Impact sans perte de contrôle
Cessna 210F N5812F
Teslin (Yukon)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Cessna 210F, immatriculé N5812F, en provenance du Kansas (É.-U.) et à destination de l'Alaska (É.-U.), a quitté l'aéroport de Fort Nelson (Colombie-Britannique), à 17 h 24, heure normale du Pacifique, pour se rendre à Whitehorse (Yukon) selon les règles de vol à vue. L'appareil n'arrivant pas à Whitehorse, des recherches ont été lancées. En l'absence de signal de radiobalise de repérage d'urgence, l'épave n'a pas été retrouvée avant le lendemain matin aux environs de 8 h. L'appareil, d'après les estimations, s'était écrasé à 19 h 35 sur la surface gelée et recouverte de neige du lac Teslin, à environ quatre milles terrestres de Teslin (Yukon) à un endroit où la route suit la rive du lac et où, immédiatement au nord, se trouve un escarpement. Le pilote, seul occupant de l'appareil, n'a pas survécu.
Renseignements de base
Le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur. Il détenait depuis 1995 une licence de pilote privé délivrée par la Federal Aviation Administration des États-Unis et son certificat médical de classe 3 était valide jusqu'au 1er septembre 2001. Il venait récemment de passer son examen de vol biennal. Il totalisait environ 450 heures de vol dont 25 sur type. D'après son carnet de vol, une bonne partie de ces heures de vol avait été effectuée en Alaska, dans diverses conditions météorologiques, dans un environnement géographique varié et en toute saison; il avait, à plusieurs reprises, effectué le trajet de l'Alaska au Kansas. Ses dossiers indiquent qu'il n'avait pas ou peu de formation ou d'expérience en vol aux instruments et qu'il n'était pas qualifié pour voler selon les règles de vol aux instruments.
Le pilote avait récemment fait l'acquisition du Cessna 210F au Kansas. Après avoir effectué cinq heures de formation et subi un contrôle sur l'appareil le 29 mars 2001, au Kansas également, le pilote a entrepris le vol de convoyage de l'appareil en Alaska où il réside. Le 30 mars, le pilote a quitté Billings, dans le Montana, aux États-Unis, et a passé la douane à Lethbridge, en Alberta. Il s'est ensuite avitaillé en carburant à Fort St. John et Fort Nelson, en Colombie-Britannique. Dans son dernier échange radio avec la station d'information de vol (FSS) de Fort Nelson, le pilote a indiqué qu'il pensait arriver à Whitehorse à 20 h 4, heure normale du Pacifique (HNP).Footnote 1
Un bulletin spécial d'observation météorologique pour l'aviation a été publié à Teslin, le 30 mars à 16 h 15, et les conditions météorologiques signalées étaient les suivantes :
Vent du 140° à 13 noeuds; visibilité de 5 milles terrestres (sm) dans une neige légère; nuages épars à 3600 au-dessus du niveau du sol (agl) avec ciel couvert à 11 000 agl.
Le message météorologique régulier pour l'aviation de Teslin, à 17 h, indiquait :
Vent du 120° magnétique (M) à 8 noeuds; visibilité de 10 sm dans une neige légère; quelques nuages à 2200 pieds agl, nuages épars à 3600 pieds agl et ciel couvert à 11 000 pieds agl; température de − 1 °C; point de rosée de − 4 °C et calage altimétrique de 29.58. Remarques annexes portant sur la composition de la couverture nuageuse : deux octas de strato-fractus, deux octas de strato-cumulus et cinq octas d'alto-stratus.
La prévision terminale pour l'aviation de Teslin en vigueur à partir de 15 h indiquait :
Vents du 120°M à 5 noeuds; visibilité de 6 sm dans une neige légère; ciel couvert à 3000 pieds agl; temporairement, de 15 h à 17 h : visibilité de 2 sm dans une neige légère, visibilité verticale de 1500 pieds agl.
La prévision régionale pour la route suivie offerte par la Prévision de zone graphique, en vigueur à partir de 17 h, indiquait :
Plafond nuageux fragmenté entre 6000 et 8000 pieds agl, sommets à 22 000 pieds; visibilité de 4 sm dans une neige légère à quelques endroits; localement, plafond de 2000 pieds agl.
Le 30 mars, le coucher de soleil dans la zone de l'accident était à 19 h 22, le crépuscule civil se terminant à 19 h 52.
Le pilote a obtenu un rapport météorologique complet lorsqu'il se trouvait à Lethbridge. À Fort St. John, il n'a pas reçu un rapport météorologique complet de la FSS, indiquant qu'une mise à jour abrégée lui suffirait. Il n'a pas demandé d'information météorologique lors de son arrêt à Fort Nelson. À 18 h 44, dans une communication radio avec la FSS de Whitehorse relayée par l'installation radio télécommandée de Watson Lake, dans le Yukon, le pilote a indiqué qu'il passait par le travers du lac Watson et qu'il allait suivre la route au sol. Il a été informé que des averses de neige importantes avaient été observées le long de sa route et que les conditions y étaient inférieures aux conditions de vol à vue.
Aux environs de 19 h 30, un appareil volant à basse altitude en direction de l'ouest a été entendu à Teslin et, deux milles marins plus à l'ouest, à Fox Point, au Yukon également. Les visibilités observées étaient d'un quart de mille terrestre ou moins dans la neige.
L'appareil, en virage sur la gauche, a heurté la surface du lac à environ 2700 pieds de la rive. Au moment de l'impact, l'appareil était en piqué, légèrement incliné sur la gauche, et sa vitesse, d'après les calculs, était d'environ 170 noeuds. Le sillon laissé par l'appareil était long de 880 pieds et orienté au 160°M. À cet endroit, la route au sol est approximativement orientée au 260°M et le lac a environ 2,3 milles terrestres de large.
L'appareil a culbuté et s'est brisé au moment où il a percuté le lac. L'examen de l'appareil effectué sur le site de l'accident n'a pas révélé de défaillance ou de mauvais fonctionnement antérieur à l'impact. Au moment de ce dernier, les volets et le train d'atterrissage étaient rentrés et le moteur développait une puissance importante. Le siège du pilote et les points de fixation de sa ceinture de sécurité ont été arrachés du plancher. L'appareil n'était pas équipé de baudriers. La masse et le centrage se trouvaient dans les limites prescrites et l'appareil disposait de suffisamment de carburant pour terminer le vol. L'appareil était doté de tout l'équipement de navigation standard et d'un système de positionnement mondial (GPS). La documentation indique que l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) Sharc, numéro de série 128003, était équipé d'un bloc-batteries dont la date d'expiration était février 2001. Le sélecteur de commande de l'unité comporte trois positions : ON, ARM et OFF. Ce dernier a été trouvé en position OFF. Pour que le contacteur d'inertie de l'ELT puisse fonctionner sous l'action des forces d'écrasement, le sélecteur doit être en position ARM. Tous les éléments et tous les raccordements, y compris ceux de l'antenne externe, étaient intacts et l'ELT a fonctionné comme prévu durant les essais. L'équipement de survie, consistant en une tente, une bougie, un miroir de signalisation, des bâtonnets allume-feu, une combinaison, une trousse de premiers soins et un téléphone par satellite, se trouvait dans la cabine. Aucun de ces équipements n'a été touché par le pilote après l'accident.
D'après les dossiers d'autopsie et d'examens toxicologiques et médicaux, rien n'indique que l'efficacité du pilote ait été atténuée par des facteurs physiologiques ou physiques. Le pilote n'a pas subi de blessure mettant sa vie en danger au moment de l'écrasement, mais des blessures à la tête et au dos ont réduit sa mobilité. Il a rampé sur une distance d'environ 100 pieds autour de l'épave. Les résultats de l'autopsie indiquent que le décès du pilote a très probablement été causé par des hémorragies et l'hypothermie.
La Publication d'information aéronautique (AIP) de Transport Canada définit le voile blanc comme un phénomène optique atmosphérique des régions polaires qui fait que l'observateur semble enveloppé dans une lueur blanchâtre uniforme où il perd le sens de la profondeur et de l'orientation. Le voile blanc se produit si la couche de neige au sol est intacte et le ciel au-dessus est uniformément couvert ou des précipitations de neige sont présentes lorsque, grâce à l'effet de clarté de la neige, la lumière est diffusée de façon uniforme. L'AIP recommande aux pilotes d'éviter ces conditions sauf s'ils disposent des instruments appropriés et ont suffisamment d'expérience. Pour sortir de conditions de voile blanc, le pilote doit réussir à passer du vol à vue au vol aux instruments ou bien à retrouver rapidement la perception d'un contraste visuel. À basse altitude, il faut immédiatement entamer une montée ou virer en direction d'une zone de relief contrasté. Le fait de passer du vol à vue au vol aux instruments après s'être retrouvé par mégarde en condition de vol aux instruments est généralement considéré, même pour un pilote aux instruments expérimenté, comme une tâche ardue.
Analyse
Étant donné l'heure à laquelle l'appareil accidenté a décollé de Fort Nelson, puis celle où il est passé par le travers du lac Watson et les distances parcourues, il est permis de penser que c'est le même appareil, volant à basse altitude, qui a été entendu à 19 h 30. Il est probable que le pilote volait à basse altitude afin de maintenir, dans la neige tombante, un contact visuel avec le sol et peut-être a-t-il viré vers la gauche au-dessus de la surface recouverte de neige du lac Teslin en vue de sortir de cette zone de précipitations. Etant donné que la visibilité signalée au sol était d'un quart de mille terrestre ou moins et que la luminosité diminuait avec le coucher du soleil, le pilote a dû être confronté à des conditions de voile blanc et se retrouver dans l'incapacité d'orienter son appareil en utilisant la surface du lac comme référence visuelle. Privé de référence visuelle verticale, le pilote a probablement percuté le lac gelé recouvert de neige avant même de prendre conscience de la proximité de la surface du lac.
Les forces de décélération, durant l'écrasement, auraient très certainement déclenché l'activation du contacteur d'inertie de l'ELT mais le sélecteur de commande étant en position OFF, l'ELT n'a transmis aucun signal après l'écrasement. Comme l'ELT a fonctionné normalement durant les essais, il est probable qu'elle aurait été capable d'émettre un signal au moment de l'accident.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le pilote a poursuivi son vol dans des conditions météorologiques défavorables.
- L'appareil a percuté la surface du lac, très probablement parce que le pilote avait perdu ses références visuelles dans des conditions de voile blanc.
Autres faits établis
- L'ELT était réglée sur OFF et l'absence de signal émis par celle-ci a retardé la découverte de l'épave.
- Le retard avec lequel l'épave a été localisée a probablement entraîné le décès du pilote à la suite d'hémorragies et d'hypothermie.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .