Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A21Q0007

Perte de maîtrise et collision avec le relief
Wag-A-Bond (aéronef de construction amateur), C-GKGX
Lac Barron, Gore (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le matin du 3 mars 2021, vers 8 h 17Note de bas de page 1, l’aéronef de construction amateur Wag-A-Bond (immatriculation C-GKGX, numéro de série 01) a décollé du lac Barron, près de la municipalité de Gore (Québec), à destination de l'aérodrome de Lachute (CSE4) (Québec). Le pilote allait rejoindre un des copropriétaires de l’aéronef afin d’effectuer d’autres vols dans la journée.

    Lors du décollage en direction ouest sur la surface gelée du lac, les volets étaient réglés à 40°Note de bas de page 2. L’aéronef est monté à près de 50 pieds au-dessus du sol (AGL) près de la rive nord du lac et a amorcé un virage à gauche avec les volets toujours réglés à 40°Note de bas de page 3. L’aéronef est entré en vrille vers la gauche et a percuté la surface du lac pratiquement à la verticale, l’aile gauche touchant la surface en premier (figure 1)Note de bas de page 4.

    Figure 1. Trajectoire estimée de l’aéronef à l’étude (Source : BST)
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    Trajectoire estimée de l’aéronef à l’étude (Source : BST)

    Une personne qui se trouvait à proximité du lieu de l’accident a rapidement appelé les services d’urgence en composant le 9-1-1. La radiobalise de repérage d’urgence émettant sur la fréquence de 121,5 MHz s’est activée lors de l’impact et a transmis un signal.

    Le pilote a été mortellement blessé. L’aéronef a été détruit par les forces de l’impact et aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.

    Renseignements météorologiques

    Selon le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) émis à 8 h 34 pour l’aéroport international de Montréal (Mirabel) (CYMX) au Québec, situé à 10 milles marins (NM) au sud-est du lieu de l’accident, des vents variables de 3 nœuds soufflaient du 230° vrai (V) au 320°V. Les conditions météorologiques étaient propices pour effectuer ce vol selon les règles de vol à vue et n’ont pas été retenues comme facteur dans cet accident.

    Renseignements sur le pilote

    Le pilote avait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol à l’étude conformément à la réglementation en vigueur. Il détenait une licence canadienne de pilote professionnel — avion et un certificat médical de catégorie 1, tous deux valides. Il avait les qualifications suivantes : monomoteur, multimoteur, vol aux instruments (groupe 1) et hydravion. Au moment de l’événement, il avait accumulé 957 heures de vol, dont 30,5 sur aéronefs équipés de skis et 10,3 sur l’aéronef à l’étude.

    Selon l’information obtenue au cours de l’enquête, rien n’indique que la performance du pilote ait été affectée par des facteurs médicaux, pathologiques ou physiologiques.

    Renseignements sur l’aéronef

    Le Wag-A-Bond est un aéronef de construction amateur. L’aéronef à l’étude a été construit en 2011 et a reçu un certificat spécial de navigabilitéNote de bas de page 5 le 15 novembre 2012. L’aéronef était monté sur roues et skis (figure 2).

    Figure 2. Photo de l’aéronef à l’étude (Source : copropriétaire de l'aéronef)
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    Photo de l’aéronef à l’étude (Source : copropriétaire de l'aéronef)

    Le carnet de route de l’aéronef indiquait qu’il avait accumulé 208,8 heures de vol depuis sa fabrication. Il avait une masse maximale au décollage de 1800 livres et une masse à vide de 1176 livres. L’aéronef était équipé d’un moteur Avco Lycoming O-320-A2B (numéro de série L1057927). Il s’agit d’un moteur à 4 temps et à 4 cylindres à refroidissement par air, qui développe une puissance de 150 hp à un régime maximal de 2700 tr/min.

    L’aéronef n’était pas équipé d’un avertisseur de décrochage et ne présentait aucune anomalie connue avant le vol à l’étude.

    Site de l’accident et examen de l’épave

    Figure 3. Photo de l’épave (Source : BST)
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    Photo de l’épave (Source : BST)

    L’aéronef a percuté la surface gelée du lac selon un angle presque vertical et s’est immobilisé ainsi à l’endroit de l’impact. Des traces dans la neige indiquaient que l’aile gauche avait touché la surface en premier, suivie du nez de l’appareil (figure 3). Les réservoirs de carburant, situés dans les ailes, ont été endommagés, ce qui a causé un petit déversement de carburant.

    Les ailes s’étaient partiellement détachées du fuselage, mais les câbles actionnant les ailerons étaient sous tension et toujours reliés à la cabine. Le système de câbles et de poulies actionnant les gouvernes de profondeur et de direction a été vérifié autant que possible : quand on tirait sur les câbles situés sous le fuselage, les gouvernes bougeaient librement. Le manche a été arraché sous l’effet des forces d’impact, tout comme les câbles le reliant. Les dommages aux ailes et à la structure étaient la conséquence des forces de l’impact et du travail des premiers intervenants.

    Décrochage aérodynamique et mise en vrille

    Un décrochage est une perte de portance et une augmentation de traînée qui se produit lorsque l’aéronef vole à un angle d'attaque supérieur à l'angle qui assure la portance maximale. Quelle que soit la vitesse, un aéronef décroche toujours lorsque les ailes atteignent cet angle d'attaque critiqueNote de bas de page 6.

    La vitesse de décrochage, quant à elle, varie entre autres selon le poids de l’aéronef, le réglage de la puissance, la position des volets et l'angle d'inclinaison de l’aéronef. La mise en vrille s'amorce au moment où l’aéronef décroche et qu'une aile produit plus de portance que l'autre. L'aile descendante ayant un angle d'attaque plus grand décroche encore plus et produit plus de traînée, ce qui provoque une autorotation. Pendant cette phase de mise en vrille, la trajectoire de vol passe de l'horizontale à la verticaleNote de bas de page 7.

    Généralement, même si le pilote prend les mesures nécessaires pour arrêter l'autorotation dès qu'elle commence, l’aéronef se retrouve en position verticale, prend de la vitesse rapidement et nécessite une grande altitude pour pouvoir reprendre une trajectoire horizontale. Si l'autorotation se poursuit, l’aéronef pourrait se stabiliser en vrille et suivre une trajectoire hélicoïdale vers le bas (figure 4).

    Figure 4. Mise en vrille (Source : BST, d’après Transports Canada, TP 1102F, Manuel de pilotage, 4e édition [1998], figure 2-31)
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    Mise en vrille (Source : BST, d’après Transports Canada, TP 1102F, Manuel de pilotage, 4e édition [1998], figure 2-31)

    Dans le vol à l’étude, la traînée plus élevée en raison des volets réglés à 40° a limité la vitesse de l’aéronef lors de la montée. Le couple du moteur à pleine puissance induisait un roulis vers la gauche; le souffle de l’hélice sur le stabilisateur et la gouverne de direction induisait un lacet vers la gauche. Lorsque le pilote a amorcé un virage vers la gauche à basse vitesse en actionnant les commandes et le palonnier de gauche, il est probable que l’aéronef a décroché et est entré dans une autorotation de mise en vrille. La hauteur de l’aéronef, qui était d’environ 50 pieds AGL au moment de la perte de maîtrise, ne permettait pas au pilote d’éviter la collision avec la surface gelée du lac.

    Message de sécurité

    Dans l’événement à l’étude, l’utilisation des volets à leur réglage maximal (40°) a limité l’accélération pendant la montée initiale. Lors de manœuvres à basse vitesse, surtout lors de la montée initiale après le décollage, les pilotes doivent surveiller tout signe de décrochage imminent et user de précaution en manipulant les commandes de vol afin d’éviter un décrochage et l’autorotation de mise en vrille et potentiellement un impact avec le sol.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .