Communications de sécurité liées à l’enquête M22C0231 du BST : collision du traversier à passagers Sam McBride avec un quai en août 2022

L’événement

Le 20 août 2022, le Sam McBride est parti de l’île Centre à destination de la gare maritime Jack-Layton à Toronto, avec six membres d’équipage et environ 910 passagers à bord. Plus tôt dans la journée, le traversier avait effectué huit traversées, dont six au maximum de sa capacité. Il était en retard sur son horaire, ce qui n’est pas inhabituel pour une journée d’été achalandée. Peu après 17 h, heure locale, le traversier a heurté le quai alors qu’il accostait à la gare. Environ 20 passagers debout dans l’escalier ou en haut de l’escalier ont été blessés, principalement parce qu’ils ont perdu pied et sont tombés.

Communications de sécurité

Dans le cas d’une situation d’urgence à bord d’un navire à passagers, il est essentiel que les membres d’équipage aient reçu une formation sur la gestion des passagers ainsi que des procédures efficaces pour guider leur intervention de façon générale. Les situations d’urgence évoluent habituellement rapidement, et les passagers, qui ne connaissent probablement pas bien le navire et son équipement, comptent sur les mesures rapides et coordonnées de l’équipage pour voir à leur sécurité. L’enquête du BST sur cet événement a révélé des lacunes de sécurité quant à la gestion de la sécurité des passagers qui ont amené le Bureau à formuler trois recommandations.

Formation de l’équipage

La nécessité pour l’équipage de réagir rapidement et efficacement à une situation d’urgence à bord d’un navire à passagers est la même pour tous les navires et toutes les classes de voyage. Face à une situation d’urgence, les membres de l’équipage doivent posséder des connaissances et des compétences liées à la gestion des foules et au comportement humain dans les situations d’urgence.

Bien que le Règlement sur le personnel maritime exige que les membres d’équipage des navires à passagers d’une jauge brute de plus de 500 effectuant des voyages illimités, des voyages à proximité du littoral, classe 1, ou des voyages à proximité du littoral, classe 2, soient titulaires d’un brevet ou d’un visa de gestion spécialisée de la sécurité des passagers, il n’y a pas de telle exigence dans le cas de l’équipage des navires effectuant des voyages en eaux abritées ou des navires d’une jauge brute de 500 ou moins. Le brevet de gestion spécialisée de la sécurité des passagers dispense une formation sur la gestion des foules, la gestion des crises et le comportement humain en situation d’urgence, la sécurité des passagers et la sécurité du personnel fournissant des services directs aux passagers. Il procure également une formation de familiarisation.

Bien que les navires à passagers effectuant des voyages en eaux abritées soient plus proches de la côte et des intervenants d’urgence basés à terre que les navires effectuant d’autres types de voyages, plusieurs types d’urgences nécessitent une intervention immédiate, pour lesquelles on ne peut attendre l’arrivée des intervenants basés à terre.

À l’heure actuelle au Canada, il n’y a que 46 navires à passagers dont la jauge brute est supérieure à 500, tandis qu’il y a 5025 navires à passagers d’une jauge brute de 500 ou moinsLes chiffres concernant les navires à passagers ont été obtenus à partir d’une requête dans le Registre d’immatriculation des bâtiments de Transports Canada le 17 mai 2024, en utilisant le type de navire « passagers ». Les navires peuvent disposer de documents sur l’effectif minimal de sécurité qui les autorisent à effectuer différentes classes de voyage; il est donc difficile d’attribuer un nombre précis de navires à chaque classe de voyage.. Le nombre maximal de personnes à bord pour un navire à passagers dépend d’autres facteurs que sa jauge brute seulement; ainsi, il se peut que des navires à passagers d’une jauge brute de 500 ou moins transportent plus de passagers que ceux dont la jauge brute est supérieure à 500. Le fait d’exiger une formation uniquement pour les navires d’une jauge brute de plus de 500 exclut la majeure partie des navires à passagers.

Le Sam McBride avait une jauge brute inférieure à 500 et effectuait un voyage en eaux abritées. Aucun des membres d’équipage n’avait reçu cette formation ni n’était tenu de le faire. À la suite d’un événement survenu à bord du navire à passagers Island Queen III en 2017, le BST a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant l’absence d’une exigence relative à la formation sur la gestion de la sécurité des passagers à l’intention des membres d’équipage des navires transportant plus de 12 passagers et effectuant des voyages en eaux abritées. Toutefois, TC n’a pas encore mis en œuvre les exigences en matière de formation sur la gestion des passagers pour répondre pleinement à cette préoccupation. Si tous les membres d’équipage de navires à passagers ne sont pas formés à la gestion de la sécurité des passagers, il y a un risque qu’ils ne soient pas préparés à gérer les passagers en cas d’urgence.

Pour cette raison, le Bureau recommande que

le ministère des Transports mette en place une exigence selon laquelle les membres d’équipage de tous les navires à passagers, y compris ceux qui effectuent des voyages en eaux abritées, doivent suivre une formation appropriée en matière de gestion de la sécurité des passagers. 

Recommandation M24-01 du BST

Procédures d’évacuation pour les navires à passagers

Le Règlement sur l’équipement de sauvetage exige que tous les navires à passagers aient une procédure d’évacuation qui indique comment tous les passagers et membres d’équipage seront évacués du navire dans les 30 minutes suivant le signal d’abandon du navire. Bien que cette exigence réglementaire soit en place, TC ne dispose d’aucune procédure officielle pour évaluer si cette exigence est respectée. Les exploitants qui élaborent des procédures d’évacuation ne disposent d’aucun processus d’approbation pour confirmer que leur procédure répond à l’exigence ou pour obtenir l’approbation de l’organisme de réglementation. À l’heure actuelle, chaque inspecteur de TC ou expert maritime d’un organisme reconnu doit déterminer comment cette exigence est évaluée; l’exigence est le plus souvent évaluée par l’enquêteur ou l’inspecteur qui assiste à un exercice à bord du navire.

Pour les navires, les exercices d’urgence constituent une occasion de valider les procédures d’évacuation; le Règlement sur les exercices d’incendie et d’embarcation exige que le capitaine d’un navire veille à ce que les exercices soient effectués comme s’il s’agissait d’une urgence réelle, dans la mesure du possible. Pour un navire à passagers, les exercices réalistes nécessitent qu’un grand nombre de personnes jouent le rôle de passagers, comme l’indique le Bulletin de la sécurité des navires 04/2022 de TC. Toutefois, en raison des difficultés logistiques liées à la recherche et à la gestion d’un grand nombre de volontaires, l’expression « dans la mesure du possible » signifie souvent que les exercices sont effectués sans la participation de passagers, et que l’exercice ne permet donc pas d’évaluer la capacité de l’équipage à évacuer les passagers du navire.

Comme c’est le cas pour de nombreux autres navires, les exercices à bord du Sam McBride étaient généralement effectués sans la présence de passagers à bord, ce qui signifie qu’ils n’offraient pas la possibilité de valider de manière réaliste la faisabilité de la procédure d’évacuation du navire. L’enquête a permis de déterminer que les procédures d’évacuation du Sam McBride n’étaient pas suffisantes pour permettre l’évacuation d’un grand nombre de passagers, car elles exigeaient des membres d’équipage qu’ils soient à plusieurs endroits simultanément, qu’ils assistent un nombre déraisonnablement élevé de passagers, qu’ils accomplissent potentiellement plusieurs tâches à la fois et qu’ils puissent se déplacer rapidement à bord du navire, même s’il était bondé. Si les procédures d’évacuation des passagers ne sont pas validées par un exercice réaliste réunissant un nombre représentatif de participants, l’équipage d’un navire ne sera pas suffisamment préparé à gérer une situation d’urgence, et les passagers seront exposés à un risque élevé de blessures ou de mort.

Les problèmes constatés dans la procédure d’évacuation du Sam McBride ne sont que le dernier exemple en date soulignant la nécessité pour TC de valider les procédures d’évacuation des navires à passagers. En 2020, à la suite de l’événement survenu à bord du navire à passagers Island Queen III, le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant le risque auquel les passagers sont exposés si les procédures d’évacuation ne sont pas validées. Plus de quatre ans plus tard, la lacune de sécurité est toujours présente et le risque auquel les passagers sont exposés est toujours élevé. Par conséquent, le Bureau recommande que

le ministère des Transports mette en œuvre un processus formel de validation et d’approbation des procédures d’évacuation des navires à passagers.

Recommandation M24-02 du BST

Dénombrement des passagers

Dans une situation d’urgence, il est essentiel de connaître le nombre exact de passagers. S’ils ne connaissent pas le nombre exact de passagers, l’équipage et les intervenants d’urgence seront incapables de déterminer si tous les passagers sont présents. À cette fin, le Règlement sur les exercices d’incendie et d’embarcation exige qu’avant qu’un navire à passagers n’appareille, le capitaine soit avisé du nombre de personnes à bord et des précisions concernant les personnes qui ont déclaré avoir besoin d’aide ou de soins particuliers dans une situation d’urgence. Dans le cas des voyages de 12 heures ou plus, il est également obligatoire de dénombrer les enfants et les enfants en bas âge séparément des adultes; cependant, aucune obligation de la sorte ne s’applique aux voyages de moins de 12 heures.

Lorsque les passagers montaient à bord du Sam McBride ou d’autres traversiers du parc de l’île de Toronto, le nombre de passagers était estimé (dénombrement par groupes de 5 à 10 personnes) par un membre d’équipage et suivi à l’aide d’un compteur-enregistreur manuel. Cependant, cette méthode ne permettait pas de connaître le nombre exact de passagers embarqués et ne permettait pas donc, en cas d’urgence, de s’assurer que tous les passagers sont présents. De plus, les traversiers du parc de l’île de Toronto ne dénombraient pas les enfants et les enfants en bas âge séparément des adultes, et ils n’étaient pas tenus de le faire. Ils ne disposaient donc d’aucun moyen de déterminer s’il y avait un nombre adéquat de gilets de sauvetage disponibles dans la taille appropriée pour les passagers à bord.

Bien que le dossier de la recommandation M08-01 du BST portant sur les procédures de dénombrement des passagers à bord des traversiers ait été fermé en juillet 2010, la réponse à la recommandation ayant été jugée comme dénotant une attention entièrement satisfaisante, quatre enquêtes subséquentesEnquêtes sur la sécurité du transport maritime M22A0312, M17C0179, M15A0009 et M13L0067 du BST. ont permis de déterminer que les dispositions du Règlement sur les exercices d’incendie et d’embarcation exigeant un dénombrement exact des passagers ne sont pas toujours respectées. S’il n’y a pas de méthode précise pour dénombrer les passagers qui embarquent sur un navire, il y a un risque que certains passagers soient laissés à eux-mêmes en cas d’urgence. De plus, s’il n’y a pas de méthode permettant d’identifier les passagers qui nécessitent des soins particuliers ou une assistance supplémentaire en cas d’urgence et si des dispositions n’ont pas été prises pour apporter une telle assistance, la sécurité de ces passagers peut être compromise.

Par conséquent, le Bureau recommande que

le ministère des Transports mette en œuvre un processus permettant de valider que les navires à passagers connaissent le nombre exact de passagers et dénombrent séparément les enfants et les enfants en bas âge pour tous les voyages.

Recommandation M24-03 du BST