de travail, les exigences opérationnelles, la qualité du sommeil, les situations urgentes et la qualité des installations où ils peuvent se reposer. Des lieux de repos de mauvaise qualité, c’est-à-dire qui n’offrent pas suffisamment d’espace ou un contrôle approprié de la température et du niveau de bruit, contribuent à réduire la qualité du sommeil et, par conséquent, la quantité de repos réparateur. Il incombe à la direction, y compris au capitaine, d’atténuer ces facteurs.

Sur le Beaumont Hamel, les niveaux de fatigue de membres de l’équipage étaient toujours plus élevés au terme de leur quart de travail d’une semaine en raison de leur dette de sommeil, malgré la modification de l’horaire de travail sur ce navire. Les stratégies de prévention utilisées ne réduisaient pas adéquatement le risque de fatigue : elles ne satisfaisaient pas aux exigences réglementaires minimales sur les heures de repos, l’horaire de travail ne permettait pas un sommeil réparateur suffisant, et les logements de l’équipage ne favorisaient pas un sommeil réparateur. Les programmes de gestion de la fatigue qui n’offrent pas assez d’occasions d’obtenir un sommeil réparateur augmentent le risque d’une baisse du rendement quotidien de l’équipage.

Signalement des situations dangereuses

Comme l’analyse des situations dangereuses et des quasi-accidents est aussi importante, pour la gestion de la sécurité, que l’analyse de l’événement lui-même, les exploitants doivent avoir une méthode pour encourager et surveiller ces signalements. Le Code international de gestion de la sécurité (Code ISM) exige le suivi du signalement des situations dangereuses. Même si les exigences de signalement du SGS du DTW sont clairesNote de bas de page 28, il n’existait aucun rapport de situations dangereuses au sujet des pannes électriques générales précédentes à bord du Beaumont Hamel. Sans ces rapports, l’équipage et la direction à terre avaient peu de possibilités d’établir les tendances qui auraient pu cibler la ou les causes des pannes électriques générales.

Lorsque des situations dangereuses et des quasi-accidents ne sont pas signalés, il est plus difficile pour les membres de l’équipage, la direction à terre et les entrepreneurs d’établir et d’analyser les tendances, de prévoir les travaux d’entretien et d’améliorer la sécurité de façon continue pour prévenir d’autres accidents ou incidents.

Enquêtes sur la sécurité au Department of Transportation and Works (Terre-Neuve-et-Labrador)

Selon le Code ISM, le SGS d’une entreprise doit comprendre des méthodes qui garantissent que les cas de non-conformité, les accidents et les situations dangereuses sont signalés à l’entreprise, font l’objet d’une enquête et sont analysés afin d’améliorer la sécurité de façon continueNote de bas de page 29. Toutefois, aucune enquête sur la sécurité n’était menée au DTW. Les enquêtes sur les accidents ont été retirées du mandat de la personne désignée à terre, et seul le service des ressources humaines (RH) menait des enquêtes. Les enquêtes des RH visaient à trouver un ou des coupables chez les personnes en cause et se soldaient plus souvent par des mesures disciplinaires que par des mesures de sécurité. Lorsque les enquêtes sur les accidents ne sont pas axées sur la sécurité et que des mesures punitives sont possibles, il y a un risque que des personnes qui détiennent des renseignements importants ne fournissent pas toute l’information, par crainte de représailles, et des problèmes de sécurité peuvent demeurer sans solution.

Enregistreur des données du voyage

Un enregistreur des données du voyage (VDR) a pour objet de créer et de maintenir un registre sécurisé et récupérable des renseignements indiquant la position, le mouvement, l’état physique et la maîtrise d’un navire pendant les 12 heures de manœuvre les plus récentes. La disponibilité de données objectives est inestimable lorsque les enquêteurs cherchent à comprendre la séquence des événements ayant mené à un accident ainsi qu’à cerner les problèmes opérationnels et les facteurs humains. Des données fiables d’un VDR sont gages d’une enquête plus précise et d’une communication plus rapide des problèmes de sécurité et des rapports d’enquête aux personnes intéressées et au grand public.

Le VDR du Beaumont Hamel n’enregistrait pas les données et affichait un code d’erreur après l’événement. Le SGS de l’entreprise n’exigeait toutefois pas la vérification du fonctionnement du VDR. L’enquête n’a pas permis d’établir pourquoi le VDR n’enregistrait pas les données.

Dans le cadre d’une enquête, l’absence de données du VDR peut nuire à la détermination et à la communication des défaillances relatives à la sécurité qui permettraient d’améliorer la sécurité des transports.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le navire a heurté le quai après une panne électrique générale dont la cause demeure inconnue. La panne électrique générale a entraîné la perte des systèmes de propulsion et de direction.
  2. Les réparations mécaniques effectuées pour régler le problème des pannes électriques générales récurrentes à bord du navire n’ont pas permis d’établir la ou les causes de ces pannes, qui se sont répétées.
  3. Le système de gestion de la sécurité (SGS) du Department of Transportation and Works (DTW) de Terre-Neuve-et-Labrador n’était pas assez efficace pour prévenir les risques opérationnels liés aux pannes électriques générales récurrentes.

Faits établis quant aux risques

  1. Sans méthode systématique pour déterminer, analyser et surveiller les défaillances relatives à la sécurité, qu’un accident se produise ou non, il est possible que ces défaillances demeurent sans remède.
  2. Lorsque les attentes du public ne sont pas gérées de façon efficace, elles peuvent nuire à la capacité de la direction et des employés de prendre des décisions essentielles pour la sécurité.
  3. L’exploitation d’une flotte vieillissante sans programme efficace de prévention des risques présente des dangers pour les navires, l’équipage, les passagers et l’environnement.
  4. Les programmes de gestion de la fatigue qui n’offrent pas assez d’occasions pour garantir un sommeil réparateur augmentent le risque d’une baisse du rendement quotidien de l’équipage.
  5. Lorsque des situations dangereuses et des quasi-accidents ne sont pas signalés, les membres de l’équipage, la direction à terre et les entrepreneurs peuvent plus difficilement établir et analyser les tendances, prévoir les travaux d’entretien et améliorer la sécurité de façon continue pour prévenir d’autres accidents ou incidents.
  6. Lorsque les enquêtes sur les accidents ne sont pas axées sur la sécurité et peuvent mener à des mesures punitives, il y a un risque que des personnes ne fournissent pas toute l’information, et que des problèmes de sécurité persistent.
  7. Dans le cadre d’une enquête, l’absence de données d’un enregistreur des données du voyage peut nuire à la détermination et à la communication des défaillances relatives à la sécurité qui permettraient d’améliorer la sécurité des transports.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Le Department of Transportation and Works (DTW) de Terre-Neuve-et-Labrador avait installé un système informatisé de gestion des travaux d’entretien à bord du Beaumont Hamel et dans ses bureaux. Ce système assure le suivi de l’entretien correctif, émet des alertes sur les entretiens prévus et peut suggérer des entretiens préventifs.

À la suite de la panne électrique générale, l’entrepreneur en électricité a réalisé les travaux suivants sur le Beaumont Hamel :

  1. installation d’une alarme de répartition des charges et d’un circuit de délestage;
  2. retrait de bobines de déclenchement en sous-tension qui retardaient indûment le rétablissement de la puissance de propulsion (les disjoncteurs des 2 propulseurs à nacelle du navire avaient été installés avec des bobines de déclenchement en sous-tension);
  3. installation d’un système de démarrage automatique sur les génératrices de secours;
  4. réglage de la temporisation du système de protection électrique pour garantir un rendement optimal;
  5. installation d’un système de démarrage lancé qui permet de démarrer un propulseur à nacelle arrêté même si l’hélice est en roue libre.

De plus, on a effectué une remise en état de même que l’étalonnage des pompes à carburant du moteur des groupes électrogènes.

Le présent rapport met un terme à l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le ..

Annexes

Annexe A – Région où s’est produit l’événement