Robinson R44 Raven II (hélicoptère), C-FBGT
Immatriculation privée
Grande Prairie (Alberta), 39 NM NE
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
À 19 h 41, heure normale des Rocheuses, le 1er janvier 2021, l’hélicoptère R44 Raven II de la Robinson Helicopter Company (immatriculation C-FBGT, numéro de série 13801) sous immatriculation privée a décollé d’une ferme à 6 milles marins au sud de l’aérodrome d’Eaglesham/Delta Tango Field (Alberta) pour effectuer un vol de nuit selon les règles de vol à vue à destination de DeBolt (Alberta), à environ 30 milles marins au sud-sud-ouest. Le pilote et 3 passagers étaient à bord. Vers 19 h 54, heure normale des Rocheuses, l’hélicoptère est entré en collision avec le relief à 10 milles marins au sud-ouest d’Eaglesham (Alberta) (25,5 milles marins au nord-est de DeBolt). Les 4 occupants ont été mortellement blessés. L’hélicoptère a été détruit, et un incendie s’est déclaré après l’impact. Un signal de radiobalise de repérage d’urgence a été reçu par le système de recherche et de sauvetage par satellite.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
Le 1er janvier 2021, en début d’après-midi, l’hélicoptère R44 Raven II de la Robinson Helicopter Company (RHC) (immatriculation C-FBGT, numéro de série 13801) sous immatriculation privée a décollé d’une résidence près de DeBolt (Alberta) avec le pilote et 3 membres de sa famille — 1 adulte et 2 enfants — à bord, pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) vers une ferme familiale près d’Eaglesham (Alberta), à environ 30 milles marins (NM) au nord-nord-est. L’hélicoptère s’est posé à la ferme familiale vers 14 hNote de bas de page 1. Les membres de la famille du pilote ont débarqué. Le pilote a ensuite redécollé pour aller entreposer l’hélicoptère dans un hangar chauffé sur une bande d’atterrissage privée à environ 1 NM vers le nord.
Le pilote et sa famille sont restés à la ferme jusqu’en début de soirée. Au cours de la journée, la famille du pilote lui a demandé à plusieurs reprises si la météo allait être acceptable pour le vol de retour ce soir-là. Le pilote a répondu qu’il avait vérifié la météo sur son téléphone et que la météo serait bonne pour le vol de retour. L’enquête n’a pas permis de déterminer avec certitude la source des renseignements météorologiques du pilote ni les produits météorologiques qu’il avait consultés.
Vers 19 h 20, pendant les heures d’obscurité, le pilote a sorti l’hélicoptère du hangar chauffé et a effectué l’inspection prévol. Ensuite, le pilote accompagné de 2 passagers adultes sont partis pour un court vol VFR de nuit local afin de repositionner l’hélicoptère vers la ferme familiale. L’aéronef a volé sur une distance de 6 NM vers le nord, jusqu’à l’aérodrome d’Eaglesham/Delta Tango Field (CDT8) (Alberta), avant de retourner à la ferme où la famille du pilote l’attendait (figure 1).
L’hélicoptère s’est approché de la ferme par le sud-ouest et s’est posé sur une aire de stationnement à 19 h 36. Le pilote et les 2 passagers ont débarqué; l’hélicoptère est resté en marche. Quelques minutes plus tard, le pilote et les 3 passagers du vol effectué en début d’après-midi — 1 adulte et 2 enfants — sont montés à bord de l’hélicoptère. À 19 h 41, l’hélicoptère est parti vers le sud, en direction de la résidence familiale près de DeBolt, à environ 30 NM au sud-sud-ouest. L’altitude au sol du point de départ était d’environ 1853 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL).
Au départ, l’hélicoptère a d’abord volé selon une trajectoire directe (environ 204° magnétiques [M]) jusqu’à la destination sur une distance de 2,45 NM. Au cours de ce segment du vol, l’hélicoptère a atteint son altitude la plus élevée (2364 pieds ASL). À 19 h 43 min 43 s, l’hélicoptère a changé de trajectoire vers l’ouest, à environ 270°M, et a continué sur cette trajectoire sur une distance de 2,3 NM. Entre 19 h 45 min 23 s et 19 h 45 min 52 s, l’hélicoptère est descendu à une vitesse allant jusqu’à 1049 pi/min jusqu’à une altitude de 2081 pieds ASL. L’altitude du sol était alors de 1970 pieds ASL. L’hélicoptère est ensuite remonté jusqu’à 2279 pieds ASL. À 19 h 46 min 40 s, l’hélicoptère a de nouveau adopté une trajectoire selon une direction sud-sud-ouest (environ 188°M). À 19 h 48 min 21 s, l’hélicoptère a amorcé un virage de 360° vers la gauche. La maîtrise de l’hélicoptère a alors été perdue et, 8 secondes plus tard, l’aéronef est entré en collision avec le relief.
Vers 19 h 54, un signal provenant de la radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de l’hélicoptère de l’événement a été détecté par le Centre canadien de contrôle des missions, et cette information a été transmise au Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) à Trenton (Ontario).
Le JRCC de Trenton a informé les membres de la famille du pilote de la transmission de l’ELT vers 20 h 10. Une recherche privée a été lancée à l’aide d’un avion Cessna 182 et d’un hélicoptère RHC R66. Le Cessna 182 a décollé vers 20 h 20 de la bande d’atterrissage privée à 1 NM au nord de la ferme familiale près d’Eaglesham. Quelques minutes plus tard, le pilote du Cessna 182 a remarqué l’incendie qui s’était déclaré après l’impact dans un champ agricole à environ 5 NM au sud-ouest et est revenu à la bande d’atterrissage.
Les premiers intervenants étaient sur place à 21 h 22. La GRC (Gendarmerie royale du Canada) est arrivée sur les lieux à 21 h 58.
1.2 Personnes blessées
Le pilote et les 3 passagers ont été mortellement blessés.
Gravité des blessures | Membres d’équipage | Passagers | Personnes ne se trouvant pas à bord de l’aéronef | Total selon la gravité des blessures |
---|---|---|---|---|
Mortelles | 1 | 3 | – | 4 |
Graves | 0 | 0 | – | 0 |
Légères | 0 | 0 | – | 0 |
Total des personnes blessées | 1 | 3 | – | 4 |
1.3 Dommages à l’aéronef
L’hélicoptère a été détruit sous le choc de l’impact et par l’incendie qui a suivi.
1.4 Autres dommages
À l’exception de marques au sol et de quelques petits déversements de carburant et d’huile, il n’y a eu aucun dommage matériel dans la zone entourant le lieu de l’accident.
1.5 Renseignements sur le personnel
Les dossiers indiquent que le pilote détenait la licence et la qualification appropriées pour effectuer le vol de l’événement conformément à la réglementation en vigueur.
Le pilote avait acheté l’hélicoptère de l’événement en octobre 2018 et avait commencé sa formation pour l’obtention d’une licence de pilote privé — hélicoptère au cours du même mois. Il avait reçu sa licence en janvier 2019 et avait obtenu une qualification de nuit en mars 2019. Selon son carnet personnel, il avait accumulé 624,75 heures à bord de l’hélicoptère de l’événement, dont 41 heures de vol de nuit et 10,1 heures de temps simulé de vol aux instruments avant l’événement. Le dernier vol de l’hélicoptère consigné dans le carnet personnel du pilote remontait au 5 décembre 2020.
Le 15 décembre 2020, le pilote avait obtenu sa licence de pilote privé — avion. Selon son carnet personnel, il avait accumulé 43,7 heures de temps de vol en double commande et 26,8 heures en tant que commandant de bord sur un aéronef à voilure fixe. Le dernier vol aux commandes d’un aéronef à voilure fixe consigné dans son carnet était un vol qui remontait au 19 décembre 2020.
Pour transporter des passagers sur un vol de nuit, Transports Canada (TC) exige que le titulaire de la licence effectue 5 décollages et 5 atterrissages de nuit au cours des 6 mois précédentsNote de bas de page 2. Au cours des 6 mois précédant l’événement, le pilote avait effectué 8,5 heures vol de nuit à 5 dates distinctes et avait effectué au moins 5 décollages et 5 atterrissages.
Le pilote avait effectué plusieurs vols à destination d’Eaglesham à plusieurs reprises depuis l’obtention de sa licence de pilote d’hélicoptère en janvier 2019. Selon les détails du carnet de route de l’hélicoptère et du carnet personnel du pilote, 10 vols à destination d’Eaglesham, dont 1 vol de nuit, avaient été effectués. Le pilote connaissait bien le nord et le centre de l’Alberta puisque c’est dans cette région qu’il avait effectué la plupart de ses vols.
Licence de pilote | Licence de pilote privé — hélicoptère, licence de pilote privé — avion |
---|---|
Date d’expiration du certificat médical | 1er novembre 2022 |
Heures de vol totales | 695,25 |
Heures de vol sur type | 624,75 |
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement | Inconnues* |
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement | 13,34 |
Heures de vol de nuit au cours des 30 jours précédant l’événement | 3,44 comme commandant de bord (hélicoptère) 1,6 comme commandant de bord (voilure fixe) 5,1 en double commande (voilure fixe) |
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement | 55,99 |
Heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours | 48,09 |
Heures de vol de nuit sur type au cours des 90 derniers jours | 7,2 comme commandant de bord |
* Le carnet personnel du pilote avait été mis à jour pour la dernière fois le 19 décembre 2020. La dernière mise à jour du carnet de route de l’aéronef remontait au 5 décembre 2020. On ne sait pas si l’hélicoptère avait volé au cours des 7 jours précédant l’accident.
1.6 Renseignements sur l’aéronef
1.6.1 Généralités
Le RHC R44 II est un hélicoptère à 4 places ayant une masse brute maximale de 1134 kg (2500 livres). L’hélicoptère de l’événement ne présentait aucune défectuosité connue avant le vol de l’événement et était exploité dans ses limites de masse et centrage.
L’hélicoptère était équipé des instruments de vol suivants : un variomètre, un indicateur d’assiette électronique, un anémomètre, un altimètre et une horloge. L’hélicoptère n’était cependant pas équipé de tous les instruments exigés pour le vol VFR de nuit stipulés à l’article 605.16 du Règlement de l’aviation canadien (RAC). Par exemple, le RAC stipule que les aéronefs doivent être équipés soit d’un indicateur de virage et de dérapage soit d’un coordonnateur de virage et, lorsque l’aéronef vole dans une zone où aucun aérodrome n’est visible de l’aéronef, soit d’un indicateur de direction magnétique stabilisé soit d’un indicateur gyroscopique de direction. Au moment de l'événement, l'hélicoptère n'était équipé d’aucun de ces instruments.
L’aéronef était équipé d’un récepteur portatif à piles Appareo Stratus 2S. Le récepteur fonctionne avec l’application ForeFlight Mobile pour fournir aux pilotes une source de données de position GPS (système de positionnement mondial), une surveillance dépendante automatique en mode diffusion, des renseignements météorologiques (s’il y en a), des renseignements sur la circulation et d’autres données connexes. L’enquête n’a pas permis de déterminer lequel de ces services le pilote utilisait pendant le vol. Le récepteur fonctionne également comme une centrale de cap et de verticale, un enregistreur de données de vol et un capteur d’altitude-pression.
Constructeur | Robinson Helicopter Company |
---|---|
Type, modèle et immatriculation | R44 Raven II, C-FBGT |
Année de construction | 2015 |
Numéro de série | 13801 |
Date d’émission du certificat de navigabilité | 8 mars 2015 |
Total d’heures de vol cellule | 939,35 heures |
Type de moteur (nombre) | Textron Lycoming IO-540-AE1A5 (1) |
Type de rotor (nombre de pales) | Semi-rigide (2) |
Masse maximale autorisée au décollage | 1134 kg |
Types de carburant recommandés | 100, 100LL, 100VLL, UL91, UL94 |
Type de carburant utilisé | 100LL |
1.6.2 Circuit anémobarométrique
Le circuit anémobarométrique se compose d’un tube de Pitot sur le bord inférieur avant du carénage du mât au-dessus de la cabine et de prises statiques sur les côtés du fuselage à l’arrière des portes arrière. Le tube Pitot et les prises statiques fournissent la pression d’air nécessaire au fonctionnement de l’anémomètre, de l’altimètre et du variomètre.
Les dossiers indiquent que l’hélicoptère de l’événement n’était pas équipé d’un tube Pitot chauffé. La réglementation n’exigeait pas qu’il le soit. Il est possible de se procurer une trousse de tube Pitot chauffé auprès de RHC.
1.6.3 Modifications des instruments de vol
L’aéronef a été livré par le constructeur sans certains des instruments exigés pour le vol VFR de nuit. Peu de temps après l’acquisition de l’aéronef en 2018, un indicateur de direction magnétique stabilisé, un coordonnateur de virage et un indicateur d’assiette ont été posés pendant que le pilote suivait une formation pour sa qualification de vol VFR de nuit. En avril 2019, le coordonnateur de virage et l’indicateur de direction magnétique stabilisé ont été déposés et installés à bord d’un autre aéronef.
1.7 Renseignements météorologiques
1.7.1 Prévisions météorologiques
La prévision d’aérodrome (TAF) disponible la plus proche du point de départ a été émise pour l’aéroport de Peace River (CYPE) (Alberta), soit à 35 NM au nord-est du point de départ. La TAF la plus récente avait été émise le 1er janvier 2021 à 17 h 38 et était valide de 18 h à 6 h (le 2 janvier 2021). Elle prévoyait les conditions suivantes pour l’heure du vol :
- vent soufflant du 020° vrai (V) à 12 nœuds
- visibilité de 1½ mille terrestre (SM)
- neige légère et brume
- plafond couvert à 2000 pieds au-dessus du sol (AGL)
- temporairement de 18 h à 3 h :
- visibilité de 6 SM
- neige légère
La TAF disponible la plus proche de la destination a été émise le 01 janvier 2021 pour l’aéroport de Grande Prairie (CYQU) (Alberta), soit à 24 NM à l’ouest-sud-ouest de la destination. La TAF avait été émise le 1er janvier 2021 à 17 h 38 et était valide de 18 h à 6 h (le 2 janvier 2021). Elle prévoyait les conditions suivantes pour l’heure du vol :
- vent soufflant du 070°V à 8 nœuds
- visibilité supérieure à 6 SM
- plafond couvert à 12 000 pieds AGL
- devenant entre 21 h et 23 h :
- vent variable de 3 nœuds
La prévision de zone graphique (GFA) pour la région des Prairies a été émise le 1er janvier 2021 à 16 h 25 et était valide de 17 h à 5 h (le 2 janvier 2021) (annexe A). Selon cette GFA, il était prévu que les régions de Grand Prairie et de Peace River seraient sous l’influence d’un front chaud en altitude qui se déplaçait vers le nord-est à 20 nœuds. Les conditions météorologiques à l’avant (à l’est) du front comportaient des bases de nuages entre 3000 et 4000 pieds ASL avec des sommets à 22 000 pieds ASL, ce qui se traduisait par des visibilités de 1 à 3 SM dans des averses de neige légères avec des visibilités occasionnelles de ½ SM dans des averses de neige avec des plafonds nuageux épars de 800 à 1500 pieds AGL. Derrière le front chaud supérieur (à l’ouest de celui-ci), des nuages épars avec des bases à 4000 pieds ASL et des sommets à 6000 pieds ASL étaient prévus.
La carte GFA de givrage, de turbulence et de niveau de congélation émise le 1er janvier 2021 à 16 h 25, valide de 17 h à 5 h (le 02 janvier 2021) (annexe B), indiquait une vaste zone de givrage mixte modéré de 3000 à 4000 pieds ASL jusqu’à 14 000 pieds ASL à l’avant du front chaud.
1.7.2 Conditions météorologiques réelles
Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) disponible le plus proche du point de départ a été émis à CYPE. Le METAR émis à 19 h indiquait les renseignements suivants :
- vent soufflant du 010°V à 12 nœuds
- visibilité de 15 SM
- neige légère
- plafond couvert à 1700 pieds AGL
- température de −7 °C
- point de rosée à −8 °C
- calage altimétrique à 29,42 pouces de mercure (inHg)
Le METAR disponible le plus proche de la destination a été émis à CYQU. Le METAR émis à 19 h indiquait les renseignements suivants :
- vent soufflant du 060°V à 7 nœuds
- visibilité de 25 SM
- plafond fragmenté à 12 000 pieds AGL
- couche de nuages fragmentés à 17 000 pieds AGL
- température de −6 °C
- point de rosée à −7 °C
- calage altimétrique à 29,31 inHg
Peu après l’accident, un hélicoptère RHC R66 a décollé d’une résidence privée à la recherche du site de l’accident. Le pilote de cet hélicoptère a remarqué qu’une couche de nuages était présente en contrebas pendant environ 20 minutes lorsqu’il volait au nord-est de CYQU. L’hélicoptère volait à 1500 pieds AGL et la couche de nuages se situait entre 800 et 1000 pieds AGL selon l’estimation du pilote.
La route de vol prévue se trouvait dans un espace aérien non contrôlé. Selon le RACNote de bas de page 3, pour les hélicoptères utilisés en vol VFR de nuit dans un espace aérien non contrôlé, la visibilité ne doit pas être inférieure à 3 SM. Si l’hélicoptère est utilisé à des altitudes supérieures à 1000 pieds AGL, il doit maintenir une distance par rapport aux nuages d’au moins 2000 pieds, mesurée horizontalement et de 500 pieds, mesurée verticalement. S’il est utilisé à des altitudes inférieures à 1000 pieds AGL, il doit rester à l’écart des nuages.
1.7.3 Observations au sol
Des agents de la GRC du détachement de Spirit River (Alberta) se sont rendus sur le lieu de l’accident, à environ 30 NM, et sont arrivés à 21 h 58, soit 2 heures et 4 minutes après l’accident. Durant le trajet vers le lieu de l’accident, ils ont traversé des nuages bas. Environ 1 heure après leur arrivée sur les lieux, des précipitations occasionnelles sous forme de mélange de neige, de pluie et de pluie verglaçante ont commencé à tomber.
1.7.4 Évaluation après l’événement
À la suite de l’événement, le BST a demandé à Environnement et Changement climatique Canada de réaliser une évaluation météorologique, dont les renseignements suivants sont tirés.
Le 1er janvier 2021, entre 17 h et 23 h, un système frontal du Pacifique se déplaçait vers le nord-est à travers la Colombie-Britannique et jusqu’au centre-ouest et nord de l’Alberta. Ce système produisait de la neige et des averses de neige étendues et continues sur la majeure partie du centre de la Colombie-Britannique ainsi que sur les sections nord du comté de Peace River (Alberta). Un creux barométrique en surface s’étendait vers le sud-est de la région de Fort St. John (Colombie-Britannique) vers le sud-est de l’Alberta. Une crête de haute pression était présente sur le Grand lac des Esclaves, dans les Territoires du Nord-Ouest. Les conditions étaient relativement bonnes tout au long de la soirée à Grande Prairie, le vent étant inférieur à 10 nœuds et des plafonds, généralement supérieurs à 10 000 pieds. Ces conditions n’avaient rien de surprenant étant donné que Grande Prairie est située dans une zone de subsidence des Rocheuses, c’est-à-dire une zone où l’air descendant sous le vent des montagnes s’assèche et où se produit une interruption des précipitations et des nuages.
Selon les observations de Peace River, une masse d’air significativement différente de celle de Grande Prairie était présente. Peace River a reçu de la neige en continu tout au long de la soirée avec deux détériorations rapides des conditions et passages de faible visibilité. Plus précisément, la neige a entraîné des visibilités inférieures à 3 SM de 17 h 06 à 18 h 38 ainsi que de 20 h 37 à 21 h. Ces périodes de visibilité plus faible étaient un signe qu’une convection se produisait dans la masse d’air.
Les conditions entre Grande Prairie et Peace River variaient beaucoup, avec des conditions relativement bonnes à Grande Prairie et des conditions se détériorant en direction de Peace River. La vitesse des vents à basse altitude dans la région n’aurait pas varié de manière importante au cours de la soirée. En revanche, leur direction aurait changé progressivement au fur et à mesure que la dépression se développait. Les données satellitaires et radar indiquaient la présence d’un développement convectif au moment de l’événement. La neige convective peut réduire rapidement la visibilité ainsi que le plafond; elle peut également entraîner d’importantes conditions de turbulence et de givrage. De plus, les conditions à Peace River indiquaient qu’il y avait de la convection, car la visibilité a baissé à 2 reprises entre 17 h et 23 h. Notamment, l’observation de 20 h 37 indiquait que la visibilité avait baissé à 1½ SM environ 40 minutes après l’accident. Ces conditions laissent penser que l’hélicoptère a peut-être subi une réduction rapide similaire de la visibilité et des plafonds dominants pendant le vol. Le développement convectif a également le potentiel de produire des conditions de turbulence et/ou de givrage importantes sur une petite zone géographique, ce qui peut avoir eu un effet sur l’hélicoptère en vol.
1.8 Aides à la navigation
Sans objet.
1.9 Communications
Sans objet.
1.10 Renseignements sur l’aérodrome
Sans objet.
1.11 Enregistreurs de bord
L’hélicoptère de l’événement n’était pas équipé d’un enregistreur de données de vol ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et la réglementation n’exigeait pas qu’il le soit. Toutefois, le récepteur Stratus 2S de l’hélicoptère a enregistré plusieurs paramètres de données. Le récepteur a été envoyé au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario), où les données enregistrées sur la trajectoire de vol ont été récupérées avec succès.
1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact
1.12.1 Généralités
L’épave a été localisée dans un champ agricole couvert de neige. Il n’y avait pas d’arbres ni d’autres obstacles à proximité du lieu de l’accident. L’hélicoptère s’est immobilisé à moins de 30 pieds du point d’impact initial. Tous les composants de l’hélicoptère ont été localisés et identifiés dans un rayon de 100 pieds de l’aéronef (figure 2).
Le côté gauche de la cellule a subi des dommages attribuables à l’impact. Le réservoir de carburant droit a été consumé par l’incendie. Le réservoir de carburant gauche a été retrouvé à 25 pieds de l’épave principale et contenait environ 10 gallons américains de carburant.
La majeure partie du poste de pilotage et de la cabine a été consumée par l’incendie, ce qui a rendu impossible l’établissement de la continuité des commandes de vol. Tous les composants liés à la sollicitation des commandes de vol ont été retrouvés, à l’exception de ceux en aluminium, qui ont été consumés par l’incendie dans la zone de la cabine et du mât.
Le moteur s’est détaché de ses supports dans la cellule, ce qui a endommagé le carter d’huile, le boîtier d’accessoires et les composants associés. Les commandes du moteur ont été sectionnées pendant la séquence d’impact.
Le rotor principal a sectionné la poutre de queue devant le stabilisateur pendant la séquence d’impact, ce qui a également sectionné l’arbre d’entraînement du rotor de queue et l’arbre de commande de pas du rotor de queue. La transmission du rotor principal et le mât se sont détachés de la cellule. Le rotor principal était toujours monté sur le mât et le mât, sur la transmission. Les pales du rotor principal présentaient une distorsion due au contact avec le sol et la poutre de queue.
De la glace était visible sur le bord d’attaque de l’une des pales du rotor. La forme et la couleur de cette glace ne correspondaient pas à celles de la glace ou du givre qui se forme en vol. De l’eau avait été utilisée par les premiers intervenants pour éteindre l’incendie qui s’était déclaré après l’impact.
1.12.2 Voyants annonciateurs
Les voyants d’avertissement du tableau de bord de l’hélicoptère de l’événement ont été analysés au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa, et il a été déterminé que les voyants suivants étaient probablement allumés au moment de l’impact : le voyant de l’alternateur, le voyant de plein régime et le voyant de bas régime rotor.
L’hélicoptère est alimenté électriquement par un système de 28 V, qui comprend une batterie et un alternateur. Si la tension baisse et se retrouve dans une plage de 24 à 26 V, le voyant de l’alternateur s’allume pour avertir d’une basse tension ou d’une panne possible de l’alternateur.
Le voyant de plein régime [traduction] « est activé par un interrupteur dans la timonerie du papillon et indique que le moteur est proche du plein régime Note de bas de page 4 ».
Le circuit d’avertissement de bas régime rotor comprend le voyant et un klaxon. Le voyant de faible régime rotor s’allume lorsque le régime du rotor est inférieur à 97 % Note de bas de page 5. Lorsque le régime du rotor principal passe au-dessous de 97 %, une augmentation du collectif (augmentation de l’angle de pas des pales du rotor principal) continuera à faire baisser le régime du rotor principal si le moteur ne produit pas suffisamment de puissance pour la demande de puissance supplémentaire. Le régime moteur diminuera également, car il n’y a pas assez de puissance moteur pour surmonter la traînée accrue produite par la pale du rotor principal.
1.12.3 Mise à l’essai de l’alternateur et de composants du moteur
L’alternateur et le moteur ont été examinés dans un atelier de réparation de moteurs approuvé par TC, en présence du BST. L’alternateur a été mis à l’essai et il a été déterminé qu’il devait fonctionner au moment de l’accident. L’enquête n’a pas permis de déterminer pourquoi le voyant de l’alternateur s’était allumé avant l’impact.
Rien qui aurait pu nuire au fonctionnement du moteur ou l’empêcher de développer sa puissance nominale n’a été trouvé. Le papillon des gaz a été retrouvé en position ouverte, ce qui correspond au réglage de la poignée des gaz à la position de plein régime et au voyant de plein régime allumé.
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
Rien n’indique que le rendement du pilote ait été dégradé par des facteurs médicaux ou pathologiques.
1.14 Incendie
L’incendie qui a suivi l’impact a brûlé pendant environ une heure et demie après l’accident. L’incendie s’est principalement produit dans la cabine et a consumé la plupart des sièges ainsi que certains composants et structures en aluminium. L’incendie a été alimenté par la rupture du réservoir de carburant droit. La source d’inflammation n’a pas pu être déterminée de manière concluante. Cependant, il s’agissait très probablement d’un arc électrique ou de composants de moteur chauds.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
Dans cet événement, le pilote ne portait pas de casque d’aviation, et la réglementation ne l’exigeait pas. Le pilote et les passagers étaient attachés par les ceintures sous-abdominales et les baudriers disponibles. L’accident n’offrait pas de chances de survie.
1.15.1 Radiobalise de repérage d’urgence
L’ELT émettant sur 406 MHz de l’hélicoptère de l’événementNote de bas de page 6 s’est déclenchée au moment de l’impact. L’ELT a initialement émis une rafale de données de signal de détresse, et, bien qu’elle ait été consumée par l’incendie après l’impact, elle a émis un autre signal 30 minutes après le premier signal.
1.16 Essais et recherches
1.16.1 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP005/2021 – Warning And Caution Lamps Analysis [Analyse des voyants d’avertissement et d’alarme]
- LP006/2021 – Instruments Analysis [Analyse des instruments]
- LP009/2021 – NVM Data Recovery – iPad [Récupération des données de la mémoire non volatile (NVM) - iPad]
- LP063/2021 – NMV Data Recovery – Stratus [Récupération des données de la NVM - Stratus]
- LP077/2021 – Flight Animation [Animation de vol]
- LP082/2021 – Crankshaft Dowel Pin Examination [Examen de goupille de vilebrequin]
1.17 Renseignements sur les organismes et la sur la gestion
Sans objet.
1.18 Renseignements supplémentaires
1.18.1 Prise de décisions du pilote
La prise de décisions du pilote (PDP) est un processus cognitif consistant à recueillir de l’information, à l’évaluer, puis à choisir une option parmi plusieurs. Une fois que le plan d’action est mis en marche, le processus décisionnel recommence afin de valider si la décision prise est la meilleure option possible. La prise de décision est donc un processus dynamique.
Selon une trousse didactique de TCNote de bas de page 7, la PDP est fonction du temps; ainsi, avant le vol, il y a « prise de décision sans souci du temps » et pendant le vol, dans un environnement dynamique, il peut y avoir « prise de décisions quand le temps presseNote de bas de page 8 ».
Une planification exhaustive avant un vol permet de prendre des décisions éclairées au sol pour éviter de devoir prendre en vol des décisions potentiellement plus difficiles. La planification prévol relative aux conditions météorologiques est particulièrement importante pour les vols VFR de nuit, étant donné les risques inhérents aux conditions météorologiques défavorables. Par exemple, au moment de planifier un vol VFR de nuit, il est essentiel d’obtenir toutes les données météorologiques pertinentes pour prendre la décision éclairée d’effectuer le vol ou non. Si la décision prise est d’entreprendre le vol, ces données peuvent réduire le risque de passer par inadvertance de conditions VFR à des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC)Note de bas de page 9. Plusieurs facteurs, circonstances et biais peuvent avoir une incidence sur la PDP, y compris l’objectif ou le but du vol ainsi que les connaissances, l’expérience et la formation du piloteNote de bas de page 10.
Les modèles mentaux sont une composante intrinsèque de la prise de décision. Ce sont des représentations internes qui permettent à une personne de décrire, d’expliquer et de prédire des événements ou des situations dans son environnementNote de bas de page 11. Lorsqu’un modèle mental est adopté, il génère des attentes et résiste au changement. De nouveaux renseignements convaincants doivent être assimilés pour modifier un modèle mental.
1.18.2 Planification du vol
L’article 602.71 du RAC stipule que « [l]e commandant de bord d’un aéronef doit, avant le commencement d’un vol, bien connaître les renseignements pertinents au vol prévu qui sont à sa dispositionNote de bas de page 12 ». De plus, l’article 602.72 du RAC stipule que « [l]e commandant de bord d’un aéronef doit, avant le commencement d’un vol, bien connaître les renseignements météorologiques pertinents au vol prévu qui sont à sa dispositionNote de bas de page 13 ».¯
1.18.2.1 NAV CANADA
NAV CANADA fournit des services de planification de vol et d’information météorologique aux pilotes. Ces services peuvent être obtenus sur Internet ou en appelant un centre d’information de vol par téléphone ou au moyen la radio de l’aéronef. Les spécialistes de l’information de vol interprètent et commentent les données météorologiques pour aider les pilotes à prendre des décisions éclairées pour leur itinéraire en fonction de la météo.
NAV CANADA enregistre tous les services qu’elle fournit, y compris les informations fournies par téléphone. NAV CANADA n’a aucun dossier indiquant que le pilote de l’événement avait communiqué avec un centre d’information de vol par téléphone pour obtenir un exposé météorologique ou pour déposer un plan de vol avant le vol de l’événement.
1.18.2.2 Outils Web de planification de vol
Les pilotes, qu’ils soient privés ou professionnels, ont à leur disposition divers outils de planification de vol en ligne pour obtenir efficacement les renseignements météorologiques et aéroportuaires. Bon nombre de ces outils sont disponibles sous forme d’applications mobiles, qui peuvent être utilisées pour planifier l’itinéraire et déposer un plan de vol, pour consulter et gérer les différentes cartes électroniques, pour organiser les publications de vol et comme référence pour les aides à la navigation en route.
L’enquête n’a pas permis de déterminer quels outils de planification de vol en ligne, le cas échéant, le pilote avait utilisés avant le vol de l’événement.
1.18.3 Désorientation spatiale
L’être humain est en mesure de discerner l’orientation de son corps (par exemple, s’il est couché, debout, penché) lorsqu’il est physiquement en contact avec le sol. Le milieu en 3 dimensions dans lequel se déroule un vol est étranger au corps humain; il en résulte des conflits entre ses sens et des illusions qui rendent difficile, voire impossible, le maintien de l’orientation spatiale. La désorientation spatiale du pilote se définit comme étant [traduction] « l’incapacité du pilote à interpréter correctement l’attitude, l’altitude ou la vitesse de l’aéronef en fonction de la Terre ou d’autres points de référenceNote de bas de page 14 ».
Pour s’orienter dans l’espace, l’humain décode l’information reçue de 3 systèmes sensoriels :
- le système visuel;
- le système vestibulaire (information provenant de l’oreille interne);
- le système proprioceptif (information provenant des muscles, des articulations et des os)Note de bas de page 15.
Le système visuel fournit 80 % de l’information servant à déterminer notre orientation spatiale. En cas de perte d’information visuelle, il ne reste que 20 % de l’information, qui est reçue des systèmes vestibulaire et proprioceptif. Ces 2 derniers systèmes fournissent de l’information moins précise et plus susceptible d’être erronée, car ils sont susceptibles aux illusions et aux erreurs d’interprétationNote de bas de page 16. Lorsque les repères visuels au sol sont faibles ou nuls, la désorientation spatiale peut être surmontée en passant au vol aux instrumentsNote de bas de page 17.
Une bonne connaissance des mécanismes qui entraînent la désorientation spatiale et des moyens pour y faire face, ainsi qu’une bonne conscience de la désorientation possible lorsque la visibilité et les références au sol sont réduites, demeurent des atouts essentiels pour prévenir la perte de maîtrise en volNote de bas de page 18.
Le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) décrit les risques de désorientation. Il indique que la vue est notre sens d’orientation le plus puissant et souligne qu’il est impossible de s’y fier au milieu de nuages ou dans des conditions de voile blanc, ce qui augmente la probabilité de désorientation. Le manuel donne l’exemple suivant :
Par exemple, une fois qu’un virage est stabilisé, la sensation d’être en virage disparaît. Par conséquent, lorsqu’un pilote sort d’un virage, il peut avoir l’impression d’amorcer un virage en sens contraire et peut amorcer un autre virage involontairement, voire entraîner l’avion dans une vrilleNote de bas de page 19.
Bien qu’on mentionne les nuages et le voile blanc, un manque semblable de repères visuels externes et la désorientation qui en résulte peuvent survenir dans l’obscurité. La désorientation spatiale peut entraîner une perte de maîtrise de l’aéronef ou un impact sans perte de contrôleNote de bas de page 20.
1.18.4 Vol à vue de nuit
Les vols de nuit comportent de nombreux risques à cause du manque de repères visuels, particulièrement au décollage et à l’atterrissage. Le nombre limité ou l’absence de repères visuels la nuit peut engendrer diverses illusions qui causent une désorientation spatiale, en raison de l’absence d’un horizon visible. Le vol de nuit vers une surface uniforme (par exemple, un plan d’eau ou une forêt), au-dessus ou à partir d’une surface de ce type est difficile. Ces zones sont appelées trous noirs.
Le vol VFR de nuit est plus dangereux que le vol VFR de jour en raison des limitations de la vision humaine, de la vulnérabilité aux illusions et de l’absence potentielle de repères visuels externes. Il est difficile pour les pilotes d’évaluer à quelle distance se trouvent les nuages et les intempéries, la nuit ou dans l’obscurité, et cette difficulté augmente le risque de vol VFR involontaire dans des IMC, ce qui peut rapidement entraîner une désorientation spatiale et une perte de maîtrise.
En d’autres mots, par nature, le vol VFR de nuit présente au pilote peu de repères visuels lui permettant de voir et d’éviter des conditions météorologiques qui se dégradent. La planification avant le vol est particulièrement importante pour les vols de nuit, notamment l’examen des conditions météorologiques et de leurs répercussions sur la route prévue, le clair de lune disponible, le temps de vol estimé au-dessus de grandes étendues d’eau ou de zones ayant peu ou pas d’éclairage artificiel, et la proximité de la route par rapport au relief ascendant et aux obstacles importants.
Pendant le vol, il est important que les pilotes obtiennent des mises à jour météorologiques et comparent, à intervalles réguliers, les indications météorologiques visuelles de visibilité et de proximité des nuages par rapport aux attentes établies au cours de la phase de planification de vol. Étant donné la difficulté, la nuit, de détecter visuellement le relief et les obstacles et de s’en tenir à l’écart, il est essentiel que les pilotes planifient et maintiennent le vol au-dessus des altitudes supérieures aux élévations maximales du relief stipulées sur les cartes VFR.
1.18.4.1 Repères visuels à la surface
Le principe qui régit le vol VFR consiste en l’utilisation de repères visuels (par exemple, l’horizon ou des repères au sol) à l’extérieur de l’aéronef pour déterminer son assiette. Il faut donc satisfaire à certaines exigences de base avant d’effectuer un vol VFR, qu’il soit de jour ou de nuit.
Selon les articles 602.114 et 602.115 du RAC, l’aéronef doit être « utilisé avec des repères visuels à la surfaceNote de bas de page 21 » dans un espace aérien contrôlé ou non contrôlé. Le RAC définit « surface » comme « [t]oute surface au sol ou sur l’eau, y compris une surface geléeNote de bas de page 22 ». Cependant, la réglementation ne définit pas le concept de « repères visuels à la surface , qui est alors sujet à interprétation. Le secteur a généralement interprété cet énoncé comme voulant dire des conditions météorologiques de vol à vue (VMC)Note de bas de page 23,Note de bas de page 24.
En plus des exigences relatives aux repères visuels à la surface, le Règlement interdit également le pilotage d’un aéronef en vol VFR de nuit dans les secteurs où la visibilité en vol ou au sol, si elle est déclarée, est inférieure à 3 SMNote de bas de page 25.
Par conséquent, un vol se déroulant au-dessus d’une région où la visibilité est inférieure à 3 SM ou à distance de toute source d’éclairage artificiel et sans éclairage ambiant suffisant pour qu’il soit possible de discerner les repères à la surface ne satisferait pas aux exigences de vol VFR de nuit. Un tel vol exigerait plutôt que les pilotes utilisent leurs instruments de vol pour assurer l’utilisation sécuritaire de l’aéronef.
À la suite d’une enquête du BSTNote de bas de page 26 sur l’écrasement survenu en mai 2013 d’un hélicoptère qui avait décollé dans des conditions VFR de nuit d’un aéroport éloigné près duquel il y avait peu d’éclairage, le BST avait soulevé des inquiétudes quant au manque de clarté du sens pratique de la définition d’un « vol avec repères visuels à la surface ». Le Bureau avait recommandé que
le ministère des Transports modifie la réglementation de manière à définir clairement les repères visuels (y compris les considérations d’éclairage ou autres moyens) requis pour réduire les risques liés aux vols de nuit selon les règles de vol à vue.
Recommandation A16-08 du BST
Dans sa plus récente réponse à cette recommandation, TC a informé le BST qu’il avait publié une version mise à jour de la Circulaire d’information (CI) 603-001 – Autorisation spéciale pour mener des opérations à l’aide de systèmes d’imagerie de vision nocturne. Cette CI comprend le nouveau libellé qui constituera la base de l’avis de proposition de modification (APM) pour les exigences liées aux VFR de nuit et les conditions d’exploitation des systèmes d’imagerie de vision nocturne.
TC a par ailleurs publié, pour consultation, l’APM 2021-007 – Conditions météorologiques de vol à vue minimales pour un vol VFR – Articles 602.114 et 602.115 du Règlement de l’aviation canadien sur le site Web du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne. TC prévoit que des commentaires sur cet APM pourraient mener à plusieurs autres APM qui aborderont des questions connexes liées aux parties IV, VI et VII du RAC. Il est prévu que les APM seront publiés dans la partie I de la Gazette du Canada à la mi-2022.
Selon sa plus récente évaluation de la réponse de TC à la recommandation A16-08 effectuée en mars 2022, le Bureau estime que cette réponse dénote une intention satisfaisanteNote de bas de page 27.
Depuis mai 2013, le BST a enquêté sur 7 autres accidents mortels concernant des aéronefs privés effectuant des vols VFR de nuit. Les rapports de ces enquêtes ont souligné le manque de clarté de la réglementation en ce qui a trait aux repères visuelsNote de bas de page 28.
1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces
Sans objet.
2.0 Analyse
Rien n’indique qu’un mauvais fonctionnement d’un système de l’aéronef ait contribué à cette collision avec le relief.
L’analyse portera sur les facteurs qui ont contribué à l’accident : la planification du vol et notamment la connaissance des conditions météorologiques du pilote, la prise de décision du pilote, la réglementation des vols de nuit, la désorientation spatiale et l’équipement requis pour le vol d’un hélicoptère de nuit selon les règles de vol à vue (VFR).
2.1 Planification du vol et renseignements météorologiques disponibles
De nombreuses sources de renseignements météorologiques sont à la disposition des pilotes lors de la planification d’un vol. Avant le départ d’un vol VFR, il est important que les pilotes examinent toutes les prévisions et tous les bulletins météorologiques pertinents. Cette planification exhaustive avant un vol permet de prendre des décisions éclairées au sol pour éviter de devoir prendre en vol des décisions potentiellement plus difficiles.
Les messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) pour Grande Prairie (station d’émission la plus proche de la destination du pilote) et Peace River (station d’émission la plus proche de son point de départ) indiquaient que la visibilité et les plafonds étaient acceptables pour le vol VFR de nuit. La prévision d’aérodrome (TAF) pour Grande Prairie indiquaient également des conditions météorologiques favorables. Toutefois, la prévision de zone graphique (GFA) pour le vol proposé, ainsi que la TAF pour Peace River, indiquaient des visibilités inférieures aux minimums VFR.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Le pilote est parti dans des conditions météorologiques qui, selon les prévisions, étaient inférieures aux limites requises pour un vol VFR de nuit et, par conséquent, il avait des repères visuels externes limités à sa disposition pendant le vol.
Bien que l’enquête n’ait pas pu déterminer exactement quels renseignements météorologiques le pilote avait consultés, rien n’indique qu’il ait appelé un centre d’information de vol de NAV CANADA pour obtenir un exposé météorologique avant le départ. Les spécialistes d’information de vol de de NAV CANADA sont formés pour fournir à un pilote des interprétations des prévisions météorologiques, y compris les GFA, le long de la route de vol spécifiée par le pilote. Ces renseignements peuvent contribuer à la prise des meilleures décisions possibles lors de la planification du vol.
Fait établi quant aux risques
Si les pilotes ne tirent pas parti de tous les renseignements météorologiques à leur disposition, tels que les exposés météorologiques des spécialistes de l’information de vol de NAV CANADA, il y a un risque accru qu’ils volent dans des conditions météorologiques dangereuses.
2.2 Prise de décisions du pilote
Le jour de l’événement, à divers moments de la journée, le pilote a discuté avec des membres de sa famille des renseignements météorologiques qu’il avait recherchés sur son application mobile. Quand un membre de sa famille lui a demandé quelles étaient les conditions météorologiques pour le vol de l’événement, le pilote a été affirmatif et n’a exprimé aucune inquiétude.
L’absence de préoccupation du pilote pour les conditions météorologiques laisse croire qu’il a soit utilisé le METAR de destination, qu’il a évalué incorrectement d’autres produits météorologiques disponibles, ou qu’il a possiblement minimisé leur signification en privilégiant le METAR et la TAF de destination. Néanmoins, le fait que le pilote n’ait pas exprimé d’inquiétude laisse penser que, selon son modèle mental, les conditions météorologiques étaient convenables pour entreprendre un vol VFR de nuit pour rentrer chez lui comme initialement prévu.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
La décision du pilote de décoller pour le vol de l’événement découlait probablement de son modèle mental selon lequel les conditions météorologiques étaient convenables d’après son évaluation des produits météorologiques consultés.
De plus, le fait que le vol de repositionnement, au cours duquel le pilote avait survolé l’aérodrome d’Eaglesham/Delta Tango Field avant d’aller à la ferme familiale, s’était passé sans problème a probablement confirmé ou renforcé son modèle mental, selon lequel les conditions météorologiques lui convenaient pour entreprendre le vol VFR de nuit de l’événement.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Le court vol de repositionnement au cours duquel le pilote avait survolé l’aérodrome d’Eaglesham/Delta Tango Field a probablement renforcé son modèle mental, selon lequel les conditions météorologiques étaient convenables, et influencé sa décision d’entreprendre le vol de l’événement.
2.3 Perte de maîtrise
2.3.1 Réglementation sur le vol de nuit
Un vol effectué de jour n’a pas les mêmes caractéristiques que lorsqu’il est effectué de nuit. Lors d’un vol de nuit, compte tenu de l’obscurité, il peut être difficile, voire impossible, de percevoir une dégradation des conditions météorologiques. Si la visibilité est bonne, les zones bien éclairées peuvent compenser les zones moins bien éclairées. Cependant, si la visibilité se détériore au point que le pilote est incapable de voir au-delà d’une zone peu éclairée au sol, le risque de perdre la référence à la surface augmente. Par conséquent, lors de la planification d’un vol VFR de nuit, il est préférable que la trajectoire de vol soit déterminée en fonction des zones offrant le plus d’éclairage au sol possible, et ne soit pas nécessairement en ligne droite.
Les pilotes en vol VFR doivent maintenir des repères visuels à la surface, que le vol soit effectué de jour ou dans l’obscurité. Le Règlement de l’aviation canadien (RAC) stipule que tous les vols VFR de nuit, qu’ils soient effectués dans un espace aérien contrôlé ou non contrôlé, doivent être « effectués avec des repères visuels à la surface ». Toutefois, le sens de l’expression « repères visuels à la surface » est sujette à interprétation, car elle n’est pas définie dans la réglementation.
En 2016, le BST a émis la recommandation A16-08 concernant le manque de clarté du sens pratique d’un vol avec « repères visuels à la surface ». Transports Canada est en train de rédiger des avis de proposition de modification qui mèneront à la mise à jour des exigences pour le vol VFR de nuit. Cependant, jusqu’à ce que les détails des modifications réglementaires proposées soient pleinement connus, le BST ne peut pas évaluer si ces mesures résoudront entièrement les risques associés aux vols VFR de nuit.
Fait établi quant aux risques
Si le RAC ne définit pas clairement ce que l’on entend par « repères visuels à la surface », il est possible que des vols VFR de nuit soient effectués avec des repères visuels inadéquats, ce qui augmente le risque d’accident en raison d’un impact sans perte de contrôle ou d’une perte de maîtrise.
2.3.2 Désorientation spatiale
Il est probable que, peu de temps après le départ, le pilote ait rencontré une détérioration des conditions météorologiques consistant en des couches nuageuses en surface et/ou de nuages bas et d’une mauvaise visibilité. Il est également probable que le pilote n’a pas vu les conditions météorologiques se dégrader étant donné qu’il faisait nuit et qu’il était entré par inadvertance dans les nuages bas.
Il est aussi possible que le pilote ait rencontré des précipitations. Les intervenants au sol ont observé de la pluie, de la pluie verglaçante et de la neige peu après l’accident. De plus, la GFA prévoyait des conditions givrantes possibles dans la région à des altitudes légèrement au-dessus de la trajectoire de vol de l’hélicoptère. L’hélicoptère n’était pas équipé d’un circuit anémobarométrique chauffé; toutefois, l’enquête n’a pas permis de déterminer si l’hélicoptère avait rencontré du givrage en vol.
Contrairement aux exigences de la réglementation pour les hélicoptères utilisés pour le vol VFR de nuit, l’hélicoptère de l’événement n’était pas équipé d’un indicateur de direction magnétique stabilisé ou d’un indicateur gyroscopique de direction ni d’un indicateur de virage et de dérapage ou d’un coordonnateur de virage. Le passage par inadvertance dans des conditions de visibilité réduite a obligé le pilote à déplacer son attention de l’extérieur du poste de pilotage vers les instruments à l’intérieur du poste de pilotage pour conserver la maîtrise de l’hélicoptère.
Fait établi quant aux risques
Si des vols VFR de nuit sont effectués sans l’équipement minimum exigé par le RAC, les pilotes courent un risque accru de désorientation spatiale lorsque les indices visuels externes sont limités.
D’après les données du Stratus 2S, le pilote a perdu la maîtrise de l’hélicoptère peu avant la collision avec le sol. Cela est également corroboré par le fait que le voyant d’avertissement de bas régime rotor et le voyant de plein régime étaient allumés au moment de l’accident. Sans horizon visuel externe et autres indices visuels externes, le pilote était vulnérable à la désorientation spatiale.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
En raison des indices visuels externes limités, le pilote a fait l’objet de désorientation spatiale en route et a perdu la maîtrise de l’hélicoptère, qui est entré en collision avec le relief.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- Le pilote est parti dans des conditions météorologiques qui, selon les prévisions, étaient inférieures aux limites requises pour un vol selon les règles de vol à vue de nuit et, par conséquent, il avait des repères visuels externes limités à sa disposition pendant le vol.
- La décision du pilote de décoller pour le vol de l’événement découlait probablement de son modèle mental selon lequel les conditions météorologiques étaient convenables d’après son évaluation des produits météorologiques consultés.
- Le court vol de repositionnement au cours duquel le pilote avait survolé l’aérodrome voisin d’Eaglesham/Delta Tango Field a probablement renforcé son modèle mental, selon lequel les conditions météorologiques étaient convenables, et influencé sa décision d’entreprendre le vol de l’événement.
- En raison des indices visuels externes limités, le pilote a fait l’objet d’une désorientation spatiale en route et a perdu la maîtrise de l’hélicoptère, qui est entré en collision avec le relief.
3.2 Faits établis quant aux risques
Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.
- Si les pilotes ne tirent pas parti de tous les renseignements météorologiques à leur disposition, tels que les exposés météorologiques des spécialistes de l’information de vol de NAV CANADA, il y a un risque accru qu’ils volent dans des conditions météorologiques dangereuses.
- Si des vols selon les règles de vol à vue de nuit sont effectués sans l’équipement minimum exigé par le Règlement de l’aviation canadien, les pilotes courent un risque accru de désorientation spatiale lorsque les indices visuels externes sont limités.
- Si le Règlement de l’aviation canadien ne définit pas clairement ce que l’on entend par « repères visuels à la surface », il est possible que les vols de nuit soient effectués avec des repères visuels inadéquats, ce qui augmente le risque d’accident en raison d’un impact sans perte de contrôle ou d’une perte de maîtrise.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
Le Bureau n’est pas au courant de mesures de sécurité prises à la suite de l’événement à l’étude.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 13 avril 2022. Le rapport a été officiellement publié le 11 mai 2022.
Annexes
Annexe A – Prévision de zone graphique - Carte nuages et temps valide à 17 h, heure normale des Rocheuses, le 1er janvier 2021 (le « X » jaune indique le lieu de l’accident)
Source : Environnement et Changement climatique Canada, avec annotations du BST
Annexe B – Prévision de zone graphique – Carte de givrage, de turbulence et de niveau de congélation valide à 17 h, heure normale des Rocheuses, le 1er janvier 2021 (le « X » jaune indique le lieu de l’accident)
Source : Environnement et Changement climatique Canada, avec annotations du BST