Collision avec le relief
Kootenay Valley Helicopters Ltd.
Airbus Helicopters AS350 B3, C-GWTQ
Nelson (Colombie-Britannique), 35 NM N
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Déroulement du vol
Le 16 mars 2022, l’hélicoptère Airbus Helicopters AS350 B3 (immatriculation C-GWTQ, numéro de série 7482) exploité par Kootenay Valley Helicopters Ltd. et sous contrat avec le ministère des Transports et de l’Infrastructure de la Colombie-Britannique (MOTI), effectuait des opérations de déclenchement préventif des avalanches au nord de l’aérodrome de Nelson (CZNL) (Colombie-Britannique), avec à son bord le pilote et 2 techniciens en avalanche.
Le vol à l’étude était le 2e vol de la journée pour effectuer des opérations de déclenchement préventif des avalanches. Le vol a eu lieu dans la zone d’avalanche du chaînon London, à environ 35 milles marins (NM) au nord de CZNL. L’opération consistait à larguer des charges explosives placées à des endroits stratégiques (des sacs de 12,5 kg de nitrate-fuel [ANFO]) et des allumeurs sur le versant depuis une hauteur d’environ 20 pieds.
L’aéronef à l’étude a décollé de la zone de rassemblement près de New Denver (Colombie-Britannique) à 13 h 15Note de bas de page 1, selon les règles de vol à vue (VFR). Le pilote et les techniciens étaient les mêmes que ceux du 1er vol, mais les techniciens en avalanche ont échangé leurs rôles et leurs positions : celui qui avait rempli les fonctions de bombardier (ou boutefeu attitré) pendant le vol précédent était maintenant le boutefeu adjoint, et l’ancien boutefeu adjoint a assumé le rôle de bombardier, ayant l’intention de déployer 15 charges explosives.
En route vers le chaînon London, le ciel était couvert avec des nuages épars au niveau et en dessous de la ligne de crête, avec des vents calmes à légers du sud-ouest. L’hélicoptère évoluait à une altitude d’environ 7000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), soit environ 100 pieds au-dessous de la ligne de crête. Le pilote et les techniciens ont coordonné le placement des charges et ont indiqué au dossier si elles ont détoné et déclenché des libérations contrôlées du manteau neigeux. Le bombardier était assis du côté droit de la banquette arrière et portait un harnais antichute/de retenue à haute visibilité. Son rôle consistait à déployer les charges par la porte escamotable du côté droitNote de bas de page 2. Il coordonnait le positionnement de l’hélicoptère avec le pilote afin que la charge explosive ait le meilleur effet possible. Le rôle du boutefeu adjoint, qui occupait le siège avant gauche, était de consigner l’opération.
Le bombardier a demandé un ajustement de la cible initiale pour le déploiement de la 2e charge explosive, et le pilote a remonté la pente pour amener l’hélicoptère plus près de la crête, proche de la base des nuages. Les arbres du nouvel emplacement étaient plus clairsemés et couverts de plus de neige. Le pilote a évalué le nouvel emplacement et a estimé que, comme il l’avait prévu, sa stratégie de sortie consistant à virer à gauche puis à voler en descente serait appropriée.
Alors que l’hélicoptère avançait le long du flanc de la montagne, près de la limite supérieure des arbres, le pilote l’a positionné et stabilisé en vol stationnaire pour permettre le déploiement de la charge explosive. Au moment où le pilote perdait ses repères visuels au sol et où la visibilité en volNote de bas de page 3 était réduite, le bombardier a déployé la 2e charge explosive. À ce moment-là, la déflexion vers le bas du rotor principal et le vol stationnaire prolongé au-dessus de la couche de neige poudreuse ont créé des conditions de voile blancNote de bas de page 4.
Le pilote, qui composait avec une visibilité réduite, a fait virer l’hélicoptère vers la gauche. Au cours de cette manœuvre, le rotor de queue est entré en contact avec un arbre ou avec la surface de la pente, ce qui a provoqué un tremblement de l’hélicoptère. La vibration à haute fréquence a rapidement empiré et le pilote a effectué un atterrissage forcé. Vers 13 h 31, l’hélicoptère a atterri durement sur ses patins et a basculé sur le côté droit (celui du pilote) (figure 1). Le rotor principal et les pales se sont rompus et la poutre de queue a été partiellement sectionnée. L’hélicoptère s’est immobilisé à environ 3 à 5 m plus bas que la 2e charge explosive déployée; la charge a explosé environ 2,5 minutes plus tard, mais n’a pas déclenché de libération du manteau neigeux.
La neige a pénétré dans la cabine par l’ouverture de la porte escamotable, ainsi que par plusieurs fenêtres qui s’étaient brisées ou sorties de leur cadre. Les 3 occupants ont d’abord été désorientés et secoués, mais ils n’ont pas été blessés. Le bombardier était face contre terre dans la neige, toujours attaché à l’aéronef par son harnais, avec des sacs d’ANFO non amorcé sur lui et autour de lui. Le boutefeu adjoint était toujours attaché dans le siège passager avant et était désorienté parce qu’il était sur le côté. Le pilote a sécurisé les systèmes électriques et d’alimentation en carburant, et il est sorti de l’hélicoptère avec le boutefeu adjoint.
Le bombardier a eu besoin d’aide pour détacher son harnais, car son propre couteau n’était pas facilement accessible. Il a également eu du mal à détacher sa ceinture sous-abdominale, puisque le mécanisme de verrouillage avait été recouvert de ruban adhésifNote de bas de page 5. Aidé du pilote et du boutefeu adjoint, il a été libéré et a évacué l’aéronef. L’équipement de survie requisNote de bas de page 6 se trouvait à bord de l’hélicoptère; toutefois, comme l’hélicoptère était couché sur le côté droit, la porte de soute ne pouvait pas être ouverte et empêchait l’accès à cet équipement.
Le pilote a pu retirer la radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de son boîtier, fixer l’antenne à distance et la mettre en marche manuellement pour s’assurer qu’elle était activée. Le Centre canadien de contrôle des missions a reçu le signal et l’a transmis au Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) à Victoria (Colombie-Britannique).
Les techniciens avaient une radio portative à bord, mais elle n’était pas facilement accessible après l’impact. Elle avait été laissée sur l’auvent du tableau de bord et a été déplacée pendant la séquence de l’accident. Elle a été retrouvée dans la neige, après environ 15 minutes de recherche. L’exploitant a été contacté et informé de l’accident. L’évacuation a été coordonnée.
Le JRCC a ensuite communiqué avec l’exploitant. Il a été déterminé que les ressources de recherche et de sauvetage n’étaient pas nécessaires, car un exploitant d’hélicoptères local pouvait secourir le pilote et les techniciens. L’hélicoptère local est arrivé sur les lieux de l’accident vers 14 h 30.
Renseignements sur le pilote
Le pilote était titulaire d’une licence de pilote professionnel — hélicoptère valide pour le vol VFR et avait réussi une vérification de compétence pilote qui était valide jusqu’au 1er juin 2022. Il totalisait environ 11 000 heures de vol, principalement sur le type d’hélicoptère à l’étude. Il avait de nombreuses années d’expérience de vol dans le cadre de missions de déclenchement préventif des avalanches et avait déjà effectué des missions similaires dans la même région. Le pilote était certifié pour le transport de marchandises dangereuses par voie aérienne. Le vol à l’étude était la 3e mission de déclenchement préventif des avalanches au cours de laquelle il travaillait avec ces techniciens.
Opérations de déclenchement préventif des avalanches
L’unité des programmes d’avalanches et de météorologie du MOTI de la Colombie-Britannique a publié un manuel intitulé Explosive Use Operational PlanNote de bas de page 7, qui précise que le Ministère déclenche artificiellement des avalanches pour réduire la menace d’avalanches déclenchées naturellement le long des autoroutes provinciales. Comme le précise le manuel [traduction] :
Prédire où et quand des avalanches pourraient se produire exige une compréhension approfondie de l’interaction entre les conditions météorologiques, le relief et le manteau neigeux de la montagne. [...] La décision de procéder à un déclenchement préventif d’explosifs est fondée sur une analyse complexe des conditions météorologiques et du manteau neigeux actuelles et futures, ainsi que de l’effet que ces conditions peuvent avoir sur le risque d’avalancheNote de bas de page 8.
Une formation annuelle avait eu lieu et les procédures avaient été examinées avant l’événement (pendant la formation d’avant-saison à l’automne 2021). Les 2 techniciens comptaient plus de 20 années d’expérience du déclenchement préventif des avalanches et étaient certifiés pour le transport de marchandises dangereuses par voie aérienne. Ils étaient également tous deux titulaires d’une certification de dynamitage à jour avec une annotation de déploiement depuis un hélicoptère.
La procédure de dynamitage exige que le déploiement du ou des sacs soit effectué depuis une hauteur idéale au-dessus du sol ou de la pente, car les sacs pourraient disparaître de la vue sous l’hélicoptère, ce qui obligerait celui-ci à interrompre l’opération pour les suivre et consigner s’ils ont détonné.
Le personnel de déclenchement préventif des avalanches du MOTI reçoit une formation de familiarisation sur les hélicoptères, qui est principalement axée sur la sécurité à l’intérieur et autour des hélicoptères. La formation comprend des instructions sur la coupure des systèmes électriques et d’alimentation en carburant ainsi que sur l’accès aux ELT et le fonctionnement de celles-ci.
Renseignements météorologiques
L’accident s’est produit dans une région connue pour des conditions météorologiques associées à un terrain montagneux. Les conditions de vol peuvent être difficiles, et les variations brusques des conditions météorologiques ne sont pas raresNote de bas de page 9.
La station d’observation météorologique pour l’aviation la plus proche du lieu de l’accident se trouve à l’aérodrome de Revelstoke (CYRV) (Colombie-Britannique), à 65 NM au nord-ouest.
À 13 h 23, les conditions météorologiques signalées étaient les suivantes :
- vents variables soufflant à 2 nœuds;
- visibilité de 9 milles terrestres (SM);
- quelques nuages à 5500 pieds;
- plafond couvert à 9300 pieds;
- température de 3 °C;
- point de rosée de 2 °C;
- calage altimétrique de 30,18 pouces de mercure (inHg).
D’après la prévision de zone graphique pour la région, valide à 11 h, les conditions météorologiques prévues étaient les suivantes :
- cumulus fragmentés à partir de 6000 pieds ASL avec des sommets à 12 000 pieds ASL;
- visibilité supérieure à 6 SM;
- cumulus bourgeonnants occasionnels, dont le sommet se trouvait à 14 000 pieds, avec :
- une visibilité connexe de 2 SM à plus de 6 SM dans de légères averses de neige, ou de légères averses de pluie et de neige, et de la brume;
- des plafonds locaux connexes à 1500 pieds au-dessus du sol (AGL).
Mesures de sécurité prises
À la suite de l’accident, Kootenay Valley Helicopters Ltd. a mis en place une politique d’exposé en vol, qui a été revue avec tous les pilotes : avant de commencer l’approche vers un site de dynamitage, le pilote et les techniciens doivent tenir un exposé pour déterminer si la zone de déclenchement de l’avalanche et les conditions météorologiques du moment conviennent, et si les repères visuels pour l’approche, le déploiement de la charge et le départ du site de dynamitage sont appropriés. Si, pendant la phase d’approche, un nouveau site est sélectionné, l’approche est interrompue. On procède alors à une évaluation approfondie du nouvel emplacement et à un exposé, puis on entreprend une nouvelle approche.
Conformément aux exigences de WorkSafeBC, le MOTI de la Colombie-Britannique a effectué une enquête interne sur ses opérations de déclenchement préventif des avalanchesNote de bas de page 10. Le MOTI a examiné en profondeur plusieurs aspects de ces opérations et est arrivé à plusieurs conclusions et recommandations concernant l’activité de travail, les conditions de travail, l’exécution, les matériaux et l’équipement, les communications, la formation, les procédures de sécurité au travail, les procédures d’urgence, l’équipement de protection individuelle (EPI) et d’autres facteurs comme l’aide aux travailleurs après l’incident ainsi que la coordination et la planification générales.
Messages de sécurité
La détérioration des conditions météorologiques ou le voile blanc généré par l’hélicoptère en cours de vol peut conduire à une désorientation et à un impact sans perte de contrôle. Les pilotes doivent faire preuve d’une vigilance constante pour réduire et atténuer les risques liés à l’évolution des conditions météorologiques, surtout en montagne.
Dans un accident auquel il est par ailleurs possible de survivre, l’évacuation de l’épave de l’aéronef peut être compliquée par la désorientation et la nécessité de détacher les dispositifs de retenue. Il est rappelé aux occupants d’un aéronef d’utiliser les dispositifs de retenue tels qu’ils ont été conçus, de manière à pouvoir les détacher facilement en cas de besoin. À la suite de l’évacuation, un accès facile à l’équipement de signalisation peut faciliter le sauvetage rapide des occupants.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .