Communications de sécurité liées à l’enquête M21P0297 du BST : Incendie à bord du porte-conteneurs ZIM Kingston en octobre 2021

L’événement

Le 21 octobre 2021, le porte-conteneurs ZIM Kingston, avec 21 membres d’équipage à bord, a subi un roulis paramétrique, s’est incliné de 36° et a perdu 109 conteneurs par-dessus bord alors qu’il dérivait au banc La Pérouse, à environ 27 milles marins au sud d’Ucluelet (Colombie-Britannique). Un certain nombre de conteneurs sur le pont ont également été endommagés. Environ 36 heures plus tard, alors que le navire était ancré au large de Victoria (Colombie-Britannique), un incendie s’est déclaré dans un conteneur endommagé qui contenait des marchandises dangereuses. L’incendie s’est ensuite propagé à cinq conteneurs voisins et a brûlé pendant cinq jours avant d’être déclaré éteint. L’un des membres d’équipage a ensuite reçu des soins après avoir inhalé de la fumée.

En novembre 2021, quatre des conteneurs perdus par-dessus bord ont été récupérés sur les rives du nord de l’île de Vancouver, ainsi que divers débris des conteneurs. En juillet 2023, un relevé sous-marin a permis de localiser 29 autres conteneurs sur le fond océanique à proximité du lieu de l’événement. Des nettoyages de plage en cours ont permis de trouver des débris provenant probablement du ZIM Kingston s’échouant sur de grandes étendues de la ligne de côte de la Colombie-Britannique; des débris ont également été retrouvés aussi loin au nord qu’en Alaska, aux États-Unis.

L’enquête a mis en évidence des lacunes de sécurité qui ont incité le Bureau à émettre deux préoccupations liées à la sécuritésuivantes.

Directives complètes sur la gestion du risque de roulis paramétrique

Le roulis paramétrique résulte de l’interaction de deux éléments – les caractéristiques des vagues dans une voie maritime et les caractéristiques de stabilité d’un navire – et entraîne l’apparition soudaine d’angles de roulis extrêmes pour un navire. La gestion du risque de roulis paramétrique est complexe. Non seulement il est difficile de prédire exactement quand un événement de roulis paramétrique se produira, mais une fois que le roulis extrême commence, il peut ne pas être possible d’arrêter les mouvements dangereux avant que des conséquences négatives se produisent, telles que la perte de conteneurs. Voilà pourquoi il faut mettre l’accent sur la surveillance des conditions qui donnent lieu à un roulis paramétrique, de sorte que des mesures préventives puissent être prises en présence de ces conditions. Pour ce faire, les membres de l’équipe à la passerelle doivent avoir accès à des politiques formelles et à des procédures complètes pour gérer le risque de roulis paramétrique. Ils doivent aussi avoir des outils efficaces pour surveiller les nombreuses conditions qui ont une incidence les mouvements de leur navire, pour analyser le risque de roulis paramétrique et pour mettre en œuvre des mesures d’atténuation le cas échéant.

Après l’événement, une analyse des paramètres pertinents du navire et de l’environnement dans la période précédant l’événement a montré que le ZIM Kingston risquait de développer un roulis paramétrique et que ce risque pouvait être décelé à l’aide de certains documents d’orientation dont dispose généralement l’industrie. Toutefois, les directives disponibles à bord du navire au moment de l’événement ne permettaient pas de cerner le risque. En l’absence de politiques établies et de procédures détaillées à l’appui d’une évaluation du risque lié au roulis paramétrique, le capitaine a dû se fier à ses connaissances et à son expérience pour évaluer la sécurité du navire alors qu’il maintenait un circuit d’attente en pleine mer. Le capitaine avait une compréhension générale des conditions susceptibles de mener au roulis paramétrique et des mesures à prendre si cela se produisait, mais il n’avait jamais été confronté lui-même à un roulis paramétrique et n’avait jamais effectué une évaluation quantitative du risque propre au roulis paramétrique.

Des enquêtes menées par d’autres organismes sur des événements antérieurs liés au roulis paramétrique mettent en évidence des incohérences et des lacunes similaires en ce qui concerne la formation des membres d’équipages à la passerelle et l’adoption de procédures et d’outils destinés à les aider à gérer le risque de roulis paramétrique. Bien qu’il existe un grand nombre de ressources disponibles qui ciblent divers publics et présentent différentes directives pour l’évaluation du risque de roulis paramétrique, aucune de ces ressources ne fournit de directives complètes pour aider les propriétaires de navire, les affréteurs et les équipes à la passerelle à gérer efficacement le risque de roulis paramétrique.

Des directives complètes sur le roulis paramétrique devraient être présentées d’une manière accessible et compréhensible. Elles devraient aider les membres de l’équipe à la passerelle à se servir concrètement de ces renseignements, en fournissant des indications précises sur le moment où il convient de procéder à l’évaluation du risque, sur la façon de le faire, sur les résultats qui représentent un risque inacceptable et sur les mesures d’atténuation qui devraient être envisagées. Ces directives devraient aborder la nécessité pour les équipes à la passerelle de disposer d’outils efficaces pour gérer le risque de roulis paramétrique et de comprendre les mérites et les limites de ces outils. Elles devraient par ailleurs aborder la nécessité de dispenser une formation pour que les politiques, les procédures et les outils puissent être pleinement utilisés par l’équipage des navires. Enfin, des directives complètes devraient aborder la nécessité de politiques et de procédures de l’entreprise qui favorisent une compréhension commune du risque lié au roulis paramétrique par toutes les parties concernées (propriétaires, affréteurs, membres d’équipage à la passerelle) et qui garantissent que les membres de l’équipe à la passerelle reçoivent le soutien dont ils ont besoin pour prendre des décisions en matière de sécurité.

L’Organisation maritime internationale (OMI) est généralement reconnue comme l’organisme international le mieux placé pour élaborer et diffuser des directives complètes à l’intention de l’industrie maritime; toutefois, sa circulaireOrganisation maritime internationale, MSC.1/Circ. 1228, Directives révisées destinées à permettre au capitaine d’éviter les situations dangereuses lorsque les conditions météorologiques et l’état de la mer sont défavorables (11 janvier 2007). traitant du risque de roulis paramétrique n’a pas été mise à jour depuis plus de 17 ans et l’enquête a permis d’y relever plusieurs lacunes. Par exemple, la circulaire ne présente que des directives opérationnelles minimes sur le roulis paramétrique, et elle n’offre aucune directive en ce qui concerne les politiques, les procédures, la formation, les outils ou les services liés à la gestion des risques associés au roulis paramétrique. De plus, la circulaire caractérise le roulis paramétrique comme un phénomène de gros temps, alors que les essais sur modèle du ZIM Kingston ont révélé qu’il pouvait se développer dans des hauteurs significatives de vaguesLa hauteur significative des vagues est une mesure moyenne des 33 % des vagues les plus grandes (source : National Oceanic and Atmospheric Administration, National Weather Service, « Significant Wave Height », à l’adresse https://www.weather.gov/mfl/waves [dernière consultation le 1er juin 2024]). d’aussi peu que 2,6 m.

L’OMI a publié récemment ses Directives intérimaires relatives à la deuxième génération de critères de stabilité à l’état intact, qui feront en sorte de réduire au minimum le risque de roulis paramétrique et offriront une approche cohérente pour aborder ce risque dans l’ensemble de l’industrie internationale du transport maritime. Toutefois, le calendrier d’intégration de ces directives au Recueil international de règles de stabilité à l’état intact, 2008 est incertain, et on ne sait pas clairement si les directives s’appliqueront aux navires existants. Les directives n’abordent pas non plus la question de la formation de l’équipage dans ce domaine. De même, on ne sait pas, au moment de la rédaction du présent rapport, si les travaux du Sous-comité du transport des cargaisons et des conteneurs de l’OMI aborderont les enjeux relevés dans le cadre de la présente enquête.

Le Bureau craint qu’en l’absence de directives complètes et à jour à l’intention de l’industrie sur la gestion du roulis paramétrique, il y a un risque que les politiques, les procédures, les outils et la formation des entreprises à cet égard soient incohérents, inefficaces ou totalement absents, ce qui pourrait entraîner de nouvelles pertes de conteneurs et les conséquences négatives qui en découlent pour la sécurité et l’environnement.

L’état de préparation du Canada en cas d’urgence maritime

Sur les navires commerciaux, les équipages sont formés et équipés pour gérer de nombreuses urgences maritimes avec les ressources à bord. Cependant, une urgence peut vite en devenir une où des ressources externes sont nécessaires. L’événement touchant le ZIM Kingston a mis en évidence certains des défis que pose l’intervention en cas d’urgence maritime dans les eaux canadiennes. Il a également soulevé des questions sur la disponibilité et la capacité des ressources canadiennes de mener de telles interventions.

Après que l’incendie se fut déclaré sur le ZIM Kingston, c’est en grande partie grâce à des circonstances fortuites qu’une intervention rapide et efficace, avec le concours de ressources extérieures, a pu être mise en œuvre. Comme l’exige la législation américaine, le ZIM Kingston avait un contrat préexistant avec une compagnie américaine d’intervention en cas d’urgence, qui a dépêché des spécialistes sur le lieu de l’événement. Deux navires battant pavillon étranger et équipés de systèmes de lutte contre les incendies de catégorie 1, qui se trouvaient par hasard à Victoria, ont aussi pu être engagés par la compagnie d’intervention en cas d’urgence. Cependant, ces circonstances pourraient ne pas être présentes lors d’événements futurs, ce qui met en évidence la nécessité d’examiner attentivement l’état de préparation du Canada aux urgences maritimes. Le Canada n’exige pas de plans convenus à l’avance pour l’intervention en cas d’incendie ou le sauvetage maritime, au contraire des États-Unis. De plus, la GCC ne participe pas directement aux activités de lutte contre les incendies maritimes dans le cadre de l’intervention en cas d’incident, et elle ne dispose pas non plus de capacités de lutte contre les incendies qui lui permettraient d’intervenir directement en cas d’incendie sur un navire.

Le contrat préexistant d’intervention en cas d’urgence que possédait l’exploitant du navire a été un facteur déterminant dans le succès de la lutte contre l’incendie. Bien que des spécialistes des interventions d’urgence puissent être embauchés d’urgence, un contrat préexistant peut améliorer la rapidité de l’intervention, car les renseignements sur le navire peuvent être communiqués à l’avance aux spécialistes de l’intervention, ce qui permet de préparer un plan d’intervention à l’avance.

Bien que cet événement ait eu lieu dans un mouillage à l’extérieur du port de Vancouver, des enquêtes antérieures du BST ont aussi démontré que l’état de préparation soulève des préoccupations lorsque des incendies à bord de navires se produisent dans des ports canadiens. À la suite d’une enquête sur un incendie survenu à bord du vraquier Tecumseh, dans le port de WindsorRapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M19C0403 du BST., le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant la suffisance des ressources disponibles dans les ports canadiens pour intervenir en cas d’incendie à bord d’un navire. À l’extérieur des ports, les possibilités d’intervention en cas d’incendie à bord d’un navire sont encore plus limitées si l’équipe d’incendie à bord ne parvient pas à éteindre le feu.

L’état de préparation du Canada face à d’autres urgences maritimes, comme des événements de déversement de substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD), est aussi source de préoccupation. En ce qui concerne les événements de pollution, le Canada n’a aucun plan d’intervention en cas de déversement de SNPD, bien qu’il se soit doté d’un plan pour les événements relatifs aux hydrocarbures. Le gouvernement fédéral a reconnu la nécessité d’améliorer l’état de préparation face aux événements concernant des SNPD. Il a annoncé son intention de mettre en place un système national unique permettant d’intervenir en cas d’incident de pollution marine, quelle qu’en soit la source, dans des délais qui réduisent au minimum les répercussions sur la santé humaine et l’environnement. De plus, TC a proposé de prendre des règlements destinés à renforcer les exigences en matière de préparation applicables à l’industrie, par exemple, en exigeant que les navires prennent des dispositions prévoyant des services de lutte contre les incendies et de sauvetage, et en disposant d’un spécialiste de l’intervention qui pourrait travailler avec les ministères fédéraux et d’autres partenaires pour gérer tout incident.

Le présent événement, comme de nombreux autres, a montré que si la GCC a la capacité d’évacuer des membres d’équipage qui sont blessés ou en danger, il existe des lacunes systémiques dans d’autres aspects des interventions en cas d’urgences à bord de navires. Bien que TC propose les changements susmentionnés pour remédier à ces lacunes, dans la pratique, la seule mesure concrète qui ait été prise jusqu’à présent est la modification de 2023 à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada qui donne au gouverneur en conseil la possibilité d’adopter des règlements concernant les dispositions d’urgence. En juin 2024, TC indiquait que selon les prévisions, l’élaboration de tels règlements se poursuivra encore 4 ans, sous réserve des priorités du gouvernement en matière de réglementation.

Dans l’intervalle, le Bureau se préoccupe du fait qu’il y a des lacunes dans l’état de préparation du Canada relativement aux urgences maritimes qui dépassent la capacité d’intervention de l’équipage d’un navire, ce qui présente un risque pour les navires, pour l’environnement, ainsi que pour la santé et la sécurité du grand public.   

L’événement

Le 21 octobre 2021, le porte-conteneurs ZIM Kingston, avec 21 membres d’équipage à bord, a subi un roulis paramétrique, s’est incliné de 36° et a perdu 109 conteneurs par-dessus bord alors qu’il dérivait au banc La Pérouse, à environ 27 milles marins au sud d’Ucluelet (Colombie-Britannique). Un certain nombre de conteneurs sur le pont ont également été endommagés. Environ 36 heures plus tard, alors que le navire était ancré au large de Victoria (Colombie-Britannique), un incendie s’est déclaré dans un conteneur endommagé qui contenait des marchandises dangereuses. L’incendie s’est ensuite propagé à cinq conteneurs voisins et a brûlé pendant cinq jours avant d’être déclaré éteint. L’un des membres d’équipage a ensuite reçu des soins après avoir inhalé de la fumée.

En novembre 2021, quatre des conteneurs perdus par-dessus bord ont été récupérés sur les rives du nord de l’île de Vancouver, ainsi que divers débris des conteneurs. En juillet 2023, un relevé sous-marin a permis de localiser 29 autres conteneurs sur le fond océanique à proximité du lieu de l’événement. Des nettoyages de plage en cours ont permis de trouver des débris provenant probablement du ZIM Kingston s’échouant sur de grandes étendues de la ligne de côte de la Colombie-Britannique; des débris ont également été retrouvés aussi loin au nord qu’en Alaska, aux États-Unis.

L’enquête a mis en évidence des lacunes de sécurité qui ont incité le Bureau à émettre deux préoccupations liées à la sécuritésuivantes.

Directives complètes sur la gestion du risque de roulis paramétrique

Le roulis paramétrique résulte de l’interaction de deux éléments – les caractéristiques des vagues dans une voie maritime et les caractéristiques de stabilité d’un navire – et entraîne l’apparition soudaine d’angles de roulis extrêmes pour un navire. La gestion du risque de roulis paramétrique est complexe. Non seulement il est difficile de prédire exactement quand un événement de roulis paramétrique se produira, mais une fois que le roulis extrême commence, il peut ne pas être possible d’arrêter les mouvements dangereux avant que des conséquences négatives se produisent, telles que la perte de conteneurs. Voilà pourquoi il faut mettre l’accent sur la surveillance des conditions qui donnent lieu à un roulis paramétrique, de sorte que des mesures préventives puissent être prises en présence de ces conditions. Pour ce faire, les membres de l’équipe à la passerelle doivent avoir accès à des politiques formelles et à des procédures complètes pour gérer le risque de roulis paramétrique. Ils doivent aussi avoir des outils efficaces pour surveiller les nombreuses conditions qui ont une incidence les mouvements de leur navire, pour analyser le risque de roulis paramétrique et pour mettre en œuvre des mesures d’atténuation le cas échéant.

Après l’événement, une analyse des paramètres pertinents du navire et de l’environnement dans la période précédant l’événement a montré que le ZIM Kingston risquait de développer un roulis paramétrique et que ce risque pouvait être décelé à l’aide de certains documents d’orientation dont dispose généralement l’industrie. Toutefois, les directives disponibles à bord du navire au moment de l’événement ne permettaient pas de cerner le risque. En l’absence de politiques établies et de procédures détaillées à l’appui d’une évaluation du risque lié au roulis paramétrique, le capitaine a dû se fier à ses connaissances et à son expérience pour évaluer la sécurité du navire alors qu’il maintenait un circuit d’attente en pleine mer. Le capitaine avait une compréhension générale des conditions susceptibles de mener au roulis paramétrique et des mesures à prendre si cela se produisait, mais il n’avait jamais été confronté lui-même à un roulis paramétrique et n’avait jamais effectué une évaluation quantitative du risque propre au roulis paramétrique.

Des enquêtes menées par d’autres organismes sur des événements antérieurs liés au roulis paramétrique mettent en évidence des incohérences et des lacunes similaires en ce qui concerne la formation des membres d’équipages à la passerelle et l’adoption de procédures et d’outils destinés à les aider à gérer le risque de roulis paramétrique. Bien qu’il existe un grand nombre de ressources disponibles qui ciblent divers publics et présentent différentes directives pour l’évaluation du risque de roulis paramétrique, aucune de ces ressources ne fournit de directives complètes pour aider les propriétaires de navire, les affréteurs et les équipes à la passerelle à gérer efficacement le risque de roulis paramétrique.

Des directives complètes sur le roulis paramétrique devraient être présentées d’une manière accessible et compréhensible. Elles devraient aider les membres de l’équipe à la passerelle à se servir concrètement de ces renseignements, en fournissant des indications précises sur le moment où il convient de procéder à l’évaluation du risque, sur la façon de le faire, sur les résultats qui représentent un risque inacceptable et sur les mesures d’atténuation qui devraient être envisagées. Ces directives devraient aborder la nécessité pour les équipes à la passerelle de disposer d’outils efficaces pour gérer le risque de roulis paramétrique et de comprendre les mérites et les limites de ces outils. Elles devraient par ailleurs aborder la nécessité de dispenser une formation pour que les politiques, les procédures et les outils puissent être pleinement utilisés par l’équipage des navires. Enfin, des directives complètes devraient aborder la nécessité de politiques et de procédures de l’entreprise qui favorisent une compréhension commune du risque lié au roulis paramétrique par toutes les parties concernées (propriétaires, affréteurs, membres d’équipage à la passerelle) et qui garantissent que les membres de l’équipe à la passerelle reçoivent le soutien dont ils ont besoin pour prendre des décisions en matière de sécurité.

L’Organisation maritime internationale (OMI) est généralement reconnue comme l’organisme international le mieux placé pour élaborer et diffuser des directives complètes à l’intention de l’industrie maritime; toutefois, sa circulaireOrganisation maritime internationale, MSC.1/Circ. 1228, Directives révisées destinées à permettre au capitaine d’éviter les situations dangereuses lorsque les conditions météorologiques et l’état de la mer sont défavorables (11 janvier 2007). traitant du risque de roulis paramétrique n’a pas été mise à jour depuis plus de 17 ans et l’enquête a permis d’y relever plusieurs lacunes. Par exemple, la circulaire ne présente que des directives opérationnelles minimes sur le roulis paramétrique, et elle n’offre aucune directive en ce qui concerne les politiques, les procédures, la formation, les outils ou les services liés à la gestion des risques associés au roulis paramétrique. De plus, la circulaire caractérise le roulis paramétrique comme un phénomène de gros temps, alors que les essais sur modèle du ZIM Kingston ont révélé qu’il pouvait se développer dans des hauteurs significatives de vaguesLa hauteur significative des vagues est une mesure moyenne des 33 % des vagues les plus grandes (source : National Oceanic and Atmospheric Administration, National Weather Service, « Significant Wave Height », à l’adresse https://www.weather.gov/mfl/waves [dernière consultation le 1er juin 2024]). d’aussi peu que 2,6 m.

L’OMI a publié récemment ses Directives intérimaires relatives à la deuxième génération de critères de stabilité à l’état intact, qui feront en sorte de réduire au minimum le risque de roulis paramétrique et offriront une approche cohérente pour aborder ce risque dans l’ensemble de l’industrie internationale du transport maritime. Toutefois, le calendrier d’intégration de ces directives au Recueil international de règles de stabilité à l’état intact, 2008 est incertain, et on ne sait pas clairement si les directives s’appliqueront aux navires existants. Les directives n’abordent pas non plus la question de la formation de l’équipage dans ce domaine. De même, on ne sait pas, au moment de la rédaction du présent rapport, si les travaux du Sous-comité du transport des cargaisons et des conteneurs de l’OMI aborderont les enjeux relevés dans le cadre de la présente enquête.

Le Bureau craint qu’en l’absence de directives complètes et à jour à l’intention de l’industrie sur la gestion du roulis paramétrique, il y a un risque que les politiques, les procédures, les outils et la formation des entreprises à cet égard soient incohérents, inefficaces ou totalement absents, ce qui pourrait entraîner de nouvelles pertes de conteneurs et les conséquences négatives qui en découlent pour la sécurité et l’environnement.

L’état de préparation du Canada en cas d’urgence maritime

Sur les navires commerciaux, les équipages sont formés et équipés pour gérer de nombreuses urgences maritimes avec les ressources à bord. Cependant, une urgence peut vite en devenir une où des ressources externes sont nécessaires. L’événement touchant le ZIM Kingston a mis en évidence certains des défis que pose l’intervention en cas d’urgence maritime dans les eaux canadiennes. Il a également soulevé des questions sur la disponibilité et la capacité des ressources canadiennes de mener de telles interventions.

Après que l’incendie se fut déclaré sur le ZIM Kingston, c’est en grande partie grâce à des circonstances fortuites qu’une intervention rapide et efficace, avec le concours de ressources extérieures, a pu être mise en œuvre. Comme l’exige la législation américaine, le ZIM Kingston avait un contrat préexistant avec une compagnie américaine d’intervention en cas d’urgence, qui a dépêché des spécialistes sur le lieu de l’événement. Deux navires battant pavillon étranger et équipés de systèmes de lutte contre les incendies de catégorie 1, qui se trouvaient par hasard à Victoria, ont aussi pu être engagés par la compagnie d’intervention en cas d’urgence. Cependant, ces circonstances pourraient ne pas être présentes lors d’événements futurs, ce qui met en évidence la nécessité d’examiner attentivement l’état de préparation du Canada aux urgences maritimes. Le Canada n’exige pas de plans convenus à l’avance pour l’intervention en cas d’incendie ou le sauvetage maritime, au contraire des États-Unis. De plus, la GCC ne participe pas directement aux activités de lutte contre les incendies maritimes dans le cadre de l’intervention en cas d’incident, et elle ne dispose pas non plus de capacités de lutte contre les incendies qui lui permettraient d’intervenir directement en cas d’incendie sur un navire.

Le contrat préexistant d’intervention en cas d’urgence que possédait l’exploitant du navire a été un facteur déterminant dans le succès de la lutte contre l’incendie. Bien que des spécialistes des interventions d’urgence puissent être embauchés d’urgence, un contrat préexistant peut améliorer la rapidité de l’intervention, car les renseignements sur le navire peuvent être communiqués à l’avance aux spécialistes de l’intervention, ce qui permet de préparer un plan d’intervention à l’avance.

Bien que cet événement ait eu lieu dans un mouillage à l’extérieur du port de Vancouver, des enquêtes antérieures du BST ont aussi démontré que l’état de préparation soulève des préoccupations lorsque des incendies à bord de navires se produisent dans des ports canadiens. À la suite d’une enquête sur un incendie survenu à bord du vraquier Tecumseh, dans le port de WindsorRapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M19C0403 du BST., le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant la suffisance des ressources disponibles dans les ports canadiens pour intervenir en cas d’incendie à bord d’un navire. À l’extérieur des ports, les possibilités d’intervention en cas d’incendie à bord d’un navire sont encore plus limitées si l’équipe d’incendie à bord ne parvient pas à éteindre le feu.

L’état de préparation du Canada face à d’autres urgences maritimes, comme des événements de déversement de substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD), est aussi source de préoccupation. En ce qui concerne les événements de pollution, le Canada n’a aucun plan d’intervention en cas de déversement de SNPD, bien qu’il se soit doté d’un plan pour les événements relatifs aux hydrocarbures. Le gouvernement fédéral a reconnu la nécessité d’améliorer l’état de préparation face aux événements concernant des SNPD. Il a annoncé son intention de mettre en place un système national unique permettant d’intervenir en cas d’incident de pollution marine, quelle qu’en soit la source, dans des délais qui réduisent au minimum les répercussions sur la santé humaine et l’environnement. De plus, TC a proposé de prendre des règlements destinés à renforcer les exigences en matière de préparation applicables à l’industrie, par exemple, en exigeant que les navires prennent des dispositions prévoyant des services de lutte contre les incendies et de sauvetage, et en disposant d’un spécialiste de l’intervention qui pourrait travailler avec les ministères fédéraux et d’autres partenaires pour gérer tout incident.

Le présent événement, comme de nombreux autres, a montré que si la GCC a la capacité d’évacuer des membres d’équipage qui sont blessés ou en danger, il existe des lacunes systémiques dans d’autres aspects des interventions en cas d’urgences à bord de navires. Bien que TC propose les changements susmentionnés pour remédier à ces lacunes, dans la pratique, la seule mesure concrète qui ait été prise jusqu’à présent est la modification de 2023 à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada qui donne au gouverneur en conseil la possibilité d’adopter des règlements concernant les dispositions d’urgence. En juin 2024, TC indiquait que selon les prévisions, l’élaboration de tels règlements se poursuivra encore 4 ans, sous réserve des priorités du gouvernement en matière de réglementation.

Dans l’intervalle, le Bureau se préoccupe du fait qu’il y a des lacunes dans l’état de préparation du Canada relativement aux urgences maritimes qui dépassent la capacité d’intervention de l’équipage d’un navire, ce qui présente un risque pour les navires, pour l’environnement, ainsi que pour la santé et la sécurité du grand public.