Perte de maîtrise et collision avec le relief
West Wind Aviation L.P.
Avions de Transport Régional ATR 42-320, C-GWEA
Fond-du-Lac (Saskatchewan)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 13 décembre 2017, l’aéronef Avions de Transport Régional (ATR) 42-320 (immatriculation C-GWEA, numéro de série 240), exploité par West Wind Aviation L.P. (West Wind) sous le numéro de vol WEW282, effectuait une série de vols suivant les règles de vol aux instruments dans le nord de la Saskatchewan.
Quand l’équipage de conduite et le répartiteur ont tenu un exposé à propos des vols de la journée, ils ont appris qu’on prévoyait des conditions de givrage sur la route de vol. Même si l’équipage de conduite et le répartiteur étaient au courant de la prévision de givrage au sol, ils ont néanmoins pris la décision de maintenir l’itinéraire prévu pour la journée à destination de plusieurs aéroports éloignés ayant des installations de dégivrage inadéquates.
Le vol WEW282 est parti de l’aéroport international John G. Diefenbaker de Saskatoon (CYXE) et est arrivé à l’aéroport de Prince Albert (Glass Field) (CYPA) sans difficulté. Après un arrêt d’environ 1 heure, le vol est reparti vers l’aéroport de Fond-du-Lac (CZFD). À l’approche de l’aéroport de Fond-du-Lac, l’aéronef a commencé à givrer en vol, et l’équipage a activé les systèmes d’antigivrage et de dégivrage.
Même si les systèmes de protection contre le givrage de l’aéronef ont été activés à l’approche de CZFD, les boudins de dégivrage de l’aéronef n’ont pas été conçus pour éliminer toute la glace qui peut s’accumuler, et les systèmes d’antigivrage n’ont pas empêché l’accumulation de glace sur les surfaces non protégées. Par conséquent, de la glace résiduelle a commencé à s’accumuler sur l’aéronef.
Même si l’équipage de conduite était au courant de la présence de glace, aucune anomalie en ce qui a trait à la maîtrise de l’aéronef n’a été relevée à l’approche. Par conséquent, l’équipage a probablement estimé que la glace résiduelle n’était pas suffisamment grave pour avoir un effet notable sur la performance de l’aéronef. L’équipage a poursuivi l’approche et a atterri à l’aéroport de Fond-du-Lac à 17 h 24, heure normale du Centre.
Une analyse des données de l’enregistreur de bord après l’accident a permis d’établir que, peu avant l’atterrissage à l’aéroport de Fond-du-Lac, la traînée de l’aéronef avait augmenté de 28 % et la performance en portance s’était détériorée de 10 %, ce qui indique qu’une quantité importante de glace résiduelle adhérait à la structure de l’aéronef à son arrivée. Toutefois, ces données n’étaient pas à la disposition de l’équipage de conduite au moment de l’atterrissage.
L’aéronef est resté au sol à l’aéroport de Fond-du-Lac durant environ 48 minutes. L’aéronef devait ensuite se rendre à l’aéroport de Stony Rapids (CYSF) (Saskatchewan), avec à son bord 3 membres d’équipage (2 pilotes et 1 agente de bord) et 22 passagers.
Bien qu’il n’y eut pas de précipitations ou de brouillard observables pendant que l’aéronef était au sol, les conditions météorologiques au sol étaient propices à la formation de glace ou de givre. Cette situation combinée aux sites de nucléation offerts par le givre mixte résiduel sur l’aéronef a entraîné la formation de glace ou de givre additionnel sur les surfaces critiques de l’aéronef.
Une fois les passagers à bord de l’aéronef, le premier officier a effectué une inspection externe de l’aéronef. Cependant, puisque l’équipement d’inspection disponible était inadéquat, pour effectuer l’inspection visant à déterminer s’il y avait de la glace sur l’aéronef, le premier officier s’est contenté de faire le tour de l’aéronef à pied sur l’aire de trafic faiblement éclairée, sans lampe de poche, puis de regarder l’aile gauche à partir du haut des escaliers à la porte d’accès arrière gauche.
Même s’il ne connaissait pas la pleine étendue du givrage et ne savait pas que l’accumulation se poursuivait, le premier officier a tout de même avisé le commandant de bord qu’il y avait de la glace sur l’aéronef. Le commandant de bord n’a ni effectué sa propre inspection de l’aéronef, ni tenté de le faire dégivrer; lui et le premier officier ont plutôt continué à faire les préparatifs pour le départ.
Décoller d’aéroports éloignés, comme CZFD, avec une certaine contamination des surfaces critiques de l’aéronef, était devenu une pratique courante dans l’entreprise, en partie en raison du caractère inadéquat de l’équipement ou des services de dégivrage à ces endroits. Les réussites antérieures de ces adaptations ont entraîné la normalisation de la pratique dangereuse, et cette normalisation a influencé la décision de décoller prise par l’équipage de conduite.
Même si les membres de l’équipage de conduite étaient conscients du givrage sur les surfaces critiques de l’aéronef, ils ont déterminé que le départ du vol à l’étude pouvait être effectué en toute sécurité. Leur décision de maintenir le plan de départ initial a été influencée par la tendance à s’en tenir au plan, puisqu’ils percevaient les signes initiaux et soutenus à l’appui de leur plan comme plus convaincants que les signes ultérieurs suggérant une autre ligne de conduite. À 18 h 12, heure normale du Centre, pendant les heures d’obscurité, l’aéronef a amorcé sa course au décollage sur la piste 28, et il a quitté le sol 30 secondes plus tard.
En raison de la glace qui restait sur l’aéronef après l’approche et de la glace additionnelle qui s’était accumulée pendant l’arrêt au sol, la traînée de l’aéronef a été augmentée de 58 % et sa portance a été réduite de 25 % pendant le décollage.
Malgré les performances dégradées, l’aéronef a d’abord grimpé; toutefois, immédiatement après le décollage, il a amorcé un mouvement de roulis vers la gauche sans intervention du pilote. Ce roulis était dû à une distribution asymétrique de la portance en raison d’une contamination inégale par le givre sur l’aéronef.
À la suite du roulis intempestif, le commandant de bord a réagi comme si l’aéronef était un ATR 42 non contaminé, en s’attendant à des caractéristiques de manœuvrabilité et de réponse dynamique normales. Toutefois, en raison de la contamination, l’aéronef présentait une capacité d’amortissement du roulis réduite, qui s’est traduite par une manœuvrabilité et une réponse dynamique inattendues. Même si l’enquête a permis de déterminer que les ailerons avaient un pouvoir de contrôle en roulis suffisant pour contrer la portance asymétrique, en raison du caractère inattendu de la manœuvrabilité et de la réponse dynamique, le roulis perturbateur s’est transformé en une oscillation d’une ampleur croissante, et la maîtrise de l’aéronef dans l’axe de roulis a été perdue.
Cette perte de maîtrise dans l’axe de roulis, qui correspond aux risques connus associés au décollage avec une contamination par la glace, a en fin de compte entraîné la collision de l’aéronef avec le relief 17 secondes après le décollage.
L’aéronef a percuté le sol dans une assiette en tangage relativement neutre, avec un angle d’inclinaison de 30° à gauche. En conséquence de la décélération verticale soudaine au contact du sol, l’aéronef a subi des dommages importants dont la gravité variait selon les emplacements sur l’aéronef, étant donné l’angle d’impact et une conception structurale variable.
Ni les normes actuelles de conception applicables aux aéronefs de la catégorie transport, ni celles en vigueur au moment où l’ATR 42 a été certifié, ne précisent les charges minimales qu’une structure de fuselage doit pouvoir subir tout en offrant des possibilités de survie, ou les charges minimales en matière d’absorption de l’énergie d’impact par le fuselage. Par conséquent, l’ATR 42 n’a pas été conçu en tenant compte de tels paramètres de résistance à l’impact.
Le train d’atterrissage principal, sous la section centrale du fuselage, était rigide et n’a pas absorbé ou atténué une grande partie de la charge. L’accélération produite par l’impact n’a pas été atténuée parce que le logement du train d’atterrissage ne s’est pas déformé. Cette accélération non atténuée s’est traduite par une importante charge inertielle de la voilure, qui a provoqué la rupture de la structure de soutien de la voilure et l’affaissement de la voilure dans la cabine.
La réduction de l’espace de survie entre le plancher au-dessus du train d’atterrissage principal et le fuselage supérieur affaissé a causé des blessures par écrasement, comme des traumas à la tête, au corps et aux jambes, aux passagers de la partie avant-centre gauche de l’aéronef. Sur les 3 passagers de cette zone, 2 ont subi des blessures graves qui ont changé leur vie, et 1 passager est mort.
Le soulèvement d’une partie de la structure du plancher a compromis les ensembles de retenue, limitant ainsi la protection offerte aux occupants pendant qu’ils étaient soumis à des forces verticales, longitudinales et latérales. Cela s’est traduit par de graves blessures liées à la vitesse et par des entraves à la capacité des passagers de prendre des mesures de survie en temps opportun après l’écrasement.
Inconscients du danger, la plupart des passagers dans l’événement à l’étude n’ont pas adopté la position de protection avant l’impact. Puisque leur torse n’était pas retenu, ces personnes ont subi des blessures cohérentes avec les blessures dues aux mouvements incontrôlés et à la flexion brusque du torse, par exemple en heurtant le siège devant elles.
À la suite de réparations non approuvées, le siège d’agent de bord a cédé au moment de l’impact, causant des blessures qui ont empêché l’agente de bord d’exécuter les mesures d’évacuation et de survie en temps opportun.
Le BST a déjà émis une recommandation sur la mise au point et l’utilisation d’ensembles de retenue d’enfant. Cependant, les règlements prévus à cet effet n’ont pas encore été mis en œuvre par Transports Canada. Par conséquent, le passager nourrisson n’était pas attaché et il a subi des blessures dues aux mouvements incontrôlés et à l’écrasement.
Lorsque l’aéronef s’est immobilisé, tous les occupants avaient subi des blessures. Dans les minutes suivant l’impact, des passagers ont commencé à envoyer des demandes d’aide en utilisant leur téléphone cellulaire. Plusieurs personnes de la communauté voisine ont reçu les messages et sont rapidement venues apporter leur aide.
Les passagers et les membres de l’équipage ont commencé à évacuer, mais l’évacuation a été très difficile en raison des dommages subis par l’aéronef. Il a fallu environ 20 minutes aux 17 premiers passagers pour évacuer, et beaucoup plus de temps pour les passagers restants : il a fallu jusqu’à 3 heures pour extraire 1 passager avec l’aide des secours.
À la suite de l’accident, 9 passagers et 1 membre d’équipage ont été grièvement blessés; les 13 autres passagers et 2 autres membres d’équipage ont été légèrement blessés. Un des passagers qui a été grièvement blessé est mort des suites de ses blessures 12 jours après l’accident.
Il n’y a pas eu d’incendie après l’impact et la radiobalise de repérage d’urgence s’est activée au moment de l’impact.
Tôt dans cette enquête, il est devenu évident qu’il fallait plus d’information pour déterminer si les facteurs sous-jacents relevés dans cet événement étaient présents ailleurs dans le secteur canadien de l’aviation commerciale.
Afin d’évaluer les risques associés aux opérations hivernales dans les aéroports éloignés du Nord, et plus particulièrement le risque que représentent les aéronefs qui décollent alors que du givre, de la glace ou de la neige adhère à des surfaces critiques, le BST a lancé un sondage en ligne auprès des pilotes directement exposés aux opérations dans les aéroports éloignés partout au Canada.
Les réponses reçues à plusieurs questions montrent que les opérations dans ces aéroports éloignés ont été régulièrement touchées par l’indisponibilité et le caractère inadéquat de l’équipement permettant d’inspecter, de dégivrer ou de faire un traitement antigivrage.
La probabilité et la gravité combinées de cette lacune de sécurité posent un risque élevé pour la sécurité des transports. Le risque varie probablement d’un aéroport à un autre, en fonction, dans une certaine mesure, de la fréquence des opérations. Identifier les endroits à risque élevé nécessitant une mesure d’intervention immédiate peut réduire rapidement la probabilité que des aéronefs avec du givre, de la glace ou de la neige qui adhère à une surface critique décollent de ces endroits.
Transports Canada, les exploitants aériens et les administrations aéroportuaires ont la capacité d’identifier les endroits à risque élevé, de les analyser en fonction des dangers et des risques et de prendre des mesures d’atténuation.
Par conséquent, en décembre 2018, le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports collabore avec les exploitants aériens et les administrations aéroportuaires dans le but d’identifier les lieux où l’équipement de dégivrage et d’antigivrage est inadéquat et de prendre des mesures d’urgence pour s’assurer de la disponibilité de l’équipement adéquat afin de réduire la probabilité que des aéronefs décollent malgré des surfaces critiques contaminées.
Recommandation A18-02 du BST
L’information la plus notable qui a été tirée du sondage montrait qu’au cours des 5 dernières années, 74 % des pilotes ont vu des aéronefs décoller avec des surfaces contaminées, ce qui contrevient à la réglementation et au concept de l’aéronef propre. Cette majorité indique que le problème est systémique et non limité à un petit nombre d’exploitants ou à quelques endroits.
De nombreux moyens de défense sont en place pour assurer le respect du concept de l’aéronef propre, comme des règlements, des manuels d’exploitation des entreprises et des procédures d’exploitation normalisées. Cependant, tous ces moyens de défense reposent exclusivement sur leur respect par les équipages de conduite. Comme on l’a constaté dans cet événement, une seule adaptation en matière de conformité peut permettre à un aéronef de partir avec des surfaces contaminées, malgré la présence de plusieurs moyens de défense administratifs adéquats.
Pour atténuer ce risque, Transports Canada et les exploitants aériens doivent d’urgence prendre des mesures afin d’assurer une meilleure conformité.
Les accidents liés à la contamination de l’aéronef continueront de se produire jusqu’à ce que le secteur de l’aviation et l’organisme de réglementation abordent la question comme un problème systémique, et prennent les mesures nécessaires pour éliminer les facteurs sous-jacents pouvant nuire au respect des exigences par les pilotes.
Par conséquent, en décembre 2018, le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports et les exploitants aériens prennent des mesures pour améliorer la conformité au paragraphe 602.11(2) du Règlement de l’aviation canadien et réduire la probabilité que des aéronefs décollent malgré des surfaces critiques contaminées.
Recommandation A18-03 du BST
Lorsque West Wind a commencé ses activités à l’aéroport de Fond-du-Lac (CZFD) en 2014, aucun contrôle efficace des risques n’était en place pour atténuer le risque potentiel de givrage au sol. Bien que les compagnies de transport soient responsables de gérer les risques qui pèsent sur la sécurité dans le cadre de leurs activités, le respect de la réglementation ne peut offrir qu’un niveau de sécurité de base. Convenablement mis en œuvre, les systèmes de gestion de la sécurité permettent aux entreprises de gérer efficacement les risques et de rendre leurs activités plus sûres. Toutefois, pour que les systèmes de gestion de la sécurité soient efficaces, ils doivent être appuyés par une culture de sécurité positive. Si la culture de sécurité d’une entreprise tolère des pratiques dangereuses, il y a un risque que ces pratiques soient maintenues et qu’elles deviennent la norme dans l’entreprise.
La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance 2020 du BST. Cette liste énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.
L’enquête a également révélé un certain nombre de cas où les politiques et procédures de surveillance de Transports Canada n’étaient pas appliquées de façon cohérente à la surveillance de West Wind. Ce n’est pas la première fois que de telles incohérences dans la surveillance de l’aviation commerciale au Canada par Transports Canada sont relevées. Comme l’indiquent les faits établis de plusieurs enquêtes du BST, il y a eu un certain nombre d’exemples antérieurs où Transports Canada a tardé à cerner ou à corriger des conditions dangereuses chez un exploitant. La mise en application incohérente par Transports Canada de ses propres politiques et procédures pour l’évaluation de West Wind en 2016 et pour les vérifications du plan de mesures correctives après l’évaluation, ainsi que l’approche improvisée de la surveillance accrue, se sont traduites par une surveillance inefficace d’un exploitant ayant un historique de problèmes de conformité sur le plan du système (soit le système de gestion de la sécurité) et sur le plan systémique (par exemple, le contrôle opérationnel).
Si la mise en application des politiques et des procédures de surveillance de Transports Canada est incohérente, il y a un risque que la surveillance qui en résultera ne permette pas de s’assurer que les exploitants sont en mesure de gérer efficacement la sécurité de leurs activités.
La surveillance réglementaire figure également sur la Liste de surveillance 2020 du BST.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
1.1.1 Généralités
Le 13 décembre 2017, l’aéronef Avions de Transport Régional (ATR) 42-320 (immatriculation C-GWEA, numéro de série 240), exploité par West Wind Aviation L.P. (West Wind) sous le numéro de vol West Wind 282 (WEW282), effectuait une série de vols suivant les règles de vol aux instruments dans le nord de la Saskatchewan.
Le vol WEW282 est parti de l’aéroport international John G. Diefenbaker de Saskatoon (CYXE) et devait faire des escales aux aéroports de Prince Albert (Glass Field) (CYPA), de Fond-du-Lac (CZFD), de Stony Rapids (CYSF), de Wollaston Lake (CZWL) et de Points North Landing (CYNL), puis il devait retourner à CYPA avant de terminer son itinéraire à CYXE.
Le vol WEW282 était exploité aux termes de la sous-partie 705 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) Note de bas de page 2. Transwest Air, une filiale de West Wind, avait affrété le vol pour transporter les passagers et les marchandises excédentaires d’un vol régulier exploité par Transwest Air qui effectuait le même trajet avant le vol WEW282.
1.1.2 Planification avant le vol et répartition
À 12 h 15 Note de bas de page 3, un répartiteur de West Wind a commencé à organiser les plans de vol exploitation du vol WEW282 pour les 7 segments du vol prévu. Le vol WEW282 devait partir de CYXE à 14 h 30 sans passagers et avec une charge de carburant de 8200 livres. Il était prévu que le vol WEW282 achève l’itinéraire prévu sans se ravitailler en carburant à l’une ou l’autre des escales. À 12 h 25, le plan de vol exploitation pour le vol à l’étude a été achevé.
Les membres d’équipage du vol WEW282, soit 2 pilotes et 1 agente de bord, se sont présentés au travail au hangar de West Wind à CYXE vers 13 h 30. L’agente de bord a entrepris ses tâches de préparation de la cabine de l’aéronef pour le vol, pendant que le commandant de bord et le premier officier rencontraient le répartiteur pour un exposé avant vol.
L’exposé couvrait tous les éléments nécessaires au vol Note de bas de page 4, notamment les conditions météorologiques actuelles, les prévisions d’aérodrome et les prévisions de zone pour le décollage, le trajet, la destination, l’aéroport de dégagement et le vol de retour, ainsi que les prévisions de conditions de givrage dans la zone d’exploitation.
1.1.3 De Saskatoon à Fond-du-Lac
Pour le départ de CYXE, le commandant de bord occupait le siège gauche et était le pilote aux commandes (PF). Le premier officier, qui possédait également une qualification de commandant de bord, occupait le siège droit et était le pilote qui n’est pas aux commandes (PNF). Les pilotes prévoyaient de changer de siège et de tâches de vol pour le reste de la journée après l’atterrissage à CYSF.
Le vol WEW282 a quitté CYXE à 14 h 06 et est arrivé à CYPA à 14 h 42 après un vol sans incident. Il a ensuite quitté CYPA à 15 h 32 avec 15 passagers à bord, et le contrôle de la circulation aérienne (ATC) l’a autorisé à voler directement vers CZFD au niveau de vol (FL) 220 Note de bas de page 5. Le décollage, la montée et le vol en croisière se sont déroulés sans incident.
À 16 h 57, le vol WEW282 était en vol de croisière à environ 86 milles marins (NM) au sud de CZFD lorsque l’ATC a émis une autorisation de sortie de l’espace aérien contrôlé et a fourni à l’équipage le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR), généré à 16 h 54 par le système automatisé d’observations météorologiques (AWOS) pour CYSF (voir la section 1.7.2.1 : Messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome de l’aéroport de Stony Rapids).
À 16 h 58, l’équipage d’un aéronef Saab 340 effectuant le vol 280 de Transwest Air (TW280) a informé le vol WEW282 que le vol TW280 se dirigeait également vers CZFD et se trouvait environ 6 minutes devant le vol WEW282. Peu après, l’équipage d’un autre aéronef, un Beechcraft 1900 exploité sous le numéro de vol WEW660, a annoncé qu’il se dirigeait également vers CZFD et qu’il précédait le vol TW280.
À 17 h 02, le crépuscule civil a pris fin et la nuit a commencé. Quatre minutes plus tard, les membres d’équipage de conduite du vol WEW282 ont fait un exposé verbal sur la procédure d’approche aux instruments RNAV (GNSS) Note de bas de page 6 pour l’atterrissage sur la piste 28. À 17 h 10, l’équipage du vol TW280 a annoncé qu’il se trouvait à 6 milles au sud de l’aéroport et qu’il voyait la piste.
À 17 h 13 min 15 s, tandis qu’il franchissait 8100 pieds en descente Note de bas de page 7, le vol WEW282 a commencé à givrer en vol. Le commandant de bord a demandé au premier officier d’augmenter la protection contre le givrage pour la faire passer du niveau 1 au niveau 2 (voir la section 1.6.2 : Dispositifs de protection contre le givre de l’aéronef), et le couple de l’aéronef a été augmenté pour passer de moins de 5 % à 50 %.
Trente secondes plus tard, alors que l’aéronef franchissait 7600 pieds en descente, le carillon simple du signal d’alerte principal a sonné et les témoins d’alerte « CAUTION » et « ICING Note de bas de page 8 » se sont allumés, indiquant qu’une accumulation de glace avait été détectée sur la sonde de détection de givrage. Cinq secondes après que le détecteur de givrage eut détecté les conditions de givrage, le commandant de bord a demandé au premier officier d’activer le niveau 3 de la protection contre le givrage (systèmes pneumatiques de dégivrage de la cellule).
Trois minutes après la détection initiale des conditions de givrage par la sonde, alors que l’aéronef franchissait 4700 pieds en descente, le couple a été réduit à 35 % et le témoin « DEG PERF Note de bas de page 9 » du système de surveillance des performances de l’aéronef (APM) Note de bas de page 10 s’est allumé. Le témoin « ICING » est resté allumé.
À 17 h 19 min 50 s, alors que l’aéronef était dans le prolongement de l’axe de piste, le témoin clignotant « INC SPD » (augmenter la vitesse) de l’APM s’est alluméNote de bas de page 11. La vitesse anémométrique était de 156 KIAS (vitesse indiquée en nœuds) et le taux de descente était d’environ 250 pieds par minute (pi/min). Peu après, le couple a augmenté à 55 % et la vitesse anémométrique a augmenté à 167 KIAS. Quatorze secondes après s’être allumé, le témoin « INC SPD » s’est éteint; toutefois, le témoin « DEG PERF » de l’APM est resté allumé.
À 17 h 20 min 43 s, alors que l’aéronef franchissait 3000 pieds en descente, les volets ont été réglés à 15° et le train d’atterrissage a été sorti. Au même moment, le témoin « DEG PERF » de l’APM s’est éteint Note de bas de page 12. Le taux de descente a augmenté à 750 pi/min.
Quarante secondes plus tard, alors que l’aéronef franchissait 2900 pieds en descente, le témoin « ICING » s’est également éteint et ne s’est pas rallumé pendant le reste du vol, ce qui indique qu’il n’y avait plus d’accumulation de glace sur la sonde. À 17 h 21 min 57 s, les volets ont été réglés à 30°.
À 17 h 22 min 23 s, alors que l’aéronef franchissait 2100 pieds en descente, les 2 pilotes ont obtenu les repères visuels avec la piste et 1 minute plus tard, après avoir laissé le système de dégivrage fonctionner durant 1 cycle de plus, l’équipage a ramené au niveau 1 la protection contre le givrage. Après avoir sélectionné ce niveau de protection, l’équipage a brièvement discuté de la présence de glace résiduelle sur l’aéronef.
Pendant que l’aéronef franchissait 1450 pieds en descente, le commandant de bord a désactivé le pilote automatique. Aucune anomalie n’a été relevée pendant le reste de l’approche et l’aéronef a atterri sur la piste 28 à 17 h 24 min 44 s.
1.1.4 Au sol à Fond-du-Lac
À 17 h 26 min 19 s, le vol WEW282 a quitté la piste et a circulé jusqu’à l’aire de trafic. Le vol WEW660 avait déjà mis en marche ses moteurs et il était prêt à circuler pour le départ, ce qu’il a fait immédiatement après le passage du vol WEW282. Le vol WEW660 a ensuite décollé à partir de la piste 10.
À 17 h 27 min 42 s, une fois l’aéronef immobilisé sur l’aire de trafic, l’équipage de conduite du vol WEW282 a actionné le frein de parc, a arrêté le moteur gauche et a actionné le frein d’hélice Note de bas de page 13 du moteur droit. Sur les 15 passagers à bord, 8 devaient se rendre à Fond-du-Lac et ont débarqué; les 7 autres devaient se rendre à des escales ultérieures et sont restés à bord.
L’équipage de conduite a ensuite quitté le poste de pilotage pour aider au chargement. Le chargement a pris fin vers 17 h 45, et le commandant de bord a regagné le poste de pilotage, où il a commencé à programmer le vol suivant dans le système de gestion de vol (FMS) et à effectuer les calculs de masse et de centrage. Le premier officier s’est rendu à l’aérogare pour escorter les passagers jusqu’à l’aéronef.
À 17 h 54, le vol TW280 a circulé sur l’aire de trafic puis a décollé de la piste 28. Le premier officier du vol WEW282 a par la suite escorté 15 passagers vers l’aéronef, dont 1 enfant et 1 passager en fauteuil roulant.
Une fois les passagers à bord de l’aéronef, le premier officier a fait le tour de l’aéronef à pied pour effectuer une inspection visuelle de l’extérieur. Bien que cette inspection ait été effectuée de nuit sur une aire de trafic faiblement éclairée, sans lampe de poche, le premier officier a pu constater de la contamination sur le nez de l’aéronef et un peu de glace résiduelle sur les bords d’attaque des ailes, les entrées d’air des moteurs et le stabilisateur vertical. Le premier officier a terminé l’inspection externe en effectuant l’examen visuel de l’aile gauche du haut de la porte à escalier incorporé sur le côté gauche à l’arrière de la cabine.
À 18 h 03 min 40 s, le premier officier avait regagné le poste de pilotage. Il a dit au commandant de bord avoir remarqué une accumulation de glace plus importante que ce à quoi il s’attendait. Le commandant de bord, qui travaillait sur les calculs en prévision du départ, a accusé réception de l’information, puis le premier officier a fait remarquer que la glace s’accumulait également sur les lignes électriques. Le commandant de bord a une fois de plus accusé réception de cette information, puis, en parlant des lignes électriques, le premier officier a affirmé que la glace s’accumulait aussi sur l’aéronef. Le commandant de bord a répondu d’une manière indiquant que cette situation ne l’inquiétait pas. La discussion a duré 9 secondes avant que le commandant de bord ne retourne à ses calculs.
Moins de 15 secondes après le début de la discussion sur le givrage, le commandant de bord a dit au premier officier qu’il y avait 7 passagers de plus que prévu et a demandé au premier officier de commencer la liste de vérification avant démarrage.
1.1.5 Circulation en vue de décoller de Fond-du-Lac
Le plan proposé pour le vol WEW282 de 42 NM vers l’est, de CZFD à CYSF, était un vol direct à une altitude de 7000 pieds.
À 18 h 05, pendant que la vérification avant démarrage était effectuée, le commandant de bord a fait un exposé sur les vitesses normales indiquées sur la carte de décollage à 35 000 livres (figure 1) parce que l’aéronef était plus lourd que prévu. L’équipage a ensuite réglé les curseurs de vitesse en fonction des chiffres normaux (sans givrage) indiqués sur la carte : V1 et VR à 100 KIAS Note de bas de page 14, V2 à 106 KIAS Note de bas de page 15, VL0 à 127 KIAS Note de bas de page 16 et VL0 icing à 147 KIAS Note de bas de page 17.
À 18 h 06 min 35 s, le frein d’hélice du moteur droit a été desserré, le moteur gauche a été démarré et l’aéronef a commencé à circuler en direction de la piste 28.
Il fallait un peu plus de temps pour atteindre et remonter à contresens la piste 28 que pour atteindre et remonter la piste 10, et le décollage était dans la direction opposée au vol prévu. Toutefois, le commandant de bord a fait valoir que même si les vents étaient légers, ils étaient favorables à la piste 28, et que puisque l’aéronef était plus lourd que prévu, il vaudrait mieux utiliser la piste dans le vent.
Le premier officier a répondu qu’il était d’accord et qu’avec la quantité de glace qui se trouvait sur l’aéronef, il préférerait avoir quelques nœuds de vent debout.
Dans le cadre des vérifications pendant la circulation, à 18 h 07 min 45 s, le commandant de bord a mené l’exposé de décollage. Au cours de cet exposé, le commandant de bord a parlé de la menace potentielle connue que constituait un départ vers une zone de noirceur, et la façon dont elle pourrait être contrée.
Le commandant de bord a demandé l’exécution des vérifications avant décollage à 18 h 09 min 7 s. En réponse à l’élément de la liste de vérification concernant l’antigivrage, le commandant de bord a décidé que le niveau 1 de protection contre le givrage était suffisant pour le décollage.
À 18 h 10 min 48 s, l’aéronef était à l’arrêt au seuil de la piste 28, en position de décollage. Dix secondes plus tard, alors qu’il effectuait les vérifications avant décollage, le commandant de bord a visuellement observé le déporteur gauche par la fenêtre du poste de pilotage et a confirmé l’avoir en vue. Peu après, le premier officier a visuellement observé le déporteur droit par la fenêtre du poste de pilotage et a signalé qu’il le voyait, mais à peine. Cette vérification des déporteurs est considérée comme la dernière inspection possible permettant de vérifier s’il y a présence de contamination sur la surface avant le décollage.
Entre 18 h 11 min 33 s et 18 h 11 min 58 s, l’équipage a effectué les vérifications pour l’alignement et a ensuite diffusé un avis de trafic sur la fréquence de trafic de l’aérodrome afin d’indiquer que l’aéronef amorçait sa course au décollage sur la piste 28. Il s’agissait de la dernière transmission radio de l’équipage de conduite du vol WEW282 avant l’événement.
1.1.6 Décollage de Fond-du-Lac
À 18 h 12 min 1 s, le commandant de bord a commencé à augmenter la puissance, et le vol WEW282 a amorcé sa course au décollage. Conformément aux instructions du commandant de bord, le premier officier a réglé les moteurs à la puissance appropriée pour le décollage et, à 18 h 12 min 18 s, il a annoncé que la vitesse anémométrique dépassait 70 KIAS.
Alors que l’aéronef atteignait une vitesse de 100 KIAS à 18 h 12 min 29 s, le premier officier a annoncé que la vitesse avait atteint V1 et VR, et le commandant de bord a commencé à relever l’aéronef dans une assiette en cabré à 10°.
L’aéronef a décollé de la piste à 18 h 12 min 31 s, et, dans la seconde, le premier officier a annoncé un taux de montée positif, et le commandant de bord a immédiatement demandé au premier officier de relever le train et d’activer l’amortisseur de lacet. La vitesse était de 108 KIAS, et le premier officier a remonté le levier du train d’atterrissage. Au même moment, l’aéronef a amorcé un roulis intempestif vers la gauche.
Le commandant de bord a immédiatement commandé le braquage pour arrêter le roulis, a poursuivi jusqu’au braquage maximum vers la droite, et l’aéronef est rapidement passé d’un roulis à gauche à un roulis à droite. Le commandant de bord a réagi au roulis à droite en braquant partiellement l’aileron gauche, et l’aéronef est rapidement reparti en roulis à gauche.
À 18 h 12 min 37 s, alors qu’il corrigeait le 2e roulis à gauche en commandant de nouveau le braquage partiel, puis complet de l’aileron droit, le commandant de bord a demandé si cela était causé par le givre. Ces oscillations se sont poursuivies avec une ampleur croissante.
À 18 h 12 min 39 s, alors que l’aéronef atteignait une inclinaison à gauche de 32,7°, l’assiette en cabré de l’aéronef s’est accrue au-delà de 20,7°, l’angle de la girouette d’angle d’attaque a augmenté jusqu’à plus de 18,4° et l’avertissement de décrochage a retenti pendant 1,6 seconde. Le premier officier a annoncé le décrochage et le commandant de bord a fait passer la gouverne de profondeur de 9,5° en cabré à 14,5° en piqué.
À 18 h 12 min 42 s, se trouvant désormais en inclinaison à droite de 24°, l’aéronef a atteint sa hauteur la plus élevée, soit 142 pieds au-dessus du sol, à 107 KIAS. Le commandant de bord a demandé la puissance maximale, et le premier officier a poussé les 2 manettes des gaz au maximum. La vitesse anémométrique a commencé à augmenter.
À 18 h 12 min 46 s, l’avertissement de décrochage a retenti de nouveau, et le système d’avertissement de proximité du sol amélioré (EGPWS) de l’aéronef a lancé un avertissement « BANK ANGLE » [angle d’inclinaison]. L’aéronef, qui volait à une vitesse de 122 KIAS, roulait à gauche jusqu’à un angle d’inclinaison dépassant 40°, l’aileron droit entièrement braqué, et commençait à descendre.
Une seconde plus tard, le roulis à gauche de l’aéronef a atteint son point culminant de 63,3°, et l’aéronef a commencé à heurter des arbres. L’avertissement de décrochage a retenti brièvement.
À 18 h 12 min 48 s, l’aéronef a heurté le sol à un angle d’inclinaison à gauche de 32,0°, avec une assiette en cabré d’environ 4°. L’aéronef a glissé sur le sol pendant environ 9 secondes, puis s’est immobilisé à 18 h 12 min 57 s (figure 2).
1.1.7 Événements après l’accident
À 18 h 12 min 57 s, le commandant de bord et le premier officier, toujours attachés à leur siège, alors que la section du poste de pilotage reposait sur son côté droit, ont amorcé les procédures d’urgence. Pour s’assurer que les moteurs étaient éteints, le premier officier a tiré sur la poignée coupe-feu du moteur droit à 18 h 13 min 25 s, et sur la poignée coupe-feu du moteur gauche peu après.
À 18 h 14 min 39 s, l’équipage de conduite a effectué la liste de vérification « ON GROUND ENG FIRE OR SEVERE MECHANICAL DAMAGE » [incendie moteur ou dommages mécaniques graves au sol] et a mis la radiobalise de repérage d’urgence à la position ON [activée]. Après avoir rempli cette liste de vérification, les pilotes ont déterminé qu’il n’y avait pas de communication entre la cabine et le poste de pilotage, et ils ont choisi de ne pas remplir la liste de vérification « ON GROUND EMERGENCY EVACUATION » [évacuation d’urgence au sol].
À 18 h 17, le premier officier a appelé le répartiteur de West Wind de son téléphone cellulaire pour l’informer de l’accident et pour demander de l’aide. Un préposé au suivi des vols de West Wind, qui a reçu l’appel téléphonique, a activé le plan d’intervention d’urgence de la compagnie.
1.2 Personnes blessées
Les 22 passagers et 3 membres d’équipage ont subi des blessures (tableau 1). Plusieurs ont perdu connaissance temporairement. Le commandant de bord et 9 passagers ont été grièvement blessés, et 1 des passagers grièvement blessés est mort des suites de ses blessures 12 jours après l’accident.
Gravité des blessures | Équipage | Passagers | Personnes ne se trouvant pas à bord de l’aéronef | Total selon la gravité des blessures |
---|---|---|---|---|
Mortelles | 0 | 1 | – | 1 |
Graves | 1 | 8 | – | 9 |
Légères | 2 | 13 | – | 15 |
Total des personnes blessées | 3 | 22 | – | 25 |
Pour plus de détails sur les blessures subies, voir la section 1.15.4 : Effet direct sur les occupants.
1.3 Dommages à l’aéronef
L’aéronef a été détruit.
La section 1.12, Renseignements sur l’épave et sur l’impact, décrit plus en détail les dommages subis par des structures et éléments précis de l’aéronef.
1.4 Autres dommages
L’aéronef a percuté le sol dans une zone boisée, provoquant des dommages localisés à la forêt tout le long du champ de débris et sur le site de l’impact.
L’aéronef a décollé de CZFD avec environ 3068 L de carburant Jet A à bord; toutefois, seulement 1200 L ont été récupérés après l’accident. Les 1800 L restants se sont déversés sur le sol de la forêt pendant l’accident.
1.5 Renseignements sur le personnel
1.5.1 Généralités
Les dossiers indiquent que le commandant de bord, le premier officier, l’agente de bord et le répartiteur étaient tous certifiés et qualifiés en ce qui a trait à leur rôle actif, conformément à la réglementation en vigueur.
Commandant de bord | premier officier | |
---|---|---|
Licence de pilote | Licence de pilote de ligne (ATPL) | Licence de pilote de ligne (ATPL) |
Date d’expiration du certificat médical | 1er juin 2018 | 1er avril 2018 |
Heures de vol totales | 5990 | 15 769 |
Heures de vol sur type | 1500 | 7930 |
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement | 18,5 | 7,0 |
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement | 94,3 | 77,6 |
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement | 212,3 | 200,5 |
Heures de vol sur type au cours des 90 jours précédant l’événement | 212,3 | 200,5 |
Heures de service avant l’événement | 4,7 | 4,7 |
Heures hors service avant la période de travail | 19,5 | 19,5 |
1.5.2 Commandant de bord
Le commandant de bord a été embauché par West Wind le 25 juin 2010. En novembre 2015, il a commencé à piloter l’ATR 42 à titre de premier officier, et en juillet 2017, il avait été promu commandant de bord. Il avait à son actif quelque 400 heures de vol comme commandant de bord sur l’ATR 42.
Le commandant de bord était en période de service en réserve la veille de l’incident, mais il n’a pas volé. Le 13 décembre 2017, il a commencé à travailler à 13 h 30 et il a affirmé se sentir reposé. La période de service prévue était d’environ 9 heures. La fatigue n’a pas été considérée comme un facteur contributif dans l’événement à l’étude.
Un examen des dossiers de formation a permis de déterminer que le commandant de bord avait suivi tous les cours de formation initiale et périodique exigés par la compagnie, notamment les formations portant sur les sujets suivants :
- Procédures d’évacuation en cas d’urgence ou d’incendie – le 7 mai 2016
- Système de gestion de la sécurité (SGS) pour employés – le 23 janvier 2017
- Formation sur le givrage au sol et en vol – le 26 septembre 2017
- Formation récurrente au sol sur l’ATR 42 – le 4 juin 2017
- Gestion des ressources de l’équipage (CRM) – le 6 juin 2017
1.5.3 Premier officier
Le premier officier a été embauché par West Wind le 15 juin 2000 à titre de premier officier à bord de l’aéronef BAE-31 Jetstream de British Aerospace. En novembre 2005, il a commencé à piloter l’ATR 42 à titre de premier officier. En mai 2011, il a été promu commandant de bord sur l’ATR 42. Le jour de l’événement, le premier officier – qui pilotait habituellement à titre de commandant de bord – devait piloter à titre de premier officier parce qu’aucun premier officier n’était disponible.
Le premier officier était en période de service en réserve la veille de l’incident, mais il n’a pas volé. Le 13 décembre 2017, il a commencé à travailler à 13 h 30 et il a affirmé se sentir reposé. La période de service prévue était d’environ 9 heures. La fatigue n’a pas été considérée comme un facteur contributif dans l’événement à l’étude.
Un examen des dossiers de formation a permis de déterminer que le premier officier avait suivi tous les cours de formation initiale et périodique exigés par la compagnie, notamment les formations portant sur les sujets suivants :
- Procédures d’évacuation en cas d’urgence ou d’incendie – le 1er juin 2016
- Système de gestion de la sécurité (SGS) pour employés – le 29 janvier 2017
- Formation sur le givrage au sol – le 23 septembre 2017
- Formation sur le givrage en vol – le 30 septembre 2017
- Formation récurrente au sol sur l’ATR 42 – le 4 juin 2017
- Gestion des ressources de l’équipage (CRM) – le 17 juin 2017
1.5.4 Agente de bord
L’agente de bord a été embauchée par West Wind le 9 février 2015 et a terminé sa formation initiale d’agent de bord le 16 mars 2015. Le 26 mars 2015, elle a achevé l’entraînement en ligne sur l’ATR 42. En mars 2017, l’agente de bord a terminé une formation annuelle récurrente d’agent de bord comprenant une formation sur la CRM.
Avant l’accident, l’agente de bord était en congé depuis 5 semaines. West Wind lui a demandé de passer en revue les procédures d’urgence avant de retourner au travail. L’agente de bord était en réserve la veille de l’incident, mais elle n’a pas volé. Le vol à l’étude était son 2e jour de travail depuis son retour de congé.
Le 13 décembre 2017, l’agente de bord a commencé à travailler à 13 h 30 et elle a affirmé se sentir reposée. La période de service prévue était d’environ 9 heures. La fatigue n’a pas été considérée comme un facteur contributif dans l’événement à l’étude.
1.5.5 Répartiteur de vols
Le répartiteur de vols a été embauché par West Wind en 2012 dans un autre rôle et a terminé la formation initiale de répartiteur en novembre 2017.
Le 13 décembre 2017, le répartiteur a commencé à travailler à 12 h et il a affirmé se sentir reposé. La période de travail prévue était d’environ 8 heures. La fatigue n’a pas été considérée comme un facteur contributif dans l’événement à l’étude.
1.6 Renseignements sur l’aéronef
1.6.1 Généralités
L’ATR 42-320 est un avion bimoteur turbopropulsé pressurisé produit par ATR, faisant l’objet d’un certificat de type dans la catégorie transport.
L’aéronef dans l’événement à l’étude a été fabriqué en 1991 et acquis par West Wind en 2012. Sa configuration comptait 44 sièges passagers.
Constructeur | ATR-GIE Avions de Transport Régional (ATR) (anciennement Aérospatiale) |
---|---|
Type, modèle et immatriculation | ATR 42-320, C-GWEA |
Année de construction | 1991 |
Numéro de série | 240 |
Date d’émission du certificat de navigabilité / permis de vol | 4 mars 1988 |
Total d’heures de vol cellule | 26 481,3 heures, 32 051 cycles |
Type de moteur (nombre) | PW121 Pratt & Whitney Canada (2) |
Type d’hélice ou de rotor (nombre) | Hamilton Sundstrand, modèle 14SF-5 (2) |
Masse maximale autorisée au décollage | 37 258 livres |
Type(s) de carburant recommandé(s) | MIL-T-5624, degré de qualité JP5, AST-MD-1655, degrés de qualité Jet A et Jet A1 |
Type de carburant utilisé | Jet A |
La construction de l’ATR 42-320 comprend une aile montée sur la partie supérieure du fuselage. L’empennage est configuré de sorte que la surface horizontale est montée sur la partie supérieure du stabilisateur vertical, configuration également appelée « empennage en T ». La hauteur des ailes à partir du sol est de 3,76 m et celle de la surface horizontale de l’empennage est de 7,75 m. Ces surfaces horizontales ont une superficie combinée d’environ 66,2 m2 (figure 3).
1.6.2 Dispositifs de protection contre le givre de l’aéronef
L’aéronef ATR 42 est muni d’un avertisseur de givrage. Ce dispositif comprend un détecteur de givre situé sur l’aile gauche, une sonde de détection de givrage située sur le cadre inférieur de la fenêtre latérale gauche du poste de pilotage et pouvant être vue par les 2 pilotes, et un témoin indicateur situé sur le panneau annonciateur central.
Par ailleurs, le système de protection contre le givrage de l’aéronef ATR 42 lui permet de fonctionner dans des conditions de givrage. Les aires critiques de l’aéronef sont protégées contre le givrage au moyen de 2 dispositifs : un dispositif électrique qui procure de la chaleur aux ports pitot et statique, aux girouettes d’angle d’attaque, aux pare-brise, aux hélices et aux cornes débordantes de commandes de vol; et un dispositif pneumatique qui procure de l’air prélevé des moteurs aux boudins de dégivrage du bord d’attaque extérieur des ailes, aux boudins du bord d’attaque du stabilisateur horizontal, aux entrées d’air des moteurs et aux veines gazeuses des moteurs (figure 4).
Le système de protection contre le givrage est contrôlé au moyen d’un panneau de commande situé dans le poste de pilotage. Le panneau est divisé en 3 segments qui permettent à l’équipage de conduite de choisir le niveau de protection souhaité. West Wind emploie les termes « niveau 1 », « niveau 2 » et « niveau 3 » pour décrire la protection contre le givrage sélectionnée pour l’aéronef. Le niveau 1, ou « protection permanente », comprend les sondes, les ports et les fenêtres avant. Le niveau 2, ou « antigivrage », ajoute les hélices, les cornes débordantes, les fenêtres latérales et les entrées d’air des moteurs. Le niveau 3, ou « dégivrage », ajoute toutes les protections restantes, y compris les ailes et le stabilisateur.
1.6.3 Procédures relatives aux conditions atmosphériques de givrage
En présence de conditions atmosphériques de givrage, les performances de l’aéronef peuvent se dégrader. Pour tenir compte de cette dégradation, des procédures précises doivent être suivies. Elles comprennent normalement l’activation de la protection contre le givrage et l’ajustement des vitesses pour s’assurer de maintenir les marges de sécurité. La modification de ces vitesses peut également avoir une incidence sur les distances de décollage et d’atterrissage.
La section du manuel de vol de l’avion (AFM) portant sur les limitations indique ce qui suit [traduction] :
Des conditions atmosphériques de givrage se produisent lorsque :
– l’OAT [température extérieure] au sol et pour le décollage est de 10 °C ou moins, ou lorsque la TAT [température totale] en vol est de 10 °C ou moins,
– et il y a présence d’humidité visible sous une forme ou une autre (comme des nuages, du brouillard avec une visibilité de moins d’un mille, de la pluie, de la neige, du grésil et des cristaux de glace) Note de bas de page 18.
La section portant sur les procédures normales décrit ce qui doit être fait si de telles conditions se présentent [traduction] :
Procédure d’exploitation en conditions atmosphériques de givrage :
- Dès que des conditions atmosphériques de givrage se présentent, les procédures suivantes doivent être mises en application :
- ANTI–ICING [antigivrage] (hélices, cornes débordantes, fenêtres latérales, moteurs) ON [activée]
- PROP MODE SEL. [sélection du mode des hélices]................................................................ D’après la SAT [température de l’air statique]
- NP [vitesse de rotation des hélices] réglé........................................................................... réglé à ≥ 86 %
- Vitesse minimale de manœuvre/d’exploitation en conditions de givrage……………….BUGGED AND OBSERVED [réglée par curseur et respectée]
- ICE ACCRETION [accumulation de glace].............................................................. MONITOR [surveiller]
REMARQUE : la sélection d’antigivrage des cornes débordantes allume le témoin vert « ICING AOA » [givrage de l’angle d’attaque] et réduit le seuil d’avertissement de décrochage dû à l’angle d’attaque Note de bas de page 19.
1.6.4 Calculs des performances pour le décollage
Lors du calcul des performances pour le décollage, de nombreux facteurs doivent être pris en compte, notamment le poids au décollage, le vent, la température, l’altitude-pression, l’équipement en utilisation, les conditions de givrage, la longueur de piste disponible, la surface et l’inclinaison de la piste, et la contamination de la surface de la piste. Comme la plupart de ces facteurs ne peuvent être modifiés, les calculs des performances pour le décollage entraînent normalement des ajustements de la masse au décollage pour compenser les autres facteurs. Par exemple, les procédures exigent des vitesses de décollage plus élevées dans des conditions atmosphériques de givrage, ce qui entraîne de plus longues distances de décollage et de plus grandes distances d’accélération-arrêt.
De même, les pistes aux surfaces moins dures, comme les pistes en gravier ou contaminées, entraînent une dégradation des performances, ce qui nécessite de plus grandes distances de décollage par rapport aux pistes à surface dure et sèche. Aux endroits où les pistes sont relativement courtes, la distance de décollage calculée peut être supérieure à la distance disponible, ce qui nécessite une réduction du poids au décollage pour compenser. Les détails précis sur la façon de calculer cette performance et les mesures d’adaptation qui en découlent sont publiés dans l’AFM.
1.6.4.1 Sélection des vitesses en conditions de givrage
Lors de la conception des aéronefs, les normes de navigabilité doivent être respectées pour obtenir la certification de type. Beaucoup de ces normes sont liées aux performances au décollage, notamment s’assurer de maintenir une distance permettant de franchir les obstacles tout au long de la trajectoire de décollage, même en cas de panne moteur, lorsque l’aéronef est exploité dans des conditions de givrage.
Les normes contenues dans le chapitre 525 – Avions de catégorie transport du Manuel de navigabilité, définissent les limites de cette trajectoire de décollage :
La trajectoire de décollage s’étend depuis le départ arrêté jusqu’à un point du décollage auquel l’avion se trouve à 1 500 pieds au-dessus de la surface de décollage [...] Note de bas de page 20
Ainsi, pour déterminer si les procédures relatives au givrage doivent être mises en application au moment du départ, les équipages de conduite doivent tenir compte du fait que la trajectoire de décollage part du sol et se poursuit jusqu’à 1500 pieds AGL. Cette durée de la trajectoire de vol fait également partie des normes de certification Note de bas de page 21, qui garantissent que les aéronefs sont conçus de sorte à répondre aux exigences de franchissement d’obstacles lorsque l’aéronef entre dans des conditions de givrage au décollage.
Même si les normes et les règlements précisent que la trajectoire de décollage se poursuit jusqu’à 1500 pieds, il n’y a aucune directive précise dans les documents officiels du fabricant (AFM, manuel d’exploitation de l’équipage de conduite [FCOM]), dans les manuels de West Wind ou dans le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) concernant la mise en application de procédures relatives au givrage si des conditions de givrage sont relevées à un point quelconque sous cette altitude.
La seule référence suggérant une trajectoire de décollage prolongée jusqu’à 1500 pieds aux fins des procédures relatives au givrage relevée au cours de l’enquête se trouvait dans la brochure Cold Weather Operations publiée par ATR, qui énonce ce qui suit [traduction] :
Décollage en conditions atmosphériques de givrage
Selon la section 2.02.08 du FCOM, l’équipage doit activer [ON] « antigivrage » pour empêcher l’accumulation de glace sur la cellule. Dès l’activation de l’« antigivrage », ce qui est confirmé par l’illumination du témoin « ICING AOA », l’équipage doit surveiller la vitesse pour rester dans le domaine de vol.
De plus, les vitesses de décollage sont augmentées lorsque le témoin « ICING AOA » est allumé, ce qui entraîne une réduction des performances.
REMARQUE : On présume que le décollage dure jusqu’à ce que l’aéronef atteigne 1500 pieds AGL ou que 10 minutes se soient écoulées après le relâchement des freins, selon la première éventualité Note de bas de page 22.
Bien que quelques nuages aient été signalés sous 1500 pieds au moment du départ de CZFD, aucune précipitation active n’avait été observée pendant que l’aéronef était au sol. Par conséquent, l’équipage a déterminé que les procédures relatives au givrage n’étaient pas requises, a choisi de ne pas activer le dispositif d’antigivrage (même si le niveau 1 était actif) et a choisi des vitesses de décollage pour conditions sans givrage. De plus, étant donné que l’équipage avait déterminé qu’il n’y avait pas de conditions atmosphériques de givrage et qu’il avait utilisé une vitesse pour conditions sans givrage, la distance de décollage requise calculée n’a pas été augmentée et la masse au décollage n’a pas été réduite pour tenir compte des circonstances.
1.6.4.2 Pistes sans revêtement en dur
Afin de fournir des conseils aux personnes qui mènent des activités sur des surfaces sans revêtement, TC a publié la Circulaire d’information (CI) No 700-011 en 2012. En ce qui concerne les opérations hivernales, la CI précise ce qui suit :
(1) Durant les périodes de gel prolongé et profond, les surfaces sans revêtement en dur comme les pistes en gravier peuvent présenter des caractéristiques de force portante semblables à celles des pistes pourvues d’une surface en dur asphaltée. L’expérience opérationnelle révèle que deux semaines de températures ambiantes de -20 °C ou moins peuvent être nécessaires pour que la force portante d’une piste sans revêtement en dur atteigne celle d’une piste asphaltée en dur. Une fois gelée, la piste demeure dans cet état, jusqu’à ce que les températures ambiantes remontent au-dessus du point de congélation.
[…]
(3) Tous les facteurs de performances figurant dans l’AFM doivent s’appliquer aux opérations sur des pistes sans revêtement gelées. Les facteurs de performances relatifs aux opérations prévues au paragraphe 724.44(3) de la NSAC [Norme de service aérien commercial] doivent s’appliquer dans le cas d’opérations conformes à cette norme Note de bas de page 23.
La surface de la piste à CZFD est en gravier traité (voir la section 1.10 : Renseignements sur l’aérodrome, pour les détails). L’AFM de l’ATR 42 contient des suppléments de performance pour l’exploitation sur pistes sans revêtement en dur sèches, mais pas pour les surfaces sans revêtement en dur gelées.
En l’absence de pénalités particulières en matière de performances publiées par le fabricant et avec des conseils indiquant que les surfaces sans revêtement en dur gelées présentent des caractéristiques semblables aux surfaces avec revêtement, l’exploitant et l’équipage de conduite ont déterminé qu’une pénalité en matière de performances n’était pas requise pour le départ.
1.6.4.3 Contamination de la surface de la piste
De la même manière que l’absence de revêtement en dur, la contamination de surface de la piste par l’eau, la glace ou la neige, par exemple, peut avoir des répercussions sur les performances au décollage des aéronefs.
Le matin de l’événement, à 7 h, l’aérodrome CZFD a publié un compte rendu de l’état de la surface de la piste pour la piste 10/28 indiquant que la piste était nue et sèche à 60 % et couverte de parcelles de neige compacte à 40 %. Un compte rendu semblable a été publié le lendemain matin, après l’accident; cependant, ce dernier compte rendu faisait état de la disparition des parcelles de neige compacte.
L’AFM de l’ATR 42 indique que si la piste est couverte de neige compacte à plus de 25 %, elle doit être considérée comme étant contaminée et cette condition doit être utilisée pour déterminer la performance de l’aéronef Note de bas de page 24.
Étant donné que le dernier compte rendu de l’état de la surface de la piste avait été publié 11 heures avant le moment du départ de CZFD et que la contamination imposant des restrictions n’était pas présente 13 heures plus tard, il n’a pas été possible de déterminer quel était l’état réel de la surface au moment du départ. Quoi qu’il en soit, la contamination de la surface n’a pas été prise en compte dans le calcul de la masse au décollage du vol à l’étude.
1.7 Renseignements météorologiques
Cet accident mettait en cause la contamination des surfaces critiques d’un aéronef par la glace à la suite d’une accumulation de glace en vol à l’approche et d’une accumulation de glace supplémentaire au sol. Cette accumulation de glace était le résultat des conditions météorologiques au moment des faits.
La présente section met l’accent sur les conditions météorologiques prévues, les conditions réelles et la manière dont la glace s’est formée sur l’aéronef.
1.7.1 Conditions prévues
1.7.1.1 Planification du vol
Il n’y a pas d’observations météorologiques consignées pour CZFD et aucun METAR Note de bas de page 25 ni aucune prévision d’aérodrome (TAF) Note de bas de page 26 ne sont émis pour l’aéroport. L’aéroport le plus près pour lequel des METAR et des TAF sont émis est CYSF, à 42 NM à l’est de CZFD. Cependant, des employés sont disponibles à CZFD pour fournir une description générale des conditions météorologiques locales sur demande.
Comme il n’y a pas de produits météorologiques officiels pour CZFD, les pilotes et les répartiteurs utilisent les prévisions de zone graphique (GFA) Note de bas de page 27 pour le secteur, ainsi que le METAR et la TAF pour CYSF, afin de planifier les vols à destination de CZFD.
À 13 h 30, après l’arrivée de l’équipage de conduite à CYXE et environ 1 heure avant l’heure prévue de départ du vol WEW282, un répartiteur de la compagnie a exposé les conditions météorologiques pour l’itinéraire à l’équipage de conduite.
L’exposé du répartiteur comprenait des renseignements sur les conditions à CZFD, telles qu’observées par le personnel local, et un examen de la GFA pour le nord de la Saskatchewan, soit la carte des nuages et des conditions météorologiques et la carte du givrage, de la turbulence et du niveau de congélation.
L’équipage a reçu une trousse de renseignements météorologiques imprimée, qui comprenait des exemplaires des GFA, des METAR et des TAF pour l’itinéraire prévu du vol. Au moment de l’exposé, il n’y avait pas de compte rendu météorologique de pilote Note de bas de page 28 récent et aucun renseignement météorologique significatif (SIGMET) Note de bas de page 29 ou avis météorologique pour l’aviation (AIRMET)Note de bas de page 30.
1.7.1.2 Prévisions d’aérodrome
La plus récente TAF Note de bas de page 31 pour CYSF disponible au moment de l’exposé avait été émise à 11 h 43. Les prévisions étaient fondées sur des observations automatiques et prévoyaient qu’au moment de l’arrivée du vol WEW282 à CZFD, les conditions à CYSF seraient les suivantes :
- vents variables soufflant à 3 nœuds,
- visibilité supérieure à 6 milles terrestres (SM),
- aucune précipitation,
- plafond couvert à 1500 pieds AGL.
Les prévisions indiquaient également un changement temporaire des conditions météorologiques entre 12 h et 0 h, pendant 1 heure ou moins. Ce changement comprenait une diminution de la visibilité à 4 SM dans de la faible neige et de la brume, et un plafond couvert à 700 pieds AGL.
Cette prévision d’aérodrome a été mise à jour tout au long de la journée, et la dernière prévision disponible au moment du départ du vol WEW282 de CZFD avait été émise à 17 h 39. Cette prévision indiquait les conditions suivantes :
- vents soufflant du 280°V à 5 nœuds,
- visibilité supérieure à 6 SM dans de la faible neige,
- nuages épars à 1000 pieds AGL,
- plafond couvert à 2000 pieds AGL.
Les prévisions indiquaient également un changement temporaire des conditions météorologiques entre 18 h et 6 h, pendant 1 heure ou moins. Ce changement comprenait une diminution de la visibilité à 2 SM dans de la faible neige et de la brume, des nuages épars à 700 pieds AGL et un plafond couvert à 1000 pieds AGL.
Les lignes directrices pour la production des TAF au Canada se trouvent dans le Manuel des normes et procédures des prévisions météorologiques pour l’aviation Note de bas de page 32. Dans le manuel, les seules dispositions relatives à la prévision du givrage dans une TAF sont la pluie verglaçante (FZRA), la bruine verglaçante (FZDZ) ou le brouillard verglaçant (FZFG). Le brouillard et le FZFG ne doivent être inclus dans la prévision que si la visibilité prévue sera inférieure à ⅝ SM. Il n’y a pas de disposition relative à la prévision de brume verglaçante (FZBR) lorsqu’on s’attend à ce que de la glace se forme sur les surfaces, que la visibilité est égale ou supérieure à ⅝ SM et qu’il n’y a pas de précipitations.
On trouve des directives semblables dans le Manuel des pratiques de météorologie aéronautique Note de bas de page 33 de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et dans la circulaire d’information 00-45H de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis Note de bas de page 34. La circulaire de la FAA stipule expressément que [traduction] « la FZBR n’est pas une combinaison météorologique importante valide et ne sera pas utilisée dans les TAF ».
1.7.1.3 Prévisions de zone graphique
Les GFA sont émises 4 fois par jour et leur période de validité est de 12 heures. Chaque émission comprend 6 cartes : 2 cartes valides au début de la période de prévision, 2 cartes valides 6 heures plus tard et 2 autres valides 12 heures plus tard. Chaque période indiquée comporte une carte qui représente les nuages et les conditions météorologiques, et une seconde carte qui représente le givrage, la turbulence et le niveau de congélation.
Au moment de l’exposé, les plus récentes GFA pour la région des Prairies avaient été émises vers 11 h 30 et étaient valides pour 12 h et 18 h. Les renseignements relatifs à CZFD contenus dans les GFA sont présentés au tableau 4.
Heure de validité | Nuages et conditions météorologiques | Givrage, turbulence et niveau de congélation |
---|---|---|
12 h | Couvert nuageux dont la base se trouvait entre 2000 et 3000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) et le sommet à 8000 pieds ASL, et visibilité supérieure à 6 SM | Givre mixte modéré dans des nuages dont la base se situait entre 2000 et 3000 pieds ASL et le sommet à 8000 pieds ASL |
Visibilité de 4 SM à plus de 6 SM par endroits dans de la faible neige et de la brume, plafonds variant entre 800 et 1500 pieds AGL | Givre mixte modéré dans des nuages dont la base se situait entre 2000 et 3000 pieds ASL et le sommet à 8000 pieds ASL | |
18 h | Couvert nuageux fragmenté dont la base se situait entre 2000 et 3000 pieds ASL et le sommet à 7000 pieds ASL; visibilité supérieure à 6 SM | Givre blanc modéré par endroits dans des nuages dont la base se situait à 2000 pieds ASL et le sommet à 7000 pieds ASL |
Visibilité de 3 SM à 6 SM par endroits dans de la faible neige; plafonds variant entre 600 et 1200 pieds AGL | Zones localisées de givre mixte modéré de la surface à 4000 pieds ASL occasionné par des précipitations locales de bruine verglaçante |
La GFA ne prévoyait aucun givrage en dehors des nuages ou des précipitations, comme du FZFG.
La GFA suivante a été émise à 17 h 31 (nuages et conditions météorologiques) et à 17 h 32 (givrage, turbulence et niveau de congélation) et prévoyait des conditions semblables pour la région de CZFD à 18 h. Toutefois, l’équipage n’avait pas reçu cette nouvelle carte avant son départ à 18 h 12.
1.7.2 Conditions réelles
1.7.2.1 Messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome de l’aéroport de Stony Rapids
Au moment de l’exposé initial, le plus récent METAR pour CYSF avait été émis à 13 h et indiquait des vents calmes, une visibilité de 9 SM dans de la faible neige, un plafond couvert à 900 pieds AGL, une température de −11 °C, un point de rosée à −12 °C et un calage altimétrique de 30,00 inHg.
Les conditions à CYSF sont demeurées relativement constantes tout au long de la journée. Les vents sont demeurés légers; toutefois, le plafond cherchait à s’élever vers les 2000 pieds AGL, et la visibilité variait entre 9 et 2 SM dans de la faible neige et parfois dans la brume.
Pendant la descente vers CZFD, l’équipage de conduite a reçu le dernier compte rendu météorologique pour CYSF, émis à 16 h 54 et indiquant des vents soufflant du 260°V à 3 nœuds, une visibilité de 2 ½ SM dans de la faible neige, quelques nuages à 1400 pieds AGL avec un plafond fragmenté à 2300 pieds AGL et un couvert nuageux à 3700 pieds AGL, une température de −10 °C, un point de rosée à −10 °C et un calage altimétrique de 30,00 inHg. L’équipage a également utilisé ce compte rendu météorologique pour CYSF pendant la préparation du départ de CZFD.
Entre 16 h 54 et le moment où le vol WEW282 a commencé à circuler en prévision du départ de CZFD, à 18 h 07, il y a eu 13 mises à jour des conditions météorologiques à CYSF. À 17 h 22, le système automatique à CYSF avait commencé à consigner du givrage (ICG) sur son capteur au sol, et il a signalé du givrage dans chacune des 7 mises à jour entre 17 h 22 et 18 h.
Le METAR de 18 h pour CYSF faisait état des conditions suivantes : vents soufflant du 270°V à 4 nœuds, visibilité de 9 SM sans précipitations, plafond couvert à 1900 pieds AGL, température de −10 °C, point de rosée à −10 °C et calage altimétrique de 30,06 inHg, avec remarque de givrage au cours de la dernière heure.
Les conditions à CZFD au moment du départ ont été jugées semblables à celles de CYSF, même si la visibilité était incertaine et que les plafonds étaient légèrement plus bas, soit entre 1000 et 1500 pieds AGL.
Les lignes directrices relatives à la transmission des observations météorologiques METAR au Canada se trouvent dans le Manuel d’observations météorologiques de surface (MANOBS). Les observations à certains endroits, comme CYSF, sont prises par un AWOS, et ces METAR portent l’annotation « AUTO ».
Il y a quelques différences entre les stations AUTO et celles dotées d’observateurs humains. Les stations AUTO ne signalent normalement pas la bruine et la bruine verglaçante en utilisant les codes DZ (bruine) ou FZDZ, mais plutôt en utilisant les codes RA (pluie), FZRA ou FZUP (précipitations inconnues – verglaçantes).
S’il y a givrage sans précipitations ni brouillard, les METAR produits par les observateurs humains signalent ce givrage dans la section des remarques à la fin du METAR Note de bas de page 35. En revanche, les METAR AUTO signalent le givrage (ICG) dans la section des remarques Note de bas de page 36, quelle qu’en soit la source.
Comme c’est le cas pour les rapports TAF, il n’existe dans le MANOBS aucune disposition relative au signalement de FZBR dans les METAR (qu’ils soient émis par un système AUTO ou un observateur humain).
Le givrage enregistré par l’AWOS de CYSF au moment de l’escale du vol WEW282 à CZFD coïncidait avec de faibles chutes de neige. Toutefois, un examen des rapports émis plus tôt dans la journée a démontré que du givrage avait occasionnellement été consigné dans des conditions de brume, en l’absence de brouillard ou de précipitations, ce qui indique la présence de FZBR.
1.7.2.2 Messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome de l’aéroport de Fort Smith
Le METAR émis par un observateur humain le plus près de CZFD est celui de l’aéroport de Fort Smith (CYSM), dans les Territoires du Nord-Ouest, situé à 151 NM à l’ouest de CZFD. De 15 h à 17 h, le METAR de CYSM faisait état de bruine verglaçante légère. De 17 h 19 à 21 h 10, CYSM signalait une chute de neige légère.
1.7.2.3 Observations de l’équipage de conduite
Le jour de l’événement, 2 autres vols (WEW660 et TW280) étaient également exploités à destination et en provenance de CZFD.
Le vol WEW660 était exploité toute la journée dans la région du lac Athabasca et sur les sites miniers; partant de CYSF, il est arrivé à CZFD environ 12 minutes avant le vol WEW282. En raison de la courte distance entre CYSF et CZFD, le vol WEW660 a maintenu une altitude de 4000 pieds, ce qui a placé l’aéronef entre 2 couches de nuages.
Lors de la descente vers CZFD, des traces de givrage sont apparues sur l’aéronef du vol WEW660 et ont pu être éliminées par l’équipage avant d’atterrir à CZFD. L’équipage a signalé qu’il n’y avait pas de précipitations entre le moment où il a établi un contact visuel avec la piste pendant l’approche et le moment où il a décollé de CZFD. L’aéronef a été au sol durant environ 15 minutes et n’a pas été dégivré pendant ce temps.
Le vol TW280 était un vol régulier en partance de CYXE qui suivait la même route que le vol WEW282. Le vol TW280 arrivait lui aussi à CZFD par le sud et avait quelque 6 minutes d’avance sur le vol WEW282.
L’équipage du vol TW280 a signalé un givrage important, qui s’était produit rapidement lors de la descente à partir de son altitude de croisière de 20 000 pieds. L’équipage a accéléré la descente afin de réduire au minimum l’exposition aux conditions de givrage et a signalé que le pire de ce givrage s’était produit dans la dernière partie de la descente, alors que l’aéronef se situait sous la barre des 10 000 pieds. Après avoir établi un contact visuel avec la piste, l’équipage n’a constaté aucune précipitation pendant l’approche.
Après avoir atterri à CZFD, l’équipage a déterminé que les dispositifs de dégivrage de l’aéronef étaient efficaces pour empêcher la glace de se former sur les surfaces critiques, même si une certaine quantité de glace subsistait sur les surfaces non protégées. L’aéronef n’a pas été dégivré pendant qu’il était au sol à CZFD et a décollé après environ 35 minutes.
Le vol WEW282 est entré dans des conditions de givrage pendant environ 8 minutes entre 8100 pieds et 2900 pieds lors de sa descente et de son approche. L’équipage du vol WEW282 n’a constaté aucune précipitation entre le moment où il a établi un contact visuel à l’approche et le moment où le vol a décollé. L’aéronef est resté au sol durant environ 48 minutes.
1.7.3 Conditions de givrage de l’aéronef
1.7.3.1 Généralités
Les conditions atmosphériques peuvent entraîner la formation de glace sur les surfaces de bord d’attaque d’un aéronef en vol et sur l’ensemble de l’aéronef lorsqu’il est au sol. Ces conditions sont appelées « conditions atmosphériques de givrage » ou « conditions de givrage de l’aéronef ».
1.7.3.2 Dangers associés au givrage
Les dangers associés au givrage des aéronefs sont bien connus de la communauté aéronautique. Cependant, le fait que de petites quantités de glace sur un aéronef peuvent avoir un effet néfaste est souvent mal compris et sous-estimé.
Les Lignes directrices pour les aéronefs – lors de givrage au sol de TC stipulent ce qui suit :
Une très légère rugosité de surface, d’une épaisseur aussi minime que 0,40 mm (1/64 po), causée par la glace, la neige ou le givre perturbe l’écoulement de l’air au niveau de la portance et des gouvernes d’un aéronef. La conséquence de cette rugosité est une diminution importante de la portance, une augmentation de la traînée et une manœuvrabilité amoindrie, particulièrement durant les phases de décollage et de montée initiale de l’aéronef. La glace peut également entraver le mouvement des gouvernes ou ajouter un poids considérable à l’aéronef. Un petit peu de glace, ça n’existe pas Note de bas de page 37.
Les fabricants d’aéronefs prennent en considération le risque de givrage lorsqu’ils conçoivent un aéronef et ses surfaces de portance et de commande. La brochure Cold Weather Operations d’ATR indique ce qui suit [traduction] :
Afin de leur assurer un comportement satisfaisant, les aéronefs sont soigneusement conçus de façon à ce que le décrochage se produise d’abord sur la partie intérieure de l’aile, puis s’étende vers l’extrémité au fur et à mesure que l’angle d’attaque augmente. Les moments de roulis et les pertes brusques de portance sont alors réduits au minimum.
Ce comportement de décrochage peut être entièrement compromis par des accumulations de givre qui n’ont aucune raison particulière d’être symétriques ou régulières sur toute l’envergure de l’aile Note de bas de page 38.
1.7.3.3 Givrage en vol
De la glace peut se former sur un aéronef en vol, principalement à la suite de 3 processus : la surfusion de gouttes d’eau, le gel de l’eau liquide ou le passage direct de la vapeur à la glace. Selon le processus en cause et les conditions, ces accumulations sont normalement classées en 4 catégories : glace transparente, givre blanc, givre mixte et gelée blanche. Toutes dégradent les performances, bien qu’à des degrés divers.
Tout aéronef qui accumule du givre en vol en subit les répercussions négatives. Cependant, de nombreux types d’aéronefs sont certifiés pour le vol dans des conditions de givrage et sont munis de dispositifs permettant d’éliminer la glace ou d’empêcher qu’elle ne se forme sur les surfaces critiques de l’aéronef alors qu’il est en vol.
Les dispositifs d’antigivrage des aéronefs sont conçus pour prévenir l’accumulation, tandis que les dispositifs de dégivrage sont conçus pour l’éliminer. Ces dispositifs sont conçus en général pour le givrage en vol et, par conséquent, ne protègent que les bords d’attaque des surfaces de commande, où la glace commence à s’accumuler en temps normal.
En raison de cette couverture incomplète et des limites normales du dispositif de dégivrage, toute glace qui s’accumule à l’extérieur des zones protégées, ou toute glace qui n’est pas entièrement éliminée par le dispositif de dégivrage, demeurera sur l’aéronef à la suite d’un cas de givrage, à moins qu’elle ne soit enlevée par le flux d’air, les vibrations, ou le contact avec de l’air plus chaud ou plus sec, ou encore au moyen de matériel de dégivrage au sol.
Le FCOM décrit les dangers associés au givre résiduel [traduction] :
Même en utilisant les dégivreurs de la cellule conformément à la procédure (c’est-à-dire dès et aussi longtemps qu’une accumulation de glace se manifeste sur la cellule), les bords d’attaque ne peuvent pas être entièrement dégagés de l’accumulation de glace en raison de l’existence d’éléments « non protégés » sur les bords d’attaque et de l’accumulation continue entre 2 cycles consécutifs de fonctionnement des boudins.
Cette glace résiduelle sur les bords d’attaque modifie sensiblement les caractéristiques du vol SOUS les vitesses minimales de fonctionnement définies pour l’accumulation de glace; ainsi :
– L’efficacité des commandes demeure bonne, mais les forces pour manœuvrer en roulis et, dans une moindre mesure, en tangage peuvent augmenter quelque peu.
– Au-dessus de l’angle d’attaque réduit :
- Un tremblement aérodynamique peut être senti, et celui-ci s’accentue avec la quantité de glace accumulée et l’augmentation de l’angle d’attaque.
- La stabilité peut être légèrement touchée en roulis, mais le pousseur de manche devrait empêcher l’augmentation de l’angle d’attaque avant qu’un balancement des ailes cherche à se manifester [...] Note de bas de page 39
1.7.3.4 Givrage au sol
1.7.3.4.1 Givrage au sol en l’absence de précipitations
Le plus souvent, le givrage au sol résulte de précipitations verglaçantes, comme de la pluie verglaçante, de la bruine verglaçante ou de la neige. Toutefois, le givrage au sol peut aussi se produire en l’absence de précipitations visibles. L’humidité dans l’air à l’état liquide (gouttelettes d’eau) ou à l’état gazeux (vapeur d’eau) peut se transformer en glace ou en givre au contact de toute surface de l’aéronef qui se trouve sous le point de congélation (0 °C).
Le givre et la glace affectent la performance de l’aéronef en perturbant le flux d’air autour des surfaces critiques, réduisant ainsi la portance, augmentant la traînée et augmentant la vitesse de décrochage de l’aéronef. Aucun aéronef n’est certifié ou autorisé à partir avec du givre, de la glace ou de la neige qui adhère à ses surfaces critiques, à l’exception d’une petite quantité de givre sur les réservoirs de carburant imprégnés de froid sur des aéronefs particuliers Note de bas de page 40.
1.7.3.4.2 Terminologie relative au givrage au sol
La source sous-jacente du phénomène de givrage au sol peut être très complexe. La description suivante a été simplifiée pour faciliter la compréhension générale, mais n’est en aucun cas une présentation technique exhaustive du sujet.
La formation de givre ou de glace sans précipitation visible exige généralement que la vapeur d’eau Note de bas de page 41 dans l’air soit près des conditions de saturation. On trouvera ci-après une description abrégée des concepts pertinents.
Pression de vapeur d’eau
L’air est un mélange d’azote, d’oxygène, de vapeur d’eau et d’autres gaz à l’état de traces. La pression de vapeur d’eau est une mesure de la quantité de vapeur d’eau dans l’air (« humidité »). Elle représente généralement moins de 1 % de la pression totale de l’air Note de bas de page 42.
Saturation
Il existe une limite théorique à la quantité de vapeur d’eau dans l’air à une température donnée. À cette limite, il y a saturation de vapeur d’eau Note de bas de page 43. Les limites de saturation diffèrent pour la condensation et la cristallisation.
Condensation
Lorsque l’air est saturé de vapeur d’eau, il y a condensation Note de bas de page 44. La condensation est la transition de la vapeur d’eau gazeuse en gouttelettes d’eau liquide ou en cristaux de glace solide Note de bas de page 45. La condensation de la vapeur d’eau directement à l’état de glace est appelée cristallisation ou parfois désublimation; le passage direct de la glace à l’état de vapeur d’eau s’appelle sublimation.
Nucléation
La condensation se produit normalement à la surface d’objets ou autour de particules microscopiques de poussière dans l’air. Ces surfaces non gazeuses, appelées sites de nucléation Note de bas de page 46, offrent la structure moléculaire nécessaire pour que les molécules d’eau se regroupent en gouttelettes liquides ou en cristaux de glace.
Point de rosée
La limite de saturation est plus basse à des températures plus basses Note de bas de page 47. Si de l’air non saturé de vapeur d’eau se refroidit suffisamment à une pression constante, il deviendra saturé de vapeur d’eau et il y aura condensation, soit sous forme de gouttelettes de brume en suspension dans l’air, soit sous forme de rosée sur les surfaces. La température à laquelle cette saturation se produit est le point de rosée. En cas d’humidité relative élevée, la vapeur d’eau est près de la limite de saturation; par conséquent, la température de l’air est près du point de rosée.
Eau liquide en surfusion
L’eau refroidie à moins de 0 °C qui reste à l’état liquide au lieu de passer à l’état de glace est appelée eau liquide en surfusion. Ce phénomène peut également se produire lorsque de la condensation se produit à des points de rosée sous 0 °C Note de bas de page 48. La température à laquelle l’eau liquide peut être en surfusion dépend, en partie, de la taille des gouttelettes. Les gouttelettes les plus petites peuvent rester liquide jusqu’à des températures plus basses que les gouttelettes plus grandes avant de geler Note de bas de page 49. Dans l’atmosphère, les premières gouttelettes nuageuses peuvent ne commencer à geler qu’à –10 °C ou –20 °C. Les plus petites gouttelettes peuvent rester liquides jusqu’à près de –40 °C Note de bas de page 50. Par conséquent, les conditions atmosphériques saturées sous le point de congélation peuvent comprendre une combinaison de vapeur d’eau, de gouttelettes d’eau liquide en surfusion suspendues dans l’air (brume, brouillard ou nuage) et de cristaux de glace suspendus dans l’air.
Point de gelée blanche
Comme dans le cas du point de rosée, de l’air non saturé de vapeur d’eau peut, en se refroidissant, atteindre la limite de saturation par rapport à la glace. Si les conditions sont propices à la nucléation des cristaux de glace, la vapeur d’eau se condensera sous forme de cristaux de glace (givre). Cette température est le point de gelée blanche et est toujours environ 10 % plus élevée que la température du point de rosée. Par exemple, une masse atmosphérique avec un point de rosée de −10 °C a un point de gelée blanche de −8,9 °C.
Le taux de dépôt de givre dépend d’un certain nombre de facteurs, dont la différence de température entre la surface et l’air, et la quantité de sursaturation (la vapeur d’eau « excédentaire » au-delà de la limite de saturation) Note de bas de page 51.
Chaleur latente
La condensation ou la congélation de l’eau libère de l’énergie thermique, appelée chaleur latente, dans l’air environnant. Cette énergie peut avoir une incidence sur la vitesse du gel. Bien qu’elle puisse ralentir le dépôt initial de givre ou de glace, elle ne l’empêchera pas. L’énergie thermique libérée par la condensation finira par s’éloigner de l’aéronef en se dispersant dans l’air par convection Note de bas de page 52 et conduction.
Brume ou brouillard
La seule différence entre la brume et le brouillard est le degré de visibilité : le brouillard est plus dense que la brume. La brume et le brouillard sont tous deux composés de gouttelettes d’eau liquide en suspension dans l’air, qui se forment par condensation dans une masse d’air saturée de vapeur d’eau. Si la température est inférieure à 0 °C, il s’agit de gouttelettes en surfusion. Les gouttelettes de brume (d’un diamètre d’environ 0,02 mm Note de bas de page 53) sont environ 100 fois plus petites que les gouttes de pluie, et les gouttelettes individuelles ne sont généralement pas discernables à l’œil nu Note de bas de page 54. Les gouttelettes de brume sont environ 25 fois plus petites que les gouttes de bruine, qui sont les plus petites gouttes de précipitations qui tombent par gravité.
1.7.3.4.3 Processus de refroidissement
Lorsqu’une masse d’air contenant de la vapeur d’eau se refroidit, la pression de vapeur et la température déterminent si la vapeur d’eau se transforme en eau liquide, en eau liquide en surfusion ou en glace (figure 5).
À des températures supérieures à 0 °C, la courbe de saturation (ligne portant le libellé « pression de vapeur sur eau » à la figure 5) représente la limite de transition entre la vapeur d’eau et l’eau liquide, la vapeur d’eau étant située sous la courbe. Plus la température se rapproche de la courbe, plus l’humidité relative est élevée. Directement sur la courbe, la vapeur d’eau est saturée par rapport à l’eau liquide (humidité relative à 100 %), et au-dessus de la courbe, la vapeur d’eau se condense en gouttelettes d’eau liquide dans l’air (brume ou brouillard) ou sur la surface d’un objet (rosée).
À moins de 0 °C, il y a 2 courbes de saturation dont il faut tenir compte. La première, soit la courbe de saturation vapeur-glace (ligne portant le libellé « pression de vapeur sur glace » à la figure 5), représente la limite de transition entre la vapeur d’eau et la glace. Sous la courbe, l’eau est à l’état de vapeur. Sur la courbe, la vapeur d’eau est saturée par rapport à la glace. Au-dessus de la courbe, la vapeur d’eau se condense directement sous forme de glace (dépôt de givre), à condition que des sites de nucléation appropriés soient disponibles pour la formation de cristaux de glace.
Par exemple, dans la figure 5, supposons que l’air contenant de la vapeur d’eau au point A se refroidit (à pression de vapeur constante) au contact d’une surface froide. Lorsqu’il atteint la courbe de saturation de vapeur-glace au point B, la vapeur d’eau se transforme en cristaux de givre. La température au point B est le point de gelée blanche.
Si aucun site de nucléation approprié n’est disponible, les cristaux de glace ne peuvent pas se former. L’eau peut rester sous forme de vapeur dans un air sursaturé par rapport à la glace.
La seconde courbe de saturation sous 0 °C est la courbe de saturation vapeur-eau en surfusion (ligne portant le libellé « pression de vapeur sur eau en surfusion » à la figure 5). Au point C, l’air devient saturé de vapeur d’eau par rapport à l’eau liquide. Cette température est le point de rosée, sous lequel la vapeur d’eau se condensera en gouttelettes d’eau liquide en surfusion.
Les gouttelettes en surfusion se transforment en glace dès que des conditions de nucléation appropriées sont atteintes. Cela peut se produire rapidement, sous forme de glace transparente se formant au contact de toute surface froide Note de bas de page 55. Au point D, si de telles gouttelettes de brume en surfusion touchent une surface d’aéronef, elles gèlent instantanément sous forme de glace transparente.
1.7.3.4.4 Formation de givre par rapport à de la glace transparente
Étant donné que les gouttelettes de brume en surfusion gèlent au contact d’une surface froide, la vapeur d’eau près du degré de saturation (humidité relative élevée) présente un risque élevé de givrage au sol lorsque la température de l’air et des surfaces est inférieure à zéro.
Si l’air se refroidit au contact d’une surface dont la température est inférieure à zéro, il deviendra saturé et la vapeur d’eau se transformera en cristaux de glace et formera du givre.
Si, au lieu de cela, l’air se refroidit de lui-même, il deviendra sursaturé de vapeur d’eau par rapport à la glace, jusqu’à ce que le point de rosée soit atteint. Une fois le point de rosée atteint, la vapeur se condensera en gouttelettes d’eau liquide en surfusion sous forme de brume. Si ces gouttelettes de brume en surfusion entrent en contact avec une surface froide, elles se transforment instantanément en cristaux de glace et formeront de la glace transparente.
1.7.3.4.5 Température de surface de l’aéronef
Lors du trajet du vol WEW282 de CYPA à CZFD, l’aéronef a grimpé jusqu’au FL220. Au cours du vol, l’aéronef a évolué dans un air d’une température inférieure à –10 °C durant environ 1 heure 40 minutes, et dans un air d’une température variant de –35 °C à –38 °C durant plus de 1 heure. La structure de l’aéronef s’est sans doute refroidie pendant le vol dans l’air plus froid en altitude.
La température de surface d’un aéronef après l’atterrissage dépend principalement de la température de l’air et du temps passé en altitude. Même si l’aéronef descend dans un air généralement plus chaud à des altitudes plus basses, le changement de température sur sa surface prend du temps. Certaines surfaces peuvent encore être plus froides que l’air ambiant après l’atterrissage de l’aéronef. En particulier, le carburant imprégné de froid Note de bas de page 56 dans les réservoirs peut garder certaines surfaces plus froides que la température ambiante.
Au sol, il peut y avoir des écarts importants de température entre les différentes surfaces de l’aéronef et entre les surfaces et l’air environnant, et ces écarts peuvent changer au fil du temps. À tout moment, des conditions de gel peuvent se manifester sur une partie ou la totalité des surfaces de l’aéronef.
Après l’arrêt des moteurs de l’aéronef, les températures de surface continuent de changer de façon complexe. La température des surfaces, aussi bien froides que chaudes, tend à se rapprocher de celle de l’air ambiant. Les sources de chaleur, comme les moteurs, une unité d’alimentation auxiliaire ou du carburant chaud, peuvent faire en sorte que des zones localisées de l’aéronef restent plus chaudes que la température ambiante. Le vent ambiant ou le souffle de l’hélice peuvent transporter de la chaleur vers l’aéronef ou l’en éloigner. Les changements dans la température de l’air, le vent, les précipitations et la couverture nuageuse peuvent tous avoir une incidence sur les températures de surface localisées au fil du temps. En raison du refroidissement par rayonnement, les surfaces ont tendance, en fin de compte, à se stabiliser à une température de plusieurs degrés sous la température ambiante Note de bas de page 57.
Tout point de l’aéronef dont la température de surface est inférieure à zéro est vulnérable à la formation de glace.
1.8 Aides à la navigation
Toutes les aides à la navigation étaient fonctionnelles, et aucune n’a été un facteur dans l’événement à l’étude. Le vol WEW282 utilisait la navigation RNAV pour le vol à destination et en provenance de CZFD.
1.9 Communications
CZFD est un aéroport non contrôlé situé dans un espace aérien non contrôlé. L’aéroport possède une zone de fréquence de trafic d’aérodrome (ATF) d’un rayon de 5 NM centrée sur l’aéroport, qui s’étend verticalement jusqu’à 3900 pieds ASL inclusivement. L’ATF est 123,2 MHz.
L’équipage du vol WEW282 a effectué tous les appels requis à l’ATF à son arrivée à CZFD et en quittant l’aéroport.
1.10 Renseignements sur l’aérodrome
L’aéroport de Fond-du-Lac (CZFD) est la propriété du ministère de la Voirie et de l’Infrastructure de la Saskatchewan, qui est également l’exploitant. L’aéroport est situé à environ ½ km au nord de la Première Nation Denesuline de Fond-du-Lac.
CZFD peut être utilisé 24 heures par jour, 7 jours par semaine, et appuie les activités de jour et de nuit, ainsi que les vols à vue et aux instruments. L’aéroport est normalement sans surveillance et les heures d’exploitation sont laissées à la discrétion de l’entrepreneur local, qui effectue des inspections quotidiennes et des travaux d’entretien à l’aéroport pour le compte du ministère. Il n’y a ni installations, ni fournisseur de services de dégivrage ou d’antigivrage à CZFD, et la réglementation en vigueur n’exige ni l’un, ni l’autre.
1.10.1 Piste 10/28
CZFD compte une seule piste, soit la piste 10/28, et au moment de l’événement, la piste 28 était en service. La distance de course au décollage, la distance d’accélération-arrêt et la distance d’atterrissage disponibles sont toutes de 3805 pieds, tandis que la distance de décollage disponible est de 4297 pieds, en tenant compte d’un prolongement dégagé de 492 pieds en bout de piste. La piste est d’une largeur de 75 pieds et comprend une surface en gravier traité avec une pente ascendante à 0,43 %.
La piste 10/28 à CZFD a été reconstruite et revêtue en 1999. Avant la reconstruction, la surface de la piste était en gravier ordinaire. Le procédé consistait à étaler et à compacter du gravier sur la couche de fond, puis à appliquer le revêtement (composé d’asphalte liquide et d’agrégat) sur la piste, pour ensuite compacter le tout à l’aide d’un rouleau compresseur à pneus. Après une période de durcissement, le gravier meuble a été balayé et une 2e couche de revêtement a été appliquée au moyen du même procédé.
1.10.2 Directives relatives au gravier traité
Une surface en gravier traitée, parfois aussi appelée « enduit superficiel », diffère des surfaces en gravier et avec revêtement. La surface est constituée d’une base ferme constituée d’un corps de chaussée en gravier recouvert d’une fine couche de matériau asphalté stabilisé qui aide à empêcher l’humidité de pénétrer. Diverses combinaisons d’émulsions de bitume et d’agrégats de revêtement peuvent être utilisées au moment de l’application d’un revêtement traité (couche de scellement), ce qui donne une surface qui peut accepter des charges variables.
Étant donné que la surface traitée n’est pas liée à la couche subsuperficielle, comme l’est le bitume, TC ne considère pas la surface de la piste comme revêtue, et précise dans sa Circulaire d’information (CI) No 700-011 de 2012 que
[l]es pistes à couche de scellement n’ont sans doute pas la force portante des pistes en dur et, à cet égard, elles sont plus caractéristiques des pistes sans revêtement en dur Note de bas de page 58.
Puisque la cause la plus courante des problèmes opérationnels sur les pistes sans revêtement est la rupture de la couche de surface causée par le cisaillement sous la pression élevée exercée par les pneus, on utilise souvent une mesure de la résistance au cisaillement de la surface des pistes appelée « indice portant californien » (CBR) afin de déterminer une limite de pression des pneus pour une surface de piste donnée.
Ce rapport peut être exprimé en pourcentage ou en nombre entier de 0 à 100. Au cours de l’été 2009, on a pris la mesure de la piste 10/28 à CZFD et il a été déterminé qu’elle avait une valeur CBR moyenne de 44,4. Cette mesure satisfaisait aux exigences de l’AFM de l’ATR 42 relatives à l’inclusion d’une pénalité dans le calcul des performances au décollage; toutefois, la mesure de 44,4 CBR prise en été n’était peut-être pas représentative de la force réelle de la surface pendant la saison hivernale à CZFD.
1.11 Enregistreurs de bord
L’aéronef en cause était muni d’un enregistreur de données de vol (FDR) et d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR), tous deux installés sur des supports dans l’empennage. Le FDR et le CVR ont été récupérés, intacts, de l’épave de l’aéronef et ils ont été examinés au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario). Les données des 2 enregistreurs ont été récupérées avec succès.
Le FDR contenait plus de 536 heures de données de vol, y compris l’ensemble du vol à l’étude et 502 vols précédents. Le CVR avait enregistré 2 heures 4 minutes de données sonores à l’aide de 4 microphones distincts, soit les microphones du commandant de bord et du premier officier, un microphone de poste de pilotage et un canal supplémentaire.
D’autres données de vol ont été récupérées à partir de l’EGPWS de l’aéronef et de 2 unités FMS distinctes. De plus, les données du radar au sol ont été récupérées auprès de NAV CANADA.
1.11.1 Analyse des données de vol
La trajectoire de vol détaillée de l’aéronef a été reconstituée à l’aide des renseignements provenant du FDR, du CVR, des unités FMS et de l’EGPWS de l’aéronef, ainsi que des données du radar au sol.
Les unités FMS de l’aéronef ont consigné des données de positionnement géodésique tridimensionnel très précises; cependant, la fréquence d’échantillonnage de l’enregistrement n’était que de 1 Hz. Cette fréquence d’échantillonnage était suffisante pour représenter la trajectoire d’un vol non dynamique, comme le vol de CYPA à CZFD, mais insuffisante pour la dynamique de la trajectoire pendant le vol à l’étude.
Le FDR a consigné les accélérations longitudinale, latérale et verticale par rapport au châssis de l’aéronef. En transposant ces accélérations dans le cadre de référence terrestre, et en corrigeant les biais, on a pu déterminer la trajectoire de vol précise de l’aéronef à son départ.
Bien que la reconstitution de la trajectoire de vol ait été relativement simple, l’évaluation précise des performances de l’aéronef en matière de traînée et de portance, de la performance du système de contrôle en roulis et de l’activation de la protection contre le décrochage a été beaucoup plus compliquée.
1.11.1.1 Performances en matière de traînée et de portance
1.11.1.1.1 Contexte
La contamination par le givre, même en quantités semblant petites, peut entraîner d’importantes pénalités aérodynamiques, principalement en matière de traînée et de portance.
Les pénalités en matière de traînée et de portance sont mutuellement dépendantes : une dégradation des performances en portance entraîne une dégradation des performances en traînée. Par exemple, dans un scénario où l’équipage d’un aéronef contaminé par le givre tente de maintenir une vitesse donnée, la contamination par le givre détériorera le rendement de l’aile en matière de portance, ce qui nécessitera un angle d’attaque plus élevé pour générer la portance nécessaire. L’angle d’attaque plus élevé engendrera à son tour une traînée induite plus élevée. En raison de cette augmentation de la traînée induite, combinée à la traînée parasite issue des surfaces contaminées, la puissance requise pour maintenir la vitesse voulue augmentera.
Pour comprendre de quelle manière la contamination par le givre a influé sur la performance de l’aéronef à l’approche et au départ de CZFD, une analyse de la qualité de manœuvrabilité visant à mesurer les caractéristiques de traînée et de portance de l’aéronef a été réalisée dans le cadre de l’enquête, à l’aide des données du FDR de l’aéronef.
1.11.1.1.2 Méthodologie
L’analyse a été réalisée dans le cadre d’une collaboration entre le BST, le Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA) pour la sécurité de l’aviation civile de la France et ATR afin de comparer les forces et les moments totaux prévus et réels en vue de déterminer la présence et l’effet de la contamination à l’approche et au départ de CZFD. L’analyse a été effectuée à l’aide d’un simulateur de bureau avancé Note de bas de page 59 en utilisant les caractéristiques aérodynamiques de l’aéronef ATR 42-320.
D’abord, on a analysé les manipulations des commandes moteurs et des gouvernes afin de dégager les forces et les moments totaux prévus de l’aéronef, en supposant un aéronef qui n’a pas été contaminé. Ensuite, on a analysé les accélérations et les assiettes consignées de l’aéronef afin de calculer les forces et les moments réels de l’aéronef. Enfin, on a analysé les différences entre les forces et les moments prévus et réels pour déterminer l’effet de la contamination.
1.11.1.1.3 Phase d’approche
L’alerte « DEG PERF » de l’APM est délibérément conçue pour se déclencher lorsque la traînée moyenne sur 60 secondes augmente de plus de 28 % par rapport au modèle de référence d’un aéronef non contaminé. Au cours de la descente vers CZFD, la traînée a augmenté progressivement et l’alerte « DEG PERF » s’est déclenchée. Le moment où la simulation a indiqué une augmentation de la traînée de 28 % correspondait au moment où le FDR du vol à l’étude a enregistré le paramètre discret « DEG PERF ».
L’analyse a permis de déterminer que la performance en portance se dégradait et a atteint une dégradation de 10 % au même moment.
1.11.1.1.4 Givre détecté
Le FDR consigne un paramètre discret de « givrage détecté » indiquant l’état de la sonde de détection de givre. Cette sonde, située sous l’aile gauche, avertit l’équipage dès et pendant aussi longtemps qu’elle détecte une accumulation de givre.
Lorsque la sonde accumule plus de 0,5 mm de givre, elle amorce un cycle de chauffage de 7 secondes afin de se débarrasser du givre, et elle allume un témoin « ICING » dans le poste de pilotage durant au moins 60 secondes.
Le temps écoulé entre les cycles de chauffage indique la vitesse à laquelle l’aéronef accumule du givre. Le cycle de chauffage s’est déclenché et le témoin « ICING » s’est allumé pour la première fois pendant la descente vers CZFD, alors que l’aéronef se trouvait à 7600 pieds ASL. Le 2e cycle de chauffage ne s’est déclenché que 46 secondes plus tard, et l’intervalle de temps entre les cycles de chauffage subséquents s’est progressivement allongé. Par conséquent, le taux d’accumulation de givre était plus élevé à 7600 pieds ASL et il a diminué progressivement, jusqu’à ce qu’on ne détecte plus d’accumulation à 2900 pieds ASL.
Le système de dégivrage de la cellule est resté activé durant 1 minute 54 secondes après la dernière extinction du témoin « ICING ». Cela a permis au système d’effectuer 2 cycles de fonctionnement des boudins des ailes après que l’accumulation de givre eut pris fin.
1.11.1.1.5 Départ du vol à l’étude
Les performances en traînée et en portance au départ de CZFD ont été analysées selon la même méthode que celle utilisée pour l’approche. Toutefois, il a été reconnu que les résultats ne pouvaient être considérés comme exacts qu’après que l’aéronef fut sorti de l’influence de l’effet de sol.
On a déterminé que les caractéristiques aérodynamiques au départ différaient encore plus de leur niveau de référence qu’à l’approche. L’analyse a démontré que l’augmentation de la traînée avait atteint 58 % et que la dégradation de la performance en portance avait atteint 25 % au moment du départ du vol à l’étude.
1.11.1.2 Performances du système de contrôle en roulis
1.11.1.2.1 Contexte
Le système de contrôle en roulis de l’ATR 42 utilise les ailerons et les déporteurs pour contrôler l’assiette en roulis de l’aéronef.
De nombreux facteurs influent sur l’assiette en roulis dynamique d’un aéronef, dont le moment de roulis dû au braquage des gouvernes (appelé dérivée du contrôle en roulis) et le moment de roulis opposé dû à la vitesse angulaire de roulis (appelé amortissement en roulis).
La dérivée du contrôle en roulis est une mesure permettant d’évaluer la performance d’un aéronef en contrôle du roulis. Elle définit la contribution non dimensionnelle au moment du roulis pour un angle donné de braquage des gouvernes ou, en termes plus généraux, l’efficacité des ailerons et des déporteurs. Normalement, cette dérivée du contrôle est une caractéristique constante de la cellule. Toutefois, si les gouvernes sont contaminées, la dérivée du contrôle en roulis de l’aéronef peut diminuer.
L’amortissement en roulis se produit pendant un roulis et découle du fait que l’aile descendante génère plus de portance que l’aile montante en raison de son angle d’attaque accentué. Cette portance accrue est une force opposée au mouvement de roulis et réduit ou amortit la vitesse angulaire de roulis.
Lorsqu’un aéronef est en situation de décrochage ou près de décrocher, et qu’un roulis est amorcé, l’amortissement en roulis normalement présent est considérablement réduit. Cette diminution de l’amortissement en roulis se produit parce que l’angle d’attaque localisé sur l’envergure de l’aile descendante est suffisamment élevé pour entraîner une séparation localisée du flux d’air au-dessus de l’aile, ce qui fait que l’augmentation de la portance qui se produit normalement sur l’aile descendante (l’amortissement en roulis) est comparativement moins élevée. Cela modifie les qualités dynamiques de manœuvrabilité de l’aéronef et peut entraîner une réaction inattendue de l’aéronef aux manipulations des commandes.
1.11.1.2.2 Comparaison avec des vols précédents
Pour évaluer la performance de l’aéronef en contrôle du roulis au départ, on a comparé les données du vol à l’étude à celles de plus de 500 vols consignés par le FDR. Cette comparaison a démontré que pendant le départ, la dérivée du contrôle en roulis, ou l’efficacité des ailerons et des déporteurs, était réduite par rapport à la moyenne.
Étant donné que de nombreuses variables peuvent influer sur le calcul de la dérivée du contrôle en roulis, cette comparaison n’a pas permis de déterminer l’ampleur exacte de la dégradation.
1.11.1.2.3 Simulation par ordinateur
La simulation par ordinateur a été utilisée pour analyser la performance en roulis. D’abord, la simulation a produit le coefficient prévu du moment de roulis, fondé sur les manipulations des commandes de l’aéronef. Ensuite, elle a généré les coefficients réels du moment de roulis, fondés sur les vitesses angulaires consignées. Les résultats des coefficients prévus et réels ont été comparés. On a observé une différence entre les coefficients de portance réels sur les ailes gauche et droite qui s’est produite sans manipulation des contrôles en roulis, ce qui indique une asymétrie dans la distribution de la portance. Peu après l’introduction de cette asymétrie de portance, les ailerons ont été braqués pour tenter de contrer l’asymétrie.
Bien que cette méthode n’ait pas permis d’évaluer directement la dérivée du contrôle en roulis, les résultats indiquent que les ailerons n’avaient pas perdu beaucoup d’efficacité et qu’ils avaient un pouvoir de contrôle suffisant pour contrer l’asymétrie dans la distribution de la portance. Étant donné que les ailerons avaient conservé une efficacité suffisante pour contrer le roulis, on a déterminé que les oscillations de roulis ne découlaient pas d’une perte d’efficacité des ailerons.
1.11.1.3 Avertisseur de décrochage
L’avertisseur de décrochage à bord de l’aéronef ATR 42 se compose d’une alerte sonore (ressemblant au cri du grillon), d’un vibreur de manche et d’un pousseur de manche.
Le vibreur de manche et l’alerte sonore fonctionnent selon la même logique et se déclenchent simultanément dans tous les cas. Lorsque les volets sont réglés à 15°, comme c’était le cas au départ de CZFD, le vibreur de manche et l’alerte sonore devraient se déclencher lorsque la girouette d’angle d’attaque atteint un angle de 18,1°, et le pousseur de manche devrait se déclencher lorsque la girouette d’angle d’attaque atteint un angle de 23,60° et se désactiver lorsqu’elle redescend sous un angle de 20,10°. Le pousseur de manche est inhibé durant 10 secondes après le décollage ou si les angles d’attaque gauche et droit présentent une différence de plus de 4°.
L’alerte sonore d’avertissement de décrochage a été enregistrée par le CVR pendant la partie en vol du vol à l’étude, après la rotation et avant l’impact initial. Toutefois, il a été impossible de percevoir clairement le son provenant du vibreur de manche et, par conséquent, il n’a pas été possible de déterminer s’il s’était déclenché.
Au cours du départ du vol à l’étude, il y a eu 2 occurrences d’angle d’attaque élevé qui ont dépassé le seuil d’activation du pousseur de manche. À 18 h 12 min 39,0 s, lors de la première occurrence d’angle d’attaque élevé, bien que le seuil d’angle du pousseur de manche ait été dépassé, l’activation du pousseur de manche a été inhibée parce que l’aéronef se trouvait toujours à moins de 10 secondes après que les roues ont quitté le sol.
À 18 h 12 min 46,5 s, lors de la 2e occurrence d’angle d’attaque élevé, les conditions de déclenchement du pousseur de manche étaient remplies. Toutefois, à ce moment-là, l’aéronef était en roulis prononcé à gauche et commençait à heurter des arbres. Il est possible qu’il y ait eu une différence de plus de 4° entre la valeur non consignée du capteur d’angle d’attaque gauche et la valeur du capteur d’angle d’attaque droit.
Lors de la 2e occurrence d’angle d’attaque élevé, au moment où le pousseur de manche s’est peut-être déclenché, les données de vol ont démontré que le bord de fuite de la gouverne de profondeur a été relevé. Ce mouvement n’est pas cohérent avec le déclenchement du pousseur de manche, mais il indique plutôt que le mouvement de la gouverne de profondeur était le résultat direct d’une manipulation des commandes par l’équipage ou de la séquence de collision.
1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact
1.12.1 Site de l’événement
L’aéronef a décollé de la piste 28, dont l’orientation est à 284° magnétiques ou 296°V. Immédiatement après le décollage, l’aéronef a commencé à dévier vers la gauche, a survolé une route près de la clôture du périmètre de l’aéroport, puis s’est dirigé vers une zone boisée.
Le relief dans la zone boisée s’élève légèrement et l’aéronef a heurté des arbres dans ce secteur avant de percuter le sol près du sommet de la colline. En percutant le sol, puis en frappant une crête secondaire, l’aéronef a laissé une traînée de débris avant de s’immobiliser. Par rapport à l’extrémité de départ de la piste, l’aéronef s’est immobilisé à 600 m de distance sur un cap de 270°V (figure 6).
1.12.1.1 Sillon creusé par l’épave
L’aéronef en cause a heurté les premiers arbres à environ 430 m à l’ouest-nord-ouest de la piste. La façon dont la cime des arbres a été brisée correspond à un angle de roulis à gauche d’environ 45° (figure 7).
L’aéronef a d’abord percuté le sol environ 20 m après ces impacts avec des arbres, sur une trajectoire orientée à environ 258°V, qui correspondait à la trajectoire relevée à travers les arbres.
Après le premier contact avec le sol, il y a eu un contact secondaire et, environ 70 m après le premier contact, l’aéronef a franchi une crête avant de dévaler une colline en glissant sur une distance additionnelle de 90 m.
La colline présentait une pente descendante d’environ 6,95° (12,11 %), jusqu’à la position finale de l’aéronef. En glissant, l’aéronef a pivoté à gauche sur son axe de lacet. Lorsqu’il s’est arrêté, l’axe longitudinal de son fuselage était presque perpendiculaire à la direction du déplacement (figure 8).
La plupart des débris se trouvaient sur la pente descendante après la crête, dans une zone d’arbres brisés. La piste laissée par l’aéronef après avoir franchi la crête était orientée à 247°V, soit 11° à gauche de sa trajectoire avant la crête.
1.12.2 Épave de l’aéronef
1.12.2.1 Généralités
L’aéronef s’est immobilisé sur son côté droit, l’aile droite touchant le sol et l’aile gauche relevée (figure 9). Même si le bout de l’aile gauche manquait, le reste de l’aile ne s’est ni fracturé, ni plié. Les 2 moteurs étaient encore solidement fixés aux ailes.
La partie inférieure gauche du nez de l’aéronef a été écrasée par l’impact, mais la partie écrasée se trouvait juste sous le poste de pilotage.
Le fuselage présentait une fracture transversale presque complète, juste en avant de l’aile et entre les 4e et 5e fenêtres. La fracture a créé une ouverture en V exposant le fuselage à l’environnement extérieur et séparant partiellement la partie avant de la partie principale du fuselage.
La section avant du fuselage, n’étant pas entravée par les ailes, a roulé à environ 90° vers la droite, et la section arrière restante du fuselage a roulé à environ 40° vers la droite, la structure des ailes l’empêchant de rouler davantage.
La structure principale de la voilure au-dessus de la section centrale du fuselage s’est affaissée et une partie du carburant contenu dans l’aile s’est déversée dans cette section. La structure principale du logement du train d’atterrissage, au bas de cette zone, a également été déplacée vers le haut par l’impact.
1.12.2.2 Section centrale du fuselage
Au cours de l’examen initial sur place, d’importants dommages ont été constatés sur la partie centrale du fuselage, sous la voilure, qui avait été écrasée au moment de l’impact.
La structure principale de la voilure s’était affaissée et la cloison avant de la structure du logement du train d’atterrissage principal avait été poussée vers le haut, repoussant une partie du plancher de la cabine dans cette zone bien au-dessus de la fenêtre de la cabine (figure 10).
L’examen de la partie supérieure de cette section centrale du fuselage, sous la voilure, a démontré que les 2 cadres circulaires les plus résistants (cadres 25 et 27), aussi appelés cadres de voilure, se sont fracturés. Comme ces cadres soutiennent la voilure et maintiennent l’intégrité circulaire de la cabine, ces fractures ont entraîné l’affaissement de cette section de fuselage.
Sur chaque cadre, la fracture se trouvait à peu près au niveau du bas des fenêtres de la cabine, ce qui correspond au centre vertical des cadres. On a calculé que le rayon de chaque cadre après la fracture était d’environ 128 cm, soit presque le rayon d’origine du cadre, qui était de 135 cm. Cela indique que les cadres se sont peu déformés avant de se fracturer.
La partie inférieure du centre du fuselage, qui a été construite avec des cloisons partielles sur les cadres 25 et 27, comprenait une quille et la structure du logement du train d’atterrissage principal. Aucune des 2 cloisons ne présentait de signe d’écrasement vertical, bien qu’elles se soient toutes deux fracturées à leur centre approximatif. Ce manque de déformation indique que cette structure était trop rigide pour absorber l’énergie de l’impact dans le sens vertical.
1.12.2.3 Sections avant et arrière du fuselage
Au moment de l’examen initial sur place, la section arrière du fuselage était tordue dans le sens horaire (vue de l’arrière) par rapport à la section centrale du fuselage et avait roulé à droite, exposant ainsi le dessous de cette section du fuselage, qui ne montrait aucun signe de dommages importants par écrasement (figure 11).
Un examen hors site ultérieur de la section avant du fuselage, juste derrière le poste de pilotage, a révélé que la partie inférieure gauche du fuselage et les montants sous le plancher avaient été écrasés dans une certaine mesure.
Le fuselage au-dessus du plancher dans cette zone a été à peine déformé par l’impact, et il restait 201 cm de la hauteur intérieure initiale de 209 cm (figure 12).
1.12.2.4 Plancher de la cabine et rails des sièges
La structure du plancher fait partie intégrante de la structure du fuselage de l’aéronef. L’aéronef à l’étude utilisait les rails des sièges comme poutres longitudinales de la structure du plancher. D’autres modèles d’aéronefs emploient une structure de plancher autonome.
La différence entre les 2 types de structures est que, dans le cas de la première, la charge inertielle des sièges (occupants) est transférée directement à la structure du plancher, tandis que, dans la seconde, la charge inertielle des sièges est transférée d’abord aux rails des sièges, puis des rails jusqu’aux panneaux du plancher, avant d’être finalement transférée des panneaux du plancher à la structure du plancher. En cas d’accident, le transfert de charge à la structure du plancher diffère selon le type de structure.
La structure du plancher de la cabine de l’aéronef à l’étude était constituée de poutres transversales et de rails de sièges (figure 13). Il existait 2 types de raccords entre les poutres transversales et les rails de sièges, selon que la poutre transversale est raccordée à 1 seul rail de sièges (type I) ou à 2 rails de sièges mis bout à bout (type II).
La structure du plancher, y compris les rails de sièges, a cédé et a été déformée à plusieurs endroits. L’examen a révélé que, sur l’ensemble des rails de sièges examinés, plusieurs raccords de type II avaient cédé, alors qu’aucun raccord de type I n’avait cédé. Les modes de rupture étaient soit une rupture du boulon, soit une rupture par cisaillement de la plaque portant les trous de boulon sur la semelle supérieure de la poutre transversale.
La transmission d’une charge inertielle aux rails de sièges engendre une charge longitudinale sur ceux-ci. Cela peut se produire à la suite d’une différence de déformation par écrasement entre différentes sections du fuselage (en raison des différences de rigidité) ou à la suite d’une flexion des rails de sièges (en raison d’une charge inertielle à la verticale par rapport au siège).
Dans ce contexte, 2 rails de sièges fracturés dépassant du plancher au-dessus de la partie inférieure de la section centrale du fuselage étaient pliés vers le bas, ce qui suggère un écrasement différentiel entre la partie inférieure de la section avant du fuselage et celle de la section centrale du fuselage.
La rupture des raccords de type II était cohérente avec une surcontrainte en traction due au transfert de la charge longitudinale du rail de sièges au raccord. Aucune déformation n’a été constatée sur les extrémités de raccordement des rails de sièges.
Étant donné sa plus petite surface transversale pour le transfert de charge, les contraintes subies par un raccord de type II sont plus élevées que celles subies par un raccord de type I. Cela est dû au fait que dans un raccord de type II, les charges longitudinales en traction doivent passer par la semelle supérieure, qui est considérablement plus mince que le rail lui-même. Par conséquent, la conception des raccords de type II est considérée comme plus faible que celle des raccords de type I.
1.12.2.5 Sièges passagers
Les 2 premières rangées de sièges à gauche et la première rangée de sièges à droite n’étaient pas occupées par des passagers et elles n’ont pas été endommagées au moment de l’événement.
Les sièges de la rangée 7 à la rangée 11 à l’arrière de la cabine des passagers présentaient des déformations uniformes vers le côté droit de l’aéronef. Toutefois, aucun signe de dommage par flexion n’a été constaté sur les tubes horizontaux des sièges. Les dommages subis par ces sièges sont cohérents avec des dommages causés par la charge inertielle latérale des occupants.
Les seuls sièges qui présentaient des dommages différents étaient les 2 sièges du côté gauche des rangées 5 et 6 (figure 14). Sur ces 2 paires de sièges, les pattes intérieures s’étaient fracturées et les pattes extérieures avant s’étaient déformées en forme d’arbalète. Ces dommages sont cohérents avec une charge inertielle verticale des occupants.
Le tube horizontal avant des cadres de siège s’était fracturé au centre latéral des cadres, ce qui est cohérent avec une rupture en flexion causée par une grande charge inertielle verticale (vers le bas) des occupants.
1.12.2.6 Siège d’agent de bord
Le plancher de la cabine entre l’entrée principale et l’issue de secours ne présentait aucun signe de dommage ou de déformation. Toutefois, le siège d’agent de bord était manquant et a été retrouvé plus tard, brisé en morceaux. La structure de montage inférieure du siège était restée fixée aux rails du plancher.
Le siège d’agent de bord avait été fabriqué par la société française SICMA Aero Seat (qui faisait partie de la société française Zodiac Aerospace au moment de l’accident et qui appartient maintenant à Safran). L’un des éléments principaux du siège d’agent de bord est l’ensemble structural (figure 15), soit un panneau sandwich d’une seule pièce fait d’une âme en nid d’abeille d’aluminium entre deux peaux du même matériau.
L’ensemble structural a été retrouvé en morceaux. Les pattes gauche et droite s’étaient séparées du panneau arrière et de leurs parties inférieures, qui étaient restées insérées dans les fentes de l’ensemble de fixation inférieur.
Les pattes gauche et droite de l’ensemble structural du siège ont toutes deux cédé lorsque leur âme en nid d’abeille d’aluminium s’est séparé des peaux d’aluminium. Les peaux séparées ne présentaient aucune trace d’adhésif, ce qui est cohérent avec une rupture de l’adhésif (c’est-à-dire une rupture à l’interface entre la peau et l’adhésif).
On a trouvé des traces montrant que des réparations importantes avaient été effectuées sur ces panneaux en nid d’abeille à plus d’une occasion, parce qu’on a découvert plusieurs trous de perceuse de diamètres différents de même que 3 types d’adhésifs différents.
L’examen de l’historique des réparations et du manuel d’entretien des composants (CMM) du siège d’agent de bord a révélé que le siège d’agent de bord dans l’événement à l’étude avait été réparé en 2014 en suivant une procédure normalisée de réparation de matériaux composites pour l’aéronef ATR 42. Toutefois, le manuel de réparation de la structure de l’aéronef ATR 42 n’englobe pas l’entretien et la réparation de la structure du siège.
L’atelier qui a effectué la dernière réparation sur l’ensemble structural du siège d’agent de bord n’est plus en affaires. Pour cette raison, on n’a pas pu obtenir d’autres renseignements sur les raisons pour lesquelles l’atelier a opté pour une procédure normalisée de réparation de matériaux composites non approuvée pour les sièges d’agent de bord.
Les exigences relatives à la réparation de la structure des sièges d’agent de bord sont détaillées dans le CMM du fabricant du siège. Bien que la description générale du siège utilise le terme technique « panneau sandwich en nid d’abeille moulé » pour désigner l’ensemble structural du siège, le CMM ne précise pas la procédure de réparation d’un tel ensemble structural ou d’un panneau sandwich en nid d’abeille et n’inclut pas la procédure de réparation de matériaux composites qui se trouve dans le manuel de réparation de la structure de l’aéronef ATR 42. En revanche, le CMM déclare que [traduction] « les composants métalliques qui ont été endommagés doivent être remplacés; ils sont considérés comme “non réparables” [caractères gras ajoutés] Note de bas de page 60 ».
Des communications avec le fabricant du siège d’agent de bord (la société française Zodiac Aerospace) ont confirmé que l’ensemble structural du siège d’agent de bord n’est pas considéré comme réparable et doit être remplacé lorsqu’il est endommagé.
Afin de déterminer si la réparation non approuvée du siège d’agent de bord de l’aéronef ATR 42-320 dans l’événement à l’étude était un cas isolé, on a examiné un siège d’agent de bord de référence d’un autre aéronef (immatriculation C-GWWC) de West Wind. L’examen a confirmé que le siège de référence présentait également des défauts et des réparations non approuvées, ce qui le rendait à toute fin pratique inutilisable. L’enquête n’a pas permis d’établir à quel moment ni par qui ces réparations non approuvées ont été réalisées.
1.12.2.7 Moteurs et hélices
L’examen des moteurs et des hélices de l’aéronef à la suite de l’accident a permis de déterminer qu’il n’y avait aucune anomalie.
L’inspection sur place a révélé que du bois, des copeaux de bois et de la poussière de bois avaient été aspirés dans les veines gazeuses. Cela indiquait que les 2 moteurs produisaient de la puissance pendant la descente à travers les arbres. Les 2 hélices présentaient également des marques montrant clairement qu’elles tournaient à grande vitesse pendant la descente à travers les arbres.
L’analyse subséquente des données consignées a confirmé que les moteurs produisaient de la puissance et que les hélices fonctionnaient comme prévu.
1.12.2.8 Commandes de vol
Les commandes de vol ont été contrôlées afin de vérifier qu’elles étaient adéquatement fixées et de s’assurer de leur continuité. Cet examen n’a révélé aucun défaut. La position des compensateurs a été mesurée au niveau du vérin de commande et consignée, et il a été déterminé que ces compensateurs étaient dans la bonne position pour le décollage.
Le bord d’attaque des stabilisateurs horizontaux présentait des dommages cohérents avec un aéronef qui descend à travers les arbres; en raison de cet impact, le mécanisme d’accouplement des gouvernes de profondeur était déconnecté.
Aucune donnée consignée n’indiquait d’anomalies quant aux commandes de vol et à leur fonctionnement.
1.12.3 Restes de contamination par le givre
1.12.3.1 Examen par le BST
Les enquêteurs du BST sont arrivés sur le site de l’écrasement 22 heures après l’accident.
L’aile droite et les gouvernes étaient les seules parties de l’aéronef où un examen tactile et visuel rapproché pouvait être effectué. Ces surfaces étaient généralement exemptes de contamination, à l’exception d’environ 1 cm de neige qui s’était accumulée depuis l’accident. Il y a eu une fuite de carburant et des mouvements importants de personnes et d’équipement pendant l’opération de sauvetage dans cette zone de l’épave, et il est presque certain que cette activité a éliminé la contamination existante.
L’aile gauche et l’empennage ont été photographiés, mais ils n’ont été accessibles que 5 jours après l’accident pour effectuer un examen tactile et visuel rapproché. Les précipitations au cours de cette période ont modifié l’état des surfaces et il est impossible d’indiquer avec précision l’étendue et la gravité de toute contamination présente pendant le vol à l’étude en fonction de cet examen.
1.12.3.2 Premières photographies de la contamination
L’examen des photographies prises par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) environ 8 heures après l’accident a révélé la présence sur l’aéronef de contamination par le givre (figures 16, 17 et 18). Même si les conditions de givrage au sol se sont prolongées après l’écrasement, ces figures donnent une idée de la contamination présente sur l’aéronef pendant le vol à l’étude.
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
Selon l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux, pathologiques ou physiologiques aient pu nuire au rendement de l’équipage de conduite ou de l’équipage de cabine.
1.14 Incendie
Aucun incendie ne s’est déclaré avant ou après l’impact.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
1.15.1 Résistance à l’impact
La résistance à l’impact est généralement définie comme la capacité d’un aéronef et de ses systèmes et composants internes de protéger les occupants contre les blessures en cas d’écrasement. Les principales exigences de certification et les normes de résistance à l’impact applicables aux aéronefs de la catégorie transport sont énoncées dans le chapitre 525 – Avions de catégorie transport du Manuel de navigabilité, qui est fondé sur le Code of Federal Regulations de la FAA des États-Unis, Title 14: Aeronautics and Space, Part 25: Airworthiness Standards: Transport Category Airplanes (FAR 25).
1.15.1.1 Conception de l’aéronef et certification
Lorsque l’aéronef ATR 42 a été offert sur le marché canadien en 1993, TC a délivré un certificat de type fondé sur la certification précédente de l’aéronef établie par la partie 25 du FAR des États-Unis en 1985.
Étant donné que la date de certification était 1985, l’ATR 42-320 a été certifié conforme aux normes de la partie 25 du FAR en vigueur à l’époque, jusqu’à la modification 54 (1980) inclusivement. Par conséquent, la production continue du type n’a dû respecter que les règlements en vigueur en 1980, et non les modifications apportées aux normes de conception après cette date.
L’article 25.561 du FAR, qui était l’article traitant principalement de la résistance à l’impact dans la modification 54 (1980), stipulait ce qui suit [traduction] :
- a) L’avion, bien qu’il puisse être endommagé dans des conditions d’atterrissage d’urgence sur terre ou sur l’eau, doit être conçu comme prescrit dans le présent article pour protéger chaque occupant dans de telles conditions.
- b) La structure doit être conçue de sorte à offrir à chaque occupant toutes les chances raisonnables d’échapper à des blessures graves dans le contexte d’un écrasement mineur[caractères gras ajoutés] lorsque :
- (1) les sièges, les ceintures et toutes les autres dispositions de conception relatives à la sécurité sont bien utilisés;
- (2) les roues sont relevées (le cas échéant);
- (3) l’occupant subit les forces d’inertie ultimes suivantes [agissant séparément] par rapport à la structure environnante :
- i) Vers le haut : 2,0 g
- ii) Vers l’avant : 9,0 g
- iii) Vers le côté : 1,5 g
- iv) Vers le bas : 4,5 g, ou toute force moindre qui ne sera pas dépassée lorsque l’avion absorbe les charges d’atterrissage résultant d’un impact avec une vitesse de descente ultime de 5 pi/s [pieds/seconde] à la masse d’atterrissage prévue.
- c) La structure de soutien doit être conçue pour contenir, sous toutes les charges allant jusqu’à celles indiquées à l’alinéa b)(3) du présent article, chaque élément de masse qui pourrait blesser un occupant s’il se libérait pendant un écrasement mineur Note de bas de page 61,Note de bas de page 62.
Les normes de conception n’exigeaient pas (et n’exigent toujours pas) une évaluation des capacités de l’ATR 42-320 en matière de résistance à l’impact à l’échelle de l’aéronef.
L’article 25.561 du FAR, à partir de l’alinéa b)(3), a été mis à jour en 1988 pour apporter un ajustement aux forces ultimes et pour ajouter une condition visant à garantir que l’évacuation des passagers n’est pas entravée [traduction] :
- (3) l’occupant subit les forces d’inertie ultimes suivantes agissant séparément par rapport à la structure environnante :
- i) [Vers le haut : 3,0 g
- ii) Vers l’avant : 9,0 g
- iii) Vers le côté : 3,0 g sur la cellule; et 4,0 g sur les sièges et leurs éléments de fixation
- iv) Vers le bas : 6,0 g
- v) Vers l’arrière : 1,5 g]
c) La structure de soutien doit être conçue pour contenir, sous toutes les charges allant jusqu’à celles indiquées à l’alinéa b)(3) du présent article, chaque élément de masse qui pourrait blesser un occupant s’il se libérait pendant un écrasement mineur.
[d) Les sièges et les éléments de masse (et leur structure de soutien) ne doivent se déformer, sous des charges allant jusqu’à celles indiquées à l’alinéa b)(3) du présent article, d’aucune manière qui empêcherait l’évacuation rapide subséquente des occupants Note de bas de page 63.]
La résistance à l’impact a également été renforcée en 1988 par l’ajout de l’article 25.562 du FAR, qui établissait de nouvelles exigences relatives aux conditions dynamiques en cas d’atterrissage d’urgence, en plus des conditions statiques exigées par l’article 25.561. L’article 25.562 exigeait que les sièges demeurent fixés au plancher lorsque ce dernier subissait une accélération verticale (vers le bas) de 14 g et une accélération longitudinale (vers l’avant) de 16 g.
L’industrie de l’aviation a en général perçu les améliorations apportées à l’article 25.561 du FAR et l’ajout du nouvel article 25.562 comme un pas de plus vers l’amélioration des exigences en matière de résistance à l’impact pour les aéronefs de la catégorie transport, même si elles ne s’appliquaient pas à l’aéronef ATR 42. Toutefois, ces modifications, et même celles qui étaient en vigueur au moment de la publication du présent rapport, ne stipulaient pas comment la structure d’un aéronef doit être conçue pour offrir à chaque occupant [traduction] « toutes les chances raisonnables d’échapper à des blessures graves dans le contexte d’un écrasement mineur Note de bas de page 64 », et elles n’exigent toujours pas une évaluation des capacités structurelles en matière de résistance à l’impact à l’échelle de l’aéronef.
1.15.1.2 Absorption de l’énergie par l’aéronef
Les données scientifiques indiquent que la seule façon de respecter les exigences de résistance à l’impact visant à assurer la survie est d’avoir une structure conçue pour absorber efficacement l’énergie d’impact par déformation ou froissement de la structure, de manière à atténuer la force de l’impact.
En cas d’impact vertical, la partie inférieure du fuselage de l’aéronef devrait céder et s’écraser progressivement, absorbant ainsi une partie de l’énergie cinétique et atténuant la force avant qu’elle puisse atteindre les occupants Note de bas de page 65 et la partie supérieure du fuselage. Si la structure ne cède pas et ne s’écrase pas pour absorber l’énergie cinétique, le profil de décélération peut être transmis directement à la cabine et aux occupants assis. Un tel transfert de forces pourrait causer d’importants dommages structuraux au fuselage et au plancher, ce qui entraînerait une rupture de la cabine et réduirait l’efficacité du système de retenue de l’aéronef pendant que les occupants subissent les forces de décélération les plus élevées.
1.15.1.2.1 Essai antérieur de réaction à l’impact de l’aéronef ATR 42
En 2006, la FAA a effectué un essai de chute à la verticale sur l’ATR 42 afin de déterminer la réaction du fuselage, du système de carburant, des rails de plancher, des sièges et des mannequins anthropomorphes d’essai au moment de l’impact, dans le contexte d’une simulation d’écrasement grave, mais offrant des possibilités de survie (figures 19 et 20).
L’aéronef a été largué d’une hauteur de 14 pieds, ce qui s’est traduit par une vitesse d’impact verticale de 30 pi/s (9,1 m/s). Bien que l’écrasement de la partie inférieure des sections avant et arrière du fuselage ait absorbé une grande partie de l’énergie d’impact, les phénomènes suivants se sont également produits :
- La partie inférieure de la section centrale du fuselage, sous la voilure, qui constitue essentiellement la structure du logement du train d’atterrissage principal, n’a pas absorbé efficacement l’énergie de l’impact vertical. En conséquence, la force d’accélération (en g) transférée au plancher de cabine de la section centrale du fuselage était plus de 2 fois supérieure à celle transférée aux sections avant et arrière du fuselage.
- La partie centrale du fuselage a subi d’importants dommages structuraux et la partie supérieure s’est affaissée, ce qui a été attribué à (1) la charge d’inertie de la voilure découlant des forces d’accélération élevées qui ont été transférées et de la rupture subséquente de 2 cadres de soutien principaux (cadres de voilure) et (2) la fracturation et la rupture de la structure du logement du train d’atterrissage principal le long d’une ligne verticale au centre transversal du fuselage.
- Un environnement habitable n’a pas été maintenu pour les passagers de la section centrale du fuselage en raison de l’écrasement de la section supérieure du fuselage par la voilure et en raison de l’intrusion de la structure du logement du train d’atterrissage principal dans la cabine.
- Les portes des passagers et les 2 fenêtres issues de secours étaient inutilisables Note de bas de page 66.
1.15.2 Séquence des événements liés à l’impact
Au moment du décollage du vol à l’étude, pendant que les oscillations de roulis de l’aéronef prenaient de l’ampleur, l’aéronef a commencé à descendre et à heurter des arbres. L’aéronef a ensuite heurté le sol à un angle d’inclinaison à la gauche de 32,0°, avec une assiette en cabré d’environ 4°. Puis, il a heurté plus d’arbres et de la rocaille et a glissé sur le terrain enneigé durant quelque 9 secondes, parcourant une distance d’environ 90 m.
Lors de l’impact initial avec le relief, la partie inférieure de la structure du logement du train d’atterrissage principal a heurté le sol et des forces d’accélération verticales élevées ont été transmises à la partie supérieure du fuselage. En raison des forces élevées transmises à la partie supérieure du fuselage, la charge inertielle de la voilure et du carburant (dans la voilure) s’est écrasée sur le fuselage, entraînant l’affaissement de la section centrale de l’aéronef et l’écoulement de carburant dans la cabine. La structure du plancher environnant s’est ensuite soulevée elle aussi.
L’analyse des données de vol après l’événement a permis de déterminer qu’au moment de l’impact, l’aéronef avait une vitesse au sol d’environ 107 nœuds. Par conséquent, les forces de décélération longitudinales (vers l’avant) dans la direction du déplacement étaient d’environ 4 g lorsque le fuselage a heurté le relief la première fois. Pendant qu’il poursuivait sa trajectoire, l’aéronef a pivoté (ou effectué un lacet) vers la gauche. À la suite de cette rotation, bien que la force d’accélération longitudinale (vers l’avant) maximale estimée soit de 4 g dans la direction du déplacement, l’aéronef et ses occupants ont également subi des charges latérales importantes de près de 4 g. Les forces de réaction du sol dans l’axe longitudinal (vers l’avant) ont alors provoqué une fracture transversale du fuselage juste devant la voilure. Par suite de cette fracture transversale, la partie avant du fuselage s’est séparée de la partie principale du fuselage et, sans être entravée par les ailes, cette section avant a roulé de 90° vers la droite. La section restante du fuselage a roulé d’environ 40° vers la droite parce que la structure de la voilure l’empêchait de rouler davantage.
1.15.2.1 Réduction de l’espace de survie
L’examen de la structure a permis de déterminer que la portée des dommages par écrasement à la partie inférieure des sections avant et arrière du fuselage, dus aux forces d’impact verticales, était plutôt limitée ou localisée, ce qui est cohérent avec une énergie d’impact verticale modeste.
Les dommages causés à la section centrale du fuselage de l’aéronef étaient semblables à ceux qui ont été constatés lors de l’essai de chute de la FAA, bien que l’énergie d’impact verticale de l’aéronef à l’étude ait été beaucoup plus faible que celle de l’aéronef de l’essai de chute. Plus précisément, les similitudes suivantes ont été relevées :
- Une force d’accélération beaucoup plus élevée a été transmise au plancher de cabine de la section centrale du fuselage que celle transmise aux sections avant et arrière du fuselage.
- La partie supérieure de la section centrale du fuselage a été écrasée sous la charge inertielle de la voilure.
- Les cloisons avant et arrière de la structure du logement du train d’atterrissage principal se sont fracturées le long d’une ligne verticale près du centre transversal du fuselage.
- Les cloisons de longeron avant et arrière de la structure du logement du train d’atterrissage principal ne présentaient aucun signe d’écrasement vertical notable.
Toutes ces observations indiquent que la partie inférieure de la section centrale du fuselage n’a pas absorbé efficacement l’énergie d’impact verticale de l’aéronef.
La structure du logement du train d’atterrissage principal, situé sous le fuselage, directement sous la section avant-centre de la cabine, ne s’est pas écrasée progressivement comme le reste du fuselage. Par conséquent, comme lors de l’essai de chute effectué par la FAA, au cours d’un impact offrant par ailleurs des possibilités de survie, le reste du fuselage a subi d’importants dommages structuraux lorsque la structure de la voilure située directement au-dessus du train d’atterrissage principal s’est affaissée dans la cabine et que le plancher qui l’entoure s’est soulevé, ce qui a entraîné une perte d’espace de survie.
À l’intérieur de la cabine, la dernière rangée de sièges passagers était à la verticale; toutefois, les sièges des autres rangées ont été progressivement déplacés vers le plafond de la cabine des passagers en raison du mouvement ascendant du plancher de la cabine. Des objets ont pénétré dans la cabine et l’allée est devenue inutilisable en raison du déplacement des sièges et du plancher (figure 21).
Le haut des dossiers des sièges dans les rangées 4 et 5 du côté droit de l’allée est entré en contact avec le compartiment à bagages supérieur ou y a pénétré. L’espace de survie pour chaque siège des rangées 4 à 6 avait été réduit à 1 à 2 pieds, et le dégagement pour la tête avait été réduit dans de nombreuses autres rangées voisines (figure 22).
La fracture transversale et la rotation du fuselage ont accentué la rupture de la cabine. Pendant que l’aéronef continuait de glisser, des arbres, des poutres et des éléments de structure de l’aéronef ont pénétré dans l’espace de survie. À l’extérieur de la zone principale affaissée, l’écrasement différentiel des parties inférieures des sections avant et arrière du fuselage a également entraîné le soulèvement de parties du plancher de la cabine dans ces zones.
1.15.3 Systèmes permettant de réduire les blessures liées à l’impact
1.15.3.1 Tolérance
La tolérance humaine aux charges dynamiques varie selon des facteurs comme l’ampleur, la direction, la durée et la vitesse de survenance des forces d’impact Note de bas de page 67 . Les forces d’impact dans un aéronef comprennent généralement des forces verticales et longitudinales et, à l’occasion, des forces latérales (du côté).
Les gens résistent mieux aux forces longitudinales qu’aux forces verticales ou latérales. Le niveau de tolérance typique est de 45 g dans l’axe longitudinal (vers l’avant), de 20 g à 25 g dans l’axe vertical (vers le bas) et de 20 g dans l’axe latéral, en supposant que l’impulsion d’écrasement est de 0,10 seconde et que l’occupant est convenablement attaché Note de bas de page 68.
En plus des blessures potentielles liées à la vitesse, l’occupant risque de subir des blessures dues à des mouvements incontrôlés des bras, des jambes et de la tête, à une flexion brusque du torse supérieur vers l’avant ou vers le côté, ou à une glissade sous la ceinture.
En général, la tolérance et la réaction aux forces g varient considérablement d’une personne à une autre en raison de facteurs comme l’âge, la physiologie, la santé physique et la condition physique.
Deux des variables les plus importantes qui déterminent la façon dont un occupant supportera les forces d’impact qui sont transférées dans la cabine sont la position et la direction dans lesquelles il est assis (voir la section 1.15.3.2 : Sièges) et la mesure dans laquelle l’occupant est retenu au siège (voir la section 1.15.3.3 : Ensembles de retenue).
1.15.3.2 Sièges
Les règlements applicables aux aéronefs de la catégorie transport exigent que les sièges de l’aéronef répondent à des normes précises en matière de protection contre les charges dynamiques afin de garantir que les occupants résistent à la plus grande partie possible des charges qui sont transférées dans la cabine au moment d’un impact.
Le poste de pilotage de l’aéronef ATR 42-320 dispose de 2 sièges d’équipage de conduite orientés vers l’avant et d’un strapontin. Dans la cabine arrière, il y a un siège d’agent de bord orienté vers l’avant entre la porte d’accès arrière et la porte de service. L’aéronef à l’étude disposait de 22 paires de sièges passagers répartis sur 11 rangées, avec 2 sièges côté gauche (sièges A et B) et 2 sièges côté droit (sièges C et D), pour un total de 44 sièges passagers. Chacun était un siège passager léger Geven orienté vers l’avant, et ils avaient tous été remplacés en 2012. Les sièges passagers étaient du type à dossier verrouillé conçu pour rester à la verticale après flexion à la suite d’un impact provenant de l’arrière.
Avant 1988, les sièges étaient conçus et mis à l’essai pour résister à des charges inertielles d’occupants de 9 g dans l’axe longitudinal (vers l’avant), de 4,5 g dans l’axe vertical (vers le bas) et de 1,5 g dans l’axe latéral Note de bas de page 69. En 1988, la norme a été modifiée et, depuis, exige que la conception des sièges leur permette de résister à une charge inertielle accrue des occupants dans l’axe vertical (vers le bas) (6 g) et l’axe latéral (4 g) Note de bas de page 70.
En même temps, une norme de conditions dynamiques d’atterrissage d’urgence Note de bas de page 71 exigeant que tous les sièges soient mis à l’essai pour s’assurer qu’ils résistent à une accélération du plancher de 16 g dans l’axe longitudinal (vers l’avant) et de 14 g dans l’axe vertical (vers le bas). En plus d’assurer une protection contre les forces d’accélération, la nouvelle norme exigeait que les occupants soient protégés contre les blessures à la tête découlant du contact avec le siège devant eux ou avec d’autres structures de l’aéronef.
Puisque l’ATR 42 avait été conçu avant 1988, lorsqu’il a été offert au Canada en 1993, TC a délivré un certificat de type qui permettait l’utilisation continue de sièges conçus pour des charges inertielles de 9 g, 4,5 g et 1,5 g sur les plans correspondants, et n’exigeait pas de protection crânienne contre les impacts. Les sièges passagers légers Geven répondaient à cette exigence initiale, ayant été mis à l’essai pour résister aux charges inertielles ultimes de 9 g, 7,2 g et 4 g respectivement, et le siège d’agent de bord situé à l’arrière de la cabine avait été mis à l’essai pour résister à des charges de 9 g, 7,6 g et 3 g respectivement.
1.15.3.3 Ensembles de retenue
Comme c’est le cas dans la plupart des aéronefs de la catégorie transport, tous les sièges passagers étaient équipés de ceintures sous-abdominales à 2 points d’ancrage, sans ceinture-baudrier. La ceinture sous-abdominale à 2 points d’ancrage des passagers ne retient pas la partie supérieure du torse et, par conséquent, il existe une grande marge permettant des mouvements incontrôlés du torse, des bras et de la tête des passagers au moment de l’impact. En cas d’accident, les occupants disposant d’une ceinture sous-abdominale à 2 points d’ancrage courent un plus grand risque de subir des forces d’accélération concentrées autour des hanches et de l’abdomen, et ils courent un risque de subir des blessures dues aux mouvements incontrôlés et aux flexions brusques du torse.
Les sièges des membres de l’équipage de conduite et de l’agente de bord étaient tous dotés de ceintures-baudriers à 4 points d’ancrage qui étaient portées au moment de l’impact. On sait que les ceintures-baudriers à 4 points d’ancrage sont plus efficaces pour protéger l’occupant, car elles répartissent la charge sur l’ensemble du corps.
L’efficacité de l’ensemble de retenue dépend du fait que le siège demeure fixé à l’aéronef. Dans l’aéronef à l’étude, toutes les structures de siège étaient directement fixées au plancher, et la déformation du plancher au moment de l’impact a considérablement réduit l’efficacité globale de l’ensemble de retenue, quel que soit le type de siège ou de ceinture.
Quand certaines parties du plancher de l’aéronef se sont soulevées, les passagers et l’équipage ont subi des forces verticales, longitudinales et latérales, mais avec une protection réduite des ensembles de retenue. La plupart des sièges passagers sont restés fixés au sol, bien qu’ils aient été déplacés par le soulèvement et la déformation. Cependant, les sièges A et B de la rangée 3 ont été éjectés de l’aéronef par la fracture transversale. Le passager du siège 3B a été éjecté avec le siège, mais le passager du 3A a été projeté sur le dossier du 2B, ayant glissé sous sa ceinture lorsque le siège a été éjecté de l’aéronef.
Le siège du commandant de bord est resté intact, mais le plancher sous le siège s’est soulevé sous les forces d’impact initiales. Cela a compromis l’intégrité globale de l’ensemble de retenue du commandant de bord.
Le siège de l’agente de bord a cédé au moment de l’impact et, par conséquent, l’ensemble de retenue qui y était fixé a perdu toute efficacité.
1.15.3.3.1 Ensemble de retenue d’enfant
L’ATR 42-320 n’est pas doté d’ensembles de retenue d’enfant et il n’est pas tenu d’être doté d’un tel équipement.
En 2015, après son enquête sur un atterrissage interrompu à bas régime et collision avec le relief à Sanikiluaq (Nunavut) en décembre 2012 Note de bas de page 72, le BST a conclu qu’en cas d’accident ou de turbulence, les bébés et les enfants mal retenus courent le risque de se blesser et de perdre la vie, et pourraient blesser ou causer la mort d’autres passagers.
Le BST a de plus établi que, jusqu’à l’adoption de nouveaux règlements sur l’utilisation d’ensembles de retenue d’enfant, les bébés et les jeunes enfants assis sur les genoux sont exposés inutilement à des risques et ne bénéficient pas d’un niveau de sécurité équivalent à celui des passagers adultes.
En conséquence, le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports travaille avec l’industrie pour mettre au point des ensembles de retenue convenant à l’âge et à la taille des bébés et des jeunes enfants voyageant à bord d’aéronefs commerciaux et qu’il en oblige l’utilisation afin d’assurer un niveau de sécurité équivalent à celui des adultes.
Recommandation A15-02 du BST
En 2017, à la suite de son enquête sur une collision avec le relief survenue en mars 2015 à Halifax (Nouvelle-Écosse) Note de bas de page 73, le BST a réitéré sa recommandation, après avoir constaté qu’un nourrisson avait été blessé en raison de l’absence d’un ensemble de retenue d’enfant approprié. Cette enquête a permis de déterminer que
[s]i de nouveaux règlements sur l’utilisation d’ensembles de retenue d’enfant ne sont pas mis en œuvre, les bébés et jeunes enfants assis sur les genoux sont exposés inutilement à des risques et ne bénéficient pas d’un niveau de sécurité équivalent à celui des passagers adultes.
À la publication du présent rapport, la plus récente réponse de TC à la recommandation A15-02 avait été reçue en février 2021 et avait été jugée par le Bureau, en mars 2021, comme dénotant une intention satisfaisante Note de bas de page 74.
1.15.3.4 Préparation à l’impact
Afin d’atténuer le risque de blessures, il est important que les occupants de sièges sans ensemble de retenue du torse ou protection contre les chocs à la tête, comme ceux de l’aéronef à l’étude, se mettent dans la position de protection adéquate.
Dans l’événement à l’étude, l’équipage de conduite, bien qu’il ait été au courant d’une collision imminente, n’a pas eu le temps de diffuser l’ordre « BRACE BRACE BRACE » [Position de protection] dans la cabine.
Comme l’agente de bord n’était pas au courant de l’impact imminent et puisqu’elle n’a reçu aucun ordre de l’équipage de conduite, elle n’a pas donné de consignes d’urgence aux passagers, par exemple : « Penchez-vous vers l’avant, gardez la tête baissée. »
Après l’impact initial, bien que la séquence d’impact se soit poursuivie pendant 9 secondes supplémentaires, l’agente de bord n’a pas pu donner le moindre ordre, car son siège avait été éjecté de sa position, projetant l’agente de bord dans l’allée.
Dans une situation d’urgence anticipée, et si le temps et les circonstances le permettent, conformément aux règlements Note de bas de page 75, les agents de bord de West Wind doivent faire aux passagers un exposé d’urgence supplémentaire dans lequel on démontre, on pratique et on conserve la ou les positions de protection.
Toutefois, dans une situation d’urgence qui n’est pas anticipée par l’équipage de cabine, ou dans laquelle l’équipage de cabine est frappé d’incapacité, les passagers qui n’ont pas lu la carte des mesures de sécurité n’ont aucune information sur la façon d’adopter la position de protection requise.
L’exposé de sécurité avant le départ de West Wind n’incluait aucune explication ni démonstration de la ou des positions de protection, et il n’était pas tenu de les inclure. Les passagers recevaient plutôt la directive de passer en revue la carte des mesures de sécurité, qui contenait des illustrations sur la façon de se placer en position de protection. Seuls les passagers ayant des besoins particuliers recevaient un exposé ou des démonstrations supplémentaires sur la sécurité.
Les passagers prêtent habituellement peu d’attention aux cartes des mesures de sécurité Note de bas de page 76. Une étude réalisée par le National Transportation Safety Board des États-Unis a révélé que 68 % des passagers des vols commerciaux ne lisent pas ces cartes Note de bas de page 77. Une étude réalisée en 2006 par le Transport Safety Bureau de l’Australie a révélé que 65 % des passagers des vols commerciaux ne lisent pas la carte Note de bas de page 78. En général, les passagers se fient plutôt aux renseignements fournis par l’équipage au moment d’une situation d’urgence.
Dans l’événement à l’étude, même si les passagers avaient consulté la carte des mesures de sécurité, l’information sur la position de protection ne reflétait pas les positions de protection actuellement conseillées. En 2016, TC a publié une circulaire d’information Note de bas de page 79 afin de fournir aux exploitants des lignes directrices à jour modifiant la position de protection recommandée au Canada.
La circulaire recommandait aux passagers de poser leurs mains sur la partie inférieure des jambes au lieu de les placer à l’arrière du siège devant eux. Cette recommandation vise à réduire le risque de blessures dues aux mouvements incontrôlés des membres ou à réduire le risque que le passager pousse le siège devant lui vers l’avant. Elle recommandait également que les passagers placent leurs jambes soit verticalement (vers le bas), soit vers l’arrière, plutôt que de les étendre vers l’avant, ce qui devrait réduire le risque de blessures dues aux mouvements incontrôlés des jambes.
Bien que TC ait modifié la position de protection recommandée, la circulaire d’information n’avait pas force obligatoire et, par conséquent, l’utilisation continue de la position de protection initiale était autorisée. Ainsi, au moment de l’événement, la position de protection initiale était toujours indiquée sur la carte des mesures de sécurité de l’ATR 42, et conseillait toujours aux passagers de placer leurs mains sur le siège devant eux, sans mettre l’accent sur l’importance de la position des jambes (figure 23).
Lors d’un accident survenu en 2015 à Halifax (Nouvelle-Écosse), au cours duquel un aéronef de la catégorie transport a heurté le relief Note de bas de page 80, comme dans l’accident à l’étude, les passagers et les membres de l’équipage de cabine n’étaient pas en position de protection au moment de l’impact initial parce qu’ils ne s’attendaient pas à une situation d’urgence. Dans cet événement, au cours des impacts subséquents, les membres de l’équipage de cabine ont pu crier : « Penchez-vous vers l’avant, gardez la tête baissée. » Certains passagers ont tenté d’adopter une position de protection, soit par eux-mêmes, soit en réponse à l’ordre crié, mais ils ne savaient pas comment adopter correctement cette position parce qu’ils n’avaient pas lu la carte des mesures de sécurité.
Dans cet événement, les passagers ont subi des blessures aux mains et aux poignets cohérentes avec une tentative de se cramponner au dossier du siège devant eux ou de placer les mains devant eux pour se protéger. La plupart des blessures subies par les passagers de cet événement étaient cohérentes avec le fait de ne pas avoir adopté la position de protection adéquate.
1.15.4 Effet direct sur les occupants
1.15.4.1 Répartition des blessures par place occupée
Tous les passagers et membres d’équipage ont subi des blessures pendant l’accident. Plusieurs ont perdu connaissance temporairement. Le commandant de bord et 9 passagers ont été grièvement blessés, et 1 des passagers grièvement blessés est mort 12 jours après l’accident. La gravité des blessures était plus ou moins également répartie dans l’ensemble de l’aéronef (figure 24); toutefois, le passager qui a été mortellement blessé était assis au milieu de la cabine, directement sous la voilure.
1.15.4.2 Blessures subies par les passagers
Au cours de l’impact et de la glissade qui en a résulté, la plupart des passagers ont été projetés vers l’avant dans leur siège, frappant les sièges devant eux, puis la structure de l’aéronef, en raison des forces d’accélération et des changements de direction de ces forces.
Au fil de la séquence d’impact, les passagers ont subi des blessures plus graves dues aux mouvements incontrôlés lorsque des éléments de la structure de l’aéronef et des objets externes, comme des arbres, ont pénétré dans leur espace de survie. Les passagers ont subi des blessures cohérentes avec les forces d’accélération, la flexion brusque du torse et les mouvements incontrôlés, notamment des blessures au dos, à la tête, aux bras et aux jambes.
Les passagers de la section avant-centre gauche de l’aéronef ont également subi des blessures par écrasement, comme des traumas majeurs à la tête, au corps et aux jambes. Ces blessures découlaient de la réduction de l’espace de survie entre le plancher au-dessus du train d’atterrissage principal et le fuselage supérieur affaissé. Sur les 3 passagers de cette zone, 2 ont subi des blessures graves qui ont changé leur vie, et le 3e est mort des suites de ses blessures 12 jours après l’accident.
Les traumas liés au dos étaient plus fréquents dans la partie arrière-centre droite de l’aéronef. Ces blessures sont cohérentes avec les forces latérales et la rotation subies par ce côté de l’aéronef, qui se sont traduites par des forces de décélération latérales pour les passagers dans les sièges dont l’ensemble de retenue avait été compromis.
Un passager a subi des blessures par projection lorsque son siège a été éjecté de l’aéronef. Lorsque le plancher s’est soulevé, les jambes de nombreux passagers de l’aéronef se sont retrouvées coincées, ce qui a causé des blessures aux genoux et aux jambes. Le soulèvement du plancher a réduit l’intégrité de l’ensemble de retenue et a déformé la structure des sièges, poussant ainsi de nombreux sièges les uns contre les autres et coinçant les jambes des passagers.
Ceux qui se sont protégés en plaçant leurs bras à l’arrière du siège devant eux ont tout de même subi des blessures dues aux mouvements incontrôlés. Un passager s’est protégé en plaçant la tête entre ses jambes. Il n’a pas subi de blessures dues aux mouvements incontrôlés, mais il a subi des blessures à la tête et au cou causées par le siège devant lui, qui poussait vers l’arrière, dans son espace de survie.
1.15.4.3 Blessures subies par l’équipage
Lorsque son siège a été arraché, pendant la séquence d’impact, l’agente de bord a été détachée et propulsée vers l’avant dans l’allée. L’agente de bord a subi de multiples blessures aux jambes, aux mains et à la tête en raison de cette projection.
Lorsque le plancher s’est affaissé sous son siège, compromettant ainsi l’efficacité de l’ensemble de retenue, le commandant de bord a subi de graves fractures au dos dues aux forces d’accélération, qui ont limité sa capacité d’évacuer l’aéronef par ses propres moyens.
Le premier officier a subi de légères blessures dues aux mouvements incontrôlés et à la compression de ses jambes découlant de l’intrusion d’éléments de la structure endommagée de l’aéronef dans son espace de survie.
1.15.4.4 Blessures subies par le nourrisson
Un nourrisson non attaché assis sur les genoux de son parent au siège 11C a subi des blessures par projection après avoir heurté le siège devant lui. Ce nourrisson a ensuite subi des blessures par écrasement lorsque ce siège a été poussé vers l’arrière dans l’espace de survie.
1.15.5 Répercussions sur les voies d’évacuation
1.15.5.1 Configuration de la cabine
L’aéronef à l’étude était configuré avec un compartiment de rangement vers l’extrémité avant de l’aéronef, entre la cabine et le poste de pilotage, une zone de cabine principale comptant 44 sièges passagers et une office, et un compartiment de rangement à l’arrière (figure 25).
1.15.5.2 Allée principale et d’évacuation
L’écrasement différentiel de la zone du fuselage a causé une déformation du plancher et des rails de sièges, ce qui a entraîné une réduction importante ou une élimination de l’allée principale. Sans l’allée principale, les passagers n’avaient pas accès à la voie principale menant aux issues de secours, et de nombreux passagers ont dû passer par-dessus les dossiers des sièges pour avoir accès à une voie d’évacuation.
1.15.5.3 Issues de secours
La cabine de l’ATR 42 est dotée de 4 portes qui peuvent servir d’issues de secours aux passagers, ainsi que d’une trappe d’évacuation pour permettre aux pilotes de sortir d’urgence du poste de pilotage (figure 26).
Le principal point d’entrée et de sortie pour les passagers et l’équipage est la porte d’accès arrière (G2), située à l’arrière de l’aéronef du côté gauche et munie d’un escalier sur sa face interne. Pour l’ouvrir de l’intérieur, elle doit être déverrouillée manuellement en déplaçant la poignée de commande de la porte vers le haut jusqu’à la position « OPEN » (ouverte), puis en poussant la porte vers l’avant jusqu’à ce que la porte et les escaliers pivotent vers le sol (figure 27).
La porte de service (D2) se trouve en face de la porte d’accès arrière, du côté droit de l’aéronef. Cette porte s’ouvre manuellement vers l’extérieur et peut servir d’issue de secours, si nécessaire.
À l’avant de la cabine des passagers, dans la rangée 1, il y a 2 issues de secours – une de chaque côté de l’aéronef (G1 et D1). Ces 2 issues de secours sont dégagées manuellement et doivent être ouvertes, tirées vers l’intérieur, puis tournées et jetées hors de l’aéronef.
Les 4 portes peuvent être ouvertes de l’intérieur ou de l’extérieur de l’aéronef.
L’aéronef est également doté d’une porte de chargement principale située à l’avant gauche de l’aéronef, qui constitue le principal point de chargement de la cargaison. Cette porte s’ouvre vers l’extérieur, soit de manière électrique ou manuelle (avec une manivelle), mais elle ne peut être actionnée qu’une fois déverrouillée de l’extérieur. Pour cette raison, la porte de chargement n’est pas utile comme issue de secours.
Le principal point d’accès au poste de pilotage à partir de la cabine est la porte du poste de pilotage, à l’avant du compartiment de rangement. Pour sortir de l’aéronef, l’équipage de conduite doit d’abord se rendre dans la cabine par la porte du poste de pilotage, puis emprunter l’une des sorties de la cabine.
Si la porte du poste de pilotage est bloquée, il y a une trappe d’évacuation au plafond du poste de pilotage, dotée d’une échelle de corde d’urgence repliée et d’escaliers intégrés permettant l’évacuation. Cette trappe s’ouvre vers l’intérieur et peut être ouverte de l’intérieur ou de l’extérieur de l’aéronef.
1.15.5.4 Effets des dommages sur les sorties
L’écrasement, la fracture et la rotation différentielle du fuselage ont rendu difficile l’utilisation des sorties de l’aéronef.
La partie avant de l’aéronef, y compris le poste de pilotage, a roulé de 90° vers la droite et s’est immobilisée sur son flanc droit. L’issue de secours D1 a été écrasée contre le sol et l’issue de secours G1 s’est retrouvée vers le haut, à l’horizontale. L’orientation à 90° a également placé la trappe d’évacuation du poste de pilotage sur le côté de l’aéronef, où elle était partiellement bloquée par les arbres (figure 28).
Étant donné que la cabine de passagers principale avait roulé à environ 40° vers la droite, la porte de service D2 était partiellement bloquée par le relief extérieur. La sortie principale, soit la porte d’accès arrière G2, était orientée vers le haut, ce qui la rendait difficile à ouvrir (figure 29).
1.15.5.5 Matériel, cargaison et autres masses importantes
Les normes de conception actuelles pour les aéronefs de la catégorie transport exigent que le matériel, la cargaison dans la cabine de passagers et toute autre masse importante soient positionnés de manière à ce qu’ils ne risquent pas d’entraver l’une ou l’autre des issues de secours s’ils se déplacent Note de bas de page 81, Note de bas de page 82.
Toutefois, lorsque l’aéronef ATR 42 a été certifié, cette exigence n’était pas aussi restrictive, et la norme en vigueur à l’époque exigeait seulement ce qui suit [traduction] :
[l]a structure de soutien doit être conçue pour contenir, sous toutes les charges allant jusqu’à celles indiquées à l’alinéa b)(3) du présent article, chaque élément de masse qui pourrait blesser un occupant s’il se libère pendant un écrasement mineur Note de bas de page 83.
La cabine de l’aéronef était divisée par des cloisons . Certaines cloisons séparaient la cabine de passagers du compartiment de rangement avant et de la porte d’accès arrière G2. L’examen des cloisons dans d’autres aéronefs ATR de West Wind a permis de constater que les cloisons étaient fixées différemment d’un aéronef à un autre. Certaines cloisons étaient fixées par des poutres de support de cargaison et d’autres par des charnières. Dans tous les cas, il a été constaté que ces cloisons, ainsi que les poutres de support de cargaison, pouvaient être facilement déplacées par des forces verticales limitées. Certaines cloisons se trouvaient devant les issues de secours.
Au cours de la séquence de l’accident, de nombreuses cloisons s’étaient délogées. La cloison séparant le compartiment de rangement avant de la cabine de passagers s’était délogée et était tombée sur les sièges 1A et 1B, cachant et bloquant ainsi l’issue de secours G1 (figure 30).
La cloison séparant la cabine de passagers de la porte d’accès arrière (G2) s’était également délogée et était tombée sur la porte, bloquant ainsi l’accès à la poignée de la porte, qui se trouvait de l’autre côté de la cloison (figure 31).
Tout juste de l’autre côté de la porte du poste de pilotage, dans le compartiment de rangement avant, la cargaison était arrimée à l’aide de filets d’arrimage, eux-mêmes attachés à des poutres verticales de support de cargaison. Ces poutres de support étaient fixées à la structure de l’aéronef. Lors de l’accident, les poutres de support s’étaient délogées et, même si les filets étaient restés attachés, les bagages retenus par les poutres et les filets s’étaient libérés. Les bagages, de même que les poutres et filets délogés, avaient bloqué la porte du poste de pilotage, empêchant l’évacuation du poste de pilotage vers la cabine principale de l’aéronef (figure 32).
1.15.6 Facteurs influant sur la survie après l’impact
1.15.6.1 Environnement
Pendant l’accident, plusieurs branches d’arbres, des poutres métalliques, des panneaux et d’autres éléments dangereux de la structure ont pénétré dans la cabine, exposant ses occupants à la température extérieure de −10 °C. Il faisait sombre et aucune lumière n’était disponible.
Du carburant s’est déversé dans la cabine et a détrempé les passagers; certains passagers avaient du carburant dans les yeux, ce qui affectait leur vision. Certains passagers étaient couverts de sang et d’autres avaient perdu leurs lunettes. Tous les passagers avaient subi des blessures et la plupart étaient piégés dans une certaine mesure. En raison de l’angle de l’aéronef, les personnes du côté droit étaient poussées contre la paroi de l’aéronef enfoncée, et les personnes du côté gauche étaient écrasées ou suspendues de côté par leur ceinture de sécurité. Certains passagers avaient la tête presque complètement en bas.
1.15.6.2 Évacuation de l’aéronef
La figure 33 indique les différentes méthodes d’évacuation de tous les occupants de l’aéronef. Les sections suivantes du rapport contiennent davantage de précisions sur l’évacuation de l’aéronef.
1.15.6.2.1 Cabine de pilotage
Le premier officier a pu se libérer du siège droit. Il a évalué la voie de sortie du poste de pilotage normale, mais il a constaté qu’elle était bloquée par des bagages qui s’étaient répandus dans le compartiment de rangement principal.
Le premier officier a ensuite libéré le commandant de bord du siège gauche et ouvert la trappe d’évacuation du poste de pilotage, car c’était la seule voie d’évacuation praticable. Le premier officier est sorti par ses propres moyens et le commandant de bord a été extirpé par le premier officier et des intervenants externes.
1.15.6.2.2 Cabine
Plusieurs facteurs découlant de l’affaissement de parties du plancher de la cabine à l’impact, de même que de la fracture et de la rotation subséquentes de l’aéronef, ont considérablement nui à l’évacuation.
Une fois que l’aéronef s’est immobilisé, l’agente de bord a pu s’extirper de sous le siège brisé et elle a tenté de vérifier les conditions extérieures, conformément à sa formation d’agent de bord. Toutefois, il faisait sombre à l’extérieur comme à l’intérieur. Puisque l’aéronef était couché sur son côté droit, les fenêtres de droite faisaient face au sol et les fenêtres de gauche étaient orientées vers le haut.
En raison de la fracture transversale, les communications entre la cabine et le poste de pilotage étaient coupées et l’agente de bord n’a pas pu communiquer avec l’équipage de conduite. Par conséquent, l’agente de bord a entrepris l’évacuation des passagers.
L’agente de bord aurait tenté d’allumer les feux d’urgence, sans succès. Un examen ultérieur de l’interrupteur des feux d’urgence sur le panneau d’agent de bord a révélé qu’il n’était pas enfoncé. Les bandes photoluminescentes du plancher n’étaient ni visibles ni utiles, car l’allée s’était déformée et s’était soulevée pendant la séquence d’impact.
Comme il n’y avait pas d’éclairage de cabine, l’agente de bord a demandé à l’un des passagers de lui donner son téléphone cellulaire pour s’éclairer. À ce moment-là, d’autres passagers allumaient également l’éclairage de leur téléphone cellulaire.
L’agente de bord a tenté d’ouvrir la porte d’accès arrière G2 de la cabine pour évacuer l’aéronef, mais la poignée de la porte était bloquée par la cloison adjacente qui avait été délogée. En outre, comme l’aéronef était placé en angle vers la droite, la porte d’accès arrière se trouvait au-dessus de la tête des occupants, ce qui l’aurait rendue difficile à ouvrir, par manque de portée et de force, même si la poignée avait été accessible.
De plus, il était impossible d’évacuer en passant par l’avant de l’aéronef, car la cabine et l’allée de l’aéronef avaient été écrasées vers l’intérieur. L’agente de bord et les passagers valides ont tenté d’ouvrir la porte de service (D2), qui était la seule issue de secours accessible restante. Toutefois, comme l’aéronef se trouvait sur son côté droit, cette porte était partiellement bloquée par le relief extérieur. Les passagers et l’agente de bord ont dû donner des coups de pied à la porte pendant plusieurs minutes avant qu’elle s’ouvre vers l’extérieur.
Quinze passagers se sont extirpés de leur siège ou ont escaladé les sièges pour évacuer par la porte de service D2. Certaines des personnes coincées au milieu de l’aéronef ont dû retirer des couches de vêtements pour passer dans l’espace restant, de 1 à 2 pieds, qui menait aux sorties arrière. Certains passagers, y compris le nourrisson, ont dû être libérés par d’autres passagers avant de pouvoir évacuer l’épave.
Un passager avait été éjecté de la fracture transversale pendant la séquence d’impact initiale, et 2 passagers assis à l’avant gauche de l’aéronef ont évacué par la fracture.
Il a fallu environ 20 minutes aux 17 premiers passagers pour évacuer l’aéronef. Certains passagers ont évacué l’aéronef puis y sont retournés pour aider à libérer d’autres passagers. Trois passagers sont restés coincés dans l’aéronef et 1 passager est resté pour réconforter les autres. Le dernier passager a été sorti de l’épave 3 heures après l’accident.
1.15.6.3 Intervention d’urgence
L’aéronef s’est immobilisé à 18 h 12 min 56 s. L’épave se trouvait dans une zone boisée, à environ 600 m de l’extrémité de départ de la piste 28. Ce site se trouvait assez près de la collectivité pour qu’un réseau cellulaire soit toujours disponible.
Peu après la fin de la séquence d’impact et avant l’évacuation, les passagers ont utilisé leur téléphone cellulaire pour demander de l’aide en appelant, en envoyant des messages texte ou des messages sur les médias sociaux. L’agente de bord a emprunté le téléphone cellulaire de l’un des passagers pour appeler le 911.
Les habitants de la région ont reçu les messages envoyés et les appels effectués dans les minutes qui ont suivi l’impact. Les intervenants comprenaient des parents de passagers, le 4e Groupe de Patrouille des Rangers canadiens – Fond du Lac, des membres de la collectivité, des employés de l’aéroport et un entrepreneur de l’aéroport. Tous les intervenants ont rapidement cherché à localiser l’aéronef et à aider de toutes les façons possibles.
Comme les premiers renseignements sur l’endroit où l’aéronef s’était écrasé n’étaient pas clairs, un certain délai s’est écoulé avant que les sauveteurs puissent trouver le site de l’accident. Une fois que l’épave a été localisée, à mesure que des membres de la collectivité arrivaient, ils étaient chargés d’obtenir de l’aide, du matériel et des fournitures, et de diriger les sauveteurs vers le site.
Le site était sombre et le sol couvert de neige. Il n’y avait pas de route, donc le site n’était accessible que par motoneige. À mesure que d’autres intervenants arrivaient, certains partaient chercher plus d’aide et de matériel, tandis que d’autres commençaient à aider les passagers et l’équipage, et à déterminer qui devait encore être évacué.
Une fois informé de l’accident, l’entrepreneur de l’aéroport s’est rendu sur le site de l’accident et a apporté du matériel de voirie pour éclairer et pour aider à l’évacuation.
1.15.6.4 Intervention de la Gendarmerie royale du Canada
La GRC a reçu le premier de plusieurs appels concernant l’accident vers 18 h 15 et s’est rendue à l’aéroport et au site de l’écrasement, où elle est arrivée vers 18 h 30. Plusieurs membres de la collectivité étaient déjà en train d’aider les passagers à sortir de l’épave et de les évacuer par traîneaux dès qu’il y en avait de disponible.
Un aéronef transportant du personnel de la GRC et des ressources médicales supplémentaires a quitté CYSF vers 19 h 35 pour apporter de l’aide sur le site de l’écrasement.
1.15.6.5 Sauvetage
Les passagers qui avaient évacué l’aéronef et le passager qui avait été éjecté de l’aéronef ont été transportés par traîneaux et motoneiges à l’établissement médical local de Fond-du-Lac. Une fois arrivés, ils sont passés au triage et ont été transférés par évacuation sanitaire, au besoin, vers des hôpitaux et des cliniques de Stony Rapids, de Prince Albert et de Saskatoon (Saskatchewan).
Les intervenants ont également travaillé à libérer le passager coincé du côté droit de l’aéronef, dans le siège 4D. Ce passager dépassait d’un trou sur le côté droit de l’aéronef et il a été extirpé par ce trou au bout d’environ 1 heure, après que les intervenants l’eurent agrandi à la main et avec des outils.
Les intervenants ont ensuite utilisé du matériel pour libérer les passagers coincés dans les sièges 5B et 6A. Cette extraction a été difficile parce que tout effort pour libérer le passager du siège 6A avait des répercussions sur le passager du siège 5B. En raison du carburant déversé et du risque d’incendie, il était impossible d’utiliser du matériel pour couper les structures métalliques. Lorsqu’un écarteur hydraulique est devenu disponible, les intervenants l’ont utilisé, sans avoir eu de formation en matière d’extraction, pour écarter suffisamment les sièges et les structures afin de libérer les passagers.
Le passager du siège 6A a été extirpé après environ 1,5 heure. Le passager du siège 5B a été extirpé vers 21 h 20, soit un peu plus de 3 heures après l’écrasement.
1.16 Essais et recherche
1.16.1 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- GR301/2017 – Flight Recorders Group Report [Rapport du groupe sur les enregistreurs de données de vol]
- GR021/2018 – Site Survey [Relevé du site]
- GR028/2018 – Power Plant Group Report [Rapport du groupe sur le groupe motopropulseur]
- GR030/2018 – Photo/Video Group Report [Rapport du groupe sur les photos et vidéos]
- GR232/2018 – Structural Examination [Examen structural]
- LP022/2018 – NVM Data Recovery [Récupération des données de la mémoire non volatile]
- LP008/2019 – Aircraft Ground Icing Analysis [Analyse du givrage au sol des aéronefs]
1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion
1.17.1 Transports Canada
1.17.1.1 Généralités
La vision de TC « est de se doter d’un réseau de transport qui est reconnu mondialement comme étant sûr et sécuritaire, efficace, et respectueux de l’environnement Note de bas de page 84 ». Pour l’Aviation civile de Transports Canada (TCAC), cela signifie « [u]n système intégré et progressif en matière d’aviation civile qui favorise une culture proactive de la sécurité Note de bas de page 85 ». La surveillance est l’un des principaux outils que TC utilise pour promouvoir la sûreté et la sécurité des réseaux de transport Note de bas de page 86.
1.17.1.2 Structure organisationnelle
TC s’acquitte de ses responsabilités relatives à l’aviation civile par l’intermédiaire de la Direction générale de l’aviation civile à Ottawa (Ontario) et des bureaux de ses 5 directions régionales de l’Aviation civile, situés partout au pays. Chacun de ces bureaux est responsable de surveiller le programme de l’Aviation civile de TC dans sa région respective.
1.17.1.3 Évolution de la surveillance
TC définit la surveillance comme les « activités qui soutiennent la promotion, l’évaluation et l’assurance systématique de la conformité aux exigences de Transports Canada concernant la sécurité et la sûreté et qui contribuent aux résultats stratégiques ministériels Note de bas de page 87 ».
En 2005, TC a adopté une nouvelle approche à l’égard de ses fonctions de surveillance en instaurant les systèmes de gestion de la sécurité (SGS) Note de bas de page 88. Depuis, la façon dont TC surveille l’aviation civile au Canada a grandement changé.
La surveillance traditionnelle était principalement constituée de vérifications et d’inspections visant à assurer la conformité réglementaire. Cette approche n’est toutefois qu’un premier pas, car le simple fait d’assurer la conformité réglementaire ne peut garantir à l’organisme de réglementation que les problèmes cernés ne se reproduiront pas. TC a donc opté pour une approche systémique de la surveillance selon laquelle, en plus de vérifier la conformité réglementaire d’une entreprise, il en examine aussi les processus internes pour s’assurer qu’elle a un système efficace pour gérer les risques liés à ses activités.
Pour développer un environnement réglementaire favorable à la réussite de la mise en œuvre des SGS, TC a concrétisé sa philosophie de collaboration accrue par des politiques et procédures qui favorisent l’utilisation des processus de gestion de la sécurité d’un exploitant plutôt que de mesures punitives pour résoudre les problèmes. Par exemple, selon la directive de l’Aviation civile 107-004 :
Transports Canada accepte de promouvoir la conformité volontaire aux exigences réglementaires, sans nécessairement avoir recours à des mesures disciplinaires, en permettant aux titulaires de certificats régis par un SGS de proposer des mesures correctives visant à empêcher que l’infraction ne se reproduise, et de déterminer la ligne de conduite à adopter pour encourager le respect futur des règlements Note de bas de page 89.
1.17.1.4 Approche de la surveillance de Transports Canada
Depuis l’accident de West Wind, TC a apporté un certain nombre de changements à ses politiques et procédures de surveillance. En raison de la portée de la présente enquête, le rapport se concentrera principalement sur les politiques et les procédures qui étaient en place avant l’accident.
La surveillance réglementaire exige que l’organisme de réglementation détermine quelles activités de surveillance effectuer, qu’il effectue ces activités de surveillance, et qu’il fasse un suivi pour vérifier que les lacunes cernées ont été corrigées. Les sections qui suivent décrivent l’approche adoptée par TC pour la planification, l’exécution et le suivi de la surveillance, y compris les directives que doivent utiliser les inspecteurs à chacune des étapes, et la façon dont cette approche a évolué durant la période précédant et suivant l’événement.
1.17.1.4.1 Planification de la surveillance
Dans l’édition 06 de l’Instruction visant le personnel (IP) SUR-001 de TC, qui était en vigueur au moment de l’événement, la surveillance est définie comme « toutes les activités directement rattachées à l’évaluation par TCAC de la conformité d’une entreprise à des exigences de la réglementation applicables, ce qui comprend les évaluations, les inspections de validation de programme et les inspections de processus Note de bas de page 90 ».
La surveillance d’un exploitant par TC peut être une activité planifiée en fonction d’intervalles prédéterminés et d’un plan de surveillance approuvé, ou une activité non planifiée en réaction à un événement imprévu Note de bas de page 91 (accident, incident ou augmentation des indicateurs de risque de l’exploitant [voir la section 1.17.1.4.2 : Système de gestion de l’information nationale sur la sécurité aérienne]).
En 2009, TC a publié l’édition 01 de la Directive de l’Aviation civile (DAC) SUR-008, établissant les intervalles de surveillance de base suivants pour toutes les entreprises qui se voient délivrer un certificat de TCAC :
- Les évaluations (pour les entreprises assujetties à un SGS) seront effectuées dans un intervalle de 36 mois à moins que des indicateurs de risques spécifiques démontrent qu’il faut réduire l’intervalle.
- Les inspections de validation de programme (IVP) (pour les entreprises assujetties ou non à un SGS) seront effectuées dans un intervalle de 12 mois à moins que des indicateurs de risques spécifiques démontrent qu’il faut réduire l’intervalle Note de bas de page 92.
Le 29 mai 2012, TC a publié l’édition 02 de la DAC SUR-008, décrivant la nouvelle approche fondée sur les risques adoptée par TC pour déterminer les intervalles de surveillance pour toutes les entreprises, que celles-ci soient assujetties ou non à un SGS Note de bas de page 93. Selon les directives révisées : « Les intervalles de surveillance doivent aller d’un (1) an (risque élevé ou entreprises à forte incidence) à cinq (5) ans (risque faible ou entreprises à faible incidence) Note de bas de page 94. »
Ce changement aux intervalles de surveillance diffère considérablement des recommandations énoncées dans le Manuel des procédures d’inspection, d’autorisation et de surveillance continue de l’exploitation de l’OACI, qui stipule que « tous les aspects importants des procédures et des pratiques utilisées par l’exploitant devraient être évalués et, à cet effet, les inspections nécessaires devraient avoir lieu au moins une fois par an Note de bas de page 95 ». De plus, le Manuel de supervision de la sécurité de l’OACI indique ceci : « Les inspections régulières doivent être complétées par des inspections périodiques non annoncées de tous les aspects des activités Note de bas de page 96. »
1.17.1.4.2 Système de gestion de l’information nationale sur la sécurité aérienne
Conformément à la politique de planification de la surveillance de TC qui était en vigueur au moment de l’accident (c.-à-d., la DAC SUR-008), les intervalles de surveillance faisaient l’objet d’un examen annuel et étaient déterminés en fonction des 2 critères suivants :
- Un niveau de l’indicateur de risque : il s’agit d’un chiffre de 1 (risque faible ou inexistant) à 5 (risque élevé). Les éléments pris en considération pour déterminer cette cote sont : le numéro d’indication du risque (NIR) du Système de gestion de l’information nationale sur la sécurité aérienne (SGINSA); les résultats de la plus récente activité de surveillance; la disponibilité de l’information de sécurité; et le fait que l’entreprise dispose ou non d’un SGS.
- Une valeur d’incidence : il s’agit d’une cote allant de A (incidence négligeable) à E (incidence considérable) qui tient compte des éléments suivants : le nombre de certificats que détient l’exploitant; le nombre d’employés et de bases; les types d’aéronefs; le type d’opérations; et le fait que l’exploitant mène ou non des opérations internationalesNote de bas de page 97.
Au moment de l’accident, le principal outil utilisé par TC pour établir l’ordre de priorité des activités de surveillance était le SGINSA. Le SGINSA était issu des travaux d’un groupe de travail de 2007 de TC composé de diverses spécialités techniques, formé [traduction] « dans le but de créer un programme exhaustif d’indicateurs de risque Note de bas de page 98 ».
Le module indicateur de risque du SGINSA comprend 77 questions fermées qui portent sur 10 secteurs à risques clés. On répond à chaque question par « oui », « non » ou « inconnu », et il est possible d’ajouter une justification en commentaire. D’après l’édition 01 de l’IP SUR-005, « [l]es réponses aux questions doivent être mises à jour dès que de nouveaux renseignements sur la sécurité sont reçus. Ceci permet d’obtenir, pratiquement en temps réel, un tableau des risques associés […] Note de bas de page 99. »
Les réponses sont analysées afin de calculer le NIR d’un exploitant. Chaque année, TC examine les intervalles de surveillance afin d’établir l’ordre de priorité de ses activités de surveillance pour l’année à venir Note de bas de page 100. Ces intervalles de surveillance peuvent être modifiés en tout temps, entre les examens annuels, si TC détermine qu’une telle modification est justifiée par des changements aux indicateurs de risque d’un exploitant. Toutefois, il n’existe aucun seuil prédéfini qui déclenche automatiquement ces modifications.
Le 1er avril 2019, TC a cessé d’utiliser le module indicateur de risque du SGINSA, qui produisait le NIR utilisé par TC pour appuyer la création du plan de surveillance national. Selon TC, l’approche « universelle » de la planification de la surveillance axée sur les risques faussait le plan de surveillance national aux 2 extrémités de l’échelle de complexité de l’entreprise Note de bas de page 101.
L’une des raisons invoquées par TC pour cesser d’utiliser le SGINSA était que [traduction] « la qualité des données contenues dans le SGINSA ne reflétait pas toujours le niveau de risque actuel présent dans l’entreprise au moment de la création du plan de surveillance annuel [...]. [i]l fallait constamment rappeler aux inspecteurs de remplir la base de données Note de bas de page 102. »
Certaines des autres fonctions du SGINSA sont toujours utilisées au moment de la rédaction du présent rapport; toutefois, TC recherche une nouvelle solution fondée sur les principes des renseignements organisationnels pour remplacer le SGINSA. Au moment de la rédaction du rapport, TC avait recommencé à utiliser des groupes de pairs et de renseignements locaux, comme il est décrit dans l’IP SUR-028, pour assurer la planification de la surveillance au cours de l’exercice 2019-2020 jusqu’à la mise en place et l’entrée en fonction d’un nouveau système, dans 2 à 5 ans Note de bas de page 103.
1.17.1.4.3 Déroulement de la surveillance
En vertu de l’alinéa 8.7(1)a) de la Loi sur l’aéronautique, le ministre des Transports a le pouvoir de mener des inspections pour surveiller la conformité avec la Loi.
Puisque TC est passé à une approche systémique de la surveillance, les vérifications et les inspections traditionnelles ont été remplacées par des outils de surveillance à l’échelle des systèmes et des processus. Ces outils visent à permettre à la surveillance de TC « [d’aller] au-delà de la vérification de la conformité, afin que cette dernière englobe l’examen des systèmes d’une entreprise, lequel permet de déterminer si ces systèmes sont efficaces pour réaliser la conformité de façon ponctuelle et permanente Note de bas de page 104 ».
L’IP SUR-001 décrit en détail chacun de ces outils de surveillance. L’IP SUR-001 a fait l’objet de nombreuses révisions depuis sa création en 2005. Au moment de l’événement, l’IP SUR-001, édition 06, publiée le 22 juin 2016, était en vigueur.
1.17.1.4.4 Constatations de la surveillance
Selon l’IP SUR-001, une constatation est un « compte rendu factuel reposant sur des preuves qui indique les manières par lesquelles une entreprise est non-conforme ou non [sic] aux exigences du RAC Note de bas de page 105 ». Dans le modèle actuel de surveillance qui s’attarde aux systèmes, les inspecteurs de TC doivent rédiger des constatations (indépendantes ou systémiques) concernant les défaillances (c.-à-d., la non-conformité avec les règlements). Les constatations doivent être consignées dans un formulaire de constatation normalisé, qui indique le ou les règlements non respectés et donne des exemples qui démontrent la non-conformité.
L’IP SUR-001 exige que l’équipe de surveillance s’assure de disposer de suffisamment de preuves pour étayer ses observations et tout problème de non-conformité avant de formuler une constatation Note de bas de page 106. Ainsi, une constatation doit être étayée par des preuves précises et factuelles suffisantes qui démontrent clairement en quoi l’exploitant ne se conforme pas au règlement. S’il n’y a pas suffisamment de preuves pour étayer une constatation, un autre échantillonnage doit être effectué Note de bas de page 107.
Au moment de l’accident, les constatations de non-conformité relevées pendant les activités de surveillance à l’échelle des systèmes étaient classées de la façon indiquée au tableau 5 Note de bas de page 108.
Classification | Critères |
---|---|
Mineure | Une constatation est considérée comme étant mineure lorsqu’une activité de surveillance a indiqué que le secteur faisant l’objet de la surveillance a été maintenu et s’est avéré efficace, mais qu’il faut toutefois y apporter des améliorations administratives. |
Modérée | Une constatation est considérée comme étant modérée lorsqu’une activité de surveillance a indiqué que le secteur faisant l’objet de la surveillance n’a pas été complètement maintenu et que des exemples de non-conformité indiquent qu’il n’est pas complètement efficace. Toutefois, l’entreprise a clairement démontré sa capacité de mener l’activité et une simple modification à son processus devrait permettre de résoudre le problème. |
Majeure | Une constatation est considérée comme étant majeure lorsqu’une activité de surveillance a indiqué que le secteur faisant l’objet de la surveillance n’a pas été établi ni maintenu et qu’il n’est ni respecté ni efficace, et qu’une défaillance systémique est manifeste. Généralement, une constatation majeure nécessite une mesure corrective plus rigoureuse et longue qu’une constatation mineure ou modérée. |
Les entreprises sont tenues de présenter à TC des plans de mesures correctives (PMC) lorsqu’une activité de surveillance génère des constatations. Ces PMC, qui doivent être acceptés par TC, décrivent comment l’entreprise prévoit remédier à la non-conformité réglementaire et assurer la conformité continue à l’avenir.
Conformément à l’IP SUR-001, les évaluations et les IVP doivent être terminées dans les 12 mois suivant l’acceptation du PMC Note de bas de page 109. Pour faciliter le respect de cet échéancier, « le PMC doit viser à ce que toutes les mesures correctives soient en place dans les 90 jours suivant leur acceptation par l’inspecteur compétent Note de bas de page 110 ».
Dans certains cas, la mise en œuvre de mesures de suivi à long terme peut prendre plus de 90 jours. Si l’exécution d’un PMC prendra plus de 90 jours, mais moins de 1 an, TC doit décider s’il est acceptable, et cette décision doit être documentée Note de bas de page 111. L’IP SUR-001 recommande également d’envisager l’exécution d’une évaluation des risques avant l’acceptation; mais ce n’est pas obligatoire. Lorsque l’exécution du PMC prendra plus de 1 an, la décision doit être transmise à la direction régionale de TC et au Conseil national de la direction de la gestion de l’Aviation civile (CNDGAC) Note de bas de page 112 pour examen et décision Note de bas de page 113.
1.17.1.4.5 Évaluations et inspections de validation de programme
TC s’attend à ce que les entreprises gèrent la sécurité de façon proactive et s’assurent d’atténuer les risques à des niveaux acceptables. TC s’attend également à ce que les entreprises mettent sur pied des programmes leur permettant d’assurer le respect constant des exigences réglementaires Note de bas de page 114. Les 2 principaux outils de surveillance à l’échelle des systèmes que TC utilise pour s’assurer que ces attentes sont satisfaites sont les évaluations et les IVP.
Selon l’IP SUR-001, une évaluation évalue l’efficacité et la capacité du SGS de l’entreprise à maintenir la conformité avec le RAC. TC utilise son cadre du SGS (annexe A), qui décrit les composantes et les éléments d’un SGS, lorsqu’il effectue une évaluation.
Alors qu’une évaluation consiste à examiner les composantes et les éléments du SGS, une IVP est un « processus comprenant de la recherche et un examen sur place associés à un ou à plusieurs éléments d’un système de gestion de la sécurité (SGS) ou à d’autres secteurs réglementés d’une entreprise Note de bas de page 115 ». Les évaluations et les IVP sont effectuées à des intervalles fondés sur les indicateurs de risque décrits précédemment dans le présent rapport (c.-à-d., de 1 à 5 ans).
D’après l’IP SUR-001, les procédures générales sont les mêmes pour les évaluations et les IVP. Les seules différences sont le calendrier, en raison de la différence de portée, et les domaines couverts par la surveillance Note de bas de page 116. L’IVP n’est pas aussi approfondie qu’une évaluation; par conséquent, il faut généralement beaucoup moins de temps pour la réaliser.
Pour les évaluations et les IVP, le directeur régional de l’Aviation civile désigne une autorité de convocation (AC) Note de bas de page 117 qui réunit une équipe et désigne un gestionnaire pour superviser l’activité. L’équipe est généralement composée d’inspecteurs de l’aviation civile dans les domaines des opérations aériennes, de la navigabilité et de la sécurité de la cabine, ainsi que de personnel administratif.
1.17.1.4.6 Inspections du processus
Une inspection du processus est un « examen approfondi d’un processus utilisé par une entreprise pour produire un résultat afin de vérifier s’il fonctionne Note de bas de page 118 ». Contrairement aux évaluations ou aux IVP, une inspection du processus porte sur un seul processus dans une entreprise pour vérifier si les exigences réglementaires sont respectées et pour s’assurer que le processus fonctionne comme prévu. Tout processus requis par la réglementation peut faire l’objet d’une inspection du processus.
Selon l’IP SUR-001, « l’inspection du processus doit seulement être menée pour un motif valable Note de bas de page 119 ». Par exemple, l’IP SUR-001 indique que l’on peut avoir recours à une inspection du processus pour plusieurs raisons, notamment :
- pour réagir à un événement ou à la modification d’un indicateur de risque au sein d’une entreprise;
- à l’appui d’une activité de surveillance à l’échelle des systèmes;
- pour recueillir des renseignements sur la sécurité;
- i) pour exécuter une activité de surveillance inscrite au calendrier, par exemple pour ajouter des intervalles à la surveillance planifiée d’une entreprise.
Lorsqu’une inspection du processus est menée en guise d’activité de surveillance indépendante, ses résultats peuvent également entraîner le déclenchement d’une activité de surveillance à l’échelle des systèmes ou en accélérer l’échéancierNote de bas de page 120.
Comme une évaluation ou une IVP, une inspection du processus peut donner lieu à des constatations; toutefois, ces constatations ne sont pas classifiées. Les constatations découlant d’une inspection du processus doivent être abordées au moyen d’un PMC Note de bas de page 121. L’échéancier d’un PMC concernant une inspection du processus est identique à celui décrit pour les IVP et les évaluations. L’IP SUR-001 ne précise pas de délai de clôture pour les inspections du processus.
Le rapport d’inspection du processus doit indiquer si le processus répond aux exigences réglementaires applicables et s’il est respecté tel que publié dans les manuels approuvés de la compagnie, ou bien si ce processus n’est ni documenté, ni mis en œuvre, ni efficace.
1.17.1.4.7 Suivi
L’IP SUR-001 décrit 4 processus qui peuvent être utilisés en réponse aux problèmes de non-conformité détectés pendant les activités de surveillance Note de bas de page 122. Ces processus, par ordre croissant de gravité, sont les suivants :
- PMC;
- mesure d’application de la loi;
- surveillance accrue;
- mesure relative au certificat.
Plan de mesures correctives
Conformément à l’approche coopérative de TC en matière de surveillance, si des problèmes de non-conformité sont décelés pendant une activité de surveillance, on offre aux exploitants la possibilité de fournir un PMC afin de corriger les lacunes. Un PMC « décrit la façon dont l’entreprise se propose de corriger les points de non-conformité identifiés et assurer une conformité continue Note de bas de page 123 ».
L’IP SUR-001 stipule qu’un PMC doit être présenté pour chaque constatation dans les 30 jours suivant la réception du rapport de non-conformité, à moins qu’il n’y ait des circonstances atténuantes et que TC n’approuve une prolongation Note de bas de page 124.
Les PMC doivent être remplis conformément à la Circulaire d’information (CI) SUR-002, puis soumis à TC aux fins d’approbation Note de bas de page 125. La CI SUR-002 explique que les PMC doivent présenter les causes sous-jacentes de la lacune et inclure un plan d’action pour les corriger. Contrairement à l’IP SUR-001, la CI SUR-002 ne précise pas l’obligation de présenter des PMC dans les 30 jours suivant la réception du rapport.
Les inspecteurs de TC sont responsables d’évaluer si le PMC est acceptable, de choisir si la mise en œuvre du PMC sera vérifiée au moyen de mesures de suivi administratives ou de mesures de suivi sur place, et de proposer une date pour le suivi choisi. Si les PMC sont rejetés, ils sont renvoyés à l’exploitant pour être révisés, et ce dernier dispose alors de 7 jours pour présenter de nouveau le PMC révisé Note de bas de page 126. Si le PMC révisé est rejeté, l’IP SUR-001 indique que l’AC doit être informée et déterminera alors la ligne de conduite la plus appropriée. Selon la section 12.3.4 de l’IP SUR-001, l’AC peut choisir une ou plusieurs des mesures suivantes :
- donner à l’entreprise une autre occasion de réviser le PMC;
- prendre une mesure d’application de la loi;
- prendre une mesure relative au certificat.
Mesures d’application de la loi
Lorsque TC détermine qu’une constatation justifie la prise d’une mesure d’application de la loi (c.-à-d., des sanctions administratives ou pécuniaires), un avis de détection Note de bas de page 127 doit être soumis à l’Application de la loi en aviation de TCAC.
Selon l’IP SUR-001, « toutes les parties du RAC citées dans l’avis de détection doivent être des dispositions d’incrimination, qu’elles servent de fondement pour la constatation ou qu’elles soient citées dans les exemples de la constatation Note de bas de page 128 ». L’avis de détection, la ou les constatations connexes et toute preuve à l’appui sont ensuite transmis à l’Application de la loi en aviation de TCAC aux fins d’intervention ou de suivi, conformément au Manuel des procédures de l’Application de la loi Note de bas de page 129.
Lorsqu’un avis de détection est soumis, l’Application de la loi en aviation de TCAC doit s’assurer que la situation qui a rendu nécessaire la mesure d’application de la loi n’existe plus pour pouvoir procéder à la clôture de l’activité de surveillance. Cela se fait dans le cadre du processus du PMC.
Surveillance accrue
La 3e option présentée dans l’IP SUR-001 pour assurer le suivi des problèmes de non-conformité est la surveillance accrue (SA). Si la SA est le processus de suivi choisi, l’IP SUR-001 stipule qu’elle doit être exécutée et close conformément aux dispositions de l’IP SUR-002.
La SA est utilisée lorsque le dossier de conformité et/ou de sécurité d’une entreprise indique qu’une présence accrue de TC est nécessaire pour ramener l’exploitant à un état de conformité et être convaincu que l’exploitant peut maintenir la conformité avec les règlements. Selon l’IP SUR-002, la SA est utilisée soit lorsque des « défaillances systémiques importantes Note de bas de page 130 » ayant abouti à des cas de non-conformité ont été relevées au cours d’une évaluation ou d’une IVP, ou en présence d’un bilan persistant de non-conformité ou d’une incapacité avérée de se conformer aux règlements Note de bas de page 131.
Les 2 objectifs de la SA sont les suivants :
- l’entreprise doit concevoir et mettre en place des mesures pour faire face aux cas de non-conformité, en veillant au respect des règlements durant et après la durée de la SA;
- TCAC doit examiner en profondeur les systèmes de l’entreprise, en se livrant à des activités de surveillance accrue de la réglementation, pour confirmer la capacité de l’entreprise à se conformer aux règlements applicables Note de bas de page 132.
Lorsque la SA est nécessaire, l’AC nomme un gestionnaire de la SA, qui élabore un plan pour la SA. L’IP SUR-002 Note de bas de page 133 énumère un certain nombre d’éléments qui doivent être inclus dans le plan de SA :
- les rôles et les responsabilités de l’équipe;
- les protocoles de communication;
- les activités à réaliser;
- les calendriers;
- les conditions de la cessation de la SA;
- les détails budgétaires;
- les détails administratifs s’appliquant à la SA.
Les membres de l’équipe de SA sont responsables de mener à bien et de documenter les activités de SA qui leur ont été confiées et de donner des mises à jour au gestionnaire de la SA.
Selon l’IP SUR-002, la SA doit comprendre ce qui suit :
a) une période de vérification d’une durée maximum de 90 jours, après l’acceptation du PMC, durant laquelle les membres de l’équipe de SA vérifient que l’entreprise a mis en œuvre des mesures correctives;
À noter : Il est reconnu que certaines mesures correctives à long terme peuvent prendre plus de 90 jours pour être implantées. Toutefois, un état de conformité doit être au moins atteint par l’entreprise durant la période de vérification de 90 jours.
- b) une IVP mettant fin à la SA dans les 12 mois qui suit [sic] le déclenchement de la SA, réalisée conformément à l’IP SUR-001 et qui, au minimum, couvre les mêmes secteurs qui ont abouti au déclenchement de la SA Note de bas de page 134.
D’après l’IP SUR-002, si une entreprise n’a pas mis en œuvre de mesures correctives avec efficacité avant la fin de la période de vérification, une IVP mettant fin à la SA sera lancée afin de prendre les mesures qui s’imposent.
Lorsqu’une IVP mettant fin à la SA est réalisée, l’AC doit documenter toute décision de prendre des mesures et la procédure suivie pour prendre cette décision. S’il n’y a pas de constatations, ou seulement des constatations mineures que l’entreprise corrige par la suite, l’entreprise reprend son calendrier de surveillance normal et la SA est close. S’il y a des constatations modérées et/ou majeures, l’AC détermine le plan d’action le plus approprié, au cas par cas, en consultation avec le personnel de gestion et d’application de la loi des régions et de l’administration centrale de TCAC.
Étant donné que « [l]a SA ne se veut pas une situation perpétuelle dans laquelle évolue une entreprise Note de bas de page 135 », si l’IVP qui met fin à la SA Note de bas de page 136 révèle que l’entreprise n’est pas prête à reprendre la surveillance de routine, l’entreprise peut faire l’objet d’une autre ronde de SA. À moins d’une autorisation par le directeur régional de l’Aviation civile ou un directeur à l’administration centrale de TC, une entreprise ne peut subir une SA que 2 fois de suite Note de bas de page 137.
Sans cette autorisation, l’échec d’une 2e IVP mettant fin à la SA entraîne la prise de mesures relatives au certificat, conformément à l’IP SUR-014 Note de bas de page 138.
La présente enquête a révélé que le personnel de la Région des Prairies et du Nord de TC, tant au niveau opérationnel qu’au niveau de la direction, n’était pas certain des étapes et des calendriers précis associés à la SA. L’orientation en matière de SA qui est transmise au personnel régional l’est en grande partie sous forme de texte et ne comprend pas d’outils clairs de prise de décision ou de planification, comme des organigrammes, des modèles de calendrier ou des listes de vérification précises à suivre pour s’assurer que la SA est exécutée conformément à la politique nationale.
Prise de mesures relatives au certificat
Lorsque la prise de mesures relatives au certificat est le processus de suivi choisi, elle doit être menée conformément aux dispositions de l’IP SUR-014. Cette IP s’applique aux inspecteurs de TC qui ont été délégués pour aborder des questions touchant la sécurité au nom du ministre des Transports, en rapport avec le paragraphe 7(1) (danger pour la sécurité ou la sûreté aérienne) et le paragraphe 7.1(1) (autres motifs) de la Loi sur l’aéronautique.
Ces délégués (agissant au nom du ministre) peuvent prendre des mesures relatives au certificat en vertu de l’article 7.1 de la Loi sur l’aéronautique pour les motifs suivants :
- Inaptitude : l’IP SUR-014 définit l’inaptitude comme « l’incapacité d’effectuer les activités autorisées par le [document d’aviation canadien] conformément à la réglementation et aux normes applicables à ce type d’activité Note de bas de page 139 ». Elle précise également que les mesures relatives au certificat fondées sur l’inaptitude ne s’appliquent qu’aux personnes, et non aux organisations.
- Cessation du respect des conditions : les mesures relatives au certificat prises en vertu de cette partie de la Loi sont appropriées lorsqu’un exploitant ne répond plus aux conditions de délivrance d’un certificat Note de bas de page 140.
- Intérêt public : on utilise cette catégorie « lorsque les antécédents de non-conformité sont suffisamment sérieux et répétés pour tirer comme conclusion qu’il existe un risque futur de contraventions additionnelles Note de bas de page 141 ». Pour prendre des mesures relatives au certificat en vertu de cet article de la Loi, l’IP SUR-014 stipule qu’il est approprié de tenir compte des antécédents, notamment les antécédents d’accident, les antécédents de conformité (dossiers de la Division de l’application de la loi en aviation), de même que les antécédents de surveillance, d’IVP ou d’évaluation qui sont liés à la conformité des systèmes.
En 2013, TC a publié le Bulletin interne de procédures (BIP) 2013-02 afin de communiquer des directives supplémentaires concernant la prise de mesures relatives au certificat. Le BIP faisait remarquer que certains inspecteurs croyaient ne pas avoir les outils qui conviennent pour prendre des mesures relatives au certificat lorsque c’est nécessaire. Le BIP 2013-02 stipulait que lorsque les inspecteurs choisissent de prendre des mesures relatives au certificat, « [d]es directives fonctionnelles peuvent être obtenues auprès de la Direction des normes Note de bas de page 142 ».
En 2015, pour donner suite au BIP 2013-02, TC a publié le BIP 2015-03 afin de présenter une politique générale sur les mesures relatives au certificat à TCAC. Dans la section du BIP qui portait sur l’approche progressive, il était indiqué que la décision de prendre des mesures relatives au certificat devrait être fondée sur plusieurs facteurs, soit le dossier de sécurité de l’entreprise, le nombre de constatations, la classification des constatations, l’historique de conformité de l’entreprise et la capacité de celle-ci à produire un PMC Note de bas de page 143. Plus précisément, le BIP indiquait que plus le nombre et la classification des constatations sont élevés, plus les mesures de suivi seront rigoureuses. Toutefois, le BIP 2015-03 ne donnait aucune autre directive permettant de déterminer les mesures de suivi les plus adéquates.
Plusieurs inspecteurs de TC qui ont été interviewés lors de cette enquête ont indiqué qu’ils avaient l’impression que la politique de l’approche progressive signifiait que les mesures d’application de la loi et/ou relatives au certificat ne pouvaient être prises qu’après avoir épuisé toutes les possibilités de recours au PMC. Cette impression était également cohérente avec l’IP SUR-001, édition 06, qui stipulait que « le processus de production d’un PMC doit être envisagé en premier lieu, suivi de la mesure d’application de la loi, de la surveillance accrue et enfin, de la mesure visant le certificat Note de bas de page 144 ».
L’enquête a également permis de déterminer que plusieurs inspecteurs régionaux de TC qui ont pris part à une évaluation de West Wind en 2016 (voir la section 1.17.1.7.6 : Évaluation de West Wind [septembre 2016]) croyaient que les avis de détection (c.-à-d., les mesures d’application de la loi) ne pouvaient pas être déposés contre une entreprise disposant d’un SGS à moins que cette entreprise ait eu d’abord la possibilité de régler les problèmes de non-conformité par le processus du PMC.
1.17.1.5 Diffusion des politiques et des procédures à Transports Canada
Lorsqu’un nouveau document est publié ou qu’une nouvelle édition d’un document existant est publiée, ce document est mis à la disposition de tout le personnel de TCAC comme suit :
- Il est ajouté au recueil de documents de l’Aviation civile.
- Il est rendu accessible par l’application mobile « Surveillance monTC » de TC.
- Il est mentionné dans un courriel mensuel envoyé à tous les membres du personnel qui les avise des nouvelles publications sur ces plateformes.
TC n’a pas de processus visant à s’assurer que les inspecteurs lisent ou examinent les nouvelles publications ou les publications mises à jour. Il incombe plutôt aux inspecteurs de le faire.
L’enquête a permis de déterminer que les inspecteurs consultent régulièrement la dernière IP en vigueur; toutefois, ils n’examinent normalement pas les documents justificatifs, qui peuvent compléter le contenu des IP. De plus, les inspecteurs n’examinent habituellement pas les nouvelles publications, à moins d’apprendre qu’elles sont pertinentes par rapport à leurs activités.
1.17.1.6 Efforts déployés par Transports Canada pour améliorer la surveillance de l’aviation commerciale
1.17.1.6.1 Généralités
Depuis 2015, Transports Canada a entrepris un certain nombre d’initiatives visant à améliorer la surveillance de l’aviation commerciale au Canada. Certaines de ces initiatives sont brièvement décrites ci-dessous.
1.17.1.6.2 Projet de transformation de l’Aviation civile de Transports Canada
En 2015, dans le cadre du projet de transformation de l’Aviation civile de TC, la surveillance nationale a été désignée comme l’un des nombreux domaines où intervenir. Afin de répondre aux préoccupations concernant la surveillance à l’échelle nationale de son programme de surveillance (préoccupations également relevées par le BST Note de bas de page 145), TC a établi un Bureau national de surveillance (BNS) et un Conseil consultatif de surveillance (CCS).
1.17.1.6.3 Bureau national de surveillance
Le BNS a été établi en 2015 pour aider à gérer la façon dont la surveillance de la sécurité est exercée et encadrée. Le BNS anime des discussions mensuelles avec la direction qui visent à examiner les risques en matière de surveillance nationale et régionale liés au rendement et à la conformité de l’industrie ainsi qu’au rendement de l’exécution de la surveillance. Ces discussions constituent une plateforme pour la prise de décisions sur des enjeux liés à des questions de surveillance complexes et pour la surveillance continue du rendement et de la conformité des entreprises.
1.17.1.6.4 Conseil consultatif de surveillance
Le CCS a été créé dans le but d’offrir [traduction] « du soutien et des recommandations aux directions opérationnelles pour aborder les préoccupations et traiter les décisions complexes de surveillance avec rapidité, efficacité et cohérence, ce qui permet aux directions opérationnelles de prendre rapidement des mesures à l’égard des titulaires de certificat qui ne respectent pas les exigences réglementaires Note de bas de page 146 ».
Avant la création du CCS, les bureaux régionaux de TC fonctionnaient en grande partie de façon isolée lorsqu’il s’agissait de choisir la méthode la plus appropriée pour régler les problèmes de non-conformité relevés au cours des activités de surveillance. Par conséquent, la façon dont les normes nationales étaient appliquées à l’échelle du pays variait considérablement Note de bas de page 147.
Les activités du CCS ont commencé en 2015 et, le 16 mars 2016, TC a publié le BIP 2016-04 pour communiquer les changements temporaires apportés aux IP SUR-001, IP SUR-002 et IP SUR-014 et présenter le processus et les critères de mobilisation du CCS.
Le BIP 2016-04 stipule que les directions générales opérationnelles doivent faire appel au CCS en soumettant un rapport d’enjeu du CCS de TCAC au BNS, dans les circonstances suivantes :
- Problèmes de non-conformité et décisions relatives à une surveillance accrue d’entreprises très connues
- Entreprises ayant fait l’objet d’un ou de :
- nombreux constats ou de constats sérieux;
- de récidives et/ou de non-conformité répétée;
- ou ayant pris des mesures correctives inefficaces
- Incidences pour le public ou le Ministre
- Mesures de certification pouvant avoir des incidences importantes pour le public ou la confiance du public Note de bas de page 148.
Le BIP 2016-04 encourage également les directions générales opérationnelles à consulter le BNS pour obtenir des directives sur l’application des critères susmentionnés.
En octobre 2017, TC a publié l’IP SUR-027, où il officialisait le CCS et décrivait son rôle. En mai 2020, TC a publié l’IP SUR-027, édition 02, qui intégrait, et donc annulait, le BIP 2016-04.
1.17.1.7 Surveillance de West Wind Aviation par Transports Canada
1.17.1.7.1 Évaluation de West Wind (du 18 au 22 janvier 2010)
En janvier 2010, TC a effectué une évaluation du SGS récemment mis en œuvre par West Wind Note de bas de page 149. L’évaluation a donné lieu à 13 constatations mineures et à 6 constatations modérées liées aux composantes du SGS. De plus, le rapport d’évaluation indiquait que le programme de gestion des risques de West Wind (c.-à-d., la composante 3.4 du SGS – Gestion des risques) ne satisfaisait pas à l’exigence réglementaire minimale suivante :
Une procédure structurée permet une gestion des risques qui comprend l’évaluation des risques se rattachant aux dangers décelés, et exprimés en termes de gravité et de probabilité de réalisation et, le cas échéant, de niveau d’exposition Note de bas de page 150.
L’évaluation a permis de déterminer que [traduction] « le SGS de West Wind Aviation Limited ne répond pas entièrement aux exigences réglementaires applicables d’un système qui est documenté, mis en œuvre, utilisé et efficace Note de bas de page 151 ». West Wind était tenue par la politique de TC de produire des PMC en réponse aux constatations de l’évaluation. Le 13 octobre 2010, TC a informé West Wind que toutes les mesures correctives et les mesures de suivi avaient été effectuées et que l’évaluation était considérée comme terminée Note de bas de page 152.
À la suite de l’évaluation de 2010, TC a considéré West Wind comme une entreprise soumise à un SGS; toutefois, TC n’a pas été en mesure de fournir de la documentation démontrant que West Wind satisfaisait à toutes les exigences réglementaires pour avoir le statut d’entreprise soumise à un SGS.
1.17.1.7.2 Inspection de validation de programme (du 7 au 11 mars 2011)
Du 7 au 11 mars 2011, TC a effectué une IVP de West Wind. L’objectif déclaré était de [traduction] « vérifier si l’organisation dispose d’un programme d’assurance de la qualité et d’un système de contrôle opérationnel efficaces Note de bas de page 153 ».
Le rapport issu de l’IVP déclarait ceci [traduction] : « Votre organisation a démontré que les domaines de l’assurance de la qualité et de la surveillance de la sécurité n’étaient pas conformes aux exigences réglementaires minimales énoncées à l’article 107.03 du RAC Note de bas de page 154. » Le rapport faisait état de 6 constatations de non-conformité, dont 3 étaient classées comme mineures et 3 comme modérées. Les constatations de l’IVP de 2011 ont été traitées dans le cadre de PMC qui ont été mis en œuvre et clos en temps opportun. Le 16 janvier 2012, TC a informé West Wind que toutes les mesures correctives et les mesures de suivi avaient été effectuées et que l’IVP était considérée comme close.
1.17.1.7.3 Inspection de validation de programme (du 21 au 24 février 2012)
Du 21 au 24 février 2012, TC a effectué une IVP de West Wind. L’objectif déclaré était de [traduction] « vérifier si l’organisation dispose d’un programme d’assurance de la qualité et d’un système de surveillance de la sécurité efficaces ». Tout comme le rapport de l’IVP de 2011, celui de 2012 déclarait ceci [traduction] : « Votre organisation a démontré que les domaines de l’assurance de la qualité et de la surveillance de la sécurité n’étaient pas conformes aux exigences réglementaires minimales énoncées à l’article 107.03 du RAC Note de bas de page 155. » Toutefois, le rapport de TC n’incluait pas de constatation portant spécifiquement sur la surveillance de la sécurité interne à West Wind. Le rapport contenait 5 constatations, dont 1 classée comme mineure et 4 comme modérées. Le BST n’a pas été en mesure de confirmer, à partir de la documentation fournie par TC, que le PMC de l’IVP de 2012 avait été vérifié au moyen d’un suivi approprié et que l’IVP était considérée comme close.
1.17.1.7.4 Inspection de validation de programme (du 21 au 25 janvier 2013)
Du 21 au 25 janvier 2013, TC a effectué une IVP de West Wind pour [traduction] « vérifier si l’organisation dispose d’un programme d’assurance de la qualité et d’un système de surveillance de la sécurité efficaces [...] afin de déterminer l’efficacité des systèmes de l’entreprise Note de bas de page 156 ». L’équipe de l’IVP s’est appuyée sur l’annexe B de l’IP SUR-001 pour déterminer le degré de conformité avec le RAC ainsi qu’avec les manuels et documents approuvés de l’entreprise Note de bas de page 157. L’IVP de janvier 2013 a donné lieu à 7 constatations, dont 3 classées comme mineures, 3 comme modérées et 1 comme majeure. La constatation majeure concernait la formation, la sensibilisation et les compétences.
West Wind a présenté un PMC à TC le 25 mars 2013. Le 27 août 2013, TC a envoyé une lettre à West Wind indiquant que [traduction] « toutes les mesures correctives et les mesures de suivi relatives aux constatations de l’IVP ont maintenant été effectuées; l’IVP est considérée comme close Note de bas de page 158 ».
1.17.1.7.5 Surveillance de routine (de septembre 2013 à août 2016)
De septembre 2013 à août 2016, TC a mené les activités de surveillance suivantes à l’égard de West Wind :
- un examen administratif des documents;
- des contrôles effectués par les pilotes-vérificateurs agréés (PVA);
- des vérifications en vol de la sécurité des cabines.
Ces activités ne sont pas régies par l’IP SUR-001.
Pendant cette période de 3 ans, West Wind n’a fait l’objet d’aucune autre activité de surveillance, comme des évaluations, des IVP ou des inspections du processus.
1.17.1.7.6 Évaluation de West Wind (septembre 2016)
Généralités
Le 20 juillet 2016, l’AC a approuvé un plan d’évaluation pour West Wind, et une équipe de 12 inspecteurs a été chargée d’effectuer une évaluation, conformément à l’IP SUR-001, du 29 août au 23 septembre 2016.
Plan d’évaluation
L’objectif de l’évaluation Note de bas de page 159 était d’évaluer le SGS de West Wind, y compris toutes les composantes et tous les éléments; l’organisme d’entretien d’aéronefs; et les éléments liés au certificat d’exploitation aérienne, comme la formation, le contrôle opérationnel, l’assurance de la qualité et la capacité de l’entreprise à maintenir la conformité avec le RAC.
Activités sur place du 12 au 16 et du 19 au 23 septembre 2016
À l’issue de la première période sur place, du 12 au 16 septembre 2016, l’équipe d’évaluation a relevé plusieurs problèmes (annexe B), notamment les documents de formation de l’exploitant, et a noté qu’il manquait à ces programmes de formation des éléments nécessaires pour respecter les Normes de service aérien commercial (NSAC) Note de bas de page 160. Par conséquent, elle a émis 3 constatations majeures sur place exposant en détail les préoccupations concernant les programmes de formation de l’entreprise Note de bas de page 161.
Le 16 septembre 2016, West Wind a répondu à la constatation sur place 01 par un PMC à court terme. En vertu de ce PMC à court terme, que TC a accepté, West Wind a immédiatement interdit de vol tous les pilotes d’ATR 42 Note de bas de page 162 jusqu’à ce que les problèmes relevés concernant le programme de formation sur ATR 42 de l’entreprise, assujetti à la sous-partie 705, soient résolus. Le 19 septembre 2016, les équipages de vol de l’ATR 42 de West Wind ont été formés à nouveau et les opérations aériennes ont repris.
West Wind a également produit des PMC à court terme pour les constatations sur place 02 et 03, que TC a approuvés le 20 septembre 2016. En conséquence, la compagnie a volontairement imposé une interdiction de vol pour ses opérations régies par les sous-parties 703 et 704 jusqu’à ce que les problèmes semblables liés à ces programmes de formation soient résolus.
Le 19 septembre 2016, comme l’indique le rapport de surveillance, TC a annulé les autres activités d’évaluation [traduction] « en raison de l’importance et des classifications des non-conformités, y compris les lacunes systémiques du système de gestion de la sécurité de West Wind Aviation Limited Note de bas de page 163 ». Ces activités prévues comprenaient des inspections en vol, des inspections sur l’aire de trafic et des entrevues Note de bas de page 164.
Le 21 septembre 2016, des discussions ont eu lieu à TC au sujet de la possibilité d’émettre un avis de suspension à West Wind, mais un tel avis a été jugé contre-productif, parce que West Wind s’efforçait de répondre aux constatations sur place Note de bas de page 165. Il a été décidé de compléter les constatations et de s’assurer d’obtenir tous les documents justificatifs.
Le 23 septembre 2016, l’équipe d’évaluation a tenu une réunion de clôture avec des cadres supérieurs et des directeurs de West Wind. Au cours de la réunion de clôture, l’équipe a informé West Wind que les lacunes relevées pourraient mener à des mesures d’application de la loi, à une SA ou à la prise de mesures relatives au certificat Note de bas de page 166.
Prise de décisions après la surveillance
Dans les 2 semaines suivant la fin de l’évaluation de 2016, en raison de l’ampleur et de la gravité des constatations, l’AC a décidé que l’entreprise serait assujettie à une SA.
À l’époque, le personnel régional de TC croyait que l’approche progressive de TC ne permettait pas d’émettre un avis de suspension à une entreprise soumise à un SGS, et qu’il fallait plutôt donner à l’entreprise la possibilité de corriger les non-conformités relevées au moyen du processus du PMC. De même, l’équipe n’a pas envisagé de faire appel au CCS ou au BNS, puisqu’elle n’en connaissait pas l’existence, pas plus qu’elle ne connaissait l’existence ou le contenu du BIP 2016-04.
Rapport d’évaluation
Le 9 novembre 2016, l’AC a envoyé le rapport d’évaluation à West Wind Note de bas de page 167. Le résumé du rapport indiquait [traduction] : « à la suite de cette activité de surveillance, West Wind Aviation Limited est assujettie à une surveillance accrue Note de bas de page 168 » réalisée conformément à l’IP SUR-002. Le rapport indiquait également que d’autres détails sur le processus de SA seraient fournis ultérieurement.
L’évaluation de 2016 de West Wind a donné lieu à 10 constatations : 3 constatations majeures qui ont été émises sur place, ainsi que 5 constatations majeures et 2 constatations modérées additionnelles qui ont été émises par la suite (annexe C).
Le rapport d’évaluation a conclu que l’entreprise devait présenter des PMC pour répondre à toutes les constatations au plus tard le 28 décembre 2016 et que TC effectuerait un suivi supplémentaire pour s’assurer que les PMC réglaient les non-conformités. Le rapport indiquait également que les 3 constatations sur place seraient envoyées à l’équipe de l’Application de la loi de TC pour qu’elle effectue un examen plus approfondi et que les autres constatations seraient examinées par rapport aux PMC fournis afin de déterminer si d’autres mesures seraient nécessaires.
Suivi de l’évaluation de septembre 2016
West Wind a présenté des PMC pour toutes les constatations de l’évaluation dans le délai prescrit (c.-à-d., dans les 30 suivant la réception du rapport de non-conformité).
Le 22 décembre 2016, TC a informé West Wind que tous les PMC avaient été acceptés et que la vérification sur place de la mise en œuvre et de l’efficacité des PMC aurait lieu à une date ultérieure non précisée Note de bas de page 169. Toutefois, au moment de l’accident (soit environ 12 mois plus tard), certains des PMC à long terme n’avaient pas encore été vérifiés par TC.
1.17.1.7.7 Surveillance accrue
Le 12 décembre 2016, TC a envoyé à West Wind une lettre l’informant à nouveau que l’entreprise serait assujettie à une SA en raison de problèmes systémiques de non-conformité relevés pendant l’évaluation Note de bas de page 170.
TC a consigné avoir tenu une réunion initiale sur la SA avec la direction de West Wind sur une période de 2 jours (les 20 et 21 décembre 2016) Note de bas de page 171 ; toutefois, TC n’a pas été en mesure de fournir au BST de documents concernant les détails de cette réunion.
Selon l’IP SUR-002, le gestionnaire de la surveillance de la SA doit élaborer un plan de SA. Le BST a demandé une copie du plan de SA de West Wind à TC. Toutefois, TC n’a pas pu produire de plan de SA ni de dossier indiquant qu’un plan de SA avait été envisagé pour West Wind. TC n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi aucun plan de SA de West Wind n’avait été élaboré Note de bas de page 172.
De décembre 2016 à avril 2017, dans le cadre de la SA, TC a mené chez West Wind plusieurs activités de surveillance, notamment la surveillance de la formation, l’examen des vérifications de l’assurance de la qualité et des rapports du SGS, et l’évaluation de l’efficacité des PMC qui découlaient de l’évaluation de 2016.
En avril 2017, l’AC et l’équipe de SA ont examiné les dossiers de SA et ont conclu que l’entreprise n’était pas en mesure de démontrer qu’elle avait [traduction] « les ressources, la capacité ou la volonté permettant de mettre en œuvre les changements systémiques nécessaires pour respecter les exigences applicables ». Par conséquent, conformément à l’IP SUR-002 Note de bas de page 173, TC a décidé que West Wind n’était pas prête à mettre fin à la SA et que celle-ci se poursuivrait Note de bas de page 174.
D’avril à décembre 2017, dans le cadre de la SA se poursuivant, TC a effectué et documenté un certain nombre d’activités de surveillance qui ont eu lieu à l’occasion d’au moins 17 visites distinctes chez l’exploitant. Ces activités comprenaient la surveillance de la formation et des vols de vérification de compétence, des inspections des opérations de vol et de la sécurité des cabines, des réunions avec la direction, des entrevues avec les candidats éventuels à la direction, ainsi que des examens des documents et des processus.
Au moment de l’événement, West Wind était assujettie à une SA depuis près de 12 mois; toutefois, pendant la période de SA, on n’a jamais fait appel au CCS ou consulté le BNS en ce qui concerne la meilleure façon de gérer la surveillance et l’encadrement de West Wind.
1.17.1.7.8 Inspection du processus et suspension du certificat après l’événement
À la suite de l’événement, les 18 et 20 décembre 2017, TC a effectué une inspection du processus au siège de West Wind. Le 20 décembre 2017, TC a émis une constatation majeure sur place en raison de plusieurs non-conformités avec l’article 705.02 du RAC. TC a conclu qu’il y avait une perte de contrôle opérationnel et soupçonnait que cette perte de contrôle opérationnel touchait également les opérations régies par les sous-parties 703 et 704.
En réponse, West Wind a temporairement cessé toutes les activités de transport aérien (sous-partie 705 du RAC) et, peu après, toutes les activités (c.-à-d., y compris les sous-parties 703 et 704 du RAC) en attendant une analyse complète de ses systèmes et processus.
Le 21 décembre 2017, le CCS s’est réuni pour aider à déterminer la ligne de conduite la plus adéquate. À la suite de ces discussions, TC était d’avis qu’il existait une menace immédiate pour la sécurité aérienne en raison d’un manque de contrôle opérationnel à West Wind et qu’il était dans l’intérêt public de suspendre le certificat d’exploitation aérienne de West Wind Note de bas de page 175.
Le 22 décembre 2017, TC a émis un avis de suspension à West Wind, qui entrait en vigueur immédiatement. L’avis de suspension invoquait les motifs de la suspension, notamment Note de bas de page 176 :
- Les équipages de conduite n’effectuent pas systématiquement des vérifications quotidiennes de la sécurité des aéronefs.
- L’exploitant ne gérait pas efficacement les vols dans des conditions de givrage connues possibles à destination d’endroits éloignés.
L’une des conditions pour annuler la suspension indiquées dans l’avis de suspension était que l’exploitant dispose d’un SGS fonctionnel qui satisfaisait aux exigences du RAC.
1.17.1.7.9 Planification de la surveillance pour West Wind
Afin de mieux comprendre la planification de la surveillance de West Wind par Transports Canada, l’enquête a porté sur les cotes de profil de risque de l’entreprise dans le SGINSA et l’interprétation de ces cotes par Transports Canada.
De juin à novembre 2012, TC a établi un profil de référence du SGINSA pour West Wind en se servant des 77 questions fermées pour produire un NIR Note de bas de page 177. Selon le NIR et le niveau d’indicateur de risque, la valeur de la matrice d’intervalle de surveillance de West Wind a été cotée à 2D, soit un faible risque et un impact élevé (voir l’annexe D). Conformément à l’IP SUR-008, une entreprise soumise à un SGS ayant la cote 2D est assujettie à un intervalle d’évaluation de 4 ans; toutefois, il n’y a aucune exigence quant aux IVP prévues. Compte tenu des constatations de non-conformité de 2010, 2011 et 2012 chez West Wind, l’équipe d’enquête a cherché à mieux comprendre la justification de la cote 2D, puisque TC n’avait pas été en mesure de fournir une telle justification.
L’équipe d’enquête s’est penchée sur le profil de risque de West Wind selon le SGINSA (annexe E). Lorsqu’un changement est apporté la réponse à 1 des 77 questions utilisées pour déterminer le profil de risque de l’entreprise, la date du changement est indiquée. Si la réponse à la question ne change pas, la date du dernier changement demeure. Sur les 77 réponses, 55 ont été modifiées pour la dernière fois en 2012, 7 en 2013, aucune en 2014, 1 en 2015, 13 en 2016 et 1 en 2017.
Cette absence de mises à jour en temps opportun du SGINSA a été relevée dans un rapport d’enquête sur un accident antérieur du BST Note de bas de page 178. De même, le rapport Printemps 2012 — Rapport du vérificateur général du Canada a souligné que « les données servant à évaluer les indicateurs de risques que Transports Canada utilise pour repérer les compagnies aériennes à risques élevés qui devraient être inspectées ne sont pas toujours disponibles ni à jour Note de bas de page 179 ».
L’impression d’écran du SGINSA pour West Wind pour cette période indique également que toutes les réponses ont été vérifiées en 2013, 2014, 2015 et 2016; toutefois, pour l’année de planification 2013-2014, les constatations sous « résultats de la surveillance » ont été classées à tort comme étant modérées, et la constatation majeure soulevée lors de l’IVP de janvier 2013 n’a pas été consignée comme une constatation majeure. En raison de cette dernière erreur, la cote de profil de risque de West Wind a maintenu l’intervalle de surveillance de l’entreprise à 4 ans. Si la constatation majeure avait été correctement saisie dans le SGINSA, l’entreprise aurait reçu la cote 3e et aurait donc été assujettie à une IVP tous les 3 ans et à une évaluation tous les 5 ans.
Pour l’année de planification 2017-2018, la valeur de la matrice d’intervalle de surveillance a été portée à 4E en réponse aux 8 constatations majeures relevées au cours de l’évaluation de 2016. Cela a fait passer l’intervalle de surveillance de l’entreprise à une IVP tous les 2 ans et à une évaluation tous les 4 ans.
1.17.2 West Wind Aviation L.P.
1.17.2.1 Généralités
West Wind a été fondée en 1983. Les bureaux administratifs et la principale base d’exploitation de West Wind sont situés à Saskatoon (Saskatchewan). Des sous-bases sont situées à La Ronge et à Stony Rapids (Saskatchewan). Au moment de l’événement, l’entreprise employait environ 153 personnes, dont 53 pilotes.
L’organisation fournit des services de transport aérien nationaux et internationaux réguliers et non réguliers pour les passagers et tous les types de marchandises, y compris les marchandises dangereuses. Au moment de l’accident, l’entreprise exploitait 5 aéronefs ATR 42 en vertu de la sous-partie 705 du RAC, ainsi que plusieurs autres types d’aéronefs en vertu des sous-parties 703 et 704 du RAC.
1.17.2.2 Structure organisationnelle
La structure organisationnelle de West Wind est décrite en détail à la figure 34. Du côté opérationnel de la structure, les 2 pilotes en chef relèvent directement du directeur des opérations aériennes (DOA) Note de bas de page 180, tandis que le gestionnaire du SGS relève à la fois du DOA et du directeur de l’entretien.
1.17.2.2.1 Changements dans le personnel
Entre 2010 et 2017, le poste de DOA a été occupé par 7 personnes et celui de pilote en chef des opérations régies par les sous-parties 703 et 704 a été occupé par 4 personnes.
Le 19 septembre 2016, le DOA a assumé le rôle supplémentaire de pilote en chef intérimaire des opérations régies par la sous-partie 705 afin de remplacer le pilote en chef intérimaire, qui prenait sa retraite plus tard ce mois-là. Peu après, l’entreprise a effectué une évaluation interne des risques afin d’examiner les risques liés au remplacement du pilote en chef précédent, qui occupait ce poste depuis 13 ans.
L’évaluation des risques a permis de déterminer que le risque associé au fait d’affecter le DOA au poste de pilote en chef jusqu’à ce qu’un candidat permanent puisse être trouvé était le suivant [traduction] : « des changements au sein de la direction peuvent entraîner une perte de contrôle opérationnel ». Le risque a été évalué comme étant « faible », et un PMC a été élaboré et accepté par le DOA.
Le rapport décrivait divers contrôles des risques liés à l’embauche d’un nouveau pilote en chef; toutefois, aucun contrôle des risques n’était axé sur les pressions supplémentaires exercées sur le DOA en raison de la charge de travail accrue associée à l’exercice des fonctions de pilote en chef, car cette pression n’avait pas été expressément cernée comme un risque Note de bas de page 181.
Le 22 décembre 2016, TC a approuvé le poste à double rôle de DOA et pilote en chef des opérations régies par la sous-partie 705 pour une période de 1 an se terminant le 1er janvier 2018 Note de bas de page 182. À la fin de décembre 2016, le DOA avait assumé les rôles et responsabilités du pilote en chef des opérations régies par la sous-partie 705. Parallèlement, le poste de directeur, Normes réglementaires et conformité, a été éliminé à West Wind, et les fonctions attribuées à ce poste ont été transférées au DOA.
À l’été 2017, le DOA a annoncé qu’il prendrait sa retraite à compter du 3 novembre 2017. Puisque ce changement pouvait présenter un risque pour les opérations, West Wind a élaboré un modèle de sécurité Note de bas de page 183 en août 2017 Note de bas de page 184. Le modèle de sécurité, que West Wind a présenté à TC dans le cadre du processus de demande et d’approbation pour la nomination d’un nouveau DOA, cernait plusieurs secteurs à risques et mesures de contrôle visant à réduire les risques associés à l’embauche d’un nouveau candidat.
Après le départ du DOA, et environ 1 mois avant l’accident, West Wind a affecté des personnes différentes aux postes de pilote en chef des opérations régies par la sous-partie 705 et de DOA, mettant fin au double rôle.
1.17.2.3 Manuel d’exploitation de West Wind
Les politiques de West Wind qui sont communes à toutes les opérations aériennes de l’entreprise sont contenues dans le manuel d’exploitation de l’entreprise, intitulé West Wind Aviation L.P. Operations Manual (COM). Ce manuel comprend plusieurs parties : West Wind Aviation 705 Operations Manual [manuel des opérations régies par la sous-partie 705 de West Wind Aviation], West Wind Aviation 703/704 Operations Manual [manuel des opérations régies par les sous-parties 703 et 704 de West Wind Aviation], Flight Dispatch Operational Control Manual [manuel de contrôle opérationnel de la répartition des vols] et Flight Crew Training Manual [manuel de formation des équipages de conduite].
Le COM fournit les renseignements exigés par le RAC et les NSAC. Il est censé mettre en œuvre, et dans certains cas compléter, les exigences du RAC et des NSAC. Le COM de West Wind et ses modifications ont été examinés et approuvés par TC.
Le personnel des opérations aériennes doit connaître le contenu du COM et en respecter les politiques et procédures. Une formation offerte par l’entreprise à ses employés est requise pour couvrir les renseignements nécessaires exposés en détail dans les manuels et les procédures de l’entreprise et dans les règlements de TC.
1.17.2.4 Méthodes employées par West Wind pour surveiller les opérations aériennes
West Wind employait plusieurs méthodes pour surveiller le rendement des équipages de conduite et le respect des politiques et des procédures de l’entreprise, notamment :
- la formation technique initiale au sol, qui donnait l’occasion de familiariser les pilotes avec la philosophie, les politiques et les procédures d’exploitation de l’entreprise (COM de West Wind), l’AFM, le FCOM, le manuel de référence rapide et les procédures d’exploitation normalisées (SOP) de West Wind pour l’ATR 42;
- la formation initiale sur simulateur, pendant laquelle les pilotes recevaient une formation qui renforçait la philosophie, les politiques et les procédures d’exploitation de l’entreprise;
- les contrôles de la compétence du pilote, qui étaient des contrôles du rendement effectués dans un simulateur afin de vérifier si les pilotes satisfaisaient à la norme requise et de valider le processus de formation;
- l’entraînement en ligne, dispensé par les pilotes instructeurs pour exposer les pilotes à l’environnement opérationnel de l’entreprise et pour renforcer la philosophie, les politiques et les procédures d’exploitation de l’entreprise;
- les vérifications de compétence en ligne, qui avaient lieu après la formation préparatoire au vol, dans le but de vérifier si le rendement des pilotes satisfaisait à la norme requise;
- la formation périodique, qui comprenait une formation annuelle au sol et sur simulateur offrant des possibilités de renforcer la philosophie, les politiques et les procédures d’exploitation de l’entreprise;
- les contrôles de la compétence du pilote et les vérifications de compétence en ligne périodiques, qui offraient chaque année à l’entreprise une autre occasion de vérifier si les pilotes satisfaisaient à la norme requise et respectaient les politiques et les procédures de l’entreprise;
- les rapports des services de ligne, qui offraient à la direction de l’entreprise une occasion limitée de surveiller les opérations aériennes, selon les rapports des commandants de bord;
- les vols avec la direction, au cours desquels les gestionnaires des opérations aériennes de l’entreprise volaient périodiquement avec des pilotes de ligne, ce qui leur donnait l’occasion d’observer directement le rendement des pilotes.
1.17.2.4.1 Suivi des données de vol
Le suivi des données de vol (FDM) est un programme destiné à améliorer la sécurité aérienne en fournissant plus d’information sur les opérations aériennes et une meilleure compréhension de celles-ci grâce à un enregistrement sélectif automatisé de données et à l’analyse automatique de ces données par rapport aux données objectives générées en cours de vol. Le FDM est aussi appelé assurance de la qualité des opérations aériennes (AQOA) ou analyse des données de vol.
Un programme de FDM a pour but de permettre à un exploitant de déterminer, de quantifier, d’évaluer et de gérer les risques opérationnels par la collecte discrète et anonyme de données de vol électroniques tirées d’activités opérationnelles courantes. L’analyse proactive et non punitive de ces données anonymisées améliore la sécurité aérienne par l’élaboration et la mise à jour de programmes de formation, de politiques et de procédures visant à gérer les risques décelés et à mesurer les résultats de ces initiatives.
Le FDM a été mis en œuvre dans de nombreux pays, et il est largement reconnu comme un outil rentable d’amélioration de la sécurité. Aux États-Unis et en Europe, de nombreux transporteurs ont un tel programme depuis des années.
Au Canada, les transporteurs ne sont pas tenus d’avoir un programme de FDM. Toutefois, de nombreux exploitants téléchargent régulièrement leurs données de vol pour effectuer le FDM des opérations normales. Les transporteurs aériens qui se sont dotés de programmes de FDM ont eu recours aux données de vol pour déceler des problèmes comme les approches non stabilisées et les approches précipitées, les dépassements des vitesses maximales volets sortis, les angles d’inclinaison excessifs après le décollage, les événements de surchauffe moteur, les dépassements des seuils de vitesse recommandés, les alertes du système d’avertissement de proximité du sol ou du système d’avertissement et d’alarme d’impact, l’amorce d’un décrochage, les taux de rotation excessifs, les sorties de la trajectoire de descente et l’accélération verticale Note de bas de page 185.
Au moment de l’accident, West Wind n’avait pas mis en place de programme de FDM ou d’AQOA. En mars 2014, un nouvel employé a été embauché et, à la suite de l’évaluation de TC réalisée en 2016, est devenu le coordonnateur de l’AQOA et le coordonnateur de la sécurité et des marchandises dangereuses. Le nouveau coordonnateur de l’AQOA a commencé à déployer des efforts pour mettre en œuvre un système officiel d’AQOA, mais la direction de West Wind a mis ces efforts en suspens lorsque l’organisme de réglementation a amorcé la SA. Par conséquent, aucun programme d’AQOA ou de FDM n’était en place au moment de l’accident.
1.17.2.5 Culture de la sécurité
La culture de la sécurité est la façon dont la sécurité est perçue, valorisée et priorisée au sein d’une entreprise. La mise en place d’une culture de sécurité positive Note de bas de page 186 pose de nombreux défis; il s’agit néanmoins d’une première étape nécessaire dans la définition des valeurs, des attitudes et des comportements dont les exploitants ont besoin pour gérer efficacement les risques liés à leurs activités. Concrètement, la gestion proactive de la sécurité peut contribuer à établir ou à appuyer une culture de sécurité positive.
D’après l’OACI :
[u]n [sic] saine culture de sécurité recherche des améliorations, reste vigilante et consciente des dangers et utilise des systèmes et des outils pour la surveillance continue, l’analyse et les investigations. Elle doit exister aussi bien au niveau des organismes d’aviation nationaux qu’au niveau des organismes fournisseurs de produits et de services. D’autres caractéristiques d’une saine culture de sécurité sont l’engagement partagé du personnel et de la direction vis-à-vis des responsabilités personnelles en matière de sécurité, la confiance dans le système de sécurité et un ensemble de règles et de politiques bien documentées. C’est au niveau du management de l’organisation que se situe la responsabilité ultime de l’établissement et du respect de saines pratiques de sécurité. Une culture de sécurité ne peut être efficace que si elle est ancrée dans la culture d’une organisation elle-même Note de bas de page 187.
Une solide culture de sécurité se développe à partir de la haute gestion de l’organisation, et se caractérise par des processus proactifs visant à déterminer, à évaluer et à atténuer les risques opérationnels. Si des conditions dangereuses passent inaperçues, ne sont pas corrigées ou ne sont pas priorisées efficacement par l’exploitant, cela pourrait entraîner une plus grande acceptation de ces risques à tous les échelons de l’organisation, ce qui réduirait l’efficacité du SGS de l’exploitant et son rendement au chapitre de la sécurité. La hiérarchie des influences sur la façon dont le travail est accompli au sein d’une organisation a été décrite comme étant les « 4 P » Note de bas de page 188 :
- Philosophie : la philosophie d’une organisation fournit une description générale de la façon dont elle veut fonctionner et communique les valeurs dans l’ensemble de l’organisation.
- Politiques : les politiques d’une organisation fournissent une description générale de la façon dont la direction s’attend à ce que les tâches soient exécutées.
- Procédures : les procédures d’une organisation stipulent les étapes précises qu’une personne doit suivre pour accomplir une tâche. Elles opérationnalisent la philosophie et les politiques en indiquant comment on doit exécuter le travail.
- Pratiques : les pratiques d’une organisation reflètent ce qui se passe réellement durant les activités quotidiennes. Dans un monde idéal, les pratiques suivraient les procédures à la lettre. Toutefois, en réalité et pour toutes sortes de raisons, les pratiques peuvent s’écarter des procédures.
Parmi les indicateurs d’une culture de sécurité positive, notons l’harmonisation des 4 P et les efforts déployés pour cerner les lacunes et s’améliorer continuellement. Si les 4 P ne sont pas axés sur la sécurité et ne sont pas harmonisés pour atteindre l’objectif de niveau supérieur de la sécurité des opérations, c’est le signe d’une culture de sécurité inadéquate au sein d’une organisation.
1.17.2.6 Gestion de la sécurité chez West Wind
1.17.2.6.1 Généralités
Un SGS offre une approche officialisée de la gestion de la sécurité au moyen des processus et des structures mis en place par une organisation pour l’aider à cerner les dangers et à atténuer efficacement les risques connexes Note de bas de page 189. Selon l’OACI, cela comprend l’établissement de responsabilités, de politiques et de procédures Note de bas de page 190. Pour être efficace, un SGS doit être appuyé par une culture de sécurité offrant l’engagement, les compétences et les connaissances nécessaires à l’élaboration et à la mise à jour d’activités de gestion de la sécurité Note de bas de page 191.
Le défi pour une organisation consiste à recueillir et à analyser des renseignements utiles qui permettent de mieux comprendre le niveau réel de sécurité au sein de l’opération, c’est-à-dire cerner les nouveaux dangers, les défenses qui ne fonctionnent pas comme prévu, les procédures qui ne sont pas utilisées ou les pratiques qui augmentent le risque.
Comme l’exige l’article 107.01 du RAC, West Wind a élaboré et mis à jour un SGS pour ses opérations régies par la sous-partie 705 et pour son organisme de maintenance agréé. Le SGS de l’entreprise a été appliqué à tous les aspects de l’exploitation de West Wind. La politique de sécurité de l’entreprise, qui est signée par le cadre supérieur responsable, est incluse dans le manuel du SGS et stipule que [traduction] « [t]ous les employés, y compris le cadre supérieur responsable, sont responsables de s’assurer que les activités sont régies par la sécurité en tout temps Note de bas de page 192 ».
1.17.2.6.2 Promotion de la sécurité et formation
West Wind fait la promotion de la sécurité au moyen de babillards, de bulletins, de messages, de notes de service internes, de leçons apprises et d’autres renseignements sur la sécurité.
Tous les employés reçoivent une formation initiale et une formation annuelle périodique sur le SGS. West Wind utilise la formation en ligne sur le SGS comme principale méthode de formation du personnel de l’entreprise. Le manuel du SGS stipule que le programme de formation en ligne peut être complété par une formation en classe, une formation individuelle ou une formation personnalisée; toutefois, il n’explique pas les circonstances dans lesquelles cela peut se produire Note de bas de page 193.
La formation sur le SGS offerte par l’entreprise aux employés touche plusieurs sujets, notamment la gestion des risques opérationnels, l’identification des dangers et le signalement des dangers et des erreurs. La durée des séances de formation initiale et périodique n’est pas décrite dans le manuel du SGS de West Wind.
1.17.2.6.3 Signalement des dangers
Selon l’OACI, le compte rendu volontaire en matière de sécurité est un outil proactif important qui peut être utilisé pour identifier les dangers avant qu’ils n’entraînent des conséquences négatives Note de bas de page 194. Dans ce contexte, le manuel du SGS de West Wind encourage [traduction] « l’échange ouvert et honnête d’information Note de bas de page 195 » et déclare que [traduction] « les enquêtes seront menées avec objectivité et confidentialité, comme en fait foi notre culture de signalement non punitive Note de bas de page 196 ».
L’enquête a permis de déterminer que West Wind encourageait le signalement des dangers par les employés et offrait une formation sur la façon d’utiliser le système de signalement en ligne du SGS, appelé Incident Reporter (annexe F).
Les dangers signalés à l’aide du système Incident Reporter sont consignés dans la base de données du SGS de l’entreprise. Une fois que le danger est consigné dans le système, le service du SGS mène une enquête et utilise la base de données pour saisir les renseignements clés sur la cause première, l’analyse des risques réalisée, ainsi que les PMC ou les contrôles des risques et les mesures de suivi subséquentes nécessaires, s’il y a lieu.
De 2008 à 2017, les employés de West Wind ont déposé un certain nombre de rapports du SGS (figure 35), portant sur une vaste gamme d’enjeux touchant tous les aspects de l’exploitation de l’entreprise. L’enquête a permis de déterminer que la plupart des rapports du SGS ont été déposés en réaction à un incident qui s’était déjà produit; toutefois, certains rapports proactifs ont également été découverts.
L’enquête a permis de déterminer que de 2014 jusqu’au vol à l’étude, West Wind a effectué 188 escales d’ATR 42 à CZFD, dont 101 au cours des mois d’octobre, de novembre et de décembre. Les 188 vols avaient un temps d’escale moyen de 25 minutes. Ce court temps d’escale indique que l’ATR 42 n’a probablement jamais été dégivré et qu’aucun décollage de CZFD n’a été retardé ou annulé en raison des conditions de givrage. En fait, les données d’enquête indiquent que certains décollages ont probablement été effectués avec de la glace sur l’aéronef.
Même si les 188 vols à destination de CZFD représentent un faible pourcentage du total des activités d’ATR 42 de West Wind, ils sont considérés comme représentatifs des activités de West Wind dans les endroits éloignés.
Un examen du système Incident Reporter du SGS de West Wind a fait ressortir divers signalements liés au givrage. Certains signalements portaient sur les procédures de dégivrage, les dangers associés à certains équipements de dégivrage et les annulations de vols attribuables au fait que l’équipement de dégivrage au sol était inutilisable dans les aéroports où cet équipement était habituellement disponible. Aucun des signalements sur le dégivrage ne portait spécifiquement sur le caractère inadéquat de l’équipement de dégivrage dans des aéroports comme CZFD ou CZWL, ou sur les départs effectués malgré la présence de contamination par la glace.
1.17.2.6.4 Gestion des risques de sécurité
L’une des 4 composantes d’un SGS est la gestion des risques de sécurité Note de bas de page 197. D’après l’OACI :
La gestion des risques de sécurité englobe l’évaluation des risques de sécurité et leur atténuation. Son objectif est d’évaluer les risques associés aux dangers identifiés et de développer et mettre en œuvre des atténuations efficaces et appropriées Note de bas de page 198.
La gestion des risques de sécurité est un processus qui comprend l’application systématique des politiques, des procédures et des pratiques de gestion pour s’assurer que le risque est ramené au niveau le plus faible raisonnablement réalisable Note de bas de page 199. Elle comprend l’observation des activités et des opérations de l’organisation, l’identification des dangers ou des risques et la détermination des mesures d’atténuation à prendre pour réduire les risques.
D’après l’OACI, « [i]l est essentiel de comprendre le système et son environnement d’exploitation pour réaliser une haute performance de sécurité Note de bas de page 200 ». Cela signifie que les facteurs environnementaux, s’ils sont présents, doivent être pris en compte pendant l’évaluation des risques de sécurité. De plus, les stratégies d’atténuation des risques doivent être continuellement examinées pour en vérifier l’efficacité.
Le chapitre 9 du Manuel de gestion de la sécurité de l’OACI fournit des conseils et des pratiques exemplaires à suivre pour gérer efficacement les risques de sécurité. La figure 36 décrit les grandes étapes du processus.
Un élément fondamental de la gestion des risques consiste à identifier correctement les dangers. Si une organisation n’identifie pas ces dangers ou ne les identifie pas correctement, le reste du processus sera faussé. Selon l’OACI, un danger est défini comme suit : « Situation ou objet pouvant causer un incident ou un accident d’aviation ou y contribuer Note de bas de page 201 ». L’OACI indique aussi que les gens confondent souvent les dangers avec leurs conséquences; la conséquence est un résultat potentiel du danger.
Si une entreprise effectue une évaluation des risques avant de commencer ses activités dans un nouvel aéroport, elle doit tenir compte des dangers potentiels qui pourraient se présenter. Une fois que les dangers associés à l’activité proposée ont été identifiés, ces dangers peuvent être examinés de plus près afin de déterminer si le risque est acceptable et si des stratégies d’atténuation des risques peuvent être mises en œuvre pour s’assurer que le risque demeure à un niveau acceptable.
Par exemple, la contamination des pistes représente un danger. La perte de maîtrise qui pourrait résulter de la contamination de la piste est la conséquence potentielle de ce danger. De même, le givrage est un danger associé aux activités hivernales, et la conséquence potentielle de ce danger est une perte de maîtrise, qui pourrait en fin de compte entraîner un accident. Si une entreprise n’identifie pas les dangers, elle aura une compréhension incomplète du risque qui existe et pourrait ne pas mettre en œuvre des stratégies adéquates d’atténuation des risques pour assurer des marges de sécurité adéquates.
Une fois que le danger et ses conséquences sont clairement identifiés, les prochaines étapes consistent à déterminer la probabilité et la gravité de la conséquence indésirable. Si le danger n’est pas clairement identifié, il est difficile d’identifier les conséquences potentielles, ce qui nuit alors à l’exactitude de l’évaluation du risque.
Dans la gestion des risques de sécurité, il peut parfois être difficile de déterminer quels dangers posent le plus grand risque Note de bas de page 202. De plus, la direction doit également établir des structures et des méthodes appropriées pour anticiper, limiter et contrôler les effets des imprévus qui menacent son organisation.
En raison de la pression exercée pour assurer la rentabilité dans un environnement dynamique et concurrentiel, les organisations ont tendance à migrer vers les limites du rendement acceptable Note de bas de page 203. En d’autres termes, elles « dérivent ». La dérive organisationnelle découle de processus normaux de conciliation des pressions différentielles exercées sur une organisation (efficience, utilisation de la capacité, sécurité) dans un contexte de technologie incertaine et de connaissances imparfaites Note de bas de page 204. Par conséquent, trouver l’équilibre entre les priorités concurrentes et la gestion des risques fait partie du processus décisionnel d’un gestionnaire.
1.17.2.6.5 Gestion des risques opérationnels
Selon le manuel du SGS de West Wind, l’entreprise dispose d’un programme de gestion des risques opérationnels (GRO) qui comprend des politiques, des instructions et des procédures à l’usage des employés pour gérer les risques pendant les activités quotidiennes et à l’usage de la direction pour prendre des décisions organisationnelles plus complexes (p. ex., croissance planifiée, acquisition, installations, procédures d’embauche et de formation). Le manuel du SGS indique que l’objectif de West Wind est de ramener le risque à un niveau acceptable et de former le personnel de l’entreprise à identifier les dangers et à atténuer les risques au moyen du programme de GRO de West Wind Note de bas de page 205.
Le manuel du SGS de West Wind indique que le programme de GRO de l’entreprise peut être utilisé dans tous les aspects des activités quotidiennes par les équipages de conduite, le personnel de maintenance et les équipes au sol, en mettant l’accent sur les principes suivants :
- N’accepter aucun risque inutile
- Prendre les décisions sur les risques aux niveaux appropriés
- N’accepter le risque que lorsque les avantages l’emportent sur les coûts
- Intégrer la GRO à la planification et aux politiques à tous les niveaux
Le manuel poursuit en indiquant que la GRO révélera parfois des dangers et des lacunes systémiques auxquels la direction peut remédier au moyen d’un processus approfondi de contrôle des risques. Pour cette raison, le manuel indique que [traduction] « il est essentiel [que] les employés signalent les dangers ou les lacunes à leur superviseur ou gestionnaire pour que l’on prenne des mesures correctives Note de bas de page 206 ».
Le manuel du SGS de West Wind indique que la GRO peut être appliquée aux activités quotidiennes et précise certains principes de base de GRO; toutefois, il n’énumère pas les étapes que le personnel opérationnel devrait suivre lorsqu’il applique la GRO aux activités quotidiennes.
1.17.2.6.6 Examens de la sécurité
Le manuel du SGS de West Wind décrit un processus interne appelé [traduction] « examen de la sécurité », bien que ce processus ne soit ni requis ni défini par la réglementation. Selon le manuel du SGS, les examens de la sécurité servent à mettre en œuvre des contrôles des risques en réponse à la [traduction] « planification détaillée d’une tâche, d’une activité ou d’un changement opérationnel proposés Note de bas de page 207 ».
Le manuel du SGS de West Wind indique que les examens de la sécurité devraient être élaborés, au minimum, dans les cas où
- on prévoit un changement opérationnel majeur,
- on prévoit un changement organisationnel majeur,
- il y a un changement dans le personnel clé,
- on envisage une nouvelle structure de route,
- on ajoute un autre type d’aéronef à la flotte, ou
- on prévoit une nouvelle zone géographique d’exploitation.
Au moment de l’événement, il n’y avait pas de procédure définie propre à l’examen de la sécurité. Au lieu de cela, lorsqu’un changement majeur se produisait, un examen de la sécurité était entrepris à l’aide du système Incident Reporter (annexe F), selon la même méthode employée pour les rapports du SGS (appelée la méthode du [traduction] « flux d’un rapport ») (annexe G). Selon le manuel du SGS, [traduction] « ce processus garantira que les causes profondes, les risques associés et les contrôles des risques requis sont identifiés pour les changements majeurs, les tâches proposées ou les changements opérationnels Note de bas de page 208 ».
1.17.2.6.7 Début des opérations à Fond-du-Lac
En 2014, West Wind se préparait à activer de nouvelles routes en vertu d’un contrat avec Pronto Airways Note de bas de page 209, une filiale de West Wind. Étant donné qu’il s’agissait d’une nouvelle structure de route et d’une nouvelle zone géographique, West Wind a entrepris un examen de la sécurité.
Le 28 mai 2014, on a entrepris la préparation de 2 rapports du SGS concernant des vols réguliers avec des aéronefs ATR 42 à destination de CZFD et de CZWL :
- SMS process report RMR002653: Narrow runways for ATR 42 aircraft [Rapport de processus du SGS RMR002653 : Pistes étroites pour les aéronefs ATR 42]
- SMS process report RMR002654: ATR 42 operations into Fond-du-Lac and Wollaston Lake [Rapport de processus du SGS RMR002654 : Opérations sur ATR 42 à destination de Fond-du-Lac et de Wollaston Lake]
Pistes étroites pour les aéronefs ATR 42
Le rapport de processus du SGS RMR002653 indiquait que les pistes de ces 2 aéroports avaient une largeur inférieure à 98 pieds, ce qui exigeait une modification à l’AFM de l’ATR 42 Note de bas de page 210.
Deux des 5 aéronefs ATR 42 de West Wind avaient déjà subi la modification appropriée, de sorte que le risque non atténué a été évalué comme étant faible. À titre de mesure corrective, l’entreprise a émis une note de service à l’ensemble des membres d’équipage et des répartiteurs de l’ATR 42. La note de service expliquait qu’une évaluation des risques avait été effectuée et que le risque était jugé acceptable. On y trouvait une copie de l’annexe 9 de l’AFM de l’ATR 42 concernant les opérations sur les pistes étroites.
Le 27 juin 2014, l’enquête du SGS a été close. Le risque résiduel suivant la mise en œuvre du PMC a été jugé faible. Le rapport du SGS a fait l’objet d’une vérification à l’interne et a été clos le 2 septembre 2014.
Au moment de l’événement, les renseignements contenus dans la note de service n’avaient pas encore été intégrés au COM, même si celui-ci avait été mis à jour 2 fois en 2015.
Opérations sur ATR 42 à destination de l’aéroport de Fond-du-Lac et de l’aéroport de Wollaston Lake
La préparation du rapport de processus du SGS RMR002654 a été amorcée afin de mener une évaluation des risques liés aux opérations sur ATR 42 prévues à CZFD et à CZWL. Le pilote en chef des opérations régies par la sous-partie 705 et le gestionnaire des agents de bord de West Wind, ainsi que le gestionnaire de Pronto Airways, ont reçu le mandat d’effectuer une évaluation de la GRO concernant les opérations proposées. Le gestionnaire de Pronto Airways est par la suite passé à West Wind, et il était commandant de bord du vol à l’étude.
Dans le rapport du SGS, comme résumé de l’événement ou du danger, on a inscrit [traduction] « effectuer une évaluation des risques pour l’ATR 42 effectuant des vols pour les opérations de service régulier de Pronto à destination de Fond du Lac et de Wolliston [sic] Lake ». De même, à la [traduction] « description détaillée de l’événement ou du danger », on a inscrit [traduction] « exercice de GRO pour les opérations proposées à destination de Fond du Lac et de Wollison [sic] Lake avec l’ATR 42 ».
Le rapport portait sur des questions liées à la logistique, qui allaient des fournitures du commissariat, de l’impact sur la répartition, des déplacements des aéronefs à destination et en partance du terminal (c.-à-d., circulation au sol ou remorquage), de la formation du personnel des services au sol, du chargement des aéronefs jusqu’à l’hébergement des membres d’équipage qui doivent passer la nuit sur place.
La section [traduction] « notes d’enquête » du rapport mentionne qu’il n’y avait [traduction] « aucun équipement de dégivrage capable de dégivrer un ATR 42 »; toutefois, cet élément n’a pas été identifié comme un danger et, par conséquent, aucun contrôle des risques n’a été indiqué pour atténuer le danger.
Compte tenu de la note d’évaluation générale de 28 obtenue en utilisant l’outil interne d’évaluation des risques de l’entreprise, le rapport du SGS estimait que le risque général posé par les dangers recensés était faible, et un PMC a été mis en place. Le PMC comprenait l’inspection de l’aérodrome, la prestation de manuels au personnel de l’aire de trafic, ainsi que l’élaboration de procédures claires concernant le commissariat, le positionnement sur l’aire de trafic et l’utilisation de groupes auxiliaires de bord. Une fois le PMC en place, l’équipe a avancé que le risque résiduel serait plus faible, car la gravité diminuerait de « majeure » à « mineure ». Le risque résiduel était toujours évalué comme étant « faible », mais avec une note inférieure, soit 14.
Le 10 septembre 2014, le DOA de West Wind a accepté le risque résiduel, et le rapport du SGS a été vérifié puis clos. Le lendemain, un ATR 42 de West Wind a effectué le premier vol à destination de CZFD.
Même si le rapport du SGS avait été clos et que les opérations avaient commencé, les mesures d’atténuation prévues dans le PMC pour régler les problèmes logistiques n’avaient pas été mises en œuvre au début des opérations et n’avaient toujours pas été mises en œuvre au moment de l’accident.
1.17.2.6.8 Examen d’octobre 2014 par Pronto Airways des opérations hivernales sur ATR 42
Le 23 octobre 2014, la gestionnaire générale de Pronto Airways a chargé un pilote de l’entreprise d’examiner l’infrastructure hivernale de soutien aux vols d’ATR 42 à CZFD, CZWL et 2 autres aéroports. L’attribution de tâche mentionnait expressément l’équipement de dégivrage et les coûts liés à l’équipement et à la formation. West Wind n’a pas pu fournir de documents décrivant les résultats de cet examen ou les mesures prises en conséquence.
Le 30 octobre 2014, le DOA de West Wind a envoyé à la gestionnaire générale de Pronto Airways une note de service reconnaissant qu’il faudrait retarder, dérouter ou annuler environ 4 % des vols réguliers en raison des conditions de givrage. La note de service précisait ensuite que [traduction] « ces défis n’auront aucune incidence sur la sécurité de l’exploitation; toutefois, des coûts associés à la récupération d’un aéronef devenant givré par inadvertance [...] sont à prévoir Note de bas de page 211 ».
L’entreprise n’a pris aucune mesure officielle pour diffuser ces renseignements auprès des équipages de conduite pour leur faire savoir que la possibilité d’annulations de vol avait été étudiée. Au lieu de cela, il s’est développé une politique informelle de bouche à oreille consistant à éviter complètement CZFD si les conditions de givrage soulevaient des préoccupations. Cette politique non écrite et informelle n’établissait pas de paramètres ou de limites météorologiques précises pour guider et encadrer la prise de décisions pour les répartiteurs et les pilotes devant décider d’effectuer ou non un vol vers CZFD.
1.17.3 Enquêtes précédentes du BST concernant les systèmes de gestion de la sécurité et la surveillance
Au cours d’enquêtes antérieures, le BST a relevé plusieurs lacunes de sécurité liées à la surveillance de l’aviation civile par TC et à la mise en œuvre des SGS (annexe H). En particulier, le BST a constaté plusieurs cas dans lesquels TC n’a pas été en mesure de reconnaître ou de corriger en temps opportun la non-conformité à la réglementation. De plus, le BST a relevé des exemples de SGS inefficaces dans des organisations relativement nouvelles aussi bien que dans des organisations bien établies, et il a déterminé que TC s’appuie souvent trop sur la volonté d’une entreprise de corriger les non-conformités plutôt que sur sa capacité réelle de le faire. Par conséquent, certaines entreprises ont continué d’exercer leurs activités dans un état de non-conformité pendant de longues périodes, voire pendant des années dans certains cas.
Plusieurs de ces enquêtes ont produit des faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs, des faits établis quant aux risques, ainsi que d’autres faits établis. TC a déclaré avoir pris des mesures de sécurité en conséquence directe des faits établis concernant le SGS ou la surveillance dans 1 seul de ces événements.
Les enquêtes du BST sur les accidents d’ambulance aérienne de Buffalo Airways et d’Ornge ont permis de relever des lacunes liées à la gestion du programme national de surveillance par TC et de déterminer qu’on compte trop sur le SGS des exploitants comme moyen d’assurer le respect de la réglementation Note de bas de page 212. Plus précisément, les 2 enquêtes ont souligné l’importance d’une approche de la surveillance qui est souple et équilibrée et qui s’adapte aux capacités de l’organisation. Une telle approche devrait permettre une validation moins fréquente des programmes et des processus pour les exploitants qui se sont montrés proactifs dans la gestion des risques, tout en assurant une surveillance plus fréquente des exploitants à l’autre extrémité de l’échelle de proactivité, afin de leur assurer un niveau minimum de conformité avec la réglementation.
Même si la mise en place d’un SGS peut améliorer énormément la sécurité en encourageant les exploitants à adopter une approche systémique pour gérer de façon proactive la sécurité, l’organisme de réglementation doit également être assuré du respect de la réglementation existante, surtout dans le cas des exploitants qui ont manifesté une réticence à dépasser le niveau minimum de conformité avec la réglementation. Pour évaluer le respect de la réglementation, et par conséquent déterminer si les risques sont suffisamment atténués, les inspecteurs doivent disposer de processus appropriés et inspecter minutieusement les procédures et pratiques d’exploitation réelles.
1.17.4 Recommandations du BST concernant les systèmes de gestion de la sécurité et la surveillance
Le rapport d’enquête aéronautique A13H0001 du BST, qui examinait l’accident d’une ambulance aérienne d’Ornge à Moosonee (Ontario) survenu en 2013, a souligné que les entreprises de transport ont la responsabilité de gérer les risques de sécurité dans leurs activités. Puisque les exigences réglementaires ne peuvent aborder tous les risques liés à une activité particulière, les entreprises doivent pouvoir identifier et atténuer les dangers propres à leurs activités. De nombreuses entreprises sont tenues d’avoir un SGS ou choisissent d’en avoir un. Toutefois, environ 90 % de tous les titulaires d’un certificat d’aviation canadien ne sont toujours pas tenus par la réglementation d’avoir un SGS. Ainsi, TC n’a aucune assurance que ces exploitants peuvent gérer efficacement la sécurité.
Par conséquent, le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports exige que tous les exploitants d’aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme.
Recommandation A16-12 du BST
Même les entreprises qui disposent d’un SGS n’ont pas toutes la même capacité ou la même résolution à gérer efficacement le risque. En conséquence, l’organisme de réglementation doit pouvoir changer le type, la fréquence et l’objet de ses activités de surveillance afin de surveiller efficacement les entreprises qui ne veulent ou ne peuvent pas satisfaire aux exigences réglementaires ou gérer efficacement le risque. De plus, dans de tels cas, l’organisme de réglementation doit pouvoir prendre les mesures exécutoires qui s’imposent. Dans le cadre de l’enquête A13H0001, le BST a constaté que l’approche de TC à l’égard des activités de surveillance ne permettait pas de corriger les non-conformités en temps opportun Note de bas de page 213.
Par conséquent, le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports effectue des évaluations régulières des SGS pour déterminer la capacité des exploitants de gérer efficacement la sécurité.
Recommandation A16-13 du BST
Des enquêtes récentes ont mis en évidence le fait que, lorsque confronté à un exploitant qui ne veut ou ne peut pas corriger les lacunes de sécurité relevées, TC a eu du mal à adapter son approche pour garantir que ces lacunes sont bien cernées et qu’elles sont corrigées en temps opportun.
Par conséquent, pour veiller à ce que les entreprises utilisent efficacement leur SGS et qu’elles continuent de mener leurs activités conformément à la réglementation, le Bureau a également recommandé que
le ministère des Transports renforce ses politiques, ses procédures et sa formation en matière de surveillance, afin que la fréquence et l’objet de la surveillance et des activités de contrôle après surveillance, y compris les mesures d’application, correspondent à la capacité de l’exploitant de gérer efficacement le risque.
Recommandation A16-14 du BST
Depuis lors, le BST a assuré un suivi auprès de TC au sujet des mesures prises pour aborder ces recommandations. TC a répondu à chaque recommandation en indiquant quelles mesures avaient été ou allaient être prises, et le BST a évalué ces réponses . À la publication du présent rapport, les dernières réponses de TC avaient été reçues en septembre 2020Note de bas de page 214. L’évaluation de ces réponses par le BST, ainsi que les réponses et évaluations antérieures, sont disponibles sur le site Web du BSTNote de bas de page 215.
1.18 Renseignements supplémentaires
1.18.1 Gestion des ressources de l’équipage
La gestion des ressources de l’équipage (CRM) vise à réduire l’erreur humaine en aviation. La CRM est largement reconnue comme étant l’utilisation de tous les moyens humains, matériels et d’information mis à la disposition de l’équipage de conduite pour assurer des opérations aériennes sûres et efficaces.
À bord d’un aéronef à équipage multiple, comme l’ATR 42, les pilotes doivent réussir à interagir entre eux, avec leur appareil et avec leur environnement, en utilisant les listes de vérification et les SOP connexes de l’entreprise pour assurer une gestion efficace des menaces, des erreurs et des états d’aéronef indésirables qui peuvent survenir.
Comme le décrit la circulaire d’information 120-51E de la FAA [traduction] :
La mesure de l’impact de la formation en CRM montre que, après la formation initiale, il y a une amélioration marquée de l’attitude en ce qui concerne la coordination de l’équipage et de la gestion du poste de pilotage. Dans les programmes offrant également une formation et des exercices pratiques récurrents sur les concepts de la CRM, d’importants changements ont été constatés dans le rendement des équipages de conduite pendant l’entraînement type vol de ligne (LOFT) et pendant le vol réel. Les équipages formés en CRM travaillent plus efficacement en équipe et s’adaptent mieux aux situations exceptionnelles.
Les recherches montrent en outre qu’en l’absence de renforcement des concepts de la CRM au moyen d’une formation récurrente, l’amélioration de l’attitude constatée après la formation préparatoire initiale tend à disparaître Note de bas de page 216.
Des chercheurs ont recommandé que, dorénavant, la formation en CRM se fonde sur la prémisse sous-jacente que l’erreur humaine est inévitable et ne peut être entièrement éliminée, et ils voient la CRM [traduction] « comme un ensemble de mesures de prévention des erreurs à 3 lignes de défense Note de bas de page 217 ». La 1re ligne de défense consiste à éviter les erreurs, la 2e consiste à les neutraliser avant qu’elles n’aient des conséquences néfastes, et la 3e consiste à atténuer les conséquences des erreurs qui se sont produites sans avoir été neutralisées.
La théorie et la formation modernes en CRM comprennent maintenant cette prémisse, et TC définit la CRM contemporaine comme une méthode qui
intègre le développement de compétences techniques à la formation sur les communications et la coordination entre les membres de l’équipage, et [...] en appliquant des concepts de gestion des menaces et des erreurs Note de bas de page 218.
1.18.1.1 Gestion des menaces et des erreurs
La gestion des menaces et des erreurs (TEM) est maintenant considérée comme un élément clé d’une CRM efficace. Le cadre de TEM a plusieurs applications potentielles, notamment la gestion de la sécurité organisationnelle et les évaluations des risques par les équipages de conduite.
Le modèle de TEM est un cadre conceptuel :
- que l’on emploie pour décrire la façon dont les équipages de conduite gèrent les situations qui accroissent les risques liés au vol;
- que l’on utilise comme outil pour analyser l’évolution des situations qui ont mené à un événement;
- qui examine les principaux éléments des menaces, des erreurs et des états indésirables des aéronefs;
- qui décrit les contre-mesures de gestion de ces éléments dont l’efficacité a été démontrée.
Les principes clés de la TEM sont la prévision, la reconnaissance et la correction des menaces et des erreurs. La TEM préconise l’analyse attentive des dangers potentiels et la prise des mesures qui s’imposent pour éviter, neutraliser ou atténuer les menaces et les erreurs avant qu’elles ne mènent à un état indésirable de l’aéronef.
Les équipages de conduite peuvent neutraliser une erreur en l’identifiant et en la corrigeant, aggraver une erreur en commettant une autre erreur par la suite, ou n’avoir aucun effet sur l’erreur en ne la détectant pas ou en n’en tenant pas compte Note de bas de page 219.
Le modèle de TEM définit 5 types d’erreurs :
- les erreurs de non-conformité intentionnelle (écarts par rapport aux SOP);
- les erreurs de procédure (écarts, manquements dans l’application des procédures);
- les erreurs de communication (l’information est incorrectement communiquée ou interprétée);
- les erreurs de compétence (manque d’habileté et de connaissances pour gérer l’aéronef);
- les erreurs de décision opérationnelle (la décision prise augmente le risque) Note de bas de page 220.
Les comportements les plus courants des membres d’équipage qui gèrent efficacement les erreurs comprennent la vigilance, l’assertivité et les interrogations. Bien que des menaces et des erreurs se produisent dans la plupart des phases de vol, elles portent rarement à conséquences parce qu’elles sont gérées efficacement par l’équipage. Une bonne gestion des risques dans le poste de pilotage est intrinsèquement liée à une CRM efficace. Lorsqu’on gère les erreurs [traduction] :
[q]uel que soit le type d’erreur, l’effet d’une erreur sur la sécurité varie selon que l’équipage de conduite détecte ou non l’erreur et y réagit avant qu’elle ne conduise à un état indésirable de l’aéronef et à un résultat potentiellement dangereux. C’est pourquoi l’un des objectifs de la TEM est de comprendre la gestion des erreurs (c’est-à-dire, la détection et la réponse), plutôt que de se concentrer uniquement sur la causalité des erreurs (c’est-à-dire, la causalité et la commission). Du point de vue de la sécurité, les erreurs opérationnelles qui sont détectées à temps et auxquelles on répond rapidement (c’est-à-dire, qui sont correctement gérées), les erreurs qui ne conduisent pas à des états indésirables des aéronefs, ne réduisent pas les marges de sécurité des opérations de vol et deviennent donc sans conséquence sur le plan opérationnel. Outre sa valeur de sécurité, une bonne gestion des erreurs représente un exemple de performance humaine réussie, présentant à la fois une valeur d’apprentissage et de formation Note de bas de page 221.
1.18.1.2 Formation
Au moment de l’événement, le paragraphe 725.124(39) des NSAC obligeait les exploitants d’une entreprise de transport aérien assujettie à la sous-partie 705 du RAC à offrir à tous leurs membres d’équipage (équipage de conduite et agents de bord) une formation initiale et récurrente annuelle en CRM.
West Wind offrait une formation initiale et une formation récurrente en CRM à tous les membres d’équipage, conformément à la réglementation existante. Le cours initial de CRM de West Wind était enseigné dans des cours de formation au sol à l’intention des nouveaux employés, tandis que la formation et l’examen annuels récurrents en CRM étaient dispensés par le système de formation en ligne.
Un examen du dossier de formation du commandant de bord a révélé que ce dernier avait terminé sa formation initiale en CRM en juillet 2010 pendant son cours au sol initial à West Wind. Le commandant de bord avait terminé sa dernière formation récurrente en CRM à West Wind le 6 juin 2017.
Un examen du dossier de formation du premier officier a révélé que ce dernier avait terminé sa formation initiale en CRM en juin 2010 pendant son cours au sol initial à West Wind. Le premier officier avait terminé sa dernière formation récurrente en CRM à West Wind le 17 juin 2017.
Les normes de formation en CRM se trouvent au paragraphe 725.124(39) des NSAC. La norme en vigueur au moment de l’accident exigeait que la formation initiale en CRM couvre les sujets suivants :
- les attitudes et comportements;
- les aptitudes de communication;
- la résolution de problèmes;
- les facteurs humains;
- la résolution de conflits;
- la prise de décisions;
- la formation et l’entretien d’une équipe;
- la gestion de la charge de travail;
- les relations entre membres de l’équipage;
- une revue des accidents et incidents des exploitants aériens;
- une présentation et une discussion sur des procédures d’urgence coordonnées choisies (exercice des habiletés en CRM);
- des exercices d’évaluation des membres de l’équipage, y compris une séance de compte rendu Note de bas de page 222.
Une nouvelle révision de la norme de formation en CRM a été publiée le 28 juillet 2017, avec un délai de mise en œuvre de 18 mois se terminant le 31 janvier 2019. Cette révision de la norme mettait l’accent sur la TEM; toutefois, West Wind n’était pas tenue de la mettre en œuvre au moment de l’événement.
Le programme de formation en CRM de West Wind a été décrit dans le manuel de formation des équipages de conduite de West Wind, qui a été approuvé par TC. Ce programme respectait les exigences du paragraphe 725.124(39) des NSAC en vigueur au moment de l’événement, mais mettait aussi l’accent sur la TEM, un concept qui n’était pas requis. Toutefois, même si le programme mentionnait la TEM, aucune mention de la TEM n’a été trouvée lors d’un examen des documents de formation mêmes.
1.18.1.3 Procédures
Même s’il n’a pas été intégré à la formation, le concept de menace et d’erreur a été intégré aux procédures de l’entreprise. Les SOP de West Wind pour l’ATR 42 englobent la TEM. Elles stipulent qu’avant chaque décollage, le commandant de bord doit faire un exposé de décollage. Elles mentionnent également ceci [traduction] :
[l]es pratiques exemplaires reconnues à l’échelle internationale issues des audits de sécurité en service de ligne (LOSA) et de la gestion des menaces et des erreurs (TEM) indiquent que « les équipages qui élaborent des plans de gestion des urgences, comme discuter de façon proactive des stratégies pour les menaces prévues, ont tendance à mieux gérer les menaces. Habituellement, les équipages qui assurent une bonne surveillance et une bonne contre-vérification commettent moins d’erreurs et les gèrent mieux. [»] Les principes de la TEM s’appliquent à toutes les opérations de vol Note de bas de page 223.
Les SOP fournissent une fiche de référence pour les exposés sur la TEM (annexe I), qui énumère plusieurs menaces potentielles auxquelles l’équipage peut être confronté au décollage; toutefois, les SOP indiquent également que la liste n’est pas exhaustive et que les équipages devraient faire l’exposé de toute autre menace qui est présente.
Le commandant de bord a fait un exposé de décollage avant le départ du vol à l’étude. L’exposé abordait une menace posée par l’effet de trou noir Note de bas de page 224. Toutefois, il ne faisait mention d’aucune menace posée par le givrage ou par la contamination des surfaces critiques.
1.18.2 Prise de décisions
La prise de décisions en général est un processus cognitif qui consiste à déterminer et à choisir un plan d’action parmi plusieurs solutions de rechange. Pour les pilotes, la prise de décisions est menée dans un environnement dynamique et passe par 4 étapes : recueillir l’information, traiter l’information, prendre des décisions et mettre en œuvre les décisions.
Pour ce faire, les pilotes doivent comprendre les éléments pertinents en jeu, en saisir l’importance et être capables de prévoir l’état futur de ces éléments Note de bas de page 225. Il est important que chaque pilote acquière cette conscience situationnelle, mais dans les postes de pilotage à équipage multiple, il est également important que les membres d’équipage communiquent entre eux pour établir et maintenir une conscience situationnelle commune.
Plusieurs risques peuvent influer sur la prise de décisions : par exemple, l’information recueillie peut être inexacte ou incomplète; des tâches concurrentes peuvent entraver la collecte et le traitement de l’information; ou les décideurs peuvent être touchés par des biais cognitifs au moment de traiter cette information. Ces risques peuvent entraîner un choix qui n’est pas idéal.
Il existe beaucoup de moyens de défense et d’outils conçus pour aider les pilotes à prendre de bonnes décisions, notamment les règles et règlements, les politiques et procédures, les listes de vérification, la formation et la CRM/TEM. Parfois, les pilotes tentent de suivre ces directives, mais commettent une erreur; par conséquent, le résultat ne sera pas celui attendu. Dans d’autres cas, les pilotes décident de ne pas suivre ces directives, et ces adaptations peuvent se révéler fructueuses ou, dans des situations comme celles de l’événement à l’étude, infructueuses.
1.18.2.1 Conscience situationnelle
La conscience situationnelle fait partie intégrante de la prise de décisions du pilote. La conscience situationnelle est [traduction] « l’extraction continue de renseignements sur l’environnement, l’intégration de ces renseignements aux connaissances existantes afin de former un modèle mental cohérent, et l’utilisation de cette image mentale pour diriger la perception et prévoir les événements à venir Note de bas de page 226 ». Les membres d’équipage doivent avoir une conscience situationnelle partagée Note de bas de page 227; autrement dit, la connaissance de la situation qu’a chaque pilote est compatible avec celle de l’autre pilote. Avec une compréhension commune, les équipages peuvent prévoir et coordonner efficacement leurs actions afin de les exécuter de façon efficace et sécuritaire pour gérer les menaces.
Un autre aspect important du processus décisionnel est le concept des modèles mentaux partagés Note de bas de page 228. Le modèle mental d’une personne dépend en grande partie de la compréhension qu’elle a des circonstances, de ses attentes face à l’avenir et de son expérience passée. L’expérience ou les connaissances qu’une personne apporte à une situation jouent un rôle important dans la prise de décisions par cette personne.
Les SOP et les listes de vérification sont des sources d’information cruciales qui offrent aux pilotes des lignes directrices d’exploitation générale d’un aéronef. Elles aident les pilotes à prendre des décisions et à établir des modèles mentaux communs en leur fournissant des solutions prédéterminées et efficaces à diverses situations et en tenant compte des facteurs de risque qui peuvent ne pas être évidents pour un pilote pendant les opérations normales ou dans une situation anormale ou d’urgence.
Dans le cas d’un équipage, il faut s’efforcer d’harmoniser les modèles mentaux. Si les membres d’équipage ne sont pas en mesure d’harmoniser leurs modèles mentaux, il se peut que des renseignements essentiels ne soient pas pris en compte lorsqu’on examine les répercussions d’une situation et qu’on formule des plans et prévoit les éventualités. Une communication efficace joue un rôle essentiel dans l’uniformisation des modèles mentaux des membres d’équipage.
La communication efficace entre les membres de l’équipage est assujettie à plusieurs risques connus, notamment une dégradation du rendement en raison de la hiérarchie décisionnelle entre le commandant de bord et le premier officier (appelée le rapport d’autorité dans le poste de pilotage). Cette hiérarchie se caractérise par plusieurs facteurs, notamment l’expérience de chaque personne et son rôle dans l’organisation. Un grand écart hiérarchique peut constituer un obstacle à la communication au sujet de la conscience situationnelle et de la prise de décisions par l’équipage. L’inverse, soit l’absence d’écart hiérarchique, peut créer un obstacle semblable à une communication efficace. Chaque pilote peut avoir des idées préconçues erronées en ce qui concerne la conscience situationnelle et le processus décisionnel de l’autre, ce qui entrave la communication entre eux.
1.18.2.2 Biais cognitifs
La collecte et le traitement de l’information nécessaire à la conscience situationnelle peuvent être grandement influencés par un certain nombre de biais cognitifs et par l’heuristique; ces facteurs peuvent mener à des décisions non optimales Note de bas de page 229.
Ces biais peuvent découler de renseignements mémorisés ou avoir une incidence sur la façon dont on se souvient des renseignements. De même, ces biais peuvent être influencés par l’attention et la perception, puis influer eux-mêmes sur la façon dont l’attention est répartie, ce qui influe encore davantage sur la perception future.
Par exemple, le biais de confirmation est la tendance à rechercher ou à remarquer davantage l’information qui confirme ce que l’on tient déjà pour vrai (en fonction de la mémoire), tout en ignorant ou en écartant l’information qui est incompatible avec nos croyances.
La tendance à s’en tenir au plan Note de bas de page 230 est une forme de biais de confirmation. Il s’agit de la tendance à maintenir le plan initial même quand les circonstances changent et requièrent l’adoption d’un nouveau plan. Une fois qu’un plan a été établi et mis en œuvre, il devient plus difficile de reconnaître dans l’environnement des stimuli ou des conditions indiquant qu’un nouveau plan est nécessaire qu’il ne le serait si un plan n’avait pas déjà été établi.
Pour que le nouveau stimulus soit reconnu et qu’il déclenche une réaction, il doit être très convaincant, c’est-à-dire qu’il doit être en conflit flagrant avec le modèle mental ou la conscience situationnelle de la personne.
Dans les cas où la tendance à s’en tenir au plan est un facteur, la compréhension de la situation par les gens s’écarte peu à peu de ce qu’on comprend plus tard s’être réellement produit. Cela arrive normalement parce que les signes initiaux et soutenus laissant entendre que le plan était sûr étaient convaincants et sans ambiguïté, et que les signes ultérieurs laissant entendre que la situation changeait étaient beaucoup plus faibles, difficiles à traiter, ambigus ou contradictoires Note de bas de page 231.
1.18.2.3 Adaptations
Les adaptations sont des décisions de déroger aux règles ou aux procédures formalisées, qui sont intentionnellement mises en œuvre alors que la personne sait que ses actions sont contraires aux règles. Les adaptations découlent souvent du fait de mal comprendre l’objet de la règle ou de la procédure, de ne pas prévoir les conséquences potentielles d’une dérogation à la règle ou de croire que le travail peut être accompli plus efficacement par une adaptation. Les adaptations peuvent être des pratiques systémiques qui ne sont pas propres à une personne ou à un équipage en particulier.
Il existe 4 principaux types d’adaptation : exceptionnelle, routinière, situationnelle et d’optimisation.
Les adaptations exceptionnelles sont des écarts qui ne surviennent que dans des circonstances rares ou spéciales. Les gens font de telles adaptations lorsqu’ils doivent résoudre des problèmes dans des situations inhabituelles où ils croient que les règles et les procédures connues ne s’appliquent pas. Étant donné que les adaptations exceptionnelles sont rares et originales, il peut être difficile d’élaborer des moyens de défense particuliers pour régler ce comportement, outre la formation normalisée en CRM et en TEM.
Les adaptations routinières sont des écarts répétés au fil du temps qui sont devenus pratique courante. Elles peuvent avoir vu le jour parce que la procédure est jugée inutile, difficile, chronophage ou inapplicable, ou simplement parce qu’elle n’est pas appliquée. Comme ces adaptations sont routinières, le comportement peut être automatique ou inconscient, mais la personne sait que la procédure formelle n’est pas suivie. Les outils de gestion visant à corriger les adaptations routinières Note de bas de page 232 peuvent inclure une rationalisation ou une simplification régulières des règles, ou encore des récompenses pour le respect de la procédure.
Les adaptations situationnelles sont des écarts qui ont lieu lorsqu’il y a des pressions pour que le travail soit fait et/ou qu’il y a des contraintes sur la disponibilité des ressources. Il s’agit notamment de la conception et de l’état de l’aire de travail, de la disponibilité et de la conception de l’équipement, de la pression en termes de temps, du nombre d’employés, de la supervision et des facteurs environnementaux externes. Les outils de gestion visant à corriger les adaptations situationnelles Note de bas de page 233 peuvent comprendre la mise en place de procédures réalistes, la participation des employés à l’élaboration de règles, l’amélioration du niveau des ressources et l’augmentation de la supervision.
Les adaptations d’optimisation sont des écarts effectués pour atteindre un objectif personnel ou organisationnel. Elles consistent à prendre une décision qui est dans l’intérêt supérieur perçu de la personne ou de l’organisation. Un exemple d’adaptation d’optimisation est de repousser des limites afin d’obtenir une prime salariale ou d’atteindre un objectif professionnel pour plaire à un client ou à un superviseur. Les outils de gestion visant à corriger les adaptations d’optimisation comprennent la simplification des règles en vue de les rendre plus faciles à suivre et la communication ouverte entre la direction et les employés au sujet du danger reconnu.
Même si les entreprises prescrivent des politiques et des SOP dans le but de fixer des limites sécuritaires pour les opérations, certaines personnes peuvent graduellement mettre à l’épreuve ces limites afin d’être plus productives ou d’en tirer d’autres avantages. Il en résulte des versions adaptées des procédures et une dérive des limites fixées par les SOP vers des pratiques dangereuses. Si rien n’est fait pour y remédier, les membres d’équipage se communiquent entre eux les versions adaptées qui fonctionnent bien et celles-ci se répandent dans toute l’entreprise.
De même, lorsque des adaptations de quelque type que ce soit sont effectuées sans conséquences négatives, elles peuvent persister et devenir pratique courante. Cette façon de travailler devient normalisée et peut éroder les marges de sécurité que les règles et les procédures étaient censées fournir. Lentement, à mesure que les adaptations deviennent un comportement normal, il devient moins probable que les personnes concernées reconnaissent le risque lié à ces adaptations.
Sans une supervision, une éducation ou une application régulières des limites attendues, certaines personnes continueront sans doute à adapter les procédures jusqu’à ce qu’elles découvrent la véritable limite d’une situation dangereuse en la traversant et subissent un accident.
1.18.3 Contamination des surfaces critiques de l’aéronef
1.18.3.1 Concept de l’aéronef propre
Le 10 mars 1989, un Fokker F-28 MK 1000 d’Air Ontario s’est écrasé au décollage de Dryden (Ontario), juste au-delà de l’extrémité de la piste. Il y avait à bord 65 passagers et 4 membres d’équipage. Trois membres de l’équipage et 21 passagers sont morts à la suite de l’écrasement. L’aéronef a été détruit par l’incendie qui s’est déclaré après l’impact.
Une commission d’enquête sur cet accident a formulé plusieurs recommandations destinées à remédier aux lacunes de sécurité relevées pendant l’enquête. Une de ces recommandations était la suivante :
Que le ministère des Transports établisse et promulgue immédiatement une ordonnance sur la navigation aérienne applicable à tous les appareils et qui interdirait le décollage lorsque du givre, de la neige ou de la glace adhèrent aux surfaces portantes de l’appareil et que le ministère des Transports fournisse des lignes directrices pour aider le personnel navigant et non navigant à suivre la nouvelle réglementation Note de bas de page 234.
Le ministère des Transports a répondu à cette recommandation en publiant une modification au Règlement de l’Air. Ce nouveau règlement, publié dans la Gazette du Canada le 21 novembre 1990 Note de bas de page 235, est devenu par la suite le paragraphe 602.11(2) du RAC : « Il est interdit d’effectuer ou de tenter d’effectuer le décollage d’un aéronef si du givre, de la glace ou de la neige adhèrent à toutes surfaces critiques. »
En conséquence de cette recommandation, un éventail de moyens de défense administratifs est maintenant en place pour s’assurer que les équipages et les autres membres du personnel opérationnel comprennent bien la nécessité de s’assurer qu’avant toute tentative de décollage, l’aéronef est « propre », c’est-à-dire que ses surfaces critiques sont exemptes de contamination. C’est ce qu’on appelle le « concept de l’aéronef propre ».
1.18.3.2 Orientation de Transports Canada
1.18.3.2.1 Règlement de l’aviation canadien
Le RAC jette les assises réglementaires de la mise en œuvre du concept de l’aéronef propre. Comme l’indique l’article 602.11 du RAC :
- (1) Pour l’application du présent article, surfaces critiques s’entend des ailes, gouvernes, rotors, hélices, stabilisateurs, plans fixes verticaux ou toute autre surface stabilisante de l’aéronef, ainsi que de la partie supérieure du fuselage dans le cas des aéronefs avec moteur monté à l’arrière.
- (2) Il est interdit d’effectuer ou de tenter d’effectuer le décollage d’un aéronef si du givre, de la glace ou de la neige adhèrent à toutes surfaces critiques.
- […]
- (4) Il est interdit d’effectuer ou de tenter d’effectuer le décollage d’un aéronef lorsque les conditions sont telles qu’il est raisonnable de prévoir que du givre, de la glace ou de la neige pourraient adhérer à l’aéronef, à moins que :
- […]
- b) dans le cas d’un aéronef utilisé en application de la sous-partie 5 de la partie VII, l’utilisateur n’ait établi un programme d’inspection des aéronefs conforme aux Normes relatives aux règles d’utilisation et de vol des aéronefs et que la régulation ainsi que le décollage de l’aéronef ne respectent ce programme.
- […]
- (6) Le membre d’équipage d’un aéronef qui, avant de commencer le décollage, détecte du givre, de la glace ou de la neige adhérant aux ailes de l’aéronef doit immédiatement en faire rapport au commandant de bord, et ce dernier, ou un autre membre d’équipage de conduite désigné par lui, doit inspecter les ailes de l’aéronef avant le décollage […] Note de bas de page 236
1.18.3.2.2 Normes relatives aux règles d’utilisation et de vol des aéronefs
Les Normes relatives aux règles d’utilisation et de vol des aéronefs énoncent les méthodes particulières que les exploitants doivent suivre pour se conformer aux règlements connexes. En ce qui concerne le programme d’inspection requis en vertu de l’alinéa 602.11(4)b) du RAC, l’introduction de la norme 622.11 – Opérations dans des conditions de givrage au sol, indique ce qui suit :
Afin d’être autorisé à utiliser un aéronef dans des conditions de givrage, conformément aux exigences précisées à l’article 602.11 du Règlement de l’aviation canadien (RAC), les exploitants doivent mettre en place un programme qui soit conforme à la présente norme. De plus, les opérations de régulation et le décollage des aéronefs doivent respecter les exigences du programme. La présente Norme sur les opérations dans des conditions de givrage au sol énonce les éléments, en ce qui a trait aux opérations et à la formation, qui doivent faire partie du Programme sur les opérations dans des conditions de givrage au sol et être mentionnés dans les manuels pertinents de l’exploitant Note de bas de page 237.
La norme énumère les éléments de programme qui doivent être inclus dans le programme sur les opérations dans des conditions de givrage au sol (GIOP) et les manuels de l’exploitant, et ce qui doit être inclus dans les éléments. Ces éléments sont le plan de gestion de l’exploitant, les procédures de dégivrage et d’antigivrage de l’aéronef, les tableaux des délais d’efficacité, les procédures d’inspection des aéronefs et de production de rapports ainsi que la formation et les essais.
Dans le cadre des exigences d’inspection de l’un des éléments, la norme énonce ce qui suit :
Il revient au commandant de bord d’assurer que les surfaces critiques de l’aéronef ne portent pas de trace de contamination au décollage Note de bas de page 238.
1.18.3.2.3 Manuel d’information aéronautique de Transports Canada
L’AIM de TC fournit de l’information et des conseils aux pilotes et à d’autres personnes pour les aider à travailler en toute sécurité dans l’environnement aéronautique et conformément aux règlements. Dans le chapitre sur la discipline aéronautique, la section 2.12.2 contient des directives propres à la contamination des aéronefs par le givre, la glace ou la neige. On y trouve la justification de ces directives :
Les raisons de ces exigences sont explicites. En présence de contaminants gelés, les aéronefs subissent une baisse des performances et des changements dans les caractéristiques de vol, qui sont nombreux et imprévisibles Note de bas de page 239.
En outre, l’AIM de TC réitère clairement le concept de l’aéronef propre et le rôle du commandant de bord de s’assurer que le concept est respecté :
Il est impératif que le décollage de tout aéronef ne soit pas effectué sans que le commandant de bord n’ait déterminé que du givre, de la glace ou de la neige n’adhère à aucune des surfaces critiques de l’aéronef Note de bas de page 240.
1.18.3.2.4 Lignes directrices pour les aéronefs – lors de givrage au sol
TC publie également des lignes directrices très précises et détaillées sur certains sujets, y compris les opérations dans des conditions de givrage au sol, pour lesquelles il publie des Lignes directrices pour les aéronefs – lors de givrage au sol.
Les directives contenues dans ce document ne sont pas prescrites par règlement, mais fournissent plutôt des renseignements précis pour aider les exploitants à élaborer un GIOP. L’avant-propos déclare ceci :
Le document a pour objet de fournir des renseignements à toutes les personnes concernées par les opérations de dégivrage au sol pour les aider à mieux comprendre ce genre d’opérations.
Il existe un nombre considérable de facteurs dont il faut tenir compte lorsqu’un aéronef est exploité dans des conditions de givrage au sol. Pour cette raison, il s’avère difficile de prévoir une solution pour chaque situation qui peut se présenter. Par conséquent, le présent document donne un aperçu général des principes en cause et il est nécessaire de faire preuve d’un jugement sûr en maintes occasions pour garantir la poursuite de l’exploitation aérienne de façon sécuritaire dans des conditions de givrage au sol Note de bas de page 241.
Le document d’orientation renferme des renseignements applicables à l’exploitation d’aéronefs au Canada dans des conditions de givrage au sol, qu’il définit comme suit :
Compte tenu de la température du revêtement de l’aéronef et des conditions météorologiques, des conditions de givrage au sol existent lorsque du givre, de la glace ou de la neige adhère ou pourrait adhérer aux surfaces critiques d’un aéronef.
Un programme approuvé de dégivrage au sol doit préciser la procédure visant à identifier l’existence de conditions de givrage au sol [caractères gras ajoutés] et le début des opérations dans des conditions de givrage au sol.
Des conditions de givrage au sol existent également lorsque des conditions réelles de givre, de gel ou de précipitations de pluie verglaçante sont rapportées ou prévues Note de bas de page 242.
Le document contient des directives très détaillées sur de nombreuses tâches connexes; à l’article 11.2, Inspection du dégivrage et de l’antigivrage – Généralités, il est écrit ce qui suit :
Des accidents d’aéronefs ont eu lieu dans des conditions de givrage au sol en raison de mauvaises inspections effectuées sur des aéronefs à turbopropulseurs et voilure haute utilisés dans le service commercial. Particulièrement vulnérables sont les aéronefs à turbopropulseurs et voilure haute exploités dans les régions éloignées qui disposent d’installations minimales. Pour ces types d’exploitation, le pilote est normalement la personne qui en bout de ligne procède à l’inspection avant le décollage. Il est souvent difficile d’apercevoir clairement les contaminants gelés en jetant un simple coup d’œil à l’extrados de l’aile, particulièrement si le pilote cherche à garder son équilibre sur un support afin d’avoir une meilleure vue. L’utilisation de l’équipement d’inspection adéquat, comme l’échelle servant à l’inspection des ailes, est fortement recommandée [caractères gras ajoutés] Note de bas de page 243.
À la section 11.2.3.4, Méthodes traditionnelles de procéder à une inspection des surfaces critiques, on peut lire ce qui suit :
Il devient plus difficile, durant les opérations de nuit, dans des conditions où l’éclairage est faible, et dans des conditions météorologiques défavorables lorsque la visibilité est nettement réduite, d’obtenir des résultats cohérents dans le cadre d’une inspection fondée sur l’observation visuelle Note de bas de page 244.
Étant donné qu’il peut être difficile pour les équipages de conduite de vérifier visuellement les surfaces critiques de l’aéronef immédiatement avant le décollage, la section 11.2.5.2 fournit des directives sur l’utilisation de surfaces représentatives qui ont été approuvées par le fabricant spécialement à cette fin :
- a) Particulièrement dans le cas des gros porteurs où les parties très limitées de l’aéronef pouvant être clairement observées de l’intérieur de l’aéronef peuvent servir de référence pour déterminer si les surfaces critiques sont contaminées ou non dans des conditions de givrage au sol.
- b) Les surfaces représentatives ont pour but de servir d’outil pour évaluer la partie contaminée des surfaces critiques de l’aéronef après l’application des liquides de dégivrage et d’antigivrage pour nettoyer l’aéronef et ainsi le protéger de la précipitation verglaçante dans des conditions de givrage au sol Note de bas de page 245.
1.18.3.3 Directives d’Avions de Transport Régional
Le fabricant de l’aéronef, Avions de Transport Régional (ATR), fournit aux exploitants des directives sur les opérations dans des conditions de givrage dans plusieurs manuels, y compris l’AFM et le FCOM, ainsi que dans des documents informels comme des brochures.
1.18.3.3.1 Manuel de vol de l’avion
L’AFM de l’ATR 42 définit les conditions de givrage dans la section des limites [traduction] :
- Il existe des conditions de givrage atmosphérique lorsque :
- - l’OAT [température extérieure] au sol et au décollage est égale ou inférieure à 10 °C ou lorsque la TAT [température totale] en vol est égale ou inférieure à 10 °C,
- - et de l’humidité visible est présente sous quelque forme que ce soit (comme les nuages, le brouillard avec une visibilité de moins d’un mille, la pluie, la neige, le grésil et les cristaux de glace).
- Il existe des conditions de givrage au sol lorsque :
- - l’OAT au sol est égale ou inférieure à 10 °C,
- - et de la neige de surface, de l’eau stagnante ou de la neige fondante sont présentes sur les aires de trafic, les voies de circulation et les pistes Note de bas de page 246.
Il réitère également ceci [traduction] :
Le décollage est interdit lorsque du givre, de la neige ou de la glace adhère aux ailes, aux gouvernes ou aux hélices Note de bas de page 247.
Dans ce manuel, ATR définit les conditions de givrage au sol différemment des autres documents d’orientation présentés dans ce rapport. Ceux-ci font référence aux conditions de givrage au sol qui existent lorsque du givre, de la glace ou de la neige adhère ou peut adhérer aux surfaces critiques d’un aéronef qui se trouve au sol, tandis que la définition d’ATR fait référence aux conditions de givrage des aéronefs qui résultent de la contamination au sol.
1.18.3.3.2 Manuel d’exploitation de l’équipage de conduite
Le FCOM comprend des renseignements et des procédures plus détaillés que les équipages de conduite doivent suivre pour travailler en conformité avec l’AFM.
Dans la section sur les conditions météorologiques défavorables, le FCOM précise quand les procédures de givrage doivent être utilisées [traduction] :
Même de petites accumulations de glace, qui peuvent être difficiles à détecter visuellement, peuvent être suffisantes pour affecter l’efficacité aérodynamique d’une surface portante. C’est pourquoi TOUTES LES PROCÉDURES DE DÉGIVRAGE et les LIMITES DE VITESSE DOIVENT ÊTRE RESPECTÉES dès que des CONDITIONS DE GIVRAGE apparaissent et aussi longtemps qu’elles perdurent, et même avant que le givre commence réellement à s’accumuler Note de bas de page 248.
Le FCOM fournit également des renseignements détaillés sur la façon de procéder à une inspection extérieure de sécurité. Il ajoute les directives suivantes à suivre pendant les conditions de givrage [traduction] :
INSPECTION EXTÉRIEURE DE SÉCURITÉ
- Effectuer une inspection extérieure normale.
- Vérifier si les éléments suivants sont exempts de givre, de glace ou de neige. Dégivrer au besoin :
- – entrées d’air, capots et drains des moteurs, hélices
- – entrées d’air du système de climatisation
- – assemblages de trains d’atterrissage, portes de trains d’atterrissage
- – drains, prises dynamiques et statiques, capteurs d’angle d’attaque
- – prises de réservoirs carburant
- – toutes les surfaces externes (fuselage, ailes, plan fixe horizontal, stabilisateurs verticaux et horizontaux, surfaces de contrôle).
MISE EN GARDE : L’aile, le plan fixe horizontal, les stabilisateurs verticaux et horizontaux, toutes les surfaces de contrôle et les volets doivent être exempts de neige, de givre et de glace avant le décollage Note de bas de page 249.
1.18.3.3.3 Brochure Cold Weather Operations
En mars 2011, ATR a publié la brochure Cold Weather Operations [opérations par temps froid] pour permettre aux exploitants de bien comprendre l’exploitation des aéronefs ATR par temps froid. La brochure porte sur des sujets tels que les phénomènes de givrage, les systèmes de prévention ou de contrôle du givrage, la perte de performance et les procédures applicables.
La section 2 de la brochure décrit de nombreuses méthodes différentes par lesquelles la glace peut s’accumuler sur un aéronef. La seule méthode mentionnée dans cette section qui concerne une accumulation de givrage en l’absence d’humidité visible (le type d’accumulation de givre qui s’est produit au sol à CZFD) était la formation de gelée blanche [traduction] :
Au sol
Les conditions anticycloniques hivernales, avec un ciel nocturne dégagé et peu de vent, peuvent provoquer une chute de la température au sol, ce qui entraîne la formation de gelée blanche sur un aéronef stationné à l’extérieur toute la nuit Note de bas de page 250.
La brochure fait écho aux directives du FCOM sur l’inspection en ce qui concerne le givrage et contient également beaucoup de directives sur les méthodes de dégivrage d’un aéronef ATR. Toutefois, la brochure ne mentionne pas l’équipement minimal requis pour inspecter ou déglacer les surfaces élevées, comme la voilure ou l’empennage horizontal.
1.18.3.4 Directives de West Wind
1.18.3.4.1 Manuel des opérations régies par la sous-partie 705 de West Wind Aviation
Les directives générales de l’entreprise pour toutes les opérations de West Wind régies par la sous-partie 705 se trouvent dans le manuel des opérations régies par la sous-partie 705 de West Wind Aviation.
Le manuel contient de nombreuses directives importantes sur les dangers potentiels posés par l’exploitation dans des conditions propices au givrage des cellules d’aéronef.
En ce qui concerne la contamination des surfaces critiques, le manuel présente les définitions suivantes [traduction] :
« Surfaces critiques » – les ailes, les surfaces de contrôle, les hélices, les stabilisateurs horizontaux, les stabilisateurs verticaux ou toute autre surface stabilisatrice d’un aéronef.
« Inspection de surface critique » – inspection avant vol et, pour certains avions, inspection tactile des surfaces critiques effectuée par une personne qualifiée pour déterminer si ces surfaces sont contaminées par le givre, la glace ou la neige. Dans des conditions de givrage au sol, cette inspection est obligatoire.
« Inspection de la contamination avant le décollage » – inspection effectuée par une personne qualifiée, immédiatement avant le décollage, afin de déterminer si les surfaces critiques d’un aéronef sont contaminées par le givre, la glace ou la neige. Cette inspection est obligatoire Note de bas de page 251.
Le manuel fournit également des explications supplémentaires sur le danger lié à la contamination de la surface, sur les personnes responsables de s’assurer que les surfaces critiques de l’aéronef sont propres et sur ce qu’il faut faire si elles ne le sont pas [traduction] :
Une très petite quantité de contamination de la surface par la glace, le givre ou la neige peut perturber le débit d’air sur les surfaces de portance et de contrôle d’un aéronef. Cela peut entraîner :
- une grave perte de portance;
- une traînée accrue; et
- une manœuvrabilité réduite.
La glace peut également nuire au mouvement des surfaces de contrôle ou augmenter considérablement le poids de l’aéronef, ou encore entraver des capteurs critiques de l’aéronef. Aucune quantité de glace n’est négligeable.
Lorsque les conditions météorologiques existantes sont favorables à la formation de la contamination, le commandant de bord doit s’assurer que l’aéronef est inspecté avant le décollage afin de déterminer si du givre, de la glace ou de la neige adhèrent à l’une ou l’autre de ses surfaces critiques.
Remarque : Toute contamination doit être éliminée avant le départ. S’il est impossible de garantir la propreté de l’aéronef au départ, la seule solution acceptable est d’annuler ou de reporter le vol jusqu’à ce que les conditions soient acceptables et que l’aéronef soit libre de contamination Note de bas de page 252.
1.18.3.4.2 Procédures d’exploitation normalisées de l’ATR 42 de West Wind
Les politiques et les procédures de West Wind à l’intention des équipages de conduite et propres à l’ATR 42 sont présentées dans les SOP de l’ATR 42 de West Wind, qui sont tirées de l’AFM, du FCOM et du manuel de référence rapide de l’ATR 42.
Les SOP et les listes de vérification offrent aux pilotes des lignes directrices d’exploitation générale de l’aéronef. Elles aident les membres de l’équipage de conduite à prendre des décisions et à établir des modèles mentaux partagés, en plus de leur fournir des solutions préétablies à diverses situations, que celles-ci soient associées à des opérations normales, anormales ou d’urgence.
Les SOP de l’ATR 42 de West Wind précisent les responsabilités des membres d’équipage en ce qui concerne le signalement et l’enlèvement de la contamination de la surface de l’aéronef. Ces responsabilités sont énoncées dans une section portant sur ce qu’il faut faire avant le démarrage du moteur [traduction] :
2.10 Opérations des aéronefs en conditions de givrage – Avant le démarrage du moteur
Bien que le commandant de bord soit responsable de veiller à ce que l’aéronef soit libre de contamination de surface avant le démarrage d’un moteur dans l’intention de faire voler l’aéronef, tout membre d’équipage qui découvre de la contamination de surface a la responsabilité d’informer le commandant de bord de son existence. Si une contamination de surface est détectée, elle doit être éliminée avant le départ, comme il est indiqué dans les procédures contenues dans le programme d’opérations dans des conditions de givrage au sol (GOIP) [sic] de West Wind Aviation Note de bas de page 253.
Ces responsabilités figurent également dans une section portant sur la période précédant le décollage [traduction] :
3.8 Opérations des aéronefs en conditions de givrage – Taxi
Quelles que soient les mesures déjà prises pour vérifier s’il y a du givre, de la glace ou de la neige ou pour enlever ces contaminants, si l’équipage soupçonne qu’ils sont présents, les inspections suivantes doivent être effectuées immédiatement avant le décollage :
Le PF [pilote aux commandes] et le PNF [pilote qui n’est pas aux commandes] doivent chacun inspecter visuellement la surface représentative visible de leur siège de pilote respectif.
Si le commandant de bord le juge approprié, le PNF doit effectuer une inspection externe des surfaces critiques.
S’il s’avère que du givre, de la glace ou de la neige adhèrent aux surfaces critiques, l’aéronef ne doit pas décoller. Il faut plutôt prendre des dispositions pour dégivrer l’aéronef Note de bas de page 254.
Les SOP comprennent également la division des tâches et des annonces standard effectuées par le PF et le PNF; il s’agit notamment d’annonces standard associées à toutes les phases du vol. Les listes de vérification associées aux opérations normales et anormales sont présentées sous forme de questions et réponses, et les SOP fournissent plus de détails sur ce qui est censé être fait au cours de ces vérifications.
Par exemple, le 5e élément de la [traduction] VÉRIFICATION AVANT DÉCOLLAGE indique simplement que l’annonce est « Commandes de vol » et que la réponse du commandant de bord est « Vérifiées »; toutefois, les SOP fournissent plus de détails [traduction] :
Commandes de vol ...................Commandant de bord ...................................... Vérifiées
Le P/O [premier officier] déplace la gouverne de profondeur vers le haut 1, vers le bas 2, vers la gauche 3 (vérifier le déporteur gauche (commandant de bord) et le voyant de déporteur (P/O)), vers la droite 4 (vérifier le déporteur droit (P/O) et le voyant de déporteur (commandant de bord)), et le commandant de bord vérifie les gouvernes de direction à plein débattement vers la gauche 5 et la droite 6 Note de bas de page 255.
Cette vérification permet non seulement de s’assurer que les gouvernes fonctionnent correctement, mais elle sert également de vérification finale pour s’assurer que les surfaces représentatives (les déporteurs, dans le cas de l’ATR 42) sont exemptes de contamination de surface.
1.18.3.4.3 Programme sur les opérations dans des conditions de givrage au sol de West Wind
Généralités
Comme l’exige la réglementation, West Wind a mis en place un GIOP, dont les détails sont contenus dans le manuel du GIOP de West Wind. Le manuel du GIOP décrit la politique de l’entreprise ainsi que le programme et les éléments du programme. Il s’applique à toutes les opérations de l’entreprise qui sont effectuées pendant des conditions de givrage au sol.
La politique Note de bas de page 256 reflète le concept de l’aéronef propre, en ce sens qu’elle vise à garantir ceci [traduction] :
Aucun vol ne doit commencer lorsque du givre, de la glace ou de la neige adhère à toute surface critique de l’aéronef.
Les éléments du programme sont le plan de gestion, les procédures relatives aux aéronefs (y compris les dangers liés au givrage, le dégivrage et l’antigivrage, et les délais d’efficacité), les procédures d’inspection et la formation.
Le programme sur le givrage au sol est requis par la réglementation pour toutes les opérations effectuées dans des conditions de givrage au sol. En ce qui concerne ce terme, le manuel du GIOP contient exactement la même définition que les Lignes directrices pour les aéronefs – lors de givrage au sol de TC :
Z. CONDITIONS DE GIVRAGE AU SOL
Compte tenu de la température du revêtement de l’aéronef et des conditions météorologiques, des conditions de givrage au sol existent lorsque du givre, de la glace ou de la neige adhère ou pourrait adhérer aux surfaces critiques d’un aéronef. Un programme approuvé de dégivrage au sol doit préciser la procédure visant à identifier l’existence de conditions de givrage au sol et le début des opérations dans des conditions de givrage au sol [caractères gras ajoutés]. Des conditions de givrage au sol existent également lorsque des conditions réelles de givre, de gel ou de précipitations de pluie verglaçante sont rapportées ou prévues Note de bas de page 257.
Procédures relatives aux aéronefs
Le chapitre du manuel du GIOP sur les procédures relatives aux aéronefs énumère plusieurs des sources potentielles de glace, de neige, de givre ou d’autres contaminants. En ce qui concerne les conditions comme celles qui prévalaient le soir du vol à l’étude, cette section mentionne les 2 dangers suivants [traduction] :
- 5) Le givre peut se former sur les surfaces de l’aéronef par temps clair la nuit ou dans des conditions de brouillard, en particulier lorsque les températures ambiantes sont proches de 0 °C [...]
- 10) De la glace peut demeurer sur l’aéronef après le vol dans des conditions de givrage lorsque l’équipement de dégivrage en vol n’a pas été suffisant pour l’enlever complètement, ou dans des zones où aucun équipement à bord n’est installé Note de bas de page 258.
Même si le manuel du GIOP décrit un grand nombre des dangers associés au givrage de même que diverses sources de glace, de neige ou de givre, il ne précise aucune procédure explicite permettant de reconnaître les conditions de givrage au sol, malgré que les Lignes directrices pour les aéronefs – lors de givrage au sol de TC et le manuel du GIOP lui-même indiquent que cela est requis.
La section sur les procédures relatives aux aéronefs décrit également les méthodes, l’équipement et les fournitures nécessaires pour assurer le dégivrage ou l’antigivrage d’un aéronef. Le manuel explique comment enlever manuellement la neige ou la neige fondante à l’aide d’outils comme des balais, des racloirs, des cordes ou des bandes de tissu. Cette section décrit également comment enlever la glace à l’aide d’un liquide de déglaçage chauffé qui est vaporisé sous pression. Le manuel précise les types de liquide et la méthode à utiliser, mais ne précise pas le type d’équipement de pulvérisation requis ni la quantité de liquide nécessaire.
Procédures d’inspection
Le chapitre 7 du manuel du GIOP décrit la procédure d’inspection des surfaces critiques de l’aéronef. Les inspections sont divisées en 2 types de base : inspections des surfaces critiques (lorsqu’elles sont stationnaires) et inspection avant décollage pour vérifier s’il y a contamination (immédiatement avant le décollage) [traduction] :
A. INSPECTIONS DES SURFACES CRITIQUES
Acceptation de l’aéronef :
Pendant l’inspection avant vol et les inspections extérieures pendant les escales, inspecter l’aéronef en portant une attention particulière aux zones et aux surfaces décrites à la section 5 [du chapitre 7]. Veiller à inspecter l’aéronef dans des conditions d’éclairage qui permettront une inspection visuelle adéquate Note de bas de page 259.
La section citée en référence comprend des directives indiquant de porter une attention particulière à certaines zones et surfaces, comme le train d’atterrissage, les entrées d’air des moteurs et les gouvernes de vol, et mentionne en particulier les empennages en T et les gouvernes surélevées [traduction] :
La hauteur d’un empennage en T ou d’une autre gouverne surélevée présente une difficulté particulière lorsqu’il s’agit de garantir que les liquides d’antigivrage et de dégivrage sont convenablement appliqués et offrent une protection adéquate.
Dans beaucoup de cas, la surface de l’empennage est entièrement cachée à la vue de l’équipage de conduite au décollage; l’inspection avant vol doit être effectuée immédiatement avant le décollage.
De l’équipement spécial, comme des élévateurs et/ou des échelles, sera nécessaire pour assurer l’élimination adéquate des contaminants. [caractères gras ajoutés] Note de bas de page 260
Si cet équipement n’est pas disponible ou est inadéquat, le manuel décrit les mesures que les employés devraient prendre [traduction] :
Le personnel des opérations doit signaler immédiatement toute lacune dans l’équipement ou la procédure de détection, d’inspection ou d’enlèvement en matière de contamination de la surface de l’aéronef. Ces lacunes doivent être signalées directement au directeur des opérations aériennes dans un rapport du SGS Note de bas de page 261.
Si la contamination est détectée pendant l’inspection avant vol, le manuel décrit ce qui suit [traduction] :
Lorsqu’une inspection avant vol ou une inspection extérieure pendant une escale révèle la présence de contamination d’une surface critique, le commandant de bord de l’aéronef doit en être avisé immédiatement. Le commandant de bord doit ensuite inspecter l’aéronef et ordonner l’exécution des éléments appropriés du programme des opérations dans des conditions de givrage au sol pour éliminer la contamination Note de bas de page 262.
Une fois que l’aéronef a fait l’objet d’une inspection avant vol ou d’une inspection extérieure pendant une escale, et qu’on a confirmé qu’il n’y a pas de contamination ou qu’on a dégivré l’aéronef pour éliminer la contamination, une autre inspection « de dernière chance » est requise avant le décollage [traduction] :
B. INSPECTION AVANT DÉCOLLAGE POUR VÉRIFIER S’IL Y A CONTAMINATION
[...] l’inspection est requise immédiatement avant d’augmenter la puissance pour le décollage et exige l’utilisation d’une surface représentative dans le processus d’inspection. Cette inspection est communément appelée inspection de dernière chance Note de bas de page 263.
Les surfaces représentatives sont désignées pour chaque type d’aéronef [traduction] :
A. SURFACE REPRÉSENTATIVE – ATR 42
La surface représentative désignée pour l’aéronef ATR 42 est le déporteur droit et le déporteur gauche. Les déporteurs sont peints selon un motif hachuré noir et jaune et sont visibles en position sortie à partir du poste de pilotage Note de bas de page 264.
Le manuel décrit la communication requise pendant les inspections de dernière chance [traduction] :
F. INSPECTIONS AVANT DÉCOLLAGE (DE DERNIÈRE CHANCE) – RAPPORTS
Cette inspection sera effectuée selon la méthode « de question et réponse » lorsque des membres d’équipage qualifiés exécutent les éléments individuels de l’inspection.
Lorsque le commandant de bord demande l’inspection au seuil de piste, les membres d’équipage doivent communiquer clairement le résultat de l’inspection, c.-à-d. « Mon aile est propre » ou « Il y a de la neige sur mon aile ».
Il ne faut en aucun cas utiliser des termes vagues ou ambigus Note de bas de page 265.
Formation
Le manuel du GIOP décrit également la formation qui est offerte pour répondre aux exigences de la réglementation Note de bas de page 266 et des normes applicables Note de bas de page 267.
West Wind a fourni à ses pilotes un programme de formation initiale et récurrente en ligne qui couvre les dangers du givrage et les politiques relatives au concept de l’aéronef propre. Le programme n’incluait pas de renseignements précis sur l’équipement requis pour inspecter ou dégivrer un aéronef de la taille d’un ATR 42, et ces renseignements n’étaient pas requis par la réglementation.
1.18.3.5 Équipement à l’aéroport de Fond-du-Lac
Les principales surfaces critiques de l’aéronef ATR 42, soit l’aile et le stabilisateur horizontal, sont respectivement à 3,76 m et à 7,75 m au-dessus du sol.
À CZFD, il n’y avait pas d’équipement disponible permettant à quelqu’un d’inspecter visuellement la partie supérieure des surfaces critiques d’un ATR 42, compte tenu de leur hauteur, ni de les atteindre pour appliquer du liquide de dégivrage. Les seuls équipements disponibles étaient 2 échelles, 1 d’environ 3,44 m et l’autre de 1,83 m (figure 37). L’échelle de 3,44 m permettait de se tenir debout à une hauteur maximale de 2,77 m.
L’équipement pulvérisateur de dégivrage de West Wind à CZFD était constitué d’un pulvérisateur à main muni d’un réservoir de fluide chauffant de petite capacité, et d’un contenant supplémentaire de 20 L de fluide de type I Note de bas de page 268. Un autre exploitant aérien avait aussi dans l’aérogare un petit (20 L) pulvérisateur à main chauffant qui était accessible sur demande au personnel de West Wind (figure 38).
Selon les recommandations des normes de dégivrage publiées, la quantité de fluide requise pour dégivrer un aéronef est de 1 L par mètre carré de surface de l’aéronef. Dans le cas d’un aéronef ATR 42, il faudrait plus de 66 L Note de bas de page 269.
1.18.3.6 Inspection réelle à l’aéroport de Fond-du-Lac
Une fois les passagers montés à bord de l’aéronef pour le départ, le premier officier a fait le tour de l’aéronef à pied pour en faire une inspection visuelle externe, selon ce qu’exigeaient les conditions de givrage au sol.
Même s’il faisait nuit et que l’éclairage sur l’aire de trafic était limité, le premier officier a constaté une contamination sur le nez de l’aéronef et un peu de glace résiduelle sur les bords d’attaque des ailes, les entrées d’air des moteurs et le stabilisateur vertical. Le premier officier a également remarqué la présence de glace sur les lignes électriques près de l’aérogare, ainsi que sur les structures et la végétation avoisinantes. Le premier officier a terminé son inspection externe par un examen visuel de l’aile gauche du haut de la porte à escalier incorporé, du côté gauche à l’arrière de la cabine, avant de retourner au poste de pilotage. Le premier officier n’a pas demandé ou utilisé les échelles qui étaient disponibles, quoique inadéquates.
Bien que de la contamination de surface ait été relevée au cours de l’inspection, le premier officier n’a ni demandé d’équipement de dégivrage, ni tenté d’utiliser l’équipement lui-même. Le premier officier a avisé le commandant de bord de la glace qu’il avait remarquée sur les lignes électriques et l’a informé que cette glace se trouvait également sur l’aéronef. Le commandant de bord a répondu d’une manière laissant entendre qu’il n’était pas inquiet et, peu après, a demandé la liste de vérification avant démarrage.
Une fois au seuil de piste, immédiatement avant le décollage, l’équipage a terminé la dernière partie de la liste de vérification avant décollage, qui comprenait l’« inspection de dernière chance » dans le cadre de la vérification des commandes de vol. Le commandant de bord a déclaré qu’il avait la surface représentative (le déporteur gauche) en vue. Le premier officier a répondu qu’il avait le déporteur droit en vue, mais à peine.
1.18.3.7 Événements similaires
Le problème posé par les aéronefs qui décollent avec du givre, de la glace ou de la neige qui adhère à leurs surfaces critiques n’est pas nouveau, et il ne se limite pas aux aéroports nordiques éloignés du Canada. L’enquête a permis de dresser une liste d’événements semblables au Canada (annexe J) et dans le monde (annexe K) où la présence de contaminants sur les surfaces critiques des aéronefs au décollage a joué un rôle.
1.18.4 Liste de surveillance du BST
La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.
La gestion de la sécurité et la surveillance réglementaire figurent sur la Liste de surveillance 2020.
Comme l’événement à l’étude le démontre, certaines entreprises estiment que le niveau de sécurité est adéquat tant qu’elles respectent la réglementation; or, la réglementation ne peut à elle seule prévoir tous les risques propres à une activité particulière. C’est pourquoi le BST a maintes fois souligné les avantages offerts par un SGS, qui est un cadre reconnu à l’échelle internationale permettant aux entreprises de gérer efficacement les risques et de rendre leurs activités plus sécuritaires.
MESURES À PRENDRE La surveillance réglementaire restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport aérien jusqu’à ce que TC démontre, au moyen d’évaluations des activités de surveillance, que les nouvelles procédures de surveillance permettent de déceler et de corriger les non-conformités et que TC s’assure qu’une entreprise se conforme à nouveau à la réglementation en temps opportun et qu’elle est en mesure de gérer la sécurité de ses activités. MESURES À PRENDRE La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport aérien jusqu’à ce que :
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1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces
1.19.1 Sondage du BST auprès des pilotes
1.19.1.1 Objectif
Tôt dans cette enquête, il est devenu évident qu’il fallait plus d’information pour déterminer si les facteurs sous-jacents relevés dans cet événement étaient présents ailleurs dans le secteur canadien de l’aviation commerciale.
Afin d’évaluer les risques associés aux opérations hivernales dans les aéroports éloignés du Nord, et plus particulièrement le risque que représentent les aéronefs qui décollent alors que du givre, de la glace ou de la neige adhère à des surfaces critiques, le BST a décidé de communiquer avec les pilotes directement exposés aux opérations dans les aéroports éloignés partout au Canada, en employant une méthode de collecte de données en ligne afin de joindre rapidement et efficacement un grand nombre d’entre eux. Cela a pris la forme d’un questionnaire en ligne à l’intention des pilotes commerciaux employés par les exploitants aériens en activité dans les aéroports éloignés du Nord en vertu de la partie VI ou de la partie VII du RAC. La plateforme en ligne permettait la collecte anonyme des réponses et stockait les réponses sur des serveurs situés au Canada.
1.19.1.2 Participants
Le BST a envoyé par courriel des invitations bilingues à participer au questionnaire aux pilotes de 83 exploitants aériens commerciaux au Canada dont les activités, en date du 31 mai 2018, étaient assujetties aux sous-parties 604, 702, 703, 704 et 705 du RAC Note de bas de page 270. On a sélectionné les exploitants susceptibles d’effectuer des vols à partir des aéroports indiqués à la figure 39. Les grandes compagnies aériennes nationales dont les activités sont principalement centrées sur les aéroports dans le sud du Canada ont été délibérément exclus.
Des invitations ont également été envoyées à plusieurs syndicats qui représentent les pilotes au service des exploitants sélectionnés, ainsi qu’à une association sectorielle d’exploitants aériens.
Toutes les organisations qui ont reçu l’invitation avaient accès au questionnaire et pouvaient choisir de faire suivre ou non l’invitation à leurs pilotes. La participation au questionnaire était volontaire et anonyme; le questionnaire ne demandait aucun renseignement quant au lieu de travail ou à l’identité de l’exploitant.
Les exploitants aériens sélectionnés qui ont fourni des renseignements sur leurs effectifs employaient 2768 pilotes. On estime que les exploitants qui n’ont fourni aucun renseignement sur le nombre de pilotes à leur service emploient 500 pilotes additionnels. On ne sait pas combien de pilotes ont reçu l’invitation transmise par leur exploitant ou leur syndicat. De plus, comme l’invitation et l’hyperlien vers la page Web du questionnaire ont été largement distribués et étaient redistribuables, il est possible et probable que d’autres pilotes en dehors de la base de sondage prévue aient eu accès au questionnaire.
1.19.1.3 Questionnaire
Le questionnaire (annexe L) contenait 24 éléments et était disponible en ligne du 23 juillet au 31 août 2018.
La plupart des questions étaient présentées sous forme d’énoncés, et on demandait aux répondants d’évaluer leurs expériences sur une échelle de Likert de 5 points (Jamais, Rarement, Parfois, Habituellement ou Toujours; ou Tout à fait en désaccord, En désaccord, Ni d’accord ni en désaccord, D’accord ou Tout à fait d’accord). L’option « Sans objet » était également offerte.
Les énoncés et autres questions portaient sur les sujets suivants :
- l’accès à l’équipement au sol permettant d’inspecter les aéronefs pour déterminer s’il y a contamination, ainsi que d’effectuer le dégivrage et l’antigivrage dans les aéroports éloignés;
- les situations dans lesquelles un équipage de conduite peut décider de se diriger vers un autre aéroport;
- la capacité d’un équipage de faire dégivrer son aéronef et de lui faire faire un traitement antigivrage de manière efficace dans les aéroports éloignés;
- la question de savoir si l’employeur du répondant dispose d’un programme organisationnel de givrage au sol;
- la connaissance autoévaluée par les pilotes des effets des surfaces critiques contaminées;
- la question de savoir si, au cours des 5 dernières années, les répondants ont vu d’autres pilotes décoller avec des surfaces critiques contaminées.
Les autres questions permettaient de recueillir des renseignements sur les pilotes et leur expérience dans l’industrie :
- la catégorie d’opérations;
- l’aéronef principal;
- le type de licence de pilote;
- le nombre total d’heures de vol;
- le nombre total d’heures de vol en qualité de commandant de bord;
- le nombre d’années d’emploi à titre de pilote;
- le nombre de saisons hivernales pendant lesquelles les pilotes ont effectué des vols vers des aéroports éloignés;
- le nombre d’années chez l’employeur actuel;
- le rôle principal auprès de l’exploitant actuel;
- le poste au sein de l’équipage à bord des aéronefs qu’ils pilotent le plus souvent;
- le nombre total d’heures de vol à bord des aéronefs qu’ils pilotent le plus souvent;
- le nombre total d’heures de vol en qualité de commandant de bord dans les aéronefs qu’ils pilotent le plus souvent.
1.19.1.4 Réponses
La capacité de quitter le questionnaire et de le poursuivre plus tard a été désactivée parce que cette option exigeait le stockage de « témoins » d’identification et qu’il se pouvait que certains répondants utilisent un ordinateur partagé pour répondre au questionnaire. Par conséquent, si les répondants quittaient la page du questionnaire et y revenaient pour le terminer, ils devaient recommencer du début. C’est probablement pour cette raison que de nombreux répondants ont répondu en double : d’abord dans une réponse incomplète, puis dans une réponse complète. Pour éviter d’inclure des réponses en double, seules les réponses complètes ont été utilisées dans l’analyse.
La page d’accueil du questionnaire a été ouverte 1022 fois : 872 fois en anglais et 150 fois en français. La page d’accueil expliquait les objectifs et les conditions du questionnaire et se terminait par un bouton de consentement. Sur les 1022 visiteurs, 110 ont ouvert la page d’accueil, mais n’ont pas cliqué sur le bouton de consentement, et 912 ont cliqué sur le bouton de consentement et ont continué de répondre au sondage.
Ce ne sont pas tous les visiteurs qui ont rempli le questionnaire; il y a eu 257 réponses incomplètes : 228 en anglais et 29 en français.
Il y a donc eu 655 réponses complètes : 551 en anglais et 104 en français.
1.19.1.5 Principaux points à retenir
Les renseignements descriptifs sur les questions, et les statistiques recueillies à partir des 655 réponses complètes, sont résumés à l’annexe M, mais les principaux points à retenir sont exposés en détail dans le tableau suivant (tableau 6).
Question | Jamais | Rarement | Parfois | Habituellement | Toujours | Sans objet | Oui | Non |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Lorsque je me trouve à un aéroport éloigné, j’ai accès à de l’équipement au sol pour inspecter efficacement toutes les surfaces critiques de l’aéronef contre la contamination. | 26 | 177 | 174 | 178 | 96 | 4 | s/o | s/o |
Lorsque je me trouve à un aéroport éloigné, j’ai accès à de l’équipement au sol pour dégivrer adéquatement les surfaces critiques de l’aéronef avant le décollage. | 41 | 191 | 177 | 165 | 77 | 4 | s/o | s/o |
Lorsque je me trouve à un aéroport éloigné, j’ai accès à de l’équipement au sol pour faire un traitement antigivrage adéquat des surfaces critiques de l’aéronef avant le décollage. | 207 | 206 | 98 | 83 | 45 | 16 | s/o | s/o |
Je peux faire dégivrer adéquatement mon aéronef aux aéroports éloignés. | 37 | 216 | 152 | 180 | 65 | 5 | s/o | s/o |
Je peux faire faire un traitement antigivrage adéquat de mon aéronef aux aéroports éloignés. | 231 | 213 | 89 | 68 | 29 | 25 | s/o | s/o |
Au cours des 5 dernières années, j’ai vu des pilotes décoller alors que les surfaces critiques de leur aéronef étaient contaminées. | s/o | s/o | s/o | s/o | s/o | s/o | 483 | 172 |
1.19.1.6 Recommandations émises à la suite du sondage
1.19.1.6.1 Accès à de l’équipement adéquat
Les réponses reçues à plusieurs questions montrent que les opérations dans ces aéroports éloignés ont été régulièrement touchées par l’indisponibilité et le caractère inadéquat de l’équipement permettant d’inspecter, de dégivrer ou de faire un traitement antigivrage.
De nombreux répondants au sondage ont répondu avoir rarement accès à de l’équipement d’inspection et de dégivrage adéquat. L’indisponibilité d’équipement adéquat est un facteur sous-jacent important qui empêche les pilotes d’effectuer une inspection avant vol appropriée pour détecter les contaminants et dégivrer un aéronef contaminé. Seulement 37 % des répondants ont indiqué qu’ils pouvaient faire dégivrer leur aéronef efficacement dans les aéroports éloignés.
La plupart des répondants au sondage ont répondu avoir rarement accès à de l’équipement d’antigivrage adéquat. Seulement 15 % des répondants ont indiqué pouvoir faire faire un traitement antigivrage de manière efficace à leur aéronef dans les aéroports éloignés du Nord. En l’absence d’antigivrage, les vols qui sont exploités dans des conditions de givrage actif au sol peuvent subir une défaillance du fluide de type I Note de bas de page 271 en raison de la courte période pendant laquelle le fluide de type I est capable d’absorber les précipitations gelées.
Comme le démontre cet événement, lorsque de l’équipement ou des services adéquats d’inspection, de dégivrage et d’antigivrage ne sont pas disponibles dans les aéroports éloignés, cela peut influencer la décision d’un équipage de conduite de décoller et, au bout du compte, entraîner l’exploitation d’aéronefs ayant des surfaces contaminées. Des événements semblables ayant fait l’objet d’enquêtes du BST et d’autres organismes au cours des 36 dernières années (annexes J et K) indiquent que des décollages avec des surfaces contaminées continuent de se produire, et ont parfois des conséquences catastrophiques. Le risque que de tels accidents se produisent est très élevé au Canada, compte tenu de sa flotte vaste et variée d’aéronefs qui sont exploités dans des aéroports éloignés du Nord où les conditions de givrage sont présentes.
La probabilité et la gravité combinées de cette lacune de sécurité posent un risque élevé pour la sécurité des transports. Le risque varie probablement d’un aéroport à un autre, en fonction, dans une certaine mesure, de la fréquence des opérations. Identifier les endroits à risque élevé nécessitant une mesure d’intervention immédiate peut réduire rapidement la probabilité que des aéronefs avec du givre, de la glace ou de la neige qui adhère à une surface critique décollent de ces endroits.
TC, les exploitants aériens et les administrations aéroportuaires ont la capacité d’identifier les endroits à risque élevé, de les analyser en fonction des dangers et des risques, et de prendre des mesures d’atténuation.
Par conséquent, en décembre 2018, le Bureau a formulé la recommandation A18-02, qui enjoignait TC à collaborer avec les exploitants aériens et les administrations aéroportuaires afin de prendre des mesures pour garantir que l’équipement convenable est disponible afin de réduire la possibilité que des aéronefs décollent avec des surfaces critiques contaminées. Voir la section 4.1.1.1, Recommandation A18-02 du BST sur l’accès à de l’équipement adéquat, pour obtenir plus de détails.
1.19.1.6.2 Respect du concept de l’aéronef propre
L’information la plus notable qui a été tirée du sondage montrait qu’au cours des 5 dernières années, 74 % des pilotes ont vu des aéronefs décoller avec des surfaces contaminées, ce qui contrevient à la réglementation et au concept de l’aéronef propre. Cette majorité indique que le problème est systémique et non limité à un petit nombre d’exploitants ou à quelques endroits.
De nombreux moyens de défense sont en place pour assurer le respect du concept de l’aéronef propre, comme des règlements, des manuels d’exploitation des entreprises et des SOP. Cependant, tous ces moyens de défense reposent exclusivement sur leur respect par les équipages de conduite. Comme on l’a constaté dans cet événement, une seule adaptation en matière de conformité peut permettre à un aéronef de partir avec des surfaces contaminées, malgré la présence de plusieurs moyens de défense administratifs adéquats.
Pour atténuer ce risque, TC et les exploitants aériens doivent d’urgence prendre des mesures afin d’assurer une meilleure conformité.
L’organisme de réglementation et d’autres organismes peuvent vérifier l’équipement, les politiques, la formation et les opérations. Les exploitants aériens pourraient prendre des mesures semblables ou apporter des changements aux procédures, comme l’intégration de questions aux listes de vérification avant démarrage et avant décollage, exigeant que l’aéronef soit propre ou que le commandant de bord prenne des mesures en conséquence.
Les accidents liés à la contamination de l’aéronef continueront de se produire jusqu’à ce que le secteur de l’aviation et l’organisme de réglementation abordent la question comme un problème systémique, et prennent les mesures nécessaires pour éliminer les facteurs sous-jacents pouvant nuire au respect des exigences par les pilotes.
Par conséquent, en décembre 2018, le Bureau a formulé la recommandation A18-03, qui enjoignait TC et les exploitants aériens à prendre des mesures pour améliorer le respect du paragraphe 602.11(2) du RAC et réduire la probabilité que des aéronefs décollent avec des surfaces critiques contaminées. Voir la section 4.1.1.2, Recommandation A18-03 du BST sur le respect du concept de l’aéronef propre, pour obtenir plus de détails.
2.0 Analyse
Cet accident mettait en cause un aéronef ayant décollé avec des surfaces critiques contaminées, ce qui a entraîné une perte de maîtrise et une collision avec le relief. Une personne a été mortellement blessée dans l’événement.
La présente analyse mettra l’accent sur les facteurs qui ont causé l’accident ou y ont contribué, notamment :
- la manière dont le givre s’est accumulé sur l’aéronef;
- les raisons pour lesquelles l’équipage n’était pas au courant de l’ampleur du givrage;
- les raisons pour lesquelles le givre dont la présence était connue n’a pas été éliminé avant le départ;
- les facteurs qui ont eu une incidence sur la décision de partir;
- les raisons pour lesquelles l’équipage de conduite a perdu la maîtrise de l’aéronef pendant la montée initiale;
- les raisons pour lesquelles la cellule de l’aéronef a subi des dommages importants au moment de l’impact, et la façon dont ces dommages se sont produits;
- les raisons pour lesquelles les blessures des occupants étaient aussi graves.
De plus, la présente section analysera plusieurs autres risques qui n’ont pas été jugés comme des facteurs dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes dans le cadre de futurs événements. Ces risques comprennent des questions liées à la documentation d’orientation, aux possibilités de survie, à la sécurité organisationnelle et à la surveillance réglementaire.
2.1 Conditions météorologiques et givrage
2.1.1 Planification du vol
Pour préparer les vols de la journée, l’équipage de conduite, de concert avec le répartiteur, a examiné les derniers messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) et les prévisions météorologiques, y compris les prévisions d’aérodrome (TAF) et les prévisions de zone graphique (GFA).
Les GFA prévoyaient un givrage modéré dans la région de Fond-du-Lac, dans les nuages, entre 2000 et 8000 pieds. Les prévisions faisaient également état d’un givrage modéré localisé de la surface à 2000 pieds en présence d’une bruine verglaçante. Cependant, les GFA ne prévoyaient aucun givrage en dehors des nuages ni aucune précipitation découlant de conditions comme du brouillard verglaçant.
De même, les TAF pour l’aéroport de Stony Rapids (CYSF), la station d’observation la plus proche de l’aéroport de Fond-du-Lac (CZFD), prévoyaient pour toute la journée des visibilités d’aussi peu que 2 milles terrestres (SM) dans de la faible neige et de la brume occasionnelle, mais ne prévoyaient aucun type de givrage, comme de la pluie verglaçante, de la bruine verglaçante ou du brouillard verglaçant.
Les conditions météorologiques enregistrées à CYSF plus tôt le jour de l’événement incluaient du givrage (givre détecté sur la sonde) sans aucune forme de précipitations et sans visibilités inférieures à 2 SM. Du givrage a également été enregistré peu avant l’événement, accompagné seulement de faible neige.
Des directives sur les prévisions météorologiques sont fournies aux spécialistes canadiens des conditions météorologiques dans le Manuel des normes et procédures des prévisions météorologiques pour l’aviation. Les directives contenues dans ce manuel – ainsi que dans des manuels semblables publiés aux États-Unis et dans d’autres pays – ne permettent pas d’émettre des prévisions de givrage dans les TAF à moins que le givrage ne soit accompagné de pluie (pluie verglaçante), de bruine (bruine verglaçante) ou de brouillard (brouillard verglaçant). Puisque le brouillard ne peut être signalé que lorsque la visibilité est inférieure à ⅝ SM, il n’y a aucune disposition permettant de signaler des conditions de givrage lorsque la source du givrage est de la brume, dans des visibilités comprises entre ⅝ SM et 6 SM.
Le phénomène d’accumulation de givre au sol en l’absence de précipitations ou de brouillard, et les conditions qui peuvent l’engendrer, sont des éléments relativement complexes qui ne sont pas toujours compris.
Fait établi quant aux risques
Si les directives de prévision météorologique ne permettent pas d’inclure dans les prévisions le givrage qui peut se produire en l’absence de précipitations ou de brouillard, il y a un risque accru que les pilotes ne soient pas prévenus de conditions prévisibles de givrage au sol.
Même si les TAF examinées par l’équipage et le répartiteur ne contenaient aucune prévision de givrage, les GFA contenaient quant à elles des prévisions de givrage localisé découlant de bruine verglaçante dans la région de plusieurs des escales prévues du vol 282 (WEW282) de West Wind Aviation L.P. (West Wind). Même si l’équipage n’a constaté aucune bruine verglaçante pendant que l’aéronef se trouvait au sol à CZFD, l’équipage du vol WEW282 et le répartiteur étaient au courant de cette possibilité au moment de la planification du vol.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Même si l’équipage de conduite et le répartiteur étaient au courant de la prévision de givrage au sol, ils ont néanmoins pris la décision de maintenir l’itinéraire prévu pour la journée à destination de plusieurs aéroports éloignés ayant des installations de dégivrage inadéquates.
L’acceptation de ce plan indique que le répartiteur et l’équipage de conduite ont estimé que les prévisions de conditions de givrage ne suffisaient pas pour justifier l’annulation de l’une ou l’autre des escales prévues.
2.1.2 Givrage pendant l’approche
Après le départ de l’aéroport international John G. Diefenbaker de Saskatoon (CYXE), le vol de l’aéronef à l’étude vers l’aéroport de Prince Albert (Glass Field) (CYPA) s’est déroulé sans incident et sans la moindre condition de givrage.
Après le départ du vol WEW282 de CYPA vers CZFD, les segments de montée et de croisière du vol se sont également déroulés sans incident. Alors qu’il se dirigeait vers CZFD, l’équipage de conduite a obtenu une mise à jour météorologique du contrôle de la circulation aérienne pour CYSF, indiquant de la faible neige et un plafond à 2300 pieds.
Les équipages de conduite qui volent de CYPA à CZFD reçoivent normalement des mises à jour des conditions météorologiques à CYSF, qui se trouve à 42 milles marins (NM) à l’est de CZFD, parce qu’il n’y a pas d’observations météorologiques disponibles pour CZFD. Dans l’événement à l’étude, les conditions météorologiques à CZFD étaient généralement semblables à celles signalées à CYSF, mais elles peuvent varier considérablement.
Au cours de la descente de l’aéronef vers CZFD, l’équipage de conduite communiquait avec 2 vols (TW280 et WEW660) qui le précédaient à CZFD, et ces vols n’ont signalé aucune condition de givrage. Quelque 15 minutes avant l’atterrissage et avant d’entrer dans les nuages, l’équipage de conduite du vol WEW282 a entendu le vol TW280 signaler que le sol était en vue à 6 milles de l’aéroport. Cette déclaration a laissé entendre à l’équipage de conduite que les conditions météorologiques ne constituaient pas un problème.
Le fait que des vols atterrissent à CZFD avant le vol WEW282 a indirectement renforcé le plan de l’équipage de conduite de poursuivre le vol prévu à destination de CZFD. Il y a une tendance à maintenir le plan initial à moins que des signes suffisamment clairs indiquent de ne pas le faire. Il s’agit de la tendance à s’en tenir au plan (abordée à la section 2.2.4.3 : Tendance à s’en tenir au plan).
Alors qu’il franchissait quelque 7600 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) en descente vers CZFD, le vol WEW282 est entré dans des conditions de givrage allant de faibles à modérées, qui ont persisté jusqu’à ce que l’aéronef franchisse la base nuageuse à 2100 pieds ASL. En réaction à ce givrage, l’équipage du vol WEW282 a activé les systèmes d’antigivrage et de dégivrage de l’aéronef.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Même si les systèmes de protection contre le givrage de l’aéronef ont été activés à l’approche de CZFD, les boudins de dégivrage de l’aéronef n’ont pas été conçus pour éliminer toute la glace qui peut s’accumuler, et les systèmes d’antigivrage n’ont pas empêché l’accumulation de glace sur les surfaces non protégées. Par conséquent, de la glace résiduelle a commencé à s’accumuler sur l’aéronef.
Peu après que le givre eut commencé à s’accumuler, l’équipage de conduite a été averti par un témoin « ICING » (givre détecté), suivi d’un témoin « DEG PERF » (performances dégradées). La combinaison et la séquence d’allumage de ces 2 témoins indiquent que la performance dégradée était due à l’accumulation de givre.
L’équipage n’a pas discuté de la gravité des conditions de givrage ni de la possibilité de se dérouter vers un autre aéroport. Cette absence de discussion laisse supposer que chaque pilote a estimé individuellement que les conditions de givrage n’étaient pas assez graves pour justifier le déroutement du vol de CZFD vers un endroit où les conditions étaient plus favorables.
Après que l’aéronef fut sorti des conditions de givrage en vol, les boudins de dégivrage ont effectué 2 cycles de plus avant d’être désactivés.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Même si l’équipage de conduite était au courant de la présence de glace, aucune anomalie en ce qui a trait à la maîtrise de l’aéronef n’a été relevée à l’approche. Par conséquent, l’équipage a probablement estimé que la glace résiduelle n’était pas suffisamment grave pour avoir un effet notable sur la performance de l’aéronef. Par la suite, sans pousser davantage la discussion sur le givrage, l’équipage a poursuivi l’approche et a atterri à CZFD.
L’enquête a permis de déterminer qu’en dépit d’un dégivrage supplémentaire lors de l’approche, peu avant l’atterrissage de l’aéronef à CZFD, la traînée avait augmenté de 28 % et la performance de l’appareil en portance s’était dégradée de 10 %, comparativement à un aéronef propre. Cette augmentation de la traînée et cette diminution de la performance en portance indiquent qu’une quantité importante de glace résiduelle adhérait à la structure de l’aéronef à son arrivée.
2.1.3 Givrage au sol
Les équipages de conduite de West Wind qui arrivaient à CZFD étaient généralement au courant du fait que l’aéroport ne disposait pas d’équipement adéquat d’inspection au sol et de dégivrage pour un aéronef ATR 42.
L’équipage de conduite de l’événement à l’étude savait qu’il restait une certaine quantité de glace résiduelle sur l’aéronef après l’approche et l’atterrissage à CZFD. Il savait également qu’il n’y avait pas d’équipement de dégivrage adéquat à CZFD. L’aéronef est resté au sol à CZFD durant environ 48 minutes dans des conditions de givrage actif.
2.1.3.1 Conditions météorologiques au sol à l’aéroport de Fond-du-Lac
Les conditions météorologiques à CZFD comprenaient un plafond couvert à environ 1000 à 1500 pieds au-dessus du sol (AGL) et des vents légers soufflant de l’ouest; il n’y avait toutefois pas de précipitations observables. La température estimée de l’air était inférieure au point de congélation, soit à environ –10 °C, avec une variation de 1 °C à 2 °C au moment de l’événement. Le point de rosée estimé avait entre 0 °C et 2 °C de différence avec la température de l’air. La visibilité était incertaine, mais les prévisions faisaient état d’une visibilité de 3 à 6 SM par endroits à ce moment-là. En outre, une bruine verglaçante était signalée à l’aéroport de Fort Smith (CYSM), dans les Territoires du Nord-Ouest, qui se trouve à 151 milles marins (NM) à l’ouest de CZFD, au cours des heures précédant l’événement. Aucune bruine verglaçante n’a été constatée pendant que le vol WEW282 était au sol à CZFD.
La petite différence entre la température de l’air et le point de rosée indique que la quantité de vapeur d’eau contenue dans l’air était très près de la limite de saturation (90 % à 100 % d’humidité relative).
Comme on ne connaît pas avec précision la température de l’air et le point de rosée à CZFD, les combinaisons les plus plausibles ont été analysées pour déterminer la probabilité de conditions de givrage actif au sol. Le tableau 7 indique les températures calculées au point de gelée blanche pour une température de l’air présumée de –10 °C avec des points de rosée possibles allant de −10 °C à −12 °C.
Température de l’air, en °C | Humidité relative | Point de rosée, en °C | Point de gelée blanche, en °C |
---|---|---|---|
−10 | 100 % | −10 | −9 |
−10 | 92 % | −11 | −10 |
−10 | 85 % | −12 | −11 |
Dans la 1re rangée, la température de l’air est au-dessous du point de gelée blanche, ce qui se traduit par un givre actif. On s’attend également à la formation de glace transparente en raison de la brume, car les températures de l’air et du point de rosée sont les mêmes (humidité relative de 100 %). Dans la 2e rangée, les températures de l’air et du point de gelée blanche sont égales, donc, encore une fois, il y a givre actif. Il peut ne pas y avoir de brume, puisque la température de l’air est au-dessus du point de rosée (humidité relative de 92 %).
Dans la dernière rangée, la température de l’air est au-dessus des points de gelée blanche et de rosée. Toutefois, dans ce cas comme dans les autres, une surface d’aéronef plus froide pourrait causer un refroidissement localisé de l’air sous la température ambiante de –10 °C, de sorte que du givre ou de la brume pourraient se former près de la surface. Dans ce cas, un refroidissement de seulement 1 °C pourrait entraîner des conditions de givre actif ou de glace transparente à cause de la brume.
L’air ambiant à CZFD était presque saturé de vapeur d’eau, à une température inférieure à 0 °C qui coïncidait presque avec le point de rosée et le point de gelée blanche. Ces conditions indiquent qu’il y avait probablement du givre actif pendant que l’aéronef se trouvait au sol à CZFD et qu’une formation de glace transparente due à la brume était très probable. Les 2 phénomènes engendrent un givrage au sol sans précipitations visibles.
Avant l’événement, on a relevé d’importantes accumulations de glace sur les structures et la végétation dans les environs de CZFD. Ces accumulations étaient le résultat des conditions de givrage actif au sol qui prévalaient avant l’événement, notamment givre et brume en surfusion. Ces conditions se sont poursuivies même après l’événement, comme en témoigne la contamination glacée qui s’est formée sur l’épave peu après l’écrasement.
Les données météorologiques et les observations du givrage avant et après l’événement indiquaient que le givrage au sol était actif et persistant à CZFD pendant une longue période.
2.1.3.2 Givrage au sol sans précipitations
Lorsqu’une partie de la surface d’un aéronef présente une température localisée plus froide que la température de l’air, l’air en contact avec ladite surface se refroidit par conduction et par convection (tableau 8).
État de l’eau | Processus | Résultat |
---|---|---|
Vapeur d’eau (gaz) | Se condense sur une surface dont la température est supérieure à zéro | Rosée |
Vapeur d’eau (gaz) | Se condense sur une surface dont la température est inférieure à zéro | Givre |
Rosée (liquide) | Gèle lorsque la surface refroidit à une température inférieure à zéro | Glace |
Rosée (liquide) | Coule jusque sur une surface dont la température est inférieure à zéro puis gèle | Glace |
Glace, givre | Fond lorsque la surface se réchauffe à une température supérieure à zéro | Eau, givre éliminé |
Glace, givre | Se sublime à une température inférieure à zéro | Vapeur d’eau (négligeable) |
Gouttelettes d’eau en surfusion (liquide) | Gèle rapidement au contact d’une surface dont la température est inférieure à zéro | Glace |
Si l’air est près du point de saturation de vapeur d’eau, il ne faut que très peu de refroidissement avant que l’eau dans l’air ne commence à se condenser. Si la température de la surface de l’aéronef est sous le point de congélation, la condensation se fera sous forme de givre sur le revêtement de l’aéronef.
Si la température de la surface de l’aéronef est supérieure au point de congélation, la condensation se fera sous forme de gouttes d’eau liquide (rosée). À mesure que ces gouttes de rosée descendent plus bas sur l’aéronef, elles peuvent toucher des surfaces dont la température est sous le point de congélation, ce qui entraîne le gel de ces gouttes sous forme de glace à cet endroit.
Même si les gouttes d’eau ne touchent pas immédiatement une surface dont la température est sous le point de congélation et maintiennent leur état de gouttes de rosée liquides sur le revêtement de l’aéronef, si les surfaces de l’aéronef continuent de refroidir (comme autour d’une nacelle moteur après l’arrêt du moteur), la rosée peut éventuellement geler sous forme de glace lorsque la température localisée de la surface passe sous le point de congélation. L’eau à l’état liquide peut également geler sous forme de glace pendant la circulation ou au décollage.
Si des gouttelettes de brume en surfusion se sont formées dans l’air, elles gèleront rapidement sous forme de glace transparente au contact d’une surface d’aéronef froide. La glace transparente peut être très difficile à voir parce qu’elle est lisse et semble présenter la même couleur et la même finition que la peinture de l’aéronef qu’il recouvre.
De telles conditions de saturation à des températures de congélationNote de bas de page 272 constituent des conditions de givrage actif au sol (« givre actif »). Même si le temps de formation du givre ou de la glace et leur taux de croissance peuvent varier, la menace est la même : les surfaces de l’aéronef peuvent accumuler des contaminants glacés si elles ne sont pas protégées par un traitement au liquide antigivrage.
Le givrage au sol attribuable au givre ou à la glace transparente, plus encore que le givrage attribuable aux précipitations visibles, exige une surveillance des données météorologiques, comme la température et l’humidité, pour déterminer si des conditions de givrage actif au sol sont présentes.
2.1.3.3 Température de l’aéronef
Pendant le vol vers CZFD, l’aéronef a été exposé à une température inférieure à –10 °C durant environ 1 heure 40 minutes, dont plus d’une heure à une température d’entre –35 °C et –38 °C. Même si la distribution réelle de la température à la surface de l’aéronef lorsqu’il a atterri à CZFD est inconnue, une grande partie de l’aéronef aurait été beaucoup plus froide que le point de gelée blanche ce jour-là. La température du carburant était probablement elle aussi inférieure à la température ambiante.
2.1.3.4 Accumulation de glace au sol
Une fois que l’aéronef se trouvait au sol à CZFD, l’air humide en contact avec ces surfaces imprégnées de froid aurait refroidi sous les points de gelée blanche et de rosée. Du givre a probablement commencé à se former sur l’aéronef peu après son atterrissage à CZFD. Le taux de formation de givre sur l’aéronef n’aurait pas été uniforme et aurait été plus élevé sur les surfaces les plus froides ou déjà contaminées en raison de l’accumulation de glace en volNote de bas de page 273. Des recherches parrainées par Transports Canada (TC) ont démontré que du givre se forme normalement dans de telles conditionsNote de bas de page 274. Aucun liquide de dégivrage ou antigivrage n’avait été appliqué sur l’aéronef à l’étude, et il avait été exposé durant environ 48 minutes.
Si de la brume ou de la bruine verglaçante s’était formée dans la zone de l’aire de trafic de CZFD à n’importe quel moment pendant que l’aéronef était au sol, les gouttelettes en surfusion auraient immédiatement gelé au contact de l’aéronef. Même si ces surfaces avaient commencé à se réchauffer et à se rapprocher de la température de l’air ambiant pendant le temps passé au sol, la glace ou le givre déjà formé n’aurait pas fondu tant qu’il demeurait sous 0 °C.
Il est presque certain que l’aéronef a accumulé du givre sur les surfaces les plus froides ou contaminées par de la glace peu après son arrivée à CZFD et pendant tout le temps passé au sol. De la glace transparente peut aussi s’être formée à partir de gouttelettes de brume en surfusion qui ont gelé au contact de surfaces dont la température était inférieure à zéro.
2.1.3.5 Interaction avec la glace résiduelle
L’aéronef a accumulé de la glace qui n’a pas pu être éliminée en vol avant d’atterrir à CZFD. Plusieurs processus pourraient avoir modifié à la fois la forme et la répartition de la glace résiduelle en vol sur la cellule. Ces processus auraient généré des effets aérodynamiques différents au cours du décollage à partir de CZFD de ceux qu’ils avaient produit pendant la descente et l’atterrissage.
En général, la glace se sublime en vapeur d’eau au fil du temps. Toutefois, si la quantité de vapeur d’eau dans l’air est déjà près de la limite de saturation, comme c’était le cas à CZFD, la vitesse de sublimation est très lente. Par conséquent, dans l’événement à l’étude, une quantité négligeable de glace résiduelle se serait sublimée pendant le temps passé au sol.
Une partie de la glace résiduelle en vol peut se détacher de certaines parties de la cellule en fondant, en raison de vibrations au sol, par flexion de la cellule et par d’autres procédés semblables. Lorsque cela se produit, des crêtes irrégulières peuvent se former aux lignes de démarcation de la glace, ce qui aurait un effet aérodynamique important.
Dans l’événement à l’étude, toute surface de l’aéronef contaminée par la glace se réchauffant à des températures supérieures au point de congélation pendant le temps passé au sol aurait commencé à faire fondre la glace qui s’y était accumulée. Cette eau de fonte pourrait s’être écoulée vers d’autres surfaces de l’aéronef ou vers de l’air dont la température était inférieure à 0 °C, où elle pourrait avoir gelé de nouveau. L’une des causes possibles pourrait avoir été l’exposition aux gaz d’échappement du moteur. Alors que l’aéronef se trouvait au sol, le moteur droit fonctionnait en « mode hôtel ». Avec l’influence des vents légers et des structures avoisinantes, la traînée d’échappement pourrait n’avoir touché qu’un côté de l’aéronef, ce qui aurait causé une asymétrie de la formation de glace sur la cellule. En outre, les composantes des gaz d’échappement pourraient avoir modifié le niveau de saturation de vapeur d’eau dans l’air.
Les accumulations de glace résiduelle en vol pourraient avoir interagi avec les conditions de givrage au sol pour produire des formes et une répartition variées de la glace sur la cellule. La glace existante aurait servi de site de nucléation de premier ordre pour la formation de givre ou de glace transparente supplémentaire. Toute eau issue de la fonte pourrait s’être répandue sur les zones gelées avant de geler de nouveau, créant ainsi des crêtes de givre. L’eau de fonte pourrait aussi avoir gelé pendant la circulation au sol ou le décollage.
La forme et la répartition des accumulations de glace résiduelle en vol peuvent avoir changé pendant que l’aéronef était au sol, en raison de la fonte, du regel, de l’élimination ou de la croissance du givre ou de la glace. La glace sur la cellule peut avoir été asymétrique, en particulier à cause de la traînée d’échappement du moteur droit fonctionnant en « mode hôtel ».
Au cours de cette analyse, aucune conclusion n’a été tirée quant à l’épaisseur ou à l’étendue visibles de la contamination par la glace ou le givre sur l’aéronef, qu’il s’agisse de glace résiduelle issue du vol ou d’accumulations liées au givrage au sol. Toute quantité de contamination adhérant aux surfaces critiques de l’aéronef peut perturber gravement son aérodynamisme.
À elles seules, les accumulations de glace résiduelle en vol ou les accumulations liées au givrage au sol suffisent pour entraîner une perte de maîtrise après le décollage. Or, dans l’événement à l’étude, il est probable que les deux se soient combinées. Plusieurs accidents ont démontré que même une couche mince de contamination par le givre suffit pour provoquer une perte de maîtrise immédiatement après le décollage.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Les conditions météorologiques au sol étaient propices à la formation de glace ou de givre. Cette situation, combinée aux sites de nucléation offerts par le givre mixte résiduel sur l’aéronef, a entraîné la formation de glace ou de givre additionnel sur les surfaces critiques de l’aéronef.
En raison de la glace additionnelle qui s’est accumulée pendant que l’aéronef était au sol, la forme et la répartition de la contamination par la glace sur l’aéronef au décollage étaient probablement très différentes de celles de la glace résiduelle à l’atterrissage et, par conséquent, ont produit des effets aérodynamiques très différents.
2.2 Inspection et dégivrage
2.2.1 Équipement
L’équipement disponible pour inspecter et dégivrer les aéronefs de West Wind à CZFD était constitué de 2 échelles, dont la plus grande permettait de se tenir debout à une hauteur maximale de 2,77 m; 1 dispositif de pulvérisation portatif doté d’un réservoir à petite capacité de liquide chauffant; et 1 contenant de 20 L de liquide de dégivrage de type I. Il était également possible d’utiliser un petit dispositif de pulvérisation portatif chauffant additionnel appartenant à un autre exploitant et contenant 20 L de plus.
La voilure principale de l’aéronef ATR 42 se trouve à 3,76 m au-dessus du sol et son stabilisateur horizontal est à 7,75 m au-dessus du sol. Ces surfaces critiques ont une superficie combinée de plus de 66 m2. La quantité de liquide recommandée pour dégivrer un aéronef est de 1 L/m2. Dans le cas d’un ATR 42, cela représente plus de 66 L.
En raison de la hauteur des surfaces critiques de l’aéronef et de la hauteur maximale à laquelle on peut se tenir debout sur les échelles disponibles, aucune des 2 échelles n’était assez haute pour permettre une inspection adéquate ou pour dégivrer la voilure ou le stabilisateur horizontal de l’aéronef ATR 42. Les dispositifs de dégivrage disponibles, même combinés, n’avaient pas une capacité de liquide suffisante pour dégivrer un ATR 42.
L’équipage de conduite n’a pas tenté de dégivrer l’aéronef, et il n’a pas demandé que le personnel au sol le dégivre. Par ailleurs, s’ils en avaient fait la demande, l’équipement disponible n’aurait pas été adéquat et la tentative de dégivrage aurait probablement échoué.
2.2.2 Inspection avant le départ
L’équipage de conduite du vol WEW282 était au courant de la présence de glace résiduelle sur l’aéronef avant d’atterrir à CZFD. Après l’atterrissage et le débarquement, le premier officier a quitté le poste de pilotage pour inspecter l’aéronef.
Comme on l’a déjà mentionné, aucune des échelles disponibles n’était assez haute pour permettre une inspection de l’aéronef et le premier officier n’a pas tenté d’utiliser l’une ou l’autre des échelles pour effectuer l’inspection. Le premier officier a plutôt effectué l’inspection en marchant autour de l’aéronef sur l’aire de trafic faiblement éclairée, sans lampe de poche, et en observant l’aile gauche à partir du haut de l’escalier à la porte d’accès arrière gauche (G2).
Lorsque les équipages de conduite des aéronefs ATR 42 inspectent les surfaces supérieures de l’aéronef à partir de la porte d’accès G2, ils ne peuvent pas voir l’ensemble de l’aile droite, le dessus du stabilisateur horizontal et d’autres parties de l’aéronef. Selon les conditions d’éclairage, même les parties de l’aéronef normalement visibles peuvent être difficiles à voir. Il est probable qu’en raison de cette difficulté, aucune glace ou aucun contaminant n’a été remarqué lors de l’inspection de la surface supérieure.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Puisque l’équipement d’inspection disponible était inadéquat, pour effectuer l’inspection visant à déterminer s’il y avait de la glace sur l’aéronef, le premier officier s’est contenté de faire le tour de l’aéronef à pied sur l’aire de trafic faiblement éclairée, sans lampe de poche, puis de regarder l’aile gauche à partir du haut des escaliers à la porte d’accès arrière gauche (G2). Par conséquent, l’équipage de conduite ne connaissait pas la pleine étendue de la glace résiduelle et ne savait pas que de la glace continuait de s’accumuler.
Cependant, pendant qu’il marchait, le premier officier a remarqué de la contamination sur le nez de l’aéronef, ainsi que de la glace résiduelle sur les bords d’attaque des ailes, les entrées d’air des moteurs et le stabilisateur vertical. Le premier officier a également remarqué que de la glace adhérait aux lignes électriques et à la végétation avoisinantes.
Même s’il n’a pas été possible de déterminer si l’équipage savait que les conditions atmosphériques pendant le temps passé au sol étaient propices au givrage (en l’absence de précipitations ou de brouillard), il a été possible de déterminer qu’il était au courant, jusqu’à un certain point, de l’accumulation de glace qui en résultait. Puisque les pilotes n’ont pas constaté de précipitations pendant que l’aéronef se trouvait au sol, cela peut avoir faussé leur évaluation de l’ampleur de la nouvelle contamination de l’aéronef.
Lorsque le premier officier a regagné le poste de pilotage, il a brièvement discuté de la glace qu’il avait remarquée avec le commandant de bord, et il a mentionné qu’il y avait plus de glace qu’il ne le croyait à l’origine et que ce qui était visible au sol adhérait aussi à l’aéronef. Le commandant de bord a répondu d’une manière laissant croire que cette situation ne l’inquiétait pas et il n’a pas inspecté lui-même l’aéronef.
2.2.3 Concept de l’aéronef propre
Le concept de l’aéronef propre est un cadre de règlements, de normes, de politiques et de procédures qui interdit aux pilotes de tenter de décoller avec du givre, de la neige ou de la glace qui adhèrent à l’une ou l’autre des surfaces critiques de l’aéronef. Bien que ce concept ou moyen de défense soit valable en principe, il crée un point de défaillance unique sur le plan de la prise de décisions de l’équipage de conduite. Les fondements des décisions prises par l’équipage de conduite dans l’événement à l’étude seront examinés plus en détail à la section 2.2.4 : Prise de décisions de l’équipage de conduite.
Bien que le concept de l’aéronef propre repose en fin de compte sur l’unique moyen de défense que constitue son respect par l’équipage de conduite, de nombreux moyens de défense organisationnels sont également en place pour aider les équipages de conduite à prendre des décisions, à reconnaître et à atténuer les risques et à réduire la probabilité qu’un aéronef contaminé décolle.
2.2.3.1 Règlement
Le paragraphe 602.11(2) du Règlement de l’aviation canadien (RAC) stipule qu’« [i]l est interdit d’effectuer ou de tenter d’effectuer le décollage d’un aéronef si du givre, de la glace ou de la neige adhèrent à toutes surfaces critiques ».
Ce règlement était en vigueur au moment de l’événement, mais il n’a pas empêché l’équipage de procéder au décollage avec un aéronef contaminé. Le règlement lui-même est clair et explicite; toutefois, son efficacité repose sur son respect par les pilotes et sur le caractère adéquat des autres moyens de défense mis en œuvre par l’exploitant aérien.
2.2.3.2 Directives de l’entreprise
Des informations, des instructions et des directives concernant les opérations de l’aéronef ATR 42 dans des conditions de givrage figurent dans un certain nombre de manuels de l’entreprise et de manuels se rapportant à l’aéronef. Il s’agit notamment du manuel d’exploitation de l’entreprise, qui comprend le manuel des opérations régies par la sous-partie 705, ainsi que les procédures d’exploitation normalisées (SOP) pour l’ATR 42, qui sont tirées du manuel de vol de l’avion (AFM) de l’ATR 42, du manuel d’exploitation de l’équipage de conduite (FCOM) et du manuel de référence rapide.
De plus, en vertu de l’alinéa 602.11(4)b) du RAC, West Wind a mis en place un programme sur les opérations dans des conditions de givrage au sol (GIOP) pour répondre aux normes énoncées dans la Norme 622.11 – Opérations dans des conditions de givrage au sol des Normes de service aérien commercial. Ce programme est décrit dans le manuel du GIOP de la compagnie.
Ces manuels contiennent tous des directives semblables concernant l’inspection de l’aéronef lorsque des conditions de givrage sont présentes, des procédures de dégivrage ou d’antigivrage, ainsi que l’interdiction de décoller en présence de givre, de glace ou de neige qui adhèrent à l’une ou l’autre des surfaces critiques de l’aéronef.
Le manuel du GIOP décrit un grand nombre des dangers associés au givrage de même que diverses sources de glace, de neige ou de givre, mais il ne précise pas de procédure explicite pour reconnaître les conditions de givrage au sol, bien que les directives des organismes de réglementationNote de bas de page 275 et le manuel du GIOP lui-même l’exigent. Le manuel indique simplement que des conditions de givrage au sol existent lorsque le givre, la glace ou la neige adhèrent ou peuvent adhérer aux surfaces critiques d’un aéronef.
Reconnaître les conditions de givrage au sol est l’élément déclencheur pour la mise en application des procédures relatives au givrage au sol, comme l’inspection et le dégivrage. Même si certaines conditions météorologiques qui présentent un risque de givrage au sol sont évidentes, comme les précipitations verglaçantes, d’autres le sont moins, par exemple un brouillard verglaçant qui n’est pas inclus dans les prévisions, comme celui présent lors de l’événement à l’étude.
Fait établi quant aux risques
Si les GIOP ne définissent pas clairement une procédure permettant de reconnaître les conditions de givrage au sol, les équipages de conduite peuvent ne pas entreprendre de procédures d’inspection et de dégivrage, ce qui augmente le risque qu’un aéronef décolle avec des surfaces contaminées.
Même si les manuels ne définissaient pas le danger de givrage au sol présent au moment de l’accident, l’équipage était au courant des conditions de givrage et a effectué une inspection sommaire de l’aéronef, compte tenu de l’équipement disponible.
Les manuels précisent clairement ce qu’il convient de faire si une contamination est détectée au cours de ces inspections; toutefois, ils n’abordent ni l’équipement qui pourrait être nécessaire pour inspecter ou dégivrer un aéronef ATR 42, ni ce qu’il faut faire si ce matériel n’est pas disponible, comme c’était le cas à CZFD. Plus précisément, les manuels exigent que la surface supérieure du stabilisateur horizontal soit inspectée; or, cette surface supérieure est située à 7,75 m au-dessus du sol, ce qui rend impossible toute inspection à partir du sol.
Fait établi quant aux risques
Si les documents d’orientation exigeant l’inspection de surfaces d’aéronef qui ne sont pas visibles du sol ne précisent pas la procédure à suivre pour effectuer cette inspection, il y a un risque que l’inspection ne soit pas effectuée et que la contamination de la surface ne soit pas détectée.
Les manuels de l’entreprise exigeaient également que toute lacune relevée concernant l’équipement ou les procédures soit signalée par l’entremise du système de gestion de la sécurité (SGS) de l’entreprise. Un examen de la base de données du SGS de la compagnie a permis de constater que, même si certains rapports du SGS concernaient les procédures de dégivrage, les dangers associés à certains équipements de dégivrage et les annulations de vols attribuables au fait que l’équipement de dégivrage au sol était inutilisable dans des aéroports où cet équipement était normalement disponible, aucun rapport du SGS ne portait sur l’indisponibilité ou le caractère inadéquat de l’équipement de dégivrage dans des aéroports comme CZFD, ou sur des départs effectués malgré de la contamination par la glace. L’absence de rapports laisse croire que le caractère inadéquat de l’équipement était considéré comme normal et que la pratique consistant à poursuivre les opérations sans cet équipement était devenue normalisée (voir la section 2.2.4.2 : Adaptations et normalisation).
Fait établi quant aux risques
Si le personnel qui est au courant de lacunes dans les procédures de dégivrage ou la disponibilité d’équipement ne signale pas ces dangers par l’entremise du SGS de l’entreprise, il y a un risque que les dangers ne soient pas documentés, évalués et atténués.
2.2.3.3 Formation
West Wind offrait des programmes de formation initiale et récurrente sur les dangers du givrage et avait des politiques sur le concept de l’aéronef propre. La formation donnait des détails sur les diverses sources de givrage des aéronefs, y compris le givrage qui peut survenir en l’absence de précipitations.
Même si la formation était exhaustive, elle ne comportait aucune information précise ni sur l’équipement nécessaire pour inspecter et dégivrer un aéronef ATR 42, ni sur la disponibilité de l’équipement requis aux destinations régulières de la compagnie.
2.2.4 Prise de décisions de l’équipage de conduite
Même si de nombreux moyens de défense administratifs existaient pour s’assurer que le concept de l’aéronef propre était bien compris et respecté, l’équipage de conduite du vol WEW282 a décidé de quitter CZFD malgré la contamination des surfaces critiques de l’aéronef.
La présente section analysera les nombreux facteurs qui ont mené à cette décision et les biais qui ont porté l’équipage à croire que le plan d’action choisi était sécuritaire. Elle analysera également pourquoi certains des moyens de défense mis en place pour aider à prendre cette décision n’ont pas permis d’éviter un résultat négatif.
2.2.4.1 Gestion des ressources de l’équipage
La gestion des ressources de l’équipage (CRM) est l’aide la plus largement acceptée pour la prise de décisions par les équipages de conduite et constitue l’un des principaux moyens de défense contre un large éventail de menaces, d’erreurs et d’états indésirables. Il s’agit désormais d’un terme général qui englobe pratiquement tous les aspects de la sécurité chez un exploitant aérien moderne.
Les équipages de West Wind, y compris l’équipage de l’événement à l’étude, ont reçu une formation régulière et récurrente sur les nombreux aspects de la CRM.
La base de la CRM est une communication claire, ouverte et efficace entre les membres d’équipage. Cette communication favorise un travail d’équipe efficace, améliore la conscience situationnelle commune, améliore les prises de décisions par l’équipage et aide à prévenir, à détecter ou à atténuer les erreurs. La CRM moderne inclut également le concept de gestion des menaces et des erreurs (TEM).
La présente section traitera de certaines des raisons pour lesquelles ces moyens de défense combinés n’ont pas pu atténuer le danger ou empêcher l’équipage de conduite de partir avec de la contamination sur l’aéronef.
2.2.4.1.1 Communications entre les membres de l’équipage
Lorsque le premier officier a indiqué au commandant de bord qu’il y avait de la glace sur l’aéronef, le commandant de bord était en train d’effectuer les calculs de masse et de centrage. La discussion entre les pilotes au sujet de la glace n’a duré que 9 secondes avant que le commandant de bord ne retourne immédiatement à ses calculs.
En réponse au rapport du premier officier selon lequel l’aéronef était contaminé, le commandant de bord a accusé réception du message, mais la discussion en est restée là. Il n’y a pas eu de discussion explicite sur la menace que représente la glace, sur l’acceptation du risque associé à la glace, sur le dégivrage de l’aéronef ou sur d’autres mesures d’atténuation des risques.
Le premier officier n’a pas poursuivi la discussion, ce qui laisse croire qu’il ne percevait pas la glace comme étant un problème justifiant d’insister. Six secondes après la fin de la discussion, le commandant de bord a dit au premier officier qu’il y avait 7 passagers de plus que prévu et il a fait la demande de vérification avant démarrage. Trois minutes plus tard, le premier officier a une fois de plus mentionné la glace, même s’il ne s’agissait que d’une brève remarque qui ne semblait pas être une source importante de préoccupations. La réponse du commandant de bord n’indiquait pas non plus d’inquiétude.
La communication du premier officier selon laquelle il y avait de la glace sur l’aéronef a été reçue et comprise par le commandant de bord. Cependant, les échanges ne portaient que sur la présence de glace et ne comprenaient pas d’informations sur l’étendue de la contamination, ni ne suggéraient de possibles conséquences ou mesures d’atténuation.
Le premier officier a formulé ses observations pendant que le commandant de bord s’affairait à d’autres tâches préalables au décollage, et le commandant de bord a immédiatement repris ces tâches. Le fait qu’aucun des 2 pilotes n’ait poursuivi la discussion laisse croire qu’ils acceptaient tous deux la présence de glace et qu’ils ne jugeaient pas nécessaire de dégivrer l’aéronef ou de retarder le vol.
2.2.4.1.2 Rapport d’autorité dans le poste de pilotage
La hiérarchie décisionnelle – ou rapport d’autorité dans le poste de pilotage – entre les 2 pilotes était relativement égale. Tous deux avaient l’expérience des opérations dans le Nord et avaient déjà été jumelés l’un avec l’autre.
Il n’y a pas eu de discussion entre le commandant de bord et le premier officier sur la menace posée par le givrage de l’aéronef. Chaque pilote a effectué une évaluation rapide et individuelle. Ce faisant, l’équipage n’a pas eu l’occasion de discuter de l’étendue possible de la contamination et des options pour faire face à la menace posée par le givrage. Le rapport d’autorité égal peut avoir créé par inadvertance un obstacle à la communication efficace. Chaque pilote a peut-être fait certaines suppositions en ce qui concerne la conscience situationnelle et le processus décisionnel de l’autre.
Fait établi quant aux risques
Lorsque le rapport d’autorité dans le poste de pilotage est relativement égal, les communications peuvent être moins efficaces et les pilotes peuvent avoir des idées préconçues erronées en ce qui concerne la conscience situationnelle et le processus décisionnel de l’autre, ce qui augmente le risque que des dangers associés au vol ne soient pas identifiés et corrigés par l’équipage.
2.2.4.1.3 Gestion des menaces et des erreurs
Les principes clés de la TEM sont la prévision, la reconnaissance et la correction des menaces et des erreurs. La TEM préconise l’analyse attentive des dangers potentiels et la prise des mesures qui s’imposent pour éviter, neutraliser ou atténuer les menaces et les erreurs avant qu’elles ne mènent à un état indésirable de l’aéronef. Les équipages de conduite peuvent neutraliser une erreur en l’identifiant et en la corrigeant, aggraver une erreur en commettant une autre erreur par la suite, ou n’avoir aucun effet sur l’erreur en ne la détectant pas ou en n’en tenant pas compteNote de bas de page 276.
Les séances d’information sur la TEM peuvent être un outil très utile pour aider les équipages à acquérir une compréhension commune des menaces et des erreurs perçues par l’un ou l’autre de leurs membres et à élaborer un plan commun pour atténuer les risques. Des listes de vérification issues d’exposés d’information sur la TEM sont normalement créées pour aider à orienter les activités d’identification et les discussions des membres d’équipage vers des domaines précis qui ont déjà été cernés comme étant potentiellement dangereux.
West Wind avait ajouté de son plein gré des séances d’information sur la TEM à ses SOP avant l’accident, même si la réglementation ne l’exigeait pas, car la compagnie reconnaissait que le fait que des équipages discutent de manière proactive afin de déterminer des stratégies pour contrer des menaces possibles constitue en soi un avantage pour la sécurité. La liste de vérification de TEM pour le vol WEW282 abordait les « cold wx ops » (opérations par temps froid), mais ne disait rien de précis sur le givrage des aéronefs. La liste n’est toutefois pas censée être exhaustive.
Avant que l’aéronef quitte CZFD pour le vol à l’étude, l’exposé avant décollage du commandant de bord a abordé la menace que représentait l’effet de « trou noir ». Il s’agissait d’une menace régulière dans le cadre de départs de nuit à partir d’aéroports éloignés, et l’équipage savait comment la gérer.
Même si l’équipage était au courant du givrage de l’aéronef, ce sujet n’a pas été abordé à titre de menace au cours de cette séance d’information, probablement parce qu’il n’y avait qu’une seule option pour l’atténuation – ne pas décoller – et que la décision de décoller avait déjà été prise.
Pour ce qui est de l’analyse de la prise de décisions, on appelle « adaptation » la décision de poser délibérément des gestes qui s’écartent d’une règle ou d’une procédure normalisée connue. En raison de la nature délibérée de ces décisions, les séances d’information sur la TEM peuvent être inefficaces pour corriger les adaptations faites dans les contextes à pilote unique ou les décisions collectives prises dans un contexte multipilote, parce que la décision de faire une adaptation a déjà été prise.
Plus précisément, si les équipages de conduite ont déjà pris la décision collective de s’écarter d’une règle normalisée, en particulier s’il s’agit d’une règle aussi explicite que le concept de l’aéronef propre, et s’il est devenu courant de le faire, il est peu probable que cet écart intentionnel (ou adaptation) soit abordé pendant l’exposé, car la méthode d’atténuation destinée à neutraliser cette erreur a déjà été écartée. Par exemple, si un équipage de conduite décidait de décoller avec un aéronef surchargé, il serait peu probable qu’il discute ouvertement des options pour atténuer cette erreur, alors que la seule option clairement sécuritaire, à savoir ne pas décoller, aurait déjà été écartée.
Fait établi quant aux risques
Bien que les séances d’information sur la TEM soient utiles, si l’on s’en remet à elles pour atténuer des menaces ou des erreurs qui sont des adaptations systémiques, il y a un risque que les dangers subsistent, surtout si la menace elle-même est le non-respect de la mesure d’atténuation.
En d’autres termes, si choisir d’enfreindre une règle est l’erreur identifiée, alors il n’y a pas de raison de discuter des moyens d’éviter cette erreur.
Même si cette méthode de TEM ne corrige pas une adaptation systémique peu avant que le geste soit posé, elle pourrait en théorie être efficace si elle est appliquée dans une perspective plus large. Si l’exploitant avait reconnu à l’avance que les décisions de décoller pouvaient être influencées par des biais cognitifs, il aurait peut-être pris des mesures pour gérer cette menace. Toutefois, rien n’indiquait que cette menace globale avait été identifiée au moment de l’événement.
2.2.4.2 Adaptations et normalisation
Les organismes de réglementation, les fabricants et les exploitants élaborent des règles, des politiques et des procédures visant à établir des limites sûres pour les opérations. Il arrive toutefois que les gens prennent la décision de ne pas respecter ces limites, souvent sous l’influence de pressions visant à être plus productifs ou de biais cognitifs. Lorsqu’elle est répétée au fil du temps, cette dérive entraîne des adaptations des procédures elles-mêmes et des écarts par rapport aux limites prescrites, ce qui se traduit par des pratiques dangereusesNote de bas de page 277.
Normalement, ces adaptations procédurales n’ont pas de conséquences négatives visibles et immédiates. Les menaces à la sécurité qu’elles posent ne sont pas évidentes, car l’adaptation des procédures ou des règlements ne conduit pas immédiatement à un accident. De plus, avec le temps, à chaque nouveau vol réussi, la pratique se normalise parce que les pilotes reconnaissent les avantages fréquents des adaptations, mais voient rarement les conséquences potentiellement catastrophiques.
En ce qui concerne les opérations dans des endroits éloignés comme CZFD, l’équipement disponible pour inspecter et dégivrer l’aéronef était souvent inadéquat, et les équipages de conduite le savaient. Cela signifiait qu’une fois au sol, si de la glace était détectée, le choix était soit de partir avec une certaine contamination, soit d’annuler le vol et de causer un retard prolongé. Étant donné que le seul équipement de dégivrage disponible n’était pas en mesure de dégivrer un aéronef ATR 42, la décision de le dégivrer aurait engendré un retard qui ne se compte pas en minutes, mais en jours.
L’une de ces options était manifestement extrêmement négative en matière de productivité, tandis que l’autre n’avait pas de conséquences néfastes immédiates. Face à cette pression, afin de rester productifs, les équipages de conduite qui décollent de ces lieux éloignés commencent à faire des adaptations.
Fait établi quant aux risques
Si un équipement de dégivrage adéquat n’est pas disponible, surtout où des opérations sont menées habituellement, il y a un risque, si de la glace est détectée, que la pression perçue causée par la création de retards importants puisse pousser les équipages de conduite à faire des adaptations au concept de l’aéronef propre et à décoller avec un aéronef dont les surfaces critiques sont contaminées.
Sans une surveillance et une instruction régulières, et sans une application régulière des limites prescrites, certaines personnes auront tendance à continuer d’adapter les procédures et de prendre des raccourcis jusqu’à ce qu’elles atteignent les limites de sécurité, ce qui pourrait mener à une situation dangereuse, voire à un accident.
Entre 2014 et le vol à l’étude, West Wind a effectué 188 escales avec un ATR 42 à CZFD, dont 101 pendant les mois d’octobre, novembre et décembre. La durée moyenne des escales pour les 188 vols était de 25 minutes. Ce court délai indique que ces aéronefs n’ont probablement jamais été dégivrés et qu’aucun décollage de CZFD n’a jamais été retardé ou annulé en raison de conditions de givrage. En fait, les données de l’enquête indiquent que certains aéronefs ont probablement décollé en étant contaminés par la glace.
Même si les 188 vols à destination de CZFD représentent un faible pourcentage du total des activités d’ATR 42 de West Wind, ils sont considérés comme représentatifs des activités de West Wind dans les endroits éloignés.
Comme on l’a déjà mentionné, pendant cette période, aucun rapport du SGS déposé par les équipages de conduite ne mentionnait l’équipement inadéquat à CZFD, ni ses conséquences sur les décisions de partir avec un aéronef contaminé, ce qui laisse croire que cette pratique est devenue un élément normal des opérations.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Décoller d’aéroports éloignés, comme CZFD, avec une certaine contamination des surfaces critiques de l’aéronef, était devenu une pratique courante, en partie en raison du caractère inadéquat de l’équipement ou des services de dégivrage à ces endroits. Les réussites antérieures de ces adaptations ont entraîné la normalisation de la pratique dangereuse, et cette normalisation a influencé la décision de décoller prise par l’équipage de conduite.
2.2.4.3 Tendance à s’en tenir au plan
On peut décrire la tendance à s’en tenir au plan comme la tendance d’une personne à maintenir le plan d’action initial, malgré la présence de signaux qui, en rétrospective, justifiaient un changement de plan. Dans les situations de tendance à s’en tenir au plan, la compréhension qu’ont les gens de la situation s’écarte peu à peu de la situation telle qu’elle s’est avérée être. La tendance à s’en tenir au plan résulte presque toujours de
- signes initiaux et soutenus qui laissent entendre que le plan est sûr et qui sont convaincants et sans ambiguïté;
- signes ultérieurs qui laissent entendre que la situation est en train de changer, mais qui sont beaucoup plus faibles, difficiles à traiter, ambigus ou contradictoiresNote de bas de page 278.
Une fois qu’un plan a été établi et mis en œuvre, il devient de plus en plus difficile de reconnaître que des stimuli ou des conditions dans l’environnement exigent d’apporter des changements au plan. Souvent, à mesure que la charge de travail augmente, ces stimuli et conditions sont évidents pour des personnes extérieures à la situation. Toutefois, un pilote appliquant un plan peut avoir beaucoup de difficulté à reconnaître l’importance des indices et le besoin de modifier le planNote de bas de page 279.
Dans l’événement à l’étude, avant même d’atterrir à CZFD, l’équipage avait mis au point un plan qui prévoyait un départ rapide et ne comprenait pas de dégivrage de l’aéronef. Plusieurs signes initiaux et soutenus pendant le vol d’arrivée ont mené l’équipage à croire que ce plan était sûr, notamment :
- le fait que 2 aéronefs étaient arrivés en toute sécurité à CZFD avant le vol à l’étude;
- le fait convaincant de savoir qu’ils avaient fait cela en toute sécurité;
- le comportement normal de l’aéronef malgré les alertes de performance dégradée;
- l’absence de préoccupations ou de discussions importantes soulevées par l’un ou l’autre des pilotes au sujet des conditions du moment.
Les indices ultérieurs dont l’équipage a pris connaissance et portant à croire qu’un changement de plan pourrait être nécessaire étaient légèrement plus faibles, incertains, voire contradictoires. Lorsque le premier officier a regagné le poste de pilotage après avoir fait le tour de l’aéronef à pied, les nouveaux renseignements qu’il a fournis au sujet de la glace n’étaient ni détaillés ni convaincants. À peu près au même moment, un autre aéronef a décollé en toute sécurité, ce qui contredisait toute perception possible que le givrage était important. Enfin, lorsque l’équipage a terminé sa dernière vérification du givrage avant le départ, même si le commandant de bord a signalé que le déporteur, soit la surface représentative qu’il devait inspecter pour détecter la présence de glace, n’était pas contaminé, la vue qu’en avait le premier officier était limité et ce dernier a dit au commandant de bord qu’il pouvait à peine le voir de son côté. Par conséquent, l’évaluation par l’équipage de conduite de l’ampleur de la glace lors de cette vérification finale était fondée sur des renseignements incomplets.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Même si les membres de l’équipage de conduite étaient conscients du givrage sur les surfaces critiques de l’aéronef, ils ont déterminé que le départ du vol à l’étude pouvait être effectué en toute sécurité. Leur décision de maintenir le plan de départ initial a été influencée par la tendance à s’en tenir au plan, puisqu’ils percevaient les signes initiaux et soutenus à l’appui de leur plan comme plus convaincants que les signes ultérieurs suggérant une autre ligne de conduite.
2.2.5 Recommandations issues de l’enquête menée auprès de pilotes
En juillet et en août 2018, le BST a demandé des renseignements aux pilotes qui effectuaient des vols à destination et en provenance d’aéroports éloignés au Canada. Une enquête en ligne a été menée afin de recueillir ces renseignements. On a reçu 655 réponses au sondage, qui a fourni des renseignements utiles sur le concept de l’aéronef propre ainsi que sur le caractère adéquat des installations de dégivrage et d’antigivrage dans les endroits éloignés.
Les principaux points à retenir des résultats peuvent être résumés par les énoncés suivants. Les résultats sont ventilés par pourcentage des répondants :
- 74 % ont indiqué avoir vu des pilotes décoller, au cours des 5 dernières années, avec des aéronefs dont les surfaces critiques étaient contaminées.
- 39 % ont indiqué être jamais ou rarement en mesure de faire dégivrer leur aéronef.
- 35 % ont indiqué avoir jamais ou rarement accès à de l’équipement au sol permettant le dégivrage adéquat de leur aéronef dans les aéroports éloignés.
- 31 % ont indiqué avoir jamais ou rarement accès à de l’équipement au sol permettant d’effectuer une inspection efficace des surfaces critiques de l’aéronef.
En décembre 2018, après avoir analysé les données de l’enquête et établi les liens entre les données et les facteurs sous-jacents en cause dans cet événement, le BST a émis 2 recommandations visant à aborder les 2 secteurs posant les plus grands risques : la disponibilité d’équipement de dégivrage et d’antigivrage adéquat et le respect du concept de l’aéronef propre.
Les plus récentes réponse (septembre 2020) et mise à jour (novembre 2020) de TC au sujet de ces recommandations indiquaient que TC avait créé un groupe de travail d’intervenants, amélioré la formation et produit des documents de sensibilisation aux dangers posés par le décollage d’aéronefs aux surfaces critiques contaminées. La pandémie de COVID-19 a posé des difficultés au secteur et à TC. Ces difficultés ont retardé l’élaboration de mesures concrètes pour garantir la disponibilité d’équipement de dégivrage et d’antigivrage adéquat afin de réduire la probabilité que des aéronefs décollent avec des surfaces critiques contaminées et ont empêché l’exécution de la plupart des inspections ciblées par TC visant à améliorer le respect du paragraphe 602.11(2) du RAC.
Même si ces mesures, une fois pleinement mises en œuvre, sont susceptibles d’atténuer considérablement le risque associé à la lacune de sécurité, au moment de la publication du présent rapport, ces mesures n’avaient toujours pas été mises en œuvre.
Fait établi quant aux risques
Jusqu’à ce que des mesures soient prises pour aborder la disponibilité d’équipement de dégivrage et d’antigivrage (recommandation A18-02 du BST) et la conformité (recommandation A18-03 du BST), le risque demeure que les pilotes ne respectent pas le concept de l’aéronef propre et qu’ils continuent de décoller avec des aéronefs contaminés.
2.3 Décollage et perte de maîtrise
2.3.1 Calculs des performances
Lorsque l’équipage a préparé les calculs des performances au décollage avant le départ, il a utilisé le METAR pour CYSF qu’il avait reçu à l’approche de CZFD. Ce METAR indiquait une température de −10 °C, quelques nuages à 1400 pieds AGL et un plafond de nuages fragmentés à 2300 pieds AGL.
Selon les directives de l’AFM, du givrage atmosphérique est présent lorsque la température est inférieure à 10 °C et que de l’humidité visible sous toutes ses formes, par exemple des nuages, est présente. Il ne précise pas si l’aéronef doit se trouver dans les nuages dont il est question ou si la présence des nuages est à elle seule suffisante. Par exemple, si des nuages étaient prévus à 200 pieds, il pourrait être évident que des conditions de givrage atmosphérique existaient au départ, mais s’il y avait que quelques nuages à 2000 pieds, l’existence de conditions de givrage atmosphérique pourrait ne pas être aussi claire.
Les lignes directrices du FCOM stipulent que des limites de vitesse doivent être respectées dès que des conditions de givrage sont présentes. Toutefois, cette exigence repose sur l’explication du givrage atmosphérique fournie dans l’AFM et ne précise pas si des limites de vitesse sont requises pour les nuages dans lesquels l’aéronef ne pénètre pas au décollage.
Lorsqu’un aéronef est certifié, les normes de certification exigent qu’il soit en mesure de faire face à du givrage pendant qu’il est sur la trajectoire de décollage, qui s’étend du sol jusqu’à une altitude de 1500 pieds. Les constructeurs d’aéronefs doivent établir des vitesses pour les conditions de givrage qui seront utilisées pour respecter les exigences de franchissement d’obstacles après une panne moteur au décollage dans des conditions de givrage.
Étant donné que ces vitesses sont calculées en fonction de la trajectoire de décollage, il s’ensuit que, s’il existe des conditions de givrage à moins de 1500 pieds AGL, les vitesses appropriées au givrage doivent être utilisées pour le décollage. Toutefois, ces renseignements ne sont fournis aux pilotes dans aucune des directives offertes par le fabricant, la compagnie ou l’organisme de réglementation, en dehors de l’interprétation des règlements ou des normes de certification elles-mêmes.
L’utilisation de vitesses de décollage appropriées est importante pour s’assurer que l’aéronef peut franchir les obstacles au décollage ou arrêter sur la longueur de piste restante, si l’équipage doit interrompre le décollage. Puisque les vitesses pour les conditions de givrage sont toujours plus élevées que les vitesses pour les conditions de non-givrage, elles augmentent la distance de décollage requise ou, dans les cas où la distance est limitée, réduisent la masse admissible au décollage.
Fait établi quant aux risques
Si les directives fournies aux pilotes pour les aider à déterminer quand choisir les vitesses de décollage par conditions de givrage ne sont ni claires ni bien définies, les équipages de conduite peuvent choisir une vitesse ou une masse d’exploitation au décollage qui empêchera l’aéronef de satisfaire aux exigences minimales de performance établies par les normes de certification, augmentant ainsi le risque d’accident.
Avant le départ du vol à l’étude, l’équipage de conduite ne croyait pas décoller dans des conditions de givrage; par conséquent, il a choisi une vitesse au décollage pour conditions de non-givrage et le niveau 1 de protection contre la glace. Au décollage, il n’y a probablement pas eu d’autres accumulations importantes de glace en vol en raison de l’absence de précipitations et parce que l’aéronef n’a jamais pénétré dans les couches nuageuses qui étaient probablement présentes à 1400 et 2300 pieds AGL, selon les observations faites à CYSF. Par conséquent, on pouvait interpréter que la protection offerte par ces vitesses pour conditions de givrage n’était pas requise.
De même, l’équipage de conduite n’a pas mis en application les pénalités de performance qui auraient pu être nécessaires en raison de la surface de piste sans revêtement en dur, qui était peut-être aussi contaminée par des parcelles de neige.
Les pistes moins dures nécessitent normalement des distances de décollage plus longues et, par conséquent, elles entraînent des pénalités au moment de calculer les performances au décollage. Le fabricant de l’aéronef ne donnait aucune directive précise quant aux opérations sur les pistes en gravier scellé et les directives de l’organisme de réglementation indiquaient que les surfaces sans revêtement en dur gelées présentaient des qualités semblables à celles des surfaces avec revêtement en dur. Compte tenu de ces directives, l’équipage de conduite a déterminé qu’une pénalité de performance n’était pas requise pour le départ.
De plus, le plus récent rapport sur l’état de la surface de la piste, publié 11 heures avant le départ du vol à l’étude, indiquait que 40 % de la piste était recouverte de parcelles de neige. Toutefois, cette condition ne figurait plus dans le rapport subséquent, publié 13 heures plus tard, de sorte qu’il n’a pas été possible de déterminer si cette condition était présente au moment du départ. Une contamination de la surface de la piste de plus de 25 % nécessite une pénalité additionnelle, mais aucune pénalité n’a été calculée par l’équipage de conduite.
Fait établi quant aux risques
Si les équipages de conduite n’intègrent pas dans les calculs les pénalités de performance au décollage requises pour les pistes contaminées ou sans revêtement en dur, ils pourraient effectuer des opérations alors que la masse au décollage de leur aéronef ou la longueur de la piste ne correspondent pas aux capacités de leur aéronef, ce qui augmente le risque de sortie de piste ou d’accident.
2.3.2 Contamination de l’aéronef
L’aéronef a accumulé de la glace à l’approche et, bien que la plus grande partie de la glace ait été éliminée par le dispositif de dégivrage, il est resté de la glace à l’atterrissage. Cette glace résiduelle a servi de sites de nucléation pour l’accumulation d’une plus grande quantité de glace pendant l’escale au sol de 48 minutes.
Au cours de l’enquête, il était difficile de différencier les preuves physiques de contamination par la glace des surfaces critiques de l’aéronef et la glace qui s’est accumulée après l’accident. Par conséquent, une analyse de l’aérodynamisme a été effectuée pour déterminer la présence et l’effet de la contamination par la glace.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
En raison de la glace qui restait sur l’aéronef après l’approche et de la glace additionnelle qui s’était accumulée pendant l’arrêt au sol, la traînée de l’aéronef a été augmentée de 58 % et sa portance a été réduite de 25 % pendant le décollage.
2.3.3 Perte de maîtrise dans l’axe de roulis
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Pendant le décollage, malgré les performances dégradées, l’aéronef a d’abord grimpé; toutefois, immédiatement après le décollage, il a amorcé un mouvement de roulis vers la gauche sans intervention du pilote. Ce roulis était dû à une distribution asymétrique de la portance en raison d’une contamination inégale par le givre sur l’aéronef.
Pour compenser ce roulis, le commandant de bord a braqué à fond l’aileron de droite et l’aéronef a amorcé un mouvement de roulis vers la droite, à un taux toutefois moindre que ce à quoi il se serait attendu normalement, compte tenu du braquage commandé.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
À la suite du roulis intempestif, le commandant de bord a réagi comme si l’aéronef était un ATR 42 non contaminé, en s’attendant à des caractéristiques de manœuvrabilité et de réponse dynamique normales. Toutefois, en raison de la contamination, l’aéronef présentait une capacité d’amortissement du roulis réduite, qui s’est traduite par une manœuvrabilité et une réponse dynamique inattendues.
Les données de vol du départ ont été comparées à celles de centaines d’autres vols, et on a déterminé qu’à ce moment-là, le pouvoir de contrôle en roulis s’était dégradé. Toutefois, une analyse subséquente a permis de déterminer que la dégradation n’était pas critique et que les ailerons disposaient en fait d’un pouvoir de contrôle en roulis suffisant pour contrer la portance asymétrique.
Quatre secondes après le roulis à gauche initial et la tentative de redressement, l’aéronef a continué de rouler à droite au-delà de l’horizontale et est entré dans une inclinaison à droite plus prononcée, suivie 4 secondes plus tard d’une inclinaison à gauche encore plus importante.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Même si l’enquête a permis de déterminer que les ailerons avaient un pouvoir de contrôle en roulis suffisant pour contrer la portance asymétrique, en raison du caractère inattendu de la manœuvrabilité et de la réponse dynamique, le roulis perturbateur s’est transformé en une oscillation d’une ampleur croissante, et la maîtrise de l’aéronef dans l’axe de roulis a été perdue.
Lors de la 3e oscillation, lorsque l’angle de roulis a atteint son point culminant, l’avertissement de décrochage a retenti et le nez de l’aéronef a été abaissé. Même si l’aéronef se trouvait près du point de décrochage à ce moment-là, le pousseur de manche ne s’était pas encore activé et, par conséquent, ce mouvement en tangage vers le bas résultait probablement d’une manipulation des commandes par le commandant de bord.
Au cours de la 4e oscillation, après avoir atteint son altitude maximale de 142 pieds au-dessus du sol, l’aéronef a commencé à descendre. Le commandant de bord a relevé le nez de l’aéronef, mais l’angle d’inclinaison a commencé lui aussi à augmenter, à nouveau vers la gauche, amorçant ainsi la 5e oscillation. En raison de l’inclinaison croissante, l’aéronef a continué de descendre, l’avertissement de décrochage a retenti une fois de plus et l’aéronef a percuté le sol peu après le point culminant de la 5e oscillation.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Cette perte de maîtrise dans l’axe de roulis, qui correspond aux risques connus associés au décollage avec une contamination par la glace, a en fin de compte entraîné la collision de l’aéronef avec le relief.
2.4 Collision avec le relief
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
L’aéronef a percuté le sol dans une assiette en tangage relativement neutre, avec un angle d’inclinaison de 30° à gauche. En conséquence de la décélération verticale soudaine au contact du sol, l’aéronef a subi des dommages importants dont la gravité variait selon les emplacements sur l’aéronef, étant donné l’angle d’impact et une conception structurale variable.
2.4.1 Estimation des forces d’impact
L’aéronef a percuté le sol dans une zone au relief en pente descendante. Après que le fuselage eut percuté le sol, l’aéronef a commencé à pivoter vers la gauche sur son axe de lacet. Lorsque l’aéronef s’est immobilisé, il était orienté à près de 90° par rapport à la trajectoire parcourue pendant la séquence d’impact. Du fait de cette rotation, bien que la force d’accélération longitudinale (vers l’avant) maximale ait été estimée à 4 g dans la direction du déplacement, l’aéronef et ses occupants ont subi des charges latérales importantes avoisinant également 4 g. La force verticale exacte de l’impact initial n’a pas été déterminée, mais n’était pas suffisamment importante pour causer la déformation vers la gauche des sièges des passagers lorsque l’aéronef a percuté le sol avec une inclinaison de 30° à gauche.
2.4.2 Résistance à l’impact
La résistance à l’impact est généralement définie comme la capacité d’un aéronef et de ses systèmes et composants internes de protéger les occupants contre les blessures en cas d’écrasement. La réglementation en matière de conception d’aéronefs stipule que la structure de l’aéronef [traduction] « doit être conçue de sorte à offrir à chaque occupant toutes les chances raisonnables d’échapper à des blessures graves dans le contexte d’un écrasement mineurNote de bas de page 280 ».
Lors de l’essai de chute à la verticale d’un ATR 42 effectué par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, le fuselage a subi des dommages structuraux majeurs qui n’auraient effectivement pas donné à chaque occupant toutes les chances raisonnables d’échapper à des blessures graves. La structure du logement du train d’atterrissage principal, qui faisait office de partie inférieure de la section centrale du fuselage, ne s’est pas écrasée progressivement de la même manière que le reste du fuselage. Cela a fait en sorte que la section centrale du fuselage, au-dessus de la structure du logement du train d’atterrissage principal, a subi des dommages structuraux majeurs lorsque la charge inertielle de la voilure a écrasé la partie supérieure du fuselage, ce qui a engendré une perte d’espace de survie pour les occupants de la section centrale de la cabine de passagers.
Dans l’événement à l’étude, la vitesse d’impact verticale de l’aéronef était considérablement inférieure à celle de l’essai de chute effectué par la FAA, comme on peut le constater en comparant l’étendue de la déformation des sièges pendant l’essai de chute effectué par la FAA à l’étendue de la déformation des sièges dans l’événement à l’étude; néanmoins, les principaux dommages structuraux étaient presque identiques à ceux observés dans l’essai de la FAA. Plus précisément, la structure du logement du train d’atterrissage principal, sous la cabine de passagers, ne présentait pas de signes d’écrasement vertical et la zone au-dessus de celle-ci a subi des dommages considérables.
La base de certification de l’ATR 42-320 a été établie en 1985 en fonction du Code of Federal Regulations de la FAA des États-Unis, Title 14: Aeronautics and Space, Part 25: Airworthiness Standards: Transport Category Airplanes (FAR 25), jusqu’à la modification 54 inclusivement. Bien que l’article 25.561 du FAR ait été modifié en 1988 afin d’inclure l’exigence que les sièges et les structures de soutien ne puissent se déformer d’une manière susceptible d’entraver l’évacuation rapide des occupants, cette exigence ne s’appliquait pas à l’aéronef ATR 42-320.
Pour protéger les occupants, la structure d’un aéronef doit absorber l’énergie d’impact de manière à éliminer ou à réduire au minimum la déformation de la cabine et à réduire les charges d’accélération transmises aux occupants. Même si les règlements de certification exigent que les sièges et leurs ensembles de retenue répondent aux exigences concernant les charges inertielles transmises par les occupants, la norme de certification actuelle ne précise aucune charge d’atterrissage en catastrophe particulière pour la conception de la structure du fuselage, pas plus qu’elle ne précise que la structure du fuselage doit être conçue pour absorber l’énergie d’impact.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Ni les normes actuelles de conception applicables aux aéronefs de la catégorie transport, ni celles en vigueur au moment où l’ATR 42 a été certifié, ne précisait les charges minimales qu’une structure de fuselage doit pouvoir subir tout en offrant des possibilités de survie, ou les charges minimales en matière d’absorption de l’énergie d’impact par le fuselage. Par conséquent, l’ATR 42 n’a pas été conçu en tenant compte de tels paramètres de résistance à l’impact.
Au lieu d’être conçue pour la résistance à l’impact, la partie inférieure de la section centrale du fuselage, en particulier la structure du logement du train d’atterrissage principal, a été conçue pour être rigide afin de transférer les charges du train d’atterrissage.
2.4.3 Dommages causés par l’impact
En accord avec l’énergie verticale modeste au moment de l’impact, à l’exception de la section centrale, la majeure partie du fuselage a subi des dommages modestes. Les parties supérieures des sections avant et arrière du fuselage avaient conservé leur forme approximativement circulaire, ce qui indique que la partie inférieure de ces sections avait absorbé efficacement l’énergie d’impact.
Cependant, contrairement à ces dommages modestes, la section centrale du fuselage a subi de graves dommages structuraux et sa partie supérieure s’est affaissée.
Les dommages structuraux ont compromis l’espace de survie, les ensembles de retenue, l’allée d’évacuation et l’alimentation des lumières d’urgence et des systèmes de communication; ils ont limité l’accès aux issues de secours et ont retardé et entravé l’évacuation. Les dommages ont eu pour effet de blesser et de piéger les occupants, et ont causé la mort d’un passager.
2.4.3.1 Affaissement de la voilure
Sur ce type d’aéronef, le train d’atterrissage principal se rétracte dans la partie inférieure de la section centrale du fuselage, et la structure du logement du train d’atterrissage est construite à l’aide de cloisons solides reliées par une quille solide. Après l’accident, aucun signe d’écrasement vertical notable n’a été décelé dans cette zone, ce qui indique que la structure était trop rigide pour absorber efficacement l’énergie d’impact verticale. Puisqu’il n’y a pas eu d’écrasement, ou d’atténuation de l’énergie, la pleine force de l’impact a été transmise à la section centrale du fuselage se trouvant au-dessus de la structure du logement du train d’atterrissage.
La voilure de l’aéronef est montée directement au-dessus de la partie centrale du fuselage. La voilure porte une charge importante, compte tenu du fait que les moteurs y sont montés et que les réservoirs de carburant qu’elle intègre contiennent tout le carburant de l’aéronef.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Au moment de l’impact, l’accélération induite n’a pas été atténuée parce que le logement du train d’atterrissage principal ne s’est pas déformé. Cette accélération non atténuée s’est traduite par une forte charge inertielle de la voilure, qui a provoqué la rupture de la structure de soutien de la voilure et l’affaissement de la voilure dans la cabine.
L’écrasement de la partie supérieure de la section centrale du fuselage par la force d’inertie de la voilure a gravement compromis l’intégrité structurale du fuselage dans son ensemble. Cet écrasement a réduit l’espace de survie des occupants dans la section centrale de la cabine de passagers et a été un facteur clé qui a conduit à la fracture transversale du fuselage juste devant le longeron avant de la voilure.
Fait établi quant aux risques
Lorsque la voilure s’est affaissée, le carburant contenu dans les réservoirs structuraux a été libéré et s’est déversé, ce qui a considérablement augmenté le risque d’incendie après l'écrasement à un moment où les passagers ne pouvaient pas évacuer l’aéronef.
Fait établi quant aux risques
À la suite de l’affaissement de la voilure, le carburant déversé est entré dans l’espace de survie, et puisque la température extérieure était d’environ −10 °C, les passagers trempés de carburant couraient un risque accru d’hypothermie.
Fait établi quant aux risques
L’affaissement a également fait en sorte que des éléments dangereux de la structure et du relief ont pénétré dans l’espace de survie de la cabine. Ces intrusions ont accentué le risque de blessures pour les occupants projetés vers l’avant dans leur siège pendant la séquence de l’accident, ainsi que pour les passagers qui ont dû se frayer un chemin dans la cabine, en grimpant par-dessus les sièges et les éléments dangereux, pour évacuer l’aéronef.
2.4.3.2 Structure du plancher
L’écrasement vertical différentiel des parties inférieures des sections du fuselage a également entraîné la rupture et l’affaissement de la structure du plancher devant et derrière la structure du logement du train d’atterrissage principal.
La structure du plancher de la cabine de l’aéronef à l’étude était constituée de poutres transversales et de rails de sièges. Il y avait 2 types de raccords entre la poutre transversale et les rails de sièges, selon que la poutre transversale était raccordée à 1 seul rail de sièges (type I) ou à 2 rails de sièges mis bout à bout (type II).
La conception des raccords de type II est considérée comme plus faible que celle du type I. Ce point de vue est confirmé par le fait que tous les raccords de type II de la structure du plancher de l’aéronef à l’étude ont cédé, contrairement aux raccords de type I. On a déterminé que les ruptures étaient dues au transfert de la charge longitudinale des rails de sièges au raccord.
Le plancher de la cabine a été déformé de l’arrière de la cabine de passagers vers le centre de la cabine de passagers. Cette déformation était due à la torsion entre les sections centrale et arrière du fuselage et aux dommages par écrasement différentiel de la partie inférieure des sections centrale et arrière du fuselage. Il est probable que la conception rigide de la partie inférieure de la section centrale du fuselage a contribué au caractère si anormal des déformations et des dommages de la structure du plancher.
2.4.3.3 Siège d’agent de bord
L’examen en laboratoire a permis de déterminer que le panneau sandwich à structure en nid d’abeille du siège d’agent de bord avait fait l’objet de réparations non approuvées. Par conséquent, il y avait un grand nombre de bulles et de vides à l’interface d’adhésion du panneau sandwich, et la résistance de l’ensemble structural du siège était probablement beaucoup plus faible qu’elle ne l’était lors de la conception initiale. C’est probablement pour cette raison que le siège d’agent de bord a cédé et s’est brisé en morceaux lors de l’événement à l’étude.
L’atelier qui a effectué la dernière réparation sur l’ensemble structural du siège d’agent de bord n’est plus en affaires. Pour cette raison, on n’a pas pu obtenir d’autres renseignements sur les raisons pour lesquelles l’atelier a opté pour une procédure normalisée de réparation de matériaux composites non applicable au siège d’agent de bord.
Un examen de la procédure d’inspection et de réparation du siège d’agent de bord dans le manuel d’entretien des composants (CMM) a permis de déterminer que les procédures d’inspection et de réparation de l’ensemble structural du siège d’agent de bord n’étaient pas claires. Même si le CMM indiquait que les composants métalliques ne pouvaient pas être réparés, il n’indiquait pas clairement si un « panneau sandwich en nid d’abeille moulé » était considéré comme un composant métallique. Le panneau sandwich en nid d’abeille n’est pas un élément métallique à proprement parler en raison de la présence de couches de liaison adhésives dans sa structure. Il est normalement appelé « panneau sandwich en nid d’abeille » ou « composite » dans le contexte de réparations de la structure de l’aéronef.
L’ambiguïté des procédures d’inspection et de réparation pour l’ensemble structural du siège d’agent de bord a probablement été l’un des facteurs qui ont contribué à la réparation non approuvée du siège d’agent de bord, car cela a pu semer la confusion chez un technicien qui a effectué l’inspection et la réparation. Un examen effectué après l’événement sur un siège d’agent de bord provenant d’un autre ATR 42 de West Wind a révélé des signes de réparations non approuvées semblables, ce qui laisse croire que la mauvaise compréhension du CMM en ce qui a trait au caractère réparable des panneaux en nid d’abeille pourrait être un problème généralisé.
2.5 Blessures
Tous les passagers et membres d’équipage ont subi des blessures. Plusieurs ont perdu connaissance temporairement. Le commandant de bord et 9 passagers ont été grièvement blessésNote de bas de page 281, et 1 de ces passagers est mort plus tard des suites de ses blessures.
La séquence des événements au cours de l’impact et de la glissade subséquente a provoqué des blessures dues aux forces verticales initiales, des blessures dues à une flexion brusque du torse ou à des mouvements incontrôlés, des blessures par écrasement causées par l’affaissement de la structure de la voilure et du plancher, des blessures plus graves dues aux mouvements incontrôlés en raison de la réduction de l’espace de survie, et des blessures causées par les forces d’accélération latérales et par les mouvements latéraux incontrôlés associés. En raison de l’intensité des secousses et des heurts avec des pièces d’aéronef subis par les passagers, il était impossible de déterminer la nature exacte ou l’ordre des blessures pour chaque passager.
Toutefois, une analyse des blessures a révélé que les traumas à la tête, au corps et aux jambes étaient plus fréquents dans la section avant-centre gauche de l’aéronef. Ces blessures sont cohérentes avec le degré d’écrasement dans cette zone, compte tenu du fait que l’espace de vie dans cette zone avait été compromis par l’affaissement de la voilure et le soulèvement du plancher.
L’analyse a également indiqué que les traumas liés au dos étaient plus fréquents dans la partie arrière-centre droite de l’aéronef. Ces blessures sont cohérentes avec les forces latérales et la rotation subies par ce côté de l’aéronef, qui se sont traduites par des forces de décélération latérales pour les passagers dans les sièges dont l’ensemble de retenue avait été compromis.
2.5.1 Blessures graves et mortelles subies par les passagers
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
La réduction de l’espace de survie entre le plancher au-dessus du train d’atterrissage principal et le fuselage supérieur affaissé a causé des blessures par écrasement, comme des traumas à la tête, au corps et aux jambes, aux passagers de la partie avant-centre gauche de l’aéronef. Sur les 3 passagers de cette zone, 2 ont subi des blessures graves qui ont changé leur vie, et 1 passager est mort.
2.5.2 Autres blessures subies par les passagers et l’équipage de conduite
Même si les forces d’impact lors de l’événement étaient en deçà des limites de tolérance humaine, une analyse des blessures des occupants a révélé que plusieurs passagers et le commandant de bord avaient subi des blessures graves liées à la vitesse, comme des blessures par compression et des fractures du dos.
Les forces d’impact initiales (force de décélération verticale vers le bas d’environ 4 g) n’ont pas dépassé les limites de la conception des sièges passagers de 4,0 g dans l’axe latéral, de 7,2 g dans l’axe vertical (vers le bas) ou de 9,0 g dans l’axe longitudinal (vers l’avant). Les sièges de l’équipage de conduite et des passagers ont tous fonctionné comme prévu, même si la plupart des sièges ont été poussés contre d’autres sièges, certains sièges se sont déformés, et les rails de beaucoup de sièges ont été déplacés.
Les déformations, les déplacements et la perte d’efficacité des ensembles de retenue qui en découlait étaient principalement dus au soulèvement d’une partie de la structure du plancher et non à la défaillance des sièges. Puisque que les structures des sièges étaient toutes fixées au plancher, toute déformation du plancher pouvait réduire considérablement l’efficacité globale des ensembles de retenue, quel que soit le type de siège ou de ceinture.
Les sièges étant déjà vulnérables en raison de la déformation du plancher, lorsque l’aéronef a pivoté vers la gauche, la force latérale exercée sur le fuselage s’est approchée de la limite de charge latérale des sièges de 4 g. Cela s’est traduit par une flexion des sièges vers la droite, qui a probablement contribué aux blessures subies par les occupants des sièges du côté droit.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Le soulèvement d’une partie de la structure du plancher a compromis les ensembles de retenue, limitant ainsi la protection offerte aux occupants pendant qu’ils étaient soumis à des forces verticales, longitudinales et latérales. Cela s’est traduit par de graves blessures liées à la vitesse et par des entraves à la capacité des passagers de prendre des mesures de survie en temps opportun après l’écrasement.
2.5.2.1 Ensembles de retenue pour adultes
Les sièges passagers étaient du type à dossier verrouillé, conçu pour rester à la verticale après flexion à la suite d’un impact provenant de l’arrière. Ils étaient par ailleurs dotés d’une ceinture sous-abdominale à 2 points d’ancrage.
L’exposition des occupants à des forces d’impact peut entraîner plusieurs types différents de blessures liées à la vitesse, notamment des blessures dues à des mouvements incontrôlés des bras, des jambes et de la tête; à une flexion brusque du torse supérieur vers l’avant ou vers le côté; ou à une glissade sous une ceinture abdominale.
Comparativement aux passagers assis dans des sièges munis d’une ceinture-baudrier, les passagers assis dans des sièges munis d’une ceinture sous-abdominale à 2 points d’ancrage qui ne retient pas le torse courent un risque plus élevé de subir des forces d’accélération concentrées autour des hanches et de l’abdomen, ainsi qu’un risque plus élevé de blessures graves dues à des mouvements incontrôlés, à une flexion brusque du torse ou à une glissade sous une ceinture abdominale.
Afin d’atténuer le risque de blessures, il est important que les occupants de sièges d’aéronef sans ensemble de retenue du torse ou protection contre les chocs à la tête, comme ceux de l’aéronef à l’étude, se mettent dans la position de protection adéquate. Les sièges de l’ATR 42 ont été conçus avant que des critères de protection contre les impacts à la tête ne soient requis; par conséquent, la seule mesure restante d’atténuation des risques de blessures dues aux mouvements incontrôlés, à une flexion brusque du torse ou à une glissade sous la ceinture sous-abdominale était de compter sur les passagers pour adopter une position de protection correcte avant ou pendant une séquence d’impact.
De nombreux facteurs influent sur la probabilité qu’un passager adopte une position de protection avant l’impact, notamment l’anticipation d’une collision, les instructions données en temps opportun par l’équipage ou la compréhension de la nécessité d’adopter une telle position par la lecture de la carte des mesures de sécurité. Comme ces facteurs sont souvent absents, il se peut que les passagers n’adoptent pas la position de protection correctement.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
La plupart des passagers dans l’événement à l’étude n’ont pas adopté la position de protection avant l’impact. Puisque leur torse n’était pas retenu, ces personnes ont subi des blessures cohérentes avec les blessures dues aux mouvements incontrôlés et à la flexion brusque du torse, par exemple en heurtant le siège devant elles.
2.5.3 Blessures subies par le nourrisson
L’aéronef à l’étude n’était pas doté d’ensembles de retenue d’enfant et l’exploitant n’était pas tenu de fournir de tels dispositifs. Comme cela a été démontré dans d’autres accidents, dans l’événement à l’étude, le parent n’a pas été en mesure de retenir efficacement le nourrisson sur ses genoux pendant la séquence d’impact. En conséquence, le nourrisson a été projeté vers le siège devant, et il a subi des blessures liées à la projection puis des blessures par écrasement après avoir été coincé.
En 2015, le BST a recommandé que TC travaille avec l’industrie à la mise au point d’ensembles de retenue d’enfant destinés aux nourrissons et aux jeunes enfants, et en rende l’utilisation obligatoire. L’organisme de réglementation a répondu qu’il examinerait la question, mais au moment de la rédaction du présent rapport, aucune mesure n’avait été prise.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Étant donné que les règlements exigeant l’utilisation d’ensembles de retenue d’enfant n’ont pas encore été mis en œuvre, l’aéronef n’en était pas doté. Par conséquent, le passager nourrisson n’était pas attaché et il a subi des blessures dues aux mouvements incontrôlés et à l’écrasement.
2.5.4 Blessures subies par l’agente de bord
Le siège d’agent de bord a cédé au moment de l’impact; en conséquence, l’agente de bord a été projetée dans l’allée, elle a subi de multiples blessures mineures, elle a été dans l’incapacité d’agir durant les 9 secondes restantes de la séquence d’impact et elle n’a pas pu réagir immédiatement à l’écrasement.
On a constaté que la structure du siège d’agent de bord présentait un nombre important de défauts découlant de réparations qui n’étaient pas conformes au CMM du siège. Les défauts de la structure du siège étaient probablement la principale raison pour laquelle il s’est brisé en morceaux pendant l’événement.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
À la suite de réparations non approuvées, le siège d’agent de bord a cédé au moment de l’impact, causant des blessures qui ont empêché l’agente de bord d’exécuter les mesures d’évacuation et de survie en temps opportun.
2.6 Évacuation
Une fois que l’agente de bord a pu se libérer de son siège projeté, elle a tenté de communiquer avec l’équipage de conduite, mais elle n’a pas pu le faire, car la fracture transversale du fuselage avait coupé l’alimentation électrique pour les communications entre membres d’équipage. L’agente de bord a donc entrepris l’évacuation des passagers.
Elle a tenté d’ouvrir la porte d’accès arrière (G2) pour évacuer l’aéronef, sans succès. Les dommages structuraux causés par l’impact avaient déplacé les cloisons internes de la cabine et coincé la poignée de la porte G2 derrière la cloison, empêchant l’agente de bord et les passagers de l’atteindre. L’agente de bord et les passagers valides ont plutôt dû donner des coups de pied à la porte D2, qui était partiellement bloquée par le relief, pendant plusieurs minutes avant de parvenir à l’ouvrir et à sortir de l’aéronef.
De même, les dommages avaient déplacé les poutres de cargaison qui faisaient partie des systèmes de retenue de la cargaison. La cargaison s’était ainsi répandue dans le compartiment de rangement avant et avait bloqué la voie d’évacuation du poste de pilotage. En raison de ce blocage, l’évacuation de l’équipage de conduite a été considérablement retardée. Le premier officier a évacué l’aéronef par la trappe du poste de pilotage et le commandant de bord blessé a dû être extirpé par la trappe avec l’aide des secours extérieurs.
En raison de ces difficultés, il a fallu environ 20 minutes aux 17 premiers passagers qui se trouvaient dans l’aéronef pour évacuer, tandis que d’autres passagers sont restés piégés. Le dernier passager a été extirpé de l’épave 3 heures après l’accident.
Les normes de conception actuelles pour les aéronefs de la catégorie transport stipulent que l’équipement, la cargaison dans la cabine de passagers et toute autre masse importante dans la cabine doivent être disposés de manière à ce que, s’ils venaient à se libérer, ils aient peu de chances d’entraver l’une ou l’autre des issues de secours destinées à être utilisées après un atterrissage d’urgence. Toutefois, cette norme est entrée en vigueur après la certification de type de l’ATR 42 et, par conséquent, ne s’appliquait pas à l’aéronef à l’étude.
Fait établi quant aux risques
Comme l’a démontré l’événement à l’étude, dans les aéronefs certifiés en vertu de normes plus anciennes, il y a un risque que le déplacement des systèmes de retenue de la cargaison et des cloisons de la cabine placées à côté d’une voie d’évacuation entrave la voie d’évacuation pour les survivants.
2.7 Surveillance réglementaire
2.7.1 Planification de la surveillance
Il incombe à toutes les entreprises de transport de gérer les risques pour la sécurité que posent leurs activités. La mise en place d’un système de gestion de la sécurité (SGS) peut améliorer énormément la sécurité en encourageant les exploitants à adopter une approche systémique afin de gérer la sécurité de façon proactive.
Puisque les compagnies auront inévitablement des capacités et des niveaux d’engagement différents à l’égard de la gestion efficace de la sécurité, l’organisme de réglementation doit veiller au respect de la règlementation existante. Pour ce faire, l’organisme de réglementation doit pouvoir assurer la surveillance de manière à encourager l’identification proactive et l’atténuation des risques, tout en intervenant au besoin pour garantir, au minimum, le respect de la réglementation.
Selon les directives de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) Note de bas de page 282, tous les aspects importants des procédures et pratiques d’un exploitant doivent être évalués au moins une fois tous les 12 mois. Avant 2012, les politiques et procédures de surveillance de TC répondaient à ce critère, car les compagnies œuvrant dans tous les secteurs devaient faire l’objet d’une inspection au moins tous les 12 mois et d’une vérification tous les 3 ans.
Toutefois, en 2012, TC a modifié sa politique de surveillance et a augmenté à un maximum de 3 ans l’intervalle de surveillance pour les inspections de validation de programme (IVP), et à 5 ans l’intervalle pour les évaluations. Le choix d’un intervalle de surveillance pour un exploitant donné serait déterminé en fonction des cotes de profil de risque d’une compagnie, calculé à l’aide du Système de gestion de l’information nationale sur la sécurité aérienne (SGINSA). La modification apportée à cette politique était fondée sur le principe que les entreprises jugées à faible risque ou à faible complexité géreraient la sécurité mieux que les autres, en utilisant des outils comme un SGS, les programmes d’assurance de la qualité et d’autres moyens de défense.
Entre 2010 et 2013, l’organisme de réglementation avait relevé plusieurs préoccupations concernant la non-conformité dans les éléments du SGS de West Wind relatifs à l’assurance de la qualité et à la surveillance de la sécurité. Malgré ces problèmes relevés, dans les mois qui ont suivi l’IVP de 2013, l’organisme de réglementation a ajusté le calendrier de surveillance de la compagnie, passant des IVP annuelles prévues à un intervalle de 4 ans, conformément aux nouvelles directives internes publiées. Cette mesure était fondée sur la cote de risque calculée par l’organisme de réglementation pour West Wind à l’époque (2D, faible risque, impact élevé). En conséquence de cet ajustement, la surveillance réglementaire directe de la compagnie a été considérablement réduite.
Entre l’IVP de 2013 et l’évaluation de 2016, la surveillance de West Wind par TC s’est limitée à l’examen administratif des documents, aux contrôles effectués par les pilotes-vérificateurs agréés et aux vérifications de la sécurité de la cabine en vol. Au cours de cette période de 3 ans, la compagnie n’a fait l’objet d’aucune activité de surveillance additionnelle, comme des évaluations, des IVP ou des inspections de processus.
Compte tenu des enjeux décelés par l’organisme de réglementation entre 2010 et 2013, la façon dont TC a jugé disposer d’assurances suffisantes pour fixer à 4 ans l’intervalle de surveillance planifiée de West Wind n’est pas claire. Comme on a pu le constater dans l’événement à l’étude, cette décision a diminué la surveillance d’une compagnie qui n’a pas démontré avec constance la capacité de son SGS à gérer efficacement la sécurité. Ce manque de constance est apparu clairement lors de l’évaluation de 2016, qui a abouti à des constatations majeures et modérées de non-conformité.
De 2012 à 2019, l’un des principaux outils utilisés par TC pour déterminer l’intervalle de surveillance d’une compagnie (c’est-à-dire, de 1 à 5 ans) était la cote de profil de risque applicable dans le SGINSA. La cote de profil de risque obtenue par l’entremise du SGINSA était l’une des principales considérations lors de la planification annuelle de la surveillance de TC.
Cependant, comme on l’a constaté dans l’événement à l’étude et relevé dans le document Printemps 2012 – Rapport du vérificateur général du Canada et dans le rapport d’enquête aéronautique A13H0001 du BST, le SGINSA n’était pas mis à jour régulièrement, soit parce qu’il n’y avait aucune activité de surveillance, soit parce que les mises à jour des bases de données n’étaient pas effectuées en temps opportun.
Bon nombre des réponses aux questions du profil de risque de West Wind dans le SGINSA n’avaient pas été mises à jour depuis 2012, et certaines des réponses qui avaient été mises à jour n’avaient pas été mises à jour correctement. Par exemple, une constatation majeure de non-conformité relevée lors de l’IVP de 2013 n’avait pas été consignée comme une constatation majeure. En raison de ces mises à jour irrégulières des réponses et de l’inexactitude de certaines des réponses mises à jour, la cote de profil de risque de West Wind ne reflétait pas fidèlement le profil de risque réel de l’entreprise.
Après que West Wind eut reçu sa cote initiale de profil de risque du SGINSA en 2012, la valeur de l’indicateur de risque de l’entreprise a d’abord diminué, puis elle est restée inchangée pendant près de 2 ans en raison d’un manque de mises à jour. La cote de West Wind a encore diminué en 2015, atteignant un creux juste avant l’évaluation de 2016 par TC. Par conséquent, même si l’entreprise éprouvait sans doute des problèmes constants en matière de conformité réglementaire, comme en témoignent les 8 constatations majeures et les 2 constatations modérées de l’évaluation de 2016, le processus employé par TC pour assurer la surveillance des changements dans les profils de risque indiquait à tort que les niveaux de risque avaient diminué entre 2013 et l’évaluation de 2016.
Les résultats de l’évaluation de 2016, et la hausse de la valeur de l’indicateur de risque du SGINSA de West Wind qui en a découlé, démontrent que pour la période de 2013 à 2016, TC n’avait pas une compréhension exacte des risques au sein de l’entreprise.
Pour que le SGINSA ou tout autre système de profil de risque soit efficace, il faut mettre à jour régulièrement et avec exactitude les cotes des indicateurs de risque.
Fait établi quant aux risques
Si les profils de risque d’entreprise tenus par l’organisme de réglementation ne sont pas exacts et à jour, les changements dans le profil de risque d’une entreprise peuvent passer inaperçus et les activités de surveillance pourraient être réduites, ce qui permettrait à des conditions dangereuses d’apparaître ou de persister.
2.7.2 Mise en application incohérente des politiques et procédures
2.7.2.1 Généralités
L’enquête a révélé un certain nombre de cas où les politiques et procédures de surveillance de TC n’étaient pas appliquées de façon cohérente à la surveillance de West Wind. Ce n’est pas la première fois que de telles incohérences dans la surveillance de l’aviation commerciale au Canada par TC sont relevées. Comme l’indiquent les faits établis de plusieurs enquêtes du BST, il y a eu un certain nombre d’exemples antérieurs où TC a tardé à cerner ou à corriger des conditions dangereuses chez un exploitant (annexe H).
2.7.2.2 Évaluation de 2016
Après une période de 3 ans où il y a eu très peu d’activités de surveillance, TC a entrepris une évaluation de West Wind en 2016. L’évaluation de 2016 a révélé de nombreuses constatations majeures dans l’ensemble des activités de l’entreprise, dont la plupart étaient liées aux exigences du SGS en vertu de la sous-partie 107 du RAC.
Pendant l’évaluation, dans les processus décisionnels sur place et après la surveillance, TC a envisagé de prendre des mesures relatives au certificat, comme la suspension ou l’annulation du certificat d’exploitant aérien de l’entreprise. Toutefois, en septembre 2016, West Wind a volontairement suspendu ses activités menées en vertu de la sous-partie 705, et, peu après, ses activités menées en vertu des sous-parties 703 et 704. Le processus décisionnel de TC concernant les mesures relatives au certificat a été influencé par la décision de West Wind de suspendre ses activités, ainsi que par le fait que l’entreprise acceptait les constatations de TC et était disposée à exécuter des plans de mesures correctives (PMC) à court et à long terme.
Puisque West Wind, une entreprise assujettie à un SGS, s’est montrée intéressée à résoudre les problèmes relevés au moyen du processus de PMC, le personnel régional de TC croyait que la politique nationale les obligeait à suivre le processus du PMC pour West Wind. De plus, le personnel régional de TC croyait que des mesures relatives au certificat ou des mesures d’application de la loi seraient contre-productives, puisqu’elles semblaient contredire l’approche adoptée par TC à l’égard de la surveillance des entreprises assujetties à un SGS.
Par conséquent, le personnel régional de TC a choisi pour gérer West Wind des stratégies qui n’étaient pas conformes aux politiques et procédures de surveillance à l’échelle nationale en vigueur à ce moment-là. Ces décisions ont permis aux conditions dangereuses de persister chez West Wind.
Par exemple :
- TC a mis fin à l’évaluation sans examiner la composante 1 du SGS, Plan de gestion de la sécurité, et n’a pris aucune disposition pour s’assurer d’évaluer cette composante ultérieurement. Par conséquent, TC n’avait pas l’assurance que le plan de gestion de la sécurité de l’entreprise lui permettrait effectivement de retourner rapidement à un état de conformité.
- TC a évalué que la composante 3 du SGS, Surveillance de la sécurité, était conforme, bien que l’évaluation ait déterminé que certains éléments n’étaient que partiellement mis en œuvre.
- TC a évalué que la composante 4 du SGS, Assurance de la qualité, n’était pas conforme. TC avait déjà indiqué que cette composante n’était pas conforme à plusieurs reprises depuis 2010 et, même si des mesures ont été prises dans chaque cas individuellement, rien n’a été fait pour régler l’aspect systémique de l’enjeu récurrent.
- Le rapport d’évaluation a relevé des problèmes hérités du passé, le manque de communication et la complaisance, sans toutefois fournir de preuve ou d’analyse à l’appui de ses constatations.
- Malgré de multiples constatations majeures de non-conformité, TC n’a pas émis d’avis de détection à l’intention de West Wind. Par conséquent, les renseignements essentiels nécessaires pour appuyer une mesure relative au certificat n’ont pas été saisis.
Les résultats de l’évaluation de 2016 satisfaisaient à plusieurs des critères jugés obligatoires pour faire appel au Conseil consultatif de surveillance (CCS). En particulier, il était question d’un exploitant de premier plan faisant l’objet de multiples constatations majeures et d’un exploitant qui allait être soumis à une surveillance accrue (SA).
Malgré cela, le CCS n’a pas été consulté au sujet de West Wind à la suite de l’évaluation de 2016 et, par conséquent, le bureau régional de TC n’a pas reçu de directives nationales sur la ligne de conduite appropriée. Sans consulter le CCS, le personnel régional de TC, qui n’était pas au courant des nouvelles procédures de surveillance publiées, a placé West Wind sous SA à la suite de l’évaluation de 2016, en dépit des multiples constatations majeures et des nouvelles procédures de surveillance indiquant de porter la situation jusqu’à la surveillance nationale.
2.7.2.3 Suivi sur place des plans de mesures correctives de West Wind
Les politiques et procédures de TC (c’est-à-dire, l’instruction visant le personnel [IP] SUR-001) stipulent que la mise en œuvre du PMC devrait faire l’objet d’un suivi dans les 90 jours suivant l’acceptation du PMC. Bien que TC ait d’abord avisé West Wind le 12 décembre 2016 qu’une vérification sur place serait effectuée dans les 90 jours, cette vérification n’a pas eu lieu comme prévu. Certains des PMC de l’évaluation de 2016 ont été vérifiés par TC en avril 2017. Toutefois, la majorité des PMC étaient encore ouverts au moment de l’événement, près de 1 an après les dates d’acceptation du PMC.
Cela signifie que la vérification du PMC était en retard d’environ 9 mois au moment de l’accident. Par conséquent, la gestion par TC des PMC de West Wind à la suite de l’évaluation de 2016 n’était pas conforme à ses politiques. L’IP SUR-001 recommande d’effectuer une évaluation des risques si la vérification du PMC prend plus de 90 jours. TC n’a pas suivi cette procédure recommandée; par conséquent, la direction régionale de TC ne comprenait pas bien le risque posé par le fait d’autoriser West Wind à poursuivre ses activités dans le contexte d’une SA.
L’IP SUR-001 indique que, si la mise en œuvre du PMC prend plus de 12 mois, la question doit être renvoyée à la direction régionale et au Conseil national de la direction de la gestion de l’Aviation civile (CNDGAC). Toutefois, cela n’a pas été fait dans ce cas, et les décisions relatives à la surveillance de West Wind sont principalement restées au niveau régional. En conséquence, le bureau régional de TC n’a pas bénéficié d’un soutien décisionnel au niveau national pour s’assurer que les mesures prises à la suite de l’évaluation de 2016 étaient conformes aux politiques nationales.
En ne respectant pas les politiques et les procédures de vérification du PMC à la suite de l’évaluation de 2016, TC n’a pas été en mesure de s’assurer que les conditions dangereuses relevées au cours de l’évaluation étaient rectifiées.
2.7.2.4 Mise en œuvre de la surveillance accrue à la suite de l’évaluation de 2016
L’objectif de placer une compagnie sous SA est de ramener celle-ci à un état de conformité réglementaire et de confirmer que les mécanismes nécessaires sont en place pour assurer le maintien de la conformité. Afin d’assurer l’utilisation efficace de la SA et d’adopter une approche normalisée, TC a publié des politiques et des procédures de SA à l’échelle nationale. Ces politiques et procédures se trouvent principalement dans l’IP SUR-002; toutefois, la SA est mentionnée dans un certain nombre d’autres documents de TC.
L’enquête a révélé plusieurs cas où TC s’est écarté de ces politiques et procédures, adoptant une approche improvisée de la SA de West Wind. Par exemple, un des éléments essentiels à la réussite de la SA est la production d’un plan de SA ciblé (comme l’exige l’IP SUR-002). Ce plan devrait définir clairement les rôles et les responsabilités de l’équipe de SA, les conditions pour lever la SA et les échéanciers de la période de vérification et l’IVP mettant fin à la SA. Il n’y a pas de dossier sur la préparation ou l’approbation par l’organisme de réglementation d’un plan de SA pour West Wind.
En conséquence de l’absence de plan, la portée de la SA, les rôles et les responsabilités de l’équipe, les activités de SA, les échéanciers ou les conditions pour lever la SA n’étaient pas clairement définis. Au lieu de cela, l’organisme de réglementation a choisi d’imposer une période de SA prolongée, sans établir de calendrier ni de conditions claires pour y mettre fin. Ce manque de structure et de précision a probablement contribué au fait que les conditions dangereuses ont subsisté pendant une période prolongée – près de 12 mois – avant l’accident.
Fait établi quant aux risques
Si l’organisme de réglementation ne crée pas et ne suit pas de plan de SA, comme l’exigent ses procédures internes, il y a un risque que la SA ne soit pas efficace pour aider les entreprises à revenir à un état de conformité réglementaire.
2.7.2.5 Conclusion
Fait établi : Autre
La mise en application incohérente par TC de ses propres politiques et procédures pour l’évaluation de 2016 et pour les vérifications du PMC après l’évaluation, ainsi que l’approche improvisée de la SA, se sont traduites par une surveillance inefficace d’un exploitant ayant un historique de problèmes de conformité sur le plan du système (soit le SGS) et sur le plan systémique (par exemple, le contrôle opérationnel).
Plutôt que de prendre des mesures immédiates pour régler les problèmes de conformité relevés, TC a plutôt choisi d’imposer une période prolongée et indéfinie de SA, mesure qui s’est révélée inefficace pour ramener West Wind à un état de conformité.
Par contre, en réaction à l’accident, TC a effectué une inspection du processus qui a permis de relever plusieurs secteurs de non-conformité importants. De plus, le CCS a été convoqué pour examiner les résultats de l’inspection du processus après l’événement et pour recommander des mesures, ce qui a donné lieu à la délivrance immédiate d’un avis de suspension à West Wind. Cette mobilisation rapide du CCS a été efficace, mais elle n’était pas cohérente avec les mesures prises à la suite de l’évaluation de 2016.
Fait établi quant aux risques
Si la mise en application des politiques et des procédures de surveillance de TC est incohérente, il y a un risque que la surveillance qui en résultera ne permette pas de s’assurer que les exploitants sont en mesure de gérer efficacement la sécurité de leurs activités.
2.7.3 Politiques et procédures pour les inspecteurs de Transports Canada
Les inspecteurs de TC s’appuient sur divers documents stratégiques et instructions visant le personnel à l’échelle nationale pour les aider à prendre des décisions et à mener des activités de surveillance. Pour garantir que les procédures de surveillance de TC sont mises en application de façon correcte et cohérente, l’information pertinente doit être facilement accessible, claire et concise. De plus, les inspecteurs doivent être informés rapidement des publications nouvelles ou modifiées.
L’enquête a fait ressortir un certain nombre de différences et de possibilités d’interprétations différentes dans les documents stratégiques et les instructions de TC. Dans certains cas, les inspecteurs n’étaient pas au courant de l’existence de documents et d’instructions récemment publiés ou modifiés qui sont essentiels à leurs fonctions de surveillance.
Certains documents en chevauchent d’autres, mais ne font pas référence à l’autre document. Par exemple, l’IP SUR-001 et l’IP SUR-029 contiennent tous deux des instructions relatives aux mesures d’application de la loi; cependant, aucune de ces instructions ne fait référence à l’autre. Des sujets comme les procédures de SA et de PMC sont couverts par plusieurs documents.
Les directives en matière de SA présentées au personnel régional étaient en grande partie sous forme de texte et ne comportaient pas d’outils de prise de décisions ou de planification clairs, comme des organigrammes, des modèles de calendrier ou des listes de vérification précises à suivre pour s’assurer que la SA est menée conformément à la politique nationale.
Il n’y a pas de processus pour s’assurer que les inspecteurs de TC examinent les documents récemment publiés ou modifiés. Il incombe plutôt à l’inspecteur d’examiner ces documents. Par conséquent, la direction de TC n’a pas de processus établi pour s’assurer que les inspecteurs connaissent bien les politiques et les procédures en vigueur.
La combinaison de ces facteurs accroît la complexité des responsabilités quotidiennes des inspecteurs régionaux et pourrait contribuer à la mise en application incohérente de la surveillance réglementaire. Au lieu d’un document de référence unique décrivant chaque aspect de leur travail, les inspecteurs doivent souvent examiner plusieurs documents qui se chevauchent et qui peuvent être modifiés à tout moment.
L’événement à l’étude met en évidence le risque que présente cette situation, puisque les inspecteurs régionaux n’étaient pas au courant de l’existence de directives essentielles (c.-à-d., le Bulletin interne de procédures [BIP] 2016-04) dictant la ligne de conduite la plus appropriée pour West Wind à la suite de l’évaluation de 2016. Au lieu de cela, les inspecteurs régionaux ont agi en fonction de leur compréhension des politiques et des procédures au moment où ils ont décidé de la marche à suivre par rapport à West Wind.
Fait établi quant aux risques
Si les directives en matière de surveillance émises par TC à l’intention de ses inspecteurs sont dispersées dans plusieurs documents différents, et si TC ne s’assure pas que les modifications apportées à ces directives sont reçues et comprises, les inspecteurs peuvent ne pas suivre les dernières directives et, par conséquent, ne pas atteindre les objectifs de sécurité prévus.
2.8 Système de gestion de la sécurité de West Wind
2.8.1 Gestion de la sécurité et culture de la sécurité de West Wind
Bien que les compagnies de transport soient responsables de gérer les risques qui pèsent sur la sécurité dans le cadre de leurs activités, le respect de la réglementation ne peut offrir qu’un niveau de sécurité de base.
Convenablement mis en œuvre, les SGS permettent aux entreprises de gérer efficacement les risques et de rendre leurs activités plus sûres. Toutefois, pour que les SGS soient efficaces, ils doivent être appuyés par une culture de sécurité positive, qui commence aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie de l’entreprise par des philosophies, des politiques et des procédures clairement établies. Ces philosophies, politiques et procédures doivent être harmonisées entre elles et avec les pratiques (les « 4 P »). Les pratiques sont un indicateur de l’efficacité des procédures, des politiques et des philosophies. Elles peuvent également aider à déceler les lacunes.
L’événement à l’étude touchait un exploitant régi par la sous-partie 705 du RAC et disposant d’un SGS évalué et accepté par TC. Toutefois, certaines de ses activités liées au SGS n’ont pas atteint le niveau de sécurité prévu. Ces activités, qui sont une mesure de la culture de la sécurité de West Wind, reflètent une désharmonisation des 4 P, puisque ces activités n’étaient pas menées conformément aux procédures de l’entreprise, aux politiques officielles (y compris les règlements) ou à l’objectif général d’assurer la sécurité des opérations déclaré par l’entreprise.
Par exemple, en 2014, la compagnie avait élaboré des politiques officieuses relatives aux opérations sur les pistes étroites à CZFD et à l’aéroport de Wollaston Lake (CZWL). Toutefois, au moment de l’accident, soit 3 ans plus tard, ces politiques n’avaient toujours pas été intégrées au manuel d’exploitation de l’entreprise. Bien qu’elle ne soit pas directement liée à cet accident, cette lenteur témoigne d’une tolérance à l’égard des pratiques qui ne respectent pas la politique ou la procédure établie.
De même, en 2014, la veille du début des opérations à CZFD, la compagnie a clos une évaluation des risques concernant les opérations sur ATR 42 à CZFD et à CZWL, même si l’évaluation était incomplète et n’avait pas été en mesure d’identifier plusieurs menaces opérationnelles, comme le givrage au sol, que les équipages de conduite devraient gérer lors des vols vers ces destinations. Par conséquent, l’entreprise n’avait pas une compréhension exacte des risques associés au fait de décoller de CZFD pendant les mois d’hiver sans équipement de dégivrage adéquat.
Au cours des années précédant l’accident, la culture de la sécurité de West Wind avait progressivement perdu de son efficacité, probablement partiellement en raison d’un manque de leadership cohérent. Depuis 2010, il y avait eu un roulement considérable du personnel de gestion au sein de l’entreprise, en particulier aux postes de directeur des opérations aériennes (DOA) et de pilote en chef des opérations régies par la sous-partie 705. En décembre 2016, pour aborder les problèmes soulevés dans l’évaluation de 2016, le poste de DOA a intégré les rôles et les responsabilités du directeur des normes réglementaires et de la conformité, ainsi que du pilote en chef des opérations régies par la sous-partie 705. Bien que cette mesure se voulût une solution temporaire, elle a été maintenue pendant près de 1 an et n’a été levée que 1 mois avant l’accident.
L’augmentation de la charge de travail découlant de cette mesure a été considérable et a probablement réduit la capacité du DOA d’assurer un contrôle opérationnel adéquat et de maintenir la conformité avec tous les règlements. Cette situation a engendré une désharmonisation des 4 P dans l’entreprise, l’acceptation généralisée de pratiques dangereuses et l’incapacité de détecter et de corriger les problèmes de conformité systémiques, autant de facteurs qui indiquent une culture de la sécurité dégradée.
D’un point de vue plus général, l’enquête du BST a permis de déterminer que cette acceptation de pratiques dangereuses allait au-delà de West Wind. Le questionnaire du BST a révélé que d’autres pilotes qui effectuent des vols vers des lieux éloignés décollent également avec des aéronefs dont les surfaces critiques sont contaminées, même si cette pratique est contraire aux règlements établis et représente un risque grave pour la sécurité des transports.
Fait établi quant aux risques
Si la culture de la sécurité d’une entreprise tolère des pratiques dangereuses, il y a un risque que ces pratiques soient maintenues et qu’elles deviennent la norme dans l’entreprise.
2.8.2 Gestion des risques de sécurité
L’une des 4 composantes d’un SGS efficace est la gestion des risques de sécurité, qui consiste à identifier de façon proactive les dangers, à évaluer les risques, à mettre en œuvre des stratégies d’atténuation des risques et à évaluer leur efficacité. Un processus de gestion des risques détaillé et systématique permet aux entreprises de mieux comprendre les défis à relever dans un environnement d’exploitation particulier, ce qui se traduit par un meilleur rendement en matière de sécurité.
Identifier les dangers constitue la première étape de la gestion des risques de sécurité. Lorsqu’une nouvelle opération est entreprise, il y a un certain nombre de secteurs de danger possibles à envisager. Cela est particulièrement important pour les opérations difficiles, comme celles réalisées dans des lieux éloignés qui disposent d’une infrastructure de soutien limitée.
Afin de contrer ce risque, West Wind avait lancé une évaluation des risques en mai 2014 afin d’examiner les risques potentiels associés au lancement de nouvelles opérations à CZFD. L’évaluation a été close le 11 septembre 2014, la veille du début des opérations sur ATR 42 à CZFD.
Certains des dangers associés aux opérations vers des endroits éloignés sont bien connus, comme le manque de services de compte rendu météorologique, de services de suivi des vols, et même l’absence d’équipement de dégivrage. Toutefois, les entreprises qui évaluent les risques liés à ce type d’opération devraient également tenter d’identifier, de manière systématique, les dangers moins évidents. Cela peut se faire en examinant les rapports de danger, en menant des sondages sur la sécurité ou en faisant appel à des experts en la matière qui possèdent des connaissances supplémentaires sur les dangers associés à une opération particulière.
Dans l’événement à l’étude, le processus de gestion des risques de sécurité de West Wind n’a pas permis d’identifier ni d’étudier plusieurs dangers associés aux activités à CZFD et à CZWL. West Wind a plutôt défini le danger comme un [traduction] « exercice de GRO [gestion des risques opérationnels] pour les opérations proposées à Fond du Lac et à Wollison [sic] Lake avec l’ATR 42 ».
Partant de ce danger, l’entreprise a déterminé que la probabilité était faible et que la gravité était majeure. Cet énoncé des dangers manquait de précision et n’énonçait pas les dangers avec exactitude; il était donc probablement difficile de décrire et d’évaluer précisément le niveau de risque de l’opération proposée.
Il est probable que West Wind, en tant qu’organisation, n’avait pas une compréhension approfondie des pratiques de gestion des risques et n’était donc pas en mesure d’exécuter avec précision le processus de gestion des risques.
Un autre aspect important de la gestion des risques de sécurité est la prise en compte de facteurs sous-jacents qui peuvent être eux-mêmes des dangers ou influer sur d’autres dangers identifiés. Dans le cas de l’évaluation des opérations dans ces régions éloignées, il aurait pu être possible de cerner une pression interne ou externe potentielle susceptible d’influer sur la prise de décisions par les pilotes et ainsi produire des résultats dangereux. Toutefois, l’évaluation n’a pas permis de déterminer cette pression.
L’évaluation des risques de West Wind n’a pas tenu compte de ces influences potentielles sur les pilotes, de la sous-culture de volontarisme avouée des pilotes, ou du manque de soutien pour aider les pilotes à prendre des décisions. Par conséquent, West Wind ne comprenait pas complètement les dangers qui existaient en 2014 et qui ont persisté jusqu’à l’événement.
Une fois les dangers bien définis, les organisations doivent évaluer le risque et déterminer quels contrôles des risques peuvent être mis en œuvre, le cas échéant, pour réduire le risque au niveau le plus faible raisonnablement réalisable.
Fait établi quant aux risques
Si les organisations n’identifient pas les dangers et n’analysent pas les risques correctement, des méthodes d’atténuation potentielles peuvent être négligées, ce qui accroît le risque de conséquences néfastes.
C’est ce qui s’est produit chez West Wind lors de son évaluation des risques liés aux opérations à CZFD et CZWL. Comme la compagnie n’a pas identifié avec précision les dangers, elle n’a donc pas été en mesure de prendre des mesures de contrôle des risques adéquates.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Lorsque West Wind a commencé ses activités à CZFD en 2014, aucun contrôle efficace des risques n’était en place pour atténuer le risque potentiel de givrage au sol à CZFD.
Si les dangers avaient été correctement identifiés pendant l’évaluation des risques de 2014, l’entreprise aurait pu renforcer les politiques existantes concernant le concept de l’aéronef propre, ou fournir des directives plus précises pour aider les pilotes à prendre des décisions concernant le givrage au sol aux endroits dépourvus d’équipement de dégivrage approprié.
En raison de la nature dynamique de l’aviation commerciale, il est important, du point de vue de la gestion des risques de sécurité, que les organisations examinent périodiquement les décisions opérationnelles afin de s’assurer que les présomptions antérieures demeurent valides. Dans le cas de l’évaluation des risques à CZFD, une fois qu’elle a été terminée, la compagnie n’a pas revu cette évaluation ni contesté ses présomptions initiales.
Lorsque le commandant de bord de l’événement à l’étude a formulé des préoccupations au sujet du manque d’équipement de dégivrage, 1 mois après la clôture de l’évaluation des risques, l’entreprise n’a pris aucune mesure officielle, comme la réouverture de l’évaluation des risques ou la modification des SOP. Elle a plutôt diffusé une note de service indiquant que le risque était acceptable et que la compagnie reconnaissait qu’il entraînerait le retard ou l’annulation d’environ 4 % des vols. En plus de cette note de service, l’entreprise a fait circuler de bouche à oreille une règle officieuse selon laquelle ces endroits éloignés devaient être carrément évités si on savait que le givrage allait poser un problème.
Fait établi quant aux risques
Si les mesures d’atténuation qui sont déterminées à la suite d’évaluations des risques ne sont pas officialisées et convenablement diffusées, elles peuvent ne pas être mises en œuvre de manière généralisée et durable, ce qui augmente le risque d’accident.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- Lorsque West Wind a commencé ses activités à l’aéroport de Fond-du-Lac (CZFD) en 2014, aucun contrôle efficace des risques n’était en place pour atténuer le risque potentiel de givrage au sol à CZFD.
- Même si l’équipage de conduite et le répartiteur étaient au courant de la prévision de givrage au sol, ils ont néanmoins pris la décision de maintenir l’itinéraire prévu pour la journée à destination de plusieurs aéroports éloignés ayant des installations de dégivrage inadéquates.
- Même si les systèmes de protection contre le givrage de l’aéronef ont été activés à l’approche de CZFD, les boudins de dégivrage de l’aéronef n’ont pas été conçus pour éliminer toute la glace qui peut s’accumuler, et les systèmes d’antigivrage n’ont pas empêché l’accumulation de glace sur les surfaces non protégées. Par conséquent, de la glace résiduelle a commencé à s’accumuler sur l’aéronef.
- Même si l’équipage de conduite était au courant de la présence de glace, aucune anomalie en ce qui a trait à la maîtrise de l’aéronef n’a été relevée à l’approche. Par conséquent, l’équipage a probablement estimé que la glace résiduelle n’était pas suffisamment grave pour avoir un effet notable sur la performance de l’aéronef. Par la suite, sans pousser davantage la discussion sur le givrage, l’équipage a poursuivi l’approche et a atterri à CZFD.
- Les conditions météorologiques au sol étaient propices à la formation de glace ou de givre. Cette situation, combinée aux sites de nucléation offerts par le givre mixte résiduel sur l’aéronef, a entraîné la formation de glace ou de givre additionnel sur les surfaces critiques de l’aéronef.
- Puisque l’équipement d’inspection disponible était inadéquat, pour effectuer l’inspection visant à déterminer s’il y avait de la glace sur l’aéronef, le premier officier s’est contenté de faire le tour de l’aéronef à pied sur l’aide de trafic faiblement éclairée, sans lampe de poche, puis de regarder l’aile gauche à partir du haut des escaliers à la porte d’accès arrière gauche (G2). Par conséquent, l’équipage de conduite ne connaissait pas la pleine étendue de la glace résiduelle et ne savait pas que de la glace continuait de s’accumuler.
- Décoller d’aéroports éloignés, comme CZFD, avec une certaine contamination des surfaces critiques de l’aéronef, était devenu une pratique courante, en partie en raison du caractère inadéquat de l’équipement ou des services de dégivrage à ces endroits. Les réussites antérieures de ces adaptations ont entraîné la normalisation de la pratique dangereuse, et cette normalisation a influencé la décision de décoller prise par l’équipage de conduite.
- Même si les membres de l’équipage de conduite étaient conscients du givrage sur les surfaces critiques de l’aéronef, ils ont déterminé que le départ du vol à l’étude pouvait être effectué en toute sécurité. Leur décision de maintenir le plan de départ initial a été influencée par la tendance à s’en tenir au plan, puisqu’ils percevaient les signes initiaux et soutenus à l’appui de leur plan comme plus convaincants que les signes ultérieurs suggérant une autre ligne de conduite.
- En raison de la glace qui restait sur l’aéronef après l’approche et de la glace additionnelle qui s’était accumulée pendant l’arrêt au sol, la traînée de l’aéronef a été augmentée de 58 % et sa portance a été réduite de 25 % pendant le décollage.
- Pendant le décollage, malgré les performances dégradées, l’aéronef a d’abord grimpé; toutefois, immédiatement après le décollage, il a amorcé un mouvement de roulis vers la gauche sans intervention du pilote. Ce roulis était dû à une distribution asymétrique de la portance en raison d’une contamination inégale par le givre sur l’aéronef.
- À la suite du roulis intempestif, le commandant de bord a réagi comme si l’aéronef était un ATR 42 non contaminé, en s’attendant à des caractéristiques de manœuvrabilité et de réponse dynamique normales. Toutefois, en raison de la contamination, l’aéronef présentait une capacité d’amortissement du roulis réduite, qui s’est traduite par une manœuvrabilité et une réponse dynamique inattendues.
- Même si l’enquête a permis de déterminer que les ailerons avaient un pouvoir de contrôle en roulis suffisant pour contrer la portance asymétrique, en raison du caractère inattendu de la manœuvrabilité et de la réponse dynamique, le roulis perturbateur s’est transformé en une oscillation d’une ampleur croissante, et la maîtrise de l’aéronef dans l’axe de roulis a été perdue.
- Cette perte de maîtrise dans l’axe de roulis, qui correspond aux risques connus associés au décollage avec une contamination par la glace, a en fin de compte entraîné la collision de l’aéronef avec le relief.
- L’aéronef a percuté le sol dans une assiette en tangage relativement neutre, avec un angle d’inclinaison de 30° à gauche. En conséquence de la décélération verticale soudaine au contact du sol, l’aéronef a subi des dommages importants dont la gravité variait selon les emplacements sur l’aéronef, étant donné l’angle d’impact et une conception structurale variable.
- Ni les normes actuelles de conception applicables aux aéronefs de la catégorie transport, ni celles en vigueur au moment où l’ATR 42 a été certifié, ne précisent les charges minimales qu’une structure de fuselage doit pouvoir subir tout en offrant des possibilités de survie, ou les charges minimales en matière d’absorption de l’énergie d’impact par le fuselage. Par conséquent, l’ATR 42 n’a pas été conçu en tenant compte de tels paramètres de résistance à l’impact.
- Au moment de l’impact, l’accélération induite n’a pas été atténuée parce que le logement du train d’atterrissage principal ne s’est pas déformé. Cette accélération non atténuée s’est traduite par une forte charge inertielle de la voilure, qui a provoqué la rupture de la structure de soutien de la voilure et l’affaissement de la voilure dans la cabine.
- La réduction de l’espace de survie entre le plancher au-dessus du train d’atterrissage principal et le fuselage supérieur affaissé a causé des blessures par écrasement, comme des traumas à la tête, au corps et aux jambes, aux passagers de la partie avant-centre gauche de l’aéronef. Sur les 3 passagers de cette zone, 2 ont subi des blessures graves qui ont changé leur vie, et 1 passager est mort.
- Le soulèvement d’une partie de la structure du plancher a compromis les ensembles de retenue, limitant ainsi la protection offerte aux occupants pendant qu’ils étaient soumis à des forces verticales, longitudinales et latérales. Cela s’est traduit par de graves blessures liées à la vitesse et par des entraves à la capacité des passagers de prendre des mesures de survie en temps opportun après l’écrasement.
- La plupart des passagers dans l’événement à l’étude n’ont pas adopté la position de protection avant l’impact. Puisque leur torse n’était pas retenu, ces personnes ont subi des blessures cohérentes avec les blessures dues aux mouvements incontrôlés et à la flexion brusque du torse, par exemple en heurtant le siège devant elles.
- Étant donné que les règlements exigeant l’utilisation d’ensembles de retenue d’enfant n’ont pas encore été mis en œuvre, l’aéronef n’en était pas doté. Par conséquent, le passager nourrisson n’était pas attaché et il a subi des blessures dues aux mouvements incontrôlés et à l’écrasement.
- À la suite de réparations non approuvées, le siège d’agent de bord a cédé au moment de l’impact, causant des blessures qui ont empêché l’agente de bord d’exécuter les mesures d’évacuation et de survie en temps opportun.
3.2 Faits établis quant aux risques
Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.
- Si les directives de prévision météorologique ne permettent pas d’inclure dans les prévisions le givrage qui peut se produire en l’absence de précipitations ou de brouillard, il y a un risque accru que les pilotes ne soient pas prévenus de conditions prévisibles de givrage au sol.
- Si les programmes sur les opérations dans des conditions de givrage au sol ne définissent pas clairement une procédure permettant de reconnaître les conditions de givrage au sol, les équipages de conduite peuvent ne pas entreprendre de procédures d’inspection et de dégivrage, ce qui augmente le risque qu’un aéronef décolle avec des surfaces contaminées.
- Si les documents d’orientation exigeant l’inspection de surfaces d’aéronef qui ne sont pas visibles du sol ne précisent pas la procédure à suivre pour effectuer cette inspection, il y a un risque que l’inspection ne soit pas effectuée et que la contamination de la surface ne soit pas détectée.
- Si le personnel qui est au courant de lacunes dans les procédures de dégivrage ou la disponibilité d’équipement ne signale pas ces dangers par l’entremise du système de gestion de la sécurité de l’entreprise, il y a un risque que les dangers ne soient pas documentés, évalués et atténués.
- Lorsque le rapport d’autorité dans le poste de pilotage est relativement égal, les communications peuvent être moins efficaces et les pilotes peuvent avoir des idées préconçues erronées en ce qui concerne la conscience situationnelle et le processus décisionnel de l’autre, ce qui augmente le risque que des dangers associés au vol ne soient pas identifiés et corrigés par l’équipage.
- Bien que les séances d’information sur la gestion des menaces et des erreurs soient utiles, si l’on s’en remet à elles pour atténuer des menaces ou des erreurs qui sont des adaptations systémiques, il y a un risque que les dangers subsistent, surtout si la menace elle-même est le non-respect de la mesure d’atténuation.
- Si un équipement de dégivrage adéquat n’est pas disponible, surtout où des opérations sont menées habituellement, il y a un risque, si de la glace est détectée, que la pression perçue causée par la création de retards importants puisse pousser les équipages de conduite à faire des adaptations au concept de l’aéronef propre et à décoller avec un aéronef dont les surfaces critiques sont contaminées.
- Jusqu’à ce que des mesures soient prises pour aborder la disponibilité d’équipement de dégivrage et d’antigivrage (recommandation A18-02 du BST) et la conformité (recommandation A18-03 du BST), le risque demeure que les pilotes ne respectent pas le concept de l’aéronef propre et qu’ils continuent de décoller avec des aéronefs contaminés.
- Si les directives fournies aux pilotes pour les aider à déterminer quand choisir les vitesses de décollage par conditions de givrage ne sont ni claires ni bien définies, les équipages de conduite peuvent choisir une vitesse ou une masse d’exploitation au décollage qui empêchera l’aéronef de satisfaire aux exigences minimales de performance établies par les normes de certification, augmentant ainsi le risque d’accident.
- Si les équipages de conduite n’intègrent pas dans les calculs les pénalités de performance au décollage requises pour les pistes contaminées ou sans revêtement en dur, ils pourraient effectuer des opérations alors que la masse au décollage de leur aéronef ou la longueur de piste ne correspondent pas aux capacités de leur aéronef, ce qui augmente le risque de sortie de piste ou d’accident.
- Lorsque la voilure s’est affaissée, le carburant contenu dans les réservoirs structuraux a été libéré et s’est déversé, ce qui a considérablement augmenté le risque d’incendie après l’écrasement à un moment où les passagers ne pouvaient pas évacuer l’aéronef.
- À la suite de l’affaissement de la voilure, le carburant déversé est entré dans l’espace de survie, et puisque la température extérieure était d’environ –10 °C, les passagers trempés de carburant couraient un risque accru d’hypothermie.
- L’affaissement a également fait en sorte que des éléments dangereux de la structure et du relief ont pénétré dans l’espace de survie de la cabine. Ces intrusions ont accentué le risque de blessures pour les occupants projetés vers l’avant dans leur siège pendant la séquence de l’accident, ainsi que pour les passagers qui ont dû se frayer un chemin dans la cabine, en grimpant par-dessus les sièges et les éléments dangereux, pour évacuer l’aéronef.
- Comme l’a démontré l’événement à l’étude, dans les aéronefs certifiés en vertu de normes plus anciennes, il y a un risque que le déplacement des systèmes de retenue de la cargaison et des cloisons de la cabine placées à côté d’une voie d’évacuation entrave la voie d’évacuation pour les survivants.
- Si les profils de risque d’entreprise tenus par l’organisme de réglementation ne sont pas exacts et à jour, les changements dans le profil de risque d’une entreprise peuvent passer inaperçus et les activités de surveillance pourraient être réduites, ce qui permettrait à des conditions dangereuses d’apparaître ou de persister.
- Si l’organisme de réglementation ne crée pas et ne suit pas de plan de surveillance accrue, comme l’exigent ses procédures internes, il y a un risque que la surveillance accrue ne soit pas efficace pour aider les entreprises à revenir à un état de conformité réglementaire.
- Si la mise en application des politiques et des procédures de surveillance de Transports Canada est incohérente, il y a un risque que la surveillance qui en résultera ne permette pas de s’assurer que les exploitants sont en mesure de gérer efficacement la sécurité de leurs activités.
- Si les directives en matière de surveillance émises par Transports Canada à l’intention de ses inspecteurs sont dispersées dans plusieurs documents différents, et si Transports Canada ne s’assure pas que les modifications apportées à ces directives sont reçues et comprises, les inspecteurs peuvent ne pas suivre les dernières directives et, par conséquent, ne pas atteindre les objectifs de sécurité prévus.
- Si la culture de la sécurité d’une entreprise tolère des pratiques dangereuses, il y a un risque que ces pratiques soient maintenues et qu’elles deviennent la norme dans l’entreprise.
- Si les organisations n’identifient pas les dangers et n’analysent pas les risques correctement, des méthodes d’atténuation potentielles peuvent être négligées, ce qui accroît le risque de conséquences néfastes.
- Si les mesures d’atténuation qui sont déterminées à la suite d’évaluations des risques ne sont pas officialisées et convenablement diffusées, elles peuvent ne pas être mise en œuvre de manière généralisée et durable, ce qui augmente le risque d’accident.
3.3 Autres faits établis
Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.
- La mise en application incohérente par Transports Canada de ses propres politiques et procédures pour l’évaluation de 2016 et pour les vérifications du plan de mesures correctives après l’évaluation, ainsi que l’approche improvisée de la surveillance accrue, se sont traduites par une surveillance inefficace d’un exploitant ayant un historique de problèmes de conformité sur le plan du système (soit le système de gestion de la sécurité) et sur le plan systémique (par exemple, le contrôle opérationnel).
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada
4.1.1.1 Recommandation A18-02 du BST sur l’accès à de l’équipement adéquat
La durée du temps froid et des conditions de givrage varie énormément au Canada. Pour beaucoup d’aéroports nordiques éloignés, la saison de gel peut durer 10 mois ou plus. Les conditions de givrage peuvent être à la fois graves et persistantes.
Des milliers d’aéronefs décollent chaque année d’aéroports nordiques éloignés. Certains aéroports servent de plaque tournante, sont plus achalandés et pourraient avoir de l’équipement plus adéquat.
Les risques de conséquences négatives diffèrent vraisemblablement d’un aéroport à un autre. L’identification des lieux à risque élevé nécessitant des mesures immédiates permettrait de réduire rapidement la probabilité qu’un aéronef décolle de ces lieux avec de la glace, du givre ou de la neige adhérant à une surface critique.
Transports Canada (TC), les exploitants aériens et les administrations aéroportuaires peuvent identifier les lieux à risque élevé, analyser les dangers et les risques qu’ils présentent, et prendre des mesures d’atténuation.
Par conséquent, en décembre 2018, le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports collabore avec les exploitants aériens et les administrations aéroportuaires dans le but d’identifier les lieux où l’équipement de dégivrage et d’antigivrage est inadéquat et de prendre des mesures d’urgence pour s’assurer de la disponibilité de l’équipement adéquat afin de réduire la probabilité que des aéronefs décollent malgré des surfaces critiques contaminées.
Recommandation A18-02 du BST
Dans sa réponse (septembre 2020) et sa mise à jour (novembre 2020) au sujet de cette recommandation, TC a indiqué avoir communiqué avec les intervenants, créé des groupes de travail et tenu des discussions pour aborder les lacunes de sécurité soulignées dans cette recommandation. La pandémie de COVID-19 a posé beaucoup de difficultés au secteur, qui ont retardé l’élaboration de mesures concrètes pour garantir la disponibilité d’équipement de dégivrage et d’antigivrage adéquat afin de réduire la probabilité que des aéronefs décollent avec des surfaces critiques contaminées.
Tant que des mesures n’auront pas été prises pour assurer la disponibilité d’équipement adéquat de dégivrage et d’antigivrage, les risques associés à la lacune de sécurité relevée dans la recommandation A18-02 continueront d’exister.
Par conséquent, en décembre 2020, le Bureau a estimé que la réponse à la recommandation A18-02 dénotait une intention satisfaisanteNote de bas de page 283.
4.1.1.2 Recommandation A18-03 du BST sur le respect du concept de l’aéronef propre
La durée du temps froid et des conditions de givrage varie énormément au Canada. Pour beaucoup d’aéroports nordiques éloignés, la saison de gel peut durer 10 mois ou plus. Les conditions de givrage peuvent être à la fois graves et persistantes.
Des milliers d’aéronefs décollent chaque année d’aéroports nordiques éloignés. Certains aéroports servent de plaque tournante, sont plus achalandés et pourraient avoir de l’équipement plus adéquat.
L’absence d’équipement adéquat augmente la probabilité que les pilotes effectuent un décollage malgré de la glace, du givre ou de la neige adhérant à une surface critique de l’aéronef. En l’absence de conséquences négatives, les décollages effectués malgré la contamination de surfaces critiques sont une déviation des procédures qui s’est normalisée. Par conséquent, il ne sera probablement pas suffisant de fournir de l’équipement de dégivrage et d’antigivrage adéquat dans le but de réduire la probabilité que des aéronefs décollent malgré des surfaces critiques contaminées.
Certaines mesures de protection du système de transport aérien canadien qui visent à empêcher le décollage d’aéronefs avec de la glace, du givre ou de la neige adhérant à une surface critique laissent à désirer. Les décollages malgré la contamination de surfaces critiques sont nombreux aux aéroports nordiques éloignés, quels que soient le type d’aéronef et le domaine d’exploitation.
La non-conformité au paragraphe 602.11(2) du Règlement de l’aviation canadien (RAC), aux manuels d’exploitation de l’équipage de conduite, aux manuels d’exploitation des entreprises et aux procédures d’exploitation normalisées de compagnies peut constituer un point de défaillance unique du cadre de protection. Pour atténuer cette lacune, TC et les exploitants aériens doivent agir immédiatement afin d’assurer une meilleure conformité.
Les organismes peuvent assurer la vérification de l’équipement (d’inspection, de dégivrage et d’antigivrage des aéronefs), des politiques (comme les programmes d’opérations en cas de givrage au sol et les mesures de rechange au cas où les ressources ne seraient pas disponibles), de la formation (pour les pilotes et le personnel au sol) et de l’exploitation (procédures, conformité, déviation). Les exploitants aériens pourraient ajouter des questions dans les listes de vérification avant le démarrage et avant le décollage, exigeant que l’aéronef ne présente aucune contamination ou que le commandant de bord prenne des mesures d’atténuation.
Les accidents causés par une contamination de l’aéronef continueront de se produire tant que le secteur de l’aviation et l’organisme de réglementation n’y verront pas un problème systémique, et ne prendront pas les mesures nécessaires pour éliminer les facteurs sous-jacents qui peuvent influer négativement sur la conformité des pilotes.
Par conséquent, en décembre 2018, le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports et les exploitants aériens prennent des mesures pour améliorer la conformité au paragraphe 602.11(2) du Règlement de l'aviation canadien et réduire la probabilité que des aéronefs décollent malgré des surfaces critiques contaminées.
Recommandation A18-03 du BST
Dans sa réponse (septembre 2020) et sa mise à jour (novembre 2020) au sujet de cette recommandation, TC a indiqué avoir communiqué avec les intervenants et publié des documents d’éducation et de sensibilisation au sujet des dangers posés par le décollage d’aéronefs aux surfaces critiques contaminées. La pandémie de COVID-19 a présenté des défis à TC et a entravé la plupart de ses inspections ciblées prévues visant à accroître la conformité au paragraphe 602.11(2) du RAC. Une conformité accrue au règlement réduirait la probabilité de décollage d’aéronefs avec des surfaces critiques contaminées.
Tant que des mesures plus rigoureuses n’auront pas été prises pour accroître la conformité au paragraphe 602.11(2) du RAC, les risques liés à la lacune de sécurité relevée dans la recommandation A18-03 continueront d’exister.
Par conséquent, en décembre 2020, le Bureau a estimé que la réponse à la recommandation A18-03 dénotait une intention satisfaisanteNote de bas de page 284.
4.1.2 West Wind Aviation L.P.
4.1.2.1 Évaluations des risques
Depuis l’événement, West Wind a mis en œuvre de nouvelles exigences en matière d’évaluation des risques. Des évaluations des risques sont maintenant réalisées pour les nouvelles procédures et les changements dans le personnel de gestion de même que pour tous les aéroports où l’entreprise mène normalement ses activités et pour les destinations des vols affrétés. Tous les changements organisationnels d’employés ayant un rôle de réglementation sont documentés dans le système de gestion de la sécurité en vue de permettre l’exécution d’évaluations des risques, y compris un suivi et des vérifications visant à confirmer que l’information a été diffusée et que les procédures sont respectées. Les évaluations des risques pour les aéroports comprennent un aperçu de tous les services et de toutes les installations disponibles, y compris les capacités de dégivrage.
Le conseil d’administration de West Wind a mis sur pied un comité de la sécurité, des opérations et de l’expérience client qui assure la supervision de la culture de la sécurité et des questions de sécurité par l’entreprise.
4.1.2.2 Équipement
West Wind a doté chacune des destinations de ses vols réguliers et affrétés d’équipement permettant l’inspection et le dégivrage de tous les types d’aéronefs de l’entreprise. Le personnel à chacun de ces endroits doit effectuer une inspection quotidienne de l’équipement de dégivrage pour s’assurer qu’il fonctionne, et une vérification annuelle de l’équipement de dégivrage aux fins d’assurance de la qualité est réalisée au début des opérations hivernales. Des lampes de poche puissantes à diodes électroluminescentes ont en outre été fournies à tous les équipages de conduite pour faciliter l’inspection des surfaces des aéronefs.
4.1.2.3 Directives écrites
Les directives écrites exigent que les vols dépêchés à des aéroports ne disposant pas d’une capacité de dégivrage suffisante respectent les exigences suivantes [traduction] :
- L’auto-répartition des vols n’est pas autorisée.
- Si des conditions de givrage actif au sol sont constatées ou prévues, la répartition des vols n’est pas autorisée.
- Aucun vol ne sera dépêché à ces endroits sans l’autorisation quotidienne du gestionnaire des opérations ou de son remplaçant.
- La procédure suivante doit être respectée :
- En ce qui concerne le givrage, la turbulence et le niveau de congélation de la GFA [prévision de zone graphique] applicable :
- Si le niveau de congélation prévu est inférieur à 5000 pieds dans un rayon de 30 NM de la destination, en utilisant l’échelle de la GFA, la procédure suivante doit être suivie :
- La trajectoire de vol doit garantir qu’aucune condition de givrage ne sera subie entre le départ et la destination.
- Il n’y a aucune condition de givrage ou précipitation constatée ou prévue dans un rayon de 30 NM de la destination à l’heure d’arrivée prévue.
- L’aéroport de dégagement doit offrir au moins un dégivrage de type 1.
- Il est possible d’utiliser un aéroport de dégagement dont on a vérifié qu’il offre le niveau de service requis mais qui ne figure pas sur la carte. Le commandant de bord et le répartiteur doivent se mettre d’accord sur le niveau de service.
- Avant l’atterrissage : les équipages de conduite doivent réaliser une inspection visuelle des surfaces représentatives pour s’assurer qu’aucune condition de givrage n’a été subie et que l’aéronef est exempt de tout givre.
- Si des conditions de givrage ont été subies, l’équipage de conduite doit se dérouter vers l’aéroport de dégagement.
- Si on prévoit des températures de surface positives et qu’on peut raisonnablement s’attendre à ce que toute contamination résiduelle fonde ou se sublime, l’atterrissage peut être effectué. Au sol, si l’aéronef est contaminé par le givre, l’équipage de conduite doit appeler le gestionnaire des opérations ou son remplaçant pour connaître la bonne conduite à suivre. Les prévisions météo de la GFA seront confirmées au moyen d’une station météorologique éloignée.
- Stony Rapids, CYSF, sera utilisée pour
- Uranium City, CYBE
- pour tout aérodrome non listé, la station météorologique convenable la plus proche doit être utilisée aux fins de comparaison, le cas échéant.
- En cas de désaccord entre la GFA et la station météorologique éloignée, les conditions les plus mauvaises seront réputées être en vigueur.
- Le commandant de bord et le répartiteur doivent se mettre d’accord sur les conditions météorologiques en vigueurNote de bas de page 285.
4.1.2.4 Formation
West Wind a apporté les modifications suivantes à ses programmes de formation :
- La formation des pilotes d’ATR sur simulateur est passée de 1 à 2 modules sur simulateur en conditions de givrage, et plus de temps est consacré aux opérations par temps froid lors de la formation au sol.
- La formation initiale et récurrente des pilotes d’ATR sur simulateur comprend maintenant un scénario scripté de givrage grave avec maniabilité réduite.
- La formation initiale et récurrente des pilotes comprend les exigences de performance sur piste contaminée, et l’utilisation des vitesses en conditions de givrage a été incorporée à la formation sur simulateur.
- Les équipages de conduite sont formés à utiliser les procédures approuvées par ATR issues du manuel d’exploitation de l’équipage de conduite du fabricant au sujet des inspections de l’aéronef visant à déterminer s’il y a contamination et de la nécessité de réaliser des inspections additionnelles s’il y a le moindre doute que l’aéronef puisse être contaminé.
- Les agents de bord sont formés pour être autorisés, en cas d’assiettes inhabituelles pendant une phase de vol critique, comme le décollage ou l’atterrissage, à donner le signal de préparation à l’impact à leur propre discrétion.
- La formation sur la gestion des ressources de l’équipage (CRM) couvre le concept que les adaptations systémiques mènent à la non-conformité et ne doivent pas être incorporées dans les opérations quotidiennes.
4.1.2.5 Maintenance
West Wind a mis en œuvre de nouvelles procédures à suivre lors de l’octroi de contrats de maintenance, y compris la vérification de l’atelier de réparation, l’examen des données de réparation et la comparaison avec les documents publiés (par exemple, les manuels d’entretien des composants), et l’exécution d’une surveillance pendant les révisions majeures.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été publié en premier lieu le .
Correction
À la suite de commentaires reçus après la publication de ce rapport d’enquête, le Bureau reconnaît que certaines sections décrivant la certification de l’ATR 42 en matière de résistance à l’impact ainsi que la réglementation en vigueur pouvaient être mal interprétées. Après examen du rapport, le Bureau a apporté les modifications suivantes.
Dans les sections Résumé, 2.4.2 Résistance à l’impact, et 3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs :
- Le fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs « Les normes de conception applicables aux aéronefs de la catégorie transport en vigueur au moment où l’ATR 42 a été certifié ne précisaient ni les charges minimales qu’une structure de fuselage doit pouvoir subir tout en offrant des possibilités de survie, ni les charges minimales en matière d’absorption de l’énergie d’impact par le fuselage. Par conséquent, l’ATR 42 n’a pas été conçu en tenant compte de ces principes de résistance à l’impact » a été remplacé par « Ni les normes actuelles de conception applicables aux aéronefs de la catégorie transport, ni celles en vigueur au moment où l’ATR 42 a été certifié, ne précisent les charges minimales qu’une structure de fuselage doit pouvoir subir tout en offrant des possibilités de survie, ou les charges minimales en matière d’absorption de l’énergie d’impact par le fuselage. Par conséquent, l’ATR 42 n’a pas été conçu en tenant compte de tels paramètres de résistance à l’impact ».
Dans la section 1.15.1.1 Conception de l’aéronef et certification :
- La phrase « Par conséquent, la production continue du type n’a dû respecter que les règlements en vigueur en 1980, et non les nombreuses modifications apportées aux normes de conception après cette date » a été remplacée par « Par conséquent, la production continue du type n’a dû respecter que les règlements en vigueur en 1980, et non les modifications apportées aux normes de conception après cette date ».
- La phrase « Les normes de conception n’exigeaient pas une évaluation des capacités de l’ATR 42-320 en matière de résistance à l’impact à l’échelle de l’aéronef » a été remplacée par « Les normes de conception n’exigeaient pas (et n’exigent toujours pas) une évaluation des capacités de l’ATR 42-320 en matière de résistance à l’impact à l’échelle de l’aéronef ».
- La phrase « Toutefois, ces modifications, et même celles qui étaient en vigueur au moment de la publication du présent rapport, ne stipulaient pas comment la structure d’un aéronef doit être conçue pour offrir à chaque occupant [traduction] ‘toutes les chances raisonnables d’échapper à des blessures graves dans le contexte d’un écrasement mineur’ » a été remplacée par « Toutefois, ces modifications, et même celles qui étaient en vigueur au moment de la publication du présent rapport, ne stipulaient pas comment la structure d’un aéronef doit être conçue pour offrir à chaque occupant [traduction] "toutes les chances raisonnables d’échapper à des blessures graves dans le contexte d’un écrasement mineur", et elles n’exigent toujours pas une évaluation des capacités structurelles en matière de résistance à l’impact à l’échelle de l’aéronef ».
Dans la section 2.4.2 Résistance à l’impact :
- La phrase « Lors de l’essai de chute à la verticale d’un ATR 42 effectué par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, le fuselage a subi des dommages structuraux majeurs qui n’auraient pas donné à chaque occupant toutes les chances raisonnables d’échapper à des blessures graves » a été remplacée par « Lors de l’essai de chute à la verticale d’un ATR 42 effectué par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, le fuselage a subi des dommages structuraux majeurs qui n’auraient effectivement pas donné à chaque occupant toutes les chances raisonnables d’échapper à des blessures graves ».
- La phrase « Dans l’événement à l’étude, la vitesse d’impact verticale de l’aéronef était considérablement inférieure à celle de l’essai de chute effectué par la FAA (comme en témoigne l’étendue de la déformation des sièges); néanmoins, les principaux dommages structuraux étaient presque identiques à ceux observés dans l’essai de la FAA » a été remplacée par « Dans l’événement à l’étude, la vitesse d’impact verticale de l’aéronef était considérablement inférieure à celle de l’essai de chute effectué par la FAA, comme on peut le constater en comparant l’étendue de la déformation des sièges pendant l’essai de chute effectué par la FAA à l’étendue de la déformation des sièges dans l’événement à l’étude; néanmoins, les principaux dommages structuraux étaient presque identiques à ceux observés dans l’essai de la FAA ».
- La phrase « Même si les règlements de certification exigent que les sièges et leurs ensembles de retenue répondent aux exigences concernant les charges inertielles transmises par les occupants, la norme de certification ne précise aucune charge d’atterrissage en catastrophe particulière pour la conception de la structure du fuselage, pas plus qu’elle ne précise que la structure du fuselage doit être conçue pour absorber l’énergie d’impact » a été remplacée par « Même si les règlements de certification exigent que les sièges et leurs ensembles de retenue répondent aux exigences concernant les charges inertielles transmises par les occupants, la norme de certification actuelle ne précise aucune charge d’atterrissage en catastrophe particulière pour la conception de la structure du fuselage, pas plus qu’elle ne précise que la structure du fuselage doit être conçue pour absorber l’énergie d’impact ».
Le Bureau a autorisé la présente correction le ; la version corrigée du rapport a été publiée le .
Annexes
Annexe A – Cadre du système de gestion de la sécurité de l’aviation civile de Transports Canada (composantes et éléments)
Composante | Élément |
---|---|
Plan de gestion de la sécurité | 1.1 Politique de sécurité 1.2 Politique de signalements non punitifs en matière de sécurité 1.3 Rôles, responsabilités 1.4 Communications 1.5 Planification de la sécurité 1.6 Gestion du rendement 1.7 Examen par la direction |
Documents | 2.1 Définition et mise à jour des règlements applicables 2.2 Documents relatifs au SGS 2.3 Gestion des dossiers |
Surveillance de la sécurité | 3.1 Processus réactifs – Établissement de rapports 3.2 Processus proactifs – Détermination des dangers 3.3 Enquête et analyse 3.4 Gestion du risque |
Formation | 4.1 Formation, sensibilisation et compétences |
Assurance de la qualité | 5.1 Assurance de la qualité |
Préparation aux situations d’urgence | 6.1 Préparation aux situations d’urgence et intervention |
Annexe B – Résumé du rapport de l’évaluation de West Wind menée par l’Aviation civile de Transports Canada en septembre 2016
1.1 Politique de sécurité | Pas évalué lors des activités sur place | Un examen plus approfondi sera effectué par Transports Canada. |
1.2 Politique de signalements non punitifs en matière de sécurité | Conforme | Les exigences réglementaires ont été respectées. |
1.3 Rôles, responsabilités | Pas évalué lors des activités sur place | Un examen plus approfondi sera effectué par Transports Canada. |
1.4 Communications | Partiellement mis en œuvre | Les renseignements sont établis et mis à jour au moyen d’un médium adéquat. |
Partiellement documenté et partiellement mis en œuvre | Il existe un processus de diffusion de l’information sur la sécurité dans l’ensemble de l’organisation et un moyen de surveiller l’efficacité de ce processus. | |
1.5 Planification de la sécurité | Partiellement mis en œuvre | Les objectifs et les buts sont conformes à la politique de sécurité et leur réalisation est mesurable. |
Partiellement mis en œuvre | Les objectifs et les buts en matière de sécurité sont examinés et mis à jour périodiquement. | |
Partiellement mis en œuvre | Les objectifs et les buts en matière de sécurité sont documentés et publiés. | |
1.6 Gestion du rendement | Pas évalué lors des activités sur place | Un examen plus approfondi sera effectué par Transports Canada. |
1.7 Examen par la direction | Pas évalué lors des activités sur place | Un examen plus approfondi sera effectué par Transports Canada. |
2.1 Détermination et mise à jour des composantes applicables du RAC [Règlement de l’aviation canadien] | Partiellement mis en œuvre | L’organisation a établi, tenu à jour et respecté les exigences en matière de documents applicables au(x) certificat(s) détenu(s), conformément aux exigences du RAC. |
2.2 Documents relatifs au SGS [système de gestion de la sécurité] | Partiellement mis en œuvre | Des moyens acceptables de documentation sont mis en œuvre, y compris, mais non exclusivement, des organigrammes, des descriptions de tâches et d’autres documents écrits descriptifs qui définissent et délimitent clairement le système d’autorité et de responsabilité au sein de l’organisation pour assurer la sécurité de l’exploitation. |
Partiellement mis en œuvre | L’organisation dispose d’un processus pour relever les changements au sein de l’organisation susceptibles d’avoir une incidence sur la documentation de la compagnie. | |
2.3 Gestion des dossiers | Conforme | Les exigences réglementaires ont été respectées. |
3.1 Processus réactifs – Établissement de rapports | Partiellement mis en œuvre | L’organisation dispose d’un processus ou d’un mécanisme qui permet de recueillir des renseignements internes, y compris les dangers, les incidents et les accidents, et d’autres données pertinentes pour les SGS. |
3.2 Processus proactifs – Établissement de rapports | Partiellement mis en œuvre | Un processus de rétroaction est disponible pour aviser les contributeurs que leurs rapports proactifs ont été reçus et pour communiquer le résultat final de l’analyse. |
Partiellement mis en œuvre | Des mesures correctives sont élaborées et mises en œuvre en réponse à l’analyse des dangers. | |
Partiellement mis en œuvre | L’organisation élaborera un profil de risque en matière de sécurité qui donne la priorité aux dangers énumérés dans le registre des dangers. | |
3.3 Enquête et analyse | Partiellement mis en œuvre | Il est prouvé que l’organisation a fait tout son possible pour mener à bien le processus d’enquête et d’analyse dans les délais fixés. |
3.4 Gestion du risque | Partiellement mis en œuvre | Les mesures correctives découlant de l’évaluation des risques, y compris les échéanciers, sont documentées. |
4.1 Formation, sensibilisation et compétences | Ni documenté, ni mis en œuvre | Les exigences réglementaires n’ont pas été respectées. |
5.1 Assurance de la qualité | Partiellement mis en œuvre | Il existe une fonction d’audit indépendant sur le plan opérationnel, avec les pouvoirs requis pour exécuter un programme d’évaluation interne efficace. |
Partiellement mis en œuvre | L’organisation effectue des examens et des vérifications de ses processus, procédures, analyses, inspections et formations. | |
Partiellement mis en œuvre | Le mécanisme d’assurance de la qualité couvre toutes les fonctions définies dans le ou les certificats. |
6.1 Préparation aux situations d’urgence et intervention | Conforme | Les exigences réglementaires ont été respectées. |
Programme de formation au pilotage | Pas mis en œuvre | Les règlements, les normes et les exemptions sont périodiquement examinés pour s’assurer que les renseignements les plus récents sont disponibles. |
Temps de vol et de service | Pas mis en œuvre | Les règlements, les normes et les exemptions sont périodiquement examinés pour s’assurer que les renseignements les plus récents sont disponibles. |
Répartiteur de type B (moniteur de bureau) | Conforme | Les exigences réglementaires ont été respectées. |
Annexe C – Constatations tirées de l’évaluation de 2016
Le tableau suivant présente un résumé des constatations tirées de l’évaluation de 2016Note de bas de page 286 des activités de West Wind menée par Transports Canada.
Constatation | Composante ou élément | Classification |
---|---|---|
Sur place 01Note de bas de page 287 | Contrôle opérationnel et programme de formation au pilotage : La compagnie n’a pas établi et maintenu un programme de formation pour l’ATR 42 conformément aux Normes de service aérien commercial (NSAC) 725.124 (RAC [Règlement de l’aviation canadien] 705.124 (l)b)). |
Majeure |
Sur place 02Note de bas de page 288 | Contrôle opérationnel et programme de formation au pilotage : La compagnie n’a pas établi et maintenu un programme de formation sur le taxi aérien conformément aux NSAC 723.98 (RAC 703.98 (1)b)). |
Majeure |
Sur place 03Note de bas de page 289 | Contrôle opérationnel et programme de formation au pilotage : La compagnie n’a pas établi et maintenu un programme de formation sur le service aérien de navette conformément aux NSAC 724.115 (RAC 704.115 (1)b)). |
Majeure |
107-01 | Documentation, détermination et tenue à jour des règlements applicables : La compagnie n’a pas établi, tenu à jour et respecté les exigences en matière de documentation applicables au certificat détenu, comme l’exige le RAC (RAC 107.02). |
Majeure |
700-01 | Contrôle opérationnel et temps de vol et de service : La compagnie n’a pas réussi à mettre sur pied un mécanisme qui surveille efficacement les périodes de repos pour chacun de ses membres d’équipage de conduite (RAC 700.14 (1)). |
Majeure |
704-01 | Contrôle opérationnel et programme de formation au pilotage : Le chef pilote de la compagnie n’a pas veillé à ce que les tâches requises soient exécutées conformément aux NSAC 724.07(2)b)(ii) (RAC 704.02). |
Majeure |
705-01 | Contrôle opérationnel et programme de formation au pilotage : Le directeur des opérations de la compagnie n’a pas veillé à ce que les tâches requises soient exécutées conformément aux NSAC 725.07(2)e)(ii) (RAC 705.02). |
Majeure |
705-02 | Contrôle opérationnel et programme de formation au pilotage : Le chef pilote des opérations régies par la sous-partie 705 de la compagnie n’a pas veillé à ce que les tâches requises soient exécutées conformément aux NSAC 725.07(2)b)(ii) (RAC 705.02). |
Majeure |
706-01 | Assurance de la qualité : West Wind n’avait pas de service d’audit indépendant sur le plan opérationnel et ne disposait pas des pouvoirs nécessaires pour exécuter un programme d’évaluation interne (RAC 706.07(5)). |
Modérée |
573-01 | Assurance de la qualité : West Wind n’avait pas de service d’audit indépendant sur le plan opérationnel et ne disposait pas des pouvoirs nécessaires pour exécuter un programme d’évaluation interne (RAC 573.09). |
Modérée |
Annexe D – Matrice d’intervalle de surveillance
Source : DAC SUR-008, édition 02 (29 mai 2012), avec annotations du BST.
Annexe E – Profil de risque de West Wind selon le Système de gestion de l’information nationale sur la sécurité aérienne
Annexe F – Formulaire de déclaration du système de gestion de la sécurité de West Wind
Annexe G – Organigramme des fonctions d’examen de la sécurité de West Wind (daté du 28 juin 2018)
Annexe H – Enquêtes du BST avec faits établis relatifs aux systèmes de surveillance réglementaire et de gestion de la sécurité
Numéro d’événement du BST | Fait établi (type de fait établi) | Mesures de sécurité prises (déclarées par Transports Canada) |
---|---|---|
A16A0041 | Si les organisations n’adoptent pas des pratiques de gestion de la sécurité modernes et ne possèdent pas une culture de sécurité bien ancrée, il y a un risque accru que des dangers ne soient pas détectés et atténués. (Risque) | Aucune n’a été déclarée. |
A15P0217 | Comme les processus définis dans le système de gestion de la sécurité (SGS) de Helijet International Inc. n’étaient pas utilisés efficacement, le SGS n’aidait pas l’entreprise à cerner et à atténuer les risques liés à ses vols d’évacuation médicale de nuit. (Causes et facteurs contributifs) Au moment de l’événement à l’étude, comme des ressources et une formation insuffisantes étaient attribuées au SGS de l’entreprise, ce SGS ne permettait pas d’atténuer efficacement les risques liés aux vols de nuit. (Causes et facteurs contributifs) Si les dangers cernés ne sont pas saisis dans le SGS d’une entreprise, il se peut qu’ils ne soient pas éliminés, ce qui augmente les risques d’accident. (Risque) |
Aucune n’a été déclarée. |
A15A0054 | Si les organisations n’adoptent pas de pratiques modernes de gestion de la sécurité, il y a un risque accru que les dangers passent inaperçus et que les risques ne soient pas atténués. (Risque) Si la culture de sécurité d’une organisation ne promeut pas entièrement les objectifs d’un système de gestion de la sécurité, il est alors peu probable qu’elle réduise efficacement les risques. (Risque) |
Aucune n’a été déclarée. |
A15Q0120 | Si les systèmes de gestion de la sécurité ne sont pas exigés, évalués et surveillés par Transports Canada afin d’assurer une amélioration continue, il y a un risque accru que les entreprises n’arrivent pas à repérer et atténuer efficacement les risques liés à leurs opérations. (Risque) | Aucune n’a été déclarée. |
A14P0132 | Une structure organisationnelle en sous-effectif durant des changements organisationnels a probablement donné lieu à une surcharge de travail chez les gestionnaires en place. Ainsi, l’exploitant a omis d’atténuer des risques dans les procédures d’utilisation normalisées au moyen de son système de gestion de la sécurité, et on a continué d’utiliser les aéronefs en deçà des limites de vitesse indiquée. (Causes et facteurs contributifs) Si les organisations ne maintiennent pas les ressources de gestion nécessaires pour superviser des pratiques de sécurité judicieuses, les efforts à long terme peuvent s’effriter, et les risques liés à des pratiques dangereuses peuvent persister dans les opérations aériennes. (Risque) |
Aucune n’a été déclarée. |
A14A0067 | Si Transports Canada n’adopte pas une approche équilibrée qui comprend à la fois des inspections approfondies de la conformité et des vérifications des processus de gestion de la sécurité, les pratiques d’exploitation non sécuritaires risquent de passer inaperçues, ce qui accroît les risques d’accident. (Risque) | Aucune n’a été déclarée. |
A13H0002 | Si l’on ne respecte pas les intervalles de surveillance réglementaire indiqués, il y a une probabilité accrue de ne pas cerner et corriger des lacunes généralisées qui pourraient accroître les risques. (Risque) Si les faits établis sont trop imprécis, ils accroissent l’ampleur des mesures correctives potentielles et compliquent la tâche de l’organisme de réglementation visant à déterminer si le plan de mesures correctives corrige la lacune sous-jacente, ce qui accroît le risque que les lacunes de sécurité ne soient pas corrigées. (Risque) Si Transports Canada n’exige pas des exploitants qu’ils respectent les délais de mise en œuvre des plans de mesures correctives, il y a un risque que les lacunes de sécurité ne soient pas corrigées rapidement. (Risque) |
Aucune n’a été déclarée. |
A13H0001 | Si l’on ne signale pas formellement les problèmes de sécurité au moyen d’un système d’information sur la sécurité d’entreprise, il y a risque d’une gestion inefficace des dangers. (Risque) | Aucune n’a été déclarée. |
A13Q0098 | Si Transports Canada ne tient pas compte de l’expérience et des connaissances globales de l’équipe de gestion d’un nouvel exploitant, l’exploitant risque de ne pas avoir les aptitudes nécessaires pour assurer la sécurité des opérations aériennes. (Risque) Si les inspections de processus de Transports Canada ne se penchent pas sur les facteurs liés à un événement récent, ces conditions dangereuses risquent de passer inaperçues et de perdurer. (Risque) |
Aucune n’a été déclarée. |
A13W0120 | Le système de gestion de la sécurité de l’exploitant n’a pu ni relever ni corriger les pratiques opérationnelles dangereuses. (Causes et facteurs contributifs) Les activités de surveillance de Transports Canada n’ont pas cerné les pratiques d’exploitation dangereuses du transporteur en matière de calculs de masse et centrage et de la trajectoire nette de décollage. Par conséquent, ces pratiques dangereuses ont persisté. (Causes et facteurs contributifs) Si Transports Canada n’adopte pas une approche équilibrée qui réunit des inspections de conformité et des vérifications des processus de gestion de la sécurité, les pratiques d’exploitation non sécuritaires risquent de passer inaperçues, ce qui accroît le risque d’accident. (Risque) |
Aucune n’a été déclarée. |
A12Q0216 | Si la surveillance exercée par Transports Canada repose sur l’efficacité du système de gestion de la sécurité de l’entreprise à signaler les problèmes de sécurité, il y a un risque que des problèmes de sécurité importants passent inaperçus. (Risque) | Aucune n’a été déclarée. |
A12W0031 | Si Transports Canada n’assure pas une surveillance adéquate, la probabilité que des lacunes de sécurité de l’exploitant passent inaperçues augmente. (Risque) | Aucune n’a été déclarée. |
A11O0031 | Au cours de la transition vers les systèmes de gestion de la sécurité, Transports Canada doit reconnaître que les exploitants ne relèvent et ne réduisent pas toujours les dangers et doit modifier ses activités de surveillance en fonction de l’état d’avancement du système de gestion de la sécurité de ceux-ci. (Autre) | Aucune n’a été déclarée. |
A10Q0117 | Les mesures prises par TC n’ont pas eu les effets escomptés pour assurer une conformité aux règlements et conséquemment des pratiques non sécuritaires ont persisté. (Causes et facteurs contributifs) | Aucune n’a été déclarée. |
A10Q0098 | Les mesures importantes prises par TC n’ont pas eu les effets escomptés pour assurer une conformité aux règlements et, par conséquent, des pratiques non sécuritaires ont persisté. (Causes et facteurs contributifs) | Transports Canada a apporté des changements importants à son programme de surveillance. Ces changements comprennent des mises à jour apportées aux méthodes employées à la planification de la surveillance et la mise en service d’outils qui permettent d’améliorer la capacité de surveillance et d’analyse des indicateurs de risque dans le système aéronautique. |
A07C0001 | Les méthodes de gestion de la Région des Prairies et du Nord (RPN) de Transports Canada au moment de l’annulation, en juin 2006, du programme des vérifications régionales conjointes dans le but de gérer la charge de travail inhérente aux systèmes de gestion de la sécurité (SGS), n’ont pas respecté les politiques de Transports Canada en matière de prise de décisions en gestion des risques. Une réaffectation des ressources sans évaluation des risques pourrait mener à un non-respect de la réglementation qui passe inaperçu. (Risque) Bien que les processus de surveillance de la sécurité de Transports Canada aient identifié l’existence de lacunes dans la supervision au sein de TWA, les gestionnaires de la RPN de Transports Canada n’ont pu se faire une idée complète de l’étendue de ces lacunes à cause des limites du système de surveillance par inspection et vérification en vigueur à ce moment-là. (Risque) |
Aucune n’a été déclarée. |
Annexe I – Carte d’exposé de référence pour la gestion des menaces et des erreurs de West Wind
Source : West Wind Aviation L.P., ATR42 SOP (17 décembre 2016), p. 58.
Annexe J – Événements semblables survenus au Canada mettant en cause des surfaces critiques contaminées d’aéronefs au décollage
Numéro d’événement | Date | Type d’aéronef | Lieu | Commentaires |
---|---|---|---|---|
S.O. | 1989-03-10 | Fokker F-28 | Dryden (Ontario) | Accident. Exploitation commerciale. Surfaces critiques contaminées avant le décollage. Collision avec le relief après le décollage. 24 morts. La commission d’enquête Moshansky a fait plusieurs recommandations. |
A98Q0057 | 1998-04-25 | DHC-8-102 | Québec (Québec) | Incident. Exploitation commerciale. La contamination avant le décollage a gelé, bloquant la gouverne de profondeur durant un vol de croisière. Aucun blessé. |
A98Q0194 | 1998-12-07 | Britten-Norman BN2A-26 | Point-Lebel (Québec) | Accident. Exploitation commerciale. Surfaces critiques contaminées avant le décollage. Perte de maîtrise et collision avec le relief après le décollage. 6 morts, 1 personne portée disparue, 3 personnes grièvement blessées. |
A99P0181 | 1999-12-28 | Cessna 208 | Abbotsford (Colombie-Britannique) | Accident. Exploitation privée. Surfaces critiques contaminées avant le décollage. Perte de maîtrise et collision avec le relief après le décollage. 3 personnes grièvement blessées, 3 personnes légèrement blessées. |
A03O0088 | 2003-04-07 | Found FBA-2C1 | Lac Temagami (Ontario) | Accident. Exploitation privée. Contamination avant le décollage, perte de maîtrise et collision avec le relief après le décollage. 2 morts. |
A03O0302 | 2003-11-04 | DHC-8-102 | Ottawa (Ontario) | Incident. Exploitation commerciale. Aéronef dégivré avant le décollage. Déplacement limité des commandes durant le décollage, décollage interrompu. Aucun blessé. |
A04H0001 | 2004-01-17 | Cessna 208B | Île Pelee (Ontario) | Accident. Exploitation commerciale. Contamination de surfaces critiques avant le décollage, perte de maîtrise et collision avec le relief après le décollage. 10 morts. |
A09C0017 | 2009-02-04 | DHC-6 | La Ronge (Saskatchewan) | Accident. Exploitation commerciale. Surfaces critiques contaminées avant le décollage. Perte de maîtrise et collision avec le relief après le décollage. 7 personnes légèrement blessées. |
A12C0154 | 2012-11-18 | Cessna 208B | Snow Lake (Manitoba) | Accident. Exploitation commerciale. Contamination de surfaces critiques avant le décollage, perte de maîtrise et collision avec le relief après le décollage. 1 mort, 7 personnes grièvement blessées. |
A13W0201 | 2013-12-17 | Boeing 737-300 | Aérodrome Fort MacKay/Albian (Alberta) | Incident. Exploitation commerciale. Dégivrage et antigivrage de l’aéronef avant le décollage. Quantité insuffisante de fluide de type IV utilisée pour l’antigivrage. Maîtrise difficile de l’aéronef après le décollage. Aucun blessé. Le BST a envoyé un avis de sécurité aérienne à Transports Canada le 10 septembre 2014. |
Annexe K – Événements semblables survenus à l’extérieur du Canada mettant en cause des surfaces critiques contaminées d’aéronefs au décollage
Numéro d’événement | Date | Type d’aéronef | Lieu | Commentaires |
---|---|---|---|---|
DCA82AA011 | 1982-01-13 | B737 | Washington (D.C.) | Surfaces critiques contaminées. 78 morts. |
DCA88MA004 | 1987-11-15 | DC-9-14 | Denver (Colorado) | Surfaces critiques contaminées. 28 morts. |
A02F0002 | 2002-01-04 | CL600-2B16 | Birmingham (Royaume-Uni) | Présence de givre avant le décollage. 5 morts. |
A04F0207 | 2004-11-28 | CL60 | Montrose (Colorado) | Surfaces critiques contaminées avant le décollage. 3 morts, 3 personnes grièvement blessées. |
A04F0202 | 2004-11-21 | CL600-2B19 | Baotou (Chine) | Surfaces critiques contaminées avant le décollage. 53 morts. |
A05F0023 | 2005-01-31 | Cessna 208 | Helsinki (Finlande) | Surfaces critiques contaminées avant le décollage. |
S.O. | 2007-01-25 | Fokker 100 | Pau (France) | Surfaces critiques contaminées avant le décollage. |
A08F0020 | 2008-01-31 | CL-600-2B19 | Oslo (Norvège) | Bord d’attaque contaminé durant la course au décollage. Aucun blessé. |
A08F0026 | 2008-02-14 | CL-600-2B19 | Erevan (Arménie) | Surfaces critiques contaminées avant le décollage. 7 personnes grièvement blessées. |
S.O. | 2008-04-09 | BAE Jetstream 41 | Aberdeen (Royaume-Uni) | Surfaces critiques contaminées avant le décollage. Incident. Aucun blessé. |
A12F0033 | 2012-04-02 | ATR 72-201 | Tyumen (Russie) | Surfaces critiques contaminées avant le décollage. 33 morts. |
S.O. | 2013-03-04 | Beechcraft Premier 1 A | Annemasse (France) | Surfaces critiques contaminées avant le décollage. 2 morts. |
S.O. | 2016-03-04 | ATR 72-212A | Manchester (Royaume-Uni) | Surfaces critiques contaminées avant le décollage. Incident. Aucun blessé. |
Annexe L – Questionnaire du BST à l’intention des pilotes
Q1. Lorsque je me trouve à un aéroport éloigné, j’ai accès à de l’équipement au sol pour inspecter efficacement toutes les surfaces critiques de l’aéronef contre la contamination.
Jamais / Rarement / Parfois / Habituellement / Toujours / Sans objet
Q2. Lorsque je me trouve à un aéroport éloigné, j’ai accès à de l’équipement au sol pour dégivrer adéquatement les surfaces critiques de l’aéronef avant le décollage.
Jamais / Rarement / Parfois / Habituellement / Toujours / Sans objet
Q3. Lorsque je me trouve à un aéroport éloigné, j’ai accès à de l’équipement au sol pour faire un traitement antigivrage adéquat des surfaces critiques de l’aéronef avant le décollage.
Jamais / Rarement / Parfois / Habituellement / Toujours / Sans objet
Q4. Lorsque je me rends à un aéroport éloigné où il est su que l’équipement de dégivrage et d’antigivrage est inadéquat et où des conditions de givrage au sol existent ou sont prévues, je me dirigerai vers un autre aéroport.
Jamais / Rarement / Parfois / Habituellement / Toujours / Sans objet
Q5. Lorsque je me rends à un aéroport éloigné où il est connu que l’équipement de dégivrage et d’antigivrage est inadéquat et lorsque des conditions de givrage se manifestent en vol et qu’il reste du givre résiduel sur les surfaces critiques de l’aéronef, je me dirigerai vers un autre aéroport.
Jamais / Rarement / Parfois / Habituellement / Toujours / Sans objet
Q6. Je peux faire dégivrer adéquatement mon aéronef aux aéroports éloignés.
Jamais / Rarement / Parfois / Habituellement / Toujours / Sans objet
Q7. Je peux faire faire un traitement antigivrage adéquat de mon aéronef aux aéroports éloignés.
Jamais / Rarement / Parfois / Habituellement / Toujours / Sans objet
Q8A. L’exploitant pour lequel j’effectue le vol dispose d’un programme d’exploitation par conditions de givrage au sol.
Oui / Non
[Si « oui » à Q8A] Q8B. Le programme relatif au givrage au sol de ma compagnie comprend des directives sur ce qu’il faut faire si l’équipement d’antigivrage ou de dégivrage et le personnel connexe ne sont pas disponibles.
Oui / Non
[Si oui à Q8A] Q8C. Le programme relatif au givrage au sol de ma compagnie est efficace.
Oui / Non
[Si oui à Q8A] Q8D. Veuillez décrire les raisons qui font que le programme relatif au givrage au sol de votre compagnie est adéquat ou inadéquat.
Q9. Au cours de la dernière année, j’ai reçu une formation initiale ou périodique sur la contamination des surfaces des aéronefs.
Oui / Non
Q10. À la suite de ma formation initiale ou périodique, je comprends les effets de la contamination des surfaces critiques des aéronefs.
Tout à fait en désaccord / En désaccord / Ni d’accord ni en désaccord / D’accord / Tout à fait d’accord
Q12. Au cours des 5 dernières années, j’ai vu des pilotes décoller alors que les surfaces critiques de leur aéronef étaient contaminées.
Oui / Non
[Si oui à Q12] Q12Y. Veuillez donner un ou plusieurs exemples. Il serait utile d’inclure une partie ou l’intégralité des renseignements suivants, mais veuillez ne pas inclure de renseignements qui pourraient identifier des personnes ou des exploitants.
- Type d’aéronef
- Circonstances
- Degré de contamination
- Accessibilité et pertinence du matériel de dégivrage ou d’antigivrage
- Votre connaissance de toute conséquence négative
- Tout autre facteur que vous connaissez qui a influencé la prise de décisions des pilotes pendant les événements dont vous avez été témoin.
Q13. En vertu de quelle catégorie d’exploitation volez-vous habituellement?
- Exploitants privés (sous-partie 604 du RAC)
- Travail aérien (sous-partie 702 du RAC)
- Service de taxi aérien (sous-partie 703 du RAC)
- Service aérien de navette (sous-partie 704 du RAC)
- Ligne aérienne (sous-partie 705 du RAC)
- Autre (veuillez préciser)
Q14. Veuillez sélectionner dans la liste déroulante le type d’aéronef principal que vous pilotez actuellement :
- Monomoteur à pistons
- Multimoteur à pistons ≤ 12 500 livres
- Multimoteur à pistons > 12 500 livres
- CL-215
- DC-3
- Monomoteur turbopropulsé
- PC-12
- C-208
- Multimoteur turbopropulsé ≤ 12 500 livres
- Beech 90
- Beech 99
- Beech 100
- Beech 200
- Beech 300
- DHC-6
- MU2
- SA226
- Multimoteur turbopropulsé > 12 500 livres jusqu’à 25 000 livres
- Beech 1900
- SA-227
- Multimoteur turbopropulsé > 25 000 livres
- ATR 42/72
- CL-415
- DHC-8
- HS-748
- Multimoteur à réaction ≤ 70 000 livres
- Multimoteur à réaction > 70 000 livres
Q15. Quel type de licence de pilote détenez-vous actuellement?
- Licence de pilote de ligne (ATPL)
- Licence de pilote professionnel (CPL)
- Certificat de validation de licence étrangère (FLVC)
- Autre (veuillez préciser)
Q16. Quel est le total de vos heures de vol, tous types d’aéronefs confondus?
Q17. Quel est le total de vos heures de vol en tant que commandant de bord?
Q18. Depuis combien d’années travaillez-vous comme pilote?
Q19. Sur l’ensemble de votre expérience de pilote, pendant combien de saisons hivernales avez-vous effectué des vols vers des aéroports éloignés?
Q20. Depuis combien d’années travaillez-vous pour votre employeur actuel?
Q21. Quel est votre rôle principal chez l’exploitant pour lequel vous pilotez?
- Pilote directeur
- Pilote inspecteur ou pilote instructeur
- Pilote de ligne
Q22. Quelle poste au sein de l’équipage de conduite occupez-vous à bord de l’aéronef que vous pilotez le plus souvent à l’heure actuelle?
- Commandant de bord
- premier officier
- Autre (veuillez préciser)
Q23. Quel est le total de vos heures de vol à bord de l’aéronef que vous pilotez le plus souvent à l’heure actuelle?
Q24. Quel est le total de vos heures de vol à bord de l’aéronef que vous pilotez le plus souvent à l’heure actuelle à titre de commandant de bord?
Annexe M – Résumé des réponses au questionnaire du BST à l’intention des pilotes
Les réponses aux questions 1 à 7 et 10 étaient axées sur les échelles de Likert à 5 points. Celles-ci ont été codées aux fins de l’analyse sur une échelle de 0 à 4, et les réponses qui indiquaient « sans objet » ont obtenu une valeur nulle. Les graphiques fournis dans cette annexe sont disponibles en anglais seulement.
Question 1 : Lorsque je me trouve à un aéroport éloigné, j’ai accès à de l’équipement au sol pour inspecter efficacement toutes les surfaces critiques de l’aéronef contre la contamination.
0. Jamais | 1. Rarement | 2. Parfois | 3. Habituellement | 4. Toujours | Sans objet |
---|---|---|---|---|---|
26 (4 %) | 177 (27 %) | 174 (27 %) | 178 (27 %) | 96 (15 %) | 4 (1 %) |
- Moyenne = 2,22
- Médiane = 2,00
- Mode = 3,00
- Écart type = 1,12
- Écart = 1,25
Près d’un tiers (31 %) des répondants ont indiqué qu’ils n’avaient jamais accès à de l’équipement au sol qui permettait d’effectuer une inspection adéquate des surfaces critiques de l’aéronef ou qu’ils y ont rarement accès. De plus, 27 % ont répondu qu’ils avaient parfois accès à l’équipement. Moins de la moitié (42 %) ont indiqué qu’ils avaient habituellement ou toujours accès à un tel équipement.
Question 2 : Lorsque je me trouve à un aéroport éloigné, j’ai accès à de l’équipement au sol pour dégivrer adéquatement les surfaces critiques de l’aéronef avant le décollage.
0. Jamais | 1. Rarement | 2. Parfois | 3. Habituellement | 4. Toujours | Sans objet |
---|---|---|---|---|---|
41 (6 %) | 191 (29 %) | 177 (27 %) | 165 (25 %) | 77 (12 %) | 4 (1 %) |
- Moyenne = 2,07
- Médiane = 2,00
- Mode = 1,00
- Écart type = 1,13
- Écart = 1,27
Plus d’un tiers (35 %) des répondants ont indiqué qu’ils n’avaient jamais accès à du matériel au sol permettant le dégivrage adéquat de leur aéronef dans les aéroports éloignés ou qu’ils y ont rarement accès. De plus, 27 % ont indiqué qu’ils avaient parfois accès à l’équipement. Seulement 37 % ont indiqué qu’ils avaient habituellement ou toujours accès à l’équipement nécessaire.
Question 3 : Lorsque je me trouve à un aéroport éloigné, j’ai accès à de l’équipement au sol pour faire un traitement antigivrage adéquat des surfaces critiques de l’aéronef avant le décollage.
0. Jamais | 1. Rarement | 2. Parfois | 3. Habituellement | 4. Toujours | Sans objet |
---|---|---|---|---|---|
207 (32 %) | 206 (31 %) | 98 (15 %) | 83 (13 %) | 45 (7 %) | 16 (2 %) |
- Moyenne = 1,30
- Médiane = 1,00
- Mode = 0,00
- Écart type = 1,24
- Écart = 1,54
Près des ⅔ des répondants (63 %) ont indiqué qu’ils n’avaient jamais accès à de l’équipement pour effectuer un traitement antigivrage sur leur aéronef à des aéroports éloignés, ou qu’ils y ont rarement accès, et 15 % ont indiqué qu’ils avaient parfois accès à cet équipement. Seulement 20 % des répondants ont déclaré qu’ils disposaient habituellement ou toujours d’un équipement d’antigivrage adéquat.
Question 4 : Lorsque je me rends à un aéroport éloigné où il est su que l’équipement de dégivrage et d’antigivrage est inadéquat et où des conditions de givrage au sol existent ou sont prévues, je me dirigerai vers un autre aéroport.
0. Jamais | 1. Rarement | 2. Parfois | 3. Habituellement | 4. Toujours | Sans objet |
---|---|---|---|---|---|
49 (7 %) | 120 (18 %) | 120 (18 %) | 159 (24 %) | 187 (29 %) | 20 (3 %) |
- Moyenne = 2,50
- Médiane = 3,00
- Mode = 4,00
- Écart type = 1,30
- Écart = 1,68
Lorsqu’on leur a présenté une déclaration sur la déviation d’un aéroport dont l’équipement et les conditions de givrage au sol étaient inadéquats, 25 % des répondants ont indiqué qu’ils ne déviaient jamais ou rarement vers un autre aéroport, et 18 % ont affirmé qu’ils déviaient parfois. La plupart (53 %) ont indiqué qu’ils s’écartent habituellement ou toujours dans une telle situation.
Question 5 : Lorsque je me rends à un aéroport éloigné où il est connu que l’équipement de dégivrage et d’antigivrage est inadéquat et lorsque des conditions de givrage se manifestent en vol et qu’il reste du givre résiduel sur les surfaces critiques de l’aéronef, je me dirigerai vers un autre aéroport.
0. Jamais | 1. Rarement | 2. Parfois | 3. Habituellement | 4. Toujours | Sans objet |
---|---|---|---|---|---|
86 (13 %) | 172 (26 %) | 120 (18 %) | 116 (18 %) | 137 (21 %) | 24 (4 %) |
- Moyenne = 2,07
- Médiane = 2,00
- Mode = 1,00
- Écart type = 1,37
- Écart = 1,87
Les réponses à une déclaration semblable sur les endroits où l’équipement au sol est jugé inadéquat, jumelées à un givrage en vol et à des surfaces contaminées, ont suivi la tendance observée dans les réponses à la question 4, bien qu’un peu moins de répondants aient déclaré qu’ils dévient de leur plan de vol :
- 39 % des répondants ont indiqué qu’ils ne dévient jamais dans cette situation ou qu’ils dévient rarement;
- 18 % ont ajouté qu’ils dévient parfois;
- 39 % ont affirmé qu’ils dévient habituellement ou toujours.
Question 6 : Je peux faire dégivrer adéquatement mon aéronef aux aéroports éloignés.
0. Jamais | 1. Rarement | 2. Parfois | 3. Habituellement | 4. Toujours | Sans objet |
---|---|---|---|---|---|
37 (6 %) | 216 (33 %) | 152 (23 %) | 180 (27 %) | 65 (10 %) | 5 (1 %) |
- Moyenne = 2,03
- Médiane = 2,00
- Mode = 1,00
- Écart type = 1,11
- Écart = 1,24
Les réponses suggèrent que le dégivrage aux aéroports éloignés peut s’avérer difficile :
- 39 % des répondants ont indiqué qu’ils n’étaient jamais en mesure de faire dégivrer leur aéronef ou rarement;
- 23 % ont répondu qu’ils étaient parfois en mesure de le faire;
- 37 % ont déclaré qu’ils sont habituellement ou toujours en mesure de faire dégivrer leur aéronef aux aéroports éloignés.
Question 7 : Je peux faire faire un traitement antigivrage adéquat de mon aéronef aux aéroports éloignés.
0. Jamais | 1. Rarement | 2. Parfois | 3. Habituellement | 4. Toujours | Sans objet |
---|---|---|---|---|---|
231 (35 %) | 213 (33 %) | 89 (14 %) | 68 (10 %) | 29 (4 %) | 25 (4 %) |
- Moyenne = 1,13
- Médiane = 1,00
- Mode = 0,00
- Écart type = 1,16
- Écart = 1,34
Les réponses indiquent que la capacité de traitement antigivrage aux aéroports éloignés est moins disponible que la capacité de dégivrage. Plus des ⅔ des répondants (68 %) ont déclaré qu’ils n’étaient jamais en mesure de faire faire un traitement antigivrage adéquat à leur aéronef ou rarement, et 14 % ont déclaré qu’ils pouvaient parfois en faire la demande. Seulement 14 % des répondants ont affirmé qu’ils étaient habituellement ou toujours en mesure de faire faire un traitement antigivrage aux aéroports éloignés.
Question 8A : L’exploitant pour lequel j’effectue le vol dispose d’un programme d’exploitation par conditions de givrage au sol.
0. Non | 1. Oui | n = |
---|---|---|
56 (9 %) | 599 (91 %) | 655 (100 %) |
- Moyenne = 0,91
- Médiane = 1,00
- Mode = 1,00
- Écart type = 0,28
- Écart = 0,08
La plupart des répondants (91 %) ont indiqué que l’exploitant pour lequel ils travaillent dispose d’un programme d’exploitation par conditions de givrage au sol.
Question 8B : Le programme relatif au givrage au sol de ma compagnie comprend des directives sur ce qu’il faut faire si l’équipement d’antigivrage ou de dégivrage et le personnel connexe ne sont pas disponibles.
0. Non | 1. Oui | n = |
---|---|---|
188 (32 %) | 406 (68 %) | 594 (100 %) |
- Moyenne = 0,68
- Médiane = 1,00
- Mode = 1,00
- Écart type = 0,47
- Écart = 0,22
Plus des ⅔ (68 %) des réponses à cette question indiquaient que le programme d’exploitation par conditions de givrage au sol de la compagnie du répondant comprenait des directives sur ce qu’il fallait faire en cas d’absence d’installations ou de services d’antigivrage ou de dégivrage. Environ un tiers (32 %) ont déclaré que le programme de leur compagnie ne fournissait pas de telles directives.
Question 8C : Le programme relatif au givrage au sol de ma compagnie est efficace.
0. Non | 1. Oui | n = |
---|---|---|
196 (33 %) | 396 (67 %) | 592 (100 %) |
- Moyenne = 0,67
- Médiane = 1,00
- Mode = 1,00
- Écart type = 0,47
- Écart = 0,22
Près des ⅔ (67 %) des répondants qui ont répondu à cette question ont indiqué que le programme d’exploitation par conditions de givrage au sol de leur compagnie était adéquat, tandis que le tiers restant (33 %) n’était pas d’accord et a indiqué que le programme de leur compagnie n’était pas adéquat.
Question 8D : Veuillez décrire les raisons qui font que le programme relatif au givrage au sol de votre compagnie est adéquat ou inadéquat.
Les réponses individualisées concernant ce point ont été examinées dans le cadre de l’enquête. Les réponses n’ont toutefois pas été incluses ici, en raison de la protection requise à l’égard de certains renseignements.
Question 9 : Au cours de la dernière année, j’ai reçu une formation initiale ou périodique sur la contamination des surfaces des aéronefs.
0. Non | 1. Oui | n = |
---|---|---|
9 (1 %) | 646 (99 %) | 655 (100 %) |
- Moyenne = 0,99
- Médiane = 1,00
- Mode = 1,00
- Écart type = 0,12
- Écart = 0,01
Presque tous les répondants (99 %) ont déclaré avoir reçu une formation sur la contamination des surfaces des aéronefs au cours de la dernière année.
Question 10 : À la suite de ma formation initiale ou périodique, je comprends les effets de la contamination des surfaces critiques des aéronefs.
0. Tout à fait en désaccord | 1. En désaccord | 2. Ni d’accord ni en désaccord | 3. D’accord | 4. Tout à fait d’accord | n = |
---|---|---|---|---|---|
16 (2 %) | 5 (1 %) | 14 (2 %) | 216 (33 %) | 395 (61 %) | 646 (100 %) |
- Moyenne = 3,50
- Médiane = 4,00
- Mode = 4,00
- Écart type = 0,80
- Écart = 0,64
La plupart des répondants (94 %) étaient tout à fait d’accord ou d’accord pour dire qu’ils comprenaient les effets de la contamination des surfaces critiques de l’aéronef à la suite de leur formation, tandis que 2 % ont déclaré qu’ils n’étaient ni d’accord ni en désaccord. Un petit groupe de répondants (3 %) ont déclaré qu’ils étaient tout à fait en désaccord ou en désaccord avec cette affirmation.
Question 11 : Au cours des 5 dernières années, j’ai vu des pilotes décoller alors que les surfaces critiques de leur aéronef étaient contaminées.
0. Non | 1. Oui | n = |
---|---|---|
171 (26 %) | 484 (74 %) | 655 (100 %) |
Près des ¾ des répondants (74 %) ont indiqué avoir vu au cours des 5 dernières années des pilotes décoller à bord d’un aéronef dont les surfaces critiques étaient contaminées. Seulement 25 % des répondants ont déclaré ne pas avoir été témoins de telles actions.
Question 12Y : [Cette question n’a été présentée qu’aux répondants qui ont répondu « oui » à la question 12. Un champ de texte illimité leur a été accordé pour répondre.] Veuillez donner un ou plusieurs exemples. Il serait utile d’inclure une partie ou l’intégralité des renseignements suivants, mais veuillez ne pas inclure de renseignements qui pourraient identifier des personnes ou des exploitants.
- Type d’aéronef
- Circonstances
- Degré de contamination
- Accessibilité et pertinence du matériel de dégivrage ou d’antigivrage
- Votre connaissance de toute conséquence négative
- Tout autre facteur que vous connaissez qui a influencé la prise de décisions des pilotes pendant les événements dont vous avez été témoin.
Des 484 répondants qui ont répondu « oui » à la question 12 ci-dessus, 396 ont fourni de plus amples renseignements sur les événements dont ils ont été témoins.
Près des ¾ (73 %) de ces 396 répondants n’ont fait aucune mention des conséquences négatives associées aux événements qu’ils avaient vus, 24 % ont déclaré n’avoir subi aucune conséquence négative et seulement un petit nombre (4 %, ou 14 sur les 396 réponses avec détails) ont indiqué qu’ils étaient au courant des conséquences négatives, comme une réduction des performances de montée ou une maîtrise difficile de l’aéronef.
Le tableau suivant résume les réponses à la question 12Y.
Nombre de réponses | ||
---|---|---|
Question 12Y – toutes les réponses | Sondage achevé | 655 (100 %) |
Ont été témoins au cours des 5 dernières années d’un aéronef qui décolle en ayant de la contamination sur les surfaces critiques. | 484 | |
Détails fournis | 396 | |
Type d’aéronef (De nombreuses réponses qui donnaient des détails ont indiqué plusieurs types d’aéronefs. Par conséquent, la somme des réponses est supérieure à 282 et la somme des proportions est supérieure à 100 %.) | Réponses qui ont identifié un ou plusieurs types d’aéronefs ou types d’opérations | 282 [100 %] |
Réponses indiquant les types d’aéronefs courants dans les opérations de services de taxi aérien | 169 [60 %] | |
Réponses indiquant les types d’aéronefs courants dans les opérations de services aériens de navette | 120 [43 %] | |
Réponses indiquant les types d’aéronefs courants dans les opérations de lignes aériennes | 146 [52 %] | |
Conséquences néfastes | Des conséquences néfastes issues de surfaces contaminées ont été remarquées. | 14 (4 %) |
Aucune conséquence néfaste n’a été remarquée. | 96 (24 %) | |
Il n’y a aucune mention de conséquences néfastes. | 288 (73 %) | |
Matériel | Le matériel mentionné n’est pas disponible ou est inaccessible. Cela comprend une absence totale de matériel, ou bien une déclaration selon laquelle le matériel existant est sous clé, gelé dans un banc de neige, ou non disponible d’une autre manière semblable. | 84 (21 %) |
Matériel mentionné disponible et accessible, mais inadéquat pour la tâche ou inutilisable. | 147 (37 %) | |
Matériel mentionné disponible, mais non utilisé. (Une corrélation est souvent établie avec l’idée que le matériel était inadéquat pour la tâche.) | 142 (36 %) [100 %] | |
Matériel non utilisé en raison de pressions temporelles | 33 [23 %] | |
Matériel non utilisé pour des raisons financières | 32 [23 %] | |
Matériel non utilisé par crainte de provoquer ou d’aggraver la contamination | 20 [14 %] | |
Matériel non utilisé ou non disponible en raison d’une concurrence entre exploitants empêchant l’accès au matériel existant aux aéroports éloignés. | 11 [8 %] |
Question 13 : En vertu de quelle catégorie d’exploitation volez-vous habituellement?
Sous-partie 702 du RAC – Travail aérien |
Sous-partie 703 du RAC – Service de taxi aérien |
Sous-partie 704 du RAC – Service aérien de navette |
Sous-partie 705 du RAC – Ligne aérienne |
Sous-partie 604 du RAC – Exploitant privé |
Autre |
---|---|---|---|---|---|
6 (1 %) | 207 (32 %) | 96 (15 %) | 304 (46 %) | 22 (3 %) | 20 (3 %) |
La majorité (46 %) des répondants ont indiqué qu’ils pilotent dans la catégorie de ligne aérienne (sous-partie 705 du RAC), près du tiers (32 %) ont indiqué que le service de taxi aérien est leur principale catégorie opérationnelle (sous-partie 703 du RAC) et environ 15 % ont déclaré qu’ils pilotent dans la catégorie du service aérien de navette (sous-partie 704 du RAC). Seulement 1 % des répondants ont indiqué que leur catégorie d’exploitation était le travail aérien (sous-partie 702 du RAC).
Un petit nombre de répondants (3 %) pilotent en vertu d’un certificat d’exploitant privé (sous-partie 604 du RAC). À peu près le même nombre a décidé de ne pas choisir une seule catégorie, mais a plutôt inscrit une combinaison de catégories. Presque toutes les réponses de cette nature comprenaient les catégories de service de taxi aérien (sous-partie 703 du RAC) et de navette (sous-partie 704 du RAC), et environ la moitié incluait la catégorie de ligne aérienne (sous-partie 705 du RAC).
Question 14 : Veuillez sélectionner dans la liste déroulante le type d’aéronef principal que vous pilotez actuellement.
Mono-moteur à pistons (1) | Multi-moteur à pistons ≤12 500 lb (2) | Multi-moteur à pistons >12 500 lb (3) | Mono-moteur turbo-propulsé (4) | Multi-moteur turbo-propulsé ≤12 500 lb (5) | Multi-moteur turbo-propulsé >12 500 lb jusqu’à 25 000 lb (6) | Multi-moteur turbo-propulsé >25 000 lb (7) | Multi-moteur à réaction ≤70 000 lb (8) | Multi-moteur à réaction >70 000 lb (9) |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
5 (1 %) | 8 (1 %) | 8 (1 %) | 60 (9 %) | 177 (27 %) | 62 (9 %) | 216 (33 %) | 20 (3 %) | 99 (15 %) |
Les répondants ont indiqué avoir piloté une gamme variée de types d’aéronefs.
Un relativement petit nombre de répondants (3 %) pilotent des aéronefs à moteur à pistons :
- 1 % des répondants pilotent des aéronefs monomoteurs à pistons;
- 1 % des répondants pilotent des aéronefs multimoteurs de 12 500 livres ou moins;
- 1 % des répondants pilotent des aéronefs multimoteurs lourds de plus de 12 500 livres.
La plupart des répondants (79 %) pilotent des aéronefs turbopropulsés :
- 9 % des répondants pilotent des aéronefs monomoteurs turbopropulsés;
- 27 % des répondants pilotent des aéronefs multimoteurs turbopropulsés de 12 500 livres ou moins;
- 9 % des répondants pilotent des aéronefs multimoteurs turbopropulsés de 12 501 livres à 25 000 livres;
- 33 % des répondants pilotent des aéronefs multimoteurs turbopropulsés de plus de 25 000 livres.
Les 18 % restants pilotent des aéronefs multimoteurs à réaction :
- 3 % des répondants pilotent des aéronefs à réaction de 70 000 livres ou moins;
- 15 % des répondants pilotent des aéronefs à réaction de plus de 70 000 livres.
Question 15 : Quel type de licence de pilote détenez-vous actuellement?
1. ATPL | 2. CPL | 3. Autre | n = |
---|---|---|---|
493 (75 %) | 159 (24 %) | 3 (0 %) | 655 (100 %) |
Les ¾ des répondants (75 %) sont détenteurs d’une licence de pilote de ligne (ATPL). La plupart des autres (24 %) détiennent une licence de pilote professionnel, tandis que 3 répondants (<1 %) détiennent d’autres licences.
Question 16 : Quel est le total de vos heures de vol, tous types d’aéronefs confondus?
Nombre de réponses qui s’inscrivent dans les catégories décrites.
De 0 à 1500 heures | De 1501 à 5000 heures | De 5001 à 10 000 heures | 10 001 heures et plus |
---|---|---|---|
101 (15 %) | 239 (36 %) | 158 (24 %) | 155 (24 %) |
Question 17 : Quel est le total de vos heures de vol en tant que commandant de bord?
Nombre de réponses qui s’inscrivent dans les catégories décrites.
De 0 à 1500 heures | De 1501 à 5000 heures | De 5001 à 10 000 heures | 10 001 heures et plus |
---|---|---|---|
240 (37 %) | 211 (32 %) | 117 (18 %) | 85 (13 %) |
Question 18 : Depuis combien d’années travaillez-vous comme pilote?
Un quart des répondants occupaient cet emploi depuis 5 ans ou moins, la moitié des répondants occupaient cet emploi depuis 5 à 20 ans et un quart l’occupaient depuis 20 ans ou plus.
- Ensemble, les 652 répondants ont déclaré 8819 années d’emploi.
- De ce nombre, le total travaillé de 492 pilotes détenant une ATPL est de 8151 ans,
- et 157 pilotes détenant une CPL comptent un cumulatif de 623 ans de travail.
- Trois répondants qui avaient une licence autre qu’une ATPL et une CPL ont déclaré un total cumulé de travail de 45 ans.
- Moyenne = 13,53
- Médiane = 10,50
- Mode = 5,00
- Écart type = 10,74
- Écart = 115,39
- Plage = 54,00
- Plage interquartile = 15,00
Question 19 : Sur l’ensemble de votre expérience de pilote, pendant combien de saisons hivernales avez-vous effectué des vols vers des aéroports éloignés?
Un quart des répondants avaient effectué des vols au cours de 3 saisons hivernales ou moins, la moitié des répondants, de 3 à 13 saisons hivernales, et un quart avaient piloté pendant 13 saisons hivernales ou plus.
- Ensemble, les 655 répondants ont déclaré un cumulatif de 5997 saisons hivernales au cours desquelles ils ont effectué des vols vers des aéroports éloignés.
- De ce nombre, l’expérience cumulée de 493 pilotes détenant une ATPL est de 5540 saisons hivernales,
- et l’expérience cumulée de 159 pilotes détenant une CPL est de 432 saisons hivernales.
- Trois répondants qui avaient une licence autre qu’une ATPL et une CPL ont déclaré un cumulatif de 25 saisons hivernales.
- Moyenne = 9,15
- Médiane = 6,00
- Mode = 1,00
- Écart type = 8,73
- Écart = 76,17
- Plage = 54,00
- Plage interquartile = 10,00
Question 20 : Depuis combien d’années travaillez-vous pour votre employeur actuel?
Un quart des répondants avaient accumulé 1,5 an auprès de leur employeur actuel, la moitié des répondants avaient accumulé de 1,5 à 10 ans et un quart avait accumulé 10 ans ou plus auprès de leur employeur actuel.
- Ensemble, le cumulatif des années auprès d’un même employeur pour 655 répondants est de 4419 ans.
- De ce nombre, le cumulatif de 493 pilotes détenant une ATPL auprès de leur employeur actuel est de 4036 ans,
- et le cumulatif de 159 pilotes détenant une CPL auprès de leur employeur actuel est de 379 ans.
- Trois répondants qui avaient une licence autre qu’une ATPL et une CPL ont déclaré un cumulatif de 4 ans auprès de leur employeur actuel.
- Moyenne = 6,76
- Médiane = 4,00
- Mode = 1,00
- Écart type = 7,29
- Écart = 53,16
- Plage = 53,00
- Plage interquartile = 8,50
Question 21 : Quel est votre rôle principal chez l’exploitant pour lequel vous pilotez?
1. Pilote de ligne | 2. Pilote inspecteur/instructeur | 3. Pilote directeur | n = |
---|---|---|---|
524 (80 %) | 91 (14 %) | 40 (6 %) | 655 (100 %) |
La plupart des répondants (80 %) sont des pilotes de ligne au sein de leur organisation, 14 % ont affirmé qu’ils étaient des pilotes inspecteurs ou des pilotes instructeurs et 6 % ont déclaré être des pilotes directeurs.
Question 22 : Quelle poste au sein de l’équipage de conduite occupez-vous à bord de l’aéronef que vous pilotez le plus souvent à l’heure actuelle?
1. Commandant de bord | 2. premier officier | 3. Autre | n = |
---|---|---|---|
437 (67 %) | 214 (33 %) | 4 (1 %) | 655 (100 %) |
Les ⅔ des répondants ont indiqué qu’ils occupaient un poste de commandant de bord sur le type d’aéronef qu’ils pilotent le plus souvent, et 33 % ont déclaré qu’ils pilotaient à titre de premier officier.
Question 23 : Quel est le total de vos heures de vol à bord de l’aéronef que vous pilotez le plus souvent à l’heure actuelle?
Nombre de réponses qui s’inscrivent dans les catégories décrites.
De 0 à 1000 heures | De 1001 à 2500 heures | De 2501 à 7500 heures | 7500 heures et plus |
---|---|---|---|
287 (44 %) | 164 (25 %) | 152 (23 %) | 50 (8 %) |
Question 24 : Quel est le total de vos heures de vol à bord de l’aéronef que vous pilotez le plus souvent à l’heure actuelle à titre de commandant de bord?
Nombre de réponses qui s’inscrivent dans les catégories décrites.
0 heure | De 1 à 1000 heures | De 1001 à 2500 heures | De 2501 à 7500 heures | 7500 heures et plus |
---|---|---|---|---|
196 (30 %) | 226 (35 %) | 95 (15 %) | 111 (17 %) | 25 (4 %) |
Glossaire
- AFM
- manuel de vol de l’avion
- AGL
- au-dessus du sol
- AOA
- angle d’attaque
- APM
- surveillance de la performance de l’aéronef
- ASL
- au-dessus du niveau de la mer
- ATC
- contrôle de la circulation aérienne
- ATF
- fréquence de trafic d’aérodrome
- ATPL
- licence de pilote de ligne
- ATR
- Avions de Transport Régional
- AWOS
- système automatisé d’observations météorologiques
- BIP
- bulletin interne de procédures
- BNS
- Bureau national de surveillance
- CA
- autorité de convocation
- CBR
- indice portant californien
- CCS
- Conseil consultatif de surveillance
- CMM
- manuel d’entretien des composants
- CNDGAC
- Conseil national de la direction de la gestion de l’Aviation civile
- CRM
- gestion des ressources de l’équipage
- CVR
- enregistreur de conversations de poste de pilotage
- CYNL
- Aéroport de Points North Landing
- CYPA
- Aéroport de Prince Albert (Glass Field)
- CYSF
- Aéroport de Stony Rapids
- CYXE
- Aéroport international John G. Diefenbaker de Saskatoon
- CZFD
- Aéroport de Fond-du-Lac
- CZWL
- Aéroport de Wollaston Lake
- D1
- issue de secours avant droite
- D2
- porte arrière droite
- DAC
- Directive de l’Aviation civile
- DOA
- directeur des opérations aériennes
- DZ
- bruine
- EGPWS
- système d’avertissement de proximité du sol amélioré
- FAA
- Federal Aviation Administration
- FAR 25
- FAA, Code of Federal Regulations, Title 14: Aeronautics and Space, Part 25: Airworthiness Standards: Transport Category Airplanes
- FCOM
- manuel d’exploitation de l’équipage de conduite
- FDM
- suivi des données de vol
- FDR
- enregistreur de données de vol
- FL
- niveau de vol
- FMS
- système de gestion de vol
- FZBR
- brume verglaçante
- FZDZ
- bruine verglaçante
- FZFA
- pluie verglaçante
- FZFG
- brouillard verglaçant
- FZUP
- précipitations verglaçantes inconnues
- G1
- issue de secours avant gauche
- G2
- porte arrière gauche
- GFA
- prévisions de zone graphique
- GIOP
- programme sur les opérations dans des conditions de givrage au sol
- GRC
- Gendarmerie royale du Canada
- inHg
- pouces de mercure
- IP
- instruction visant le personnel
- IVP
- inspection de validation de programme
- KIAS
- vitesse indiquée en nœuds
- LOSA
- audit de sécurité en service de ligne
- MANOBS
- Manuel d’observations météorologiques de surface
- MEC
- manuel d’exploitation de l’entreprise
- METAR
- message d’observation météorologique régulière d’aérodrome
- NM
- mille marin
- NSAC
- Normes de service aérien commercial
- OACI
- Organisation de l’aviation civile internationale
- PF
- pilote aux commandes
- PMC
- plan de mesures correctives
- PNF
- pilote qui n’est pas aux commandes
- RA
- pluie
- RAC
- Règlement de l’aviation canadien
- SA
- surveillance accrue
- SGINSA
- Système de gestion de l’information nationale sur la sécurité aérienne
- SGS
- système de gestion de la sécurité
- SM
- mille terrestre
- SOP
- procédure d’exploitation normalisée
- TAF
- prévision d’aérodrome
- TC
- Transports Canada
- TCAC
- Transports Canada, Aviation civile
- TEM
- gestion des menaces et des erreurs
- V
- vrai