Amik Aviation Ltd.
Cessna 208B Caravan, C-FAFV
Aéroport de Little Grand Rapids (Manitoba), 0.75 nm S
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Déroulement du vol
À 13 h 15Note de bas de page 1, le 4 mars 2019, le Cessna 208B Caravan (immatriculé C-FAFV, numéro de série 208B0528) exploité par Amik Aviation Ltd. (Amik) a quitté l'aéroport de Winnipeg/St. Andrews (CYAV) (Manitoba) pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de l'aéroport de Little Grand Rapids (CZGR) (Manitoba) avec 1 pilote et 6 passagers à bord.
Durant le vol sur une distance de 133 milles marins (nm), l'avion a traversé plusieurs bourrasques de neige qui ont réduit la visibilité en vol à quelque 3 nm. Le pilote a choisi de poursuivre le vol dans ces zones de bourrasques de neigeNote de bas de page 2. Dans les zones qui n'étaient pas touchées par ces bourrasques, on a fait état de conditions météorologiques offrant une bonne visibilité et un ciel dégagé.
L'avion approchait de CZGR depuis le sud, et le pilote avait les environs de l'aéroport en vue lorsqu'il a manœuvré l'avion pour se placer dans un segment d'approche finale de 3 nm et descendre vers la piste 36. Lorsque l'avion se trouvait à environ 1,75 nm du seuil de la piste 36, il a traversé une autre bourrasque de neige qui a réduit la visibilité en vol à moins de 1 nm. L'avion a poursuivi sa descente par visibilité réduite en survolant la surface glacée couverte de neige du lac Family.
Vers 14 h 14, le pilote a décidé de remettre les gaz; toutefois, au moment où il augmentait la puissance, l'avion a percuté la surface glacée du lac Family, à 0,75 nm du seuil de la piste 36 (figure 1). L'avion est demeuré à l'horizontale et a glissé sur la surface avant de s'immobiliser dans la neige. Le pilote et les 6 passagers ont été légèrement blessés et ont pu évacuer l'avion. Ils ont été secourus par des passants sur la route de glace à proximité. L'aéronef a subi d'importants dommages.
Renseignements météorologiques
La prévision de zone graphique (GFA) émise le 4 mars 2019 à 11 h 31 et valide au moment de l'événement faisait état des conditions météorologiques suivantes dans le secteur avoisinant CZGR : couches de nuages éparses, de 6000 à 16 000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et visibilité supérieure à 6 milles terrestres (sm). On prévoyait également une visibilité de 4 sm à plus de 6 sm par endroits dans de la faible neige, avec un plafond à 1500 pieds au-dessus du niveau du sol (AGL) et une visibilité de 2 sm dans de la faible neige dans des zones localisées.
CZGR ne compte aucune station d'observation météorologique de surface. La station la plus proche se trouve à l'aéroport de Berens River (CYBV) (Manitoba), à 62 nm à l'ouest-nord-ouest de CZGR. À 14 h, les conditions météorologiques annoncées à CYBV étaient les suivantes :
- vents de 330° vrai à 13 nœuds, rafales atteignant 22 nœuds;
- visibilité de 1 sm dans de la faible neige et de la poudrerie élevée;
- plafond de nuages fragmentés à 500 pieds AGL et à 1500 pieds AGL;
- température –12 °C, point de rosée −16 °C
Après l'accident, le BST a demandé à Environnement et Changement climatique Canada de faire une évaluation météorologique. Les observations finales de cette évaluation indiquaient ceci [traduction] :
Les observations en surface dans la région indiquent que la visibilité a été brièvement réduite à entre 1 et 2 milles terrestres dans les bandes d'averses de neige plus lourdes. Il se peut que l'avion ait traversé ces bandes de neige plus lourdes durant sa descente. On ne prévoyait pas de turbulence ni de givrage dans la zone en questionNote de bas de page 3.
Renseignements sur le pilote
Les dossiers indiquent que le pilote avait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol VFR, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote détenait une licence de pilote de ligne ainsi qu'un certificat médical valide de catégorie 1. Le pilote avait à son actif plus de 12 000 heures de vol au total, dont 1100 heures sur le type d'avion en cause dans l'événement à l'étude. Il avait l'annotation pour le vol aux instruments et avait accumulé environ 4000 heures de vol aux instruments. Toutefois, la validité de sa dernière épreuve de vols aux instruments avait expiré le 1er septembre 2017; ainsi, il ne satisfaisait pas aux exigences de mise à jour des connaissances pour se prévaloir de son annotation pour le vol aux instruments.
Renseignements sur l'entreprise
Amik a été fondée en 2008. La compagnie a reçu l'approbation de Transports Canada pour exercer ses activités en vertu de la sous-partie 703 du Règlement de l'aviation canadien. Cette approbation se limite aux vols VFR de jour uniquement.
Au moment de l'événement à l'étude, Amik exploitait 4 avions : 1 Cessna 208B, 1 Cessna 208, 1 Cessna A185F, et 1 de Havilland DHC-2.
Renseignements sur l'aéronef
Le Cessna 208B est un avion à voilure haute et à train d'atterrissage fixe doté d'un turbopropulseur PT6A-114A fabriqué par Pratt & Whitney Canada. Ce type d'avion est équipé pour effectuer des vols VFR de jour, mais peut aussi être équipé pour les vols de nuit, les vols selon les règles de vol aux instruments (IFR), ainsi que les vols dans des conditions de givrage.
Fabriqué en 1996, l'avion en cause dans l'événement à l'étude était équipé pour les vols de nuit et IFR. Il était en outre muni d'un conteneur de fret et avait été modifié de manière à accroître à 9062 livres sa masse maximale autorisée au décollage. Amik entretenait l'avion en vue de vols VFR uniquement. L'enquête a permis de déterminer que la masse brute de l'avion était d'environ 8310 livres au départ et que son centre de gravité se situait à l'intérieur des limites permises.
L'avion n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol ou d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et n'était pas tenu d'en avoir selon la réglementation. L'avion transportait un dispositif de repérage GPS (système de positionnement mondial) portatif qui envoyait par satellite, à intervalles de 5 minutes, des données de position à un utilitaire internet. L'exploitant pouvait ainsi surveiller la position de l'avion. Or, étant donné le taux d'échantillonnage du dispositif, il n'a pas été possible de reconstituer le profil de vol dans le cadre de l'enquête.
Les dossiers indiquent que l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées.
Le fuselage, le train d'atterrissage, l'hélice et le moteur de l'avion ont été endommagés (figure 2).
Les dommages à l'hélice indiquent que le moteur tournait à régime élevé lorsque l'avion a percuté la surface gelée et enneigée du lac. Le plancher à l'avant de la cabine a été plissé par la force d'impact transmise par la contrefiche de verrouillage du train d'atterrissage avant. Les supports du moteur ont été légèrement déformés.
Chaque siège était muni d'une ceinture abdominale et d'une ceinture-baudrier à sangle unique. Tous les sièges sont demeurés fixés au plancher de la cabine.
Vol selon les règles de vol à vue dans des conditions météorologiques de vol aux instruments
Les dangers associés à la poursuite d'un vol VFR dans des conditions météorologiques de vol aux instruments sont bien connus. Selon les données recueillies par le BST de 2000 à 2014, les accidents survenant lors de vols commençant dans des conditions météorologiques de vol à vue et se poursuivant jusqu'à ce que les pilotes perdent le contact visuel avec le sol ont un taux de mortalité élevé. Au cours de cette période de 15 ans, les accidents de ce type ont provoqué 74 morts.
Des facteurs tels que l'expérience de vol, l'entraînement au vol aux instruments et l'équipement de l'aéronef doivent être pris en compte lors de la planification avant le vol afin d'atténuer certains risques, comme la dégradation des conditions météorologiques au cours du vol. De plus, des lacunes dans la prise de décision, le maintien de la conscience de la situation ou la compréhension de l'évolution des conditions météorologiques peuvent compromettre la sécurité d'un vol dans des conditions difficiles et rendre plus probable un impact sans perte de contrôle (CFIT)Note de bas de page 4.
Un CFIT survient souvent lorsque la visibilité est réduite, la nuit ou par mauvais temps. Ces conditions réduisent la conscience qu'a le pilote des environs et rend plus difficile la détermination visuelle de la distance par rapport au relief.
Conditions météorologiques hivernales et de voile blanc
L'accident s'est produit sur un lac gelé qui était complètement couvert de neige. Il y avait peu d'arbres ou d'autres caractéristiques qui pouvaient offrir des repères visuels. Jumelé aux conditions météorologiques annoncées, le relief se prêtait tout à fait à une condition de voile blanc. Le Manuel d'information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) fournit les renseignements suivants sur le voile blanc :
Le voile blanc est défini au Glossaire de météorologie publié par l'American Meteorological Society comme :
« Un phénomène atmosphérique des regions polaires qui fait que l'observateur semble enveloppé dans une lueur blanchâtre uniforme. On ne peut discerner l'horizon, ni les ombre, ni les nuages; on perd le sens de la profondeur et de l'orientation et on ne peut voir que les objets très sombres situés tout près. Le voile blanc se produit si la couche de neige au sol est intacte et le ciel au-dessus est uniformément couvert, lorsque, grâce à l'effet de clarté de la neige, la lumière venant du ciel est à peu près égale à celle qui vient de la surface de la neige. La présence d'un chasse-neige peut accentuer ce phénomène. »
[…]
Par conséquent, chaque fois qu'un pilote se trouve en présence des conditions de voile blanc décrites ci-dessus ou qu'il soupçonne simplement qu'il est en présence de ces conditions, il devrait immédiatement monter s'il se trouve à bas niveau ou se mettre en palier et se diriger vers un endroit où les détails de la typographie du terrain sont très évidents. Le pilote ne doit pas continuer le vol sauf s'il est préparé à traverser la zone de voile blanc aux instruments et s'il a la compétence voulue pour le faire.
[…]
Dans la mesure du possible, les pilotes doivent éviter ces conditions sauf s'ils disposent des instruments appropriés à bord de leur appareil et ont suffisamment d'expérience pour utiliser une technique de présentation à basse vitesse et faible taux de descente pour atterir en toute sécuritéNote de bas de page 5.
En vol, des conditions de voile blanc peuvent donner lieu à un horizon visuel mal défini qui nuit à la capacité du pilote de déterminer et de stabiliser l'assiette de l'avion, ou qui réduit la capacité du pilote de détecter les changements d'altitude, de vitesse indiquée et de position. Dans des conditions où les repères visuels sont suffisamment dégradés, on risque de perdre la maîtrise de l'avion ou de perdre la conscience situationnelle, ce qui pourrait entraîner un impact sans perte de contrôle.
Message de sécurité
Le fait de poursuivre un vol dans des conditions météorologiques qui se dégradent, comme un voile blanc, peut causer la désorientation et un impact sans perte de contrôle. Tous les pilotes – peu importe leur expérience – doivent être vigilants lorsqu'ils se trouvent dans des conditions météorologiques qui se dégradent et être prêts à prendre les mesures d'atténuation appropriées.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .