Rapport d'enquête aéronautique A15Q0126

Perte de maîtrise en direction et collision avec le relief
6442927 CANADA INC. (sous le nom Héli-Nord)
Hélicoptère Bell 206B, C-GYBK
Sept-Îles (Québec) 20 nm N

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 2 septembre 2015, l'hélicoptère Bell 206B (immatriculé C-GYBK, numéro de série 1884) exploité par Héli-Nord effectuait un vol à partir de l'aéroport de Sept-Îles (Québec) avec 1 pilote et 4 passagers à bord. Le vol avait pour but d'inspecter une passe à saumons à environ 20 milles marins au nord de Sept-Îles. Durant l'approche finale, à quelques pieds du sol, l'hélicoptère a amorcé une rotation intempestive vers la droite et, après quelques tours, s'est écrasé lourdement du côté avant droit sur un rocher. L'accident s'est produit vers 9 h 40, heure avancée de l'Est. Le passager qui occupait le siège avant gauche et la passagère qui occupait le siège arrière central ont subi des blessures mortelles. Le pilote et les 2 autres passagers, qui occupaient les sièges arrière du côté gauche et du côté droit, ont subi des blessures graves. La radiobalise de repérage d'urgence de 406 MHz s'est déclenchée à l'impact. Un incendie a pris naissance dans la tuyère du moteur, mais les gens sur place l'ont éteint immédiatement.

    Renseignements de base

    Déroulement du vol

    Le matin du vol, le pilote avait convenu de rencontrer le chef pilote aux installations de la compagnie Héli-Nord à l'aéroport de Sept-Îles (Québec) [CYZV]. Le vol était prévu aux alentours de 8 h 3Note de bas de page 1, et le pilote s'est présenté vers 7 h 45. Le contrat stipulait que 6 passagers devaient se rendre à 2 passes migratoires à saumons sur les rivières Moisie et Nipissis, ce qui nécessitait l'utilisation de 2 hélicoptères. Chaque hélicoptère devait transporter 3 passagers. Les 2 appareils devaient se rendre tout d'abord à une passe migratoire à saumons située à la chute Katchapahun (Québec) à 54 milles marins (nm) au nord de Sept-Îles, et sur le chemin du retour se poser à une deuxième passe à saumons sur la rivière Nipissis, à 20 nm au nord de Sept-Îles (figure 1).

    Figure 1. Trajectoire du C-GYBK (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Trajectoire du C-GYBK

    Le pilote et le chef pilote ont discuté des vols et des 2 endroits où ils devaient se rendre. Comme c'était la première fois que le pilote utilisait le C-GYBK, le chef pilote lui a expliqué les différences d'équipement, bien que celles-ci ne présentaient aucune difficulté opérationnelle particulière.

    Avec l'accord du groupe, une passagère, qui devait retourner au camp de la rivière Nipissis pour son travail, est venue s'ajouter et est montée à bord du C-GYBK. L'itinéraire de vol a été modifié, et il a été convenu de se rendre tout d'abord au camp de la rivière Nipissis afin de la déposer.

    Il a été convenu que le chef pilote décollerait en premier et que le C-GYBK décollerait 10 minutes plus tard. Le chef pilote devait se positionner au site d'atterrissage afin de guider le C-GYBK pour l'approche et l'atterrissage. Les conditions météorologiques étaient propices au vol à vue. Le METANote de bas de page 2 de CYZV, situé à 20 nm au sud du lieu de l'accident, émis à 10 h, soit environ 20 minutes après l'accident, faisait étant d'une visibilité de 30 milles, quelques nuages épars à 11 000 pieds au-dessus du sol, et un vent du sud à 7 nœuds.

    Un devis de masse et centrage avait été rempli par le pilote quelques minutes avant le vol, en utilisant les poids réels des passagers. Ceci plaçait l'hélicoptère à 3171,8 livres, soit 28,2 livres sous la masse maximale autorisée de 3200 livres de charge interne. En utilisant la consommation de carburant normale de 25 gallons américains à l'heure, ce qui correspond à 175 livres à l'heurNote de bas de page 3, on a calculé qu'une fois le carburant utilisé pendant le vol, la masse de l'appareil au moment de l'accident était de 87 livres de moins, soit de 3084 livres, 116 livres sous la masse maximale autorisée de charge interne.

    L'appareil piloté par le chef pilote était chargé à pleine capacité et le chef pilote avait choisi de se poser plus près du camp afin de libérer le site d'atterrissage pour le C-GYBK. L'approche et l'atterrissage du premier appareil se sont déroulés normalement. Le vent était faible et n'a présenté aucune difficulté de maîtrise lors de l'atterrissage. Immédiatement après l'atterrissage, les 3 passagers sont descendus et le chef pilote est allé se positionner pour guider le C-GYBK.

    Le décollage et le vol du C-GYBK jusqu'au site se sont déroulés sans incident et tous les paramètres de l'appareil étaient normaux. Durant le dernier virage menant au site d'atterrissage, le pilote a aperçu le chef pilote qui s'était placé sur un rocher. Le pilote pouvait apercevoir l'autre appareil stationné. Le pilote a positionné l'appareil face à l'endroit indiqué, et durant l'approche finale, a constaté que le couple moteur était à 110Note de bas de page 4 et que le nez de l'appareil tournait vers la droite. Le pilote a alors abaissé le collectif pour réduire le couple moteur, tout en enfonçant le palonnier gauche pour contrer le mouvement de lacet. Toutefois, le nez de l'appareil a continué vers la droite et l'hélicoptère continuait à s'enfoncer. Le pilote a augmenté de nouveau le couple moteur en tirant sur le collectif pour réduire le taux de descente. Il a poussé le cyclique afin d'amorcer la sortie et reprendre de la vitesse, mais le lacet s'est accéléré très rapidement. S'apercevant qu'il avait perdu la maîtrise de l'appareil, le pilote a coupé les gaz afin de diminuer le taux de lacet et se préparer à l'impact imminent. L'appareil s'est retrouvé en piqué du côté droit avant de s'écraser lourdement sur le rocher. Selon l'information recueillie, une alarmNote de bas de page 5 aurait retenti dans l'appareil peu avant l'accident. Toutefois, il n'a pas été possible de déterminer quelle alarme s'était déclenchée.

    Les gens sur place ont été en mesure de porter secours aux blessés et ont utilisé un téléphone satellite pour informer les services d'urgence. Un premier hélicoptère avec un médecin à bord est arrivé sur le site et a prodigué les premiers soins aux blessés. Un peu plus tard, un deuxième hélicoptère avec 2 ambulanciers à son bord a pris en charge les blessés et les a transportés vers le centre hospitalier de Sept-Îles.

    Dommages à l'aéronef

    L'hélicoptère s'est brisé sur le rocher dans un mouvement de rotation vers la droite et en piqué. Le moteur ne s'est pas arrêté immédiatement, et un incendie mineur s'est déclaré dans la tuyère, mais les gens sur place l'ont maîtrisé rapidement. À l'impact, la poutre de queue s'est détachée de l'appareil et reposait derrière celui-ci (figure 2). On a noté des dommages importants au revêtement arrière du côté droit ainsi qu'au stabilisateur arrière. Les dommages aux patins confirmaient un impact du côté droit, avec le nez de l'appareil pointant vers le sol. Tous les dommages étaient consécutifs à l'impact avec le rocher. Le plancher de l'appareil s'était sectionné à l'arrière de la cabine, causant une rupture du réservoir de carburant.

    Figure 2. Épave de l'appareil
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    Épave de l'appareil

    Étant donné que l'appareil avait effectué quelques tours du côté droit avant de s'écraser, le laboratoire du BST a effectué un examen plus approfondi du système du rotor de queue en novembre 2015, en présence de représentants de Bell Helicopter et de Rolls-Royce. Aucun dommage pré-existant n'a été découvert. Les enquêteurs ont été en mesure de déterminer que les tubes de contrôle du palonnier assurant le mouvement des pales du rotor de queue se sont sectionnés de façon séquentielle lors de l'impact. L'un des bris des tubes de contrôle correspondait à la position de pédale à gauche à fond, confirmant que le palonnier de gauche était complètement enfoncé lors de l'impact avec le sol.

    Aéronef

    L'hélicoptère était exploité aux termes de la sous-partie 702 (Opérations de travail aérien) du Règlement de l'aviation canadien (RAC) au moment de l'événement. Un examen des dossiers d'entretien de l'hélicoptère a montré que ce dernier avait été entretenu conformément aux règlements en vigueur au moment de l'événement. Il n'y avait aucun défaut signalé ou non corrigé.

    L'hélicoptère n'était pas muni d'un enregistreur de données de vol ni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage, et la réglementation ne l'exigeait pas. Il était muni d'un système mondial de positionnement (GPS) (un dispositif Garmin GPSMAP 296), qui a été retrouvé et acheminé au laboratoire du BST pour tenter d'en extraire la mémoire volatile. Aucune donnée utile à l'enquête n'a été enregistrée.

    Possibilités de survie

    L'hélicoptère était équipé de ceintures baudrier à l'avant et de ceintures sous-abdominales à l'arrière. Au moment de la visite du site de l'accident, la ceinture baudrier du pilote avait été détachée et la ceinture du passager avant avait été sectionnée par les secouristes. Les enquêteurs ont remarqué que la ceinture sous-abdominale de la passagère arrière était toujours bouclée à sa pleine extension. Il n'a pas été possible de déterminer la raison pour laquelle elle était dans cette position. Néanmoins, le rapport d'autopsie souligne que la passagère serait décédée des suites de blessures importantes au niveau de l'abdomen. Or, il est possible que ces blessures mortelles aient été causées par la ceinture sous-abdominale incorrectement ajustée au moment de l'impact. Le rapport du laboratoire du BST confirme également que les ceintures sous-abdominales ne comportaient aucune anomalie. Le passager avant gauche est décédé par suite de multiples traumatismes à la tête et au tronc. Quant au pilote, ses blessures ont été moins graves, probablement parce qu'il portait un casque, ce qui l'a protégé pendant l'impact.

    Site d'atterrissage

    Le site choisi pour l'atterrissage comportait certains défis pour un pilote peu expérimenté. L'emplacement choisi était un gros rocher, avec un relief ascendant par rapport à la rivière, et des montagnes se trouvaient de chaque côté de la rivière. De plus, c'était la première fois que le pilote s'y rendait. L'approche devait se faire au-dessus de la rivière Nipissis bordée de grand arbres de chaque côté, et une montagne couverte d'arbres matures, un camp, les employés du camp et les 3 passagers de l'hélicoptère qui s'était posé quelques minutes auparavant se trouvaient devant l'appareil. Tel qu'entendu, le chef pilote s'était positionné à l'avant de l'appareil sur le rocher. La figure 3 montre une photo prise quelques secondes avant l'accident, lors de l'approche finale.

    Figure 3. Site d'atterrissage du C-GYBK (Source : M. Guay, avec annotations du BST)
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    Site d'atterrissage du C-GYBK

    Équipage de conduite

    Les dossiers indiquent que le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote était titulaire d'une licence de pilote professionnel – hélicoptère valide, annotée pour hélicoptère BH0Note de bas de page 6. Au moment de l'événement, le pilote était titulaire d'un certificat médical de catégorie 1 d'aviation civile sans restriction, valide jusqu'au 1er avril 2016.

    En juin 2011, le pilote avait complété sa formation aéronautique théorique et pratique d'une durée de 3 ans au Centre québécois de formation aéronautique (C.Q.F.A.) de St-Honoré (Québec). Durant sa deuxième année de formation, le pilote a complété sa licence de pilote privé-avion, sur avion monomoteur, accumulant 78 heures de vol. Au cours de sa troisième année, il avait opté pour le pilotage hélicoptère. Il a reçu la formation théorique et pratique sur le Bell 206B, accumulant 135 heures de vol sur type.

    Le pilote a débuté son emploi avec la compagnie Héli-Nord en mai 2015. Il a reçu une formation au sol, qui comprenait entre autres un volet sur la sensibilisation à l'état de vortex et à la perte d'efficacité du rotor de queue (LTE)Note de bas de page 7 Il sera question de la LTE plus loin dans le présent rapport. Le pilote avait reçu 4,1 heures d'entraînement en vol. Il avait également réussi une vérification de compétence sur le Bell 206B administrée par l'entreprise le 5 juillet 2015. Au moment de l'accident, le pilote avait accumulé 263 heures de vol, réparties comme il suit :

    • 78 heures sur Sundowner, avion monomoteur au C.Q.F.A.
    • 135 heures sur Bell 206B au C.Q.F.A.
    • 35 heures sur Astar 350
    • 15 heures sur Bell 206B chez Héli-Nord

    Le pilote occupait un deuxième emploi non relié au domaine aéronautique. La veille de l'accident, il avait quitté son travail à 22 h et il n'avait pas travaillé le jour précédent.

    Caractéristiques du Bell 206B

    La première version du Bell 206B a débuté dans l'industrie sous le nom de Bell 206B Jet Ranger II. L'appareil était équipé d'un moteur Allison 250-C20 qui produisait une puissance de 400 SHNote de bas de page 8, et d'un rotor de queue de 62 pouces, tout comme le C-GYBK.

    En 1977, le modèle de Bell 206B Jet Ranger III a fait son apparition sur le marché. Il était équipé d'un moteur Allison 250-C20B plus puissant qui produisait 420 SHP, et la dimension du rotor de queue était également de 62 pouces. Plus tard, le constructeur a produit le Bell 206B3 Jet Ranger III, équipé d'un moteur Allison 250-C20J qui se caractérisait par l'installation d'un rotor de queue d'une dimension de 65 pouces pour en augmenter l'efficacité.

    Une modification permet d'installer un rotor de queue plus long, donc plus efficace. Pour ce faire, on doit également faire l'installation d'un moteur plus puissant. Or, le C-GYBK était muni d'un rotor de queue de 62 pouces, alors que plusieurs hélicoptères de même modèle sont montés avec un rotor de queue de 65 pouces, semblable à ceux du C.Q.F.A. Il convient de noter que le pilote avait reçu sa formation sur des appareils ayant un rotor de queue de 65 pouces, donc moins sensibles à la perte d'efficacité du rotor.

    Perte de maîtrise en direction

    Lors de l'événement à l'étude, l'appareil a subi une perte de maîtrise en direction près du sol, sans qu'il y ait un bris mécanique. Deux conditions sont susceptibles de produire ce type de perte de maîtrise en direction :

    • la perte d'efficacité du rotor de queue (LTE)
    • une augmentation hors limite du couple moteur.

    Perte d'efficacité du rotor de queue

    Vu d'en haut, les pales du rotor principal tournent en sens antihoraire (figure 4). Cette rotation fait que l'hélicoptère subit une réaction de couple en sens opposé qui se manifeste par un mouvement de lacet vers la droite. Pour neutraliser ce mouvement, l'hélicoptère est muni d'un rotor de queue. Le rotor principal produit un couple, et le pilote doit neutraliser le mouvement de lacet induit en utilisant le palonnier de telle façon que la poussée du rotor de queue augmente ou diminue au besoin.

    Figure 4. Effet de couple (Source : Transports Canada, 2006Note de bas de page 9
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    Effet de couple

    La LTE est en fait un mouvement de lacet non sollicité qui ne se neutralise pas de lui-même et qui, s'il n'est pas corrigé, peut entraîner la perte de maîtrise de l'hélicoptèrNote de bas de page 10. La LTE n'est pas attribuable à un bris d'équipement ni à une maintenance déficiente, et tout hélicoptère monorotor volant à basse vitesse est susceptible à ce phénomène. Cette perte d'efficacité est causée par un rotor de queue qui ne fournit pas une poussée suffisante pour maintenir la maîtrise en direction. Une poussée insuffisante du rotor de queue pour un certain réglage de puissance peut généralement causer cette perte.

    De plus, 4 régions azimutales de vent relatif peuvent créer un environnement propice à une LTE :

    • interférence tourbillonnaire du disque du rotor principal (vents du 285° au 315° par rapport à l'hélicoptère);
    • stabilité en girouette (vents du 120° au 240°);
    • zone d'anneau tourbillonnaire du rotor de queue (vents du 210° au 330°); ou
    • perte de sustentation de translation (vents de tous les azimuts).

    Dans l'événement à l'étude, quoique le vent était de faible vélocité, ce dernier provenait de la droite avec une légère composante de vent arrière. L'appareil était donc sensible au vent relatif, qui se trouvait à l'intérieur de la région de l'azimut du vent critique de la stabilité en girouette où le mouvement de lacet pouvait être induit.

    Augmentation hors limite du couple moteur

    L'information recueillie indique que le pilote a observé un couple moteur de 110%; toutefois, on ne connaît pas le moment précis ni la durée de l'application de puissance et ni si le couple a pu excéder 110% sans que le pilote puisse s'en rendre compte. Lorsque le collectif est tiré au-delà de la limite de 110%, le pas des pales principales augmente et le moteur doit produire la puissance nécessaire pour compenser l'énorme et rapide augmentation de la trainée du rotor principal. Il s'en suit une diminution du régime du rotor principal, laquelle est transmise également au rotor de queue de façon proportionnelle. Selon le constructeur de l'appareil, le rotor de queue est en mesure de compenser la perte de maîtrise en direction, jusqu'à la limite de 110% du couple moteur pour une période maximale de 5 secondes. Au-delà de cette limitation, la capacité du rotor de queue à fournir la poussée nécessaire est excédée et peut mener à une perte de maîtrise en direction similaire à une LTE.

    En présence d'une poussée insuffisante du rotor de queue, reconnaissable au mouvement de lacet à droite, il existe 2 manières de réagir :

    1. Appuyer à fond sur la pédale gauche du palonnier et déplacer le manche de pas cyclique vers l'avant;
    2. Si l'altitude le permet, réduire la puissance.

    Information de sécurité

    Bell Helicopter a émis la lettre d'information 206-84-41 en 1984 qui expliquait les caractéristiques de vol à basse altitude pouvant entraîner un mouvement de lacet intempestif.

    La circulaire d'information 90-95 émise par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis porte sur le phénomène de mouvement de lacet imprévu et recommande des techniques de rétablissement. La circulaire sur ce phénomène cerne les conditions dans lesquelles peut survenir une LTE, notamment durant toute manœuvre qui exige du pilote qu'il exploite l'hélicoptère dans une configuration de puissance élevée et de basse vitesse indiquée, par vent traversier de gauche ou vent arrière, et en particulier durant les virages à droite.

    Dans un numéro de la publication Sécurité Aérienne — VortexNote de bas de page 11, Transports Canada (TC) présente le phénomène de mouvement de lacet imprévu vers la droite et la technique de rétablissement recommandée. Le guide d'étude et de référence, Licences de pilote privé et professionnel (hélicoptère), publié par TC, mentionne la LTE comme sujet de formation théorique à couvrir dans la partie performance de l'hélicoptère.

    Formation sur la perte d'efficacité du rotor de queue

    Étant donné le risque élevé d'accidents et de perte de maîtrise de l'appareil en vol, la formation sur le phénomène de la LTE se fait exclusivement au niveau théorique. L'enquête a révélé que, durant un vol, il peut arriver que l'appareil subisse une perte partielle de l'efficacité du rotor de queue et que le pilote corrige l'effet de façon instinctive. L'important est de ne pas se retrouver dans une situation de non-retour, c'est-à-dire au point de ne plus être en mesure de corriger.

    La formation théorique que le pilote avait reçue chez Héli-Nord avait abordé l'effet d'une LTE, et le chef pilote avait également traité du sujet durant l'entraînement en vol, en expliquant le phénomène, sans toutefois être en mesure de le pratiquer. L'unique entraînement en vol à l'égard du rotor de queue consiste à simuler un bris de la connexion entre la transmission et le rotor de queue; l'instructeur induit alors un mouvement d'un côté ou de l'autre avec le palonnier et l'élève doit corriger la situation en utilisant le palonnier opposé et se poser. Cette pratique exige une maîtrise de l'appareil de la part du pilote, situation qui est plus facile à contrôler qu'une LTE. Il convient de souligner que les pratiques se font dans des conditions idéales, afin de minimiser les dangers associés à cette manœuvre.

    Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP 212/2015 – Récupération de la mémoire volatile – GPS
    • LP 221/2015 - Examen de l'épave

    Analyse

    L'examen de l'épave et les données recueillies durant l'enquête indiquent qu'il n'y avait aucun problème mécanique pré-existant qui aurait pu entraîner la perte de maîtrise et l'écrasement sur le rocher. Le pilote était qualifié et possédait les licences nécessaires pour effectuer ce vol, et rien n'indique que des facteurs physiologiques, y compris la fatigue, étaient en cause dans cet accident. L'analyse portera sur l'expérience et la formation du pilote ainsi que sur la perte de maîtrise en direction lors de l'approche en vue de l'atterrissage.

    L'accident s'est produit à la suite d'une perte de maîtrise en direction lors de l'approche finale. En l'absence d'enregistrements des données de vol, plus précisément sur le taux de descente et sur le couple moteur réellement sollicité lors de l'approche, 2 scénarios ont été retenus pouvant mener à la perte de maîtrise en direction.

    Selon le constructeur, plusieurs essais en vol ont démontré que le phénomène de LTE est susceptible de se produire si les conditions de vents y sont propices et se situent dans une des 4 régions azimutales de vent relatif et si le couple moteur est maintenu dans les limites prescrites, soit 100% ou jusqu'à 110% pour une période maximale de 5 secondes. Au-delà de cette limitation, la capacité du rotor de queue à fournir la poussée nécessaire est excédée et il s'en suit une perte de maîtrise en direction similaire à une LTE.

    Le phénomène de la LTE est bien connu au sein de l'industrie depuis plusieurs années et est enseigné de façon théorique durant la formation des pilotes. Les organismes chargés de faire des enquêtes, les organismes de réglementation et les constructeurs ont informé les pilotes sur ce phénomène à maintes reprises. Néanmoins, il se produit encore aujourd'hui des accidents attribuables à la LTE qui, malheureusement, comme dans l'accident à l'étude, causent des blessures graves et mortelles.

    Des manœuvres réussies en cas de LTE exigent des compétences précises et une bonne coordination des commandes de vol, afin d'exécuter en temps opportun la manœuvre appropriée pour éviter de se retrouver en LTE ou effectuer la manœuvre de rétablissement advenant une LTE. Bien que le pilote avait reçu la formation théorique sur la LTE, il n'a pas été en mesure de maintenir la maîtrise de l'appareil lorsqu'il s'est retrouvé dans cette situation. Même si l'hélicoptère utilisé était du même modèle que celui utilisé lors de sa formation au Centre québécois de formation aéronautique (C.Q.F.A.), il existait néanmoins une différence importante au niveau des performances du rotor de queue et de la puissance moteur disponible. Le pilote était donc mal préparé à cette éventualité lors d'une phase critique du vol :

    • il avait peu d'expérience;
    • il n'avait pas volé de façon régulière sur le Bell 206B depuis la fin de sa formation en 2011;
    • c'était la première fois qu'il atterrissait à cet endroit.

    L'enquête a permis de constater que l'appareil était utilisé près de son poids maximum autorisé. En examinant la photo prise quelques secondes avant l'accident, on remarque que le vent était faible et venait de la droite avec un facteur de vent arrière.

    Il est possible que l'attention du pilote était portée principalement sur l'environnement du site d'atterrissage méconnu et le guidage fourni par le chef pilote au sol, au point qu'il a remarqué tardivement que le couple moteur indiquait 110%. Toutefois, en l'absence d'enregistrements des données de vol, il n'a pu être déterminé si la limite de 5 secondes ou si la limite de 110% a été excédée.

    Une augmentation de la puissance au-delà de cette limitation, combinée à une faible vitesse d'approche et une masse de l'appareil près de sa masse maximale autorisée, sont des éléments qui ont pu mener à la perte de maîtrise en direction similaire à une LTE. Par conséquent, l'hélicoptère a été placé dans un régime de vol qui était susceptible soit à une LTE, soit au dépassement de la capacité du rotor de queue de fournir la poussée nécessaire, ce qui a entraîné une perte de maîtrise en direction à une altitude empêchant tout rétablissement : il en a résulté un impact avec le relief.

    Compte tenu de l'environnement, ce site comportait une part de difficultés pour un pilote avec peu d'expérience : le rocher était en pente, ce qui exigeait d'être vigilant à l'atterrissage, et les montagnes de chaque côté de la rivière offraient peu d'espace pour effectuer la procédure permettant de retrouver l'efficacité du rotor de queue, soit en appuyant à fond sur la pédale gauche du palonnier, en déplaçant le manche de pas cyclique vers l'avant et, si l'altitude le permettait, en réduisant la puissance.

    Le pilote devait ajuster son taux de descente et la puissance moteur pour lui permettre de se poser au bon endroit. Pour se faire, il devait descendre jusqu'à ce qu'il atteigne l'effet de sol près du rocher et arrêter sa descente juste avant de se poser. L'effet de sol lui aurait permis de mieux maîtriser l'appareil.

    Le pilote avait reçu sa formation au C.Q.F.A. sur un modèle d'hélicoptère Bell 206B Jet Ranger III qui était équipé d'un rotor de queue plus long (65 pouces) et d'un moteur plus puissant, donc plus efficace et moins sensible à la LTE. Le peu d'expérience du pilote sur hélicoptère Bell 206B avec un rotor de queue de 62 pouces ne lui a pas permis de reconnaître la LTE et de la contrer en temps opportun.

    Le fait que le pilote portait un casque a contribué à diminuer considérablement la gravité de ses blessures à la tête. Par contre, l'enquête a déterminé que la ceinture sous-abdominale de la passagère arrière était toujours bouclée, à sa pleine extension. Le rapport d'autopsie souligne que la passagère serait décédée des suites de blessures importantes au niveau de l'abdomen, possiblement causées par la ceinture sous-abdominale incorrectement ajustée au moment de l'impact. Si les occupants ne portent pas correctement leur ceinture de sécurité lors d'un vol, il y a un risque accru de blessures graves ou de décès advenant un accident.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. L'hélicoptère a été placé dans un régime de vol qui était susceptible soit à une perte d'efficacité du rotor de queue, soit au dépassement de la capacité du rotor de queue de fournir la poussée nécessaire, ce qui a entrainé une perte de maîtrise en direction à une altitude empêchant tout rétablissement. Il en a résulté un impact avec le relief.
    2. L'entraînement en vol du phénomène lié à la perte d'efficacité du rotor de queue est inexistante compte tenu des risques que cela comporte. Par conséquent, le pilote n'était pas accoutumé avec l'habileté plus précise requise pour maîtriser l'appareil lorsqu'une telle perte d'efficacité est survenue près du sol.
    3. Le peu d'expérience du pilote sur hélicoptère Bell 206B avec un rotor de queue de 62 pouces ne lui a pas permis de reconnaître la perte d'efficacité du rotor de queue et de la contrer en temps opportun.
    4. La passagère a subi des blessures mortelles à l'abdomen, possiblement du fait que sa ceinture sous-abdominale n'était pas ajustée correctement.

    Faits établis quant aux risques

    1. Si les occupants ne portent pas correctement leur ceinture de sécurité lors d'un vol, il y a un risque accru de blessures graves ou de décès advenant un accident.

    Autres faits établis

    1. Le fait que le pilote portait un casque a contribué à diminuer considérablement la gravité de ses blessures à la tête.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .