Air Tindi Ltd.
Beechcraft King Air 200, C-GTUC
Aéroport de Whatì (Territoires du Nord-Ouest), 21 NM ESE
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 30 janvier 2019, à 8 h 51, heure normale des Rocheuses, l’aéronef exploité par Air Tindi Ltd. (immatriculation C-GTUC, numéro de série BB-268) effectuant le vol TIN503 à destination de l’aéroport de Whatì (CEM3) a décollé de l’aéroport de Yellowknife (CYZF), dans les Territoires du Nord-Ouest, suivant un itinéraire de vol selon les règles de vol aux instruments, avec 2 membres d’équipage à bord. À 9 h 12, alors que l’aéronef amorçait son approche vers CEM3, il y a eu perte de maîtrise pendant sa descente initiale à partir de 12 000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et l’aéronef a heurté le relief à environ 21 milles marins à l’est-sud-est de CEM3, à une altitude de 544 pieds au-dessus du niveau de la mer. Le Centre canadien de contrôle des missions a reçu un signal émis par la radiobalise de repérage d’urgence de 406 MHz de l’aéronef et en a informé le Centre conjoint de coordination de sauvetage de Trenton (Ontario). Les techniciens en recherche et sauvetage sont arrivés sur place environ 6 heures après l’accident. Les 2 membres de l’équipage de conduite ont subi des blessures mortelles au moment de l’impact. L’aéronef a été détruit.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
L'annexe 13 de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) exige des États qui effectuent des enquêtes sur les accidents de protéger les enregistrements des conversations dans le poste de pilotageNote de bas de page 1. Le Canada se conforme à cette exigence en protégeant tous les équipements d'enregistrement embarqués – y compris les enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR) – privilégiés en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Même si le BST peut faire usage de toute l'information que contiennent les enregistreurs de bord dans l'intérêt de la sécurité des transports, il n'est pas autorisé à divulguer sciemment toute partie d'un enregistrement de bord qui n'a aucun rapport avec les causes ou les facteurs contributifs d'un accident ou avec la détermination des lacunes de sécurité.
La raison pour laquelle on protège l'information que contiennent les CVR se fonde sur le principe selon lequel les pilotes continueront de s'exprimer librement et que ces conversations seront mises à la disposition des enquêtes de sécurité. Le BST a toujours pris très au sérieux ses obligations en la matière et a rigoureusement limité l'usage des données des CVR dans ses rapports. À moins que le contenu du CVR soit requis pour étayer un fait établi et cerner un manquement important à la sécurité, il n'est pas inclus dans le rapport du BST.
Pour valider les enjeux de sécurité soulevés par la présente enquête, le BST s'est servi de l'information provenant du CVR dans son rapport. Dans chaque cas, nous avons soigneusement examiné ces renseignements pour nous assurer qu'ils étaient nécessaires pour promouvoir la sécurité des transports.
Le 30 janvier 2019 à 8 h 30Note de bas de page 2, l’aéronef Beechcraft King Air 200 (immatriculation C-GTUC, numéro de série BB-268) exploité par Air Tindi Ltd. (Air Tindi) devait décoller de l’aéroport de Yellowknife (CYZF), dans les Territoires du Nord-Ouest pour effectuer le vol TIN503, qui comprenait 6 étapes :
- une 1re étape; de CYZF à l’aéroport de Whatì (CEM3), dans les Territoires du Nord-Ouest;
- une 2e étape; de CEM3 à l’aéroport de Wekweètì (CYWE), dans les Territoires du Nord-Ouest;
- une 3e étape; de CYWE à l’aérodrome d’Ekati (CYOA), dans les Territoires du Nord-Ouest;
- l’aéronef devait effectuer la route inverse pour revenir à CYZF (figure 1).
Le commandant de bord a rencontré le premier officier à l’aéroport vers 7 h 30 et ils se sont réparti les tâches de préparation de vol.
Vers 7 h 45, l’aéronef a été sorti du hangar et a été avitaillé en préparation du vol. La quantité de carburant à bord de l’aéronef pour la première étape du vol était d’environ 3200 livres.
L’équipage de conduite est monté à bord de l’aéronef en préparation de la 1re étape du vol, d’une durée prévue de 36 minutes. On a commencé à utiliser la liste de vérification après le démarrage à 8 h 42 min 31 s. En exécutant la liste de vérification, le premier officier a constaté que l’indicateur d’assiette commandé par dépression du côté droit n’était pas érigéNote de bas de page 3. Le commandant de bord a affirmé au premier officier que l’instrument commencerait à fonctionner.
À 8 h 44 min 15 s, on a confirmé qu’on en avait terminé avec la liste de vérification après démarrage et le commandant de bord a de nouveau assuré au premier officier que l’indicateur d’assiette du côté droit commencerait à fonctionner.
À 8 h 45, l’aéronef en cause dans l’événement à l’étude a commencé à circuler à partir de la piste 10 en vue de son décollage; le commandant de bord a indiqué qu’il fallait exécuter la liste de vérification pour la circulation au sol, ce qu’il a fait de concert avec le premier officier. Lors des vérifications de circulation au sol, le premier officier a observé que la valeur de l’indicateur de dépression était suffisante et la pression pneumatique a été vérifiée.
À 8 h 47 min 46 s, le commandant de bord a fait l’exposé avant le décollage, qui a mis en évidence les 2 menaces suivantes pour la sécurité du vol :
- un givrage modéré signalé au-dessus de 4000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL);
- des conditions neigeuses et d’accumulation de neige au sol.
En raison des conditions neigeuses, le commandant de bord a indiqué que le train d’atterrissage serait laissé sorti pendant 5 secondes après la rotation pour permettre à toute accumulation de neige ou de neige fondue de se décoller du train d’atterrissage avant la rentrée de ce dernier.
À 8 h 48 min 10 s, le commandant de bord a demandé au premier officier s’il avait des questions; le premier officier lui a répondu qu’il n’en avait aucune.
À 8 h 48 min 15 s, le premier officier a indiqué qu’il fallait exécuter la liste de vérification pour point fixeNote de bas de page 4. Le commandant de bord a indiqué qu’elle avait été exécutée; cependant, l’enquête a déterminé qu’en fait, la liste de vérification pour point fixe n’avait pas été réellement exécutée.
À 8 h 49 min 36 s, le commandant de bord a indiqué qu’il fallait exécuter la liste de vérification pour l’alignement. Le commandant de bord et le premier officier ont commencé à exécuter cette liste de vérificationNote de bas de page 5, tâche qui a été terminée à 8 h 50 min 30 s.
À 8 h 50 min 50 s, le contrôle de la circulation aérienne a autorisé l’aéronef en cause dans l’événement à l’étude à décoller, et l’aéronef s’est dirigé vers le seuil de la piste 10.
À 8 h 51 min 29 s, la puissance de décollage a été appliquée et la course au décollage a commencé. Au cours du premier segment de la course au décollage, le commandant de bord a demandé au premier officier si l’indicateur d’assiette du côté droit ne fonctionnait toujours pas. Le premier officier a confirmé que c’était le cas. L’aéronef a décollé de CYZF à 8 h 51 min 50 s.
À 8 h 53 min 30 s, l’équipage de conduite a commencé à exécuter la liste de vérification après décollage; le premier officier a confirmé qu’elle avait été exécutée à 8 h 53 min 39 s.
À 8 h 54 min 6 s, le commandant de bord a suggéré au premier officier de taper sur l’indicateur d’assiette pour voir s’il était bloqué ou gelé. Le premier officier a répondu que l’indicateur d’assiette n’était toujours pas érigé.
À 8 h 55 min 53 s, le commandant de bord et le premier officier ont de nouveau mentionné que l’indicateur d’assiette du côté droit était inutilisable.
À 8 h 56 min 29 s, l’équipage de conduite a commencé à exécuter la liste de vérification pour l’altitude de 10 000 pieds; on a fini de l’exécuter à 8 h 57 min 7 s.
À 8 h 58 min 29 s, l’aéronef a atteint l’altitude de croisière prévue de 12 000 pieds ASL et le commandant de bord a indiqué qu’il fallait exécuter la liste de vérification en croisière, ce qu’il a fait avec le premier officier.
À 9 h 01 min 1 s, le commandant de bord a embrayé le pilote automatique. Le commandant de bord (qui était le pilote aux commandes à ce moment-là) n’a pas fait l’annonce « AUTOPILOT ON » (pilote automatique en marche) comme l’exigent les procédures d’utilisation normalisées (SOP) de la compagnieNote de bas de page 6, et le premier officier (qui était le pilote surveillant à ce moment-là) n’a pas accusé réception de l’embrayage du pilote automatique comme l’exigent les SOP de la compagnie.
À 9 h 02 min 23 s, l’équipage de conduite a tenté de dépanner l’indicateur d’assiette du côté droit.
À 9 h 05 min 40 s, le commandant de bord a commencé à exécuter la liste de vérification en descente, qui comprenait l’exposé d’approche. Le plan consistait à effectuer l’approche RNAV (GNSS)Note de bas de page 7 de la piste 28 en passant par le point de cheminement OVDOOM, puis à tourner vers la piste 10.
À 9 h 07 min 23 s, le commandant de bord a indiqué qu’il fallait exécuter les listes de vérification en descente et en approche. L’équipage de conduite a commencé à exécuter les 2 listes de vérification.
À 9 h 08 min 10 s, pendant qu’il exécutait la liste de vérification en descente, l’équipage a reçu un appel radio d’un autre aéronef de la compagnie qui avait atterri à CEM3. Au cours de cette communication, l’équipage de conduite de l’aéronef en cause dans l’événement à l’étude a reçu des observations météorologiques et un rapport sur l’état de la piste pour CEM3. L’équipage a informé l’autre aéronef de la compagnie de son intention d’atterrir sur la piste 10.
L’exécution de la liste de vérification pour la descente a pris fin à 9 h 10 min 8 s. À 9 h 10 min 12 s, l’équipage a amorcé la descente initiale vers CEM3. L’exécution de la liste de vérification en approche a pris fin à 9 h 10 min 26 s.
À 9 h 10 min 42 s, le premier officier a transmis un compte rendu de position sur la fréquence de trafic de CEM3. L’aéronef se trouvait alors à 26 milles marins (NM) à l’est de CEM3 et franchissait 10 800 pieds en descente.
À 9 h 11 min 1 s, l’indicateur d’assiette du commandant de bord sur le tableau de bord de gauche a affiché un drapeau rouge « GYRO » et le pilote automatique s'est débrayé. Le commandant de bord a alors commencé à piloter manuellement l’aéronef au moyen d’un tableau de bord partiel. L’aéronef a continué à descendre, et le commandant de bord a tenté d’amorcer une montée. L’aéronef a effectué une brève montée avant de recommencer à descendre.
À 9 h 11 min 12 s, l’aéronef a amorcé un virage à droite sur un cap de 340° magnétique (M). Puis, 38 secondes plus tard, l’aéronef est entré dans un virage progressif à faible inclinaison vers la gauche, qui est devenu un virage serré en piqué incliné à gauche (spirale)Note de bas de page 8 dont l’aéronef n’est jamais sorti.
À 9 h 12 min 14 s, le système d’avertissement et d’alarme d’impact (TAWS) a émis sa première alerte sonore : « CAUTION, TERRAIN » (avertissement, relief).
À 9 h 12 min 16 s, le TAWS a émis une alerte sonore « TERRAIN, TERRAIN » (relief), suivie 2 secondes plus tard par une alerte sonore « PULL UP, PULL UP » (cabrer).
À 9 h 12 min 21 s, le TAWS a émis la dernière alerte sonore [whoop whoop] « PULL UP » (cabrer).
À 9 h 12 min 24 s, l’aéronef a percuté le relief.
La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de 406 MHz de l’aéronef s’est activée et le signal a été reçu par le système de recherche et sauvetage assisté par satellite (SARSAT) à 10 h 03 min. Une position initiale a été déterminée par le SARSAT à 11 h 11.
Le Centre canadien de contrôle des missions a reçu le signal de l’ELT et en a informé le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) de Trenton. Le JRCC a ensuite dépêché un aéronef de recherche et de sauvetage CC-130HE Hercules, qui a décollé de Winnipeg (Manitoba) à 11 h 05.
À 14 h 55 min, le Hercules est arrivé dans la région de l’événement à l’étude et 50 minutes plus tard, l’aéronef en cause a été trouvé. Deux techniciens de recherche et de sauvetage ont été dépêchés et sont arrivés sur les lieux de l’événement à 16 h 31 min. Les 2 membres de l’équipage de conduite ont subi des blessures mortelles. L’aéronef a été détruit.
1.2 Tués et blessés
Blessures | Équipage | Passagers | Nombre total de personnes à bord | Autres personnes |
---|---|---|---|---|
Mortelles | 2 | – | 2 | – |
Graves | 0 | – | 0 | – |
Légères | 0 | – | 0 | – |
Aucune | 0 | – | 0 | – |
TOTAL | 2 | – | 2 | – |
1.3 Dommages à l’aéronef
L’aéronef a été détruit.
1.4 Autres dommages
Environ 3000 livres de carburéacteur ont contaminé l’épave et le sol sur les lieux de l’événement. Les dommages causés à l'environnement se sont limités au lieu principal de l’impact. Il n'y a eu aucun autre dommage matériel.
1.5 Renseignements sur le personnel
1.5.1 Généralités
Les dossiers indiquent que le commandant de bord et le premier officier possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol en vertu de la réglementation en vigueur. L’examen des horaires de travail et de repos du commandant de bord et du premier officier a permis d’écarter la fatigue comme facteur contributif à cet accident. Au cours des 12 mois précédant l’événement, le commandant de bord et le premier officier avaient été jumelés à 9 reprises, au cours desquelles ils avaient accumulé un total de 27 heures de vol en tant qu’équipage de conduite. Un examen du programme de formation des pilotes d’Air Tindi a révélé que le programme satisfaisait à toutes les exigences réglementaires ou les dépassait.
Commandant de bord | Premier officier | |
---|---|---|
Licence de pilote | Licence de pilote professionnel (CPL) | Licence de pilote professionnel (CPL) |
Date d’expiration du certificat médical | 1er septembre 2019 | 1er septembre 2019 |
Heures de vol totales* | 2762 | 566 |
Heures de vol sur type* | 1712 | 330 |
Heures de vol au cours des 7 derniers jours* | 5.1 | 0 |
Heures de vol au cours des 30 derniers jours* | 19.7 | 24.4 |
Heures de vol au cours des 90 derniers jours* | 118.1 | 86.5 |
Heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours* | 118.1 | 86.5 |
Heures de service avant l’événement** | 1.6 | 1.6 |
Heures hors service avant la période de travail | 24 | 48 |
* Les carnets de bord des membres de l’équipage de conduite n’ont pas été retrouvés; toutes les heures sont fondées sur le logiciel de temps de service des équipages d’Air Tindi.
** En fonction de l’arrivée de l’équipage de conduite à l’aéroport 1 heure avant le départ prévu de 8 h 30.
1.5.2 Commandant de bord
Le commandant de bord avait obtenu une licence de pilote professionnel le 26 avril 2006, avec qualification de type sur le de Havilland DHC-7 (DH7) et le Beechcraft King Air 200 (BE20). Sa licence était annotée d’une qualification de vol aux instruments du groupe 1. Le commandant de bord avait commencé à travailler chez Air Tindi le 17 juin 2011.
En janvier 2017, le commandant de bord avait terminé sa formation de perfectionnement au poste de commandant sur simulateur de vol. La formation satisfaisait aux exigences de formation de la compagnie approuvées par Transports Canada (TC) et comprenait des manœuvres de sortie d’assiettes anormales, des virages serrés, la gestion des ressources de l’équipage (CRM), le fonctionnement du système d’alerte de trafic et d’évitement de collision (TCAS) et du dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS). Après la formation sur simulateur, la formation préparatoire au vol de ligne avait été terminée en mars 2017. Le commandant de bord avait alors effectué un total de 45 étapes de vol et 58,7 heures de vol.
Le commandant de bord avait effectué avec succès son dernier vol de vérification de compétence en vol de ligne le 30 juillet 2018 et sa dernière session de formation sur simulateur de vol le 27 janvier 2019. Après sa formation sur simulateur, le commandant de bord avait été recommandé pour son contrôle de compétence pilote (CCP).
Au cours des 12 mois précédant l’événement, le commandant de bord avait accumulé 460,3 heures de vol sur différents King Air 200, dont 31,0 heures sur l’aéronef en cause dans l’événement à l’étude.
Le commandant de bord avait dernièrement reçu une formation sur la gestion des menaces et des erreurs (TEM) de la compagnie dans le cadre de sa formation CRM. La partie théorique de cette formation, assistée par ordinateur, avait été terminée le 15 décembre 2018; elle avait été suivie de la partie pratique en classe, qui s’était terminée le 21 décembre 2018.
Le commandant de bord avait suivi avec succès la formation sur les différences entre les King Air 200 le 13 janvier 2017, et avait réussi le cours de formation périodique sur la liste d’équipement minimal (MEL) le 24 janvier 2019.
Selon le programme de formation d’Air Tindi en place au moment de l’événement, le commandant de bord n’était pas tenu de suivre la formation sur l’organiseur électronique de poste de pilotage (OEPP) indiquée dans le manuel des programmes de formation approuvé par la compagnie. Malgré tout, le commandant de bord avait terminé la formation périodique sur l’OEPP le 19 août 2016.
1.5.3 Premier officier
Le premier officier avait obtenu une licence de pilote professionnel le 5 novembre 2015 et était titulaire d’une qualification de type pour le Beechcraft King Air 200 (BE20). Sa licence était annotée d’une qualification de vol aux instruments du groupe 1. Le premier officier était au service d’Air Tindi depuis le 4 avril 2016.
Le premier officier avait terminé sa formation initiale sur le simulateur de vol du King Air 200 en avril 2018. Au cours de cette formation initiale, il avait reçu une formation sur les manœuvres de sortie d’assiettes anormales. Il avait ensuite suivi sa formation préparatoire au vol de ligne initiale entre le 26 avril et le 24 mai 2018. Le premier officier avait effectué avec succès le dernier vol de vérification de compétence sur ligne le 2 novembre 2018.
Au cours des 12 mois précédant l’événement, le premier officier avait accumulé 339,1 heures de vol sur différents King Air 200, dont 20,9 heures à bord de l’aéronef en cause dans l’événement à l’étude.
Le premier officier avait dernièrement reçu une formation sur la TEM de la compagnie dans le cadre de sa formation CRM. La partie théorique de cette formation, assistée par ordinateur, avait été terminée le 14 décembre 2018. Au moment de l’événement, il n’avait pas encore terminé la partie pratique en classe de la formation CRM en tant que membre d’équipage de conduite.Note de bas de page 9
Le premier officier avait terminé avec succès la formation sur les différences parmi les King Air 200 le 27 avril 2018, et avait terminé le cours de formation périodique sur la MEL le 22 janvier 2019.
Tout comme le commandant de bord, le premier officier n’était pas tenu de suivre la formation OEPP, mais avait suivi une formation OEPP périodique le 10 janvier 2018.
1.6 Renseignements sur l’aéronef
1.6.1 Généralités
Le King Air 200 est un aéronef biturbopropulsé pressurisé, certifié pour le transport d’un maximum de 13 passagers et doté d’un train d’atterrissage escamotable. L’aéronef en cause dans l’événement à l’étude était configuré pour 9 passagers. L’aéronef est certifié pour exploitation par un seul pilote ou 2 pilotes. Dans son manuel d’exploitation des aéronefsNote de bas de page 10, Air Tindi avait précisé que tous les aéronefs multimoteurs devaient compter 2 pilotes, y compris le King Air 200.
Constructeur | Textron Aviation Inc. |
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Type, modèle et immatriculation | Beechcraft King Air 200, C-GTUC |
Année de construction | 1977 |
Numéro de série | BB-268 |
Date d’émission du certificat de navigabilité | 22 mai 1985 |
Total d’heures de vol cellule / Nombre de cycles de la cellule | 20 890,8 heures / 18 863 cycles |
Type de moteur (nombre de moteurs) | Pratt & Whitney Canada, PT6A-42 (2) |
Masse maximale autorisée au décollage | 12 500 livres |
Type(s) de carburant recommandé(s) | Jet A, Jet A-1, Jet B |
Type de carburant utilisé | Jet A-1 |
L’aéronef en cause dans l’événement à l’étude avait été immatriculé au nom d’Air Tindi le 20 février 2002.
La vitesse maximale admissible en exploitation de l’aéronef est de 259 nœuds (vitesse indiquée)Note de bas de page 11 et son facteur de charge en vol maximal avec volets rentrés est de 3,17 g positifsNote de bas de page 12,Note de bas de page 13.
La masse et le centre de gravité se situaient dans les limites prescrites pour toutes les phases du vol à l’étude.
1.6.2 Indicateur d’assiette du côté droit
Un indicateur d’assiette de la série SIGMA-TEK 5000B avait été installé sur le côté droit du tableau de bord (figure 2). Il s’agit d’un instrument à commande pneumatique (commandée par dépression) qui fournit au copilote des informations sur le tangage et le roulis. L’instrument n’est pas muni d’un bouton de blocageNote de bas de page 14 ni d’un drapeau d’avertissement. Il n’y a pas de calendrier d’entretien pour cet instrument.
L’indicateur d’assiette a été récupéré de l’épave en 3 morceaux distincts : la lunette de montage et la face avant, le boîtier arrière de l’instrument et le rotor. Le rotor et le boîtier arrière ont été envoyés au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) pour y être analysés afin de déterminer pourquoi l’instrument ne fonctionnait pas correctement.
Le Laboratoire d’ingénierie du BST a effectué un examen détaillé de l’indicateur d’assiette et n’a trouvé aucun signe que le rotor du gyroscope tournait au moment de l’impact. Les roulements du rotor ont été examinés et aucune anomalie n’a été découverte. En raison de l’ampleur des dommages subis par l’aéronef et ses systèmes, l’enquête n’a pas permis de déterminer pourquoi l’indicateur d’assiette ne fonctionnait pas correctement.
L’historique de la maintenance de ce modèle d’indicateur d’assiette installé sur les King Air 200 exploités par Air Tindi a été examiné. Depuis 2015, ce modèle d’indicateur d’assiette a été retiré 15 fois de divers aéronefs de la flotte d’Air Tindi pour des réparations imprévues; la cause de la défectuosité signalée n’a pas été déterminée dans 5 casNote de bas de page 15. L’atelier de réparation des instruments a confirmé les causes des défectuosités dans les 10 autres cas et a réparé les indicateurs d’assiette. Le temps de service pour les 10 cas confirmés allait d’un minimum de 2,9 heures à un maximum de 766,2 heures. Au moment de l’événement à l’étude, l’indicateur d’assiette installé dans l’aéronef en cause avait accumulé 636,4 heures de service.
Plusieurs équipages de conduite d’Air Tindi avaient constaté qu’à l’occasion, l’indicateur d’assiette commandé par dépression s’érigeait lentement lorsque la température ambiante dans la cabine de l’aéronef s’était refroidie. L’indicateur d’assiette commençait à fonctionner normalement après le réchauffement de la cabine et du poste de pilotage.
Le dépouillement du système de rapports de difficultés en service de TC pour la période d’avril 2014 à avril 2019 a révélé que 3 cas avaient été signalésNote de bas de page 16 au sujet de l’indicateur d’assiette SIGMA-TEK modèle 5000B qui présentait un problème d’indication nécessitant le remplacement de l’instrument (annexe A). Une recherche correspondante dans le système de rapports de difficultés en service de la Federal Aviation Administration (FAA) aux États-Unis pour la même période a révélé 1 incident signaléNote de bas de page 17 au sujet d’un indicateur d’assiette SIGMA-TEK modèle 5000B installé sur le côté droit du tableau de bord d’un King Air C90A, qui avait commencé à basculer 5 minutes après le début du vol. Le pilote était retourné à la base de maintenance et pendant le retour, l’indicateur d’assiette avait recommencé à fonctionner normalement. L’indicateur d’assiette a été remplacé par mesure de précaution.
1.6.3 Indicateur d’assiette du côté gauche
L’aéronef était doté d’un système de guidage de vol intégré Collins FD-109Z, qui consiste en une combinaison d’éléments de guidage, d’afficheurs et de capteurs. Un indicateur du directeur de vol Rockwell Collins (modèle 329B-8Y), monté du côté gauche du tableau de bord, fait partie de ce système. Cet instrument présente un affichage tridimensionnel de l’assiette de l’aéronef, et affiche les commandes de tangage et de roulis. Il est également muni d’un indicateur de taux de virage, d’une aiguille d'écart d'alignement de descente, d’un indicateur de glissade-dérapage et d’un voyant d’alarme pour la hauteur de décision (figure 3). Un onduleur alimente l’instrument avec un courant alternatif (CA) de 26 V. Les données de tangage et de roulis sont fournies à l’indicateur par un gyroscope de référence verticale Rockwell Collins (modèle 332D-11A), monté à distance dans le compartiment avionique avant de l’aéronef. L’enquête a déterminé que l’alimentation électrique en CA de l’instrument était adéquate au moment de l’événement à l’étude.
Selon le manuel de révision de l’instrument, le drapeau « GYRO » rouge est visible en présence de l’une des 5 conditions suivantes [traduction] :
- Perte de la principale source d’alimentation;
- Défaillance de l’alimentation électrique interne;
- Absence d’entrées trifilaires pour les servocommandes du tangage ou du roulis;
- Présence d’une erreur persistante et excessive de valeur nulle dans les servocommandes du tangage ou du roulis;
- Absence du signal ATTITUDE VALID (+28 Vdc [volts en courant continu])Note de bas de page 18.
Lorsque le gyroscope de référence verticale a été récupéré sur les lieux de l’accident, on a constaté qu’il s’était détaché de son support et présentait des signes visibles de dommages causés par l’impact avec le relief. L’instrument a ensuite été envoyé au Laboratoire d’ingénierie du BST aux fins d’analyse afin de déterminer l’état qui avait entraîné l’affichage du drapeau « GYRO » rouge pour le commandant de bord 84 secondes avant l’impact avec le relief. L’enquête a permis de déterminer que le gyroscope présentait des signes de rotation au moment de l’impact. Cependant, les dommages subis par le gyroscope vertical au cours de la séquence de l’accident étaient importants; par conséquent, la raison pour laquelle le drapeau du gyroscope s’était affiché n’a pas pu être déterminée.
Le gyroscope de référence verticale avait été réparé pour la dernière fois et recertifié par un atelier de réparation avionique agréé en mars 2016. Le gyroscope avait été retourné à Air Tindi, et installé sur l’aéronef en cause dans l’incident à l’étude. Au moment de l’événement, le gyroscope de référence verticale avait accumulé environ 390 heures de vol depuis la réparation.
Le dépouillement des systèmes de rapports de difficultés en service de TC et de la FAA pour la période d’avril 2014 à avril 2019 n’a révélé aucun problème signalé à propos du gyroscope de référence verticale Collins 332D-11A. Il n’y a pas de calendrier d’entretien pour cet instrument.
1.6.4 Maintenance
Les dossiers indiquent que l’aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements et aux procédures approuvés en vigueur.
L’entretien de l’aéronef a été effectué principalement par le service d’entretien interne de la compagnie. Le service d’entretien est certifié par TC en tant qu’organisme de maintenance agréé.
On a examiné les inscriptions dans le carnet de route consignées pendant les 30 jours précédant l’événement à l’étude. Aucun défaut technique lié aux indicateurs d’assiette des côtés gauche et droit n’a été consigné au cours de cette période. La dernière inspection régulière de la cellule et du moteur de l’aéronef avait eu lieu le 10 septembre 2018. À ce moment-là, le temps total de vol accumulé par la cellule depuis sa construction était de 20 702,9 heures. Le personnel d’entretien avait effectué la dernière inspection quotidienne le 29 janvier 2019, alors que la cellule avait accumulé 20 890,8 heures de vol.
1.7 Renseignements météorologiques
1.7.1 Renseignements météorologiques reçus par l'équipage avant le départ
Avant de décoller de CYZF, le commandant de bord a communiqué avec le centre d’information de vol à Edmonton (Alberta) pour déposer un itinéraire de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) et a obtenu un exposé météorologique du spécialiste de l’information de vol pour la route prévue.
La prévision de zone graphique (GFA) émise le 30 janvier 2019 à 4 h 31 et valide au moment de l’événement faisait état des conditions météorologiques suivantes pour la route :
- bases des nuages à 2000 pieds ASL et sommets à 22 000 pieds ASL;
- visibilité de 1 à 5 milles terrestres (SM) dans de la neige légère;
- plafonds étendus entre 600 et 1200 pieds au-dessus du sol;
- nuages altocumulus castellanus occasionnels avec des sommets à 24 000 pieds ASL;
- visibilité de ½ SM dans des averses de neige.
Une prévision d’aérodrome (TAF)Note de bas de page 19 pour CYZF publiée le 30 janvier à 8 h 49 min et valide pour la période de 24 heures allant de 8 h le 30 janvier à 5 h le 31 janvier faisait état ce qui suit :
- vents soufflant du 100° vrai (V) à 15 nœuds avec rafales à 25 nœuds;
- visibilité de ¾ SM dans de la neige légère;
- ciel couvert à 1200 pieds AGL;
- temporairement entre 8 h et 11 h : visibilité de 3 SM dans de la neige légère, et ciel couvert à 2000 pieds AGL.
Il n’y a pas de bulletins météorologiques pour CEM3. L’endroit le plus proche pour lequel des bulletins météorologiques pour l'aviation sont émis est l’aéroport de Gamètì/Rae Lakes (CYRA), dans les Territoires du Nord-Ouest, qui se trouve à environ 60 NM au nord de CEM3. À 9 h, soit 12 minutes avant l’accident, CYRA signalait les conditions météorologiques suivantes :
- vents soufflant du 100°V à 9 nœuds;
- visibilité de 2 SM dans des averses de neige légères;
- visibilité verticale de 1800 pieds AGL;
- température de −22 °C, point de rosée de −25 °C;
- calage altimétrique de 29,78 pouces de mercure.
1.7.2 Turbulence et givrage
La carte de givrage, de turbulence et du niveau de congélation pertinente, publiée à 4 h 32 le 30 janvier 2019 et valide au moment de l’événement, prévoyait des conditions suivantes pour la route prévue :
- givrage mixte modéré dans les nuages entre 2000 pieds ASL et 12 000 pieds ASL;
- turbulence modérée inégale entre la surface et 3000 pieds AGL pour les zones situées au sud-est de CYZF.
L’équipage de conduite avait reçu de l’information des services de la circulation aérienne avant le départ, selon laquelle d’autres aéronefs avaient rencontré des conditions de givrage modéré au-dessus de 4000 pieds ASL et de givrage léger au-dessous de 4000 pieds ASL en approche vers CYZF. Pendant le vol, l’équipage de conduite avait vérifié la présence de glace sur les ailes et n’en avait pas vu, tout juste avant de commencer les vérifications en croisière.
1.8 Aides à la navigation
1.8.1 Système d’avertissement et d’alarme d’impact
L’aéronef était doté d’un TAWS. Le TAWS est un instrument autonome installé directement sous l’anémomètre et à gauche du directeur de vol et de l’indicateur de situation horizontale sur le tableau de bord du commandant de bord. Le TAWS fournit un affichage du relief en tout temps et combine des renseignements pour les alertes relatives au relief et au trafic avec des fonctions de cartographie et de navigation. Il émet également des alertes sonores à l’intention de l’équipage de conduite lorsque l’aéronef est trop proche du relief. Le modèle de TAWS installé sur l’aéronef en cause dans l’événement à l’étude a émis les alertes sonores comme prévu. Il peut enregistrer jusqu’à 10 heures de données de vol relatives au TAWS, y compris l’enregistrement des données d’alerte.
Le TAWS a été récupéré et envoyé au Laboratoire d’ingénierie du BST aux fins de récupération et d’analyse des données. La récupération de ces données a permis de créer une représentation visuelle de la trajectoire de vol de l’aéronef à l’étude dans son ensemble (annexe B) et d’analyser les taux de montée et de descente ainsi que les vitesses estimées atteintes dans la dernière partie du vol. Pendant la descente, on a calculé que l’aéronef avait atteint une vitesse maximale de plus de 400 nœuds (vitesse indiquée corrigée ou KCAS) juste avant l’impact, ce qui dépasse la vitesse maximale admissible en exploitation de l’aéronef d’environ 141 nœuds. L’aéronef a également atteint un taux de descente maximal de 35 637 pi/min. On estime que la charge g calculée pendant la tentative de récupération a atteint un maximum de 3 à 4 fois la force de gravité.
Temps avant impact (secondes) | Alerte sonore | Altitude GPS (pieds ASL) | Altitude radar (pieds AGL) | Vitesse verticale (pi/min) | Vitesse anémométrique estimée (KCAS) |
---|---|---|---|---|---|
10 | CAUTION, TERRAIN (AVERTISSEMENT, RELIEF) | 5584 | 3088 | -25 940 | 299 |
9 | 5067 | 3085 | -28 526 | 306 | |
8 | TERRAIN, TERRAIN (RELIEF, RELIEF) | 4544 | 3081 | -31 011 | 313 |
7 | 3991 | 3085 | -33 149 | 323 | |
6 | PULL UP (CABRER) | 3399 | 3080 | -34 932 | 340 |
5 | PULL UP (CABRER) | 2808 | 3081 | -35 637 | 360 |
4 | 2226 | 1837 | -34 901 | 376 | |
3 | [WHOOP, WHOOP] PULL UP (CABRER) | 1692 | 989 | -32 235 | 388 |
2 | 1244 | 538 | -27 393 | 398 | |
1 | 912 | 224 | -20 452 | 404 |
1.8.2 Organiseur électronique de poste de pilotage
Conformément au manuel d’exploitation de vol d’Air TindiNote de bas de page 20, le commandant de bord et le premier officier disposaient d’un organiseur électronique de poste de pilotage (OEPP) basé sur une tablette iPad mini. L’OEPP est pourvu de l’application ForeFlight Mobile (ForeFlight), qui comprend des cartes, des graphiques, des renseignements météorologiques, des manuels et des listes de vérifications nécessaires à la planification et à l’exécution des vols. Cette application, utilisée de concert avec le dispositif Garmin Flight Stream 210 qui était installé dans l’aéronef, fournissait des fonctions de navigation par GPS (système de positionnement mondial) et pouvait servir d’indicateur d’assiette de secours et offrir un mode d’accroissement de la vision pour les 2 pilotes sur leurs iPad mini respectifs, si cette option était sélectionnée. Pour sélectionner ce mode, on appuie sur l’icône appropriée dans une barre d’outils en haut de l’écran. Cette barre d’outils est visible à tout moment lors de l’utilisation de l’application.
Le mode d’accroissement de la vision montre une vue artificielle du relief à l’extérieur de l’aéronef (annexe C). Sur cette image est superposé un indicateur d’assiette qui fournit des renseignements sur le tangage et le roulis. Sur le côté gauche de l’indicateur d’assiette se trouve un ruban indiquant la vitesse sol selon le GPS et sur le côté droit, il y a un ruban indiquant l’altitude et le taux de montée selon le GPS. Au bas et au centre de l’écran se trouve un indicateur de situation horizontale, qui fournit le cap et la route actuels de l’aéronef.
Air Tindi n’avait pas de programme de formation officiel ou écrit concernant l’utilisation du système de référence de cap et d’attitude (AHRS) de ForeFlight. Un programme de formation écrit et officiel sur l’utilisation de ce système n’est pas obligatoire, car l’AHRS consiste en une fonction de sauvegarde de l’application ForeFlight et, par conséquent, n’est pas requise ou approuvée selon la réglementation. Cependant, l’enquête a déterminé que le commandant de bord et le premier officier avaient eu connaissance de cette caractéristique de ForeFlight grâce à la formation vidéo sur cette application.
1.9 Communications
Aucune difficulté concernant la qualité des communications radio n’a été constatée pendant le vol.
1.10 Renseignements sur l’aérodrome
Sans objet.
1.11 Enregistreurs de bord
1.11.1 Enregistreur de données de vol
L’aéronef à l’étude n’était pas doté d’un enregistreur de données de vol (FDR), et la réglementation ne l’exigeait pas.
1.11.2 Enregistreur de conversations de poste de pilotage
Quoique la réglementation ne l’exigeait pasNote de bas de page 21, l’aéronef était doté d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR). Le CVR de l’aéronef a été récupéré et envoyé au Laboratoire d’ingénierie du BST aux fins de récupération et d’analyse des données. Le CVR a capturé des données audio provenant des sources suivantes et qui ont été jugées de bonne qualité :
- enregistrements audio du commandant de bord;
- enregistrements audio du premier officier;
- microphone du poste de pilotage;
- système de communication radio de l’aéronef.
1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact
L’épave a été localisée dans des arbres, à un relèvement de 089°V, à 21 NM de la destination prévue. L’aéronef avait d’abord heurté la cime des arbres en faible assiette de piqué et à grande vitesse, ce qui avait provoqué la dislocation de l’aéronef en un grand nombre de morceaux. Le sillon de l’épave mesurait environ 900 pieds de long, orienté sur un cap de 151°M (figure 4).
Tous les composants structurels principaux de l’aéronef ont été retrouvés sur le lieu de l’accident; l’enquête a donc permis de déterminer que l’aéronef ne s’était pas disloqué en vol. Les 2 moteurs s’étaient séparés de la structure de l’aéronef lors de l’impact. Les 2 hélices s’étaient détachées de leurs moteurs respectifs. Toutes les pales d’hélice étaient toujours fixées à leur moyeu respectif. Comme l’aéronef a été détruit, la continuité des commandes de vol principales n’a pas pu être établie.
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
Rien dans l’enquête ne laisse croire que des facteurs physiologiques aient pu nuire au rendement du commandant de bord ou du premier officier.
1.14 Incendie
Il n’y a pas eu d’incendie.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
L'accident n'offrait aucune chance de survie en raison des forces d’impact.
1.16 Essais et recherche
1.16.1 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP032/2019 – Aircraft Performance Analysis [Analyse des performances de l’aéronef]
- LP050/2019 –Attitude Indicator Examination [Examen de l’indicateur d’assiette]
1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion
1.17.1 Air Tindi Ltd.
Air Tindi, dont le siège social se trouve dans les Territoires du Nord-Ouest, a vu le jour en tant qu’entreprise privée en 1988 et a été vendue à Discovery Air en 2006. La compagnie assure des vols nolisés et des vols réguliers pour le transport de marchandises ainsi que des vols pour urgences médicales.
Air Tindi est autorisée à mener des opérations aériennes commerciales en vertu des sous-parties 702 (travaux aériens), 703 (taxi aérien), 704 (service aérien de navette) et 705 (entreprise de transport aérien) du Règlement de l’aviation canadien (RAC). Elle est autorisée à exploiter le King Air 200 en vertu de la sous-partie 703 du RAC pour les vols de jour et de nuit dans des conditions de vol à vue (VFR) et IFR. La spécification d’exploitation prévoit également le transport de personnes et de marchandises.
Au moment de l’événement à l’étude, Air Tindi exploitait 5 aéronefs King Air 200, dont l’aéronef en cause et 4 autres. Trois des 4 autres étaient des King Air B200GT fabriqués en 2014. Ces 3 aéronefs sont munis d’un ensemble avionique Garmin G1000, qui consiste en un système d’instruments de vol électroniques (EFIS) numériques. Ce système compte 2 écrans de vol principaux, 1 pour chaque pilote, et un écran multifonction se trouvant sur le tableau de bord central. Ces aéronefs sont également munis d’un indicateur d’assiette de secours situé sur le tableau de bord central.
Le 4e aéronef était un King Air 200 fabriqué en 1978. Il comportait un ensemble d’instruments comprenant 2 indicateurs d’assiette à alimentation électrique et un indicateur d’assiette de secours supplémentaire. L’aéronef en cause dans l’événement à l’étude était le seul King Air 200 de la flotte qui n’était pas muni d’un indicateur d’assiette (3e) de secours, et la réglementation ne l’exigeait pas.Note de bas de page 22
Le programme de formation d’Air Tindi comprend un cours axé sur les différences entre les modèles King Air 200Note de bas de page 23 exploités par l’entreprise. Le manuel d’exploitation d’Air TindiNote de bas de page 24 est établi et tenu à jour conformément au paragraphe 703.104(4) du RAC. Le manuel [traduction]
[...] a été préparé pour que le personnel des opérations aériennes s'en serve comme guide dans l’exercice de ses fonctions. Il fournit au personnel de gestion et d’exploitation des instructions et des conseils pour la conduite d’un service aérien sûr et efficaceNote de bas de page 25.
Le chapitre 14 du manuel traite des exigences relatives aux aéronefs et à leurs performances. Ces exigences s’appliquent aux aéronefs exploités en vertu des sous-parties 703, 704 et 705 du RACNote de bas de page 26. La section 14.7 porte sur le signalement des écarts en matière d’entretien et la sous-section 14.7.7 traite précisément des procédures de remise en service technique et stipule ce qui suit [traduction] :
Pour vérifier que l’aéronef est en état de navigabilité (référence RAC 706.06) avant chaque départ, le commandant de bord s’assurera que :
- tous les défauts dans le carnet de route ont été traités et corrigés ou signalés; le vol prévu ne fera pas en sorte que l’aéronef dépasse les délais d’inspection indiqués sur le rapport d’étape se trouvant à la dernière page du carnet de route;
- tout l’équipement nécessaire au vol prévu fonctionne normalementNote de bas de page 27.
1.17.2 Liste d’équipement minimal
Une liste d’équipement minimal (MEL) est un document généré par un exploitant aérien et approuvé par TC qui autorise l’exploitant à utiliser un aéronef avec de l’équipement inutilisable installé à bord, conformément à des conditions particulières. La MEL d’Air Tindi pour le King Air 200 est fondée sur une combinaison de la liste principale d'équipement minimal de la FAA, un supplément à la liste principale d'équipement minimal (MMEL) de TC, et de la configuration particulière de l’équipement de l’aéronef de l’exploitant. Ce document a pour objet d’aider le commandant de bord à déterminer s’il est possible de commencer ou de poursuivre un vol si un système ou une pièce d’équipement devient inutilisable en cours d’exploitation.
L’article 34-3 de la MEL d’Air Tindi pour le King Air 200 traite des systèmes gyroscopiques avec indicateurs d’inclinaison longitudinale et transversaleNote de bas de page 28. Cet article indique que 2 instruments sont habituellement installés et que 1 d’entre eux doit être utilisable pour que l’aéronef puisse être autorisé à décoller. L’article mentionne également les exceptions suivantes [traduction] :
Peut être inutilisable sur le côté droit si :
- Un premier officier n’est pas exigé pour le vol.
- L’aéronef n’est pas muni d’un EFIS ou d’un indicateur gyroscopique électrique de tangage et d’inclinaison asservi.
REMARQUE : Lorsqu’un altimètre électrique asservi est installé, un indicateur pneumatique en état de fonctionnement est exigéNote de bas de page 29.
Dans l’événement à l’étude, l’indicateur d’assiette du côté gauche était un indicateur gyroscopique électrique de tangage et d’inclinaison asservi; par conséquent, l’aéronef ne satisfaisait pas aux exigences minimales de la MEL.
Le commandant de bord et le premier officier avaient tous 2 reçu la formation initiale et l’entraînement périodique sur la MEL d’Air TindiNote de bas de page 30. Selon le manuel des programmes de formation d’Air Tindi, [traduction] « une formation périodique doit être donnée (annuellement, pour [le personnel touché par] la sous-partie 703), ou lorsque cela est nécessaire pour veiller à ce que le personnel de la compagnie soit au courant de toute modification de la MEL ou des procédures relatives à la MEL »Note de bas de page 31.
Parmi les sujets abordés dans le programme de formation, citons [traduction] :
[…]
- l’utilisation spécifique de la MEL;
[…]
- la démonstration pratique de l’utilisation de la MEL par rapport à des situations hypothétiques, à une base de maintenance et à l’extérieur de celle-ci;
- ’utilisation pratique supervisée d’une MEL, jusqu’à ce que le membre du personnel connaisse bien l’emplacement, le contenu et les procédures, y compris celles qui se déroulent à une base de maintenance ou à l’extérieur de celle-ciNote de bas de page 32.
1.18 Renseignements supplémentaires
1.18.1 Pilotage avec un tableau de bord partiel ou limité
Le Guide de test en vol - Licence de pilote professionnel - Avion de TC comprend les exercices qu’un candidat doit effectuer avec succès pour obtenir une licence de pilote professionnel.
L’élément B de l’exercice 24- Vol aux instruments et utilisation des aides de radionavigation se lit comme suit :
B. Tableau partiel
But
Maîtriser et manœuvrer l'avion en vol rectiligne en palier et en virage à l'aide des instruments de vol, mais sans l'utilisation de l'indicateur d'assiette et l'indicateur de cap dans le cas d'un tableau de bord classique ou sans l'utilisation d'un écran principal de vol et l'écran multifonction (instruments de secours et le compas magnétique seulement) dans le cas d'un avion équipé de technologie de pointe. Le virage demandé ne sera pas inférieur à 90° et ne dépassera pas 180°.
Description
En utilisant le tableau partiel, le candidat doit :
- maintenir un vol rectiligne en palier; et sur demande de l'examinateur
- exécuter un virage coordonné et sans interruption, par le plus court chemin, jusqu'au cap spécifié par l'examinateur.
À noter: Une seule (1) correction de cap sera permise pour mieux atteindre le cap spécifié.
Critères d'exécution
L'évaluation sera fondée sur les compétences du candidat à maîtriser et à piloter l'avion en utilisant les techniques appropriées de balayage visuel et d'interprétation des instruments, selon les tolérances suivantes :
- ±15° du cap spécifié;
- ±100 pieds de l'altitude assignée;
- ±10 nœuds de la vitesse assignéeNote de bas de page 33.
Le Guide de test en vol : qualification de vol aux instruments, groupes 1, 2 et 3 - Avion de TC fournit des conseils pour effectuer le test en vol requis pour une qualification de vol aux instruments.
Les éléments B, C et D de l’exercice 11 se lisent comme suit :
11. B. C. D. Mauvais fonctionnement de systèmes et procédures d’urgence
But
Pour déterminer si le candidat a la compétence d’effectuer les vérifications et les procédures recommandées en cas de mauvais fonctionnement de systèmes ou faire face à des situations d’urgence pertinentes au vol IFR conformément aux procédures d’utilisation normalisées, au POH, au AFM ou à d’autres manuels pertinents.
Description
Le candidat effectuera les vérifications et les procédures recommandées selon des mauvais fonctionnements simulés ou des scénarios d’urgence présentés par l’examinateur qui ont un impact sur la continuation d’un vol sécuritaire IFR/IMC [conditions météorologiques de vol aux instruments].
Ces situations doivent correspondre à l’avion utilisé pour le test. Ces items peuvent être effectués au sol ou en vol, cependant, au moins une situation sera évaluée en vol. Néanmoins, l’examinateur déterminera si les performances de l’avion, les conditions météorologiques et d’autres facteurs permettent l’exécution en toute sécurité de ces items en vol.
Voici quelques-uns des cas de mauvais fonctionnement de systèmes qui peuvent être évalués :
- équipement de radio et de navigation;
- système électrique;
- circuit de dépression;
- dispositifs d’antigivrage et de dégivrage;
- tout autre système installé et requis pour un vol IFR.Note de bas de page 34
Le Guide de test en vol : qualification de vol aux instruments, groupes 1, 2 et 3 - Avion ne précise pas le mauvais fonctionnement de quel système doit être simulé lors du test en vol aux instruments.
Le circulaire d’information (CI) 401-004, Conduite des contrôles des compétences de vol aux instruments,suggère que, en fonction de leur niveau d’expérience et de récence en matière de vol aux instruments, les pilotes pourraient souhaiter obtenir « une formation périodique […] afin d’atteindre la compétence nécessaire avant de tenter de faire l’IPCNote de bas de page 35 ». Cela inclut un examen des aptitudes suivantes : « le vol aux instruments de base et le vol avec panneau partiel […] dans un FSTD [dispositif de formation simulant le vol] ou avec un dispositif limitant la vue pour les manœuvres de vol IFR dans des conditions VMCNote de bas de page 36 ». Ainsi, l’exploitant serait tenu de respecter cette intention.
Les examinateurs choisissent les systèmes de l’aéronef pour lesquels on simule des mauvais fonctionnements pendant le test en vol aux instruments; par conséquent, après avoir obtenu une licence de pilote professionnel, il n’y a aucune garantie qu’un pilote devra à nouveau démontrer son aptitude au pilotage avec un tableau de bord partiel.
L’enquête a dépouillé les dossiers du commandant de bord et du premier officier; on n’a pas trouvé d’inscriptions relatives à des évaluations ou des exercices de pilotage avec un tableau de bord partiel ayant eu lieu depuis leurs tests en vol de pilote professionnel respectifs, à l’exception d’une formation spécialisée en manœuvres de sortie d’assiettes anormales.
Le rapport d’enquête aéronautique A08W0068 du BST portait sur la perte de maîtrise et la dislocation en vol d’un aéronef Piper PA-46-350P à Wainwright, en Alberta, causée par la défaillance de l’indicateur d’assiette du pilote et une tentative de pilotage de l’aéronef avec un tableau de bord partiel. Le rapport comprenait une préoccupation liée à la sécurité, qui se lisait en partie comme suit :
Le pilote du Piper PA-46-350P ne s'était pas entraîné au vol à l'aide d'un tableau de bord partiel depuis plusieurs années et il n'était pas tenu de le faire pour obtenir le renouvellement de sa qualification IFR. Qui plus est, il est probable qu'il n'avait pas eu à démontrer ses compétences en pilotage à l'aide d'un tableau de bord partiel depuis l'obtention de sa licence de pilote professionnel ou depuis la formation initiale qu'il avait suivie en vue d'obtenir la qualification de vol aux instruments. Or, de telles compétences se détériorent au fil du temps si elles ne sont pas mises en pratique.
1.18.2 Sortie d'assiettes anormales
1.18.2.1 Exigences de Transports Canada
L’élément C de l’exercice 24, Vol aux instruments et utilisation des aides de radionavigation, dans le Guide de test en vol - Licence de pilote professionnel - Avion de TC, se lit comme suit :
C. Rattrapage d’une assiette anormale
But
Rattraper rapidement d’une assiette anormale en utilisant les instruments de vols, mais sans référence à l’indicateur d’assiette et l’indicateur de cap dans le cas d’un tableau de bord classique ou sans l’écran principal de vol et l’écran multifonction (instruments de secours seulement) dans le cas d’un avion équipé de technologie de pointe.
Description
L’examinateur prendra les commandes pour mettre l’avion dans une assiette de vol anormale, en piqué ou en cabré, puis redonnera les commandes au candidat en lui demandant de reprendre un vol normal. À l’aide d’un tableau partiel ou des instruments de secours seulement, le candidat va récupérer rapidement avec une perte minimale d’altitude d’une assiette anormale.
Critères d’exécution
L’évaluation sera fondée sur les aptitudes du candidat à :
- sur demande, reconnaître une assiette anormale de vol en utilisant seulement les instruments de vol disponibles;
- utiliser les commandes en douceur, de façon coordonnée et selon la bonne séquence d’actions;
- récupérer rapidement au vol en palier stabilisé en utilisant le recoupement et l’interprétation correcte des instrumentsNote de bas de page 37.
La CI 401-004 de TC, Conduite des contrôles des compétences de vol aux instruments,fournit des conseils « pour aider l’examinateur à déterminer si un pilote, cherchant une approbation de mise à jour des connaissances, a les connaissances et les compétences pour un vol sécuritaire dans tous les aspects de vol aux instruments »Note de bas de page 38. La version de la CI de TC qui était en vigueur au moment de l’événement (édition 02) ne contenait aucune indication sur les manœuvres de sortie d’assiette anormale avec tous les instruments de vol disponibles ou sur les manœuvres de sortie d’assiette anormale avec un tableau de bord partiel. En février 2019, TC a publié l’édition 03 de la CINote de bas de page 39. Parmi les modifications apportées au document, on note l’ajout de 2 annexes comprenant des instructions pour les manœuvres de sortie d’assiette anormale avec tous les instruments de vol disponibles et avec un tableau de bord partiel. La version en vigueur au moment de la rédaction du présent rapport (édition 04Note de bas de page 40) comprend également ces annexes.
1.18.2.2 Formation d’Air Tindi sur la sortie d’assiettes anormales
Le programme de formation de l’aéronef Beechcraf King Air 200 (BE20) d’Air TindiNote de bas de page 41 comprend la sortie d’assiettes anormales tant dans la formation initiale que dans la formation périodique.
La sortie d’assiettes anormales fait partie des séances de formation initiale suivantes :
- Programme de formation sur aéronef uniquement, séance 2Note de bas de page 42 : à la fin de la séance, le candidat sera en mesure de faire la démonstration d’une sortie d’assiette anormale.
- Formation sur simulateur - Programme de niveau C, séances 2 A/BNote de bas de page 43 et 5 A/BNote de bas de page 44 : à la fin des séances, le candidat sera capable de sortir d’une assiette anormale.
- Formation sur simulateur - Programme de niveau D, séances 2 A/BNote de bas de page 45 et 6 A/BNote de bas de page 46 : à la fin des séances, le candidat sera capable de sortir d’une assiette anormale.
Les sorties d’assiettes anormales font partie des séances de formation périodique suivantes :
- Programme de formation sur aéronef uniquement, séance 1Note de bas de page 47 : à la fin de la séance, le candidat sera en mesure de faire la démonstration d’une sortie d’assiette anormale.
- Formation sur simulateur - Programme de niveau C ou D, séance 1 A/BNote de bas de page 48 : à la fin de la séance, le candidat sera en mesure de sortir d’une assiette anormale.
Le commandant de bord et le premier officier avaient tous 2 réussi des exercices de sortie d’une assiette anormale dans le cadre de leur formation.
1.18.2.3 Performance de sortie d’assiettes anormales
1.18.2.3.1 Acquisition de compétences et fiabilité du rendement
Les pilotes acquièrent et développent leurs compétences en effectuant physiquement les actions nécessaires à l’exécution d’une tâche, comme le pilotage d’un aéronef dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Il est important que les pilotes acquièrent ces compétences afin d’offrir un bon rendement dans des situations stressantes, comme dans une situation d’urgence. Les pilotes qui ont développé les compétences nécessaires sont plus susceptibles de pouvoir exécuter rapidement une tâche, avec précision et sans trop réfléchir.
1.18.2.3.2 Connaissance de la situation et débrayage du pilote automatique
La conscience situationnelle résulte de [traduction] « l’extraction continue de renseignements sur l’environnement, de leur intégration aux connaissances existantes afin de former un modèle mental cohérent, et de l’utilisation de cette image mentale pour diriger la perception et anticiper les événements à venirNote de bas de page 49 ».
Le traitement des renseignements par les pilotes à chacune de ces 3 étapes, perception, compréhension et projection, doit être infaillible si l’on veut obtenir et maintenir une connaissance exacte de la situation. Durant une approche et un atterrissage, par exemple, l’équipage de conduite doit percevoir les références visuelles pertinentes à l’approche, comprendre ce qu’elles signifient dans le contexte de l’exécution d’une approche, et prédire en quoi ces renseignements influeront sur le profil d’approche. S’il y a une erreur dans la perception initiale d’éléments critiques de l’environnement, les pilotes peuvent mal comprendre le contexte et les dangers qui y sont associés.
Lorsque le pilote automatique est embrayé, les pilotes ne manœuvrent plus manuellement l’aéronef, mais ils conservent un modèle mental de la trajectoire et de la hauteur de vol programmées et surveillent les performances de l’aéronef. Avant de débrayer le pilote automatique et de prendre les commandes de l’aéronef, les pilotes peuvent utiliser des repères externes et des instruments pour rester conscients de la situation. S’il y a un débrayage intempestif du pilote automatique, les pilotes peuvent ne pas avoir le temps de reprendre conscience du profil de vol et donc ne pas être en mesure de reprendre la maîtrise de l’aéronef.
La formation des pilotes comprend la manière de rétablir la conscience de la situation (remise en contexte) si le pilote automatique est débrayé ou s’il y a un débrayage intempestif du pilote automatique, et la manière de rétablir et de maintenir la conscience de la situation en utilisant les instruments de l’aéronef lorsqu’on vole en IMC. S’il y a un débrayage intempestif du pilote automatique alors que l’aéronef est en IMC, il en résulte une charge de travail élevée pour les pilotes. Dans cette situation, non seulement les pilotes doivent conserver la maîtrise de l’aéronef avant d’avoir la possibilité de rétablir leur conscience du profil de vol, mais ils doivent par ailleurs rétablir leur conscience de la situation, ce qui est beaucoup plus ardu en l’absence de repères visuels extérieurs.
1.18.2.3.3 Rétablissement de la conscience de la situation au moyen d’un tableau de bord partiel
La formation des pilotes comprend également la manière de rétablir la conscience de la situation au moyen d’un tableau de bord partiel. Cependant, s’il y a débrayage intempestif du pilote automatique alors que l’aéronef est en IMC et qu’il y a défaillance d’un ou de plusieurs instruments, la charge de travail devient alors très élevée pour les pilotes. Dans ce scénario, non seulement le processus de rétablissement de la conscience de la situation est-il nettement plus difficile sans repères visuels externes, mais encore, il devient également encore plus difficile en l’absence de repères internes suffisants.
Les pilotes qui connaissent des conditions de surcharge cognitive seront vulnérables au biais perceptuel (concentration sélective de l’attention sur des indices spécifiques au détriment du scénario global) et au rétrécissement de l’attention causé par le stress (réduction de leur capacité à surveiller et à traiter les renseignements), et dépendront des autres affichages du poste de pilotage, de la communication avec les autres membres de l’équipage de conduite et de leurs propres perceptions du mouvement et de l’orientation pour pouvoir poursuivre le vol en toute sécurité.
1.18.2.3.4 Susceptibilité à la désorientation spatiale
La désorientation spatiale peut être décrite comme [traduction] « l’incapacité d’un pilote à interpréter correctement l’assiette, l’altitude ou la vitesse d’un aéronef par rapport à la Terre ou à d’autres points de référenceNote de bas de page 50 ».
En plus d’être vulnérables au biais perceptuel et au rétrécissement de l’attention, les pilotes qui font face à des conditions de charge cognitive élevée, par exemple, la tâche de rétablir inopinément la conscience de la situation en l’absence de référence à des repères visuels externes et avec des repères internes insuffisants, courent un risque accru de subir une désorientation spatiale s’ils se fient trop à leurs perceptions du mouvement et de l’orientation.
Grâce aux activités de formation, les pilotes apprennent à gérer individuellement les facteurs liés à l’environnement, à l’aéronef, au pilote et aux manœuvres qui sont souvent présents lorsque se produit la désorientation spatiale. Cependant, si plusieurs de ces facteurs sont combinés lors d’une urgence en vol, le risque de désorientation augmente.
Lorsque les pilotes n’ont pas de repères externes ou internes fiables pour les alerter de l’orientation de l’aéronef, ils peuvent devenir susceptibles à des illusions vestibulaires. Une telle illusion peut amener les pilotes à sentir que l’aéronef est à l’horizontale même s’il est incliné ou en tangage. Cette illusion peut continuer à ne pas être reconnue jusqu’à ce que l’aéronef percute le relief.
1.18.3 Gestion des ressources de l’équipage
La CRM vise à réduire l'erreur humaine en aviation. La CRM est largement acceptée comme étant l'utilisation de tous les moyens humains, matériels et d'information mis à la disposition de l'équipage de conduite pour assurer des opérations aériennes sûres et efficaces.
Comme il est décrit dans la circulaire d’information n° 120-51E de la FAA [traduction] :
[…] la mesure de l'impact de la formation en CRM montre que, après la formation initiale, il va y avoir une amélioration marquée de l'attitude au niveau de la coordination de l'équipage et de la gestion du poste de pilotage. Dans les programmes offrant une formation et une mise en pratique périodiques des concepts de la CRM, des modifications importantes ont été constatées dans le rendement des équipages de conduite pendant l’entraînement type vol de ligne (LOFT) et pendant le vol réel. Les équipes formées à la CRM fonctionnent plus efficacement en équipe et font mieux face aux situations exceptionnelles.
De plus, des recherches montrent qu’en l’absence de renforcement des concepts de la CRM au moyen d’une formation périodique, l’amélioration de l’attitude constatée après la formation initiale a tendance à disparaîtreNote de bas de page 51.
Des chercheurs ont recommandé que, dorénavant, la formation en CRM se fonde sur la prémisse sous-jacente voulant que l'erreur humaine soit inévitable et qu'elle ne puisse être entièrement éliminée, et que l'on voie la CRM [traduction] « comme des mesures pour contrer l'erreur présentant trois lignes de défense »Note de bas de page 52. La 1re défense consiste à éviter les erreurs, la 2e consiste à les détecter avant qu'elles se produisent, et la 3e consiste à atténuer les conséquences des erreurs qui se sont produites avant de pouvoir être détectées.
Au Canada, le paragraphe 725.124(39) de la Norme de service aérien commercial oblige les exploitants d'une entreprise de transport aérien assujettie à la sous-partie 705 du RAC à offrir à tous leurs membres d'équipage de conduite une formation initiale et périodique annuelle en CRM. Cette exigence ne s’appliquait pas aux exploitants assujettis aux sous-parties 703 (taxi aérien) et 704 (service aérien de navette) au moment de l’événement; cependant, Air Tindi a dispensé une formation répondant à ces normes à tous ses membres d’équipage de conduite. Le paragraphe 725.124(39) de la Norme de service aérien commercial exige, dans le cas d'une exploitation relevant de la sous-partie 705 du RAC, que tous les membres d'équipage de conduite reçoivent une formation initiale en CRM couvrant les sujets suivants : la TEM, les communications, la conscience de la situation, la pression et le stress, la fatigue, la gestion de la charge de travail, la prise de décisions, le leadership et la cohésion d’une équipe, la gestion de l’automatisation et de la technologie, et une étude de cas pertinente.
Les catégories de comportement humain précitées ont été décrites en détail dans des documents de recherche en CRM. Dans un exemple portant sur le travail en équipe, il est écrit que [traduction] « de bonnes communications au sein du groupe, une forte conscience de la situation et une compréhension complète du processus de prise de décisions de la part de tous les membres du groupe sont toutes des conditions préalables au développement d'une synergie au sein de l'équipe et à un bon rendement de l'ensemble de l'équipe »Note de bas de page 53.
1.18.3.1 Gestion des menaces et des erreurs
La TEM est un élément clé d’une CRM efficace. Le modèle TEM est un cadre conceptuel :
- que l’on emploie pour décrire la façon dont les équipages de conduite gèrent les situations qui accroissent les risques liés au vol;
- que l’on utilise comme outil pour analyser l’évolution de situations qui ont mené à un événement;
- qui examine les principaux éléments des menaces, des erreurs et des états indésirables des aéronefs;
- qui décrit les contre-mesures qui se sont révélées efficaces pour gérer ces éléments.
Les principes clés de la TEM sont l’anticipation, la reconnaissance et la correction des menaces et des erreurs. La TEM préconise l’analyse attentive des dangers potentiels et la prise des mesures qui s’imposent pour éviter, limiter ou atténuer les menaces et les erreurs avant qu’elles ne mènent à un état de vol indésirable. Les équipages de conduite peuvent détecter une erreur en l’identifiant et en la corrigeant, aggraver une erreur en commettant une erreur ultérieure, ou ne pas réagir parce qu’ils ignorent ou ne détectent pas l’erreurNote de bas de page 54.
Le modèle TEM compte 5 types d’erreurs :
- les erreurs de non-conformité intentionnelle (non-respect des SOP);
- les erreurs de procédure (écarts, manquements dans l’application des procédures);
- les erreurs de communication (l’information est incorrectement communiquée ou interprétée);
- les erreurs de compétence (manque d’habileté et de connaissances pour gérer l’aéronef);
- les erreurs de décision opérationnelle (la décision prise augmente le risque)Note de bas de page 55.
Les comportements de l’équipage les plus courants cités dans la gestion efficace des erreurs comprennent la vigilance, la demande de renseignements et l’assertivité de la part d’un membre d’équipage. Bien que des menaces et des erreurs soient présentes dans la plupart des phases de vol, elles portent rarement à conséquences parce qu’elles sont gérées efficacement par l’équipage. Une gestion efficace des risques dans le poste de pilotage est intrinsèquement liée à une gestion efficace des ressources de l’équipage. Lorsqu’on gère les erreurs [traduction] :
quel que soit le type d’erreur, l’effet d’une erreur sur la sécurité sera établi selon que l’équipage de conduite détecte ou non l’erreur et y réagit avant qu’elle ne conduise à un état indésirable de l’aéronef et à un résultat potentiellement dangereux. C’est pourquoi l’un des objectifs de la TEM est de comprendre la gestion des erreurs (c’est-à-dire la détection et la réponse), plutôt que de se concentrer uniquement sur la causalité des erreurs (c’est-à-dire la causalité et la commission). Du point de vue de la sécurité, les erreurs opérationnelles qui sont détectées à temps et auxquelles on répond rapidement (c’est-à-dire qui sont correctement gérées), les erreurs qui ne conduisent pas à des états indésirables des aéronefs, ne réduisent pas les marges de sécurité des opérations de vol et deviennent donc sans conséquence sur le plan opérationnel. Outre sa valeur de sécurité, une bonne gestion des erreurs représente un exemple de performance humaine réussie, présentant à la fois une valeur d’apprentissage et de formationNote de bas de page 56.
1.18.3.1.1 Utilisation des connaissances et des règles
L’exécution axée sur les connaissances est en grande partie consciente; elle a lieu à mesure que les pilotes doivent affronter de nouvelles situations et les résultats qu'elles produisent. Durant la progression de la formation, les règles qu’ils apprennent entraînent une exécution conditionnelle (« si ... alors ») plus réguléeNote de bas de page 57. Avec l’expérience, la performance devient plus automatique, le pilote réagissant de manière appropriée lorsqu’il perçoit des indices pertinents; par exemple, lorsque A se produit, la personne exécute B. De même, si A ne se produit pas, B ne se produira pas.
1.18.3.1.2 Matériel inutilisable
Selon le tableau de référence des menaces du King Air d’Air Tindi (figure 5), une pièce d’équipement inutilisable, tel qu’un indicateur d’assiette, est considérée comme une menace de catégorie jaune. Cela signifie que les pilotes devraient mettre en place les stratégies TEM appropriées pour faire en sorte que les équipements inutilisables n’entraînent pas de conditions de vol dangereuses. Ces stratégies peuvent inclure des références aux procédures de l’entreprise, à la réglementation applicable et à la MEL du King Air 200.
Légende
* FSS signifie « station d’information de vol ».
** CARS signifie « station radio d’aérodrome communautaire ».
*** RVOP signifie « plan d’exploitation par visibilité réduite ».
**** CCO signifie « centre de contrôle des opérations ».
FATIGUE | CONDITIONS MÉTÉOROLOGIQUES | LONGUEUR DE PISTE | EXPLOITATION PAR TEMPS FROID |
ÉTAT DE LA PISTE | MAINTIEN DES COMPÉTENCES | ÉQUIPEMENT INUTILISABLE | CYFZ : TOUR OU FSS*? |
ÉCLAIRAGE POUR L’APPROCHE | AUTOMATISATION | ÉQUIPAGE AVEC PEU/BEAUCOUP D’HEURES DE VOL | DISPONIBILITÉ DE CARS** |
DISPONIBILITÉ DU CARBURANT | MEL | APPROCHE D’UN TROU NOIR | RVOP*** |
NOTAM | INTERDICTION D’APPROCHE | ENCOMBREMENT DE LA CIRCULATION | ESPACE AÉRIEN CONTRÔLÉ |
COMPLAISANCE | APPROCHE INDIRECTE (CIRCUIT) DE NUIT | DÉPART IFR/VFR | COMM. CCO**** |
AUTRE? |
Dans l’événement à l’étude, les 2 membres de l’équipage de conduite ont estimé que l’indicateur d’assiette du côté droit retardait son érection plutôt qu’il était inutilisable; par conséquent, le tableau de référence des menaces et la MEL d’Air Tindi n’ont pas été consultés.
1.18.3.1.3 Biais cognitif et prise de décisions
Les pilotes travaillent dans un environnement complexe où il existe de multiples sources et types de renseignements à surveiller. L’organisation et la simplification de l’information allègent le fardeau qui pèse sur leur capacité de traitement de l’information. Bien qu’une telle gestion de l’information puisse favoriser un rendement efficace dans certaines conditions, elle peut parfois se traduire par des biais prononcés en matière de performance qui mènent à des décisions non sécuritaires et à une probabilité réduite de reconnaître de telles décisions.
Deux exemples de biais concernant la prise de décisions sont l’heuristique de la représentativité et la disponibilité heuristiqueNote de bas de page 58. L’heuristique de la représentativité est le comportement d’une personne qui diagnostique une situation en ayant recours à l’appariement probabiliste des indices, symptômes ou preuves avec ceux qui sont stockés dans sa mémoire à long terme (dérivés de l’expérience, ou de l’entraînement ou de la lecture de la situation). Si la personne considère que la situation présente une bonne probabilité de concordance, l’état ou le diagnostic est induit, parfois au détriment d’un examen équilibré d’un autre diagnostic possible. La disponibilité heuristique est similaire dans son biais, mais se concentre sur le moment de l’expérience, [traduction] « en ce sens que de manière générale, on se rappelle plus facilement de conditions ou d’événements plus récents dans le monde », c’est-à-dire que le pilote peut poser un diagnostic fondé sur un diagnostic récent concernant cet équipement.
Même si l’on avance une hypothèse initiale lors de la prise de décision, il est toujours possible de revérifier les informations disponibles pour s’assurer que tous les faits ont été pris en compte. En règle générale, plus la personne est incertaine, plus il est probable qu’elle cherche à obtenir des renseignements. Cependant, [traduction] « si l’on est plus confiant que nécessaire dans la justesse de son hypothèse, il est peu probable que l’on cherche à obtenir des renseignements supplémentairesNote de bas de page 59 ». C’est ce qu’on appelle le biais d’excès de confiance.
Une fois qu’une décision a été prise, une personne peut alors percevoir toutes les suppositions ultérieures avec un biais en faveur de la décision initiale (heuristique d’ancrage) et rechercher activement des renseignements et des indices qui confirment la décision, tout en écartant également ceux qui soutiennent une conclusion opposée (biais de confirmation)Note de bas de page 60. Par conséquent, [traduction] « la fausse hypothèse peut être extrêmement résistante à toute correctionNote de bas de page 61 », en particulier lorsque l’expectative est élevée et que l’attention est détournée ailleurs dans le vol, p. ex., vers d’autres menaces liées aux conditions de vol.
Une fois qu’un pilote a formulé une hypothèse sur une certaine situation, elle constitue la base de son modèle mental de cette situation alors qu’il entreprend le vol. Une fois que la décision d’entreprendre le vol a été prise, l’équipage peut alors être exposé au biais de la tendance à s’en tenir au plan. On décrit la tendance à s’en tenir au plan, qui est une forme de biais de confirmation, comme suit [traduction] « une tendance profondément enracinée des gens à poursuivre leur plan d’action initial même quand les circonstances changent et requièrent l’adoption d’un nouveau planNote de bas de page 62 ». La résistance à la modification du plan peut être influencée par des facteurs tels que la perception de la perte ou du gain résultant de la modification du plan. Des recherchesNote de bas de page 63 montrent que, dans des environnements de vol réels, la proximité des objectifs d’un pilote, par exemple l’aéroport de destination, peut influer sur la prise d’une décision en fonction de la perte ou du gain de possibles résultats. À mesure que l’objectif se rapproche, il peut y avoir un glissement naturel vers le « cadre de perte », c’est-à-dire que la modification du plan devient plus négative, ce qui accroît la motivation à poursuivre le plan initial.
1.18.3.1.4 Modifications des modèles mentaux, charge cognitive et biais perceptuel
Bien que les modèles mentaux et les hypothèses sur l’environnement puissent être utiles pour aider une personne à filtrer et organiser rapidement et correctement de grandes quantités de renseignements, et à agir en conséquence, il peut y avoir des discordances lorsqu’il n’y a pas de correspondance entre un modèle mental et une situation donnée. Autrement dit, lorsque des personnes reçoivent des informations contraires à leurs attentes, leur rendement tend à être lent ou inappropriéNote de bas de page 64. Selon le type de scénario et le moment où les informations contraires sont fournies, la charge de travail et l’effort nécessaire pour gérer le changement dans les renseignements, ainsi que le temps dont on dispose par rapport à la gravité potentielle de la conséquence, cette discordance peut également induire une réaction de stress aiguëNote de bas de page 65. Pour les équipages de conduite, cela est dû en partie au fait qu’ils ne s’étaient pas préparés en vue de ce changement de l’information ou de la condition, ainsi que de ses répercussions sur le plan de vol actuel, qu’ils ne l’avaient pas planifié ou n’en avaient pas été informés.
Lorsqu’on se concentre sur une tâche particulière, on recherche généralement les renseignements les plus significatifs dont on a alors besoin, en portant son attention sur les indices importants pour un scénario, souvent au détriment d’autres indices disponibles. Il s’agit d’un phénomène connu sous le nom de biais perceptuelNote de bas de page 66. Avec l’augmentation de la charge de travail et du niveau de stress, il peut se produire un rétrécissement du champ de l’attention visuelle et auditiveNote de bas de page 67 qui exacerbe tout biais perceptuel. Au bout du compte, cela peut entraîner des lacunes dans le balayage des instruments de pilotage et les communications entre les membres de l’équipage, et la négligence des tâches secondaires, comme les communications avec les services de circulation aérienne.
1.18.4 Formation sur la gestion des ressources de l’équipage
Le programme de formation CRM d’Air Tindi comprend de la formation assistée par ordinateur et des présentations et des exercices pratiques en classe. La section 5.15 du manuel des programmes de formation d’Air Tindi décrit comme suit les sujets abordés dans la formation au sol initiale [traduction] :
- attitudes et comportements;
- aptitudes à communiquer;
- résolution de problèmes;
- facteurs humains;
- résolution des conflits;
- prise de décisions;
- développement et maintien de l’esprit d’équipe;
- gestion de la charge de travailNote de bas de page 68.
La partie du programme consacrée aux présentations et aux exercices pratiques en classe incite les participants à prendre part à des événements fondés sur des scénarios et leur donne l’occasion de mettre en pratique les compétences théoriques acquises pendant la formation assistée par ordinateur. Les sujets abordés en classe comprennent la communication, la culture de la sécurité et la TEM.
1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces
1.19.1 Données du système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion
NAV CANADA utilise un système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B) (une technologie de surveillance de la circulation aérienne) pour fournir des services de circulation aérienne au Canada. Au cours des dernières années, Aireon, un consortium international de fournisseurs de services de navigation aérienne, dont NAV CANADA fait partie, a développé une technologie spatiale ADS-B pour surveiller le trafic aérien privé et commercial dans le monde entier.
NAV CANADA décrit le système comme suit :
La constellation NEXT d’Iridium compte 66 satellites LEO, chacun transportant une charge utile ADS-B d’Aireon. […]
Chaque charge utile reçoit des aéronefs des messages ADS-B qui renferment des ensembles de données contenant la position, la vitesse et le cap. Ces comptes rendus de position sont en général livrés à NAV CANADA dans la seconde suivant leur diffusion par le transpondeur de l’aéronef.
Chaque satellite prend 100 minutes pour effectuer une orbite à une altitude de quelque 780 kilomètres et est relié à ses voisins les plus proches de la constellation, créant un réseau dynamique. […]
Grâce à la couverture mondiale d’Aireon, les centres de coordination de sauvetage pourront de plus obtenir l’emplacement et les données de suivi GPS d’un aéronef doté de l’avionique ADS-B dans le cadre d’une alerte, d’une phase de détresse ou d’une situation d’urgence.Note de bas de page 69
L’aéronef à l’étude était muni du système ADS-B. NAV CANADA a fourni les données ADS-B pertinentes au début de l’enquête, et ces renseignements se sont avérés précieux, car ils ont permis d’obtenir une analyse de la trajectoire de vol initiale pour l’événement à l’étude. Les données ont également été comparées aux données sur la trajectoire de vol qui avaient été récupérées par la suite du système TAWS Sandel ST3400 afin d’obtenir un portrait du vol. (annexe B). Si les données du TAWS n’avaient pas été récupérées, les données du système ADS-B auraient été les seuls renseignements dont l’enquête aurait disposé pour déterminer la trajectoire de l’aéronef pendant le vol en cause dans l’événement à l’étude.
2.0 Analyse
2.1 Introduction
L’aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées. À l’exception des indicateurs d’assiette, aucune anomalie mécanique qui aurait pu empêcher le fonctionnement normal de l’aéronef n’avait été signalée ou n’a été trouvée lors de l’examen de l’épave.
L’impact à régime élevé avec le relief a détruit l’aéronef. Cependant, l’enquête a déterminé que les commandes de vol ne présentaient aucune condition qui aurait pu entraîner une perte de maîtrise ou empêcher une récupération réussie à la suite d’une perte de maîtrise.
La turbulence et le givrage n’ont pas été considérés comme des facteurs dans l’événement à l’étude.
L’analyse portera principalement sur les indicateurs d’assiette du côté droit et du côté gauche, la prise de décisions, le pilotage avec un tableau de bord partiel, la sortie d’assiettes anormales et la désorientation spatiale, et l’organiseur électronique de poste de pilotage (OEPP).
2.2 Indicateur d’assiette du côté droit
L’indicateur d’assiette du côté droit n’était pas érigé lorsque l’équipage a exécuté la liste de vérification après démarrage des moteurs. Même si le circuit de dépression fonctionnait dans les limites des paramètres normaux, l’indicateur d’assiette du côté droit ne s’est jamais érigé au cours du vol en cause. L’enquête a déterminé que le rotor du gyroscope ne tournait pas au moment de l’impact; cependant, la raison pour laquelle le rotor du gyroscope ne tournait pas n’a pas pu être établie.
2.3 Indicateur d’assiette du côté gauche
Pour des raisons indéterminées, il y a eu défaillance en vol de l’indicateur d’assiette du côté gauche. Le commandant de bord a alors tenté d’utiliser des techniques de pilotage avec un tableau de bord partiel pour garder la maîtrise de l’aéronef parce que ce dernier se trouvait dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC).
2.4 Prise de décisions
Alors qu’il exécutait la liste de vérification après le démarrage, le premier officier a remarqué que l’indicateur d’assiette du côté droit n’était pas érigé. Cependant, le commandant de bord a indiqué qu’il pensait que l’état de l’indicateur d’assiette n’était que temporaire. Bien que le commandant de bord ait déclaré qu’il n’avait jamais observé cette anomalie sur l’aéronef C-GTUC, il est probable qu’à un moment donné de sa carrière de pilote, il avait connu une situation dans laquelle l’érection de l’indicateur d’assiette à commande pneumatique avait été retardée. Il est donc probable que cette expérience passée ait engendré la conviction que l’état actuel de l’instrument n’était que temporaire, et la décision de décoller de CYZF a alors été prise.
L’équipage de conduite a eu plusieurs occasions de déceler le danger ou la menace que posait le non-fonctionnement de l’indicateur d’assiette du côté droit. La présente partie examinera les raisons possibles derrière la décision de décoller alors que cet instrument ne fonctionnait pas, et les moyens de défense qui étaient disponibles, mais qui n’ont pas permis d’assurer un dénouement positif. Ces moyens de défense comprenaient la liste d’équipement minimal (MEL), la gestion des menaces et des erreurs (TEM) et la gestion des ressources de l’équipage (CRM).
2.4.1 Liste d’équipement minimal
Air Tindi utilise une MEL approuvée par Transports Canada (TC). La MEL sert de mécanisme de défense administratif aux équipages de conduite en fournissant des conseils sur l’exploitation sécuritaire d’un aéronef avec de l’équipement inutilisable à bord.
Dans l’événement à l’étude, l’équipage de conduite n’a pas jugé que l’indicateur d’assiette du côté droit était inutilisable ou ne fonctionnait pas; on a estimé qu’il y avait un retard dans l’érection de l’indicateur, qui se résoudrait de lui-même avant ou du moins pendant le vol. En conséquence, l’équipage n’a pas consulté la MEL d’Air Tindi et a passé outre au processus normalement utilisé pour gérer une pièce d’équipement inutilisable avant le décollage.
Bien que l’équipage ait reconnu juste avant le décollage que l’indicateur d’assiette du côté droit ne fonctionnait pas, on s’attendait à ce que l’instrument se mette à fonctionner à tout moment pendant le vol. Par conséquent, on n’a pas consulté la MEL, et l’aéronef a décollé dans des conditions météorologiques de vol aux instruments avec un indicateur d’assiette qui ne fonctionnait pas.
Si les équipages de conduite ne se conforment pas aux lignes directrices fournies dans la MEL lorsque des systèmes de l’aéronef sont inutilisables, il y a un risque que l’aéronef soit exploité en l’absence de systèmes essentiels à l’exploitation sécuritaire de l’aéronef.
2.4.2 Gestion des menaces et des erreurs
Avant le départ, l’équipage de conduite n’a pas consulté le tableau de référence des menaces du King Air d’Air Tindi.
Une fois que l’équipage de conduite avait supposé que l’état de l’indicateur d’assiette du côté droit n’était que temporaire, il s’attendait fortement à ce que l’indicateur d’assiette s’érige. En conséquence, l’équipage n’a pas envisagé d’autres mesures.
La gestion des menaces et des erreurs par l’équipage n’a pas permis d’atténuer efficacement le risque associé à l’indicateur d’assiette du côté droit, qui était inutilisable.
Une fois que la décision d’entreprendre le vol avait été prise, il était probable que toutes les décisions ultérieures liées au déroulement du vol allaient été prises en fonction de la décision initiale de décoller, possiblement au détriment de l’examen d’autres lignes de conduite, telles que le retour à l’aéroport.
L’équipage de conduite a poursuivi le vol, dont le plan était d’atterrir à sa destination, sans même discuter d’un retour à l’aéroport de Yellowknife (CYZF). L’équipage de conduite a plutôt concentré sa gestion des menaces et des erreurs sur les conditions météorologiques et sur les risques de conditions givrantes ou neigeuses à destination. La combinaison de l’attention portée par l’équipage de conduite aux conditions météorologiques et de la durée du vol (seulement 36 minutes) a augmenté le risque que les biais menant à la décision soient maintenus.
2.4.3 Gestion des ressources de l’équipage
L’équipage de conduite avait reçu une formation sur plusieurs éléments clés de la CRM; cependant, le premier officier n’avait pas encore suivi la partie pratique de la formation en tant que membre d’équipage de conduite. En particulier, les compétences en matière de communication, de résolution de problèmes et de prise de décisions font partie intégrante de ce qu’il faut pour être une équipe efficace. Un travail d’équipe efficace permet d’obtenir :
- un degré élevé de conscience de la situation;
- une compréhension du processus décisionnel;
- des communications efficaces.
Plusieurs événements importants en matière de sécurité se sont produits pendant le vol, alors que le travail d’équipe n’a pas été efficace, ce qui a eu des conséquences malheureuses :
- Le commandant de bord n’a pas consulté le premier officier à propos du problème (défaillance de l’indicateur d’assiette du côté droit), ni demandé son avis sur les mesures à prendre. De plus, le premier officier n’a pas exprimé d’inquiétude au commandant de bord quant au fait d’entreprendre ou de poursuivre le vol alors que l’indicateur d’assiette du côté droit était inutilisable.
- La charge de travail considérablement accrue résultant de la défaillance supplémentaire de l’indicateur d’assiette du côté gauche n’a pas été répartie entre les 2 membres de l’équipage de conduite, probablement en raison de la surcharge cognitive que subissait le pilote aux commandes.
- L’incapacité de l’un ou l’autre des membres de l’équipage de conduite à reconnaître et à communiquer efficacement à l’autre que l’aéronef était dans une assiette inhabituelle.
La gestion des ressources de l’équipage n’a pas été efficace, ce qui a entraîné une rupture de la communication verbale, une perte de conscience de la situation et l’amorce d’une condition dangereuse pour l’aéronef.
2.5 Pilotage avec un tableau de bord partiel
Après la défaillance de l’indicateur d’assiette du côté gauche, il a fallu recourir à des techniques de pilotage avec un tableau de bord partiel pour garder la maîtrise de l’aéronef. Ni TC ni Air Tindi n’exigeaient d’exercices de pilotage avec un tableau de bord partiel, à l’exception des sorties d’assiettes anormales lors des vols de vérification de compétence périodiques du commandant de bord ou de sa formation de transition sur le King Air 200.
Depuis plusieurs années, le commandant de bord ne s’était pas entraîné avec un tableau de bord partiel et n’était pas tenu de le faire lors du contrôle de compétence en vol aux instruments (IPC). Il est probable qu’il n’avait pas été tenu de montrer ses compétences en pilotage avec un tableau de bord partiel ou limité depuis qu’il avait subi son premier test de licence de pilote professionnel en 2006 ou sa formation initiale en vol aux instruments. De telles compétences se détériorent au fil du temps, en l’absence d’entraînement. Par conséquent, il est probable que le commandant de bord n’avait pas les compétences requises pour piloter avec un tableau de bord partiel. La combinaison du mauvais fonctionnement des indicateurs d’assiette à gauche et à droite a probablement dépassé la capacité du commandant de bord à maîtriser l’aéronef en IMC.
Le commandant de bord n’avait pas d’expérience récente de pilotage avec un tableau de bord partiel; par conséquent, les autres instruments n’ont pas été utilisés efficacement, il y a eu perte de maîtrise et l’aéronef s’est mis en piqué en spirale.
2.6 Sortie d’assiette anormale et désorientation spatiale
Lorsque des personnes reçoivent des informations contraires à leurs attentes, elles tendent à réagir lentement ou de manière inappropriée. Pour un environnement de vol critique, cette discordance peut entraîner un biais perceptuel, le pilote se concentrant de manière sélective sur les éléments d’information essentiels pertinents au scénario en évolution, au détriment de la vue d’ensemble. Cette discordance peut également conduire à l’apparition soudaine d’une surcharge de travail cognitif et de stress, avec un rétrécissement de l’attention, ce qui rend un pilote incapable de traiter l’information périphérique.
Il est probable qu’en raison des biais cognitifs en cause dans le diagnostic initial concernant l’indicateur d’assiette du côté droit, le commandant de bord et le premier officier n’étaient pas préparés aux conséquences d’une défaillance de l’indicateur d’assiette du côté droit ou gauche ou d’une défaillance des 2 indicateurs. Après de nombreuses discussions concernant le non-fonctionnement de l’indicateur d’attitude du côté droit, il est probablement devenu évident que cet indicateur était en fait inutilisable. Le caractère discordant de cette information par rapport aux attentes du commandant de bord a probablement nui à son traitement de l’information et l’a distrait de son balayage du tableau de bord.
Lorsqu’il y a eu défaillance de l’indicateur d’assiette du côté gauche, entraînant le débrayage imprévu du pilote automatique en IMC, le commandant de bord a dû soudainement prendre les commandes de l’aéronef avant d’avoir la possibilité de rétablir sa conscience du profil de vol. En outre, le processus de rétablissement de la conscience de la situation a été considérablement entravé par l’absence de repères visuels externes, car l’aéronef était en IMC, et par l’insuffisance des repères internes, en raison du tableau de bord partiel.
Par exemple, avec une illusion vestibulaire, on peut avoir l’impression que l’aéronef se trouve en palier malgré qu’il soit incliné. Sans référence à des repères externes ou internes fiables ou à de l’information de rectification donnée par le pilote qui n’est pas aux commandes pour alerter le pilote aux commandes de l’orientation de l’aéronef, l’aéronef peut continuer dans cette assiette même si le pilote a toujours l’impression que l’aéronef est en palier.
Lorsqu’il y a eu débrayage du pilote automatique, l’aéronef a amorcé une inclinaison à droite, suivie d’une inclinaison très douce, mais de plus en plus marquée vers la gauche, pour ensuite entrer en virage serré en piqué incliné à gauche. Aucun des 2 membres d’équipage n’a parlé du changement d’assiette de l’aéronef. Il est probable qu’à ce stade, le commandant de bord a subi une désorientation spatiale non reconnue. Il est possible que, lorsque le commandant de bord a ramené l’aéronef en position rectiligne et en palier à partir de l’inclinaison droite, l’aéronef se soit mis en palier avec une légère inclinaison gauche. Dans de telles situations, il y a un risque accru que les pilotes dépendent trop de leur perception du mouvement et de l’orientation, ce qui les rend sujets à la désorientation spatiale.
Sans référence aux informations d’assiette, la légère inclinaison vers la gauche aurait commencé à donner l’impression que la trajectoire de l’aéronef était rectiligne et en palier. La présence de nuages, la perte d’un indicateur d’assiette, un pilote automatique débrayé, un manque d’expérience dans la maîtrise de l’aéronef avec un tableau de bord partiel et l’apparition d’un stress aigu avec rétrécissement de l’attention sont autant de facteurs qui ont augmenté le risque de désorientation spatiale.
Les pilotes qui n’ont pas les compétences nécessaires pour voler en toute sécurité avec un tableau de bord partiel ont des chances limitées de se remettre d’une désorientation. De plus, lorsque les pilotes ne détectent pas qu’ils éprouvent une désorientation spatiale, les chances d’agir correctement pour la contrer sont limitées. Le commandant de bord et le premier officier ont probablement subi une désorientation spatiale.
D’après les rapports météorologiques émis pour la journée, il est probable que l’aéronef est sorti des nuages à une altitude d’environ 2000 pieds au-dessus du sol, et il est probable qu’à ce moment, le commandant de bord a retrouvé une référence d’assiette extérieure. Les données du système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B) et du système d’avertissement et d’alarme d’impact (TAWS) qui ont été récupérées indiquent qu’il y a eu une tentative de sortie d’assiette anormale, car il y a eu une réduction importante du taux de descente.
Lors de la tentative de sortie, la vitesse verticale de l’aéronef a été partiellement convertie en vitesse horizontale (voir le tableau 4 au point 1.8.1). On estime que la charge calculée en g pendant cette manœuvre a atteint un pic de 3 à 4 fois la force de gravité, ce qui a probablement dépassé le facteur de charge maximal publié de 3,17 g pour l’aéronef.
Une fois l’aéronef sorti de la couche nuageuse à environ 2000 pieds au-dessus du sol, l’équipage n’a pas pu reprendre la maîtrise de l’aéronef en suffisamment de temps et avec suffisamment d'altitude pour éviter un impact avec le relief.
2.7 Organiseur électronique de poste de pilotage
Les iPad mini fournis à l’équipage de conduite par Air Tindi, en combinaison avec l’application ForeFlight Mobile EFB et le dispositif Garmin Flight Stream 210 installé dans l’aéronef, pouvaient fournir aux 2 pilotes de l’information de vol de base à propos des paramètres suivants :
- tangage et roulis;
- vitesse sol dérivée du GPS (système de positionnement mondial);
- assiette et vitesse verticale dérivées du GPS;
- indicateur de situation horizontale avec le cap actuel;
- vue du relief environnant présentée par le mode d’accroissement de la vision.
Selon les renseignements recueillis au cours de l’enquête, aucun des 2 membres de l’équipage de conduite n’a tenté de sélectionner l’option du système d’accroissement de la vision avec le système de référence de cap et d’attitude (AHRS) de secours qui leur était offerte par l’application ForeFlight.
Comme le montre cet événement, si les équipages de conduite n’utilisent pas toutes les ressources qui sont à leur disposition, il peut se produire une perte de conscience de la situation qui peut augmenter le risque d’accident.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- Pour des raisons indéterminées, il y a eu défaillance en vol de l’indicateur d’assiette du côté gauche.
- Bien que l’équipage ait reconnu juste avant le décollage que l’indicateur d’assiette du côté droit ne fonctionnait pas, on s’attendait à ce que l’instrument se mette à fonctionner à tout moment pendant le vol. Par conséquent, on n’a pas consulté la liste d’équipement minimal et on a décollé dans des conditions météorologiques de vol aux instruments avec un indicateur d’assiette qui ne fonctionnait pas.
- La gestion des menaces et des erreurs par l’équipage n’a pas permis d’atténuer efficacement le risque associé à l’indicateur d’assiette du côté droit, qui était inutilisable.
- La gestion des ressources de l’équipage n’a pas été efficace, ce qui a entraîné une rupture de la communication verbale, une perte de conscience de la situation et l’amorce d’une condition dangereuse pour l’aéronef.
- Le commandant de bord n’avait pas d’expérience récente de pilotage avec un tableau de bord partiel; par conséquent, les autres instruments n’ont pas été utilisés efficacement, il y a eu perte de maîtrise et l’aéronef s’est mis en piqué en spirale.
- Le commandant de bord et le premier officier ont probablement subi une désorientation spatiale.
- Une fois l’aéronef sorti de la couche nuageuse à environ 2000 pieds au-dessus du sol, l’équipage n’a pas pu reprendre la maîtrise de l’aéronef en suffisamment de temps et avec suffisamment d'altitude pour éviter un impact avec le relief.
3.2 Faits établis quant aux risques
Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.
- Si les équipages de conduite ne se conforment pas aux lignes directrices fournies dans la liste d’équipement minimal lorsque des systèmes de l’aéronef sont inutilisables, il y a un risque que l’aéronef soit exploité en l’absence de systèmes essentiels à l’exploitation sécuritaire de l’aéronef.
- Si les équipages de conduite n’utilisent pas toutes les ressources qui sont à leur disposition, il peut se produire une perte de conscience de la situation qui peut augmenter le risque d’accident.
3.3 Autres faits établis
Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.
- Un examen du programme de formation des pilotes d’Air Tindi a révélé que le programme satisfaisait à toutes les exigences réglementaires ou les dépassait.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Air Tindi Ltd.
Après l’accident, Air Tindi Ltd. (Air Tindi) a mené sa propre enquête de sécurité interne et a relevé plusieurs processus et procédures qui pourraient être améliorés. En conséquence, Air Tindi a pris les mesures suivantes :
- Réunions avec les employés pour discuter des points suivants :
- l’importance de l’exposé sur la gestion des menaces et des erreurs (TEM);
- l’importance du fil de conversation obtenu lorsque le pilote surveillant passe en revue les menaces, suivi du pilote aux commandes;
- l’importance d’utiliser tous les outils à sa disposition pour atténuer les menaces.
- Examen des listes d’équipement minimal (MEL) des aéronefs de la compagnie afin :
- d’éliminer toute phrase ou formulation susceptible d’entraver leur utilisation par l’équipage de conduite;
- de créer un document récapitulatif pour chaque MEL afin d’expliquer les termes pouvant être ambigus.
- Création d’un nouveau modèle de MEL qui comprend une section « Remarques », dans laquelle on peut clarifier des termes précis, ainsi qu’un exemple de mention inscrite dans le carnet de route, à l’intention de l’équipage de conduite.
- Modification du programme et du matériel de formation à la gestion des ressources de l’équipage.
- Modification du matériel de formation sur l’organiseur électronique de poste de pilotage pour y inclure l’utilisation du mode d’accroissement de la vision.
- Normalisation et étiquetage du type d’alimentation électrique pour tous les indicateurs d’assiette de la flotte de King Air de la compagnie.
- Installation d’un indicateur d’assiette (un 3e) de secours dans tous les aéronefs qui n’en avaient pas.
- Ajout de cache-instrument avec ventouse dans tous les aéronefs, afin que les instruments défaillants soient recouverts et pour éviter les distractions.
- Établissement de durées de vie assurées pour tous les indicateurs d’assiette installés dans les aéronefs de la compagnie.
- Modification de tous les programmes de formation sur simulateur d’aéronef et de formation au pilotage pour y inclure des exercices de pilotage avec un tableau de bord partiel.
- Relocalisation de 6 indicateurs d’assiette de secours dans les aéronefs de la compagnie, qui ne se trouvaient pas dans le principal champ de vision du commandant de bord.
- Établissement de la TEM comme objectif de sécurité précis pour l’entreprise.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes
Annexe A - Rapports de difficultés en service de Transports Canada concernant l’indicateur d’assiette SIGMA-TEK modèle 5000B
20160706012 - King Air B200 [traduction]
LE PILOTE A SIGNALÉ UNE DÉFAILLANCE DE L’HORIZON ARTIFICIEL (OU INDICATEUR D’ASSIETTE) DU CÔTÉ DROIT. L’HORIZON ARTIFICIEL A ÉTÉ REMPLACÉ PAR UN MODÈLE RÉVISÉ ET SON FONCTIONNEMENT A ÉTÉ VÉRIFIÉ : EN BON ÉTAT DE SERVICE; L’AVION A ÉTÉ REMIS EN SERVICE D’EXPLOITATION NORMALE.
20170112006- Cessna U206F [traduction]
LE PILOTE A SIGNALÉ QUE L’HORIZON ARTIFICIEL DONNAIT DES INDICATIONS ERRONÉES. REMPLACÉ PAR UN MODÈLE RÉVISÉ; FONCTIONNEMENT VÉRIFIÉ : EN BON ÉTAT DE SERVICE.
20170424014- King Air B200 [traduction]
LE PILOTE A INDIQUÉ QUE L’HORIZON ARTIFICIEL DU COPILOTE ÉTAIT INUTILISABLE. REMPLACÉ PAR UN MODÈLE RÉVISÉ. FONCTIONNEMENT VÉRIFIÉ : EN BON ÉTAT DE SERVICE.