Rapport d'enquête aéronautique A92C0154

Collision avec le relief
Newcal Aviation Inc. de Havilland DHC-4A modifié (conversion de prototype) N400NC
Zone industrielle de Gimli (Manitoba)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    L’avion venait de décoller pour effectuer un vol d’essai expérimental lorsqu’il s’est cabré de plus en plus avant de s’incliner lentement sur la droite. Vers 200 pieds-sol, il a piqué du nez, l’aile droite basse, et s’est écrasé. À l’impact, le carburant de bord s’est enflammé. L’incendie a presque détruit l’épave au complet. Les trois membres d’équipage ont été mortellement blessés. Le Bureau de la sécurité des transports du Canada a déterminé que le dispositif de blocage des gouvernes n’a pas été complètement désengagé avant le vol et qu’un ou plusieurs axes de blocage des gouvernes se sont engagés après l’envol, pour une raison indéterminée. Il est peu probable qu’une vérification des commandes ait été effectuée avant le décollage. Une fois en vol, l’équipage n’a pas pu désengager le dispositif de blocage des gouvernes et a perdu la maîtrise de l’avion.

    Tableau 1 : Information d’enquête
    Source de l’information : Enquête sur les lieux
    Heure locale : 10 h 20 HAC
    Type d’exploitant : Autres
    Genre de vol : Expérimental
    Dommages : Perte totale
    Licence : Pilote de ligne

     

    Tableau 2 : Victimes
      Tués Blessés graves Blessés légers/indemnes
    Équipage 0 0  
    Passagers s. o. s. o. s. o.

     

    Tableau 3 : Renseignements sur le personnel
      Commandant de bord Copilote
    Heures de vol, tous types 8812 1542
    Heures de vol, type en cause 4700 240
    Heures de vol dans les 90 derniers jours, tous types 138 71
    Heures de vol dans les 90 derniers jours, type en cause 96 6

     

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Déroulement du vol

    L’avion venait de décoller pour effectuer un vol d’essai expérimental lorsqu’il s’est cabré de plus en plus avant de s’incliner lentement sur la droite. Vers 200 pieds-sol, il a piqué du nez, l’aile droite basse, et s’est écrasé. À l’impact, le carburant de bord s’est enflammé. L’incendie a presque détruit l’épave au complet. Les trois membres d’équipage ont été mortellement blessés.

    1.2 Renseignements sur l’avion

    L’avion a été construit le 18 novembre 1965 et a été vendu à l’aviation militaire du Kenya qui l’a utilisé pendant les 21 années suivantes. Le 5 juin 1986, il a été acheté par NewCal Aviation Inc. de Little Ferry (New Jersey). Il a été immatriculé aux États-Unis sous N400NC et a reçu un certificat de navigabilité pour la catégorie transport.

    1.2.1 Programme de conversion vers le moteur à turbine

    En août 1988, NewCal Aviation Inc. a demandé qu’un certificat de type supplémentaire lui soit accordé afin de remplacer les moteurs à pistons par des turbopropulseurs. La société NewCal Aviation of Canada a été formée pour entreprendre la conversion et, à cette fin, le DHC 4 (Caribou) portant le numéro de série 240 a reçu l’autorisation de voler comme avion de la catégorie expérimentale en vertu de la partie4b des Civil Air Regulations (CAR). La société de Havilland Inc., qui avait contruit l’avion original, n’a pas participé au programme d’essais en vol.

    La modification consistait à enlever les moteurs à pistons Pratt & Whitney R-2000-7M2 d’origine et à installer des turbopropulseurs Pratt & Whitney PT6A-67R et le matériel connexe. Dans cette nouvelle configuration, des hélices Hartzell à cinq pales devaient être ajoutées ainsi que de nouveaux supports et capotages moteurs. La conversion a également entraîné la modification des commandes et des instruments du groupe motopropulseur ainsi que des circuits carburant, hydraulique, de protection incendie, électrique et d’huile moteur. L’avion modifié était très différent du DHC-4Caribou original pour lequel un certificat de type avait été émis.

    La conversion a été effectuée dans la zone industrielle de Gimli, et les premiers vols d’essai de l’avion modifié ont commencé le 16 novembre 1991. Au total, 12 vols d’essai ont eu lieu entre le 16 et le 28 novembre 1991, d’une durée totale de 22,9 heures. L’appareil a ensuite été mis dans un hangar pour l’hiver.

    Les résultats de l’évaluation des vols d’essai entrepris vers la fin de 1991 ont indiqué qu’il était nécessaire d’apporter de légères modifications à plusieurs circuits de bord, soit le remplacement des pompes à dépression mécaniques par des pompes d’aspiration Bendix, l’ajout de pompes d’appoint carburant linéaires et l’installation d’un tout nouveau modèle de pompe hydraulique.

    Les données obtenues au cours des essais de circulation au sol précédents indiquaient que les nouvelles pompes fournissaient 740 livres de carburant par heure (lb/h) lorsque le couple à la puissance de décollage normale était de 100 pour cent.

    1.3 Objet du vol en cause

    Le vol était le premier d’une série d’essais destinés à vérifier en vol les circuits carburant et hydraulique. Dans la matinée de l’accident, l’équipage a assisté à un exposé avant vol au cours duquel le plan d’essai en vol a été expliqué en détail. L’avion était légèrement chargé en son centre de gravité. Les essais prévus consistaient à simuler des pannes de pompes carburant d’ailes et linéaires et l’on devait consigner les pressions carburant résultantes.

    Un ingénieur de la compagnie, qui avait participé à la conception des modifications des circuits carburant et hydraulique, se trouvait à bord pour consigner les résultats et pour évaluer les performances en vol des deux circuits.

    1.3.1 Profil de vol

    L’équipage a fait une inspection avant vol de l’avion, a démarré les moteurs, et a passé environ 45 minutes à effectuer un point fixe et à vérifier les systèmes de bord avant de se rendre à l’entrée de la piste 14.

    L’équipage a ensuite circulé au sol et s’est engagé sur la piste où il a immobilisé l’appareil. Une vingtaine de secondes plus tard, le pilote a augmenté la puissance des moteurs et a desserré les freins. La maîtrise en direction a été maintenue pendant la course au décollage, et l’appareil a parcouru 900 pieds environ avant de s’envoler.

    Le vol au complet a été filmé sur ciné amateur 8 mm et des photos ont été prises au moyen d’un appareil photo 35 mm, ce qui a permis de confirmer que le pilote avait le contrôle de la profondeur lors du cabrage et que l’assiette de cabré était beaucoup plus prononcée qu’au cours des décollages précédents dans des conditions environnementales similaires. À part le cabrage anormalement élevé au point de cabrage, la montée initiale de l’avion semblait normale. Vers 35 pieds-sol, le cabrage s’est soudainement accru et, à partir de ce point, la gouverne de profondeur a semblé demeurer au neutre.

    L’avion s’est mis à s’incliner de plus en plus puis il a piqué du nez et s’est écrasé. La vitesse est demeurée au-dessus de la vitesse de décrochage pendant toute la durée de la manœuvre en vol. L’examen détaillé du film et des photos a révélé que les gouvernes n’ont pas bougé entre le début du cabrage excessif et le sol. L’agrandissement des photos a permis de relever un cabrage vers le haut des tabs à ressort de la profondeur, sans que cette gouverne ne réagisse.

    1.4 Examen de l’épave

    L’avion a heurté le sol presque à la verticale et incliné à droite. Les débris étaient répartis dans un rayon de 50 pieds. À l’exception de la partie extérieure de l’aile droite qui s’était détachée, l’avion a été la proie d’un violent incendie après l’écrasement. Le train était sorti et verrouillé. La section de queue et la partie avant du fuselage se trouvaient en avant du moteur gauche et elles ont été totalement détruites. Les deux ailes du côté extérieur des nacelles moteur étaient cisaillées et gravement brûlées. À l’intérieur des sections extérieures des ailes se trouvait un réservoir de carburant structural à huit compartiments qui a éclaté à l’impact.

    1.4.1 Examen du circuit des commandes de vol

    L’examen du circuit de commandes de vol n’a révélé la présence d’aucune défaillance antérieure à l’impact. L’intégrité du circuit a été confirmée. À l’impact, les volets étaient braqués à sept degrés, et les compensateurs d’ailerons et de la profondeur étaient presque au neutre. Quant au compensateur de la gouverne de direction, il se trouvait à mi-course entre les positions neutre et en butée avant gauche.

    1.4.2 Examen des hélices

    Les hélices gauche et droite ont été examinées après l’accident. Les dommages indiquent que les pales tournaient à grand régime à l’écrasement. L’angle des pales était d’environ 26 degrés, ce qui se situe dans la plage normale en vol et correspond à une puissance moteur élevée.

    1.4.3 Examen des moteurs

    Le démontage et l’examen des moteurs ont révélé la présence d’importants dommages internes dûs à la rotation, ce qui indique que les moteurs fournissaient une grande puissance à l’impact. Aucun des moteurs ne présentait d’anomalies ou de défaillances antérieures qui auraient pu les empêcher de fonctionner normalement avant l’impact.

    1.4.4 Examen des instruments

    Le Laboratoire technique du BST a déterminé que les deux indicateurs de débit carburant étaient bloqués sur 740 lb/h. Aucun renseignement utile n’a été dérivé des autres instruments.

    1.4.5 Dispositif de blocage des gouvernes

    L’avion est doté d’un dispositif interne de blocage des gouvernes qui bloque les gouvernes au neutre lorsque l’appareil est stationné ou circule au sol. Ce dispositif est commandé par un levier situé sur le panneau supérieur, devant les manettes des gaz. Le levier est repéré par les deux positions LOCKED et UNLOCKED. Lorsque le levier est tiré jusqu’à la position LOCKED et que les gouvernes sont au neutre, le dispositif s’engage pour bloquer les ailerons ainsi que les gouvernes de profondeur et de direction. Cependant, si les gouvernes ne sont pas déjà au neutre lorsque le levier est placé sur LOCKED, les gouvernes se bloquent automatiquement dès qu’elles passent au neutre.

    1.4.6 Relation entre le levier de blocage des gouvernes et le levier de commande de puissance

    Les commandes de vol sont conçues de manière à ce qu’il soit impossible de placer les manettes des gaz au maximum lorsque le levier de blocage des gouvernes est sur LOCKED. Ce dispositif de sécurité vise à empêcher l’avion de décoller tant que les gouvernes sont bloquées.

    Le bloc manette de l’avion a été modifié pour la conversion. Les changements résultants du bloc manette n’ont pas influé négativement sur la position relative du levier de blocage gouvernes et des manettes. Il était encore impossible de placer ces dernières à la puissance de décollage lorsque le levier de blocage était sur LOCKED.

    1.4.7 Dispositif de blocage de la gouverne de profondeur

    Le dispositif de blocage de la gouverne de profondeur est monté dans une glissière sur le dessous du stabilisateur, à droite de l’axe longitudinal de l’avion. Il est actionné par le circuit à chaînes et à câbles du dispositif de blocage. Lorsque l’on place le levier de blocage sur LOCKED, le dispositif de la profondeur pivote et, si la profondeur est au neutre, le plongeur à ressort du bras de blocage s’engage dans une fente du dispositif pour bloquer la gouverne. Si la gouverne de profondeur n’est pas au neutre pendant que l’on actionne le dispositif, le plongeur à ressort s’appuie contre le dispositif et ne s’emboîte dans la fente que lorsque la profondeur passe au neutre par la suite.

    Le dispositif de blocage de la gouverne de profondeur a été récupéré intact dans la section de queue de l’épave, et le plongeur n’était pas actionné. Le dispositif a été vérifié et il fonctionnait bien d’une butée à l’autre. Il avait été réglé d’après les instructions du fabricant, mais le ressort semblait trop mou, et il avait été endommagé par le feu.

    1.4.8 Dispositif de blocage de la gouverne de direction

    Le dispositif de blocage de la gouverne de direction est monté à l’extrémité arrière de fuselage arrière. Il est actionné par l’intermédiaire du pignon arrière du circuit à chaînes et à câbles du dispositif de blocage des gouvernes. Son fonctionnement est similaire à celui de la gouverne de profondeur.

    Lorsque le dispositif de blocage de la gouverne de direction a été récupéré de l’épave, son levier de commande était engagé. En outre, le plongeur à ressort était complètement sorti et bloqué dans cette position, et il avait pivoté de sept degrés environ dans son bossage guide. Les dommages en rotation subis par le plongeur sont typiques des dommages en torsion auxquels on peut s’attendre lorsque le plongeur est engagé et pivote ensuite lors d’un impact avec le sol.

    Un pignon qui relie les dispositifs de commande de blocage de la direction et de la profondeur a également été récupéré. Un certain nombre de dents du pignon ont été courbées en surcharge à l’impact, ce qui a bloqué les chaînes du dispositif. Grâce à des mesures et à la comparaison avec un dispositif en bon état, il a été déterminé que le pignon était à mi-course entre les positions ENGAGED et DISENGAGED.

    1.4.9 Dispositif de blocage des ailerons

    Lorsque le dispositif de blocage des ailerons a été récupéré, il n’était pas engagé. Cependant, l’examen détaillé du circuit ailerons a révélé que la tête des huit rivets (AN470-3) de fixation de la structure centrale de pivotement du bloc de la commande d’ailerons s’était rompue sous l’effet d’une traction excessive. On estime que ces dommages sont survenus lorsque les câbles d’ailerons ont été tendus au-delà de leurs limites normales alors que le bloc de commande était bloqué et ne pouvait pivoter. Les deux dispositifs du dispositif qui peuvent empêcher le bloc de commande de tourner librement sont les butées du bloc et le plongeur à ressort quand il est engagé. L’examen de ces deux dispositifs n’a révélé la présence d’aucun dommage inhabituel.

    1.4.10 Levier de blocage des gouvernes

    Une partie du levier de blocage des gouvernes a été récupérée de l’épave. À l’impact, ces composants présentaient des signes de déformation grave et de rupture attribuable à une surcharge. L’examen de la relation entre plusieurs composants mobiles du dispositif de blocage a indiqué que le levier était complètement désengagé..

    Le commandant de bord était en place gauche. Un embout du levier de blocage des gouvernes a été trouvé enfoncé dans son poignet droit.

    1.5 Fonctionnement du dispositif de blocage des gouvernes

    Après l’accident, des tests ont été effectués sur un Caribou en état de service pour déterminer comment le dispositif de blocage des gouvernes réagit lorsque l’un des axes de blocage est coincé. Pendant ces tests, l’axe de blocage de la gouverne de direction a été immobilisé, et le dispositif de blocage des gouvernes dans le poste de pilotage a été actionné. Dans tous les cas, le levier se déplaçait vers l’avant sous la tension du ressort jusqu’à mi-course environ entre les positions LOCKED et UNLOCKED. Les commandes de vol étaient ensuite sollicitées et, dans ces conditions, on s’est aperçu qu’on pouvait tirer sur le manche (pour faire cabrer l’avion) mais non le pousser (pour abaisser le nez de l’avion). La gouverne de direction demeurait en place parce qu’elle était bloquée par l’axe, mais il était possible de braquer les tabs à ressort de la direction en appuyant sur le palonnier.

    Au cours d’un essai subséquent, le dispositif de blocage de la profondeur a pivoté à mi-course entre les positions LOCKED et UNLOCKED. Dans cette position, l’axe de blocage de la profondeur se désengageait suffisamment pour permettre à cette gouverne de faire cabrer l’avion. Compte tenu de la conception du dispositif, quand on poussait sur le manche pour descendre, l’axe s’engageait pendant que la gouverne retournait au neutre. Si l’on poussait davantage sur le manche, les tabs à ressort de la profondeur s’inclinaient vers le haut et quittaient la position neutre sans que la gouverne ne se déplace.

    Ces tests ont également permis de déterminer qu’il était impossible de pousser le levier de blocage des gouvernes complètement en avant à moins que les axes ne soient totalement désengagés.

    1.6 Performances de l’avion : Généralités

    Les données sur les performances de l’avion dans le manuel de vol, les manuels d’entretien et dans les dossiers précédents de tests en vol ont été soigneusement examinées.

    1.6.1 Performances de l’avion : Masse et centrage

    Pendant le vol en cause, l’avion était chargé dans les limites de l’enveloppe de masse et de centrage. Le lest utilisé pour les vols d’essai précédents avait été enlevé. La masse totale au décollage a été évaluée B 22 000 livres. La masse maximale autorisée dans les conditions existantes était de 28 500 livres.

    1.6.2 Performances de l’avion : Puissance au décollage

    À un régime de 1 700 tr/min et à un couple de sortie de 100 pour cent, la puissance maximale normale autorisée pour le décollage correspond à 1 281 SHP (puissance à l’arbre). Les deux moteurs peuvent fournir une puissance de 1 424 SHP à 1 700 tr/min, ce qui correspond à un couple de 111 pour cent.

    Selon le motoriste, quand le levier de blocage gouvernes est sur LOCKED, les moteurs peuvent fournir une puissance de 400 à 800 SHP, la puissance la plus probable se situant au début de cette plage.

    1.6.3 Performances de l’avion : Distance de décollage

    Les diagrammes de performances de l’avion montrent que l’on pouvait s’attendre à une distance de décollage de 700 pieds dans les conditions existantes. La course au sol de l’avion accidenté a été mesurée. Elle était de 900 pieds environ, ce qui est 20 pour cent de plus que celle indiquée sur les diagrammes.

    1.6.4 Performances de l’avion : Vitesse de décollage

    La vitesse d’envol réelle n’est pas disponible. Cependant, les diagrammes de performances de l’avion qui figurent dans l’édition provisoire du manuel de vol de l’avion, diagrammes ayant été mis au point par Newcal Aviation dans le cadre du programme d’essais en vol, indiquent que la vitesse minimale en cas de panne moteur et la vitesse de sécurité au décollage étaient d’environ 87 mi/h dans les conditions existantes.

    L’appareil n’a pas décroché pendant toute la durée de la manœuvre en vol. Le manuel de vol de l’avion indique que la vitesse normale de décrochage à 1 g en configuration d’atterrissage est de 71 mi/h si la poussée est nulle. La vitesse de décrochage moteur en marche, en configuration d’atterrissage, n’est pas publiée mais devrait être inférieure à la valeur publiée de 71 mi/h.

    1.7 Vérifications avant vol

    Les procédures réglementaires d’exploitation du Caribou comportent une vérification six points avant le décollage. Cette vérification est essentielle pour permettre à l’équipage d’avoir le plein contrôle des gouvernes primaires et pour s’assurer que ces dernières ne sont pas bloquées. Cette vérification est particulièrement importante sur les avions dont les gouvernes peuvent être bloquées pendant les manœuvres au sol.

    Cette vérification n’a pas été observée par les témoins au sol, ni filmée, ni photographiée.

    1.8 La météo

    Les prévisions régionales valables pour l’heure de l’accident annonçaient que la région de Gimli serait sous l’influence d’une masse d’air instable, d’un courant d’air lent à moyen du sud-ouest, et de bancs de nuages aux altitudes moyennes. Il y a un système d’observation météorologique automatisé (Auto5) dans la zone industrielle de Gimli. Ce système indiquait des vents en surface de 200 degrés vrai à 15 nœuds au moment de l’accident.

    1.9 L’équipage

    Les deux pilotes possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol. Leur expérience sur l’appareil converti en turbopropulseur était limitée parce qu’il s’agissait d’un avion nouvellement modifié et « unique ». Les deux pilotes n’étaient pas des pilotes d’essai expérimentés.

    Les résultats de l’autopsie et de l’examen toxicologique n’ont révélé aucun facteur physiologique, toxicologique ou pathologique qui aurait pu avoir une incidence sur cet accident.

    2.0 Analyse

    2.1 Préparation du vol

    Un exposé détaillé a été donné avant le vol. Ce dernier a été entrepris dans le cadre d’un programme d’essais en vol destiné à la modification de l’avion.

    2.2 Contrôle de la gouverne de profondeur

    En s’envolant, l’avion a cabré légèrement plus que pendant les décollages précédents. Le cabrage en douceur observé sur le film vidéo indique que l’équipage avait le contrôle en cabré de la gouverne de profondeur au moment de l’envol. Plus loin sur la bande cependant, la profondeur semble demeurer au neutre tandis que le tab à ressort est braqué vers le haut. Cette situation survient lorsqu’on tire sur le manche et que la gouverne de profondeur ne peut bouger.

    Pendant la montée initiale, l’assiette de cabrage n’a pas cessé d’augmenter. Il est logique de s’attendre à ce que le pilote corrige ce mouvement continu vers le haut en poussant sur le manche. Le film et les photos de l’accident montrent que le tab à ressort s’est braqué vers le haut, mais que la gouverne n’a pas réagi. Une telle situation peut être reproduite au sol en poussant sur le manche lorsque la gouverne de profondeur est bloquée. En vol, l’inclinaison résultante du tab à ressort produirait un effet aérodynamique contraire à ce qui est désiré. Le film et les photographies ainsi que la dynamique du profil de vol de l’avion corroborent les indices concrets qui indiquent que la gouverne de profondeur ne pouvait plus obéir aux sollicitations de descente exercées sur le manche. On peut donc conclure que le pilote essayait d’abaisser le nez de l’avion en poussant sur le manche, mais que la gouverne de profondeur était soit bloquée, soit coincée. Comme le pilote continuait de pousser sur le manche, les tabs à ressort se sont braqués de manière à accentuer l’assiette de cabrage.

    2.3 Dispositif de blocage de la gouverne de direction

    Les dommages subis par le dispositif de blocage de la gouverne de direction indiquent que cette gouverne était bloquée à l’impact. Quand la direction est bloquée en vol, chaque fois que le pilote essaie de corriger un roulis involontaire à droite en braquant la direction à gauche, le tab à ressort de la direction s’incline vers la droite et accentue le taux de roulis à droite. Ce mouvement correspond au profil en roulis observé sur le film.

    2.4 Dispositif de blocage des ailerons

    Les dommages subis par le bloc de commandes des ailerons laissent croire que les ailerons étaient peut-être bloquées à l’impact. Si les ailerons avaient bien fonctionné pendant la durée complète de ce vol, il est logique de s’attendre à ce que le pilote ait essayé de corriger le taux de roulis pendant le renversement, mais aucun changement du taux de roulis n’a été observé. Il est donc peu probable que le contrôle des ailerons ait été disponible en vol.

    2.5 Blocage des gouvernes

    Le blocage des gouvernes est conçu de manière à ce qu’il soit impossible de placer les manettes des gaz au maximum lorsque le dispositif est engagé. D’après le motoriste, le réglage manettes maximal possible lorsque le dispositif est engagé est d’environ 30 à 40 pour cent de la puissance moteur disponible, ce qui est considéré insuffisant pour un décollage, même à une masse légère.

    Pendant ce vol, l’avion a pris son envol en 900 pieds environ et son profil de vol au complet s’est déroulé à une vitesse supérieure à la vitesse de décrochage. La vitesse de décrochage de cet avion à la puissance de décollage n’est pas publiée, mais elle devrait être inférieure à 71 mi/h. L’accélération de l’appareil à des vitesses supérieures à celle du décrochage, comme le montre le film, serait impossible si les manettes des gaz étaient limitées de manière à ce que les moteurs fournissent moins de 40 pour cent de leur puissance maximale. On peut donc conclure que le levier de blocage des gouvernes a été désengagé de la position LOCKED avant ou pendant la course au décollage.

    2.6 Actions des pilotes

    Pendant le vol, l’avion s’est cabré de plus en plus jusqu’à ce que l’assiette de cabrage se transforme en piqué très prononcé. Si l’un des pilotes avait gardé la main sur les manettes pendant cette manœuvre, il est raisonnable de croire qu’il aurait essayé de déplacer les manettes de manière à compenser les assiettes de cabrage prononcées.

    L’examen des instruments de vol de l’avion a permis de constater que les indicateurs de débit carburant des deux moteurs affichaient 740 lb/h au moment de l’écrasement. Ce débit est significatif parce qu’il représente le débit carburant qui correspond précisément à celui obtenu à la puissance normale de décollage. Les moteurs peuvent toutefois fournir de la puissance à des niveaux supérieurs ou inférieurs à ce débit particulier. Puisque les débits carburant affichés à l’impact correspondent exactement à celui de la puissance de décollage, on peut conclure que le pilote n’a pas essayé de régler les manettes des gaz après l’affichage de la puissance de décollage. Il est donc peu probable que l’un des pilotes ait gardé la main sur les manettes pendant l’étape en vol de cet accident.

    Pendant l’autopsie, on a trouvé un embout du levier de blocage des gouvernes dans le poignet droit du commandant. La main droite du commandant était donc levée à proximité du levier au moment de l’accident. Il est donc probable que le commandant essayait d’actionner le levier lorsque l’avion a heurté le sol.

    2.7 Vérification six points

    Les procédures réglementaires du Caribou permettent le blocage des commandes de vol pendant les manœuvres au sol. Le manuel de vol de l’avion précise qu’une vérification six points est essentielle avant le décollage pour vérifier si le circuit de commandes de vol fonctionne bien. Cette vérification n’a pas été observée par les témoins au sol, ni filmée, ni photographiée. Si les commandes avaient été bloquées avant le décollage à cause d’une défaillance d’un composant ou du blocage du circuit, une vérification complète aurait probablement permis de déceler l’anomalie. On peut donc conclure que la vérification n’a probablement pas été faite pour une raison indéterminée.

    3.0 Conclusions

    3.1 Faits établis

    1. L’appareil était exploité comme avion de la catégorie expérimentale en vertu de la partie 4b des Civil Air Regulations. L’avion modifié totalisait 23 heures de vol.
    2. L’avion était chargé dans les limites de masse et de centrage publiées dans le manuel de vol de l’appareil.
    3. Les tabs compensateurs des ailerons et de la gouverne de profondeur étaient presque au neutre.
    4. Aucune vérification avant vol n’a été observée avant le début de la course au décollage.
    5. La course au décollage a été d’environ 20 pour cent plus longue que celle indiquée dans les diagrammes de performances.
    6. La gouverne de profondeur pouvait être sollicitée en cabrage au moment du cabrage.
    7. L’assiette de montée initiale était beaucoup plus prononcée qu’au cours des décollages précédents dans des conditions environnementales similaires.
    8. Vers 35 pieds-sol, le cabrage s’est soudainement accru et, à partir de ce point, la gouverne de profondeur a semblé demeurer au neutre.
    9. La vitesse est demeurée au-dessus de la vitesse de décrochage pendant les manœuvres en vol.
    10. Le circuit des commandes de vol n’avait pas été modifié dans le cadre de la conversion, et rien n’indique que ce circuit était défectueux avant l’impact.
    11. Les pales tournaient à grand régime à l’écrasement. Leur angle était d’environ 26 degrés, ce qui correspond à une puissance moteur élevée.
    12. Les deux moteurs fournissaient une puissance élevée à l’impact, et aucun d’eux ne présentait d’anomalies avant l’impact qui auraient pu les empêcher de fonctionner normalement avant l’accident.
    13. Pendant le vol, les tabs à ressort de la gouverne de profondeur se sont braqués vers le haut sans que la gouverne ne réagisse. Cette situation se présente lorsque l’on pousse sur le manche pendant que la gouverne de profondeur est bloquée.
    14. Le levier de commande de blocage de la gouverne de direction était engagé à l’impact.
    15. Un pignon qui relie les dispositifs de commande de blocage de la direction et de la profondeur était à mi-course entre les positions ENGAGED et DISENGAGED.
    16. Les dommages subis par la structure centrale de pivotement du bloc de la commande d’ailerons correspondent à un blocage des ailerons à l’impact.
    17. Les tests effectués après l’accident montrent que lorsqu’un ou plusieurs axes de blocage ne sont pas complètement désengagés, il est possible de tirer sur le manche (pour faire cabrer l’avion) mais non de le pousser (pour abaisser le nez de l’avion).

    3.2 Causes

    Le dispositif de blocage des gouvernes n’a pas été complètement désengagé avant le vol et un ou plusieurs axes de blocage des gouvernes se sont engagés après l’envol, pour une raison indéterminée. Il est peu probable qu’une vérification des commandes ait été effectuée avant le décollage. Une fois en vol, l’équipage n’a pas pu désengager le dispositif de blocage des gouvernes et a perdu la maîtrise de l’avion.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures prises

    4.1.1 Blocage des gouvernes des aéronefs

    À la suite de cet accident, le Bureau de la sécurité des transports a envoyé un avis de sécurité aérienne à Transports Canada concernant le bien-fondé des listes de vérification et des procédures avant décollage relativement au désengagement des dispositifs de blocage des gouvernes des aéronefs.

    Le présent rapport met fin B l’enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Gerald E. Bennett, Zita Brunet, l’hon. Wilfred R. DuPont et Hugh MacNeil.

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