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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A20A0001

Sortie en bout de piste
WestJet Airlines Ltd.
Boeing 737-8CT, C-FUJR
Aéroport international Stanfield d’Halifax (Nouvelle-Écosse)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 5 janvier 2020, l’aéronef Boeing 737-8CT (immatriculation C-FUJR, numéro de série 60130) exploité par WestJet Airlines Ltd. effectuait le vol WJA248 selon les règles de vol aux instruments de l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (Ontario), à destination de l’Aéroport international Stanfield d’Halifax (Nouvelle-Écosse), avec à son bord 172 passagers et 6 membres d’équipage. L’équipage de conduite avait initialement prévu une approche vers la piste 05 à l’Aéroport international Stanfield d’Halifax. Toutefois, environ 14 minutes avant l’atterrissage, en raison de la baisse du plafond et de la visibilité, l’équipage a demandé de passer à une approche vers la piste 14 à l’aide du système d’atterrissage aux instruments. À 12 h 07, heure normale de l’Atlantique, l’aéronef s’est posé sur une piste mouillée recouverte de neige avec une composante de vent arrière. Après le toucher des roues, l’aéronef n’a pas pu s’arrêter et il a dépassé l’extrémité de la piste 14. L’aéronef s’est immobilisé dans la neige, la roue avant à environ 300 pieds (91 m) au-delà de l’extrémité de la piste. Personne n’a été blessé et l’aéronef n’a subi aucun dommage. Il n’y a pas eu d’incendie après impact, et la radiobalise de repérage d’urgence ne s’est pas déclenchée.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 5 janvier 2020 à 10 h 17Note de bas de page 1, l’aéronef Boeing 737-8CT (immatriculation C-FUJR, numéro de série 60130) exploité par WestJet Airlines Ltd. (WestJet) a décollé de l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) (Ontario) pour effectuer un vol selon les règles de vol aux instruments à destination de l’aéroport international Stanfield d’Halifax (CYHZ) (Nouvelle-Écosse), avec à son bord 172 passagers et 6 membres d’équipage. Le commandant de bord était le pilote aux commandes (PF), et le premier officier était le pilote qui n’était pas aux commandes (PNF).

Alors qu’il était en route, l’équipage de conduite a obtenu les conditions météorologiques de 11 h pour CYHZ. Celles-ci indiquaient les renseignements suivants :

Les procédures d’approche de navigation de surface (RNAV) pour la piste 05 étaient en service et la procédure d’approche ILS ( système d’atterrissage aux instruments) pour la piste 14 était disponible. Les vents rapportés, y compris les rafales, devaient entraîner une composante vent debout de 22 nœuds pour la piste 05 ou une composante vent arrière de 9 nœuds pour la piste 14Note de bas de page 2.

L’équipage de conduite a programmé l’arrivée et l’approche RNAV de qualité de navigation requise (RNP) pour la piste 05 dans l’ordinateur de gestion de vol (FMC). Il a ensuite obtenu la distance d’atterrissage pour la piste 05 au moyen du système embarqué de communications, d’adressage et de compte rendu (ACARS), qui indiquait une distance requise de 7234 pieds avec des volets réglés à 30° et le circuit de freinage automatique réglé au niveau 3Note de bas de page 3. D’après la masse et le réglage des volets de l’aéronef, l’équipage de conduite a calculé une vitesse de référence d’atterrissage (Vref) de 147 nœuds et, en tenant compte des vents, une vitesse d’approche cible de 162 nœudsNote de bas de page 4.

À 11 h 27, l’aéroport a publié un compte rendude l’état de la surface de la piste (RSC) indiquant que les 160 pieds du milieu des 2 pistes, de 200 pieds de largeur chacune, étaient couverts à 100 % d’une trace de neige mouillée, et que le reste de la largeur de chaque côté était à 100 % couvert de 2 pouces de neige mouillée.

À 11 h 43, l’équipage a obtenu les conditions météorologiques à jour au moyen de l’ACARS. Le message d’information MikeNote de bas de page 5 du service automatique d’information de région terminale (ATIS)Note de bas de page 6 avait été émis à 11 h 30 et indiquait que la visibilité avait diminué à 5/8 SM dans de la faible neige et que le plafond avait diminué à 200 pieds AGL. Des turbulences modérées ont également été signalées entre 1000 pieds AGL et 3000 pieds AGL.

À 11 h 53, soit environ 14 minutes avant l’atterrissage, l’équipage de conduite a été informé par le contrôleur du centre de contrôle régional de Moncton (contrôleur du centre) que le plafond était à 200 pieds AGL et que les vents soufflaient du 020°M à 17 nœuds, avec des rafales à 27 nœuds. Étant donné que le plafond était inférieur aux conditions minimales requises pour une approche RNAV (RNP) vers la piste 05, l’équipage de conduite a demandé d’effectuer une approche ILS vers la piste 14, dont les conditions minimales d’atterrissage étaient inférieures. L’équipage de conduite a ensuite syntonisé la fréquence du contrôleur terminal de CYHZ.

À 11 h 55, alors que l’aéronef se trouvait à environ 45 milles marins (NM) de CYHZ et franchissait en descente les 13 000 pieds au-dessus du niveau de la mer, l’équipage de conduite a reçu l’autorisation d’effectuer l’approche ILS vers la piste 14 et a reçu l’instruction de se rendre au repère intermédiaire TETAR (annexe A).

En se préparant au changement de piste, les membres de l’équipage de conduite ont évalué, de tête, que le vent debout pour la piste 05 signifiait un vent de travers pour la piste 14, puisque les pistes sont perpendiculaires. D’après cette évaluation du vent, l’équipage de conduite a estimé que la piste 14 était suffisamment longue pour y atterrir et il n’a ni demandé à obtenir de nouvelles données de l’ACARS, ni révisé la vitesse d’approche cible à partir des calculs pour la piste 05. Toutefois, l’équipage de conduite n’a pas réalisé que le vent engendrait en fait une composante vent arrière de 15 nœuds sur la piste 14, ce qui était supérieur à la composante vent arrière maximale de 10 nœuds établie par WestJet pour l’atterrissageNote de bas de page 7.

En raison du changement de piste, la charge de travail de l’équipage de conduite a augmenté alors qu’il se préparait à la nouvelle approche en reprogrammant le FMC et en configurant l’approche ILS vers la piste 14.

Pendant que l’aéronef descendait vers CYHZ, les chasse-neige de l’aéroport étaient à l’œuvre sur la piste 14. Les véhicules ont été sur la piste de 11 h 05 à 11 h 54 environ, puis ils sont allés déneiger la piste 05.

À 12 h 01, environ 6 minutes avant l’atterrissage, le contrôleur terminal a informé l’équipage de conduite que la portée visuelle de piste (RVR) était de 4000 pieds et que l’intensité des feux était réglée au niveau 5Note de bas de page 8, puis il a demandé à l’équipage de passer à la fréquence de la tour de CYHZ.

À l’approche du repère intermédiaire TETAR, l’équipage de conduite s’est rapporté au contrôleur tour, qui lui a fait savoir que les vents soufflaient du 010°M à 14 nœuds, avec des rafales à 23 nœuds, et que la RVR était de 4000 pieds. L’équipage de conduite a demandé s’il y avait des rapports de freinage provenant d’autres aéronefs. Étant donné que tous les atterrissages récents avaient été effectués sur la piste 05, aucun rapport de freinage n’était disponible pour la piste 14.

L’équipage de conduite a effectué la liste de vérification de l’approche par visibilité réduite, même si ce n’était pas nécessaire puisque la visibilité était supérieure à ½ SM.

À 12 h 03, alors que l’aéronef se trouvait à 9,6 NM de CYHZ, il a intercepté l’ILS de la piste 14. À ce moment-là, la vitesse indiquée et la vitesse sol de l’aéronef étaient respectivement de 186 nœuds et de 194 nœuds, et les volets étaient réglés à 5°. En même temps, environ 4 minutes avant l’atterrissage, le contrôleur tour a informé l’équipage de conduite que les vents soufflaient du 20°M à 17 nœuds, avec des rafales à 23 nœuds, puis il lui a donné l’autorisation d’atterrir sur la piste 14.

L’équipage de conduite a effectué une approche stable, et il a sorti le train d’atterrissage et a réglé les volets à 30° avant le repère d’approche finale IMANO, qui est situé à 4,1 NM du seuil de piste. La vitesse indiquée était de 163 nœuds et la vitesse sol de 171 nœuds.

À l’approche, des rafales ont soufflé sur l’aéronef, ce qui a engendré des turbulences allant de légères à modérées et a produit un vent arrière variant entre 10 et 15 nœuds. Le pilote automatique était activé et l’aéronef a subi de légers écarts d’alignement de descente.

Environ 1 minute avant l’atterrissage, le contrôleur tour a fourni les dernières données sur le vent à l’équipage de conduite, l’informant que les vents soufflaient du 010°M à 19 nœuds (figure 1). L’équipage de conduite a poursuivi l’approche, sans savoir que les vents engendraient une composante vent arrière de 13 nœuds.

Figure 1. Schéma de l’aéroport avec vecteurs indiquant les vents et les pistes prévues et réelles (Source : NAV CANADA, Supplément de vol – Canada, avec annotations du BST)
Schéma de l’aéroport avec vecteurs indiquant les vents et les pistes prévues et réelles (Source : NAV CANADA, Supplément de vol – Canada, avec annotations du BST)

À 12 h 06 min 43 s, l’aéronef a atteint la hauteur de décision de 200 pieds AGL. L’équipage avait la piste en vue et a poursuivi l’atterrissage. Sept secondes plus tard, alors qu’il était en courte finale et à environ 100 pieds au-dessus de la hauteur du seuil, le PF a désactivé le pilote automatique. À 12 h 06 min 54 s, en raison des rafales, l’aéronef est descendu sous l’alignement de descente à un taux de descente suffisant pour que le système d’avertissement de proximité du sol amélioré (EGPWS) émette une alerte sonore « SINK RATE » [taux de descente] juste avant que l’aéronef n’entre en arrondi. À 12 h 06 55 s, l’aéronef a franchi le seuil à une hauteur de 35 pieds AGL. Au cours de l’arrondi, la vitesse a varié entre 160 nœuds et 164 nœuds.

À 12 h 06 min 59 s, l’aéronef a touché le sol à environ 1200 pieds du seuil de la piste 14, à une vitesse sol de 173 nœuds. Au toucher des roues, les aérofreins et les inverseurs de poussée se sont activés. Le circuit de freinage automatique s’est activé durant 8 secondes après le toucher des roues, ce qui a produit une décélération moyenne de 7,5 pi/s2, taux correspondant au niveau 3 du frein automatique. L’inversion de poussée maximale a été atteinte à 12 h 07 min 6 s, alors que l’aéronef passait sous la vitesse sol de 144 nœuds et qu’il restait une longueur de piste de 4400 pieds.

À 12 h 07 min 9 s, alors qu’il restait une longueur de piste d’environ 4000 pieds, le PF a déterminé que l’aéronef ne décélérait pas comme prévu et a actionné les freins manuellement, ce qui a désactivé le freinage automatique. Compte tenu du vent de travers venant de la gauche, un freinage asymétrique a été commandé, avec freinage maximal à droite, pour maintenir l’alignement sur l’axe de piste.

À 12 h 07 min 11 s, le système d’antidérapage s’est activé en raison de l’état de la piste et est probablement demeuré actif pendant le reste de la course.

À 12 h 07 min 23 s, alors que l’aéronef passait sous la vitesse sol de 68 nœuds (vitesse indiquée de 60 nœuds), avec une longueur de piste restante de 1700 pieds, les leviers d’inversion de poussée ont été mis au cran de ralenti, conformément aux procédures d’exploitation normalisées de la compagnieNote de bas de page 9, et le PF a réduit la force de freinage.

À 12 h 07 min 32 s, le PF a constaté que l’aéronef ne ralentissait pas assez pour négocier le virage vers la voie de circulation à l’extrémité de la piste et a de nouveau freiné à fond. Toutefois, comme le système d’antidérapage était actif, la pression accrue des freins n’a eu aucun effet sur la décélération. À 12 h 07 min 42 s, l’inversion de poussée maximale a été commandée alors que la vitesse au sol de l’aéronef était de 30 nœuds et qu’il restait une longueur de piste d’environ 200 pieds.

À 12 h 07 min 45 s, l’aéronef a poursuivi sa course au-delà de l’extrémité de la piste à une vitesse de 26 nœuds. Il s’est immobilisé à environ 300 pieds (91 m) au-delà de l’extrémité de la piste, sur de l’herbe recouverte de neige et dans l’aire de sécurité d’extrémité de piste (RESA) (figure 2).

Figure 2. Aéronef de l’événement à l’étude (Source : BST)
Aéronef de l’événement à l’étude (Source : BST)

Après l’immobilisation, l’équipage de conduite a informé le contrôleur tour que l’aéronef avait dépassé l’extrémité de la piste, et les services de Sauvetage et lutte contre les incendies d’aéronefs (SLIA) ont été dépêchés. Lorsque les services de SLIA sont arrivés sur les lieux, ils ont signalé que l’aéronef ne portait pas de signes visibles de dommages.

Étant donné que personne n’a été blessé, les passagers et l’équipage sont restés à bord de l’aéronef jusqu’à ce que des autobus arrivent pour les transporter jusqu’à l’aérogare. Le 1er bus est arrivé à 12 h 44 et le dernier passager a débarqué à 14 h 15. L’équipage a débarqué peu de temps après.

En attendant les autobus, l’équipage de conduite s’affairait à effectuer la coordination avec la compagnie et la tour. L’équipage de conduite a reçu un message ACARS du contrôleur de maintenance demandant de couper l’alimentation électrique de l’enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) et de l’enregistreur de données de vol (FDR) en tirant les disjoncteurs C7, C8, C9 et C10Note de bas de page 10. L’équipage de conduite a tiré les disjoncteurs indiqués dans le message de maintenance; toutefois, sur cet aéronef, le disjoncteur du CVR se trouvait à l’emplacement D6. Par conséquent, l’alimentation du CVR a été maintenue, et l’enregistrement de l’approche et de l’atterrissage a été écrasé.

La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) ne s’est pas déclenchée pendant l’atterrissage.

1.2 Personnes blessées

Personne n’a été blessé.

1.3 Dommages à l’aéronef

L’aéronef n’a pas été endommagé. Par mesure de précaution, l’équipe de maintenance de WestJet a remplacé les pneus et les freins avant de remettre l’aéronef en service.

1.4 Autres dommages

Deux feux d’extrémité de piste ont été endommagés lorsque le train d’atterrissage principal les a heurtés.

1.5 Renseignements sur le personnel

Tableau 1. Renseignements sur le personnel
  Commandant de bord Premier officier
Licence de pilote Licence de pilote de ligne (ATPL) ATPL
Date d’expiration du certificat médical 30 mai 2020 31 janvier 2021
Heures de vol total 30 000+ 2275
Heures de vol sur type 7500 75
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement 0 0
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement 58,1 58,2
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement 154,1 58,2
Heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours 154,1 58,2
Heures de service avant l’événement 3,5 3,5
Heures hors service avant la période de travail 72+ 72+

L’équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

Le commandant de bord était au service de WestJet depuis plus de 10 ans et avait été promu commandant de bord en septembre 2017. En avril 2019, il a fait l’objet d’uncontrôle de la compétence du pilote (CCP) annuel et a suivi une formation sur la gestion des ressources de l’équipage (CRM) et sur la gestion des menaces et des erreurs (TEM).

Le premier officier a commencé à travailler chez WestJet en octobre 2019 et il a terminé sa formation initiale, qui comprenait un CCP et l’entraînement en ligne, en décembre 2019. Le premier officier a terminé les formations sur la CRM et la TEM en novembre 2019.

L’examen des horaires de travail et de repos des membres de l’équipage de conduite a permis d’écarter la fatigue comme facteur contributif à l’événement à l’étude.

1.6 Renseignements sur l’aéronef

Tableau 2. Renseignements sur l’aéronef
Constructeur Boeing
Type, modèle et immatriculation 737-8CT, C-FUJR
Année de construction 2015
Numéro de série 60130
Date d’émission du certificat de navigabilité / permis de vol 27 mars 2015
Total d’heures de vol cellule 17 761,0 heures
Type de moteur (nombre) CFM International, turbine, CFM56-7B27E (2)
Type d’hélice ou de rotor (nombre) S.O.
Masse maximale autorisée au décollage 79 015,70 kg
Type(s) de carburant recommandé(s) Kérosène Jet A, Jet A-1, JP-5, JP-8
Type de carburant utilisé Jet A

1.6.1 Généralités

La désignation du modèle 737-8CT stipule qu’il s’agit d’un avion de ligne Boeing 737 Next-Generation construit pour WestJetNote de bas de page 11. L’aéronef à l’étude était configuré pour accueillir 174 passagers.

Les dossiers indiquent que l’aéronef était exploité dans les limites prescrites de masse et de centrage au moment de l’événement.

La décélération des aéronefs de la série 737-800 sur la piste comprend généralement les effets combinés du système de freinage du train principal, de l’inversion de poussée du moteur et des aérofreinsNote de bas de page 12.

Dans l’événement à l’étude, ces systèmes fonctionnaient comme prévu et rien n’indique qu’un mauvais fonctionnement des systèmes de l’aéronef ait joué un rôle dans la sortie en bout de piste. La profondeur de la bande de roulement des pneus de l’aéronef était acceptable et les pneus n’ont pas été endommagés. On a déterminé que l’état des freins de la roue principale était dans les limites de service.

1.6.2 Protection antidérapage

La protection antidérapage contrôle la pression hydraulique exercée par les pilotes sur les freins afin d’empêcher une roue de déraperNote de bas de page 13. L’antidérapage procure le freinage maximal autorisé pour la surface de piste utilisée, tout en réduisant au minimum l’usure des pneus et en optimisant la distance de freinage. Les circuits de freinage normal et auxiliaire offrent tous deux la protection antidérapage.

Lorsque le système d’antidérapage détecte une condition de dérapage imminente, il s’adapte à l’état de piste en régulant la pression de freinage exercée sur chaque roue pour obtenir une efficacité de freinage optimale. Lorsque le système d’antidérapage est actif, la pression de freinage commandéeNote de bas de page 14 est égale ou supérieure à la pression de freinage régie par le robinet d’antidérapage.

1.6.3 Circuit de freinage automatique

Le circuit de freinage automatique utilise le fluide sous pression du circuit hydraulique pour fournir une décélération maximale en cas de décollage interrompu et un freinage automatique à des coefficients de décélération présélectionnés immédiatement après le toucher des roues. Le circuit de freinage automatique fonctionne uniquement lorsque le circuit de freinage normal fonctionne, la protection assurée par le système d’antidérapage est présente pendant le freinage automatique.

Il est possible de sélectionner 4 niveaux de décélération pour l’atterrissageNote de bas de page 15. Après l’atterrissage, le freinage automatique entre en fonction lorsque les 2 manettes de poussée sont ramenées à la position IDLE [ralenti] et les roues principales tournent.

Pour maintenir le coefficient de décélération d’atterrissage choisi, la pression de freinage automatique est réduite car d’autres commandes, comme les inverseurs de poussée et les aérofreins, contribuent à la décélération totale. Le niveau de décélération peut être modifié (sans désarmer le circuit) en tournant le sélecteur. Le circuit de freinage automatique entraîne l’arrêt complet de l’aéronef à moins que le pilote ne le désarme.

Un pilote peut désarmer le circuit de freinage automatique en tournant le sélecteur à OFF [hors circuit] ou par l’une des actions suivantes :

1.6.4 Système d’avertissement de proximité du sol amélioré

L’aéronef était doté d’un EGPWS Mark V-A de marque Honeywell. L’EGPWS fournit des avertissements pour prévenir l’équipage que l’aéronef est à proximité du sol. Une alerte sonore « SINK RATE » [taux de descente] indique un taux de descente excessif.

Selon le manuel de référence rapide (QRH) de WestJet, si l’équipage pilote dans des conditions météorologiques de vol à vue de jour et s’il peut vérifier qu’il n’y a pas de dangers associés au relief ou à des obstacles, il peut considérer l’alerte comme une mise en garde et poursuivre l’approcheNote de bas de page 16.

Dans l’événement à l’étude, en raison de la combinaison de vitesse indiquée et de composante vent arrière, un taux de descente d’environ 930 pieds par minute (pi/m) était nécessaire pour maintenir l’alignement de descente. Les rafales ont engendré un taux de descente momentané qui dépassait, pour cette altitude, le seuil de « SINK RATE » de 1075 pi/m (voir la section 1.17.2 pour consulter les détails sur les approches stabilisées).

1.7 Renseignements météorologiques

Avant le départ, l’équipage de conduite a reçu la prévision d’aérodrome (TAF) pour CYHZ qui avait été publiée à 7 h 40 le 5 janvier 2020 et était valide pendant 24 heures à compter de 8 h. La TAF prévoyait les conditions suivantes entre 8 h et 13 h :

Entre 8 h et 13 h, on prévoyait les changements temporaires suivants à ces conditions :

Pendant le vol, l’équipage de conduite a reçu les mises à jour météorologiques énoncées au tableau 3.

Tableau 3. Rapports météorologiques publiés pour CYHZ
Source Heure de diffusion à l’équipage Vent (direction/vitesse) Visibilité Plafond
(AGL)
Température (°C) Point de rosée
(°C)
Calage altimétrique (inHg)
ATIS Lima (émis à 11 h) Entre 11 h et 11 h 30 030°M/16 kt, rafales à 24 kt 1 ¼ SM dans de la neige légère Couvert nuageux à 300 pieds −0 −0 29,15
ATIS Mike (publié à 11 h 30) 11 h 43 (ACARS) 020°M/16 kt, rafales à 23 kt 5/8 SM dans de la neige légère Couvert nuageux à 200 pieds −0 −0 29,14
Centre (rapport météorologique émis à 11 h 49) 11 h 53 020°M/17 kt, rafales à 27 kt ½ SM dans de la neige Couvert nuageux à 200 pieds −0 −0 29,12
Terminal 11 h 55 Non fourni RVR de 3500 pieds* pour la piste 14 Non fourni Non fourni Non fourni Non fourni
Terminal 11 h 57 Non fourni RVR de 4500 pieds** pour la piste 14 Non fourni Non fourni Non fourni Non fourni
Terminal 12 h 01 Non fourni RVR de 4000 pieds** pour la piste 14 Non fourni Non fourni Non fourni Non fourni
Tour 12 h 01 010°M/14 kt, rafales à 23 kt RVR de 4000 pieds** pour la piste 14 Non fourni Non fourni Non fourni 29,12
Tour (rapport météorologique horaire) 12 h 03 020°M/17 kt, rafales à 23 kt ½ SM dans de la neige Couvert nuageux à 200 pieds −0 −0 Non fourni
Tour (après l’autorisation d’atterrir) 12 h 04 020°M/17 kt, rafales à 23 kt Non fourni Non fourni Non fourni Non fourni Non fourni
Tour (vérification finale des vents) 12 h 06 010°M/19 kt Non fourni Non fourni Non fourni Non fourni Non fourni

* À ce moment-là, l’intensité des feux était réglée au niveau 4.
** À ce moment-là, l’intensité des feux était réglée au niveau 5.

1.8 Aides à la navigation

Les approches aux instruments suivantes sont disponibles à CYHZ :

Aucune panne des aides à la navigation n’avait été signalée au moment de l’approche et de l’atterrissage du vol à l’étude sur la piste 14.

L’aéronef de l’événement à l’étude était muni des aides à la navigation adéquates pour effectuer une approche ILS, et ces aides étaient en bon état de service au moment de l’événement.

1.9 Communications

Sans objet.

1.10 Renseignements sur l’aérodrome

CYHZ comporte 2 surfaces de piste : la piste 05/23 (053°M/233°M), d’une longueur de 10 500 pieds avec une surface en asphalte et en béton, et la piste 14/32 (143°M/323°M), d’une longueur de 7700 pieds avec une surface en asphalte; les 2 surfaces sont d’une largeur de 200 pieds.

La piste 14 comporte une RESA qui s’étend sur 150 m (492 pieds) à partir de l’extrémité de la piste et qui présente une pente descendante moyenne de 0,2 %. Ces caractéristiques respectent les normes de Transports Canada (TC) et de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) pour une RESA de 150 m (492 pieds).

Environ 166 m (544 pieds) au-delà de l’extrémité de la piste 14, il y a une dénivellation importante de 2,8 m (9 pieds), avec une pente descendante de 73 %. Cette pente ne respecte pas la pente longitudinale de 5 % recommandée par l’OACI pour une RESA qui s’étend sur 300 m (984 pi) au-delà de l’extrémité de la piste.

La piste 14 présente une pente ascendante moyenne d’environ 0,54 %. Au toucher des roues, les feux rouges d’extrémité de piste ne sont pas visibles parce qu’ils sont cachés par l’élévation de la piste. Compte tenu de la géométrie et de l’élévation de la piste, et de la hauteur des yeux du pilote, les pilotes de l’événement à l’étude auraient pu établir un contact visuel avec les feux à environ 2600 pieds de l’extrémité de la piste, soit environ aux 2/3 de la piste à partir du seuil.

Dans l’événement à l’étude, l’aéronef avait dépassé ce point avant la réduction du freinage maximal.

1.10.1 Indices de longueur de piste restante

Divers indices visuels sont disponibles pour aider les pilotes à déterminer leur position sur une piste donnée au décollage et à l’atterrissage. Certains de ces indices sont requis en fonction du type d’approche. Par exemple, une approche ILS de catégorie II nécessite l’éclairage de l’axe de piste.

À CYHZ, la piste 23 dispose d’une approche ILS de catégorie II et, par conséquent, un éclairage d’axe de piste est installé. Les feux d’axe de piste sont blancs jusqu’à 3000 pieds de l’extrémité de la piste. Ensuite, les feux alternent entre le rouge et le blanc jusqu’à 1000 pieds de l’extrémité de la piste, après quoi ils sont rouges sur les 1000 derniers pieds. Cela permet aux pilotes de connaître la longueur de piste restante. La piste 14/32 n’est pas munie d’un éclairage d’axe et n’est pas tenue de l’être, compte tenu des approches disponibles.

Les panneaux de longueur de piste restante sont un autre indice permettant aux pilotes de déterminer leur position. Ces panneaux sont utilisés aux États-Unis et dans la plupart des aéroports militaires canadiens. Ils sont installés à intervalles de 1000 pieds le long de la piste et ils indiquent la distance restante jusqu’à l’extrémité de la piste. Les pistes de CYHZ ne sont pas munies de panneaux de longueur de piste restante, et ne sont pas tenues de l’être par la réglementation. Si un exploitant d’aéroport choisit d’installer ces panneaux, il doit respecter les normes incluses dans les Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes de Transports Canada (TC)Note de bas de page 17.

1.10.2 État de la surface de la piste

À 11 h 27, le RSC signalé pour les pistes 05/23 et 14/32 était le suivant :

Après l’événement, à 12 h 37, le RSC a été signalé comme suit :

Le personnel de l’aéroport n’a ni mesuré ni publié le coefficient canadien de frottement sur piste (CRFI) Note de bas de page 18 parce qu’il n’est pas jugé valide lorsque les conditions indiquent la présence de neige mouillée Note de bas de page 19.

1.10.3 Analyse des aides à la navigation additionnelles à l’Aéroport international Stanfield d’Halifax

La capacité de précision d’une approche ILS permet aux équipages de conduite de descendre à une altitude inférieure avant d’avoir à acquérir des repères visuels pour poursuivre un atterrissage. L’ILS est un dispositif au sol.

Le BST a déjà mené une enquête à l’aéroport CYHZ sur un aéronef atterrissant avec un vent arrière en vue d’effectuer une approche ILSNote de bas de page 20.

Le BST a également mené une enquête sur un événement au cours duquel un aéronef Airbus A320 s’est posé avant la piste après avoir effectué une approche de non-précision vers la piste 05 à CYHZNote de bas de page 21. Ce rapport d’enquête faisait état d’une analyse effectuée par NAV CANADA en 1998 visant à déterminer s’il serait possible d’installer un ILS pour la piste 05. D’après les résultats, le peu d’améliorations sur le plan de l’accessibilité de l’aéroport ne justifierait pas les coûts élevés de l’installation. En janvier 1999, ces résultats ont été présentés au Comité consultatif national du système de la navigation aérienne (CCNSNA), lequel a déclaré qu’un ILS serait installé selon le principe du recouvrement des coûts. Or, ce projet a avorté car les clients n’ont pas accepté de procéder selon ce principe.

En 2019, l’Administration de l’Aéroport international d’Halifax (AAIH) a communiqué avec NAV CANADA et avec divers transporteurs aériens dans le cadre de l’élaboration d’un nouveau plan directeur sur 20 ans afin de discuter des besoins prévus en infrastructure, y compris les aides à la navigation. Au cours de ces discussions, personne n’a demandé ou manifesté l’intention d’installer un ILS sur la piste 05 ou sur la piste 32.

Les pilotes disposent d’une autre approche qui s’apparente à la navigation ILS et les guide vers des minimums semblables : il s’agit de l’approche RNAV (GNSS) aux minimums de performance d’alignement de piste avec guidage vertical (LPV).

À CYHZ, les minimums LPV sont de 200 pieds AGL pour les pistes 14, 23 et 32, et de 250 pieds AGL pour la piste 05.

Les minimums LPV ne sont pas autorisés chez WestJetNote de bas de page 22. Les instruments requis pour une approche aux minimums LPV comprennent un GPS (système de positionnement mondial) compatible avec le système de renforcement à couverture étendue (WAAS), que la compagnie n’installe pas dans ses aéronefs. L’option LPV n’était pas disponible sur la flotte d’aéronefs Boeing de WestJet lorsqu’elle a été acquise par WestJet.

1.11 Enregistreurs de bord

L’aéronef était doté d’un FDR à semi-conducteurs et d’un CVR à semi-conducteurs. Le CVR et le FDR ont été envoyés au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) et les données qu’ils contenaient ont été téléchargées avec succès.

Le FDR a enregistré et stocké les données de plus de 26 heures de vol, y compris le vol à l’étude.

Le CVR a enregistré et stocké les 2 dernières heures de sons du poste de pilotage, qui incluaient uniquement des enregistrements audio au sol après l’incident. Étant donné que le CVR a continué d’être alimenté après la sortie en bout de piste, l’enregistrement de l’incident a été écrasé.

1.11.1 Préservation des enregistrements d’un aéronef après un incident

Conformément aux Normes de service aérien commercial, un manuel d’exploitation de la compagnie (COM) doit contenir les procédures concernant les FDR et CVRNote de bas de page 23. La Circulaire d’information (CI) no 700-013 de TC, Procédures et formation pour la préservation des données enregistrées à bord d’un aéronef, explique en outre qu’on s’attend à ce que ces procédures comprennent les mesures appropriées à prendre pour désactiver un FDR ou un CVR après un accident ou un incidentNote de bas de page 24.

Selon le COM de WestJet, si la préservation des données est justifiée à la suite d’un accident ou d’un incident, il peut être nécessaire de tirer les disjoncteurs des FDR et CVR à la fin du volNote de bas de page 25. Tirer les disjoncteurs applicables coupe l’alimentation électrique de l’enregistreur. Dans le cas de l’aéronef de l’événement à l’étude, le COM indiquait que les disjoncteurs étaient situés sur le panneau 18‑2 du système électrique. Les disjoncteurs du FDR se trouvent à la rangée C, et les disjoncteurs du CVR sont à la rangée DNote de bas de page 26.

Les contrôleurs de maintenance utilisent de nombreux documents pour s’acquitter de leur travail. Un de ces documents est le manuel de localisation des défectuosités (FIM)Note de bas de page 27, qui décrit les procédures à suivre pour diagnostiquer et résoudre les pannes déclarées. Le FIM fournit des informations sur plusieurs modèles d’aéronefs et configurations de systèmes; par conséquent, les procédures de travail sont identifiées par un numéro de référence fondé sur la configuration de l’aéronef à laquelle la tâche du FIM s’applique.

Lors de l’événement à l’étude, le contrôleur de maintenance a entendu les communications entre l’équipage de conduite et le régulateur, et il a récupéré les sections du FIM comprenant les procédures reliées à une panne du CVRNote de bas de page 28 et à une panne du FDRNote de bas de page 29. Bien que ces sections n’indiquaient pas de tâches précises reliées à la désactivation des CVR et FDR après un événement, les tâches indiquaient tout de même où se trouvaient les disjoncteurs reliés à ces dispositifs.

La tâche relative au CVR dresse la liste des disjoncteurs du panneau électrique P18-2 du commandant de bord et indique que les disjoncteurs principaux reliés au système de l’enregistreur de conversations sont D6 ou D7, selon le numéro de référence de l’aéronef. À bord de l’aéronef de l’événement à l’étude, le disjoncteur applicable se trouvait à l’emplacement D6 (figure 3).

La tâche relative au FDR dresse la liste des disjoncteurs du panneau électrique P18-2 du commandant de bord et indique que les disjoncteurs reliés au système de l’enregistreur de données de vol sont C8, C9 et C10 (figure 3).

Figure 3. Panneau de l’aéronef de l’événement à l’étude avec les bons disjoncteurs de l’enregistreur de conversations de poste de pilotage et de l’enregistreur de données de vol désactivés (Source : BST)
Panneau de l’aéronef de l’événement à l’étude avec les bons disjoncteurs de l’enregistreur de conversations de poste de pilotage et de l’enregistreur de données de vol désactivés (Source : BST)

Le contrôleur de maintenance a tapé un message ACARS destiné à l’aéronef de l’événement à l’étude pour indiquer à l’équipage de conduite de tirer les disjoncteurs du FDR et du CVR, mais il a fait une erreur en tapant les emplacements, soit P18-2 C7 et C8 (plutôt que D6 et D7) et P18-2 C8, C9 et C10.

Le PF a suivi les instructions du contrôleur de maintenance et a désactivé les disjoncteurs comme indiqué dans le message ACARS. L’équipage de conduite n’a pas consulté le COM.

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

Sans objet.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Sans objet.

1.14 Incendie

Sans objet.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

Sans objet.

1.16 Essais et recherche

1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 WestJet Airlines Ltd.

WestJet détient un certificat d’exploitation aérienne et mène ses activités conformément à la sous-partie 705 du Règlement de l’aviation canadien (RAC). La compagnie détient également un certificat d’organisme de maintenance agréé. Ses activités de maintenance sont menées conformément à la sous-partie 573 du RAC.

La compagnie offre des vols intérieurs et internationaux réguliers et non réguliers à partir du Canada et à l’étranger. Au moment de l’événement, sa flotte comptait 126 aéronefs de divers types, dont des Boeing 737 des séries 600, 700, 800 et 8, des Boeing 767-300 et des Boeing 787-9.

WestJet a un système de gestion de la sécurité (SGS) approuvé par TC, et la compagnie a incorporé ce SGS dans ses manuels courants.

WestJet offre une formation en CRM, qui comprend des stratégies pour éviter, cerner et gérer les menaces opérationnelles et les erreurs de l’équipage (TEM).

1.17.2 Approche stabilisée

WestJet exige que l’aéronef soit en vol stabilisé au plus tard à 1000 pieds au-dessus de l’altitude de l’aérodrome. Le manuel d’exploitation aérienne (FOM) de WestJet définit l’approche stabilisée comme suit [traduction] :

  • aéronef en configuration d’atterrissage finale;
  • réglage de puissance approprié à la configuration de l’aéronef;
  • vitesse indiquée ne dépassant pas la vitesse cible + 20 nœuds et tendant vers la vitesse cible; et
  • pente réelle ou alignement de descente hypothétique de 3° sur l’alignement de descenteNote de bas de page 30.

Le FOM conseille également aux pilotes d’éviter les taux de descente supérieurs à 1000 pi/min et exige que les pilotes effectuent une remise des gaz si une approche devient instable sous la barre des 1000 pieds au-dessus de l’altitude d’aérodromeNote de bas de page 31.

Dans l’événement à l’étude, bien que l’équipage de conduite ait reçu une alerte sonore « SINK RATE », l’aéronef satisfaisait aux paramètres d’une approche stabilisée. Le PF a réagi à la mise en garde en augmentant la poussée; toutefois, cette manœuvre n’a eu qu’un impact minimal sur la vitesse et le profil de l’aéronef.

1.17.3 Planification de l’approche

Selon le FOM, au moment de la planification de l’approche, les pilotes doivent obtenir les plus récents rapports météorologiques, vérifier les points de cheminement et les altitudes, et configurer le système de navigationNote de bas de page 32. En outre, le FOM stipule ce qui suit [traduction] :

Les pilotes doivent déterminer la distance d’atterrissage nécessaire en utilisant les procédures établies décrites à la section Performances en vol — Généralités du QRH, en conjonction avec : le calculateur de distance d’atterrissage de l’ACARS, les données d’atterrissage du rapport de décollage et d’atterrissage (TLR) ou les tableaux de performance du QRH — Performances en vol.

Après avoir déterminé la distance d’atterrissage requise, confirmer les éléments suivants :

  • la distance de piste disponible est supérieure aux exigences en matière de distance d’atterrissage;
  • réglage du freinage automatique adapté à la distance d’arrêt souhaitée;
  • réglage des volets;
  • configuration de purgeNote de bas de page 33.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Vitesses d’approche

Selon le FOM de WestJet, si l’automanette est déconnectée ou s’il est prévu qu’elle le soit avant l’atterrissage, ce qui était le cas dans l’événement à l’étude, la vitesse d’approche cible est calculée comme suit [traduction] :

Ajouter la moitié de la composante vent de face constante signalé, plus la différence entre les rafales et le vent constant, à la VREF. La vitesse cible minimale est VREF + 5 nœuds et la vitesse cible maximale ne doit pas dépasser VREF + 15 nœuds.

[…]

REMARQUE : Ne pas ajouter de composante vent pour les vents arrièreNote de bas de page 34.

La masse à l’atterrissage de l’aéronef de l’événement à l’étude était de 144 080 livres et la Vref calculée avec les volets réglés à 30° était de 147 nœuds. Les vents signalés à l’équipage de conduite tout au long de la descente et en finale indiquaient une composante vent arrière de 9 à 15 nœuds pour la piste 14. En raison de ce vent arrière, la vitesse d’approche cible selon le FOM aurait dû être Vref + 5 nœuds, ou 152 nœuds.

Dans l’événement à l’étude, l’équipage de conduite avait calculé la vitesse d’approche cible en se fondant sur des vents soufflant du 030°M à 16 nœuds, avec des rafales à 24 nœuds. En utilisant la piste 05 comme piste d’atterrissage, l’équipage de conduite a calculé la moitié du vent constant (8 noeuds) et une augmentation de 8 nœuds pour les rafales, pour un ajout de vent total de 16 nœuds. Comme la vitesse maximale d’approche cible est Vref + 15 nœuds, l’équipage de conduite a utilisé 162 nœuds comme vitesse cible. Cette vitesse a été reportée et utilisée pour la piste 14, et elle a été maintenue jusqu’au toucher des roues.

1.18.2 Performances à l’atterrissage

Avant le départ, l’équipage de conduite a reçu une trousse de planification du vol compilée par le service de régulation des vols de la compagnie. Cette trousse comprenait tous les renseignements pertinents au vol, comme le plan de vol exploitation (qui fournissait des renseignements sur l’aéroport de dégagement, les conditions météorologiques), les NOTAM et le rapport de décollage et d’atterrissage (TLR).

Aux fins de planification, les renseignements fournis à l’équipage de conduite pour CYHZ indiquaient que l’aéroport de dégagement serait l’aéroport international de Fredericton (CYFC) (Nouveau-Brunswick). À l’atterrissage, l’aéronef avait une quantité suffisante de carburant à bord pour se rendre cet l’aéroport de dégagement.

1.18.2.1 Calcul de la distance d’atterrissage

Afin de déterminer la distance d’atterrissage requise, les pilotes ont la possibilité d’utiliser le calculateur de distance d’atterrissage de l’ACARS, les données du TLR ou le tableau des distances d’atterrissage réelles du QRH.

Le QRH décrit les étapes à suivre pour déterminer le freinage approprié à utiliser pour le calcul de la distance d’atterrissage. Les équipages de conduite utilisent le tableau d’équivalence de l’état de la piste (figure 4) pour déterminer le niveau de freinage en fonction du RSC.

Figure 4. Tableau d’équivalence de l’état de la piste (Source : WestJet Airlines Ltd., 737 NG Flight Operations Manual – 737NG Quick Reference Handbook, révision 6 [18 juin 2019], Performance – General, p. PI-General.10.7, avec annotations du BST) [en anglais seulement]
Tableau d’équivalence de l’état de la piste (Source : WestJet Airlines Ltd., 737 NG Flight Operations Manual – 737NG Quick Reference Handbook, révision 6 [18 juin 2019], Performance – General, p. PI-General.10.7, avec annotations du BST) [en anglais seulement]

En période de précipitations (c’est-à-dire dans des conditions actives), l’équipage de conduite doit modifier le niveau de freinage en utilisant le tableau de modification pour conditions actives (figure 5).

Figure 5. Tableau de modification pour conditions actives (Source : WestJet Airlines Ltd., 737 NG Flight Operations Manual – 737NG Quick Reference Handbook, révision 6 [18 juin 2019], Performance – General, , p. 10 PI-General.10.1, avec annotations du BST) [en anglais seulement]
Tableau  de modification pour conditions actives (Source : WestJet Airlines Ltd., <em>737 NG Flight Operations Manual – 737NG  Quick Reference Handbook</em>, révision 6 [18 juin 2019],  Performance – General, , p. 10 PI-General.10.1, avec annotations du BST) [en  anglais seulement]

Dans l’événement à l’étude, le RSC indiquant des traces de neige mouillée à 100 % correspondait à un « bon » freinage. Toutefois, étant donné qu’il neigeait, l’équipage de conduite a modifié le niveau de freinage pour le faire passer à la catégorie « bon à passable » conformément au tableau de modification pour conditions actives. Ces données ont ensuite été utilisées pour déterminer la distance d’atterrissage et le réglage du freinage automatique associé.

Lors du calcul de la distance d’atterrissage, une marge de sécurité de 15 % est prise en compte dans tous les tableaux de WestJet, et les pilotes utilisent ces chiffres corrigés pour calculer la distance d’atterrissage normale.

Chacune des 3 méthodes de calcul des distances d’atterrissage (calculateur de distance d’atterrissage de l’ACARS, données du TLR et tableau de distances d’atterrissage du QRH) est abordée séparément dans les sections suivantes. Les données sont fondées sur une masse à l’atterrissage de 144 000 livres, un freinage automatique réglé au niveau 3, un freinage bon à passable, un réglage des volets à 30° et une vitesse d’approche normale.

1.18.2.1.1 Calculateur de distance d’atterrissage du système embarqué de communications, d’adressage et de compte rendu

Pour obtenir les distances d’atterrissage au moyen de l’ACARS, l’équipage de conduite doit saisir les données suivantes dans l’ACARS au moyen du FMC : l’indicatif de l’aéroport, la piste d’atterrissage, le niveau de freinage déterminé, les vents de surface en degrés magnétiques, la température de l’air extérieur, la pression barométrique, l’état de l’antigivrage réacteur (hors tension ou sous tension), l’angle de réglage des volets (de 30° ou 40°) et la masse réelle de l’aéronef. Les données sont ensuite envoyées à un serveur qui calcule les distances d’atterrissage.

Une fois que le serveur a terminé les calculs de distance d’atterrissage, l’équipage de conduite reçoit un message texte indiquant les distances d’atterrissage calculées pour les conditions à l’aéroport saisies. L’équipage peut recevoir des données pour un maximum de 3 pistes par aéroport et par demande à l’ACARS.

Dans l’événement à l’étude, l’équipage de conduite a demandé le calcul de la distance d’atterrissage pour la piste 05 à l’aide de l’ACARS. Avec le freinage automatique réglé au niveau 3, la distance requise a été calculée à 7234 pieds, ce qui respectait la distance disponible de 10 500 pieds. L’équipage de conduite n’a pas saisi les données pour la piste 14.

1.18.2.1.2 Données du rapport de décollage et d’atterrissage

Le COM de WestJet fournit les informations suivantes sur les rapports d’atterrissage [traduction] :

Le rapport d’analyse de la piste d’atterrissage (rapport d’atterrissage) est préparé pour chaque vol en fonction des conditions environnementales, de l’état de la piste et de la configuration de l’aéronef prévue par la régulation des vols au moment de l’atterrissage à l’aéroport de destination. Le rapport d’atterrissage fournit des données d’atterrissage pour les conditions prévues, ainsi qu’une gamme de données concernant les conditions prévues. […]

Le rapport d’atterrissage n’est pas propre à la piste; par conséquent :

  • les corrections pour vent arrière doivent être ajoutées à la distance requise en utilisant les corrections de vent au bas de chaque section de distance d’atterrissage;
  • les limites de vent de travers doivent être vérifiées pour chaque piste;
  • les exigences relatives à la distance d’atterrissage doivent être vérifiées pour chaque piste;
  • aucun message d’alerte n’est fourni pour les dépassements de pisteNote de bas de page 35.

Le TLR, que la régulation des vols de la compagnie remet à l’équipage de conduite, comprend les distances d’atterrissage corrigées en vol, en fonction de la masse de l’aéronef, des configurations de volets à 30° et 40°, du réglage du freinage automatique et du crédit ajouté pour l’inversion de poussée normale.

Les données du TLR fournies à l’équipage de conduite de l’événement à l’étude pour le niveau 3 du freinage automatique et pour les volets à 30° se trouvent à l’annexe B.

1.18.2.1.3 Tableau de distances d’atterrissage du manuel de référence rapide

Le tableau de distances d’atterrissage réelles du QRH est normalement consulté lorsque les données de l’ACARS ou du TLR ne sont pas disponibles, ou en présence de conditions anormales. D’après le QRH [traduction] :

La distance d’atterrissage de référence est une distance de référence à partir de 50 pieds au-dessus du seuil avec le toucher des roues à 1500 [pieds] de la fin de l’approche pour la piste, jusqu’à l’arrêt, en fonction d’une masse d’atterrissage de référence et d’une vitesse d’approche normale pour le réglage des volets, calculée au niveau de la mer, par vent nul, par pente nulle, avec aérofreins ouverts (automatiquement ou manuellement) immédiatement après le toucher des roues et utilisation de l’inversion de poussée, et avec une marge de sécurité de 15 %. Les colonnes subséquentes permettent d’ajuster la masse, l’altitude, le vent, la pente, la température et la vitesse pour les atterrissages hors référenceNote de bas de page 36.

Le tableau de distances d’atterrissage du QRH fournit des calculs généraux qui résument toutes les conditions en un seul tableau en format papier destiné à être consulté rapidement (annexe C). Par conséquent, les valeurs sont plus prudentes que les données tirées du TLR et de l’ACARS.

1.18.2.1.4 Calculs de Boeing fondés sur la vitesse réelle de l’aéronef

Dans le cadre de l’enquête, on a demandé à Boeing de calculer la distance requise en utilisant la vitesse réelle de l’aéronef au-dessus du seuil (Vref + 15 noeuds), d’après la configuration de l’aéronef pendant l’atterrissage. Ces calculs comprenaient une marge de sécurité de 15 % et présumaient un freinage bon à passable, un freinage automatique réglé au niveau 3, des volets réglés à 30° et les inverseurs de poussée en fonctionnement.

Le tableau 4 indique les distances d’atterrissage calculées selon les diverses méthodes de calcul.

Tableau 4. Comparaison des distances d’atterrissage pour la piste 14 calculées à l’aide de diverses méthodes de calcul et en fonction des différents vents
Vent Événement Composante de vent arrière Distance d’atterrissage requise en fonction de la vitesse d’approche cible appropriée (Vref + 5 nœuds) (pieds) Distance d’atterrissage requise en fonction de la vitesse d’approche réelle (Vref + 15 nœuds) (pieds)
ACARS TLR QRH Calculée par Boeing
030°M à 16 nœuds, rafales à 24 nœuds Croisière 9 nœuds 7533 7583 8188 9213
020°M à 17 nœuds, rafales à 27 nœuds L’équipage demande l’ILS pour la piste 14 15 nœuds* « Vent arrière maximal dépassé » 8169 8860 9810
010°M à 19 nœuds Vérification finale des vents 13 nœuds* « Vent arrière maximal dépassé » 7975 8636 9614

* La composante vent arrière dépasse la limite de vent arrière de l’aéronef et, par conséquent, bien que les distances calculées soient indiquées, les distances calculées se situent en dehors de l’enveloppe des données de performances.

1.18.3 Coefficient de freinage de l’aéronef

Le coefficient de freinage d’un aéronef (ABC) est défini comme étant le rapport entre la force de décélération produite par les freins d’un avion et les forces qui agissent normalement sur cet avion. L’ABC est un terme générique qui incorpore les effets de la surface de la piste, des contaminants et des dispositifs de freinage de l’avion (comme l’efficacité du système d’antidérapage, l’usure des freins et l’état des pneus). Par conséquent, l’ABC n’est pas équivalent au coefficient de frottement des pneus sur le sol qui serait mesuré par un véhicule au sol à l’aéroport chargé d’évaluer l’état de la surface d’une piste. Si le freinage de l’aéronef manque de friction (p. ex. le système d’antidérapage limite la pression de freinage commandée pour empêcher les pneus de glisser), l’ABC peut être utilisé pour estimer l’état de la piste du point de vue du niveau de freinage déclaré par le pilote. Le tableau 5 donne des exemples de l’état de la piste et de l’ABC correspondant.

Tableau 5. Exemples d’état de la piste et du coefficient de freinage d’aéronef correspondant
Niveau de freinage déclaré par le pilote Coefficient de freinage d’aéronef Description
Sec Environ 0,40 Piste sèche
Bon 0,20 Piste mouillée
Passable 0,10 Neige compactée
Faible 0,05 et moins Glace standard, glace mouillée

Après l’événement, le constructeur a calculé l’ABC pendant le temps où le système d’antidérapage était actif. L’ABC moyen était de 0,09, ce qui, selon le tableau 5, correspond à un freinage « passable à faible », et est caractéristique d’une piste contaminée (présence de neige, de glace, etc.).

D’après le tableau d’équivalence de l’état de la piste (figure 4), un freinage « passable à faible » serait l’équivalent d’un RSC de neige sèche ou mouillée en quantité supérieure à une trace, à −3 °C ou plus; ou d’un RSC d’eau ou de neige fondante de 1/8 po ou plus.

Lorsque les enquêteurs du BST sont arrivés sur les lieux quelques heures après l’événement, l’état de la piste avait changé. L’enquête n’a pas permis de déterminer son état réel au moment de la sortie en bout de piste. Toutefois, le freinage sur une piste qui comporte une trace ou une quantité supérieure à une trace de neige mouillée variant du niveau « bon » au niveau « passable à faible » démontre qu’un léger changement dans l’état de la piste peut faire considérablement varier le freinage.

1.18.4 Facteurs humains

1.18.4.1 Modèle mental

Les humains prennent des décisions en partie en établissant un modèle mental du monde. En raison des limites des sens, ce modèle mental n’est jamais entièrement exact; il est une représentation. Souvent, la représentation mentale est suffisamment précise et réduit les exigences cognitives de sorte que l’attention est libérée et dirigée ailleurs. Lorsque des informations inexactes s’insinuent ou que des lacunes dans la compréhension apparaissent, les humains trouvent un sens aux indices incomplets et ambigus, et souvent la représentation mentale est suffisante. Parfois, cependant, cette représentation peut être erronée, et les actions fondées sur elle peuvent également être incorrectes eu égard au contexte réel.

1.18.4.2 Aspects cognitifs d’un rendement sûr et efficace

À tout moment, l’activité normale d’une personne reflète une tentative subconsciente d’équilibrer l’utilisation de méthodes efficaces de travail avec le traitement cognitif plus exigeant de l’information. [Traduction]

Il est nécessaire d’être efficace parce que les ressources [surtout le temps] sont toujours limitées. […] Il est également nécessaire d’être minutieux à la fois pour s’assurer que nous faisons les choses de la bonne façon [c’est-à-dire les procédures suivies, les listes de vérification effectuées, la surveillance et la contre-vérification effectuées, les vérifications météorologiques et éoliennes effectuées], afin que nous puissions réaliser ce que nous entendons, et éviter les conséquences néfastesNote de bas de page 37 .

La recherche d’un équilibre entre les exigences d’efficacité et de rigueur est une caractéristique du rendement humain, et s’explique par le fait que les gens [traduction] « sont des êtres polyvalents et intelligentsNote de bas de page 38 » capables d’examiner et d’agir, d’évaluer et de s’adapter. Beaucoup de procédures d’exploitation normalisées dans le transport aérien sont conçues pour exiger qu’un équipage de conduite soit minutieux afin de contrecarrer les pressions en matière de temps et de ressources liées aux activités. Par exemple, les listes de vérification sont conçues pour ralentir le rendement humain (dans certaines situations) et ajouter des contre-vérifications (c.-à-d. des éléments d’annonce et réponse) pour les étapes critiques en matière de sécurité.

1.18.4.3 Conscience situationnelle

La conscience situationnelle est définie comme étant [traduction] « la perception des éléments dans l’environnement à l’intérieur d’un volume de temps et d’espace, la compréhension de leur signification, et la projection de leur état à court termeNote de bas de page 39. » Cette définition mentionne 3 niveaux qui sont essentiels à un rendement efficace dans des environnements dynamiques : pour atteindre un rendement qui produit le résultat escompté, il faut être en mesure de percevoir l’information (perception), d’en comprendre la signification (compréhension) et d’en saisir les répercussions sur les activités à venir (projection). La conscience situationnelle est une construction mentale qui décrit comment les humains perçoivent l’information, la comprennent et font des prédictions à son sujet, pour ainsi établir une conscience de la situation actuelle qui leur est propre.

1.18.4.4 Continuation du plan

La continuation du plan se décrit comme [traduction] « une tendance profondément enracinée des gens à poursuivre leur plan d’action initial même quand les circonstances changent et requièrent l’adoption d’un nouveau planNote de bas de page 40Note de bas de page 41 ». En d’autres mots, il s’agit de s’en tenir au plan initial alors qu’une situation a changé et exige l’établissement d’un plan différentNote de bas de page 42. Une fois qu’un plan a été établi et mis en œuvre, il devient plus difficile de reconnaître des stimuli ou des conditions dans l’environnement comme étant des indices de changement que lorsqu’aucun plan n’est établi. Pour qu’un pilote reconnaisse qu’un changement de plan s’impose et réagisse à temps (par exemple, constater la nécessité de dérouter une approche), il doit percevoir des conditions comme étant suffisamment importantes pour qu’il agisse immédiatement.

Les facteurs contextuels du moment sont déterminants dans la décision de poursuivre le plan ou de l’abandonner pour adopter une autre option. L’ordre dans lequel nous parviennent les indices sur la situation en développement, et leur influence relative, sont 2 aspects clés. Les stimuli situationnels et les conditions se détériorent souvent de façon graduelle et ambiguë, pas rapidement et clairement. [Traduction] « Dans une telle situation de détérioration progressive, il existe presque toujours des indices initiaux manifestes qui suggèrent que la situation est maîtrisée et peut être maintenue sans que le risque augmenteNote de bas de page 43 » . Cela renforce la tendance des gens à s’en tenir au plan. Souvent, les conséquences de l’abandon d’un plan sont sérieuses (p. ex. un déroutement, une approche interrompue) et l’équipage a besoin de preuves solides pour apporter les changements qui s’imposent.

L’augmentation de la charge de travail, dont on ne s’aperçoit souvent pas sur le moment, est étroitement liée à ce changement progressif des conditions situationnelles. Un rétrécissement de l’attention peut se manifester lorsque la charge de travail augmente et peut contribuer à la tendance à s’en tenir au plan, dans la mesure où les changements dans la situation et les stimuli ne sont pas détectés étant donné que la personne concentre son attention sur la tâche principale. Il s’agit d’une stratégie naturelle d’adaptation humaine pour gérer une charge de travail croissanteNote de bas de page 44.

1.18.4.5 Gestion des ressources de l’équipage et gestion des menaces et des erreurs

La CRM moderne est améliorée par l’application de concepts de TEM dans le but de gérer les menaces et les erreurs pertinentes sur le plan opérationnel et ainsi réduire l’incidence des états indésirables de l’aéronefNote de bas de page 45. Les menaces et les erreurs sont normales dans les vols courants et doivent être gérées. [Traduction] « Les contre-mesures de l’équipage sont […] les outils que les pilotes mettent au point pour gérer ces menaces et ces erreurs courantesNote de bas de page 46 »,

1.18.4.6 Rendement fondé sur les compétences pour l’entretien des aéronefs

Il existe 3 façons générales de classifier le rendement humain du point de vue du traitement de l’information : le rendement fondé sur les compétences, le rendement fondé sur les règles et le rendement fondé sur les connaissancesNote de bas de page 47. Le rendement fondé sur les compétences est observé dans des situations familières et des tâches qui nécessitent très peu d’attention pour être gérées. En général, ces tâches sont relativement routinières, prévisibles et effectuées souvent. Taper au clavier et transcrire des renseignements d’un document de référence à une instruction écrite peuvent entrer dans ce niveau de rendement. Ce niveau de rendement n’est pas choisi; il est ou devient un automatisme.

L’avantage du rendement fondé sur les compétences est qu’il est exécuté très rapidement et nécessite très peu d’attention. Il permet de libérer des ressources de traitement de l’information qui peuvent être appliquées à autre chose. Toutefois, ces avantages le rendent vulnérable aux oublis et aux manques d’attention lorsque l’exécution d’une routine automatique est interrompue ou perturbée et cette interruption ou perturbation passe inaperçue. Parmi les mesures d’atténuation des oublis et des manques d’attention dans le rendement fondé sur les compétences, on compte les listes de vérification, les formulaires à remplir par champs ou par menus déroulants, les examens et les inspections, les procédures bien conçues et les aide-mémoireNote de bas de page 48.

1.18.5 Études et références sur les sorties en bout de piste

Les sorties en bout de piste sont une préoccupation internationale et ont été étudiées par différentes agences, différents organismes et différents constructeurs afin de déterminer les causes qui empêchent un aéronef de s’arrêter sur la piste et les facteurs qui peuvent atténuer le risque que de tels événements se produisent.

Pour fournir aux pilotes et aux exploitants un moyen [traduction] « de cerner, de comprendre et d’atténuer les risques associés aux sorties en bout de piste à l’atterrissageNote de bas de page 49 », la Federal Aviation Administration (FAA) a publié la circulaire d’information AC 91-79A en 2014 (modifiée en 2018). La CI indique ce qui suit [traduction] :

Une étude des données de la FAA et du NTSB [National Transportation Safety Board des États-Unis] indique que les dangers suivants augmentent le risque de sortie en bout de piste :

  • approche non stabilisée;
  • altitude élevée de l’aérodrome ou altitude-densité (DA) élevée, ce qui entraîne une augmentation de la vitesse sol;
  • effet de la vitesse anémométrique excessive au moment de franchir le seuil de la piste;
  • masse de l’avion à l’atterrissage;
  • atterrissage au-delà du point d’atterrissage;
  • déclivité négative de la piste;
  • hauteur excessive au-dessus du seuil de la piste;
  • utilisation retardée des dispositifs de décélération;
  • atterrissage vents arrière;
  • piste mouillée ou contaminéeNote de bas de page 50.

D’après l’AC [traduction] :

Une vitesse d’approche excessive peut entraîner une vitesse excessive au-dessus du seuil de la piste, ce qui peut engendrer un atterrissage au-delà du point d’atterrissage prévu, ainsi qu’une vitesse plus élevée à partir de laquelle le pilote doit immobiliser l’avionNote de bas de page 51.

De plus, l’AC précise [traduction] :

L’effet d’un vent arrière sur la distance d’atterrissage est important et doit être pris en compte pour déterminer la distance d’atterrissage requise. Compte tenu que l’avion atterrit à une vitesse indiquée donnée, indépendamment du vent, l’effet principal d’un vent arrière sur la distance d’atterrissage opérationnelle est le changement de la vitesse sol à laquelle l’avion se poseNote de bas de page 52.

Ces facteurs entraînent une plus grande distance d’atterrissage.

D’autres études, comme une analyse des données sur les sorties en bout de piste accumulées sur 14 ans, menée par la Flight Safety Foundation, ont produit des résultats semblablesNote de bas de page 53. Lorsqu’elle a publié un article dans son magazine AERO sur la réduction du nombre de sorties en bout de piste, la compagnie Boeing a reconnu que le manque de reconnaissance des conditions réelles était souvent un facteur contributifs à ces événements[traduction] :

Les données sur les sorties en bout de piste laissent croire que beaucoup d’entre elles pourraient être évitées si l’équipage de conduite comprenait mieux les relations entre l’environnement d’atterrissage et les risques susceptibles d’exister ce jour-là (conditions météorologiques, vents, état de la piste, éléments de la liste d’équipement minimal, masse de l’avion, etc.)Note de bas de page 54.

1.18.6 Systèmes embarqués de dépassement de piste et d’alerte

De nouvelles mesures de protection technologiques sont maintenant disponibles. C’est le cas des systèmes embarqués de dépassement de piste et d’alerte (ROAAS) mis au point pour les aéronefs qui peuvent aider à réduire le nombre de sorties de piste, particulièrement pendant l’atterrissage. Ces systèmes envoient des alertes visuelles et sonores aux pilotes avant le toucher des roues si les conditions indiquent que l’atterrissage ne peut pas être effectué dans la distance d’atterrissage disponible sur la piste prévue. Ils peuvent même surveiller les conditions après le toucher des roues si le freinage n’est pas aussi efficace que prévu.

En 2011, le NTSB a recommandé que la FAA [traduction] :

entreprenne activement la mise au point d’une technologie visant à prévenir les sorties de piste ou à en réduire le nombre, en collaboration avec les constructeurs d’aéronefs et d’avionique, et exige l’installation de cette technologie lorsqu’elle sera disponibleNote de bas de page 55.

Dans sa réponse de 2018 à cette recommandation, la FAA a souligné que la technologie ROAAS était désormais disponible et qu’elle était installée par certains grands constructeurs aéronautiques (Airbus, Boeing, Embraer et Gulfstream). La FAA a également indiqué que Honeywell avait mis au point un système pouvant être installé à bord d’avions déjà en service. En s’appuyant sur cette information, le NTSB a convenu que de nombreux exploitants adoptaient volontairement le logiciel, ce qui constitue une solution de rechange qui répond à l’intention de la recommandation. En septembre 2018, le NTSB a clos la recommandation en lui assignant la mention Acceptable Alternate Action [mesure de rechange acceptable].

En août 2020, l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA) a modifié la réglementation pour stipuler ce qui suit :

Les exploitants d’avions de grande capacité utilisés dans le transport aérien commercial veillent à ce que tout avion dont le premier certificat de navigabilité individuel a été délivré le 1er janvier 2025 ou après cette date soit équipé d’un système de vigilance et d’alerte en cas de dépassement de pisteNote de bas de page 56,Note de bas de page 57.

Les ROAAS n’ont pas encore été largement adoptés par les exploitants canadiens; toutefois, certains d’entre eux ont informé le BST qu’ils prévoyaient installer de tels systèmes au cours des prochaines années. À l’heure actuelle, WestJet n’a pas de ROAAS à bord de ses aéronefs et ne prévoit pas en installer. La réglementation n’exige pas l’installation de tels systèmes.

1.18.7 Aire de sécurité d’extrémité de piste

Selon la CI no 300-007 de TC, l’objectif d’une RESA :

consiste à offrir une aire libre de tout objet (autre que les aides visuelles à la navigation frangibles dont la présence à cet endroit est nécessaire de par leur fonction), afin de réduire la gravité des dommages subis par un aéronef faisant une sortie en bout de piste ou un atterrissage trop court, et de faciliter les déplacements des véhicules de sauvetage et de lutte contre les incendiesNote de bas de page 58.

En 2015, TC a publié une nouvelle édition de ses Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes (TP 312)Note de bas de page 59, dans laquelle une RESA de 150 m (493 pieds) est devenue la norme. Toutefois, cette norme ne s’applique qu’aux pistes nouvelles ou considérablement modifiées construites après l’entrée en vigueur de la norme.

En mars 2020, TC a proposé un règlementNote de bas de page 60 qui, entre autres :

Selon TC, ce règlement, une fois mis en œuvre, rehaussera la protection des passagers en cas de sortie en bout de piste, protection qui passera de 75 % des passagers en 2017 à 95 % d’ici 2038. Toutefois, ce règlement ne porte que sur le risque auquel est exposée une majorité de passagers, mais pas tous, et ne tient pas compte du trafic aérien sans passagers ni du relief à l’extrémité de toutes les pistes. De plus, le BST estime que le règlement proposé ne satisfait peut-être pas entièrement à la norme de OACI, qui exige une RESA de 150 m pour toutes les pistes d’une longueur de 1200 m et plus, et des dispositions pour les autres types de pistesNote de bas de page 61.

Chacune des 4 pistes de CYHZ a une RESA de 150 m.

Fait établi : Autre

Dans l’événement à l’étude, l’aéronef s’est immobilisé à l’intérieur de la RESA.

1.18.7.1 Recommandation du BST

Après l’enquête du BST sur la sortie en bout de pisteNote de bas de page 62 d’un Airbus 340-313 survenue en 2005 à l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports exige que toutes les pistes de code 4 soient pourvues d’une aire de sécurité d’extrémité de piste (RESA) de 300 m ou d’un autre moyen d’immobilisation des aéronefs offrant un niveau de sécurité équivalent.
Recommandation A07-06 du BST

Depuis, TC a produit plusieurs réponses, toutes évaluées par le BST.

En février 2021, dans une mise à jour de sa plus récente réponse, TC a indiqué que les modifications au RAC susmentionnées avaient été publiées dans la Partie I de la Gazette du Canada le 7 mars 2020. TC entend publier ces modifications dans la Partie II de la Gazette du Canada en mai 2021.

En mars 2021, dans sa réévaluation de la dernière réponse de TC, le BST a pris note du fait que TC avait proposé un règlement pour aborder la question des RESA. Les modifications réglementaires proposées, dans leur version actuelle, réduiront les risques associés à une sortie en bout de piste, mais pas dans la mesure que permettrait une RESA de 300 m, comme l’a recommandé l’OACI. À tout le moins, le Bureau estime que le règlement proposé doit respecter la norme de l’OACI.

Des sorties en bout de piste continuent de se produire, et étant donné la lenteur des interventions, les passagers des sociétés aériennes commerciales au Canada continueront d'être exposés à des risques inutiles tant que ces modifications aux règlements n'entreront pas en vigueur

Par conséquent, le Bureau estime que la réponse à la recommandation dénote une attention en partie satisfaisanteNote de bas de page 63.

1.18.8 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

Les sorties en bout de piste figurent sur la Liste de surveillance du BST depuis 2010. Comme le démontre l’événement à l’étude, lorsqu’une sortie en bout de piste survient pendant l’atterrissage, il est important que l’aéronef dispose d’une aire de sécurité adéquate au-delà de l’extrémité de la piste pour réduire les conséquences néfastes de la sortie.

Chaque année au Canada, malgré les millions de mouvements sans incident sur les pistes d’aéroports, des sorties en bout de piste se produisent parfois pendant l’atterrissage ou lors d’un décollage interrompu. De 2005 à 2019, on a enregistré en moyenne 9,7 sorties en bout de piste par année aux aéroports canadiens, dont 7,5 sont survenues au cours de l’atterrissage. De plus, pendant cette même période, le BST a enquêté sur 19 événements de ce genre et a émis 4 recommandations destinées aux autorités canadiennes. Au moment de rédiger ce rapport, 3 de ces recommandations sont toujours actives Note de bas de page 64 et, pour l’une d’entre elles, le dossier a été fermé Note de bas de page 65.

MESURES À PRENDRE
  • Malgré les mesures prises jusqu’à présent, le nombre de sorties en bout de piste au Canada est demeuré constant depuis 2005. Afin de réduire ce nombre, un effort concerté est de mise.
  • Les exploitants d’aéroports ayant des pistes d’une longueur de plus de 1800 m doivent mener une évaluation des risques pour chaque piste et prendre les mesures nécessaires pour atténuer les risques que les sorties en bout de piste comportent pour les personnes, les biens et l’environnement.
  • TC doit, au minimum, adopter la norme de l’OACI concernant les RESA, ou un dispositif d’arrêt adéquat pour immobiliser les aéronefs.

1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

Rien n’indique qu’il y ait eu une défectuosité mécanique ou une défaillance d’un système pendant l’atterrissage lors de l’événement à l’étude. L’analyse portera sur le processus décisionnel de l’équipage de conduite concernant le changement de piste et l’évaluation de la distance d’atterrissage, ainsi que sur la performance de l’aéronef sur la piste contaminée dans des conditions de vent arrière. De plus, l’analyse portera sur les risques associés à l’écrasement des données de l’enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR). Enfin, l’analyse portera sur les aides favorisant la conscience situationnelle des pilotes sur les pistes .

2.1 Changement de piste et évaluation de la distance d’atterrissage

Pendant le vol de croisière, l’équipage de conduite s’est préparé à l’approche en examinant les renseignements météorologiques disponibles. À ce moment-là, la piste désignée en service était la piste 05. L’équipage de conduite a déterminé que la longueur de la piste 05 était suffisante compte tenu de la distance d’atterrissage requise qui avait été calculée. En fonction des vents, l’équipage de conduite a calculé une vitesse d’approche cible de 162 nœuds (vitesse de référence d’atterrissage [Vref] + 15 nœuds).

À l’approche de l’aéroport, l’équipage de conduite a reçu de nouveaux renseignements météorologiques indiquant un plafond plus bas. Étant donné que ce plafond était inférieur aux minimums publiés pour l’approche vers la piste 05, l’équipage de conduite a demandé d’effectuer l’approche ILS (système d’atterrissage aux instruments) vers la piste 14. L’enquête a permis de déterminer que les vents indiqués par le contrôleur du centre de contrôle régional à ce moment-là (020° magnétiques [M] à 17 nœuds, avec rafales à 27 nœuds) engendraient une composante vent arrière de 15 nœuds pour la piste 14.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Alors qu’il se préparait au changement de piste, l’équipage de conduite a évalué mentalement que le vent indiqué pour la piste 05 deviendrait un vent de travers pour la piste 14. Par conséquent, l’équipage de conduite n’a pas recalculé les effets du vent pour l’approche vers la piste 14, mais il a plutôt considéré que la distance d’atterrissage et la vitesse d’approche cible calculées pour la piste 05 étaient toujours adéquates.

Ce modèle mental était probablement une réaction naturelle de l’équipage de conduite pour réduire l’effort cognitif pendant une période de charge de travail élevée. N’ayant pas remarqué la composante vent arrière au moment de la sélection de la piste 14, l’équipage de conduite ne s’est plus préoccupé des renseignements sur les vents pendant le reste de l’approche et de l’atterrissage, ce qui explique en partie que l’équipage de conduite a poursuivi l’approche vers la piste 14.

En se basant sur les vents rapportés pendant le vol de croisière (soit 030°M à 16 nœuds, avec rafales à 24 nœuds), la distance d’atterrissage requise pour la piste 05, calculée au moyen du système embarqué de communications, d’adressage et de compte rendu (ACARS), était inférieure aux 10 500 pieds disponibles. Si l’équipage avait calculé la distance requise pour la piste 14 à l’aide des mêmes vents, il aurait déterminé que la distance disponible était également suffisante (c.-à-d. inférieure à 7700 pieds). Toutefois, les vents de surface avaient changé pendant l’approche et l’atterrissage.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Les vents au sol rapportés avaient tourné et forci légèrement pendant le vol. Il en découlait une composante vent arrière supérieure à la limite de 10 nœuds de l’exploitant, une vitesse d’approche requise moins élevée, soit Vref + 5 nœuds, et une distance d’atterrissage supérieure à la longueur de piste disponible. L’équipage de conduite ignorait tout cela et, par conséquent, a poursuivi l’approche vers la piste 14.

2.2 Approche et atterrissage

L’approche et l’atterrissage constituent une phase critique du vol. Les changements de piste, les conditions de visibilité réduite, les surfaces de piste mouillées et les vents arrière sont des situations courantes qui rendent l’approche et l’atterrissage plus complexes. La gestion des menaces et des erreurs, dans le cadre des pratiques de gestion des ressources de l’équipage, aide les équipages à gérer ces aspects courants des opérations aériennes.

À partir du moment où il a demandé l’approche jusqu’au toucher des roues sur la piste 14, l’équipage de conduite était occupé à reprogrammer et à effectuer l’approche. L’équipage de conduite a demandé les renseignements de tout rapport de freinage disponible pour la piste 14. Il a également remarqué les conditions de visibilité réduite et, bien qu’il n’y fut pas obligé, il a rempli la liste de vérification pour les approches par visibilité réduite afin de gérer cette menace. De plus, il a prévu puis subi des turbulences à basse altitude, ce qui a encore accru la charge de travail du commandant de bord, qui était le pilote aux commandes (PF).

La conscience situationnelle est fondée sur la perception, la compréhension et la prédiction de l’information afin de prendre conscience de l’environnement et du déroulement des événements. La perception peut être affectée par un rétrécissement ou une focalisation de l’attention, qui peut se produire lorsque la charge de travail est élevée et peut faire en sorte que certains renseignements ne soient pas traités ou soient ignorés. Cela peut également pousser une personne à poursuivre un plan établi alors que celui-ci n’est plus viable (continuation du plan). L’équipage de conduite recevait et traitait beaucoup d’informations et avait de nombreuses actions à effectuer rapidement entre le changement de piste et le toucher des roues (14 minutes). Concentré sur l’état de la piste et sur l’atterrissage, l’équipage de conduite n’a pas décelé les changements dans le vent et la composante vent arrière. En l’absence d’indice marquant pour l’aider à déceler ces changements, l’équipage de conduite a maintenu l’approche.

Le PF a effectué une approche stable. Lorsque le contrôleur tour a fourni à l’équipage de conduite une dernière vérification du vent, indiquant une orientation du 010°M et une vitesse de 19 nœuds, l’équipage de conduite n’a toujours pas jugé cette information importante, se concentrant plutôt sur le vent de travers, les turbulences, la visibilité réduite et l’état de la surface de la piste. Le PF a continué d’utiliser la vitesse d’approche déterminée de Vref + 15 nœuds, calculée pour la piste initiale, et l’a maintenue jusqu’à l’arrondi. La vitesse supplémentaire ne respectait pas la procédure de la compagnie indiquant l’utilisation de Vref + 5 nœuds pour les vents arrières.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

En raison de la vitesse d’approche cible inchangée, combinée au vent arrière, l’aéronef a franchi le seuil à une vitesse de 10 nœuds supérieure à celle recommandée, s’est posé à une vitesse sol plus élevée, et a ainsi nécessité une distance d’arrêt plus longue.

2.3 Toucher des roues et sortie en bout de piste

L’aéronef s’est posé à 164 nœuds et à une vitesse sol de 173 nœuds. Il a atterri dans la zone de poser, et les dispositifs de décélération, comme les aérofreins et les inverseurs de poussée, ont fonctionné comme prévu. Le PF, constatant la vitesse supérieure de la course à l’atterrissage, a actionné les freins manuellement. En utilisant le freinage manuel, la sélection du niveau 3 du freinage automatique s’est désactivée.

Le système d’antidérapage s’est activé immédiatement après l’utilisation du freinage manuel et est probablement resté actif pendant le reste de la course. Que le niveau 3 du freinage automatique ait été activé ou non, ou que le PF ait maintenu ou non le freinage maximal et l’inversion de poussée maximale pendant toute la course, le système d’antidérapage de l’aéronef était probablement actif et procurait déjà la décélération maximale disponible pour l’état de la piste.

L’état de la surface de la piste rapporté indiquait une trace de neige mouillée, ce qui équivaut à un « bon » freinage selon le tableau d’équivalence de l’état de la piste. Toutefois, la décélération obtenue pendant la course à l’atterrissage correspondait plutôt à un freinage « passable à faible ». En ce qui concerne la neige mouillée, la différence entre un bon freinage et un freinage passable à faible dépend de la quantité de neige mouillée, soit une trace ou plus qu’une trace.

L’enquête n’a pas permis de déterminer l’état réel de la piste. Le freinage attendu (bon à passable) en fonction de l’état de la surface de la piste rapporté ne correspondait pas au freinage réel (passable à faible). La dégradation de l’état de la piste a réduit la capacité de freinage. Selon des calculs réalisés dans le cadre de l’enquête, la distance d’atterrissage requise aurait dépassé la distance disponible même si le freinage avait été bon à passable.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

La contamination de la piste par de la neige mouillée a entraîné une réduction de l’efficacité du freinage, ce qui a contribué à l’augmentation de la distance d’atterrissage.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

La plus grande distance d’atterrissage requise due à l’approche rapide, à la composante vent arrière et à la contamination de la piste dépassait la longueur de piste restante disponible et a entraîné la sortie en bout de piste.

Lorsque l’aéronef s’est immobilisé dans l’aire de sécurité d’extrémité de piste, personne n’a été blessé et l’aéronef n’a subi aucun dommage.

2.4 Préservation de l’enregistreur de conversations de poste de pilotage

Dans l’événement à l’étude, ayant entendu les communications entre l’équipage de conduite et le régulateur, le contrôleur de maintenance en service a cherché, puis trouvé les numéros de disjoncteur du CVR et de l’enregistreur de données de vol dans le manuel de localisation des défectuosités.

Les tâches fondées sur les compétences, comme taper au clavier, sont sujettes aux oublis et aux manques d’attention. S’il n’existe aucun moyen d’atténuer ces problèmes, des erreurs peuvent se produire. En l’occurrence, le contrôleur de maintenance a tapé les numéros de disjoncteur dans le message de l’ACARS. Toutefois, le message de l’ACARS a été mal tapé, probablement à cause d’un manque d’attention : il indiquait le disjoncteur C7 et répétait C8, alors qu’il devait indiquer D6 et D7. L’équipage de conduite ayant suivi les instructions de l’ACARS, le disjoncteur du CVR approprié n’a pas été tiré. Ainsi, le CVR a continué à enregistrer pendant que l’aéronef était au sol, et l’enregistrement de l’événement a été écrasé.

Fait établi quant aux risques

Si le CVR n’est pas désactivé à la suite d’un événement, il y a un risque que des renseignements utiles à l’enquête soient perdus.

2.5 Aides favorisant la conscience situationnelle des pilotes sur les pistes

De nouvelles technologies peuvent aider les pilotes à mener les phases critiques du vol et à prévenir les sorties en bout de piste. Plusieurs constructeurs ont mis au point des systèmes embarqués de dépassement de piste et d’alerte (ROAAS) pour les aéronefs. Des constructeurs comme Boeing ont commencé à installer ces systèmes dans les aéronefs plus récents; cependant, au moment de la rédaction du présent rapport, aucun règlement n’exige leur installation.

D’autres aides sont également disponibles pour aider les pilotes pendant l’atterrissage. Elles peuvent aider les pilotes à maintenir leur conscience situationnelle, c.-à-d. être conscients de leur emplacement sur la piste et de la longueur de piste restante, afin de leur permettre de réagir rapidement. L’une des aides destinées aux pilotes est l’éclairage changeant de l’axe de piste, qui signale aux pilotes qu’ils approchent de l’extrémité d’une piste par des feux de couleur différente. À l’approche de l’extrémité de la piste, les feux passent du blanc au rouge, ce qui indique aux pilotes que l’extrémité de la piste est proche. On trouve normalement ces indications sur les pistes munies d’approches de catégorie II, comme la piste 23 à l’aéroport international Stanfield d’Halifax.

D’autres aéroports à travers le monde, et certaines installations canadiennes qui desservent les forces armées, ont installé des panneaux pour indiquer la distance restante sur les pistes. Ces panneaux aident les pilotes en leur indiquant la distance restante par tranches de 1000 pieds.

Dans l’événement à l’étude, le PF a brièvement réduit l’inversion de poussée et le freinage à 60 nœuds, conformément aux procédures d’exploitation normalisées. Toutefois, même en maintenant à fond l’inversion de poussée et le freinage, il n’aurait pas été possible d’empêcher l’aéronef de quitter la piste, puisque le système d’antidérapage était activé.

Dans d’autres circonstances, la pleine utilisation des dispositifs de décélération peut être la clé permettant d’éviter les sorties en bout de piste. Des indices visuels permettant de connaître la longueur de piste restante peuvent aider les pilotes à décider d’utiliser ces dispositifs en temps opportun.

Fait établi quant aux risques

En l’absence d’indices additionnels (p. ex. technologie améliorée ou aides visuelles) pour aider les équipages de conduite à déterminer si une piste est adéquate avant d’y atterrir et pour déterminer la position de l’aéronef une fois posé sur la piste, il y a un risque que les gestes posés par les équipages de conduite sur la foi d’indices faibles ou non marquants entraînent une sortie en bout de piste.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Alors qu’il se préparait au changement de piste, l’équipage de conduite a évalué mentalement que le vent indiqué pour la piste 05 deviendrait un vent de travers pour la piste 14. Par conséquent, l’équipage de conduite n’a pas recalculé les effets du vent pour l’approche vers la piste 14, mais il a plutôt considéré que la distance d’atterrissage et la vitesse d’approche cible calculées pour la piste 05 étaient toujours adéquates.
  2. Les vents au sol rapportés avaient tourné et forci légèrement pendant le vol. Il en découlait une composante vent arrière supérieure à la limite de 10 nœuds de l’exploitant, une vitesse d’approche requise moins élevée, soit Vref + 5 nœuds, et une distance d’atterrissage supérieure à la longueur de piste disponible. L’équipage de conduite ignorait tout cela et, par conséquent, a poursuivi l’approche vers la piste 14.
  3. En raison de la vitesse d’approche cible inchangée, combinée au vent arrière, l’aéronef a franchi le seuil à une vitesse de 10 nœuds supérieure à celle recommandée, s’est posé à une vitesse sol plus élevée et a ainsi nécessité une distance d’arrêt plus longue.
  4. La contamination de la piste par de la neige mouillée a entraîné une réduction de l’efficacité du freinage, ce qui a contribué à l’augmentation de la distance d’atterrissage.
  5. La plus grande distance d’atterrissage requise due à l’approche rapide, à la composante vent arrière et à la contamination de la piste, dépassait la longueur de piste restante disponible et a entraîné la sortie en bout de piste.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si l’enregistreur de conversations de poste de pilotage n’est pas désactivé à la suite d’un événement, il y a un risque que des renseignements utiles à l’enquête soient perdus.
  2. En l’absence d’indices additionnels (p. ex. technologie améliorée ou aides visuelles) pour aider les équipages de conduite à déterminer si une piste est adéquate avant d’y atterrir et pour déterminer la position de l’aéronef une fois posé sur la piste, il y a un risque que les gestes posés par les équipages de conduite sur la foi d’indices faibles ou non marquants entraînent une sortie en bout de piste.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1. Dans l’événement à l’étude, l’aéronef s’est immobilisé à l’intérieur de l’aire de sécurité d’extrémité de piste.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 WestJet

À la suite de l’événement, WestJet a pris les mesures suivantes :

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A — Carte d’approche ILS pour la piste 14 à l’Aéroport international Stanfield d’Halifax

Annexe A – Carte d’approche ILS pour la piste 14 à l’Aéroport international Stanfield d’Halifax
Carte d’approche ILS pour la piste 14 à l’Aéroport international Stanfield d’Halifax

Source: NAV CANADA, Canada Air Pilot

Annexe B — Extrait du rapport de décollage et d’atterrissage pour le vol à l’étude

Annexe B – Extrait du rapport de décollage et d’atterrissage pour le vol à l’étude
Extrait du rapport de décollage et d’atterrissage pour le vol à l’étude

Source : WestJet Airlines Ltd., avec annotations du BST

Annexe C — Tableau des distances d’atterrissage du manuel de référence rapide

Annexe C – Tableau des distances d’atterrissage du manuel de référence rapide
Tableau des distances d’atterrissage du manuel de référence rapide

Source : WestJet Airlines Ltd., 737 NG Flight Operations Manual – 737NG Quick Reference Handbook, révision 6 (18 juin 2019), Performance – Normal Configuration Landing Distance, p. PI-737-800SFP.10D.23, avec annotations du BST.