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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22W0078

Collision avec le relief
Air Tractor, Inc. AT-502B, C-FJVL
Arty’s Air Service Ltd.
Aérodrome de Bawlf (Blackwells) (CFR2) (Alberta), 18 NM S



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Le 12 septembre 2022, le pilote de l’aéronef AT-502B (immatriculation C-FJVL, numéro de série 502B-3021) d’Air Tractor, Inc. (Air Tractor) exploité par Arty’s Air Service Ltd. prévoyait effectuer une série de vols d’épandage aérien à partir de l’aérodrome de Bawlf (Blackwells) (CFR2) (Alberta). Le pilote a été accueilli à l’aérodrome par le mélangeur/chargeur à 8 hNote de bas de page 1. Ils ont tenu un exposé à propos des activités de la journée, puis le préposé au mélange et au chargement a ajouté du carburant et de l’herbicide dans l’aéronef. Au moment du décollage, l’aéronef avait 117 gallons américains (½ réservoir) de carburant et 450 gallons américains de mélange chimiqueNote de bas de page 2 dans la trémie.

À 8 h 50, l’aéronef à l’étude a quitté CFR2 et s’est rendu 18 milles marins (NM) au sud, jusqu’au champ à pulvériser. Après avoir fait le tour du champ pour repérer les dangers, le cas échéant, le pilote a pulvérisé le champ en effectuant des trajets nord–sud uniformes jusqu’à ce que tout le champ soit pulvérisé. Il a ensuite effectué 2 passages est–ouest complets pour couvrir les extrémités du champ. Tous les virages effectués pendant l’application du mélange chimique étaient des virages à gauche et correspondaient à des gains d’altitude de ±300 pieds au-dessus du sol (AGL). Deux virages avant le dernier, le pilote a fait demi-tour vers la droite au milieu du champ en suivant un rayon serré et une montée abrupte, ce qui a entraîné un gain d’altitude de plus de 500 pieds AGL (figure 1).

Figure 1. Trajectoire du vol à l’étude, d’après les données du système de positionnement mondial; la dernière minute et demie de la trajectoire de vol enregistrée est en jaune; la case en pointillé indique le demi-tour (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Trajectoire du vol à l’étude, d’après les données du système de positionnement mondial; la dernière minute et demie de la trajectoire de vol enregistrée est en jaune; la case en pointillé indique le demi-tour (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Après ce demi-tour, le pilote a effectué un autre passage à l’extrémité sud du champ, suivi d’un virage à grand rayon vers la gauche, puis il est descendu et s’est dirigé vers le coin sud-ouest du champ. Un observateur, qui regardait l’épandage de tout le champ à partir de son véhicule stationné vers le milieu du champ sur le chemin de canton 420A, a vu l’aéronef s’engager dans ce qu’il considérait comme le début d’une montée normale vers l’ouest, tout juste à l’est des lignes électriques longeant le côté est du chemin de rang 190. L’observateur a ensuite remarqué que la montée devenait plus raide que les montées précédentes jusqu’à ce que l’aéronef semble s’arrêter, pique du nez, puis commence un roulis vers la droite. L’aéronef a percuté le centre du chemin de rang 190, tout juste au sud de l’intersection avec le chemin de canton 420A, dans une assiette en piqué verticale. L’écrasement n’offrait aucune chance de survie. L’aéronef a été détruit au moment de l’impact. La radiobalise de repérage d’urgence s’est déclenchée. Il n’y a pas eu d’incendie.

Renseignements sur le pilote

Le pilote était titulaire d’une licence de pilote de ligne, et son certificat médical de catégorie 1 était valide. Il avait accumulé 6190 heures de vol au total. Un examen de son expérience d’épandage aérien a permis de déterminer qu’il comptait plus de 2800 heures de vol d’épandage aérien à son actif sur divers types d’aéronefs. Il avait accumulé plus de 600 heures sur l’AT-502B d’Air Tractor.

Le pilote avait effectué des vols d’épandage aérien pour Arty’s Air Service Ltd. pendant les mois d’été de 2020 à 2022.

Un examen des activités du pilote au cours des jours précédant l’accident a révélé qu’il était bien reposé et que le rythme opérationnel ralentissait à la fin de la saison d’épandage aérien.

Renseignements sur l’aéronef

L’aéronef à l’étude était un AT-502B monoplace d’Air Tractor, entièrement métallique, à aile basse cantilever et muni d’un train d’atterrissage fixe classique. Il était propulsé par un moteur PT6A-34AG de Pratt & Whitney Canada.

L’aéronef à l’étude avait été construit en 2015 et était principalement utilisé pour le travail aérien agricole. Sa conception avait été certifiée aux États-Unis dans la catégorie restreinteNote de bas de page 3, et il était exploité au Canada en vertu d’un certificat spécial de navigabilité — Restreint.

L’AT-502B d’Air Tractor a une masse maximale au décollage de 8000 livres. L’aéronef à l’étude était exploité avec un supplément au manuel de vol de l’aéronef accepté par Transports Canada qui l’autorisait à être utilisé à une masse brute accrue de 10 170 livres. La trémie, située entre le poste de pilotage et le moteur, avait une capacité de 500 gallons américains (1893 L). Les réservoirs de carburant étaient situés dans les ailes et avaient une capacité totale de 234 gallons américains. L’enquête a permis de déterminer que l’aéronef avait une masse de 5517 livres au moment de l’accident. Le centre de gravité se situait au milieu des limites prescrites de masse et de centrage.

L’aéronef était équipé d’un système de navigation GPS (système de positionnement mondial) de précision AG NAV GUIA Platinum, conçu pour les opérations d’épandage aérien. Le système AG NAV comportait une fonction qui enregistrait les données à des intervalles de 0,2 seconde pendant l’épandage, et à des intervalles de 0,4 seconde autrement. L’unité enregistrait les données dans une mémoire tampon interne (temporaire) puis, après 8 secondes, les données étaient enregistrées dans la mémoire non volatile. Lorsque l’aéronef a percuté le sol, les 8 dernières secondes du vol ont été perdues parce que l’alimentation a été coupée avant que les données ne soient transférées dans la mémoire non volatile.

L’enquête n’a pas permis de déceler de défaillances techniques qui auraient pu empêcher l’aéronef de fonctionner normalement pendant le vol à l’étude.

Formation de l’entreprise

Il s’agissait de la 3e saison de vol du pilote pour Arty’s Air Service Ltd. Le pilote avait suivi tous les cours de formation périodique et de formation au sol avant mai 2022. Sa vérification de compétence pilote la plus récente avait eu lieu le 31 mai 2022 et était valide au moment de l’accident.

Le manuel d’exploitation de l’entreprise ne fournit aucune directive sur les angles d’inclinaison et les taux de montée pendant les demi-tours, outre une indication selon laquelle ils doivent être effectués conformément au Règlement de l’aviation canadien et au Guide national d’apprentissage – Application de pesticides par aéronefNote de bas de page 4. Au cours des 2 jours de vol précédant le jour de l’accident, l’unité AG NAV de l’aéronef a enregistré le pilote de l’aéronef à l’étude effectuant de multiples demi-tours à basse altitude avec des montées abruptes et des virages serrés qui, s’ils avaient été coordonnés, auraient nécessité des angles d’inclinaison supérieurs à 45°.

Renseignements sur l’épave et sur l’impact

L’aéronef a été détruit au moment de l’impact. Tous les composants principaux de l’aéronef ont été retrouvés sur le lieu de l’accident. D’après l’examen de l’épave, l’aéronef a percuté le sol au milieu d’une route rurale en gravier, dans une assiette en piqué verticale (figure 2). Les caractéristiques des déformations subies par les pales de l’hélice indiquent que le moteur générait de la puissance au moment de l’impact.

Figure 2. Lieu de l’accident, vue vers le nord le long du chemin de rang 190 (Source : BST)
Lieu de l’accident, vue vers le nord le long du chemin de rang 190 (Source : BST)

Les bords d’attaque des ailes ont été aplatis au moment où ils ont heurté la plateforme de la route. Le mouvement du carburant dans les réservoirs d’aile a provoqué l’hydroformage du revêtement des ailes. Les rivets de fixation du revêtement de l’extrados se sont cisaillés, rompant les réservoirs de carburant et faisant en sorte que le carburant se déverse. L’empennage était relativement intact, mais les stabilisateurs vertical et horizontaux étaient pliés vers l’avant. Les pièces qui se sont détachées de l’aéronef lors de l’impact ont été contenues dans les fossés de chaque côté de la route, dans un rayon de 65 pieds du point d’impact.

Les circuits de commande de vol ont été examinés et leur continuité a été confirmée. Toutes les fractures des tubes de va-et-vient ont été attribuées à une surcharge survenue pendant l’impact. Il a été déterminé que les volets étaient réglés à 20°. Les systèmes de l’aéronef ont été examinés dans la mesure du possible et aucun signe de défaillance n’a été découvert. Il n’y avait aucune indication d’une perte de maîtrise attribuable à une défaillance mécanique avant l’impact.

Renseignements météorologiques

L’aéroport le plus proche du lieu de l’accident qui disposait de comptes rendus météorologiques était l’aéroport régional de Red Deer (CYQF) (Alberta), situé à environ 53 NM à l’ouest-sud-ouest. Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome de 9 h pour CYQF indiquait ce qui suit :

La prévision d’aérodrome émise à 5 h 40 indiquait qu’à 9 h, les conditions à CYQF seraient les suivantes :

Les conditions météorologiques n’ont pas été retenues comme facteur dans cet accident.

Décrochages aérodynamiques

Afin de maintenir le vol, l’aile d’un aéronef doit créer la quantité de portance requise. La portance est en partie liée à la vitesse de l’aéronef et à l’angle d’attaque de l’aile par rapport à l’écoulement d’air relatif. Si la vitesse est réduite, comme lors d’une montée abrupte, l’angle d’attaque doit être augmenté pour générer la portance nécessaire. Un décrochage aérodynamique survient lorsque l’angle d’attaque de l’aile excède l’angle critique auquel l’écoulement de l’air commence à se décoller de l’aile. Il y a décrochage de l’aile lorsque l’écoulement de l’air se décolle de l’extrados et que la portance produite diminue sous le niveau nécessaire pour supporter l’aéronef.

La vitesse à laquelle se produit un décrochage peut aussi varier en fonction du facteur de charge de la manœuvre en cours d’exécution. On définit le facteur de charge comme étant le rapport entre la force aérodynamique agissant sur les ailes et la masse brute de l’aéronef; le facteur de charge est une mesure des contraintes (ou de la charge) exercées sur la structure de l’aéronef. Par convention, on exprime le facteur de charge en gNote de bas de page 5 en raison de l’accélération gravitationnelle ressentie par un occupant de l’aéronef.

En vol rectiligne en palier, la portance est égale à la masse et le facteur de charge est de 1 g. Toutefois, un virage incliné en palier nécessite plus de portance. Pour ce faire, on peut, entre autres, augmenter l’angle d’attaque (en tirant sur la commande de profondeur), ce qui augmente le facteur de charge. À mesure que le facteur de charge augmente avec l’angle d’inclinaison, la vitesse à laquelle un décrochage se produit augmente également. Par conséquent, la manœuvre est souvent accomplie en augmentant la puissance moteur afin de maintenir la vitesse anémométrique. Un décrochage qui survient en raison d’un facteur de charge élevé découlant, par exemple, d’un angle d’inclinaison supérieur à 30°, est appelé un décrochage accéléré.

Les décrochages accélérés se produisent à une vitesse anémométrique supérieure en raison du facteur de charge accru auquel est soumise l’aile; en outre, ils sont généralement plus graves que les décrochages non accélérés et sont souvent inattendus. Par exemple, un décrochage provoqué par une inclinaison de 60° ou 70° entraînera une soudaine perte de maîtrise de l’aéronef suivie d’une perte rapide d’altitude.

Message de sécurité

Il est rappelé aux pilotes que le fait d’effectuer des demi-tours avec des montées abruptes et des angles d’inclinaison supérieurs à 45° augmente la probabilité d’un décrochage aérodynamique, ce qui pourrait entraîner une vrille. Un décrochage ou une vrille survenant à basse altitude peut conduire à une collision avec le relief lorsque l’altitude disponible est insuffisante pour reprendre la maîtrise de l’aéronef.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .