Kathy Fox
Présidente, Bureau de la sécurité des transports du Canada
et
Doug McEwen
Enquêteur désigné, Bureau de la sécurité des transports du Canada
Halifax (Nouvelle-Écosse), le 18 mai 2017
Seul le texte prononcé fait foi.
Kathy Fox
Bonjour,
Tout juste après minuit le 29 mars 2015, l'Airbus 320 effectuant le vol 624 d'Air Canada a heurté le relief à 740 pieds, soit 225 mètres, avant la piste en tentant d'atterrir dans une tempête de neige à l'Aéroport international Stanfield de Halifax. Il y avait 133 passagers et 5 membres d'équipage à bord. Vingt-cinq personnes ont subi des blessures, de mineures à graves, et ont été transportées à l'hôpital.
Les accidents ne sont presque jamais causés par un seul facteur, une seule entreprise ou une seule personne, et celui-ci ne faisait pas exception. Aujourd'hui, le Bureau de la sécurité des transports du Canada va expliquer comment la conjugaison de nombreux facteurs a causé cet accident, notamment : le mauvais temps, le balisage d'aérodrome et le fait qu'Air Canada n'exigeait pas que ses pilotes surveillent la trajectoire de vol durant une étape clé du vol. Nous allons également expliquer ce qui s'est produit après l'accident, et pourquoi des passagers, dont certains étaient en culottes courtes et en sandales, ont attendu sur la piste en pleine tempête de neige.
Mais avant d'aborder tous ces sujets, je vais passer la parole à l'enquêteur désigné, M. Doug McEwen, qui vous expliquera l'essentiel de la séquence des événements.
Doug McEwen
Merci, Kathy.
La séquence des événements ce soir-là a commencé bien avant l'approche finale à l'aéroport de Halifax. En fait, tout au long du vol à partir de Toronto, les membres de l'équipage avaient discuté des conditions météorologiques et de leurs conséquences probables sur l'atterrissage, d'autant plus que l'une des deux pistes était fermée pour déneigement. La visibilité était leur principale préoccupation. La visibilité minimale exigée était d'un demi-mille, mais les bulletins météorologiques indiquaient que ces données n'étaient pas toujours possibles à déterminer.
À minuit quinze, tandis que l'aéronef était en circuit d'attente à proximité de l'aéroport de Halifax, le contrôleur aérien a signalé que la visibilité s'était améliorée à un demi-mille. L'équipage a décidé de poursuivre l'approche.
La piste disponible, la piste 05, était munie d'un radiophare d'alignement de piste. Il s'agit d'un faisceau radio qui indique l'écart horizontal de l'aéronef par rapport à l'axe de la piste d'atterrissage. Mais un tel système ne fournit pas de guidage vertical; il incombe à l'équipage de conduite de consulter ses instruments pour s'assurer d'être à l'altitude appropriée par rapport à leur distance de la piste.
Tandis que le vol 624 approchait de l'aéroport de Halifax, on a demandé au contrôleur aérien de régler les feux de piste à leur intensité maximale. Toutefois, celui-ci était distrait par les chasse-neige et un aéronef à proximité qui occupaient la voie de circulation et n'a pas réglé les feux.
L'équipage a réglé le pilote automatique pour maintenir la trajectoire descendante de vol selon un angle constant et approprié.
Selon les procédures d'utilisation normalisées d'Air Canada, ils n'étaient pas tenus de surveiller la composante verticale de leur approche et ils ne l'ont pas fait. Alors, lorsque des variations des vents ont fait dévier l'aéronef de la trajectoire de vol choisie, ils ne se sont pas aperçus qu'ils ne se trouvaient plus là où ils le devaient.
L'un des paramètres critiques de l'altitude d'approche est ce qui s'appelle l'« altitude minimale de descente ». L'aéronef ne doit pas descendre sous cette altitude à moins que l'équipage dispose de références visuelles précises, comme les feux d'approche ou les feux de piste.
Lorsque l'aéronef a atteint l'altitude minimale de descente à un peu plus d'un mille du seuil de piste, les membres d'équipage pouvaient voir des feux d'approche, ce qu'ils ont interprété comme un critère suffisant pour poursuivre l'approche. Volant sous l'altitude minimale de descente, ils s'attendaient à ce que les feux deviennent plus visibles à mesure qu'ils approchaient de l'aéroport.
Ce n'est que dans les dernières secondes du vol que les pilotes ont désactivé le pilote automatique pour effectuer un atterrissage manuel. Presque immédiatement, ils se sont rendu compte qu'ils avaient volé trop bas trop tôt et qu'ils n'atteindraient pas la piste. Ils ont entrepris une remise des gaz, relevant le nez et augmentant la poussée, mais l'aéronef a heurté le relief, a rebondi deux fois, puis a glissé vers l'avant avant de s'immobiliser plus loin sur la piste.
À l'écran, vous verrez une brève animation montrant la trajectoire de vol prévue et la trajectoire de vol réelle de l'aéronef, et l'importance de l'écart entre les deux. Vous verrez également une incrustation illustrant la mauvaise visibilité.
Kathy Fox
Au cours de l'évacuation qui a suivi, certains passagers sont sortis avec leurs bagages à main, ce qui aurait pu en ralentir la progression et créer un risque, particulièrement pour les blessés. Après l'évacuation, il s'est écoulé près d'une heure avant que tous les passagers soient transportés et abrités dans des installations. Ce délai était dû en partie aux conditions météorologiques particulièrement mauvaises et au fait que l'aéronef avait rompu des lignes électriques commerciales à proximité de la piste, ce qui a causé une panne des systèmes d'alimentation de secours et perturbé le réseau radio de l'aéroport. Mais nous avons également relevé des lacunes dans les plans d'intervention d'urgence du transporteur et de l'aéroport, notamment en ce qui concerne les dispositions à prendre pour assurer le transport rapide de tous les occupants.
Comme nous l'avons expliqué, cet accident résulte d'une combinaison de facteurs. Il aurait peut-être suffi de changer un seul de ces facteurs pour que le vol 624 puisse atterrir sans problème.
Pour réduire le risque que des accidents de ce type surviennent à nouveau, diverses mesures de sécurité ont déjà été prises.
Les pilotes d'Air Canada ont reçu des consignes plus précises sur les références visuelles requises pour poursuivre une approche, ainsi qu'un avertissement clair quant aux limites du pilote automatique et de la navigation verticale à l'aide du mode d'angle de trajectoire de vol. Le manuel d'exploitation de vol de l'entreprise a aussi été révisé et met davantage l'accent sur la surveillance des instruments pendant toutes les approches sous l'altitude minimale de descente. L'aéroport de Halifax a amélioré le dispositif lumineux d'approche de la piste 05, et Air Canada a recommandé que des améliorations similaires soient apportées à d'autres aéroports au pays.
L'Administration de l'aéroport international de Halifax a aussi pris des mesures pour examiner, réviser et mettre à jour son plan d'intervention d'urgence et améliorer ses ressources d'urgence, y compris l'alimentation électrique de secours.
Cet accident fait également ressortir la nécessité de mettre en œuvre d'autres mesures pour se conformer à deux recommandations que le BST a adressées à Transports Canada :
- mettre au point des ensembles de retenue convenant à l'âge et à la taille des bébés et des jeunes enfants afin d'assurer un niveau de sécurité équivalent à celui des adultes;
- exiger des sources d'alimentation électrique indépendantes pour les enregistreurs de conversations de poste de pilotage afin que les enquêteurs ne soient pas privés de renseignements potentiellement utiles, même après un accident.
Au Canada, les accidents mettant en cause de gros avions à réaction de ligne sont rares. Nous espérons tout de même que tous les passagers des sociétés aériennes seront conscients de l'importance d'être attentifs aux consignes de sécurité données avant le vol, de prendre connaissance de la carte des mesures de sécurité et de porter, à bord, des vêtements appropriés pour la saison. On ne sait jamais quand il pourrait être nécessaire d'évacuer un avion. De plus, en cas d'évacuation d'urgence, il faut laisser ses bagages à main dans l'aéronef, comme le demande le personnel de cabine. Cela ne vaut pas la peine de risquer sa vie et celles des autres pour un bagage.
Cet accident était très grave, et il aurait pu avoir des conséquences bien pires. Cela devrait nous faire prendre conscience que toutes les parties en cause – Transports Canada, les aéroports, les sociétés aériennes, les équipages et même les passagers – ont un rôle à jouer pour que chaque vol soit aussi sûr que possible.
Merci.