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Kathy Fox
Présidente, Bureau de la sécurité des transports du Canada
Québec (Québec), le 7 septembre 2017
Seul le texte prononcé fait foi.
Kathy Fox
Bonjour,
Le matin du 23 août 2015, un hydravion de Havilland DHC-2, mieux connu sous le nom de « Beaver », transportant un pilote et cinq passagers, a décollé des eaux du lac Long, près de Tadoussac, Québec. Le soleil brillait, le ciel était dégagé, et le vent était léger. Bref, c'était une journée idéale pour un vol touristique de 20 minutes.
Cependant, la journée a tourné au tragique quand le pilote a effectué un virage à basse altitude pour montrer la faune aux passagers. C'est ainsi qu'un décrochage aérodynamique s'est produit, provoquant une mise en vrille. L'appareil a percuté le sol, a été consumé par l'incendie qui s'est déclaré après l'impact, et les six occupants ont perdu la vie.
Aujourd'hui, le Bureau de la sécurité des transports du Canada publie une recommandation visant à éviter que des accidents comme celui-ci ne se répètent. Nous voulons que Transports Canada exige que tous les Beaver en exploitation commerciale soient équipés d'un système avertisseur de décrochage, afin de prévenir les pilotes avant le décrochage de leur appareil.
Mais tout d'abord, laissez-moi vous expliquer comment et pourquoi les choses ont si mal tourné ce matin-là ainsi que les raisons de notre recommandation.
Le pilote avait déjà effectué trois vols touristiques ce matin-là, chacun d'une durée d'environ 20 minutes : initialement au-dessus du Parc marin du Saguenay—où l'observation des baleines est une activité populaire—et par la suite à l'extérieur du parc, pour observer la faune. Le pilote montait initialement à 2000 pieds, l'altitude minimale exigée pour le survol du parc marin. Ayant quitté le parc marin, il descendait graduellement pour donner aux passagers l'occasion de voir la faune de plus près.
Le vol était presque terminé, et le Beaver s'approchait du lac Long pour amerrir. Alors qu'il volait à une hauteur d'environ 110 pieds au-dessus d'une colline, le pilote a fait un virage à grande inclinaison vers la gauche pour montrer la faune aux passagers. Lors de ce virage, l'aile inférieure de l'appareil a dépassé son angle d'attaque critique, ce qui a provoqué un décrochage, menant à une autorotation de mise en vrille.
Un décrochage aérodynamique survient lorsque les ailes d'un avion ne génèrent pas assez de portance, et— si une aile décroche avant l'autre —une autorotation de mise en vrille s'ensuit. Lors d'une vrille, un avion est en autorotation et en descente verticale. Une vrille en soi n'entraîne pas nécessairement un accident, si elle survient à une altitude suffisante pour permettre au pilote de reprendre la maîtrise de l'avion. Dans ce cas-ci, bien que le pilote ait réussi à stopper la vrille, l'altitude était insuffisante pour prévenir l'impact avec le sol.
Le Beaver, un avion emblématique canadien certifié en 1948, a été conçu spécialement comme appareil de brousse. De nos jours, des centaines de Beaver sont utilisés partout au pays, dont plus de 200 dans le cadre d'exploitations commerciales.
Il faut comprendre que les manœuvres à basse altitude pour atteindre des lacs en régions montagneuses, font partie intégrante du vol de brousse. Toutefois, les objectifs de vols touristiques sont différents, puisque les manœuvres à basse altitude ne sont pas nécessaires.
L'enquête a déterminé que le pilote effectuait régulièrement des manœuvres à basse altitude lors de ses vols touristiques. Toutefois, étant donné que l'avion n'était pas muni d'enregistreur de bord, la compagnie n'était pas au courant, car elle ne disposait pas de moyen de surveillance de ces pratiques.
Le BST a déjà soulevé ce problème. En 2013, le Bureau a recommandé à Transports Canada de faciliter l'installation d'enregistreurs de données de vol légers, afin de permettre aux compagnies de mieux surveiller l'exécution des vols. D'ailleurs, dans le cadre d'une enquête à la suite d'un accident, ces données de vol aideraient les enquêteurs à mieux comprendre ce qui s'est passé.
De plus, dans cet accident, l'appareil n'avait pas de système avertisseur de décrochage. Malgré l'expérience considérable du pilote, et malgré le fait qu'il était instructeur sur le Beaver, il n'a pas perçu l'imminence d'un décrochage lors de son virage.
Depuis 1998, en comptant l'accident dont il est question aujourd'hui, il y a eu 13 accidents de ce genre au Canada, qui ont coûté la vie à 37 personnes. Bien que Transports Canada et Viking, le fabricant actuel de l'appareil, ont recommandé l'installation de systèmes avertisseurs de décrochage, ceux-ci ne sont pas obligatoires, et peu de compagnies en ont installés volontairement. Il est temps que ça change.
C'est pourquoi, aujourd'hui, le BST recommande à Transports Canada d'exiger que tous les Beaver en exploitation commerciale soient équipés d'un système avertisseur de décrochage.
Ainsi, les pilotes et les passagers auront une dernière défense contre ce type de perte de maîtrise de l'avion.
Merci.