Rapport d'enquête aéronautique A17Q0059

Collision avec des feux de piste à l'atterrissage
Zetta Jet USA Inc.
BD-700-1A10 (N888ZJ)
Aéroport de Montréal/St-Hubert (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 15 mai 2017, le Bombardier Global Express (immatriculé N888ZJ, numéro de série 9071) exploité par Zetta Jet USA Inc. effectuait un vol de l'aéroport de Teterboro (New Jersey, États-Unis) à destination de l'aéroport de Montréal/St-Hubert (Québec) avec 3 membres d'équipage et 1 passager à bord. Vers 10 h 55, heure avancée de l'Est, l'aéronef s'est posé sur la piste 06L de l'aéroport de Montréal/St-Hubert, en partie à l'extérieur des limites prévues de la piste, dont la largeur était réduite à 75 pieds et la longueur à 5000 pieds en raison de travaux de réfection. Il a heurté 7 feux de bord de piste installés de façon temporaire sur le bord gauche de la piste. Le pilote aux commandes a ramené l'aéronef vers l'axe de la piste réduite en largeur avant de l'immobiliser à environ 300 pieds de l'extrémité de la piste plus courte. L'aéronef a subi des dommages importants. Personne n'a été blessé. L'incident est survenu durant les heures de clarté.

    1.0 Renseignements de base

    L'annexe 13 de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) exige des États qui effectuent des enquêtes sur les accidents de protéger les enregistrements des conversations dans le poste de pilotageNote de bas de page 1. Le Canada se conforme à cette exigence en protégeant tous les équipements d'enregistrement embarqués – y compris les enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR) – privilégiés en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Même si le BST peut faire usage de toute l'information que contiennent les enregistreurs de bord dans l'intérêt de la sécurité des transports, il n'est pas autorisé à divulguer sciemment toute partie d'un enregistrement de bord qui n'a aucun rapport avec les causes ou les facteurs contributifs d'un accident ou avec la détermination des lacunes de sécurité.

    La raison pour laquelle on protège l'information que contiennent les CVR se fonde sur le principe selon lequel cette protection aide à assurer que les pilotes continuent de s'exprimer librement et que ces données essentielles sont mises à la disposition des enquêtes de sécurité. Le BST a toujours pris très au sérieux ses obligations en la matière et a rigoureusement limité l'usage des données des CVR dans ses rapports. À moins que le contenu du CVR soit requis pour étayer un fait établi et cerner une lacune importante à la sécurité, il n'est pas inclus dans le rapport du BST.

    Pour valider les enjeux de sécurité soulevés par la présente enquête, le BST s'est servi de l'information provenant du CVR dans son rapport. Dans chaque cas, les données ont été soigneusement examinées pour s'assurer qu'elles étaient nécessaires pour promouvoir la sécurité des transports.

    1.1 Déroulement du vol

    L'aéronef Bombardier Global Express (immatriculé N888ZJ, numéro de série 9071) exploité par Zetta Jet USA Inc. a décollé de l'aéroport de Teterboro (KTEB) (New Jersey) à 9 h 58Note de bas de page 2, pour effectuer un vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) à destination de l'aéroport de Montréal/St-Hubert (CYHU) (Québec). C'était la première fois que l'équipage de conduite effectuait un vol à cet aéroport.

    Le commandant de bord était le pilote aux commandes (PF), en place gauche, et le premier officier était le pilote surveillant (PM), en place droite. Selon le plan de vol, le temps en route prévu était de 57 minutes : 13 minutes pour la montée à 33 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL); 25 minutes à l'altitude de croisière; et 19 minutes pour la descente, l'approche et l'atterrissage.

    Avant la descente, le PF a effectué un exposé d'approche. Considérant la direction et la vélocité des vents au sol, obtenus plus tôt dans la journée, l'équipage de conduite a convenu de planifier l'approche RNAVNote de bas de page 3 (GNSSNote de bas de page 4) Rwy 06L (annexe A). Au cours de l'exposé, il a été convenu de poursuivre la descente durant l'approche jusqu'à 400 pieds ASL, soit l'altitude de décisionNote de bas de page 5 publiée avec l'utilisation de la procédure performance d'alignement de piste avec guidage vertical (LPV).

    Peu de temps après l'exposé d'approche, le PM a syntonisé la fréquence voulue pour obtenir l'information du service automatique d'information de région terminale (ATISNote de bas de page 6). L'ATIS GolfNote de bas de page 7 était la suivante : conditions météorologiques à 10 h, observations automatiques : vents du 360° magnétique (M) à 12 nœuds avec des rafales à 17 nœuds; visibilité de 9 milles terrestres; ciel couvert à 11 000 pieds au-dessus du sol; température de 14 °C; point de rosée de 9 °C; calage altimétrique de 29,68 pouces de mercure; approche IFR; RNAV piste 06L; départ et atterrissage piste 06R et piste 06L. L'ATIS indiquait aussi que les 2801 premiers pieds de la piste 24R étaient fermés, et que la distance de roulement utilisable au décollage, la distance de décollage, la distance d'accélération-arrêt et la distance d'atterrissage disponibles étaient de 5000 pieds. En outre, l'ATIS indiquait que la piste 06L/24R était ouverte 75 pieds du côté sud sur une distance de 5000 pieds à partir du seuil de la piste 06L, et fermée 75 pieds du côté nord sur toute la longueur.

    À la suite de l'écoute de l'ATIS, le PM a communiqué l'information reçue au PF, à l'exception des dimensions de la piste disponible autant sur la longueur que sur la largeur.

    Établi en approche finale, l'aéronef a été configuré pour l'atterrissage : on a sorti le train d'atterrissage et braqué les volets à 30°. Avec le pilote automatique enclenché, l'aéronef a maintenu l'alignement latéral et la trajectoire verticale générées par le système de gestion de vol.

    À 10 h 49 min 45 s, l'équipage de conduite a appelé le contrôleur de la tour, l'informant qu'il s'approchait du repère d'approche initiale LOBDO. Le contrôleur a indiqué que les vents soufflaient du 010 °M à 16 nœuds avec des rafales à 22 nœuds. De plus, le contrôleur a demandé à l'équipage s'il avait lu les avis aux aviateursNote de bas de page 8 (NOTAM) concernant les travaux de construction sur la piste 06L. Le PM a répondu par l'affirmative.

    À 10 h 50 min 51 s, l'aéronef a été autorisé à atterrir sur le côté sud de la piste 06L. Le PM a relu l'autorisation d'atterrir sur la piste 06L, mais sans répéter « du côté sud ».

    Quoique le PF ait questionné le PM sur la nature des NOTAM, la discussion qui a suivi a fait mention de travaux en cours avec réductions de piste sur sa longueur mais n'a fait aucune référence à la largeur de piste disponible et au fait que le côté nord était fermé sur toute sa longueur.

    À 10 h 53 min 51 s, lorsque l'aéronef était à environ 500 pieds au-dessous du sol, le PF a débrayé le pilote automatique et a continué l'approche manuellement. L'aéronef était sur la trajectoire verticale et aligné avec l'axe normal de la piste lorsque celle-ci était de pleine largeur. Le PF a perçu la marque latérale de piste temporaire servant à délimiter le côté gauche de la piste comme étant l'axe de piste.

    À 10 h 54 min 38,5 s, l'aéronef a touché le sol à 850 pieds du seuil de piste. À ce moment, la roue de nez se trouvait à 36 pieds à gauche de l'axe de piste temporaire, soit 1,5 pied à droite du bord de piste temporaire gauche de sorte que le train principal gauche était à environ 5,2 pieds à l'extérieur des limites prévues de la piste (figure 1).

    Figure 1. Aperçu de la position de l'aéronef à la suite de l'atterrissage, par rapport aux feux et marques latérales temporaires de bord de piste
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    Aperçu de la position de l'aéronef à la suite de l'atterrissage, par rapport aux feux et marques latérales temporaires de bord de piste

    Une fois au sol, l'équipage s'est rendu compte que l'aéronef venait de heurter quelque chose. Le PF a corrigé la trajectoire vers la droite et l'aéronef s'est immobilisé à 300 pieds de l'extrémité de la piste, légèrement à droite de l'axe de la piste réduite en largeur. Personne n'a été blessé.

    Le passager a quitté l'aéronef quelques minutes après l'événement et a été escorté au terminal. L'aéronef ainsi que l'équipage sont demeurés sur la piste jusqu'à l'arrivée des enquêteurs du BST. La piste a été fermée jusque tard dans la nuit, le temps d'effectuer les réparations temporaires à l'aéronef pour pouvoir le déplacer.

    1.2 Victimes

    Sans objet.

    1.3 Dommages à l'aéronef

    Les 2 pneus du train d'atterrissage principal gauche de l'aéronef ont éclaté suite au contact avec les feux temporaires de bord de piste, de sorte que l'aéronef a subi des dommages importants :

    • aux 2 roues du train d'atterrissage principal gauche (figure 2);
    • à la porte du train d'atterrissage gauche;
    • aux panneaux du bord de fuite de l'aile gauche du haut et du bas;
    • au volet de gauche intérieur ainsi qu'à son vérin et à son tube de torsion;
    • au dessous de la nacelle moteur gauche;
    • au fuselage central arrière, qui a été perforé par les débris des feux temporaires de bord de piste (figure 2).
    Figure 2. Vue des dommages au train d'atterrissage principal gauche et au fuselage central arrière
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    Vue des dommages au train d'atterrissage principal gauche et au fuselage central arrière

    Quoique le moteur gauche ait ingurgité des débris de pneus, les dommages se sont limités à 2 perforations au niveau du panneau acoustique enveloppant l'entrée du moteur.

    1.4 Autres dommages

    Cinq feux de piste temporaires ont été endommagés et ont dû être remplacées alors que 2 autres feux n'ont pas subi de dommages même s'ils ont été déplacés de leur position d'origine après avoir été heurtés par l'aéronef.

    1.5 Renseignements sur le personnel

    1.5.1 Équipage de conduite

    Les dossiers indiquent que l'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur (tableau 1).

    Tableau 1. Renseignements sur le personnel
      Commandant de bord Premier officier
    Licence de pilote Certificat de pilote de ligne (ATPC) Certificat de pilote de ligne (ATPC)
    Heures de vol total 3485 3305
    Heures de vol sur type 1172 382
    Heures de vol sur type au cours des 7 derniers jours 15 15
    Heures de vol sur type au cours des 28 derniers jours 11 65
    Heures de vol sur type au cours des 6 derniers mois 271 258
    Heures de service avant l'événement 2,9 2,9
    Heures hors service avant la période de travail 11,5 11,5

    Le PF détenait un certificat américain de pilote de ligne (ATPC) avec annotation sur BD700, depuis le 15 novembre 2015. Sa qualification sur le BD700 venait à échéance le 1er juin 2017.

    Le PM détenait un ATPC américain avec annotations sur le BD700 et le HS-125 depuis le 24 août 2016. Il avait complété son renouvellement de qualification sur BD700 comme commandant de bord le 27 mars 2017.

    Au cours des 3 jours précédant le vol à l'étude, l'équipage de conduite avait effectué un total de 15 heures de vol après 3 jours de repos. Le jour de l'événement à l'étude, l'équipage s'est présenté à l'aéroport vers 8 h pour le vol à destination de CYHU. Il avait bénéficié d'une période de repos d'environ 11 heures 30 minutes. L'équipage avait cumulé environ 2 heures 55 minutes de service continu au moment de l'événement à l'étude. Rien n'indique que des facteurs physiologiques comme la fatigue aient atténué les capacités de l'équipage de conduite.

    1.5.2 Contrôleur aérien de la tour de Saint-Hubert

    Tableau 2. Renseignements sur le contrôleur aérien
    Licence Contrôleur de la circulation aérienne
    Date expiration du médical 1er juin 2017
    Évaluation de la compétence linguistique Expert
    Expérience en tant que contrôleur 7 ans et 6 mois
    Expérience dans l'unité actuelle 7 ans et 6 mois
    Heures de service avant l'événement 3 heures 50 minutes
    Heures de repos avant la période de travail 12 heures 50 minutes

    Les dossiers indiquent que le contrôleur de la circulation aérienne au poste de contrôleur de la tour au moment de l'événement était qualifié conformément à la réglementation en vigueur. Il détenait une licence de contrôleur de la circulation aérienne délivrée par Transports Canada (TC) et un certificat médical valide au moment de l'accident. Sa compétence linguistique avait été évaluée en tant qu'expert en anglais et en français, et il était employé comme contrôleur à CYHU depuis 2009. Le jour de l'événement, qui était la 3e journée de travail consécutive du contrôleur, il avait commencé son quart de travail à 7 h 5. Rien n'indique que le contrôleur était fatigué lors de l'événement.

    1.6 Renseignements sur l'aéronef

    Les dossiers indiquent que l'aéronef était homologué, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centrage se trouvaient dans les limites prescrites lors de l'atterrissage.

    Tableau 3. Renseignements sur l'aéronef
    Constructeur Bombardier Aéronautique
    Type et modèle BD-700-1A10
    Année de construction 2002
    Numéro de série 9071
    Date d'émission du certificat de navigabilité 22 septembre 2016
    Total d'heures de vol cellule 8941 heures / 2656 cycles
    Type de moteur (nombre de moteurs) BMW–Rolls-Royce BR 710A2-20 (2)
    Masse maximale autorisée au décollage 93 500 livres
    Envergure des ailes 93,5 pieds
    Type(s) de carburant recommandé(s) Jet A, Jet A-1, Jet B
    Type de carburant utilisé Jet B

    1.7 Renseignements météorologiques

    Le message d'observation météorologique régulière d'aérodrome (METAR) de 11 h, environ 5 minutes après l'incident, était similaire à l'information transmise sur l'ATIS quant au plafond et à la visibilité. Le vent avait viré au 010° vrai (V) à 15 nœuds avec des rafales à 20 nœuds. Rien n'indique que les conditions météorologiques aient pu jouer un rôle dans l'événement.

    1.8 Aides à la navigation

    En raison de travaux de réfection sur la piste 06L/24R, le système d'atterrissage aux instruments de la piste 24R était hors d'usage. En ce qui concerne la piste 06L, une seule approche aux instruments est publiée, soit l'approche RNAV (GNSS) Rwy 06L (annexe A). Cette approche, effectuée par l'équipage le jour de l'événement, offre une trajectoire verticale normalisée de 3° et un guidage latéral directement dans l'axe de la piste.

    L'approche RNAV (GNSS) Rwy 06L offre des options d'altitude minimale de descenteNote de bas de page 9 en fonction de différentes exigences de type de navigation. Lorsque l'approche RNAV est effectuée avec l'utilisation de la LPV, l'altitude de décision est établie à 400 pieds ASL. Si seulement la fonction de navigation latérale (LNAV) – qui n'assure qu'un guidage latéral pour un profil ou une trajectoire – est utilisée, l'altitude minimale de descente est de 580 pieds ASL.

    En raison des travaux effectués sur la piste et du seuil de piste décalé, il n'était pas permis d'effectuer une approche LPV car il était impossible de satisfaire aux exigences de marge de franchissement d'obstacles lors de l'approche aux instruments. Tel que stipulé dans les Critères de construction des procédures aux instruments (TP 308/GPH209), [traduction] « La marge de franchissement d'obstacles est le principal facteur de sécurité pris en considération dans la conception de procédures aux instrumentsNote de bas de page 10 ».

    C'est pourquoi le jour de l'événement, un NOTAM indiquait que l'utilisation de la LPV n'était pas autorisée et que l'altitude minimum de descente de la LNAV était établie à 600 pieds ASL. Dans le cas à l'étude, l'équipage de conduite a quand même effectué l'approche avec les minima LPV.

    1.9 Communications

    Rien n'indique que les communications aient pu être perturbées, par quoi que ce soit. Les communications entre le contrôleur de la tour et l'équipage de conduite étaient claires et n'ont pas été interrompues par une autre transmission radio ou une interférence quelconque lors du contact initial ni lors de l'autorisation d'atterrir.

    Bien que le Règlement de l'aviation canadien (RAC) n'exige pas spécifiquement que les pilotes relisent une autorisation d'atterrissage, l'article 602.31 du RAC indique, entre autres, qu'en vol IFR, le commandant de bord doit « relire à l'unité de contrôle de la circulation aérienne […] le texte de toute autorisation […] qu'il a reçue […]Note de bas de page 11 ». Dans le cas à l'étude, lorsque le contrôleur de la tour a autorisé le N888ZJ à atterrir sur le côté sud de la piste 06L, le PM a relu l'autorisation sans toutefois répéter « du côté sud ». Aucun des pilotes ne s'est interrogé sur les détails de l'information reçue avec l'autorisation d'atterrir, pas plus que la relecture incomplète n'a été mise en cause par le contrôleur.

    Le Manuel des services de la circulation aérienne de NAV CANADA contient des renseignements sur les procédures à l'intention du personnel des services de la circulation aérienne. La section Gestion de la circulation aérienne indique ce qui suit au sujet de la vérification de l'exactitude :

    Note de bas de page 12

    Le manuel Phraséologie VFRNote de bas de page 13 de NAV CANADA est un outil d'apprentissage et un guide de référence de la phraséologie pour tous les pilotes qui utilisent l'espace aérien du Canada. Le manuel stipule que « La relecture des instructions et des autorisations permet au pilote et à l'unité des services de la circulation aérienne de corriger toute erreur dans ce qui a été dit et entenduNote de bas de page 14 ».

    Bien que le manuel s'applique au vol selon les règles de vol à vue, il indique que l'autorisation d'atterrir fait partie des autorisations les plus essentielles à la sécurité qui peuvent être reluesNote de bas de page 15.

    1.10 Renseignements sur l'aérodrome

    1.10.1 Généralités

    L'organisme sans but lucratif Développement Aéroport Saint-Hubert de Longueuil (DASH-L) est responsable de la gestion, de l'exploitation et du développement de CYHU. À titre de titulaire d'un certificat d'aéroport, DASH-L a mis en place un système de gestion de la sécurité approuvé par TC.

    CYHU compte 3 pistes revêtues d'asphalte :

    • la piste 10/28, de 2791 pieds de longueur et de 150 pieds de largeur;
    • la piste 06R/24L, de 3922 pieds de longueur et 100 pieds de largeur;
    • la piste 06L/24R, de 7801 pieds de longueur et de 150 pieds de largeur.

    Le jour de l'événement, les dimensions de la piste 06L/24R étaient réduites à 5000 pieds de longueur par 75 pieds de largeur en raison de travaux de réfection. De plus, le seuil de la piste 06L, normalement décalé, avait été déplacé d'une distance de 1105 pieds, le plaçant près du début de la surface asphaltée.

    1.10.2 Travaux en cours

    L'ensemble des travaux en cours lors de l'événement consistait en la réfection de la piste 06L/24R ainsi que des voies de circulation M et R et d'une partie de la voie de circulation C. Selon le Plan d'exploitation durant une construction (PEC) 2017, les opérations durant les travaux étaient exécutées conformément aux normes stipulées dans la 4e édition du document TP 312Note de bas de page 16 de TC, excepté le marquage, qui devait être exécuté selon la 5e édition du TP 312Note de bas de page 17,Note de bas de page 18. Les travaux devaient être terminés au plus tard le 31 octobre 2017.

    1.10.3 Plan d'exploitation durant une construction (PEC) 2017

    Le Plan d'exploitation durant une construction (PEC) 2017 a été approuvé par TC le 21 avril 2017. Selon le calendrier du PEC, les travaux comportaient 4 phases. Au moment de l'incident, la phase 2 était en cours et devait s'échelonner du 15 avril 2017 au 15 juillet 2017. Durant cette phase, la piste 06L/24R était ouverte avec certaines restrictions entre 6 h et 21 h, et elle était fermée de 21 h à 6 h.

    Deux des 11 risques qui avaient été analysés selon le plan de gestion des risques annexé au PEC sont :

    • la luminosité insuffisante en matinée et en soirée sur la piste 06L/24RNote de bas de page 19;
    • l'exploitation de la piste 06L/24R avec une largeur réduite à 75 pieds et un seuil déplacé offrant 5000 pieds de piste opérationnelleNote de bas de page 20.

    En ce qui concerne le risque lié à la luminosité insuffisante en matinée et en soirée, 3 mesures d'atténuation avaient été mises en place :

    • Ajout d'un système d'éclairage temporaire activé et désactivé quotidiennement. […]
    • Au besoin et en consultation avec les utilisateurs, des restrictions peut [sic] être mise [sic]en vigueur (par NOTAM ou autrement) avec l'aide de NAV Canada pour limiter les mouvements d'aéronefs […].
    • Fermeture de la piste [06L-24R] de nuit entre 21h00 et 6h00 pour permet [sic] d'éliminer les risques d'accidents d'opération de nuit suivant une défaillance des systèmes d'éclairage temporaire. Ceci permet également de recharger les batteries de nuitNote de bas de page 21.

    En ce qui concerne le risque lié à l'exploitation de la piste avec une largeur réduite à 75 pieds et un seuil déplacé offrant une longueur de piste de 5000 pieds, 13 mesures d'atténuation avaient été envisagées, dont 8 applicables au marquage de la piste, soit :

    • Bien délimiter de jour comme de nuit la partie de piste en opération de la partie de piste fermée.
    • Les marques latérales de bord de piste pour une piste de 23 m de largeur sont 450mm de largeur.
    • De nuit, en période d'opération, les bords de piste seront délimités par des feux de bords de piste […].
    • Mise en place des marques de seuil relocalisé […] incluant des flèches au pré-seuil […].
    • Mise en place des feux de seuils et de fin de piste approuvée [sic] par Transports Canada.
    • Mise en place de X lumineux à chaque extrémité de la piste existante. Mise en fonction des X lumineux lorsque la piste est entièrement fermée soit entre 21h00 et 6h00.
    • Des X au sol seront ajoutés pour marquer la partie de piste (pleine largeur) fermée aux opérations aériennes. Aucun X au sol pour la demi largeur de piste fermée aux opérations aériennes.
    • Fermeture des PAPI's [indicateurs de trajectoire d'approche de précision] du seuil [06L] et mise en place de PAPI temporaire au seuil [06L] relocalisé […]Note de bas de page 22.

    Le PEC 2017 stipule que la piste 06L/24R était limitée aux aéronefs ayant une envergure d'ailes inférieure à 24 m (environ 78 pieds), à moins d'obtenir une permission 48 heures au préalable auprès de la direction de l'aéroportNote de bas de page 23. De ce fait, les exploitants devaient soumettre à DASH-L « un plan de gestion des risques avec des mesures de mitigation spécifique aux opérations [sur cette piste]Note de bas de page 24 ». Puisque le BD-700-1A10 a une envergure de 28,5 m (environ 93,5 pieds), une permission de la part de l'exploitant de l'aéroport était requise. Cette exigence était indiquée au NOTAM que l'équipage de conduite avait en sa possession.

    Lorsqu'une demande était soumise par un exploitant aérien, ce dernier recevait de DASH-L un formulaire d'utilisateur qui comprenait une description détaillée des travaux incluant des photos, ainsi qu'un croquis de l'aéroport qui montrait à l'aide de « X » rouges le côté de piste fermé et une bande verte montrant le côté sud de la piste qui était utilisable (annexe B). Le croquis ne fournissait aucune donnée sur les dimensions de la piste utilisable. Le chiffre 7801 indiqué à l'extrémité de la bande verte correspondait à la longueur normale de la piste.

    En prenant connaissance du formulaire d'utilisateur et en le signant, l'exploitant aérien acceptait d'utiliser l'aéroport sous les conditions énumérées. Rien n'indique que la compagnie Zetta Jet USA Inc. ait fait cette demande ou communiqué avec DASH-L.

    1.10.4 Marquage temporaire

    En ce qui a trait au marquage temporaire dû aux travaux, le côté sud de la piste 06L utilisable pour l'atterrissage était délimité par une ligne blanche continue de chaque côté et à chaque extrémité de la piste formant un rectangle de 75 pieds de large par 5000 pieds de long tel que spécifié au PEC (figure 3). Le numéro de piste, peint en blanc, était placé au seuil de la partie de piste utilisable pour l'atterrissage et 2 flèches, aussi peintes en blanc, étaient disposées juste avant le seuil de piste indiquant la direction de l'atterrissage. Les marques d'origine de la zone d'atterrissage et de l'axe de piste étaient toujours visibles et la ligne de bord de piste temporaire gauche chevauchait les marques d'origine de l'axe de la piste. Tel que spécifié au PECNote de bas de page 25, aucun X n'avait été placé au sol pour la demi-largeur de piste fermée.

    Figure 3. Marquage de la piste 06L à l'aéroport de Montréal/St-Hubert 4 jours après l'événement (Source : Google Earth)
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    Marquage de la piste 06L à l'aéroport de Montréal/St-Hubert 4 jours après l'événement

    Des cônes orange avaient été placés après le bout de piste, sur toute la largeur de la piste, afin de délimiter la partie utilisable à l'atterrissage de la portion fermée du seuil de la piste 24R, là où se trouvait l'équipement utilisé pour les travaux. De plus, 2 X blancs étaient en place de chaque côté des 2801 derniers pieds de la piste 06L, où elle était fermée sur toute sa largeur (figure 4).

    Figure 4. Marquage des 2801 premiers pieds de la piste 24R (cônes orange et X blancs) indiquant la partie de la piste complètement fermée
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    Marquage des 2801 premiers pieds de la piste 24R (cônes orange et X blancs)

    1.10.5 Éclairage solaire temporaire

    Malgré qu'un NOTAM indiquait que la piste 06L/24R de CYHU était fermée la nuit, des feux temporaires de bord de piste étaient placés à proximité de chacune des lignes blanches délimitant les bords de la piste (figure 5). Ces feux n'étaient pas allumés au moment de l'incident, et rien n'exigeait qu'ils le soient.

    Figure 5. Feu temporaire de bord de piste
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    Feu temporaire de bord de piste

    De jour, lorsqu'ils sont éteints, les feux sont difficiles à apercevoir pendant l'approche finale et ce n'est qu'une fois au sol que l'équipage de conduite a constaté la présence des feux temporaires de bord de piste. À l'exception du PAPI temporaire placé à gauche du seuil déplacé de la piste, il n'y avait aucun autre balisage allumé lors de l'événement, et rien n'en exigeait.

    Le système d'éclairage temporaire était activé de 6 h jusqu'à au moins 30 minutes avant le lever du soleil, et réactivé 30 minutes après le coucher du soleil, jusqu'à 21 h.

    Le PEC stipule que :

    Note de bas de page 26 sic Note de bas de page 27

    En outre, la section 5.3.10.11 du TP 312 précise que « les feux de bord de piste seront des feux fixés »Note de bas de page 28 et la section 5.3.10.11  précise que « Les montages des feux de bord de piste doivent être frangiblesNote de bas de page 29. »

    Toutefois, ces feux temporaires n'étaient pas fixés adéquatement au sol de façon qu'ils soient frangibles. Ils étaient simplement déposés le long des marques latérales de piste, de chaque bord de la piste de façon temporaire, puisque parfois ils devaient être déplacés pour faire place aux véhicules. Aucun NOTAM n'a été émis pour indiquer la présence de ces feux temporaires.

    1.10.6 Normes de Transports Canada

    Selon les exigences applicables à la certification d'un aérodrome, qui se trouvent à la partie III, sous-partie 2 du RAC,

    302.07 (1) L'exploitant d'un aéroport doit :

    1. e conformer :
      1. sous réserve du sous-alinéa (ii), aux normes énoncées dans les publications sur les normes et pratiques recommandées pour les aérodromes, dans leur version à la date à laquelle le certificat d'aéroport a été délivré [...]Note de bas de page 30.

    Les normes et pratiques recommandées contenues dans le document TP 312

    Note de bas de page 31

    Selon l'article 5.2.24.1 de la 5e édition du TP 312, applicable aux marques de zone fermée ou inutilisable :

    Note de bas de page 32

    Par contre, l'article 5.2.24.2 spécifie que :

    Note de bas de page 33 Note de bas de page 34

    De plus, concernant les marques d'axe de piste, les articles suivants soulignent que :

    5.2.8.1 Les pistes avec revêtement sont dotées de marques d'axe de piste.

    5.2.8.2 Sous réserve de la section 5.2.1.3, des marques d'axe de piste sont disposées le long de l'axe de la piste entre les marques d'identification de pisteNote de bas de page 35.

    Dans le cas de l'événement à l'étude, l'exploitant ayant opté de diffuser l'information concernant les travaux en cours par NOTAM, des marques de zone fermée ou inutilisable n'avaient pas été apposées sur la piste. Par ailleurs, contrairement aux normes du TP 312, la piste réduite en largeur n'était pas dotée de marques d'axe de piste.

    1.11 Enregistreurs de bord

    L'aéronef était muni d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) et d'un enregistreur numérique de données de vol. Les 2 enregistreurs ont été retirés de l'aéronef et expédiés au Laboratoire d'ingénierie du BST, où les données qu'ils contenaient ont été récupérées et analysées.

    L'enregistreur numérique de données de vol contenait 27 heures de données de vol, dont celles du vol en cause. L'analyse de ces données a permis d'établir la vitesse de l'aéronef, sa trajectoire précise, le point exact du toucher des roues du train principal, l'utilisation des commandes de vol par le PF ainsi que la mise en marche des divers systèmes manuels et automatiques.

    1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

    Sans objet.

    1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

    Sans objet.

    1.14 Incendi

    Sans objet.

    1.15 Questions relatives à la survie des occupants

    Sans objet.

    1.16 Essais et recherche

    1.16.1 Airport Construction Advisory Council de la Federal Aviation Administration

    En avril 2010, l'Air Traffic Organization de la Federal Aviation Administration des États-Unis a créé l'Airport Construction Advisory Council (Conseil consultatif de la construction aéroportuaire, ACAC)Note de bas de page 36, chargé de trouver des façons d'atténuer les risques lors des travaux aux aéroports.

    Selon l'ACAC, les facteurs suivants sont souvent désignés comme étant des causes d'événements touchant la sécurité pendant des périodes de travaux de construction aux aéroports : l'ATIS; les NOTAM; les signaux visuels; la phraséologie utilisée par les contrôleurs de la circulation aérienne; et les cartes des aéroportsNote de bas de page 37. L'ACAC détaille ces facteurs de causalité de la façon suivante [traduction] :

    ATIS : Les diffusions ATIS aux grands aéroports contiennent souvent une quantité importante de renseignements en plus de données sur les travaux de construction. Les NOTAM de construction ont parfois été mélangés à de l'information en arrière-plan et ne sont pas absorbés et reconnus par les pilotes. Dans d'autres cas, l'ATIS ne comprend pas les distances déclarées et autres renseignements essentiels liés aux travaux de construction.

    NOTAM : Les grands aéroports ont souvent un nombre important de NOTAM en place, en particulier pendant des travaux de construction. Cela peut conduire à ce que l'information soit négligée par les gens qui en ont vraiment besoin : les pilotes, les répartiteurs et les contrôleurs de la circulation aérienne. En outre, les renseignements contenus dans les NOTAM échappent parfois à la mémoire d'un exploitant au moment où il en a besoin – pendant les phases de décollage ou d'atterrissage, lorsque la saturation d'information et le risque tendent à être très élevés. De plus, le format des NOTAM (toutes les lettres sont en majuscules et les abréviations utilisées sont rares) est souvent difficile à interpréter et peut porter à une mauvaise interprétation.

    Indications visuelles : La signalisation, le marquage des voies de circulation et des pistes, et d'autres indications visuelles peuvent aider ou entraver les équipages de conduite lorsqu'ils tentent de distinguer les surfaces fermées des zones actives. Le manque d'indications visuelles a contribué à des événements où des aéronefs ont circulé sur des surfaces fermées, et ont décollé ou atterri en utilisant la mauvaise piste.

    Phraséologie utilisée par les contrôleurs : La phraséologie utilisée par les contrôleurs peut parfois mener à de l'ambiguïté ou à des conclusions erronées à propos de l'état et des spécifications des surfaces touchées par des travaux de construction.

    Cartes des aéroports : Les cartes d'aéroports sont souvent publiées après des fermetures en raison de travaux de construction, et parfois elles ne sont pas mises à jour pendant un projet de construction. Les exploitants doivent combiner l'information de ces cartes et le contenu des NOTAM pour obtenir une évaluation réelle de la chaussée qu'ils utilisentNote de bas de page 38.

    1.16.2 Flight Safety Foundation

    Un article publié dans AeroSafety World indique que [traduction] « l'exploitation d'un aéronef près des projets de construction de pistes et de voies de circulation ajoute une complexité extraordinaire pour toutes les personnes en causeNote de bas de page 39 ».

    Selon l'article, [traduction] « il arrive que parfois, les gens sont au courant d'un NOTAM à un moment donné, mais l'oublient par la suite; dans d'autres cas, ils ne savent tout simplement pas qu'il y a un NOTAM sur la constructionNote de bas de page 40 ».

    1.16.3 Avis de construction aux États-Unis

    La Federal Aviation Administration publie des avis de construction sur son site WebNote de bas de page 41. Une vérificationNote de bas de page 42 de ces avis de construction a permis de noter 55 aéroports aux États-Unis pour lesquels il existait des activités de construction. Chacun des avis présentait le diagramme de l'aéroport montrant clairement, par un X rouge, la portion fermée de la piste ou d'une voie de circulation (annexe C). Parmi les 55 aéroports, aucun ne présentait une situation où la construction occasionnait la fermeture d'un côté de piste sur toute sa longueur. Il n'existe aucune page Web semblable au Canada.

    1.16.4 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • LP189/2017 – FDR Download & Analysis [téléchargement et analyse de l'enregistreur de données de vol]

    1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

    Lors de l'événement, la compagnie Zetta Jet USA Inc. offrait un service personnalisé sur demande dans le monde entier. Toutefois, en date du 30 novembre 2017, la compagnie a cessé ses opérations et a remis son certificat d'exploitation à la Federal Aviation Administration. Elle avait été fondée en 2015 et était basée à Singapour. Elle avait également une base d'exploitation à Burbank (Californie), et possédait une flotte de 21 aéronefs, dont 1 Beechcraft B200, 13 Bombardier BD-700, 1 Canadair CL-600, 5 Gulfstream GA-IV et 1 Gulfstream GA-V.

    Le vol en question avait été effectué conformément à la partie 135 des Federal Aviation Regulations des États-Unis. La compagnie était également titulaire d'un certificat canadien d'exploitant aérien étranger, délivré par TC en vertu de la sous-partie 701 du RAC.

    La compagnie avait élaboré un système de gestion de la sécurité afin d'atténuer les risques liés à son exploitation, en élaborant et en révisant des processus et des procédures.

    1.18 Renseignements supplémentaires

    1.18.1 Événements similaires

    1.18.1.1 Aéroport de Montréal/St-Hubert

    Depuis le début des travaux, soit le 15 août 2016, jusqu'au jour de l'événement, 6 rapports d'événements d'aviation détaillés ont été produits par NAV CANADA et soumis au BST à la suite des incidents similaires survenus à CYHU, incluant l'événement à l'étude. Cinq de ces événementsNote de bas de page 43 devaient être signalés selon le Règlement sur le Bureau de la sécurité des transportsNote de bas de page 44.

    Au cours de 4 de ces incidents, les aéronefs ont heurté des feux de piste temporaires, soit lors du décollage, soit lors de l'atterrissage. Personne n'a été blessé lors de ces incidents. À l'exception de l'événement à l'étude, les aéronefs en cause lors de ces événements n'ont subi aucun dommage important.

    Entre la date de l'événement en cause et le 14 août 2017, 4 événements sont survenus à CYHU. De ces 4 événements, seulement 1 était à signaler (Événement aéronautique A17Q0079 du BST). Au cours de ces 4 événements, 2 aéronefs ont circulé sur le côté fermé de la piste, et 2 autres se sont posés sur la voie de circulation C, alors qu'ils avaient été autorisés à atterrir sur le côté sud de la piste 24R. Personne n'a été blessé et les aéronefs n'ont subi aucun dommage.

    1.18.1.2 Aéroport d'Iqaluit

    En 2015, l'aéroport d'Iqaluit (CYFB) (Nunavut) avait fait l'objet de travaux semblables à ceux effectués à CYHU. La largeur de la piste avait été réduite sur toute sa longueur. Dans le cadre de ces travaux, le côté fermé avait été marqué par des X blancs sur toute sa longueur, et l'axe de piste avait été marqué de traits uniformément espacés (figure 6).

    Figure 6. Marquage lors de travaux à l'aéroport d'Iqaluit en 2015 (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
    Image
    Marquage lors de travaux à l'aéroport d'Iqaluit en 2015

    Même si le marquage était différent à CYFB, on a répertorié 2 incidentsNote de bas de page 45 de heurt de feux de bord de piste survenus pendant la période des travaux, soit le 8 et le 11 juillet 2015. Dans ces 2 cas, un Boeing 737-200 effectuait un vol IFR à destination de CYFB. Dans le cadre de travaux de réfection, la moitié de la piste à CYFB avait était fermée par NOTAM sur toute sa longueur; des feux temporaires délimitaient le bord de piste, des traits uniformément espacés indiquaient l'axe de piste, et des X étaient placés sur toute la longueur de la portion de piste fermée.

    En approche finale de la piste 16, les équipages n'avaient pas décelé le marquage indiquant la portion fermée de la piste, ni remarqué la présence des feux temporaires de bord de piste. Dans les 2 cas, les aéronefs ont heurté quelques feux temporaires de bord de piste lors de l'atterrissage et ont subi des dommages mineurs. Personne n'a été blessé.

    1.18.2 Avis aux aviateurs

    Selon le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM :

    1.1.2 Définition de NOTAM

    Un NOTAM est un avis diffusé par télécommunication et donnant, sur l'établissement, l'état ou la modification d'un aménagement, d'un service, d'une procédure aéronautique, ou d'un danger pour la navigation aérienne, des renseignements qu'il est essentiel de communiquer à temps aux personnes dont les activités ou les intérêts ont un lien avec les opérations aériennes.

    1.1.3 But de la diffusion des NOTAM

    Les NOTAM visent principalement à fournir des renseignements sur des événements susceptibles de compromettre la sécurité et l'exploitation avant que ces événements se produisent sauf dans le cas de pannes ou d'activités imprévisibles. Pour atteindre son but, un NOTAM doit donc parvenir à son destinataire suffisamment à l'avance pour qu'il puisse agir en conséquence. La valeur d'un NOTAM réside dans son « contenu d'actualité » et sa valeur historique résiduelle est minimeNote de bas de page 46.

    Les NOTAM pour les aéroports canadiens sont produits et publiés par NAV CANADA selon les informations fournies par les exploitants d'aérodromes. Le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM de NAV CANADA est basé sur les normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI)Note de bas de page 47Note de bas de page 48Note de bas de page 49.

    Selon le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM, les NOTAM doivent être « le plus concis possible, indiquant les faits essentiels seulementNote de bas de page 50 et composés de telle manière que leur sens soit clair et non ambigu. La clarté de l'information est plus importante que sa brièvetéNote de bas de page 51 ». Un NOTAM doit être émis lorsqu'une piste est réduite en largeur. Les exemples cités dans le manuel pour une réduction en largeur incluent l'information sur la piste touchée, la partie fermée avec orientation d'un point cardinal, la largeur de la partie disponible et l'envergure permise de l'aéronef. Les exemples n'utilisent pas de termes ou d'acronymes pour désigner une condition de réduction en largeur.

    Dans le cadre d'une réduction en longueur, les exemples cités n'utilisent pas de termes ou d'acronymes pour désigner une condition de réduction en longueur mais plutôt des abréviations sur la distance disponible au décollage ou à l'atterrissage. NAV CANADA émet des NOTAM à l'égard de réductions en longueur plus fréquemment que pour des réductions en largeur. Des NOTAM peuvent aussi être émis pour indiquer un changement au balisage lumineux de bord de piste.

    Les NOTAM canadiens sont composés en grande partie d'abréviations et d'acronymes qu'il faut interpréter pour saisir le contenu des NOTAM. Selon l'appendice C du Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM, il existe 336 acronymes et abréviations.

    Tel que spécifié dans le General Operations Manual de Zetta Jet USA Inc., une des tâches et responsabilités du commandant de bord est d'obtenir un exposé avant le départ, lequel inclut, entre autres, les NOTAMNote de bas de page 52. De plus, le manuel indique que les pilotes doivent s'assurer que les NOTAM applicables pour chaque segment de vol sont joints au plan de vol généré par ordinateur ou avec l'information météorologiqueNote de bas de page 53.

    Dans le cas à l'étude, l'équipage de conduite avait obtenu avant le départ une copie des NOTAM applicables au vol en question. La copie jointe au plan de vol incluait un total de 121 NOTAM, dont 37 concernaient CYHU. De ces 37 NOTAMNote de bas de page 54, 9 concernaient la piste 06L, dont 1 sur le déplacement du seuil de la piste 06L, 1 relatif à la longueur de piste disponible pour l'atterrissage et 1 relatif à la réduction de la largeur de la piste 06L (annexe D). Ces NOTAM étaient rédigés selon le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM.

    De la liste des 37 NOTAM concernant CYHU, 8 portaient sur des travaux de construction aéroportuaire, et le NOTAM relatif à la réduction de la largeur de la piste était le 16e de la liste. Le même NOTAM indiquait que, pour les aéronefs dont l'envergure était de plus de 78 pieds, il fallait donner un préavis de 48 heures aux autorités aéroportuaires. Puisque le N888ZJ a une envergure de plus de 78 pieds, ce NOTAM s'appliquait. Or, tel qu'indiqué à la section 1.10.3 du présent rapport, rien n'indique qu'un tel avis ait été donné aux autorités aéroportuaires de CYHU. L'information recueillie indique que l'équipage de conduite croyait à tort que seulement la longueur de piste avait été réduite et non la largeur.

    Tel que spécifié à la section 1.16.2 du présent rapport, il arrive parfois que les personnes oublient l'information contenue dans un NOTAM ou ne soient pas au courant qu'il existe un NOTAM concernant des travaux de construction.

    À titre d'exemple, le 1er septembre 2013, un Boeing 737-200 effectuait un vol IFR de l'aéroport international d'Ottawa/Macdonald-Cartier (CYOW) (Ontario) à destination de CYFBNote de bas de page 55. Dans le cadre de travaux de réfection à CYFB, le seuil de la piste 35 était décalé de 1900 pieds. Deux X blancs avaient été placés à l'extérieur du bord de piste du côté gauche, le long de la portion fermée, et des barricades à profil bas avaient été installées pour indiquer la position du seuil de piste décalé. Lors de l'atterrissage sur la piste 35, l'aéronef s'est posé sur la portion de piste qui avait été fermée par NOTAM, lequel avait été communiqué et diffusé sur le réseau du service fixe des télécommunications aéronautiques (AFTN)Note de bas de page 56 depuis plus de 12 heures. L'équipage de conduite n'avait pas pris connaissance de ce NOTAM lors de la planification de son vol. Lors du roulement au sol, le train principal est passé entre 2 barricades sans toutefois les toucher et a poursuivi sa course sur la portion utilisable de la piste sans problème. L'aéronef n'a subi aucun dommage.

    L'article 417.5 du Manuel d'exploitation – Services de la circulation aérienne (MANOPS FS) de NAV CANADA, en vigueur au moment de l'événement mentionné ci-dessus,stipule ce qui suit à l'intention des spécialistes de station d'information de vol : « Communiquez les renseignements appropriés du NOTAM qui peuvent influencer l'arrivée ou le départ d'un aéronefNote de bas de page 57 ».

    Toutefois, l'article 417.6 du MANOPS FS indique, entre autres, ce qui suit :

    Vous pouvez omettre les renseignements d'un NOTAM qui ont été communiqués et diffusés sur l'AFTN pendant :

    Puisque le NOTAM avait été diffusé sur l'AFTN depuis plus de 12 heures, le spécialiste de la station d'information de vol n'avait pas l'obligation d'aviser l'équipage de conduite. Ce n'est qu'une fois que l'aéronef était à environ 50 pieds au-dessus du sol que le spécialiste de la station d'information de vol de CYFB avait tenté d'informer l'équipage de conduite du NOTAM en vigueur, lorsqu'il avait constaté qu'il y avait un risque de collision avec les barricades.

    1.18.3 Préparation du vol

    Le General Operations Manual de Zetta Jet USA Inc. indique qu'il incombe au commandant de bord de déterminer si les aéroports qu'il prévoit utiliser sont convenables et adéquats en tenant compte des conditions de décollage et d'atterrissage, telles que la longueur et la largeur de la piste. Selon le manuel, les tâches reliées à la préparation d'un vol consistent, entres autres, à [traduction] :

    1. se familiariser avec les données de l'aéroport incluant la longueur de piste, les approches disponibles et les procédures d'atténuation de bruit et de couvre-feu;
    2. se familiariser avec les renseignements météorologiques au départ, en route et à l'arrivée et, s'il y a lieu, à l'aéroport de dégagement. Cette information inclura, sans y être limitée, les rapports météorologiques courants, les prévisions météorologiques et les NOTAMNote de bas de page 59.

    Dans le cas à l'étude, l'équipage de conduite avait tous ces renseignements avant son départ de KTEB et en avait pris connaissance. Toutefois, l'enquête n'a pas pu déterminer à quel point l'équipage s'était familiarisé avec les renseignements pertinents, et en particulier les NOTAM reliés aux travaux de réfection sur la piste 06L/24R de CYHU.

    1.18.4 Préparation à l'approche et l'atterrissage

    Tel qu'indiqué à la section 1.1 du présent rapport, le PF avait effectué l'exposé d'approche spécifié au General Operations Manual. Toutefois, il n'a pas utilisé l'acronyme « NATSNote de bas de page 60 » spécifié dans le manuelNote de bas de page 61. Cet acronyme facilite la mémorisation des points à aborder lors d'un exposé d'approche. La lettre N doit rappeler à l'équipage de discuter des NOTAM. Dans le cas à l'étude, il n'y a eu aucune discussion concernant les NOTAM lors de l'exposé d'approche.

    1.18.5 Conscience situationnelle et modèles mentaux

    La conscience situationnelle (SA) se base sur la capture d'éléments dans l'environnement, leur compréhension et projection d'un modèle mental pour anticiper le futur. Le modèle le plus largement utiliséNote de bas de page 62 de SA distingue 3 niveaux et états de comportements. Il indique qu'un rendement efficace exige des équipages qu'ils :

    1. perçoivent les éléments dans l'environnement (SA de niveau 1);
    2. comprennent leur importance par rapport à la situation présente (SA de niveau 2);
    3. utilisent ces éléments pour prévoir les prochains états (SA de niveau 3)Note de bas de page 63.

    Des problèmes peuvent survenir aux 3 niveaux et donner lieu à des cas où des éléments critiques passent inaperçus, où la situation en cours est incomprise et où les situations ne sont pas anticipées.

    La SA se développe et se maintient grâce à un processus continu de réévaluation de la situation : la SA est influencée par les objectifs et les attentes de l'équipage, l'expérience, et plusieurs autres facteurs qui influent sur la façon dont l'équipage dirigera son attention et percevra et interprétera les éléments dans l'environnementNote de bas de page 64.

    Un modèle mental est une structure interne qui permet aux personnes de décrire, d'expliquer et de prédire des événements et des situations dans leur environnementNote de bas de page 65. Quand un modèle mental est adopté, ce modèle est résistant au changement. De nouveaux renseignements convaincants doivent être absorbés pour modifier un modèle mental. Un modèle mental inexact entravera la perception des éléments critiques ou la compréhension de leur importanceNote de bas de page 66.

    1.19 Techniques d'enquête utiles ou efficaces

    Sans objet.

    2.0 Analyse

    2.1 Introduction

    L'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Rien n'indique que des facteurs physiologiques comme la fatigue aient atténué ses capacités.

    L'équipage de conduite avait en sa possession l'information concernant les travaux de réfection de la piste 06L/24R qui réduisaient la largeur et la longueur de piste disponible par le biais d'avis aux aviateurs (NOTAM) et de l'information du service automatique d'information de région terminale (ATIS). Lorsque le contrôleur l'a interrogé à ce sujet, avant que l'aéronef soit autorisé à atterrir du côté sud de la piste 06L, le pilote surveillant (PM) a également confirmé qu'il avait lu les NOTAM relatifs aux travaux de construction. Toutefois, malgré cette information, l'aéronef a atterri en partie à l'extérieur des limites prévues de la piste 06L, de sorte que le train d'atterrissage principal gauche a heurté des feux de bord de piste temporaires. Par conséquent, la présente analyse portera sur la conscience situationnelle de l'équipage de conduite, sa planification du vol, sa préparation à l'approche et l'atterrissage, le marquage des pistes en réfection ainsi que la concision et la clarté des NOTAM.

    2.2 Conscience situationnelle

    La conscience situationnelle se base sur la prise de connaissance d'éléments dans l'environnement opérationnel, leur compréhension et la projection d'un modèle mental pour anticiper le futur. Dans le cas à l'étude, l'équipage de conduite partageait un modèle mental selon lequel la piste était réduite seulement en longueur.

    Quoique les réductions en largeur soient beaucoup moins fréquentes que les réductions en longueur, certains renseignements étaient disponibles pour que l'équipage puisse corriger son modèle mental, notamment l'information contenue dans les NOTAM, l'ATIS et l'autorisation d'atterrir sur le côté sud de la piste. De plus, le numéro de piste, peint en blanc, était placé au seuil de la partie de piste utilisable pour l'atterrissage et 2 flèches, aussi peintes en blanc, étaient disposées juste avant le seuil de piste indiquant la direction de l'atterrissage. Toutefois, ces renseignements ne semblent pas avoir été convaincants ni absorbés par l'équipage de conduite, de sorte qu'il a adopté un modèle mental résistant au changement et à la prise de connaissance d'éléments critiques pour un atterrissage en toute sécurité.

    Le modèle mental selon lequel la piste n'était réduite qu'en longueur a été renforcé par les conditions suivantes :

    • Les marques originales de la zone de toucher des roues et d'axe de la piste étaient toujours présentes.
    • Il n'y avait pas de marques d'axe de la piste réduite en largeur.
    • Il y avait des X à l'extrémité de la piste mais pas du côté nord de la piste.

    En effectuant l'approche publiée, l'aéronef s'est retrouvé aligné avec l'axe de piste habituel, soit avec la marque latérale de piste temporaire servant à délimiter le bord gauche de la piste, qui a été perçue comme étant l'axe de piste. De plus, il aurait été presque impossible, particulièrement dans le cas d'une situation inattendue, de percevoir à distance les feux temporaires éteints, placés près des marques latérales de piste indiquant le bord de piste gauche.

    Malgré les NOTAM, l'information de l'ATIS et la communication avec le contrôleur, l'équipage de conduite a cru à tort que la piste était disponible sur toute sa largeur.

    Avant l'atterrissage, l'équipage a mal interprété le marquage de la piste et le pilote aux commandes (PF) a perçu la marque latérale de piste temporaire servant à délimiter le côté gauche de la piste comme étant l'axe de piste. Par conséquent, l'aéronef s'est posé en partie à l'extérieur des limites de la piste prévue et a fauché 7 feux temporaires de bord de piste.

    2.3 Planification du vol

    La planification de vol exige l'analyse de plusieurs éléments par un équipage de conduite, afin qu'il soit en mesure de cerner les menaces potentielles associées au vol en question et d'évaluer leur incidence sur la sécurité du vol. Une planification de vol minutieuse est donc une première ligne de défense face aux menaces potentielles qui peuvent être rencontrées lors d'un vol.

    Dans le cas à l'étude, les travaux de construction sur la piste 06L à l'aéroport de Montréal/St-Hubert (CYHU) réduisaient la largeur de la piste à 75 pieds et sa longueur à 5000 pieds, ce qui avait une incidence sur les minima d'approche aux instruments. Ces travaux constituaient une menace à laquelle était exposé l'équipage de conduite. De plus, des obstacles au sol, tels les feux de bord de piste temporaires, les cônes orange et de l'équipement, se trouvaient à proximité de l'aire d'atterrissage, pouvant causer un risque de collision avec ces obstacles.

    Les renseignements concernant les dimensions de la piste 06L étaient disponibles et avaient été fournis à l'équipage de conduite avant son départ, par le biais de NOTAM. Bien que l'équipage ait pris connaissance des NOTAM avant son départ, l'enquête n'a pas pu déterminer à quel point l'équipage s'était familiarisé avec ceux-ci afin d'en faire la bonne interprétation.

    En plus, un NOTAM indiquait qu'il fallait soumettre un préavis de 48 heures pour utiliser la piste 06L/24R dans le cas d'un aéronef avec une envergure supérieure à 78 pieds. Quand un avis était soumis aux autorités aéroportuaires, Développement Aéroport Saint-Hubert de Longueuil (DASH-L) expédiait un formulaire d'autorisation avec photos et croquis de la piste 06L/24R, ce qui donnait aux équipages de conduite une image des travaux et des aires de manœuvre fermées.

    Rien n'indique que la compagnie ou l'équipage de conduite ait soumis à DASH-L un préavis de 48 heures pour l'aéronef à l'étude, dont l'envergure d'ailes était supérieure à 78 pieds.

    Dans le cas à l'étude, la planification du vol n'a pas préparé adéquatement l'équipage de conduite pour assurer un atterrissage sécuritaire à CYHU.

    2.4 Préparation à l'approche et l'atterrissage

    La préparation à l'approche et l'atterrissage s'effectue avant d'entamer la descente. Cette préparation en vue d'une approche aux instruments à CYHU consistait à prendre connaissance de l'ATIS, à programmer le système de gestion de vol pour l'approche, à remplir la liste de vérification avant la descente et à effectuer un exposé d'approche.

    Le General Operations Manual de Zetta Jet USA Inc. indique ce que devait contenir un exposé d'approche, et le manuel constituait dans ce cas une deuxième ligne de défense face à la menace à laquelle était exposé l'équipage de conduite. Bien que le PF ait effectué un exposé d'approche, il n'a pas utilisé l'acronyme aide-mémoire « NATS » pour l'aider à se rappeler les points à discuter lors d'un exposé d'approche. Puisque la lettre « N » rappelle à l'équipage de discuter ou de passer en revue les NOTAM, son utilisation aurait pu inciter l'équipage à relire les NOTAM.

    De plus, puisque la lettre « A » rappelle à l'équipage de passer en revue les points importants d'une approche tel que l'altitude minimale de descente (MDA) ou l'altitude de décision (DA), la relecture des NOTAM aurait pu permettre à l'équipage de corriger la MDA à 600 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) plutôt qu'à une DA de 400 pieds ASL. L'utilisation de la performance d'alignement de piste avec guidage vertical pour l'approche n'était pas autorisée, du fait que le seuil de la piste 06L, normalement décalé de 1105 pieds, avait été déplacé à cause des travaux en cours. Dans ce cas-ci, le fait que l'équipage a réglé un minimum d'approche plus bas n'a pas joué un rôle dans l'événement. Si les équipages de conduite effectuent des exposés d'approche incomplets, il y a un risque que de l'information cruciale à la sécurité d'un vol passe inaperçue.

    L'ATIS indiquait les dimensions de la piste 06L et le fait que le côté nord était fermé sur toute sa longueur. Bien que le PM ait pris connaissance de l'ATIS Golf avant la descente, il n'avait pas partagé toute l'information avec le PF : il avait omis l'information indiquant que le côté nord de la piste 06L était fermé sur toute sa longueur et que seulement 75 pieds de la largeur étaient disponibles du côté sud pour l'atterrissage. L'enquête n'a pas pu déterminer pourquoi une information aussi cruciale n'avait pas été partagée avec le PF.

    Pour une raison inconnue, le PM n'a saisi ni partagé l'information de l'ATIS indiquant que la largeur de la piste était réduite à 75 pieds et que seulement le côté sud de la piste était disponible pour l'atterrissage.

    Parmi les facteurs de causalité observés lors d'événements liés à des travaux de construction aux aéroports, l'Airport Construction Advisory Council (ACAC) a noté que la phraséologie des contrôleurs peut parfois conduire à une ambiguïté ou à des conclusions erronées sur l'état réel et les spécifications des surfaces touchées par les travaux. Dans le cas à l'étude, le contrôleur tour a demandé à l'équipage de conduite s'il avait lu les NOTAM concernant les travaux de construction. Puisque l'équipage a répondu par l'affirmative, il était justifié pour le contrôleur tour de ne pas faire part des détails du NOTAM, et plus spécifiquement ceux liés aux dimensions de la piste.

    De plus, le contrôleur a inclus dans son autorisation d'atterrissage l'instruction d'atterrir du côté sud de la piste. Cependant, le PM n'a relu qu'en partie l'autorisation d'atterrir, omettant l'indication que l'atterrissage devait se faire du côté sud. La relecture incomplète de l'autorisation d'atterrir du côté sud n'a pas été mise en cause par le contrôleur. L'équipage a poursuivi l'atterrissage en croyant à tort que la pleine largeur de piste était disponible pour l'atterrissage.

    2.5 Marquage des pistes en réfection

    Il est reconnu que les travaux de construction aux aéroports introduisent des risques additionnels pour les exploitants aériens. Plusieurs facteurs sont souvent désignés comme étant des causes d'événements pendant des périodes de travaux de construction aux aéroports, tels que : l'ATIS; les NOTAM; les signaux visuels; la phraséologie utilisée par les contrôleurs de la circulation aérienne; et les cartes de l'aéroport.

    Tel que noté par l'ACAC, la signalisation, le marquage des pistes et d'autres indications visuelles peuvent aider ou entraver les équipages de conduite lorsqu'ils tentent de distinguer les surfaces fermées des zones actives. Il est reconnu que le manque de signaux visuels a contribué dans le passé à des événements où des aéronefs ont circulé sur des surfaces fermées et ont décollé ou atterri en utilisant la mauvaise pisteNote de bas de page 67.

    Lorsqu'une personne s'attend à une situation, elle risque de ne pas remarquer des signes indiquant que la situation n'est pas ce qu'elle devrait être. Pour qu'un pilote reconnaisse qu'un changement de plan s'impose et qu'il réagisse à temps, il doit percevoir la condition ou le stimulus comme étant suffisamment important pour qu'il réagisse immédiatement.

    Il en a été de même pour les 2 événements antérieurs survenus à l'aéroport d'Iqaluit (CYFB) (Nunavut) en 2015 lors de travaux de réfection de piste qui réduisaient la largeur de la piste sur toute sa longueur. Pourtant, dans ces 2 cas, des X avaient été placés sur toute la longueur du côté fermé de la piste, et des traits uniformément espacés indiquaient l'axe de piste temporaire. Il n'a pu être expliqué pourquoi ces équipages de conduite n'ont pas reconnu la signification du marquage en place. Dans ces 2 cas, il est aussi permis de croire qu'une fois que les équipages de conduite ont vu la piste, le stimulus n'était pas suffisamment important pour leur permettre de réagir à temps.

    Dans le cas en cause, lorsque l'équipage a eu la piste en vue, le marquage de la piste 06L en place ne lui a pas fait réaliser que la portion nord de la piste était fermée : il n'y avait pas de X sur la portion fermée; Les marques de zone de toucher des roues et d'axe de piste originales étaient toujours visibles; les feux de bord de piste temporaires placés près des marques latérales de piste n'étaient pas visibles à distance; et la marque latérale de piste délimitant le bord gauche de la piste a été interprété par l'équipage de conduite comme étant l'axe de la piste. Par conséquent, l'équipage de conduite n'a pas constaté qu'il allait poser l'aéronef sur une portion de piste fermée.

    De plus, les feux temporaires de bord de piste n'étaient pas fixés adéquatement de façon à s'assurer qu'ils soient frangibles, tel que spécifié dans le Plan d'exploitation durant une construction (PEC) 2017Note de bas de page 68 et ils n'étaient pas fixés comme stipulé à la section 5.3.10.11 du TP 312Note de bas de page 69. Par conséquent, lorsque les roues principales du côté gauche de l'aéronef ont heurté les feux, ceux-ci se sont déplacés et ont causé des dommages au fuselage arrière en plus de faire éclater les pneus, dont les débris ont aussi causé des dommages au fuselage arrière. Si les feux temporaires de bord de piste ne sont pas fixés convenablement, il y a un risque qu'ils se déplacent et causent des dommages aux aéronefs lors d'un atterrissage ou d'un décollage.

    2.6 Concision et clarté des avis aux aviateurs

    Chaque NOTAM porte sur un sujet et une seule condition à la fois. Compte tenu de la possibilité d'avoir un nombre élevé de NOTAM pour un vol, chaque NOTAM doit être le plus concis possible, tout en étant clair et non ambigu. Quoique les abréviations et les acronymes utilisés dans les NOTAM aient pour objectif de rendre ces derniers concis, leurs complexités à décoder peuvent affecter la clarté des NOTAM et soulever de l'ambiguïté lors de leurs consultations. De plus, puisque dans certains cas, les équipages de conduite se retrouvent à consulter un grand nombre de NOTAM lors de la planification de vol, il est possible qu'ils en fassent une lecture superficielle ou qu'ils en oublient certains.

    Le NOTAM portant sur la réduction en largeur de la piste 06L/24R indiquait que 75 pieds du côté nord étaient fermés sur toute la piste. Ce NOTAM était conforme au Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM de NAV CANADA. Le NOTAM signalait la condition sans toutefois indiquer clairement la réduction en largeur. Ceci était aussi le cas pour les 2 événements survenus à CYFB en 2015.

    Les réductions de piste en largeur ne sont pas aussi fréquentes que les réductions de piste en longueur. Conséquemment, l'utilisation des mots « réduction en largeur », dans un NOTAM visant à indiquer une réduction en largeur de piste, indiquerait clairement la condition tout en réduisant le risque d'ambiguïté.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Malgré les avis aux aviateurs (NOTAM), l'information du service automatique d'information de région terminale (ATIS) et la communication avec le contrôleur, l'équipage de conduite a cru à tort que la piste était disponible sur toute sa largeur.
    2. Avant l'atterrissage, l'équipage a mal interprété le marquage de la piste et le pilote aux commandes a perçu la marque latérale de piste temporaire servant à délimiter le côté gauche de la piste comme étant l'axe de piste. Par conséquent, l'aéronef s'est posé en partie à l'extérieur des limites de la piste prévue et a fauché 7 feux temporaires de bord de piste.
    3. La planification du vol n'a pas préparé adéquatement l'équipage de conduite pour assurer un atterrissage sécuritaire à l'aéroport de Montréal/St-Hubert.
    4. Pour une raison inconnue, le pilote surveillant n'a saisi ni partagé l'information ATIS indiquant que la largeur de la piste était réduite à 75 pieds et que seulement le côté sud de la piste était disponible pour l'atterrissage.
    5. La relecture incomplète de l'autorisation d'atterrir du côté sud n'a pas été mise en cause par le contrôleur. L'équipage a poursuivi l'atterrissage en croyant à tort que la pleine largeur de piste était disponible pour l'atterrissage.
    6. L'équipage de conduite n'a pas constaté qu'il allait poser l'aéronef sur une portion de piste fermée.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. Si les équipages de conduite effectuent des exposés d'approche incomplets, il y a un risque que de l'information cruciale à la sécurité d'un vol passe inaperçue.
    2. Si les feux temporaires de bord de piste ne sont pas fixés convenablement, il y a un risque qu'ils se déplacent et causent des dommages aux aéronefs lors d'un atterrissage ou d'un décollage.

    3.3 Autres faits établis

    1. L'aéronef en cause dans l'événement, dont l'envergure d'ailes était supérieure à 78 pieds, devait soumettre à Développement Aéroport Saint-Hubert de Longueuil un préavis de 48 heures. Rien n'indique qu'un tel préavis a été soumis par la compagnie ou l'équipage de conduite. Un tel avis aurait résulté en l'obtention d'un croquis de la piste 06L/24R qui aurait pu permettre à l'équipage de conduite d'avoir une représentation visuelle des travaux en cours et des aires de mouvement fermées.
    2. L'utilisation des mots « réduction en largeur », dans un NOTAM visant à indiquer une réduction en largeur de piste, indiquerait clairement la condition tout en réduisant le risque d'ambiguïté.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Développement Aéroport Saint-Hubert de Longueuil

    À la suite de cet événement, l'organisme Développement Aéroport Saint-Hubert de Longueuil a ajouté sur son site Web, dans une fenêtre flash apparaissant dès l'ouverture du site, un message qui signalait les travaux en cours. Le message précisait que les équipages de conduite devaient prendre connaissance des avis aux aviateurs (NOTAM) en vigueur à l'aéroport. Les équipages pouvaient télécharger un pictogramme montrant les travaux en cours.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Approche RNAV (GNSS) Rwy 06L pour l'aéroport de Montréal/St-Hubert

    Carte d'approche fournie par Jeppesen.
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    Approche RNAV (GNSS) Rwy 06L pour l'aéroport de Montréal/St-Hubert

    Annexe B – Croquis de l'aéroport de Montréal/St-Hubert

    Source : Développement Aéroport Saint-Hubert de Longueuil
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    Croquis de l'aéroport de Montréal/St-Hubert

    Annexe C – Exemple d'avis de construction

    Source : Federal Aviation Administration, Airport Construction Notices (15 août 2017), au https://www.faa.gov/air_traffic/flight_info/aeronav/aero_data/Apt_Constr_Notices
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    Exemple d'avis de construction

    Annexe D – Avis aux aviateurs (NOTAM) fournis à l'équipage de conduite

    Source : Zetta Jet USA Inc., avec annotations du BST
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    Avis aux aviateurs (NOTAM) fournis à l'équipage de conduite - 1 / 2