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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19P0059

Perte de puissance moteur, atterrissage forcé dans des arbres
Lakes District Air Service Ltd.
Cessna 182E, C-FLVN
Smithers (Colombie Britannique), 50 NM N



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 4 mai 2019, le Cessna 182E (immatriculation C‑FLVN, numéro de série 18253755) de Lakes District Air Service Ltd. a effectué un vol à vue de jour dans le but de surveiller des feux de forêt. Le vol était effectué pour le compte de BC Wildfire Service à proximité de Smithers (Colombie‑Britannique); il y avait à bord de l’aéronef le pilote et 3 membres d’équipage. Environ 3 heures après le début du vol, le pilote a émis un signal de détresse Mayday avant que les communications ne soient coupées. La radiobalise de repérage d’urgence émettant sur une fréquence de 406 MHz s’est activée lors de l’impact, et son signal a été reçu par le Centre canadien de contrôle des missions. Une recherche par hélicoptère a permis de localiser l’épave dans une zone boisée à environ 50 milles marins au nord de Smithers, à 500 pieds au nord de la rivière Babine, à 5,6 milles marins à l’est de la bande d’atterrissage de Silver Hilton Steelhead Lodge. L’aéronef a percuté des arbres et le relief. Un des membres d’équipage a survécu à l’écrasement et a été transporté à l’hôpital par hélicoptère. Le pilote et les 2 autres membres d’équipage ont été mortellement blessés. L’aéronef a été détruit; il n’y a pas eu d’incendie après l’impact.

1.0 Renseignements de base

1.1 Contexte

Le 30 avril 2019, 4 jours avant le vol à l’étude, le pilote et les 3 membres d’équipage sont arrivés à Burns Lake (Colombie‑Britannique) pour se préparer à effectuer des vols de surveillance des feux de forêt pour le compte de BC Wildfire Service. L’aéronef à l’étude (C‑FLVN) se trouvait déjà à l’aéroport de Burns Lake (CYPZ), la base principale des opérations de son exploitant (Lakes District Air Service Ltd.).

Le 1er mai 2019, une nacelle ventrale munie d’un capteur d’images a été posée sur l’aéronef (figure 1), conformément au certificat de type supplémentaire (STC) SA4‑662. Les 2 et 3 mai, des vols ont été effectués pour tester et étalonner l’équipement de détection de points chauds souterrains dans des zones où il y avait déjà eu un feu de forêt. Les meilleurs résultats de détection étaient obtenus lorsque l’aéronef volait à une altitude variant entre 3 000 et 4 000 pieds au‑dessus du sol (AGL), à une vitesse‑sol variant de 80 à 90 nœuds, et tôt dans la journée avant que le soleil ne réchauffe des objets au sol, ce qui produisait des signatures infrarourages erronnées.

Figure 1. L’aéronef à l’étude, photographié le matin de l’accident et équipé de la nacelle ventrale munie d’un capteur d’images (Source : Precision Vector Aerial Inc., avec annotation du BST)
L’aéronef à l’étude, photographié le matin de l’accident et équipé de la nacelle ventrale munie d’un capteur d’images (Source : Precision Vector Aerial Inc., avec annotation du BST)

1.2 Déroulement du vol

À 5 h 41Note de bas de page 1 le 4 mai 2019, l’aéronef à l’étude a décollé de CYPZ avec le pilote et 3 membres d’équipage à son bord. Le but du vol était de chercher des points chauds dans 3 sitesNote de bas de page 2 où il y avait déjà eu un feu de forêt. Le plein de carburant avait été fait; l’aéronef avait donc une autonomie de vol d’environ 5,5 heures.

La position de l’aéronef pendant la durée du vol a été suivie par le Northwest Fire Centre (NWFC) du BC Wildlife Service à Smithers; elle a aussi été surveillée par Lakes District Air Service Ltd. grâce à des appareils de repérage placés dans l’aéronef. En plus du suivi électronique du vol, le pilote communiquait par radio avec les répartiteurs du NWFC aux demi‑heures environNote de bas de page 3.

L’aéronef a volé de CYPZ jusqu’au 1er site d’analyse situé à environ 50 milles marins (NM) au nord‑nord‑ouest; il a effectué à cet endroit des passages d’analyse pendant 51 minutes entre 2500 et 3100 pieds AGL.

L’aéronef a ensuite poursuivi sa route jusqu’au 2e site d’analyse, situé à 36 NM plus loin au nord‑nord‑ouest, à 86 NM de CYPZ et à environ 48 NM au nord de Smithers. Des communications par radio (y compris une communication à 8 h 21) ont confirmé que tout fonctionnait normalement après plus d’une heure de travail dans le 2e site. Peu après cette communication par radio, la performance du moteur s’est dégradée. À 8 h 32, le pilote a avisé les répartiteurs du NWFC qu’il se poserait sur la bande d’atterrissage de Silver Hilton Steelhead LodgeNote de bas de page 4, qui se trouvait à environ 2,5 NM au nord‑ouest (figure 2, transmission radio 1).

À 8 h 33, le pilote a émis un signal de détresse Mayday à l’intention des répartiteurs du NWFC indiquant qu’il serait incapable d’atteindre la bande d’atterrissage de Silver Hilton Steelhead Lodge et qu’il se poserait plutôt à 5 milles à l’ouestNote de bas de page 5 de la bande d’atterrissage (figure 2, transmission radio 2).

Figure 2. Trajectoire de vol de l’aéronef à l’étude (ligne pointillée) et événements associés (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Trajectoire de vol de l’aéronef à l’étude (ligne pointillée) et événements associés (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

À 8 h 35, un dernier message du pilote a été reçu; ce message donnait la position de l’aéronef (latitude et longitude), et indiquait que l’aéronef allait atterrir dans les arbres (figure 2, transmission radio 3). Moins d’une minute plus tard, l’aéronef s’est écrasé dans une zone boisée située à proximité de la rivière Babine. La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) émettant sur une fréquence de 406 MHz s’est activée lors de l’impact, et a transmis un signal qui a été reçu par le Centre canadien de contrôle des missions (CCCM). Le CCCM a ensuite relayé l’information au Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS) de Victoria.

Peu après le dernier message radio du pilote, le NWFC a appliqué son plan d’intervention en cas d’urgence qui comprenait l’envoi de 3 hélicoptères de Smithers pour aller à la recherche de l’aéronef à l’étude.

Le 1er hélicoptère est arrivé à la dernière position signalée de l’aéronef à 10 h 36 et, environ 20 minutes plus tard, a localisé le lieu de l’accident à environ 0,4 NM au nord‑est de la dernière position communiquée. On a découvert un survivant près de l’épave. Un 2e hélicoptère, qui transportait une équipe de recherche et de sauvetage locale et un membre de la Gendarmerie royale du Canada, est arrivé au-dessus du site à 11 h 35 et a été en mesure de se poser à proximité; le personnel de l’hélicoptère a rejoint le survivant à 12 h 02. Un 3e hélicoptère a été envoyé à Silver Hilton Steelhead Lodge pour fournir de l’aide supplémentaire au besoin.

À 12 h 46, un hélicoptère Cormorant de recherche et de sauvetage est arrivé sur les lieux de l’accident. Le survivant, qui était grièvement blessé, a été hissé à bord à l’aide d’un treuil, puis transporté à l’hôpital.

1.3 Tués et blessés

Tableau 1. Tués et blessés
Blessures Équipage Passagers Nombre total de personnes à bord
Mortelles 3 0 3
Graves 1 0 1
Légères 0 0 0
Aucune 0 0 0
TOTAL 4 0 4

1.4 Dommages à l’aéronef

L’aéronef a heurté plusieurs cimes d’arbre sur une distance d’environ 500 pieds vers l’est avant de percuter un gros tronc d’arbre, de piquer vers le sol et de s’immobiliser, le nez vers le sol, à la base d’un monticule. L’aéronef a été détruit à la suite de la collision avec les arbres et le relief (figure 3).

Figure 3. L’aéronef à l’étude sur les lieux de l’accident, l’aile droite au sommet d’un arbre (Source : BST)
L’aéronef à l’étude sur les lieux de l’accident, l’aile droite au sommet d’un arbre (Source : BST)

1.5 Autres dommages

Sans objet.

1.6 Renseignements sur le personnel

Les dossiers indiquent que le pilote était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote avait satisfait à son dernier examen médical le 26 avril 2019, 8 jours avant l’accident. Il avait pris sa retraite en 2013 comme pilote d’entreprise et pilote de ligne. Au moment de l’accident, il avait accumulé plus de 46 000 heures de vol, dont 73 aux commandes de l’aéronef à l’étude. Il pilotait au service de Lakes District Air Service Ltd. pour un 2e été.

Le pilote avait effectué une formation périodique et un examen de compétences en pilotage aux commandes de l’aéronef 4 jours avant l’accident. La formation suivie par les pilotes de Lakes District Air Service Ltd. suggérait que les atterrissages forcés aux moments de l’année où le niveau et la vitesse de l’eau dans les rivières sont élevés devraient être faits dans les arbres et non dans l’eau.

Le pilote possédait 3 aéronefs Piper PA‑22 (Tri‑Pacer) qu’il pilotait à des fins récréatives pour un total d’environ 150 heures de vol par an. Ces 3 aéronefs étaient munis d’un moteur à carburateur et d’un système de réchauffage carburateur.

1.7 Renseignements sur l’aéronef

1.7.1 Renseignements généraux

L’aéronef à l’étude, un Cessna 182E fabriqué en 1962, était un monoplan à aile haute et à 4 places principalement fait en aluminium. L’aéronef était muni à l’origine de réservoirs carburant de grande capacité (84 gallons américains, dont 78 utilisables), d’un moteur Continental O‑470‑R de 230 hp, et d’un système de contrôle de la température de l’air du carburateur. L’aéronef avait été importé au Canada en 1973.

En 2004, le moteur Continental O‑470‑R avait été remplacé par un moteur Texas Skyways O‑550F/TS (numéro de série 824089‑R) qui entraînait une hélice Hartzell PHC-C3YF-1RF à 3 pales et à vitesse constante. Les dossiers indiquent que l’aéronef avait été modifié par le biais d’au moins 37 STC, et plusieurs de ces modifications étaient directement liées à la pose du moteur Texas Skyways O-550F/TS. Les changements incluaient des modifications apportées au carburateur, ainsi qu’un remplacement de l’hélice et du bâti moteur. L’aéronef était muni de rallonges de bout d’aile (STC SA93-136), ce qui a augmenté le poids brut maximal au décollage à 2950 livres.

Lakes District Air Service Ltd. a acheté l’aéronef en 2008. La dernière inspection aux 100 heures avait été menée le 9 avril 2019. La dernière entrée relative à la maintenance dans le carnet de route concernait la pose de la nacelle ventrale le 1er mai 2019. On n’a signalé aucune défectuosité.

L’enquête a permis de déterminer que l’aéronef respectait les limites de masse et de centrage pendant le vol à l’étude.

Au moment de l’accident, l’aéronef avait accumulé environ 6548 heures de vol, tandis que le moteur totalisait environ 1736 heures depuis sa dernière révision. Le nombre d’heures maximal permis entre les révisions du moteur est de 2500.

Les dossiers indiquent que le réchauffeur de carburateur de l’aéronef avait fait l’objet de nombreuses réparations et que l’alternateur avait fait l’objet de maintenance de façon récurrente.

1.7.2 Remplacement du moteur Texas Skyways

Le moteur Texas Skyways O-550F/TS est un moteur Continental IO-550-FT de 300 hp modifié par le biais du certificat Texas Skyways STC SE09131SC, principalement par la dépose du système d’injection du carburant et son remplacement par un carburateur modifié. La documentation de Texas Skyways indique que [traduction] « la modification de Texas Skyways détare le moteur à 285 hp à 2700 tr/min en plaçant un point rouge sur le manomètre d’admissionNote de bas de page 6 ». 

La pose du moteur Texas Skyways O-550F/TS dans un Cessna 182E doit être faite conformément au certificat Texas Skyways STC SA09133SC. Ce STC comprend l’obligation de poser un tachymètre numérique, un bâti moteur à niveau et l’un des 3 modèles d’hélice approuvés.

Le carburateur (Marvel Schebler MA-4-5 MOD, numéro de pièce 10-4893-1, numéro de série M3965204) a été modifié par le détenteur d’un certificat de type dans le cadre du STC du moteur Texas Skyways. Au moment de l’accident, il n’y avait aucune sonde de température dans le carburateur, et l’aéronef n’était pas muni d’une jauge de température d’air du carburateur. Ni la sonde de température ni l’indicateur de température d’air du carburateur n’était obligatoire.

1.8 Renseignements météorologiques

Le jour de l’accident, la prévision de zone graphique (GFA) publiée à 4 h 31 et valide à partir de 5 h pendant 12 heures dans les environs de Smithers était la suivante :

Le pilote pouvait avoir accès à cette prévision avant son départ de CYPZ; l’enquête n’a cependant pas pu déterminer s’il l’a obtenue.

La prévision du vent en altitude à 6000 pieds ASL, valide de 2 h à 11 h pour l’aéroport de Smithers, indiquait un vent d’ouest de 21 nœuds.

La station météorologique la plus proche du lieu de l’accident était celle de Nilkitkwa (Colombie‑Britannique); elle était située à environ 14 NM à l’est‑sud‑est, à 3180 pieds ASL, et elle était entretenue par BC Wildfire Services. À 8 h et à 9 h respectivement, la station météorologique de Nilkitkwa a enregistré des températures de surface de 6,5 °C et de 6,7 °C, ainsi que des points de rosée de −0,7 °C et de −1,0 °C. Les températures de surface à l’aéroport de Smithers, à environ 48 NM au sud à 1716 pieds ASL, étaient de 8,8 °C et de 10,8 °C, et les points de rosée étaient de 1,6 °C et de 0,8 °C. Les vents de surface à ces 2 endroits venaient surtout du nord‑nord‑ouest, et soufflaient à une vitesse de moins de 10 nœuds.

Deux caméras récupérées sur les lieux de l’accident contenaient des photographies prises pendant le vol. Une photographie prise pendant que l’aéronef survolait le 2e site, environ 42 minutes avant l’accident, montre la présence d’averses de pluie autour de l’aéronef. Une photographie prise environ 13 minutes avant l’accident montre que l’indicateur de température extérieure (OAT) de l’aéronef affichait 45 °F/7 °C. Les données GPS (système de positionnement mondial) indiquent que l’altitude de l’aéronef était d’environ 5600 pieds ASL à ce moment-là.

1.9 Aides à la navigation et performances de l’aéronef

Le vol était effectué selon les règles de vol à vue dans des conditions météorologiques de vol à vue de jour. L’aéronef était muni d’un GPS Garmin Aera 795. Les données de ce GPS ont été récupérées et sont présentées à la figure 4. L’enquête a permis d’établir que la bande d’atterrissage de Silver Hilton Steelhead Lodge ne figurait pas dans la base de données du GPS, et qu’elle n’avait pas à l’être selon les procédures de la compagnie et la réglementation de Transports Canada.

Le tableau de distance maximale franchissable en vol plané du manuel du propriétaire du Cessna 182J de 1966Note de bas de page 7 donne un taux de vol plané moteur coupé d’environ 10 pour 1, hélice en moulinet et volets rentrés.

Figure 4. Profil d’altitude de l’aéronef à l’étude au cours des 10 dernières minutes du vol (Source : BST)
Profil d’altitude de l’aéronef à l’étude au cours des 10 dernières minutes du vol (Source : BST)

1.10 Communications

Sans objet.

1.11 Renseignements sur l’aérodrome

Sans objet.

1.12 Enregistreurs de bord

L’aéronef n’était pas muni d’un enregistreur de données de vol ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et la réglementation ne l’y obligeait pas.

1.13 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

L’épave se trouvait à environ 500 pieds au nord de la rivière Babine, à environ 5,6 NM à l’est de la bande d’atterrissage de Silver Hilton Steelhead Lodge. Au moment de l’accident, la rivière Babine était en crue, et, compte tenu de son niveau élevé et de son débit rapide, presque aucun banc de gravier ni rivage n’était visible.

L’hélice est demeurée fixée au moteur. Les 3 pales ont été pliées vers l’arrière de manière égale, mais n’ont subi aucun autre dommage, pas même les extrémités ni les bords d’attaque.

Le purgeur de carburant contenait de l’essence d’aviation 100LL, et il n’y avait aucun contaminant dans le bol ou le filtre. La commande des gaz, la commande du mélange et la commande de l’hélice étaient avancées au maximum (pleins gaz, plein riche et plein petit pas).

Les 2 bouchons de réservoir de carburant d’aile étaient bien en place. Le robinet de sélection de réservoir de carburantNote de bas de page 8 était en position « both »; on n’a trouvé aucun contaminant dans les conduites d’alimentation en carburant ni dans le carburateur. Le réchauffeur de carburateur a été écrasé lors de l’impact, et il a été impossible de déterminer son état avant l’impact. Cependant, la commande du réchauffeur de carburateur est demeurée branchée au caisson, et on l’a trouvée en position avancée au maximum (froide). Lors de l’impact, la commande a été déformée à 90 degrés tout juste devant le tableau de bord, ce qui a emprisonné le fil de commande central en position « carb heat cold ». La mesure du vérin à vis des volets a indiqué que les volets étaient entièrement sortis lors de l’impact.

On a récupéré l’épave de l’aéronef sur les lieux de l’accident, et les enquêteurs du BST ont examiné celle-ci. On a envoyé le moteur à un centre de révision certifié pour lui faire subir un examen auquel des enquêteurs du BST assisteraient.

Il a été impossible de faire fonctionner le moteur sur un banc d’essai, principalement à cause des importants dommages par écrasement subis par le carter d’huile; on a donc démonté et inspecté le moteur. On n’a constaté aucune défectuosité mécanique préalable à l’impact pouvant justifier une perte de puissance totale ou partielle. Cependant, on a relevé plusieurs anomalies.

La partie externe de la courroie d’entraînement de l’alternateur (la partie qui ne touche pas aux gorges de poulie) était usée de manière anormale et excessive, et une bonne quantité de poussière de caoutchouc s’était déposée sur la cloison pare‑feu et la section accessoires du moteur. Les dossiers indiquent que l’alternateur avait été remplacé 6 fois depuis la pose du moteur Texas Skyways O-550F/TS en 2004. Les courroies d’entraînement, les fils et les supports de fixation de l’alternateur avaient aussi été remplacés ou réparés à de nombreuses reprises pendant cette période. L’alternateur en place au moment de l’accident était un alternateur Plane Power de 70 A, et il avait été posé par le biais du certificat STC SA10682SC. Le bras tendeur de l’alternateur ne faisait pas partie des types spécifiés dans le certificat STC, et il ne s’agissait pas non plus d’une pièce de Cessna 182 d’origine.

Le démontage a aussi révélé une usure prématurée de certaines pièces à l’intérieur du carburateur.

Conformément à la lettre d’entretien 63-11Note de bas de page 9 de Cessna et à la trousse d’entretien SK 180‑24Note de bas de page 10, la source de chaleur du réchauffeur de carburateur n’était plus le carénage d’origine autour du silencieux, mais un petit carénage sur le collecteur d’échappement gauche. De plus, les cônes d’échappement dans le silencieux avaient été retirés.

1.14 Renseignements médicaux et pathologiques

Rien n’indiquait que le rendement du pilote avait été compromis par la fatigue ou par des facteurs médicaux ou physiologiques.

1.15 Incendie

Il n’y a eu aucun incendie après l’impact.

1.16 Questions relatives à la survie des occupants

L’enquête a permis d’établir que l’aéronef a d’abord touché aux arbres, les ailes à l’horizontale et les volets entièrement sortis, à une vitesse relativement basse. Cependant, pendant que l’aéronef descendait dans les arbres, l’aile droite a heurté un gros arbre, provoquant une descente abrupte qui s’est terminée par un impact au sol, à la base d’un monticule. L’impact de l’aéronef contre la base du monticule a immobilisé brusquement l’aéronef, ce qui a augmenté les forces de décélération.

Le pilote, assis dans le siège avant gauche, et le membre d’équipage, assis dans le siège avant droit, portaient une ceinture sous‑abdominale et une ceinture-baudrier au moment de l’accident. Il n’y avait aucune ceinture-baudrier à l’arrière, et ce n’était pas obligatoire, mais les 2 passagers assis à l’arrière portaient leur ceinture sous‑abdominale. Le membre d’équipage dans le siège arrière gauche a survécu à l’accident et a pu sortir de l’aéronef de lui‑même une fois l’appareil immobilisé. Le pilote et les 2 autres membres d’équipage ont été blessés mortellement au moment de l’impact.

1.17 Essais et recherche

1.17.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

1.18 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

Lakes District Air Service Ltd. est un exploitant du centre‑nord de la Colombie‑Britannique dont l’origine remonte à 1976. Cette entreprise est autorisée à effectuer des travaux aériens et à offrir un service de taxi aérien en vertu des sous‑parties 702 et 703 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) respectivement. Le vol à l’étude a été effectué en vertu de la sous‑partie 702.

1.19 Renseignements supplémentaires

1.19.1 Givrage du carburateur

Le givrage du carburateur est un phénomène au cours duquel la vapeur d’eau en suspens dans l’air gèle et adhère aux surfaces intérieures du carburateur. Ce phénomène se produit parce que la température de l’air qui entre dans le carburateur diminue à cause de l’effet de la vaporisation du carburant et de la diminution de la pression de l’air produite par l’effet Venturi. Si la température de l’air dans le carburateur chute sous le point de congélation, du givre peut se former sur les surfaces intérieures du carburateur, y compris le papillon des gaz.

Le pilotage avec une puissance partielle augmente les risques d’accumulation de givre sur le papillon des gaz et diminue la chaleur du circuit d’échappement disponible pour le système d’antigivrage. Le fait d’utiliser un mélange plus riche augmente l’effet de refroidissement de la vaporisation du carburant. La formation de givre augmente l’effet de refroidissement Venturi à cause du rétrécissement de la gorge du carburateur, et ce rétrécissement diminue la puissance de sortie. Si une grande quantité de givre se forme dans le carburateur et que le réchauffeur de carburateur est réglé au maximum pour la faire fondre, l’eau qui circule alors dans le moteur le fait fonctionner de manière irrégulière, et il perd davantage de puissance, ce qui peut même causer l’arrêt du moteur. Si rien n’est fait pour l’éliminer, le givrage peut rapidement entraîner une défaillance complète du moteur. Pour éviter le givrage du carburateur, les constructeurs d’aéronefs fournissent un système qui sert à chauffer l’air à l’admission et, ainsi, à empêcher l’accumulation de givre.

Pour aider à déterminer si les conditions atmosphériques risquent de produire du givre dans le carburateur, des tableaux comparant la température ambiante extérieure au point de rosée ont été produits (figure 5).

Figure 5. Potentiel de givrage dans le carburateur basé sur les conditions atmosphériques au niveau du sol à Nilkitkwa (Colombie Britannique) (Source : Transports Canada, TP 14371, Manuel d’information aéronautique de Transports Canada [AIM de TC], AIR – Discipline aéronautique [10 octobre 2019], section 2.3, avec annotations du BST)
Potentiel de givrage dans le carburateur basé sur les conditions atmosphériques au niveau du sol à Nilkitkwa (Colombie Britannique) (Source : Transports Canada, TP 14371, Manuel d’information aéronautique de Transports Canada [AIM de TC], AIR – Discipline aéronautique [10 octobre 2019], section 2.3, avec annotations du BST)

Le diagramme indique que, selon la température et le point de rosée à la station météorologique située à 14 NM du lieu de l’accident, au moment de l’événement, les conditions étaient propices à la formation d’une grande quantité de givre dans le carburateur, même à la puissance de croisière. Bien que le point de rosée à l’endroit où se trouvait l’aéronef soit inconnu, la présence d’averses de pluie à proximité indique un taux d’humidité au moins aussi élevé que celui à la station météorologique. Lorsque les données précises sur le point de rosée sont inconnues, la présence de précipitations devrait indiquer aux pilotes qu’à l’égard des conditions atmosphériques, l’humidité relative est élevéeNote de bas de page 11. De plus, la probabilité d’accumuler du givre augmente alors que l’humidité relative s’élève et que la température de l’air tend vers 0°Note de bas de page 12.

Le givre qui se forme dans un carburateur en vol est rarement encore présent après un écrasement, ce qui rend le givrage du carburateur difficile à cerner comme cause de perte de puissance. Néanmoins, les accidents et les incidents mettant en cause le givrage dans le carburateur sont fréquents en aviation. On a établi que la perte de puissance due au givre dans le carburateur a récemment causé 2 accidents aux États‑Unis mettant en cause des aéronefs Cessna 182 à moteur Texas Skyways O-550; le 1er accident est survenu en 2014Note de bas de page 13 et l’autre est survenu en 2018Note de bas de page 14.

1.20 Techniques d’enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Le pilote était médicalement apte et qualifié pour le vol. Les réservoirs de carburant de l’aéronef contenaient suffisamment de carburant pour le vol prévu. Aucun problème de performance n’avait été signalé durant presque 3 heures de vol. Aucune défectuosité mécanique préalable à l’impact justifiant une perte de puissance partielle ou totale n’a été décelée. Par conséquent, la présente analyse porte sur les effets du givre dans le carburateur.

2.2 Givre dans le carburateur

Le démontage du moteur n’a révélé aucune cause mécanique à la perte de puissance du moteur.

Deux accidents survenus récemment aux États‑Unis ont été attribués à la présence de givre dans le carburateur et mettaient en cause un aéronef semblable, ayant subi la même modification moteur, ce qui indique que du givre peut s’accumuler dans le carburateur de ces aéronefs.

La température et l’humidité dans la région où le vol a eu lieu étaient propices à la formation d’une grande quantité de givre dans le carburateur, à n’importe quelle puissance moteur. De plus, la mission rendait nécessaire le vol de l’aéronef à de basses vitesses-sol, ce qui nécessitait une puissance réduite et favorisait encore davantage la formation de givre dans le carburateur. La combinaison du pilotage avec une puissance partielle et des conditions atmosphériques propices à la formation de givre dans le carburateur a probablement causé la formation de givre dans le carburateur.

Les données GPS (système de positionnement mondial) montrent que, lorsque les performances de l’aéronef ont commencé à se dégrader, l’aéronef a amorcé une descente peu prononcée (taux de vol plané d’environ 19 pour 1) qui a duré presque 2 minutes; une telle descente correspond à une puissance moteur réduite. Il s’en est suivi une descente plus prononcée (taux de vol plané d’environ 8 pour 1) qui a duré plus de 3 minutes; une telle descente concorde avec une perte de puissance totale du moteur. Le givre qui s’est probablement formé dans le carburateur aurait initialement réduit la capacité du moteur à produire suffisamment de puissance pour permettre à l’aéronef de maintenir son altitude, et a fini par causer une perte de puissance totale.

La commande du réchauffeur de carburateur a été trouvée en position avancée au maximum (froide). Le pilote possédait 3 aéronefs à carburateur et savait sûrement comment utiliser un réchauffeur de carburateur; il est donc improbable qu’il ne l’ait pas utilisé. D’autres scénarios ont été considérés dans le cadre de l’enquête. Le réchauffeur de carburateur pourrait avoir été utilisé à un moment donné avant l’écrasement, mais il a probablement été remis en position froide avant l’impact. Il est aussi possible, bien que moins probable, que la commande du réchauffeur de carburateur ait été remise en position froide lorsque le réchauffeur de carburateur a été écrasé lors de l’impact. Il a été impossible de déterminer pourquoi le givre accumulé dans le carburateur n’a pas été éliminé totalement ou partiellement par le réchauffeur de carburateur.

L’aéronef n’était pas muni d’un système d’indication de la température de l’air du carburateur, et n’était pas tenu de l’être. Cependant, lorsqu’un aéronef en est équipé, ce système peut indiquer au pilote si les conditions sont propices à la formation de givre dans le carburateur avant que le givre ne commence à s’y accumuler. Si les aéronefs à carburateur ne sont pas munis d’un système d’indication de la température de l’air dans le carburateur, le risque est accru que les pilotes ne soient pas conscients qu’ils se trouvent dans des conditions pouvant entraîner une accumulation de givre dans le carburateur, et qu’ils ne soient donc pas susceptibles de prendre les mesures correctrices appropriées à temps.

2.3 Atterrissage forcé

Après les problèmes de moteur initiaux, le pilote a indiqué qu’il avait l’intention de se poser sur la bande d’atterrissage de Silver Hilton Steelhead Lodge; cependant, il s’en est éloigné et a fait savoir qu’il se poserait à l’ouest de celle‑ci, alors qu’il s’est plutôt écrasé à l’est de la bande d’atterrissage. Cette dernière n’était pas dans base de données GPS de l’aéronef et, en conséquence, il est probable que le pilote ait été incapable de la localiser suffisamment rapidement pour effectuer un atterrissage sécuritaire avant que le moteur ne s’arrête.

La rivière Babine était en crue et aucun banc de gravier ni rivage n’était visible. Dans de telles circonstances, la formation suivie par les pilotes de Lakes District Air Service Ltd. suggérait de faire un éventuel atterrissage forcé dans les arbres et non dans l’eau. Ces facteurs pourraient avoir contribué au fait que le pilote ait décidé d’effectuer un atterrissage forcé dans les arbres plutôt que dans la rivière.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. La combinaison du pilotage avec une puissance partielle et des conditions atmosphériques propices à la formation de givre dans le carburateur a probablement causé la formation de givre dans le carburateur.
  2. Le givre qui s’est probablement formé dans le carburateur aurait initialement réduit la capacité du moteur à produire suffisamment de puissance pour permettre à l’aéronef de maintenir son altitude, et a fini par causer une perte de puissance totale.
  3. Après les problèmes de moteur initiaux, le pilote a indiqué qu’il avait l’intention de se poser sur la bande d’atterrissage de Silver Hilton Steelhead Lodge. Cependant, la bande d’atterrissage n’était pas dans la base de données du système de positionnement mondial de l’aéronef et, par conséquent, il est probable que le pilote ait été incapable de la localiser suffisamment rapidement pour effectuer un atterrissage sécuritaire avant que le moteur ne s’arrête.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si les aéronefs à carburateur ne sont pas munis d’un système d’indication de la température de l’air dans le carburateur, le risque est accru que les pilotes ne soient pas conscients qu’ils se trouvent dans des conditions pouvant entraîner une accumulation de givre dans le carburateur, et qu’ils ne soient donc pas susceptibles de prendre les mesures correctrices appropriées à temps.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1. Le bras tendeur de l’alternateur ne faisait pas partie des types spécifiés dans le certificat STC, et il ne s’agissait pas non plus d’une pièce de Cessna 182 d’origine.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Northwest Fire Centre

Le Northwest Fire Centre (NWFC) a modifié ses procédures d’utilisation normalisées de manière à y inclure la sauvegarde des enregistrements audio des activités de répartition après un incident ou un accident. Les enregistrements sont habituellement conservés pendant 24 heures avant d’être écrasés.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .