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Enquête sur la sécurité du transport aérien A21F0210

Le BST a terminé cette enquête. Le rapport a été publié le 5 juillet 2024.

Table des matières

Sortie de piste au décollage et déséquilibre de carburant en vol entraînant un déroutement

Jazz Aviation LP
Mitsubishi Heavy Industries, Ltd. CL-600-2D24 (aéronef Regional Jet de la série 900), C-GJZV
Aéroport international de San Diego (Californie, États-Unis)

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L'événement

Le 29 novembre 2021, l’aéronef Mitsubishi Heavy Industries, Ltd. CL-600-2D24 (aéronef Regional Jet de la série 900), (immatriculation C-GJZV, numéro de série 15424) exploité par Jazz Aviation LP effectuait le vol JZA767 de l’aéroport international de San Diego (Californie, États-Unis) à destination de l’aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique) avec à son bord 2 membres d’équipage de conduite, 2 membres d’équipage de cabine et 69 passagers. Vers 18 h 42, heure normale du Pacifique, durant les heures d’obscurité, l’aéronef a décollé à gauche de l’axe de la piste 27. Pendant le décollage, les roues du train d’atterrissage principal gauche de l’aéronef ont heurté 3 feux de bord de piste avant que la trajectoire de l’aéronef ne soit corrigée vers l’axe de piste.

Pendant la montée, un déséquilibre de carburant a été détecté. Incapable de corriger ce déséquilibre, l’équipage de conduite a coupé le moteur droit et a déclaré une situation d’urgence. L’aéronef a été dérouté vers l’aéroport international de Los Angeles (Californie, États-Unis), où il a atterri et s’est immobilisé sur la piste vers 19 h 46. Les passagers ont débarqué et ont été transportés à l’aérogare. Aucun passager ou membre d’équipage n’a été blessé. Le personnel d’urgence a signalé qu’un des pneus du train d’atterrissage principal gauche était dégonflé et que de la fumée s’échappait de la roue. On a constaté par la suite que le flanc du pneu no 1 de l’aéronef était endommagé et que le volet gauche de l’aéronef avait 2 perforations.

Dans l’événement à l’étude, le mauvais d’alignement au décollage et le déséquilibre de carburant ont été 2 événements distincts et indépendants l’un de l’autre et ont été traités comme tels dans le cadre de l’enquête.

Afin de déterminer les facteurs qui ont contribué au mauvais alignement de l’aéronef sur la piste, l’enquête a porté sur les conditions de visibilité dans lesquelles l’aéronef a décollé de l’aéroport international de San Diego. Du refoulement au décollage, l’aéronef a circulé de nuit dans le brouillard et dans une zone où la visibilité était comprise entre ¼ et ½ mille terrestre et se dégradait. Par conséquent, l’équipage de conduite disposait de peu de repères visuels pour déterminer et vérifier la position de l’aéronef sur la piste 27. L’un de ces repères était la partie de la marque d’axe de voie de circulation qui était visible devant l’aéronef; cependant, au moment de circuler pour prendre position sur la piste, le commandant de bord a décalé l’aéronef par rapport à la marque d’axe de voie de circulation afin d’augmenter la distance de piste disponible pour le décollage. Ce faisant, il avait encore moins de repères visuels sur lesquels se fier pour déterminer la position de l’aéronef sur la piste. Lorsque le commandant de bord a ensuite effectué un virage à gauche pour s'établir sur le cap de piste en vue du décollage, il a perçu la marque de bord de piste gauche comme étant l’axe de piste. Les repères visuels limités et ambigus qui étaient disponibles répondaient probablement aux attentes du commandant de bord et, par conséquent, l’aéronef a été aligné latéralement sur le bord gauche plutôt qu’au centre de la piste.

Étant donné que la piste 27 présentait un seuil décalé, on a comparé l’environnement visuel d’une zone de seuil décalé à celui d’un seuil de piste non décalé. Il est ressorti qu’il existe un risque accru de mauvais alignements ou de sorties latérales de piste si les équipages de conduite s’alignent sur des pistes dans la zone située avant le seuil décalé ou s’ils effectuent des départs à partir d’une intersection, que ce soit dans des conditions visuelles dégradées ou des conditions visuelles de nuit, sans confirmer la position latérale de l’aéronef sur la piste. En effet, les zones de seuil décalé et les intersections des pistes et des voies de circulation ne comportent pas de marques de seuil de piste ni de numéros de piste, 2 éléments distinctifs qui permettent aux équipages de conduite de définir la largeur — et donc l’axe — de la piste.

La nature des opérations à l’aéroport de l’événement à l’étude a également été examinée. L’aéroport international de San Diego, l’un des aéroports de service commercial à piste unique les plus achalandés au monde, enregistre un volume élevé d’arrivées et de départs qui se succèdent très rapidement, ce qui se traduit par une cadence que les équipages de conduite sont tenus de suivre. On a constaté que la complexité des opérations selon les règles de vol aux instruments sur l’unique surface de piste, où les arrivées se faisaient d’un côté et les départs de l’autre, avait créé un environnement dans lequel l’équipage de conduite a perçu une pression temporelle pour le décollage. Par conséquent, le premier officier a effectué les vérifications d’alignement pendant que le commandant de bord circulait pour se mettre en position, si bien que le premier officier n’a pas surveillé la progression de la circulation. En raison du nombre réduit de repères visuels et de leur mauvaise qualité, ainsi que de la pression temporelle ressentie par le premier officier, celui-ci ne s’est pas rendu compte que le nez de l’aéronef était aligné avec le bord gauche de la piste lorsqu’il s’est vu confier le rôle de pilote aux commandes peu avant d’entreprendre la course au décollage.

L’enquête a permis de déterminer que peu après, pendant la course au décollage, les roues du train d’atterrissage principal gauche de l’aéronef ont heurté et cassé 3 feux de bord de piste, endommageant du même coup les pneus et les volets de l’aéronef. Cependant, l’équipage de conduite ne s’en est pas rendu compte, croyant que les bruits et les vibrations correspondaient à un contact normal avec les feux d’axe de piste encastrés et, a par conséquent poursuivi le décollage. Cet aspect de l’événement a révélé un risque particulier pour la sécurité des autres aéronefs. Étant donné que l’aéroport n’est pas équipé d’un système de détection des objets intrus, l’exploitant ou les contrôleurs de l’aéroport n’ont découvert la présence de débris que plusieurs heures après le mauvais alignement au décollage. Si la présence d’objets intrus sur les pistes n’est pas détectée et repérée en temps opportun, il y a un risque que de tels objets endommagent des aéronefs pendant les phases critiques de vol.

L’enquête s’est aussi attardée aux causes du déséquilibre de carburant survenu lors de l’événement. Il est probable que, lors de l’exécution de la liste de vérification avant décollage ou de celle après décollage, l’équipage de conduite a appuyé par inadvertance sur l’interrupteur à bouton-poussoir de flux transversal par gravité plutôt que sur celui de surpassement automatique de flux transversal situé plus ou moins au même endroit. Par conséquent, pendant le vol, le carburant a été périodiquement transféré par gravité entre les réservoirs d’aile de l’aéronef lorsque celui-ci était incliné à gauche ou à droite, ce qui a aggravé le déséquilibre de carburant.

Les directives fournies aux équipages de conduite par l’exploitant aérien, Jazz Aviation LP, et le constructeur, Mitsubishi Heavy Industries Regional Jet Aviation Group, pour corriger les déséquilibres de carburant sont peu claires et incohérentes. Lorsque le libellé d’une liste de vérification est ambigu ou peu clair ou lorsque le libellé de la liste de vérification d’un exploitant diffère de celui de la liste de vérification fournie par le constructeur, un équipage de conduite peut, pour tenter de remédier à une situation anormale ou d’urgence, exécuter des procédures d’une manière non prévue par le constructeur, ce qui accroît le risque que l’aéronef se retrouve dans un état indésirable. Le pilote automatique étant embrayé, l’aéronef a été placé involontairement en glissade du côté du réservoir d’aile contenant la plus grande quantité de carburant, et ce, sans que l’équipage de conduite s’aperçoive de cette inclinaison opposée. Par conséquent, le déséquilibre latéral de carburant n’a pas été contrôlé et s’est exacerbé. Le déséquilibre de carburant, qui n’était pas lié aux dommages subis pendant la course au décollage, a amené l’équipage à déclarer une situation d’urgence et à dérouter l’aéronef vers un aéroport voisin en vue d’un atterrissage d’urgence. En outre, les listes de vérification de l’aéronef n’exigeaient pas que l’équipage de conduite ferme le robinet de flux transversal par gravité après la tentative d’exécution de la procédure d’intercommunication par gravité. Par conséquent, le robinet ouvert a eu occasionnellement pour effet d’aggraver le déséquilibre de carburant lors des manœuvres qui ont suivi si bien que ce déséquilibre a, à un moment donné, été 3 fois plus élevé que la valeur maximale admissible.

À la suite de l’événement, Jazz Aviation LP a ajouté des avertissements supplémentaires à ses cartes d’aéroports afin de souligner les risques liés aux décollages effectués à partir de zones de seuil décalé. Par exemple, les cartes de l’aéroport international de San Diego comprennent désormais une remarque concernant les départs, qui informe les équipages de conduite de la menace d’une vérification incorrecte de la piste par visibilité réduite et prescrit des mesures supplémentaires à prendre pour vérifier la piste et l’alignement de l’aéronef par rapport à l’axe de piste. Jazz Aviation LP a également publié une note de service concernant les départs à partir des zones de seuil décalé. De plus, l’exploitant aérien a révisé sa procédure de vérification de l’alignement ainsi que sa procédure d’intercommunication par gravité, qui contient désormais davantage de directives sur la façon d’amorcer une glissade.


Ressources pour les médias

Communiqué de presse

2024-07-05

Un déséquilibre de carburant en vol a entraîné le déroutement et l’atterrissage d’urgence de l’aéronef d’un transporteur aérien canadien à l’aéroport international de Los Angeles
Lire le communiqué de presse


Informations d'enquête

Carte de la région




Enquêteur désigné

Photo de Kent Wickens

Kent Wickens est enquêteur principal régional de la Direction des enquêtes aéronautiques au bureau régional du Pacifique à Richmond, en Colombie-Britannique. M. Wickens compte plus de 20 ans d’expérience de travail comme pilote dans l’industrie aéronautique. Il a débuté sa carrière à titre d’instructeur de vol, avant de déménager dans le nord de l’Alberta pour piloter des vols transportant des marchandises et des passagers. Il a ensuite obtenu un poste dans une compagnie aérienne, où il a travaillé pendant 17 ans. Même s’il a passé la majorité de sa carrière comme commandant sur Convair 580, il a aussi occupé le poste de premier officier sur Boeing 727 pendant un certain temps. Avant de se joindre au Bureau de la sécurité des transports en 2019, il a travaillé chez Transports Canada pendant 5 ans à titre d’enquêteur et gestionnaire au sein de la Direction de l’application de la loi.

M. Wickens est titulaire d’une licence de pilote de ligne – avion, et compte plus de 8 500 heures de vol.


Catégorie de l’enquête

Cette enquête est une enquête de catégorie 2. Ces enquêtes sont complexes et portent sur plusieurs problèmes de sécurité exigeant une analyse approfondie. Les enquêtes de catégorie 2, qui donnent souvent lieu à des recommandations, se concluent généralement en 600 jours. Pour de plus amples renseignements, consultez la Politique de classification des événements.

Processus d'enquête du BST

Une enquête du BST se déroule en 3 étapes :

  1. L'étape du travail sur le terrain : une équipe d'enquêteurs examine le lieu de l'événement et l'épave, interviewe les témoins et recueille toute l'information pertinente.
  2. L'étape d'examen et d'analyse : le BST examine toute la documentation liée au dossier, effectue des tests en laboratoire sur des composantes de l'épave, établit la chronologie des événements et identifie toute lacune en matière de sécurité. Lorsque le BST soupçonne ou constate des lacunes en matière de sécurité, il en informe sans tarder les organismes concernés sans attendre la parution du rapport final.
  3. L'étape de production du rapport : une version confidentielle du rapport est approuvée par le Bureau et envoyée aux personnes et organismes qui sont directement touchés par le rapport. Ceux-ci ont l'occasion de contester ou de corriger l'information qu'ils jugent erronée. Le Bureau tient compte de toutes les observations fournies avant d'approuver la version définitive du rapport, qui est ensuite publiée.

Vous trouverez de plus amples détails à la page sur le Déroulement des enquêtes.

Le BST est un organisme indépendant qui mène des enquêtes sur des événements de transport aérien, ferroviaire, maritime et pipelinier. Son seul but est de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.