Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A21Q0090

Collision avec la surface de l’eau et capotage
Piper PA-18S-150 (hydravion), C-FVPZ
Immatriculation privée
Rivière du Lièvre, Ferme-Neuve (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le 24 septembre 2021, vers 13 h 55Note de bas de page 1, l’hydravion sous immatriculation privée Piper PA-18S-150 (immatriculation C‑FVPZ, numéro de série 18-8540), avec à son bord le pilote et une passagère, a décollé de la rivière du Lièvre dans la municipalité de Ferme-Neuve (Québec) pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination d’un plan d’eau situé à 13 milles marins (NM) à l’ouest de Parent (Québec).

    Une personne qui se trouvait sur la rive sud de la rivière a observé l’aéronef près de la surface de l’eau, en forte inclinaison à droite, peu après le décollage. Après l’avoir brièvement perdu de vue, elle l’a ensuite vu renversé dans la rivière (figure 1). Elle a immédiatement composé le 9-1-1 pour appeler les services d’urgence, qui sont rapidement arrivés sur les lieux. Les 2 occupants ont été retrouvés noyés. La passagère avait partiellement franchi la porte. L’aéronef a subi des dommages importants à l’aile gauche.

    Figure 1. Image satellite illustrant la course au décollage et la trajectoire estimées de l’aéronef à l’étude, les vents et le lieu de la collision avec la surface de l’eau (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Image satellite illustrant la course au décollage et la trajectoire estimées de l’aéronef à l’étude, les vents et le lieu de la collision avec la surface de l’eau (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Renseignements météorologiques

    Selon les observations d’Environnement et Changement climatique Canada à Maniwaki (Québec), situé à 33 NM au sud-ouest du lieu de l’accident, les vents soufflaient du sud en moyenne à 8 nœuds et la température moyenne était de 15 °C entre 12 h et 18 h le jour de l’événement. Les informations obtenues au cours de l’enquête indiquent que les vents à Ferme-Neuve étaient similaires aux conditions rapportées à Maniwaki et que les conditions météorologiques étaient propices au vol VFR prévu.

    Renseignements sur le pilote

    Le pilote avait les qualifications nécessaires pour effectuer le vol à l’étude conformément à la réglementation en vigueur : il détenait une licence de pilote privé délivrée en 1977 et un certificat médical de catégorie 3 valide. Le pilote avait à son actif plus de 2000 heures de vol, dont près de 700 sur l’aéronef de l’événement.

    Selon l’information obtenue au cours de l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux ou physiologiques aient nui à la performance du pilote.

    Renseignements sur l’aéronef

    Figure 2. Photo de l’aéronef à l’étude (Source : Famille du propriétaire de l’aéronef)
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    Photo de l’aéronef à l’étude (Source : Famille du propriétaire de l’aéronef)

    Le PA-18S‑150 est un aéronef biplace en tandem (pilote à l’avant et passager à l’arrière). L’aéronef de l'événement avait été fabriqué par Piper Aircraft Corporation en 1967 (figure 2). D’après le carnet de route, il avait accumulé 3519,7 heures de vol depuis sa fabrication, mais les vols effectués en 2021 n’y étaient pas consignés.

    Les 2 sièges de l’aéronef étaient équipés de ceintures de sécurité abdominales uniquement et étaient conformes à la réglementation en vigueur, qui n’exigeait pas que les sièges soient équipés de harnais.

    L’aéronef était équipé d’un moteur Avco Lycoming O-320-A2B (numéro de série L-18871-27A) dont la puissance d’origine était de 150 hp. Il avait été modifié conformément au certificat de type supplémentaire (STC) SE00252SE pour en augmenter la puissance à 160 hp à un régime maximal de 2700 tr/min.

    Selon le supplément au manuel de vol de l’aéronefNote de bas de page 2, la masse maximale admissible au décollage est de 1750 livres. Selon une estimation calculée dans le cadre de l’enquête, la masse au décollage de l’aéronef lors du vol à l’étude était d’environ 1900 livres, soit au-dessus de la masse maximale admissible au décollage.

    Le Manuel de pilotage – Avion de Transports Canada précise que 

    [l]es limites de masse et de centrage sont imposées pour les raisons suivantes :

    1. l’effet de la répartition des masses (et le centrage qui en résulte) sur les caractéristiques de vol de l’aéronef, particulièrement en sortie de décrochage et de vrille, sur le vol lent et sur la stabilité;
    2. l’effet du poids sur les structures primaires et secondaires de l’aéronef;
    3. l’effet du poids sur les performances au décollage et à l’atterrissageNote de bas de page 3.

    Site de l’accident et examen de l’épave

    L’aéronef a été remonté sur la rive par les services d’urgence. Le tiers extérieur de l’aile gauche était replié sur lui-même. Selon les déformations observées et l’information obtenue au cours de l’enquête, il a été établi que ces dommages avaient été causés par l’impact. Le système de câbles et poulies actionnant les gouvernes a été vérifié sans qu’aucune défectuosité antérieure à l’impact ne soit relevée. Malgré la déformation de l’aile gauche, les câbles de l’aileron gauche étaient toujours reliés aux commandes. L’hélice n’était pas endommagée, ce qui pourrait être un signe que le moteur ne produisait pas de puissance au moment de l’impact. Cependant, rien n’indique qu’une défaillance du moteur soit survenue.

    Les bagages n’étaient pas arrimés et ont été retrouvés dispersés à l’intérieur de l’habitacle. Des bagages non arrimés peuvent, dans certains cas, obstruer les sorties de secours.

    Le support en bois de la batterie présentait des signes importants de détérioration apparus avec le temps. De plus, la structure tubulaire en acier sous la batterie présentait des signes importants de corrosion : elle était sectionnée à 2 endroits sous l’effet de cette corrosion (figure 3). Suite à l’inspection annuelle de l’aéronef effectuée en juin 2021, le dossier technique de la cellule de l’aéronef ne faisait aucune mention de corrosion sur la structure. Une première zone de corrosion était visible de l’extérieur et une autre zone était visible par une trappe pouvant être ouverte par un mécanicien dans le cadre d’une inspection annuelle. Rien n’indique que la corrosion constatée lors de l’enquête ait joué un rôle dans l’événement à l’étude.

    Figure 3. Photos sous 2 angles différents de la structure tubulaire en acier sous la batterie sectionnée sous l’effet de la corrosion (Source : BST)
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    Photos sous 2 angles différents de la structure tubulaire en acier sous la batterie sectionnée sous l’effet de la corrosion (Source : BST)

    L’aéronef à l’étude était muni d’une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) automatique fixe (fabriquée par Technisonic Industries Limited, modèle TEL-82) pouvant transmettre sur les fréquences 121,5 MHz et 243 MHz seulement. Les signaux d’ELT sur ces fréquences peuvent être détectés par d’autres aéronefs ou par le contrôle de la circulation aérienne (ATC) qui surveillent ces fréquences. Toutefois, ces fréquences ne sont plus surveillées par le système d’aide à la recherche et au sauvetage par satellite du Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage/Centre canadien de contrôle des missions de Trenton (Ontario). Dans l’événement à l’étude, aucun signal d’ELT n’a été rapporté sur la fréquence de 121,5 MHz ni sur celle de 243 MHz, que ce soit par d’autres aéronefs ou par l’ATC. Cependant, l’ELT a été submergée, ce qui réduit les chances que le signal soit capté.

    Un examen plus approfondi effectué par le Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) a révélé que l’ELT fonctionnait malgré la faible tension de la batterie interne. Selon l’étiquette apposée lors de la dernière maintenance de la radiobalise effectuée en juin 2021, la date de remplacement de la batterie était mai 2022. Cependant, la date de remplacement indiquée sur la batterie interne elle-même était le 18 mai 2020, date qui correspond à celle indiquée sur l’étiquette apposée lors de la maintenance précédente, effectuée le 23 mai 2018Note de bas de page 4,Note de bas de page 5 (figure 4).

    Figure 4. Photo de la radiobalise de repérage d’urgence montrant la date de remplacement de la batterie interne en encadré (Source : BST)
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    Photo de la radiobalise de repérage d’urgence montrant la date de remplacement de la batterie interne en encadré (Source : BST)

    Opérations aériennes sur l’eau ou au-dessus de l’eau

    Selon une étude publiée en 2021Note de bas de page 6, sur 1144 personnes impliquées dans un accident d’hydravion survenu sur l’eau entre 1995 et 2019, 148 sont décédées. La cause de décès de plus de la moitié était la noyade. Souvent, la noyade est le résultat d’une ou d’une combinaison de difficultés d’évacuation consécutives ou simultanées : blessure subie au moment de l’impact, difficulté à ouvrir la porte de sortie, à détacher sa ceinture de sécurité ou à sortir de la cabine en raison d’objets obstruant le passage. Dans la grande majorité des accidents d’aéronefs ayant causé des décès par noyade, l’appareil s’est retrouvé à l’envers, ce qui a eu pour effet de surprendre et de désorienter considérablement les occupants.

    Selon cette même étude, la préparation mentale à l’éventualité d’une évacuation subaquatique, soit en suivant une formation spécifique soit en passant simplement en revue les procédures d’urgenceNote de bas de page 7,Note de bas de page 8 avant le vol, s’avère un moyen efficace pour atténuer les risques de noyade.

    Dans l’événement à l’étude, il n’a pas pu être établi si la revue des procédures en cas d’urgence avait été ou non effectuée avant le vol.

    Les occupants du vol à l’étude ne présentaient aucun signe de blessures ayant pu gêner leur évacuation. Les ceintures de sécurité ont été retrouvées détachées et la porte de l’habitacle, ouverte. Selon l’information obtenue au cours de l’enquête, le pilote avait l’habitude de boucler sa ceinture.

    Aucun des occupants ne portait de dispositif de flottaison et rien n’indique qu’il y en avait à bord.

    Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP136/2021 – ELT Analysis [Analyse de l’ELT]
    • LP132/2021 – NVM Recovery – GPS [Récupération des données de la mémoire non volatile – GPS]

    Messages de sécurité

    Bien que l’enquête n’ait pu déterminer pourquoi l’aéronef s’était retrouvé en forte inclinaison sur la droite avant l’impact avec la rivière, il est essentiel que les pilotes respectent les limites de masse et centrage de l’aéronef afin d’en garantir l’intégrité structurelle, les caractéristiques de vol, la stabilité et les performances de décollage.

    De plus, les bagages doivent être arrimés pour éviter qu’ils ne blessent les occupants et n’obstruent les sorties en cas d’évacuation.

    Cet accident souligne l’importance de la préparation mentale pour pouvoir réagir efficacement dans des conditions de désorientation. Les pilotes d’hydravion doivent passer en revue les procédures d’urgence avec les passagers avant la tenue d’un vol et envisager la possibilité d’une évacuation subaquatique.

    Il est crucial que toutes les défectuosités remarquées lors d’une inspection annuelle soient consignées dans les dossiers techniques de l’aéronef pour qu’elles soient corrigées afin d’assurer la sécurité des vols.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .