Rapport d'enquête aéronautique A04Q0196

Atterrissage à côté de la piste
du PA-31-350 C-GBYL
exploité par Aéropro
à l'aéroport de Gaspé (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé


    Le Piper PA-31-350 immatriculé C-GBYL (numéro de série 31-7752144), exploité par Aéropro sous l'indicatif de vol APO754, effectue un vol aux instruments de Port-Menier (Québec) à destination de l'aérodrome Du Rocher-Percé (Pabok) (Québec) avec quatre passagers et un pilote à bord. À 10 h 26, heure normale de l'Est, le pilote informe le centre de contrôle de Montréal (Québec) qu'il effectue une remontée à Pabok et se dirige vers Gaspé (Québec). Une première approche sur la piste 29 à Gaspé se solde par une remise des gaz. À 11 h 10, au terme de la deuxième approche piste 29, l'appareil se pose 60 pieds à gauche de la piste et 2400 pieds après le seuil de piste, sur une surface enneigée. La roue de nez se brise, et l'avion capote. Dans les minutes qui suivent, des employés de l'aéroport portent secours aux occupants de l'appareil. Un passager subit des blessures graves; les quatre autres occupants sont légèrement blessés.

    Renseignements de base

    Déroulement du vol

    Le vol constitue la deuxième étape d'une série de vols planifiés. L'appareil quitte Port-Menier (Québec) pour se rendre à Du Rocher-Percé (Pabok) avec quatre passagers à son bord. Le trajet se déroule sans histoire. À 10 h 5, heure normale de l'Est (HNE)Footnote 1, à environ 17 milles marins (nm) de la destination, Québec Radio informe le pilote qu'il est autorisé à l'extérieur de l'espace aérien contrôlé via une approche à Du Rocher-Percé, puis il lui fournit le dernier bulletin météorologique horaire (METAR) de Gaspé, publié à 10 h : visibilité verticale de 1400 pieds au-dessus du sol (agl), visibilité horizontale de ¾ de mille dans la neige faible et calage altimétrique de 29,90.

    Il y a deux approches aux instruments publiées pour l'aérodrome de Du Rocher-Percé : RNAV (GPS) et NDB A (GPS). Compte tenu de l'instrumentation à bord de l'appareil, l'approche NDB A (GPS) était la seule approche aux instruments autorisée. Cependant, une fois rendu à la verticale de l'aérodrome, le pilote n'effectue pas la procédure d'approche aux instruments publiée (voir annexe A). Il suit plutôt une trajectoire improvisée en direction du point de cheminementFootnote 2 d'approche finale AVRIR de l'approche RNAV (GPS) PISTE 09. À ½ mille au sud de AVRIR, l'avion tourne en finale piste 09 puis effectue une orbite au-dessus de l'aérodrome à une altitude de 1000 pieds agl. À 10 h 20, le pilote remet les gaz après avoir constaté que la piste couverte de neige ne permet pas d'atterrir en toute sécurité.

    L'appareil vire à droite au-dessus de la mer et monte à 4000 pieds. À 10 h 27, le pilote informe Québec Radio qu'il remonte en direction de Gaspé, l'aéroport de dégagement inscrit sur le plan de vol, et qu'il estime arriver dans 10 minutes. On lui fournit de nouveau la météo de 10 h de Gaspé et les dernières observations sur l'état de la piste prises également à 10 h : le coefficient canadien de frottement sur piste (CRFI) est de 0,20 et la piste est entièrement couverte de neige poudreuse. À 10 h 32, le responsable du déneigement à l'aéroport de Gaspé avise Québec Radio que compte tenu du peu de temps avant l'arrivée prévue de l'appareil, la piste ne peut être déneigée.

    À 3 milles au sud de l'aéroport, le pilote vire à droite et se dirige vers l'est en prévision d'une approche LOC(BC)/DME PISTE 29. À 12 nm de l'aéroport, l'avion vire à gauche puis intercepte et suit la trajectoire d'approche finale. La vitesse de l'appareil en approche finale oscille entre 140 noeuds et 160 noeuds, soit 40 à 60 noeuds au-dessus de la vitesse de référence d'atterrissage (Vref) de 100 noeuds. À environ ½ mille du seuil de la piste et à l'altitude minimale de descente (MDA), soit 460 pieds, le pilote aperçoit la piste qui est entièrement recouverte de neige. La vitesse de l'appareil est d'environ 135 noeuds, les volets sont sortis à 15°, le train d'atterrissage est rentréFootnote 3. Du fait que l'approche n'est pas stabilisée et que la hauteur de l'appareil ne permet pas d'atterrir sur la piste, le commandant de bord exécute une remise des gaz. À 10 h 47, le pilote informe Québec Radio qu'il effectue une remontée et désire exécuter de nouveau la même approche.

    Le pilote ne suit pas la procédure d'approche interrompue publiée (voir annexe B) qui exige un virage en montée à droite jusqu'à 3500 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) pour intercepter en éloignement la radiale 308 du VOR de Gaspé, pour ensuite virer à gauche en direction du VOR. Il maintient plutôt le cap de piste pendant 6 milles, puis effectue un virage par la gauche pour ensuite suivre un cap au 135° jusqu'à l'arc 13 DME de l'approche (voir annexe C). À 11 h 4, à 12 milles en finale, le pilote obtient la météo de 11 h : vent du 290° à 4 noeuds; visibilité de ¾ de mille dans la neige faible; visibilité verticale de 1100 pieds; température de −9°C; point de rosée de −8°C; calage altimétrique de 29,87.

    Le pilote exécute une approche manuelle, sans l'assistance du pilote automatique disponible à bord de l'appareil. Après avoir passé le repère d'approche finale GADMU situé à 5,4 nm de la piste, le pilote établit le contact visuel avec le sol à environ 1000 pieds asl et amorce une descente jusqu'à la MDA. Dès cet instant, il guide l'appareil selon les références visuelles. Les volets sont sortis à 15°, le train est sorti et la vitesse de l'appareil affiche 100 noeuds. À environ 2 milles du seuil de piste, l'avion décrit une trajectoire oscillatoire qui traverse l'axe de piste à quelques reprises. Peu de temps après avoir atteint la MDA, le pilote repère ce qu'il croit être la rangée droite des feux de piste. Il corrige la trajectoire de l'avion vers la droite et décide d'atterrir. L'avion se pose à 60 pieds à gauche de la piste et à 2400 pieds après le seuil de piste, sur une surface recouverte de quelque 60 cm de neige; 70 pieds plus loin, la roue de nez se détache de l'avion. L'appareil capote et subit des dommages importants. Un passager subit des blessures graves.

    Renseignements sur le personnel

    Comme l'appareil était équipé d'un pilote automatique fonctionnel conformément à l'article 703.66 du Règlement de l'aviation canadien (RAC), le vol pouvait être effectué avec un seul pilote à bord. Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol, conformément à la réglementation en vigueur. En avril 2004, le pilote a commencé à travailler pour Aéropro à la base de Sept-Îles. Il totalisait environ 2200 heures de vol, dont quelque 300 sur le PA-31. Dans les 30 jours précédents, le pilote avait effectué 70 heures de vol. Le jour de l'accident, le pilote s'est réveillé vers 4 h 30. Il est arrivé aux bureaux de la compagnie situés à l'aéroport de Sept-Îles vers 6 h 5 pour effectuer la préparation du vol. Il devait effectuer dix vols d'une durée totale prévue de 7 h 44 min.

    Tableau 1. Horaire des vols selon les manifestes de vol

    Heure de décollage prévue Aéroport de départ Destination Durée du vol prévue
    8 h Sept-Îles Port-Menier 42 min
    8 h 30 Port-Menier Gaspé 36 min
    9 h 30 Gaspé Port-Menier 36 min
    10 h Port-Menier Mont-Joli 77 min
    11 h 30 Mont-Joli Sept-Îles 60 min
    12 h Sept-Îles Port-Menier 42 min
    15 h Port-Menier Sept-Îles 42 min
    16 h Sept-Îles Port-Menier 42 min
    16 h 30 Port-Menier Sainte-Anne-des-Monts 49 min
    17 h Sainte-Anne-des-Monts Sept-Îles 38 min

    L'horaire des vols prévus pour la journée n'est pas réaliste. Les heures de départ prévues sur les manifestes de vol ne tiennent ni compte du temps en vol ni du temps au sol. Initialement, l'appareil devait quitter Port-Menier pour se rendre à Gaspé, toutefois, le pilote change cette destination pour Rocher-Percé.

    Renseignements météorologiques

    Il n'y a pas de station météorologique du Service de l'environnement atmosphérique (SEA) à l'aérodrome Du Rocher-Percé. La station la plus proche est située à 24 nm plus au nord à Gaspé. Des observateurs qualifiés qui se trouvent à l'aéroport de Gaspé collectent les données météorologiques qu'ils relaient au centre d'information de vol (FIC) de Québec pour diffusion.

    À 8 h 22, à l'aéroport de Port-Menier, le pilote obtient les prévisions d'aérodrome (TAF) de Gaspé, publiées le 19 décembre 2004 à 2 h 39 ainsi que le METAR publié à 8 h. Le TAF est valide de 3 h à 15 h : vent variable à 3 noeuds, visibilité supérieure à 6 milles terrestres, quelques nuages à 3000 pieds; à partir de 5 h, vents variables à 3 noeuds, visibilité supérieure à 6 milles, nuages fragmentés à 2000 pieds, temporairement de 5 h à 11 h, nuages fragmentés à 3000 pieds; à partir de 11 h, vent du 100°vrai à 5 noeuds, visibilité de 2½ milles dans la neige faible, nuages fragmentés à 800 pieds, temporairement de 11 h à 15 h, visibilité de 1 mille dans la neige faible et nuages fragmentés à 400 pieds.

    Le tableau suivant fait état des conditions qui régnaient à l'aéroport de Gaspé le matin de l'accident :

    Tableau 2. Observation météorologique de Gaspé le matin de l'accident

    Heure du bulletin Direction et vitesse du vent Visibilité (milles terrestre) Obstacle à la visibilité État du ciel
    8 h 00 250° / 2 noeuds 12 - Fragmenté à 2000 pieds
    9 h 00 270° / 3 noeuds 8 Faible neige Couvert à 2000 pieds
    9 h 09 290° / 2 noeuds Faible neige Visibilité verticale de 1200 pieds
    9 h 20 230° / 2 noeuds ¾ Faible neige Visibilité verticale de 1000 pieds
    10 h 250° / 3 noeuds ¾ Faible neige Visibilité verticale de 1400 pieds
    10 h 36 260° / 4 noeuds ¾ Faible neige Visibilité verticale de 900 pieds
    10 h 50 270° / 4 noeuds ¾ Faible neige Visibilité verticale de 1100 pieds
    11 h 270° / 3 noeuds ¾ Faible neige Visibilité verticale de 1100 pieds
    11 h 13 280° / 3 noeuds ¼ Forte neige Visibilité verticale de 700 pieds
    11 h 24 260° / 2 noeuds ¼ Forte neige Visibilité verticale de 500 pieds

    Les conditions se sont détériorées de façon significative à partir de 9 h passant de conditions météorologiques de vol à vue (VMC) à des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Peu de temps après le bulletin de 11 h, après avoir noté que l'intensité des précipitations de neige avait augmenté, l'observateur météo en poste décide d'émettre une observation météorologique spéciale. La visibilité est passée de ¾ de mille à ¼ de mille, l'intensité de la précipitation s'est accrue et le plafond a diminué de 400 pieds. L'avion se trouvait en finale lors de la collecte de données et s'est écrasé avant que cette observation ait pu être transmise au pilote.

    Renseignements sur les aérodromes

    L'aérodrome Du Rocher-Percé est exploité par la Municipalité régionale de comté (MRC) du Rocher-Percé. La piste est dotée de feux de seuil et d'extrémité de piste ainsi que de feux de bord de piste à basse intensité; elle n'est pas équipée de feux d'approche. Son entretien est assuré du lundi au vendredi de 8 h à 16 h. À l'extérieur de ces heures, l'entretien de la piste est effectué sur demande et des frais de service sont exigés de l'exploitant aérien qui demande ce service. Alors qu'il est au sol à Port-Menier, le pilote téléphone à l'exploitant de l'aérodrome du Rocher-Percé. Le préposé l'informe que la météo est défavorable à l'atterrissage et que la piste n'est pas déneigée parce que nous sommes dimanche. Suite à cette conversation, le pilote confirme que compte tenu des conditions existantes, il n'est pas nécessaire de déblayer la piste puisqu'il n'y atterrira pas.

    L'aéroport de Gaspé appartient à la Ville de Gaspé qui en assure l'exploitation. L'aéroport de Gaspé est un aéroport certifié par Transports Canada et est un aéroport non contrôlé. Les services d'urgence sont assurés par le Service de la Sécurité de protection des incendies de Gaspé. Selon le registre de la ville, l'accident a été signalé à 11 h 15 et trois véhicules de secours sont arrivés sur les lieux à 11 h 29.

    L'altitude de référence de l'aéroport est de 108 pieds asl. La piste 11/29 est asphaltée et mesure 4500 pieds de longueur sur 150 pieds de largeur. La piste 29 est équipée de feux d'approcheFootnote 4, de feux d'identification de pisteFootnote 5, de feux de bord de piste à intensité moyenne variable à trois intensités, de feux de seuil et d'extrémité de piste et d'un système de balisage lumineux d'aérodrome télécommandé (ARCAL) de type KFootnote 6 qui permet de commander le balisage de l'aéroport dans un rayon de 15 nm pendant une quinzaine de minutes. La piste était également équipée d'un indicateur de trajectoire d'approche de précision (PAPI) de catégorie P2 avec une pente de 3 degrés.

    Lors de la première approche, le pilote a activé l'ARCAL à 10 h 45 min 36 sec, à quelque 2,5 milles du seuil de piste. Lors de la deuxième approche, l'ARCAL a été déclenché une première fois à 11 h 3 alors que l'appareil se trouvait sur l'arc 13 DME et une deuxième fois à 11 h 8 min 6 sec, à environ 3 nm du seuil. Les deux fois, l'intensité moyenne a été sélectionnée en appuyant 5 fois sur le bouton du microphone.

    Selon le manuel d'exploitation d'aéroport de l'aéroport de Gaspé, l'opération de déneigement débute lorsqu'il y a une accumulation de 1 pouce de neige. Une équipe de déneigement était de service le jour de l'accident. Le dernier rapport de piste a été effectué à 10 h. À ce moment-là, la piste était couverte de ¼ de pouce de neige poudreuse et le CRFI sur toute la longueur de la piste était de 0,20Footnote 7. Vers 10 h 30, après avoir pris connaissance que le vol APO754 se déroutait sur Gaspé et que le pilote prévoyait arriver dans 15 minutes, le préposé au déneigement a informé Québec Radio que la piste ne pouvait pas être dégagée à tempsFootnote 8. Il estimait qu'environ ½ pouce de neige recouvrait la piste. Au moment de la deuxième approche, il estimait que la piste était couverte de ¾ de pouce de neige. Une heure après l'accident, 1½ pouce de neige recouvrait la piste et le CRFI était de 0,22.

    Renseignements sur l'aéronef

    Les dossiers indiquent que l'appareil était entretenu et certifié conformément à la réglementation en vigueur et qu'il était exploité dans le cadre d'un service de taxi aérien en vertu de la sous-partie 703 du RAC. Il n'y avait aucun mauvais fonctionnement mécanique apparent de l'appareil ou des aides à la navigation installées au sol ayant servi à effectuer l'approche aux instruments à Gaspé. Les altimètres de l'appareil étaient calés sur 29,92.

    Il y avait deux systèmes de positionnement mondial (GPS) à bord. L'avion était équipé d'un GPS Garmin 155XL et le pilote possédait un GPS Garmin III PilotFootnote 9. Toutefois, le GPS Garmin 155XL n'était pas certifié pour effectuer des approches aux instruments et sa base de données n'était pas à jour. Ce modèle de GPS ne conserve pas en mémoire l'historique des trajectoires après sa mise hors tension. Par ailleurs, l'examen du GPS Garmin III appartenant au pilote et retrouvé à bord de l'épave a permis de reconstituer la trajectoire de l'avion à partir de 37 milles marins (nm) au sud de l'aérodrome de Port-Menier jusqu'à l'endroit de l'impact. Toutefois, ce modèle de GPS n'enregistre pas l'altitude de l'appareil.

    Il y avait 1000 livres de carburant à bord au moment du décollage de Port-Menier. En se fondant sur une estimation prudente, la quantité de carburant consommée à partir de la mise en marche des moteurs à Port-Menier jusqu'à l'accident a dû être d'environ 410 livres. Le fret a été pesé avant d'être embarqué et le pilote avait calculé la masse et le centrage de l'appareil avant de décoller. Selon les documents de vol et les calculs, la masse et le centrage de l'avion étaient dans les limites prescrites pendant le vol.

    Le fret embarqué à bord de l'appareil pesait 475 livres et il n'était pas arrimé. Il comprenait des bagages personnels et plusieurs boîtes de viandes congelées de 35 livres chacune. Il n'y avait pas de filets d'arrimage de fret à bord. Des sangles prévues pour l'arrimage se trouvaient dans l'appareil mais n'ont pas été utilisées. La décélération rapide de l'appareil lors de l'atterrissage a projeté le fret vers l'avant de la cabine. Les cabinets de service en bois ont été détruits par les objets propulsés vers l'avant.

    Le paragraphe 602.86(1) du RAC exige que les bagages de cabine, l'équipement et le fret à bord soient retenus de façon à prévenir leur déplacement pendant le mouvement de l'aéronef. De plus, le paragraphe 2.6.1 du Manuel d'exploitation de Aéropro - IFR multimoteur spécifie que « Le fret, les bagages et les objets non retenus, par exemple, doivent être convenablement arrimés avant le vol au moyen de sangles, de câbles, de filets et de fixations convenables ».

    L'appareil a capoté et s'est immobilisé sur le dos. Le nez de l'avion était écrasé et replié vers le haut. Le poste de pilotage et la cabine ont subi peu de déformation, sauf que la partie du toit au-dessus de la rangée de sièges numéro un était légèrement écrasée. Le réservoir de carburant gauche fuyait.

    Le préposé à l'entretien de l'aérodrome qui se trouvait sur la voie de circulation au moment de l'accident est arrivé sur les lieux quelques minutes après l'accident et a aidé le pilote à sortir par la fenêtre droite du poste de pilotage. Le passager assis dans le siège du copilote est également sorti par cette fenêtre. Les passagers assis dans les sièges 1A et 1B sont sortis par une fenêtre cabine. Le passager 2B est sorti par la porte principale arrière droite. Les débris des cabinets de service et le fret ont gêné l'évacuation des occupants.

    Interdiction d'approche

    Étant donné que l'aéroport de Gaspé ne possède pas un dispositif de mesure de la portée visuelle de piste (RVR), aucun règlement n'interdit à l'équipage de tenter une approche. Selon l'article 602.128 du RAC, il était interdit au pilote de poursuivre la descente au-dessous de la MDA à moins que la référence visuelle requise nécessaire pour poursuivre l'approche en vue d'un atterrissage n'ait été établie. Les références visuelles dont le pilote a besoin pour continuer l'approche pour la piste 29 et faire un atterrissage en sécurité devraient comprendre au moins l'une des références suivantes:

    • la piste ou les marques de piste;
    • le seuil de piste ou les marques du seuil;
    • la zone de posé des roues ou les marques de la zone de posé des roues;
    • l'indicateur de pente d'approche;
    • les feux d'identification de piste;
    • les feux de bord de piste de chaque côté de la piste.

    Ces références visuelles doivent permettre au pilote d'estimer la position de l'aéronef et son taux de changement de position par rapport à la trajectoire nominale. La visibilité publiée sur la carte d'approche était de 1¼ nm. Cette visibilité n'est publiée qu'à titre indicatif. Elle indique la visibilité qui devrait permettre au pilote d'établir le contact visuel avec les références nécessaires pendant l'approche et de juger s'il est possible d'effectuer un atterrissage en sécurité lorsqu'il compare cette valeur à la visibilité disponible à l'aérodrome. Si le pilote n'établit pas le contact visuel vec la référence requise, il doit amorcer une procédure d'approche interrompue.

    Des modifications au RAC ont été proposées et vont constituer une interdiction d'approche qui empêchera l'équipage de conduite d'un avion exploité dans le cadre d'un service aérien commercial de poursuivre l'approche si la visibilité communiquée est inférieure à la valeur limite qui s'applique pendant l'approche. Dans le cas qui nous concerne, le pilote n'aurait pas pu continuer l'approche si la visibilité avait été inférieure à ¾ de mille.

    Analyse

    Rien n'indique que l'avion ait présenté des problèmes avant l'impact ou que l'équipement de l'aéroport était défectueux au moment des faits. Il a également été établi que l'avion avait suffisamment de carburant pour retourner à Port-Menier s'il avait effectué une remise des gaz à Gaspé suite à la deuxième approche.

    Selon les renseignements météorologiques qu'il avait obtenus du centre d'information de vol (FIC) de Québec avant de décoller de Port-Menier, le pilote pouvait s'attendre à des conditions VFR à son arrivée à l'aérodrome Du Rocher-Percé. Toutefois, le préposé à l'entretien de l'aérodrome avait informé le pilote que la météo était défavorable et que la piste était couverte de neige. Faisant suite à ces renseignements, le pilote avait décliné l'offre du préposé de déblayer la piste et l'avait informé qu'il ne se rendrait pas à Rocher-Percé. Pourtant, à l'encontre de ce qu'il a dit au préposé, le pilote s'est rendu à Rocher-Percé. Comme le vol se déroulait un dimanche, le pilote aurait dû savoir que la piste n'était pas entretenue et qu'elle ne serait pas déneigée à son arrivée. Il est possible que le pilote n'ait pas été entièrement conscient des difficultés qu'engendre une absence de contraste lors d'un atterrissage.

    Compte tenu de la proximité de la station météo, il est raisonnable de penser que les conditions météorologiques à du Rocher-Percé étaient similaires à celles observées à Gaspé. Par conséquent, afin d'atterrir à Rocher-Percé, le pilote devait effectuer une approche aux instruments selon la procédure NDB A. Toutefois, le pilote a suivi une trajectoire improvisée qui suggère l'utilisation du GPS pour guider l'appareil. En dérogeant aux procédures d'approche approuvées dans des conditions de vol aux instruments présentes et en se fiant à des références extérieures minimales, le pilote a diminué la marge de sécurité requise pour le vol. Étant donné que la piste n'avait pas été déneigée, le pilote a jugé que les surfaces environnantes offraient trop peu de contraste pour tenter d'atterrir et il a décidé de se dérouter sur l'aéroport de Gaspé, situé à 24 nm au nord-est.

    Suite à la remise des gaz, le pilote pouvait s'attendre aux mêmes difficultés pour atterrir à Gaspé que celles qu'il avait dû affronter à Du Rocher-Percé, si la piste n'était pas déneigée. Pour cette raison, il aurait été prudent de retarder l'approche et de demander de déneiger la piste afin de faciliter sa détection. Il est possible que le retard accumulé sur son horaireFootnote 10 et le délai supplémentaire qu'occasionnerait le déblaiement de la piste aient influencé la décision du pilote d'atterrir sans tarder.

    La piste de l'aéroport de Gaspé n'avait pas été déblayée avant l'arrivée de l'avion du vol APO754 pour plusieurs raisons. Premièrement, l'appareil n'était pas attendu à l'aéroport et la profondeur de la neige était dans les limites du plan de déneigement de l'aéroportFootnote 11. Deuxièmement, l'intervalle de temps entre le moment où l'équipe d'entretien a su que l'appareil se déroutait sur Gaspé et son heure d'arrivée prévue était insuffisant pour permettre le déblaiement. Troisièmement, le pilote n'a pas demandé que la piste soit déneigée.

    Lors de la première approche à Gaspé, le pilote avait le temps de configurer l'appareil en vue d'effectuer une approche stabilisée et de compléter les tâches nécessaire à cette fin. Toutefois, il a déclenché le balisage de l'aéroport de moyenne intensité à l'aide de l'ARCAL, le train d'atterrissage n'était pas sorti, l'altimètre de l'avion n'était pas calé à la pression de l'aéroport et la vitesse élevée et fluctuante de l'appareil permet de conclure que l'approche était instable. Par conséquent, la probabilité de compléter un atterrissage en toute sécurité après que le pilote aurait établi le contact visuel avec les références requises était pratiquement impossible.

    Ne pouvant distinguer la piste, le pilote a effectué une remontée mais n'a pas suivi la procédure d'approche interrompue publié sur la carte d'approche qu'il utilisait. Bien que la procédure publiée soit conçue pour permettre d'effectuer une remontée en toute sécurité à l'écart du terrain plus élevé situé dans l'axe de piste, le pilote a plutôt maintenu le cap de piste avant de virer vers la gauche et de se diriger vers le sud-est.

    Suite à cette approche, il est probable que le pilote a conclu que l'atterrissage pouvait être complété dans les conditions existantes s'il remédiait aux lacunes précitées. Il pouvait croire qu'un atterrissage était possible si l'appareil était correctement configuré et s'il effectuait une approche stabilisée.

    Lors d'un vol en IMC, la charge de travail du pilote naviguant seul est élevée. C'est pourquoi un pilote automatique capable d'effectuer des manoeuvres dans les axes latéral et longitudinal est requis pour réduire la charge de travail du pilote. Bien qu'un tel pilote automatique était disponible, le pilote a plutôt décidé d'effectuer une approche manuelle, augmentant ainsi sa charge de travail.

    Les renseignements météorologiques transmis au pilote 6 minutes avant l'accident laissait penser que les conditions étaient passablement semblables à celles qui régnaient lors de la première approche. Par conséquent, le pilote pouvait s'attendre à voir la piste quelque 30 secondes avant de survoler le seuil de piste. Cependant, la visibilité s'est dégradée à ¼ de mille pendant que l'appareil se trouvait dans le segment final de l'approche. De ce fait, le pilote ne disposait que d'environ 10 secondes avant d'arriver au-dessus du seuil de piste pour incorporer les références visuelles dans la contre-vérification des instruments, vérifier la position de l'appareil dans le plan latéral et vertical, déterminer une trajectoire de vol à vue et effectuer les corrections qui s'imposaient. De plus, le pilote devait consacrer quelques secondes à l'intégration des références visuelles avant d'effectuer le contrôle nécessaire. En conclusion, le pilote n'avait que quelques secondes pour décider d'atterrir ou de remettre les gaz.

    À environ 1½ mille de la piste, l'appareil était correctement configuré, et le pilote avait déclenché le balisage de l'aérodrome. Toutefois, il avait sélectionné le balisage de moyenne intensité. À environ un mille du seuil de piste, l'avion se trouvait légèrement à gauche de l'alignement de piste et se dirigeait de quelques degrés vers la gauche. Les écarts par rapport à l'axe de piste peuvent en partie être attribués à la difficulté inhérente à une approche LOC (BC) pour un pilote à se maintenir sur l'alignement de piste arrièreFootnote 12. De surcroît, la recherche de repères visuels à l'approche de la piste a incontestablement détourné le pilote de la surveillance des instruments. Alors qu'il se rapprochait de la piste, l'écart par rapport à l'alignement de piste ainsi que les changements de cap ont augmenté, rendant l'approche non stabilisée. Compte tenu des conditions de visibilité réduite et d'obscurcissement existantes, le pilote assis en place gauche et dépourvu de sa vision périphérique n'a pas vu les feux d'approche et s'est retrouvé à gauche de la piste lorsqu'il a franchi le seuil. Comme seul membre d'équipage, la charge de travail du pilote était élevée dans de telles conditions. Il est permis de croire qu'un copilote aurait pu, entres autres, aviser le pilote de tout écart par rapport à l'approche.

    Dans le cas d'une approche aux instruments effectuée dans de telles conditions, on peut supposer que les feux d'approche, les marques de piste, les feux de piste et le contraste de la piste constituent les références visuelles principales. Or, la valeur de ces éléments était soit diminuée soit annulée :

    • l'intensité du balisage de l'aérodrome n'était pas sélectionnée au maximum;
    • le pilote n'a pas pu voir les feux d'approche parce que l'appareil se trouvait à gauche de l'axe de piste;
    • la neige recouvrait les marques de piste;
    • la surface de la piste n'offrait aucun contraste avec le terrain avoisinant.

    Lorsque le pilote a finalement aperçu une rangée de feux de piste, il a confondu la rangée gauche des feux de piste avec la rangée droite. Comme seulement une seule rangée de feux de piste était visible, il lui était impossible de confirmer la position exacte de la piste et il aurait dû amorcer la procédure d'approche interrompue. Pour une raison indéterminée, il a présumé que la piste se trouvait sous l'appareil même s'il ne voyait pas la rangée gauche et il a décidé d'atterrir.

    Les conditions de visibilité réduite, l'absence de contraste entre la piste et son environnement, la charge de travail élevée du pilote, l'utilisation partielle de la capacité du balisage de l'aéroport et la présomption du pilote que l'appareil se trouvait au-dessus de la piste sans avoir les références visuelles essentielles ont contribué à l'accident.

    L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

    • LP 172/2004 – GPS Analysis (Analyse des données GPS)

    On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Compte tenu des conditions météorologiques qui prévalaient et de l'état de la piste, l'environnement de l'aéroport n'offrait pas suffisamment de contraste visuel pour permettre au pilote de discerner la surface de la piste.
    2. Le pilote a confondu la rangée gauche des feux de piste avec la rangée droite et a présumé qu'il se trouvait au-dessus de la piste sans avoir les références visuelles essentielles lorsqu'il a décidé d'atterrir.
    3. Le pilote n'a pas utilisé le pilote automatique disponible à bord, augmentant ainsi sa charge de travail et réduisant le temps disponible pour accomplir le balayage visuel qui aurait pu lui permettre de noter les écarts par rapport à l'alignement de piste, ce qui a contribué à rendre l'approche instable.
    4. Le pilote a commandé le balisage lumineux de piste de moyenne intensité dans des conditions où un balisage de haute intensité était préférable.
    5. Le fret à bord de l'appareil n'était pas arrimé et a été projeté vers l'avant de la cabine lors de l'écrasement. Les débris des cabinets de service et le fret ont gêné l'évacuation des occupants.
    6. Lors de la deuxième approche à Gaspé, le pilote n'a pas amorcé la procédure d'approche interrompue et a décidé d'atterrir alors qu'il n'avait pas les références nécessaires pour compléter une approche en toute sécurité.

    Faits établis quant aux risques

    1. À son arrivée à Du Rocher-Percé, le pilote a effectué une approche aux instruments improvisée qui suggère l'utilisation du système de positionnement mondial (GPS) alors que ni le pilote ni l'appareil n'étaient certifiés pour une telle approche.
    2. Lors de la première approche à Gaspé, le pilote n'a pas suivi la procédure d'approche interrompue publiée, ce qui a réduit la marge de franchissement d'obstacles.

    Autre fait établi

    1. L'interdiction d'approche proposée n'aurait pas empêché le pilote d'entreprendre l'approche, car la visibilité signalée au pilote était dans les limites prescrites.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Approche à l'aérodrome Du Rocher-Percé (Pabok)

    L'annexe A illustre la trajectoire que l'appareil a empruntée par rapport à la trajectoire publiée de l'approche NDB A (GPS).

    Annexe B - Première approche à l'aéroport de Gaspé

    L'annexe B illustre la trajectoire que l'appareil a empruntée lors de la première approche à l'aéroport de Gaspé par rapport à la trajectoire de l'approche LOC(BC)/DME PISTE 29.