Rapport d'enquête aéronautique A17C0147

Collision avec le relief
Piper PA-23-250 Aztec (C-FIPK)
Baldur (Manitoba), 5 nm E

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le 15 décembre 2017, le Piper PA-23-250 Aztec privé (immatriculé C-FIPK, numéro de série 27-8054059) (figure 1) effectuait un vol selon les règles de vol à vue depuis l'aéroport de Gillam (CYGX) (Manitoba), vers un aérodrome privé dépourvu de balisage lumineux situé à 5,25 milles marins miles (nm) à l'est de Baldur (Manitoba) (figure 2). Seul le pilote était à bord.

    Figure 1. C-FIPK (Source : Luc Brousseau)
    Image
    Piper PA-23-250 Aztec (C-FIPK)

    Le jour de l'événement, le pilote a décollé de l'aérodrome privé vers 11 h 30Note de bas de page 1 avec un plein de carburant. Le pilote prévoyait quitter l'aéroport de Dauphin (Lt. Col W.G. (Billy) Barker, VC) (Manitoba) (CYDN) et se rendre à CYGX avant de retourner à l'aérodrome privé plus tard dans la journée.

    Figure 2. Vue d'ensemble (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
    Image
    Vue d'ensemble

    Peu après son arrivée à CYGX, le pilote a demandé qu'on remplisse les réservoirs de saumon, ce qui représente 160 L (42 gallons américains) de carburant. Tandis qu'il était à CYGX, le pilote a reçu un message texte d'un parent l'informant que la visibilité à l'aérodrome privé était mauvaise en raison de la neige et que l'on s'attendait à une augmentation de la vitesse des vents et à des rafales à son heure d'arrivée prévue. Par conséquent, le pilote a plutôt décidé de se rendre à l'aéroport international Winnipeg/James Armstrong Richardson (Manitoba) (CYWG) situé à environ 78 nm au nord-est de l'aérodrome privé et 51 nm plus près de CYGX.

    L'aéronef a quitté CYGX à 15 h 50 et est monté à 9000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) en suivant une route directe vers CYWG. À 17 h 15, au moment où l'aéronef se trouvait à quelque 174 nm de CYWG, le pilote a modifié son cap vers le sud-ouest, afin de se rendre directement à l'aérodrome privé.

    Vers 17 h 45, le pilote a reçu un autre message texte du même parent, lui mentionnant qu'avant la tombée de la nuit, la visibilité à l'aérodrome privé avait été d'environ ¾ de mille terrestre (sm) dans la neige. Environ une demi-heure plus tard, le pilote a demandé à ce parent de faire des traces sur la piste avec son véhicule, puis de se stationner à l'extrémité nord de l'aérodrome privé avec ses phares allumés en direction sud. Peu de temps après, le pilote a été informé que les vents soufflaient à environ 10 à 15 nœuds et que les traces demandées avaient été faites sur la piste. Il neigeait toujours et il y avait maintenant environ 3 pouces de neige sur la piste.

    À 18 h 34, l'aéronef a amorcé sa descente à partir de son altitude de croisière à un taux d'environ 1550 pieds par minute. Tandis qu'il se trouvait à quelque 0,87 nm au nord-est de l'aérodrome privé, l'aéronef s'est brièvement mis en palier à environ 400 pieds au-dessus du sol (AGL), avant de poursuivre sa descente. Il a franchi 200 pieds AGL en descente tout juste avant de passer au-dessus du centre de l'aérodrome privé en direction sud-ouest. Tandis que l'aéronef le survolait, le parent du pilote a roulé vers l'extrémité nord de la piste avec son véhicule en croyant que le pilote effectuerait une approche indirecte vers le nord avant d'atterrir. Toutefois, immédiatement après avoir survolé l'aérodrome privé, l'aéronef est descendu dans une petite vallée au bas d'un relief en pente.

    À 18 h 38, à la noirceurNote de bas de page 2, l'aéronef s'est écrasé dans un marais gelé au fond de la vallée. Le pilote a subi des blessures mortelles. Il n'y a pas eu d'incendie. La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) de 406 mégahertz (MHz) s'est déclenchée, mais le système de recherche et sauvetage par satellite Cospas-Sarsat n'a pas capté le signal.

    Recherches

    À 19 h, lorsqu'on a constaté que l'aéronef n'était toujours pas arrivé à destination, on a entrepris des recherches au sol à bord de véhicules. Ces recherches ont été vaines; à 20 h, on a avisé le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) à Trenton (Ontario) du retard de l'aéronef. Le JRCC a communiqué avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC). On a également demandé à l'Aviation royale canadienne de dépêcher un Lockheed C-130 Hercules pour entreprendre des recherches, lesquelles ont commencé vers 23 h. Le Hercules a capté un faible signal d'ELT de 406 MHz, mais n'a pu faire de radioralliement vers le signal. En raison des conditions météorologiques qui se détérioraient, le Hercules a été obligé d'abandonner les recherches à 2 h le 16 décembre 2017. Le Hercules a repris les recherches plus tard ce matin-là et a de nouveau capté un faible signal d'ELT de 406 MHz.

    À 5 h 46, le JRCC a communiqué avec l'Association civile de recherche et de sauvetage aériens (ACRSA) et on a entrepris des recherches coordonnées aériennes et terrestres. Des membres de l'ACRSA ont capté un fort signal d'ELT de 121,5 MHz à l'est de Baldur. On a découvert le lieu de l'écrasement à 15 h le 16 décembre 2017, à environ 0,38 nm au sud-ouest de l'aérodrome privé.

    Renseignements sur l'aéronef

    Le Piper PA-23-250 Aztec est un aéronef bimoteur certifié pour les vols de jour et de nuit selon les règles de vol à vue et aux instruments. Au total, il peut transporter 177 gallons américains de carburant dans 2 réservoirs d'ailes et 2 réservoirs de saumon. Chaque réservoir de saumon est l'extension du réservoir extérieur de l'aile dont il est solidaire. L'aéronef était muni d'équipements de dégivrage de cellule et d'hélices, ainsi que d'un radioaltimètre.

    Durant le vol à l'étude, l'aéronef était peu chargé : il n'y avait à bord que le pilote et divers équipements.

    L'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Il ne présentait aucune déficience connue et il était exploité dans les limites prescrites de masse et de centrage. 

    Renseignements sur le lieu de l'accident et l'épave

    L'aile droite est entrée en contact avec des broussailles à environ 8 pieds au-dessus de la surface du marais (figure 3). Les dommages aux broussailles indiquent que l'aéronef effectuait une descente à 5° en assiette latérale d'environ 23° vers la droite.

    Figure 3. Vue du lieu d'impact initial et de l'épave
    Image
    Vue du lieu d'impact initial et de l'épave

    Le saumon et le réservoir de carburant de droite ont été arrachés lors du contact avec le marais gelé. L'aéronef a traversé le marais sur environ 300 pieds avant de percuter le relief ascendant boisé du côté sud-ouest de la vallée. Le panneau extérieur de l'aile gauche s'est détaché après avoir percuté un arbre à une hauteur d'environ 15 pieds, et s'est immobilisé à la droite du sillon laissé par l'épave, près du versant de la vallée. L'aéronef s'est immobilisé à l'envers, à mi-chemin du versant de la vallée, à environ 425 pieds du point de contact initial avec la surface du marais. L'aéronef a été détruit sous la force de l'impact.

    Un déversement de carburant était notable dans le sillon de l'épave, à des endroits coïncidant à une rupture des réservoirs de carburant. Selon les calculs, il restait du carburant pour environ 45 minutes de vol à bord de l'aéronef . Les 2 hélices présentaient des dommages caractéristiques de moteurs développant une puissance élevée. Les raccords de transmission du moteur de pompe à vide à sec étaient intacts et les rotors en carbone des 2 pompes étaient en bon état. Rien n'indiquait que de la glace s'était accumulée sur les surfaces portantes durant le vol.

    L'altimètre droit était intact et l'échelle de pression barométrique était calée à 29,92 pouces de mercure (in. Hg). Aucune information n'a pu être obtenue de l'altimètre gauche. Le dispositif d'alerte du radioaltimètre était réglé à 200 pieds AGL.

    Le pilote occupait le siège de gauche. Le siège s'était détaché des points de fixation avec la cellule. La ceinture-baudrier du pilote était attachée. Le train d'atterrissage était sorti et verrouillé, et les volets étaient rentrés. L'ELT est demeuré en place dans son support; le câble d'antenne était toujours en place, mais son connecteur était rompu.

    Tous les composants de l'aéronef ont été retrouvés dans le sillon de l'épave. L'examen de l'épave n'a révélé aucune condition mécanique préexistante qui aurait pu contribuer à l'accident. On a retrouvé un système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS) portable et une tablette électronique à l'emplacement de l'épave. Ils ont été envoyés au laboratoire du BST aux fins de récupération des données.

    Conditions météorologiques

    À CYGX, au moment du départ de l'aéronef, le ciel était dégagé, les vents étaient légers et la température était de −26 °C. L'altimètre était calé à 29,92 in. Hg. Les prévisions météorologiques dans le secteur de Baldur au moment du départ et établies selon les prévisions de zone graphique indiquaient des plafonds étendus de 800 AGL et une visibilité de 2 à 5 sm dans une faible neige, se réduisant à l'occasion à ½ sm (figure 4).

    Figure 4. Prévisions de zone graphique (Source : Environnement et Changement climatique Canada, avec annotations du BST)
    Image
    Prévisions de zone graphique

    La station officielle d'observation météorologique pour l'aviation la plus proche de l'aérodrome privé de destination et qui produisait les rapports au moment de l'événement se trouve à l'aéroport municipal de Brandon (CYBR) (Manitoba), à 52 sm au nord-ouest du lieu de l'événement. À 18 h 2, les conditions météorologiques à CYBR indiquaient une visibilité de 1½ sm dans une neige légère et une poudrerie basse, une visibilité verticale de 700 pieds, une température de −8 °C, et un calage altimétrique de 29,92 in. Hg.

    Pilote

    Le pilot détenait une licence de pilote professionnel depuis janvier 1981. Il avait obtenu une qualification multimoteur en juin 2017 et détenait un certificat médical de catégorie 1 valide. Il n'était pas titulaire d'une qualification de vol aux instruments. Les dossiers indiquent que le pilote avait accumulé plus de 4000 heures de vol.

    Le pilote avait piloté l'aéronef à l'étude occasionnellement depuis octobre 2016 avant de l'acheter en décembre de la même année. Depuis octobre 2016, il avait accumulé au total 140 heures de vol avec l'aéronef, dont 122 en tant que commandant de bord. Dans les 30 jours précédant le vol à l'étude, le pilote avait effectué 32 heures de vol avec l'aéronef.

    Aérodrome privé

    L'aérodrome privé consiste en une piste en gravier nord/sud dépourvue de balisage lumineux, d'une élévation de 1417 pieds ASL, longeant à 160 pieds à l'est une route provinciale. La région n'a que peu ou pas d'éclairage artificiel si ce n'est celui produit par les bâtiments de l'aérodrome privé et quelques fermes dispersées. Le Règlement de l'aviation canadien interdit à tout aéronef d'effectuer des atterrissages et des décollages de nuit à un aérodrome qui ne comporte pas le balisage lumineux prescritNote de bas de page 3, à moins que le vol ne soit effectué dans le cadre d'une opération policière ou d'une opération de sauvetageNote de bas de page 4. Pour ce qui est d'un aérodrome privé, il existe plusieurs façons de respecter les exigences sur le balisage lumineuxNote de bas de page 5. On peut installer des feux, ou une combinaison de feux et de balises rétroréfléchissantes, sur les bords de la piste. L'exploitant d'un aérodrome peut également utiliser des torchères en guise de balises temporaires lors du décollage ou de l'atterrissage d'un aéronef.

    Une voie d'accès relie la zone du hangar à l'autoroute et divise la piste en 2; une section de 2700 pieds de long au nord et une section de 1500 pieds de long au sud. Le pilote utilisait la section de 2700 pieds de longueur au nord de la voie d'accès lorsqu'il était aux commandes du C-FIPK.

    Données du système mondial de positionnement pour navigation satellite

    Le pilote avait l'habitude d'utiliser un GPS portable qu'il installait dans un support-pince. Le GPS identifiait l'aérodrome privé par un point de cheminement centré sur l'emplacement du hangar, à environ 500 pieds à l'est de la piste. Aucun autre point de cheminement n'affichait l'emplacement réel ou l'orientation de la piste. Le GPS enregistrait la route de l'aéronef à intervalles réguliers jusqu'à un point situé à environ 0,35 nm au nord-est de l'aérodrome privé. La route prévue indiquait que l'aéronef aurait survolé l'aérodrome privé près de l'intersection de la voie d'accès et de la piste.

    Calages altimétriques

    Pour afficher l'altitude réelle de l'aéronef en pieds ASL, l'échelle de pression barométrique de l'altimètre doit être calée en fonction du calage altimétrique de la région où l'aéronef est exploité. Un changement de pression de 0,1 in. Hg modifie l'altitude affichée d'environ 100 pieds.

    L'analyse de surface d'Environnement et Changement climatique Canada indiquait que le réglage de l'altimètre près de Baldur était probablement semblable à celui de CYBR, qui était de 29,56 in. Hg. Comme l'altimètre droit était calé à 29,92 in. Hg lorsque l'aéronef était près de l'aérodrome privé, l'altitude affichée sur cet altimètre aurait été d'environ 360 pieds au-dessus de l'altitude réelle. Toutefois, en raison des dommages, il a été impossible de déterminer le réglage de l'altimètre gauche ou l'affichage d'altitude mis à la disposition du pilote.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .