Collision avec le relief
Piper PA24-250 (Comanche), C-GEWK
Immatriculation privée
Wawa (Ontario), 11,5 NM SSW
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Déroulement du vol
Le 14 avril 2022, l’aéronef Piper PA24-250 (Comanche) sous immatriculation privée (immatriculation C-GEWK, numéro de série PA24-716) effectuait un vol selon les règles de vol à vue (VFR) entre l’aérodrome de Delhi (CDH6) (Ontario) et l’aérodrome de Marathon (CYSP) (Ontario), avec 1 pilote et 1 passager à bord. Le pilote a déposé un plan de vol VFR à 15 h 21Note de bas de page 1, avec une route prévue de CDH6 à l’aérodrome municipal de Manitowaning/Manitoulin East (CYEM) (Ontario), puis à CYSP.
L’aéronef a décollé à 15 h 43 dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC) vers CYEM. Environ 1 heure plus tard, alors que l’aéronef se trouvait dans les environs de Wiarton (Ontario), une vidéo des instruments de bord a été prise, montrant que l’aéronef volait alors à une altitude de 4900 pieds au-dessus du niveau de la mer. La vidéo montrait également que le vol se déroulait en VMC à ce moment-là, mais que des nuages denses étaient visibles à l’ouest de la trajectoire de l’aéronef. L’aéronef a légèrement changé de cap vers l’ouest, en direction de CYSP, juste avant de survoler l’île Manitoulin.
D’après les données de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B) obtenues après l’événement, l’aéronef volait en direction de CYSP vers 17 h 58, mais commençait à changer de cap plus fréquemment. Les renseignements sur la position ADS-B ont été perdus vers 18 h 03, alors que l’aéronef se trouvait à environ 14 milles marins (NM) au sud de l’aérodrome de Wawa (CYXZ) (Ontario) et que les conditions météorologiques se détérioraient, passant de VMC à des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC).
Aucun renseignement sur l’altitude n’a été signalé par l’ADS-B, probablement en raison d’un problème avec l’alticodeur de l’aéronef.
À 19 h 52, la station d’information de vol de NAV CANADA à London (Ontario) a informé le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) de Trenton (Ontario) que l’aéronef était en retard. Aucun signal provenant de la radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de 406 MHz de l’aéronef n’avait été détecté par Cospas-SarsatNote de bas de page 2.
Le JRCC a d’abord confié à un hélicoptère CH-146 Griffon et à un avion CC-130H Hercules des Forces armées canadiennes basés à Trenton la mission de lancer des recherches visuelles et électroniques le long de la route prévue entre CYEM et CYSP. L’opération de recherche s’est poursuivie dans la soirée, en vain. Les mauvaises conditions météorologiques, notamment un plafond bas, une visibilité réduite et des averses de neige, ont entravé les recherches pendant les 5 jours suivants.
Après 10 jours de recherches intensives menées par le JRCC avec le soutien d’autres organisations gouvernementales et privées, la Police provinciale de l’Ontario (OPP) a pris en charge les recherches en traitant la situation comme un cas de personnes disparues.
Le 21 mai 2022, un exploitant d’hélicoptère qui effectuait des recherches privées a aperçu ce qui semblait être des pièces d’aéronef dans une zone marécageuse dégagée et en a avisé l’OPP. Un hélicoptère de l’OPP qui effectuait également des opérations de recherche dans la région a atterri près du site et a déterminé que les pièces étaient celles de l’aéronef à l’étude. Le lieu de l’écrasement se trouvait à 6 NM au nord-ouest de la dernière position connue de l’aéronef (figure 1). Les 2 occupants avaient été mortellement blessés. L’aéronef a été détruit.
Renseignements sur l’aéronef
Le Piper PA24-250 est un petit aéronef monomoteur à aile basse comprenant 4 sièges ainsi qu’un train d’atterrissage tricycle escamotable. L’aéronef à l’étude a été construit en 1959 et avait été acheté par le pilote le 12 janvier 2022.
L’aéronef à l’étude totalisait environ 4399 heures de vol depuis sa mise en service initiale, et la dernière inspection annuelle avait été effectuée en avril 2021 conformément à la norme 625 du Règlement de l’aviation canadien, appendices B et C.
En janvier 2020, l’aéronef avait été modifié pour intégrer la technologie ADS-B L3 NGT-9000, conformément au certificat de type supplémentaire (CTS) SA 16-50 de Transports Canada et au CTS SA02444AK de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis. En avril 2021, l’aéronef avait été modifié pour intégrer le CTS SA01818WI de la FAA (instruments de vol électroniques Garmin G5). L’aéronef était équipé d’un pilote automatique S-TEC 55; toutefois, l’enquête n’a pas permis de déterminer si le système fonctionnait, ni si le pilote avait reçu une formation ou savait comment l’utiliser.
Les renseignements recueillis sur le lieu de l’accident ont indiqué que l’aéronef était exploité dans ses limites de masse et de centrage.
Renseignements sur l’épave et sur l’impact
L’épave a été retrouvée dans une zone montagneuse et densément boisée 37 jours après la disparition de l’aéronef. La partie extérieure de l’aile droite s’était détachée du fuselage après avoir heurté un arbre et a été retrouvée à environ 170 m au nord-est de l’épave principale. L’aéronef a percuté le relief dans une assiette en piqué verticale presque inversée.
Le train d’atterrissage a été retrouvé en position sortie et verrouillée et les volets étaient toujours en position rentrée. Les commandes de vol ont été examinées dans la mesure du possible et il n’y avait aucun signe d’anomalie antérieure à l’impact. Les dommages causés par l’hélice aux arbres environnants étaient caractéristiques d’un moteur qui produisait de la puissance avant l’impact, mais il a été impossible de déterminer la puissance générée. Les deux occupants ont été retrouvés à l’intérieur de l’épave.
Le GPS (système de positionnement mondial) et les instruments ADS-B de l’aéronef ont été récupérés et envoyés au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario); toutefois, il n’a pas été possible d’en extraire des données en raison des dommages causés par l’impact.
L’ELT de 406 MHz et la batterie principale de l’aéronef ont été retrouvées au sol près de l’épave et ont probablement été éjectées de l’aéronef au moment de l’impact, ce qui a endommagé les composants internes et externes. L’ELT était à la position ARM et le câble d’antenne était arraché près du connecteur de l’ELT, ce qui empêchait la transmission du signal au-delà d’une courte distance. Un examen approfondi de l’ELT a permis de déterminer ce qui suit :
- Le fil de contact du contacteur à inertie interne a été endommagé lors de l’impact, ce qui l’a empêché de fonctionner correctement.
- Les contacts du commutateur de mode ayant été endommagés par l’impact, l’ELT n’a pas pu être mise à la position ON manuellement, et ne s’est pas déclenchée automatiquement à la position ARM.
- La batterie de l’ELT était suffisamment chargée pour transmettre un signal d’urgence.
Renseignements sur le pilote
Le pilote était titulaire d’une licence de pilote privé - avion et son certificat médical de catégorie 3 était valide. Il avait obtenu sa licence en octobre 2018 et avait obtenu une qualification de vol de nuit en janvier 2019.
Les dossiers indiquent que le pilote avait accumulé environ 114 heures de vol, sans compter le vol à l’étude : 4,2 heures à bord de l’aéronef à l’étude et d’un autre Piper PA24, et le reste à bord d’aéronefs Piper PA28. Les dossiers indiquent que le pilote avait reçu 19,2 heures de formation au vol aux instruments; toutefois, il n’avait pas de qualification de vol aux instruments.
L’enquête n’a pas permis de confirmer si le pilote avait terminé avec succès le programme de formation périodique à intervalles de 24 mois stipulé à l’alinéa 401.05(2)a) du Règlement de l’aviation canadien; toutefois, il répondait aux autres exigences de mise à jour des connaissances énoncées à l’article 401.05.
Le passager, qui occupait le siège de droite, était également titulaire d’une licence de pilote privé - avion.
Renseignements météorologiques
L’enquête n’a pas permis de déterminer quels renseignements météorologiques le pilote avait obtenus avant le départ. Le lieu le plus près de l'événement pour lequel on disposait de renseignements météorologiques était CYXZ (11,5 NM au nord-nord-est du lieu de l’événement). La prévision d’aérodrome (TAF) modifiée émise à 10 h 03 indiquait que les conditions suivantes étaient prévues à partir de 11 h :
- vents du 230° vrai (V) à 15 nœuds, avec rafales à 30 nœuds;
- visibilité de 5 milles terrestres (SM) dans de faibles averses de neige;
- plafond couvert à 2000 pieds au-dessus du sol (AGL).
Les conditions suivantes étaient prévues à partir de 17 h :
- vents du 220°V à 12 nœuds, avec rafales à 22 nœuds;
- visibilité de 1 SM dans de faibles averses de neige;
- nuages épars à 800 pieds AGL et plafond couvert à 2500 pieds AGL.
Un message d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI) émis à 18 h 06 pour CYXZ signalait les conditions observées suivantes :
- vents du 210°V à 12 nœuds, avec rafales à 20 nœuds;
- visibilité de 1 SM dans de la faible neige;
- visibilité verticale de 1000 pieds;
- température de −1 °C et point de rosée de −3 °C.
Un autre SPECI, émis à 18 h 09 pour CYXZ, indiquait ceci :
- vents du 220°V à 11 nœuds, avec rafales à 17 nœuds;
- visibilité de ⅝ SM dans de la faible neige;
- visibilité verticale de 700 pieds;
- température de −1 °C et point de rosée de −3 °C.
Le radar météorologique d’Environnement et Changement climatique Canada a montré des précipitations de neige se déplaçant sur la zone de l’événement du sud-ouest au moment où la dernière position connue a été enregistrée (figure 2).
Des observateurs se trouvant au parc provincial du Lac-Supérieur ont signalé de fortes averses de neige à partir de 16 h 30, à 1,5 NM à l’ouest de la dernière position connue de l’aéronef, soit environ 1 heure et 30 minutes avant que l’aéronef à l’étude n’atteigne cette position.
Règles de vol à vue dans des conditions météorologiques qui se dégradent
Les dangers associés à la poursuite d’un vol VFR en IMC sont bien connus. Tel qu’il est indiqué dans la circulaire d’information (AC) 61-134 de la FAA [traduction] :
l’une des principales causes d’accidents GA [aviation générale] est la poursuite d’un vol VFR en IMC. [...] Il en résulte souvent un accident CFIT [impact sans perte de contrôle] lorsque le pilote tente de continuer à voler ou à manœuvrer sous un plafond qui s’abaisse et qu’il heurte un obstacle, le relief ou l’eau. L’accident peut être dû ou non à une perte de maîtrise avant que l’aéronef ne heurte l’obstacle ou la surface. On ne soulignera jamais assez l’importance de disposer de renseignements météorologiques complets, de comprendre la signification des renseignements météorologiques et d’être en mesure d’établir une corrélation entre, d’une part, les compétences et la formation du pilote, les capacités de l’aéronef et l’environnement d’exploitation et, d’autre part, une prévision exacteNote de bas de page 3.
Les accidents survenant lors de vols commençant en VMC et se poursuivant jusqu’à ce que les pilotes perdent le contact visuel avec le sol ont un taux de mortalité élevé. Selon les données recueillies par le BST, 100 accidents de la sorte ont été enregistrés entre 2000 et 2021, causant 122 morts au Canada.
Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP056/2022 – NVM Recovery – Various Electronics [Récupération de la mémoire non volatile – divers dispositifs électroniques]
- LP060/2022 – ELT Analysis [Analyse de l’ELT]
Messages de sécurité
Les vols VFR qui se poursuivent en IMC aboutissent souvent à une collision avec le relief ou à une perte de maîtrise à cause d’une perte des repères visuels. On rappelle aux pilotes de planifier et d’envisager des stratégies pour éviter de mauvaises conditions météorologiques, ainsi que de prévoir des plans de rechange si ces conditions se présentent.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .