Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22Q0126

Collision avec le relief
Collège d’enseignement général et professionnel de Chicoutimi
Beech Aircraft Corporation C23 Sundowner, C-GBQI
Aéroport de Chicoutimi/St-Honoré (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le 21 octobre 2022, à 8 h 40Note de bas de page 1, le chef-instructeur de vol du Collège d’enseignement général et professionnel (cégep) de ChicoutimiNote de bas de page 2, à l’aéroport de Chicoutimi/St-Honoré (CYRC) (Québec), a été chargé d’effectuer un vol d’évaluation à la suite du premier vol en solo d’une élève-pilote. L’objectif du vol était d’évaluer les progrès de l’élève-pilote et sa capacité à effectuer des décollages, montées initiales, circuits, approches, atterrissages, remises des gaz et procédures d’urgence.

    L’élève-pilote a effectué une inspection pré-vol de l’aéronef Beech Aircraft Corporation C23 Sundowner (immatriculation C-GBQI, numéro de série M-2264) et a noté que l’aéronef avait 15 gallons américains de carburant dans chaque réservoir (30 gallons américains au total). À la suite de l’inspection pré-vol, l’élève-pilote a informé le chef-instructeur de vol que l’aéronef pourrait avoir besoin de carburant supplémentaire. Le chef-instructeur de vol a répondu que le carburant à bord était suffisant pour le vol prévu, sans expliquer pourquoi à l’élève-pilote. Le chef-instructeur de vol et l’élève-pilote sont alors montés à bord de l’aéronef.

    Après le démarrage et les vérifications avant vol, l’élève-pilote a appelé le contrôleur tour pour demander l’autorisation de circuler au sol et de décoller de la piste 30. Cependant, le contrôleur tour a donné à l’élève-pilote l’instruction d’attendre à l’écart de la piste 30 sur la voie de circulation A, car il y avait un retard en raison des nombreux aéronefs se trouvant dans le circuit. À 9 h 40, le contrôleur tour a donné l’instruction à l’élève-pilote de circuler à contresens sur la piste 30 à partir de la voie de circulation A. L’aéronef a circulé à contresens et a fait demi-tour juste avant la voie de circulation D. Le contrôleur tour l’a alors autorisée à décoller de cette position (figure 1).

    Figure 1. Position approximative du début de la course au décollage (Source : NAV CANADA, Supplément de vol – Canada, avec annotations du BST)
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    Position approximative du début de la course au décollage (Source : NAV CANADA, Supplément de vol – Canada, avec annotations du BST)

    À 9 h 42, l’aéronef a décollé de la piste 30 et a commencé à effectuer des circuits vers la gauche à 1000 pieds au-dessus du sol (AGL). Après quelques circuits normaux, le chef-instructeur de vol a déclenché une simulation de panne moteur lorsque l’aéronef se trouvait à l’étape vent arrière gauche pour la piste 30. L’élève-pilote a tardé à amorcer le virage vers la piste, mais a réussi à atteindre la piste, en partie grâce au vent arrière présent lorsque l’aéronef était en virage de base. L’élève-pilote a ensuite effectué un posé-décollé et a entamé un autre circuit vers la gauche. Le chef-instructeur de vol et l’élève-pilote ont discuté de la simulation de la panne moteur et des avantages de virer vers la piste dès que l’on détecte une panne moteur dans le circuit. Un autre circuit vers la gauche avec simulation de panne moteur a été effectué, suivi d’un autre posé-décollé sur la piste 30.

    À 10 h 19, le chef-instructeur de vol a appelé le contrôleur tour pour demander un circuit vers la droite à 500 pieds AGL, ce qui a été approuvé. L’élève-pilote n’avait aucune expérience des circuits vers la droite à partir de la piste 30, ni des circuits à 500 pieds AGL. L’objectif du circuit vers la droite était de démontrer la différence entre un vent arrière et un vent de face lors d’une simulation de panne moteur pendant le virage de base.

    Lorsque l’aéronef se trouvait à l’étape vent arrière droit pour la piste 30 à environ 500 pieds AGL, le chef-instructeur de vol a simulé une panne moteur et a informé le contrôleur tour de l’exercice. L’élève-pilote a fait virer l’aéronef vers le seuil de la piste 30, mais a déterminé qu’il serait impossible d’atteindre la piste. L’élève-pilote a alors suggéré de viser un champ à proximité. Après une brève discussion entre le chef-instructeur de vol et l’élève-pilote, il a été décidé de viser la voie de circulation B.

    Pendant que l’aéronef se dirigeait vers la voie de circulation B, il est devenu évident pour l’élève-pilote et pour l’instructeur qu’ils n’atteindraient pas le point d’atterrissage prévu. Une zone de gravier dégagée à proximité de la voie de circulation B a alors été choisie comme nouveau point de visée. Vers 10 h 22, l’aile droite de l’aéronef a heurté de petits arbres, et l’aéronef est entré en collision avec le relief dans la zone de gravier dégagée (figure 2). À aucun moment au cours de cet exercice de simulation de panne moteur, l’élève-pilote ou le chef-instructeur de vol n’ont amorcé une remise des gaz.

    Figure 2. Trajectoire de l’aéronef entre le début de la simulation de panne moteur et le point d’impact (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Trajectoire de l’aéronef entre le début de la simulation de panne moteur et le point d’impact (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Le chef-instructeur de vol et l’élève-pilote portaient tous deux les harnais de sécurité à 3 points disponibles. Une fois l’aéronef immobilisé, ils ont pu sortir par les portes de l’aéronef. Tous deux ont été légèrement blessés.

    L’aéronef a été détruit. La radiobalise de repérage d’urgence s’est déclenchée. Il n’y a pas eu d’incendie.

    Information sur les pilotes

    Chef-instructeur de vol

    Le chef-instructeur de vol avait été engagé par le cégep de Chicoutimi en 2009 et était devenu le chef-instructeur de vol de l’unité de formation au pilotage en 2015. Au moment de l’événement, il avait accumulé un total d’environ 7000 heures de vol, dont environ 2500 heures d’instruction. Il était titulaire d’une licence de pilote de ligne – avion et d’une qualification d’instructeur de vol de classe 2. Le chef-instructeur de vol était le commandant de bordNote de bas de page 3 du vol.

    Élève-pilote

    L’élève-pilote était titulaire d’un permis d’élève-pilote et avait commencé sa formation au pilotage en août 2022. Au moment de l’événement, l’élève-pilote avait accumulé un total d’environ 15 heures de vol.

    Renseignements météorologiques

    La station météorologique la plus proche de CYRC est l’aéroport de Bagotville (CYBG) (Québec), situé à 11 milles marins au sud-sud-est. À 10 h, les conditions météorologiques étaient les suivantes :

    • vents du 230° vrai à 7 nœuds;
    • visibilité de 25 milles terrestres;
    • quelques nuages à 4000 pieds AGL;
    • température de 8 °C et point de rosée de 0 °C.

    Renseignements sur l’aéronef

    L’aéronef Beech Aircraft CorporationNote de bas de page 4 C23 Sundowner est un avion à 4 places et à ailes basses équipé d’un seul moteur à pistons à 4 cylindres et d’un train d’atterrissage tricycle. L’aéronef de l’événement avait été construit en 1980 et avait accumulé 8279,6 heures depuis sa fabrication. L’aéronef a une capacité de carburant de 59,8 gallons américains (29,9 gallons américains dans chaque réservoir d’aileNote de bas de page 5). Le manuel d’utilisation du pilote de l’aéronef interdit le décollage [traduction] « lorsque l’une ou l’autre des jauges de carburant indiquent le niveau à la bande jauneNote de bas de page 6 ». La bande jaune correspond à un niveau de carburant compris entre 0 et ⅓Note de bas de page 7, ⅓ équivalant à environ 10 gallons américains par réservoir. Par conséquent, compte tenu du temps de vol prévu pour le vol d’évaluation, le carburant à bord de l’aéronef (30 gallons américains) était suffisant pour le vol prévu.

    L’enquête n’a révélé aucune défaillance sur l’aéronef avant la collision avec le relief.

    Examen de l’épave

    L’aéronef s’est immobilisé dans une zone de gravier à l’est de la voie de circulation B. Le nez, les ailes et le train d’atterrissage ont subi des dommages importants (figure 3). L’espace de survie du poste de pilotage est resté intact, et les portes du poste de pilotage étaient utilisables.

    Figure 3. Épave de l’aéronef à l’étude (Source : tierce partie, avec autorisation)
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    Épave de l’aéronef à l’étude (Source : tierce partie, avec autorisation)

    Les arbres que l’aéronef a percutés mesuraient environ 20 pieds de haut et avaient perdu leurs feuilles, ce qui les rendait difficiles à voir en raison du faible contraste avec la zone de gravier environnante (figure 4).

    Figure 4. Zone de collision avec les arbres, avec gros plan en médaillon, montrant le manque de contraste entre les arbres et l’arrière-plan (Source : BST)
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    Zone de collision avec les arbres, avec gros plan en médaillon, montrant le manque de contraste entre les arbres et l’arrière-plan (Source : BST)

    Unité de formation au pilotage

    Le cégep de Chicoutimi est une unité de formation au pilotage agréée par Transports Canada. Cette unité est autorisée à dispenser la formation pour les licences de pilote privé et de pilote professionnel, ainsi que pour de nombreuses qualifications de pilote.

    L’unité de formation affecte normalement 1 instructeur à chaque élève pour la formation menant à l’obtention d’une licence de pilote privé. Ensuite, dans le cadre du programme structuré de formation au pilotage, un autre instructeur effectue certains vols d’évaluation, comme l’évaluation après le premier vol en solo de l’élève-pilote. L’objectif de ce vol d’évaluation est de déterminer si le pilote est capable d’effectuer d’autres vols en solo. L’élève-pilote est noté sur ce vol.

    Documents d’orientation concernant l’altitude minimale          

    Le Manuel de pilotage Avion de Transports Canada fournit un matériel d’étude de base de façon progressive « tant aux élèves-pilotes qui cherchent à obtenir leur licence qu’aux pilotes qui souhaitent améliorer leurs qualifications et aux instructeurs qui encadrent la formationNote de bas de page 8 ».

    Le Manuel de pilotage Avion stipule que pour les exercices de simulation de panne moteur,

    [s]auf dans le cas des approches effectuées à un aérodrome, il faut s’exercer aux atterrissages forcés dans une zone réservée à cette fin et seulement à l’altitude spécifiée dans le Règlement de l’aviation canadien ou par l’unité de formation, si ses consignes sont plus restrictivesNote de bas de page 9.

    Le Règlement de l’aviation canadien exige que les aéronefs restent à au moins « 500 pieds de toute personne, tout navire, tout véhicule ou toute structureNote de bas de page 10 », sauf au décollage et à l’atterrissage ou « si l’aéronef est utilisé sans constituer un danger pour les personnes ou les biens à la surfaceNote de bas de page 11 » et si l’aéronef est utilisé pour « l’entraînement en vol dispensé ou supervisé par un instructeur de vol qualifiéNote de bas de page 12  ».

    Au moment de l’événement, l’unité de formation au pilotage ne disposait pas de politique établissant une altitude minimale de remise des gaz en cas de panne de moteur simulée entraînant un atterrissage hors piste. Elle ne disposait pas non plus de phraséologie standard pour une annonce de remise des gaz.

    Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • LP103/2022 – NVM Recovery – MFD [Récupération de la mémoire non volatile – écran multifonction]

    Mesures de sécurité prises

    Après l’événement, le cégep de Chicoutimi a mis en place les mesures suivantes :

    • une politique fixant une altitude minimale de 200 pieds AGL pour les exercices de simulation de panne moteur, à moins que l’approche et l’atterrissage ne se fassent sur une piste;
    • une annonce standard de remise des gaz;
    • l’interdiction d’effectuer des circuits à 500 pieds AGL.

    Messages de sécurité

    L’utilisation d’un aéronef à basse altitude, comme c’est le cas lors d’un exercice de simulation de panne moteur jusqu’à l’atterrissage, augmente le risque de collision avec des obstacles et/ou le relief. Le commandant de bord doit tenir compte de l’environnement opérationnel et s’assurer que des marges de sécurité adéquates sont maintenues afin de disposer d’un temps de réaction suffisant pour éviter les obstacles ou réagir à une défaillance de l’aéronef.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 3 janvier 2024. Le rapport a été officiellement publié le 19 janvier 2024.