Sortie de piste au décollage
WestJet Airlines Ltd.
Boeing 737-7CT, C-GWCN
Aéroport international Harry Reid (Nevada, États-Unis)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 16 février 2023, l’aéronef Boeing 737-7CT (immatriculation C-GWCN, numéro de série 34157) exploité par WestJet Airlines Ltd. effectuait le vol WJA1447 entre l’aéroport international Harry Reid (KLAS) (Nevada, États-Unis) et l’aéroport international d’Edmonton (CYEG) (Alberta), avec 5 membres d’équipage et 109 passagers à son bord. Vers 18 h 25, heure normale du Pacifique, l’aéronef a décollé alors qu’il était aligné sur le bord droit de la piste 01R. Sa roue avant droite a percuté 8 feux de bord de piste. L’équipage de conduite ne s’est pas aperçu du mauvais alignement lors du décollage et du contact subséquent avec les feux de bord de piste; l’aéronef a poursuivi sa route jusqu’à CYEG, où il s’est posé sans incident. Aucun passager ou membre d’équipage n’a été blessé. Le lendemain, l’équipe chargée de la maintenance de WestJet Airlines Ltd. a remarqué des dommages mineurs au pneu droit du train d’atterrissage avant, a remplacé les 2 pneus du train avant et a par la suite remis l’aéronef en service. L’exploitant de l’aéroport KLAS a relevé les dommages aux feux de bord de piste 32 heures après l’événement et a avisé l’exploitant aérien de ces dommages 8 jours après l’événement.
1.0 Renseignements de base
Le National Transportation Safety Board des États-Unis a choisi de ne pas faire d’enquête sur cet événement. Conformément à l’Annexe 13 Note de bas de page 1 de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), le BST a mené l’enquête.
1.1 Déroulement du vol
Le 16 février 2023, l’équipage de conduite du vol à l’étude devait partir de l’aéroport international James Armstrong Richardson de Winnipeg (CYWG) (Manitoba) pour se rendre à l’aéroport international Harry Reid (KLAS) (Nevada, États-Unis), puis repartir de KLAS à destination de l’aéroport international d’Edmonton (CYEG) (Alberta) à bord de l’aéronef Boeing 737-7CTNote de bas de page 2, exploité par WestJet Airlines Ltd. (WestJet). À 17 h 09 Note de bas de page 3, l’aéronef a atterri à KLAS en effectuant le vol WJA1352 selon les règles de vol aux instruments, et à 17 h 15, il est arrivé à la porte d’embarquement. Après ce vol d’arrivée, l’équipage, composé de 2 membres d’équipage de conduite et de 3 membres d’équipage de cabine, a commencé à se préparer au vol vers CYEG (vol WJA1447) à bord du même aéronef.
Avant l’embarquement des passagers, l’équipage de conduite a effectué un exposé avant vol et a discuté des menaces et des défis connus associés à la procédure à suivre. Le commandant de bord avait été le pilote aux commandes (PF) de CYWG à KLAS, et il était prévu que le premier officier (P/O) serait le PF pour le vol à l’étude. Le P/O occupait le siège de droite. Après l’embarquement de 109 passagers et avoir fait le plein en carburant, l’aéronef a été refoulé de la porte d’embarquement à 18 h 14. À 18 h 17, le commandant de bord a fait circuler l’aéronef sur la voie de circulation B avec l’autorisation de tourner sur la voie de circulation D à partir de la voie de circulation B, puis de traverser la piste 08L/26R pour rester à l’écart de la piste 01R, laquelle constituait la piste en service (figure 1).
De 18 h à 18 h 45 Note de bas de page 4, les départs à KLAS se faisaient principalement sur la piste 01R tandis que les arrivées avaient lieu sur les pistes 01L et 26L. Tous les départs de la piste 01R ont eu lieu à partir du début de la chaussée de la piste devant le seuil décalé à la voie de circulation D. Derrière le vol à l’étude, 2 autres aéronefs devaient décoller de cette piste. Un aéronef s’est posé sur la piste 01R 4 minutes après le départ de l’aéronef à l’étude.
Juste avant d’obtenir l’autorisation de décoller, le commandant de bord a demandé au P/O d’obtenir la fréquence de départ et de la saisir dans le panneau de réglage radio. Le départ étant imminent et ses vérifications n’étant pas encore terminées, le P/O a suggéré d’obtenir la fréquence de départ après le décollage, vu qu’ils resteraient sur la fréquence de la tour pendant 5 minutes après le décollage. Vers 18 h 23, au cours de cette discussion sur la fréquence de départ et alors que l’aéronef approchait de la marque de point d’attente avant piste de la piste 01R, le contrôleur tour du contrôle de la circulation aérienne (ATC) a autorisé le décollage de l’aéronef. L’équipage de conduite a manqué cet appel, et après un appel subséquent de la tour, dont les deux membres de l’équipage de conduite ont accusé réception, le P/O a répondu en effectuant une relecture. Le P/O a alors demandé à la tour la fréquence de départ. Le contrôleur a répondu que la fréquence de départ était 133,95 MHz, ce que le P/O a relu.
Vers 18 h 24, le commandant de bord a fait circuler l’aéronef le long de l’axe de la voie de circulation jusqu’à ce qu’il atteigne la marque du bord droit de la piste Note de bas de page 5 (une ligne blanche), a effectué un virage vers la droite, est entré sur la piste 01R à environ 330 pieds avant le seuil décalé et a aligné l’aéronef avec ce qu’il croyait être le centre de la piste. Pendant le virage, le commandant de bord a jeté un coup d’œil au P/O pour confirmer que les vérifications avant décollage étaient en cours d’exécution. Pendant que l’aéronef entrait sur la piste, le P/O était en train de régler la fréquence de départ, annonçait à l’équipage de cabine de se préparer au décollage et achevait son circuit géographique Note de bas de page 6 et la liste de vérification avant le décollage. Étant donné que le P/O prenait plus de temps que prévu par le commandant de bord pour exécuter la liste de vérification, le commandant de bord a avancé les manettes de poussée à environ 40 % de la N1 Note de bas de page 7 pour amorcer le décollage.
Après que la poussée s’est stabilisée à 40 % de la N1, le commandant de bord a avancé les manettes de poussée pour obtenir le réglage désiré pour le décollage. Le commandant de bord a remarqué que la poussée N1 cible n’avait pas été atteinte et que le bouton de décollage et remise des gaz (TOGA) n’avait pas été activé. Il a donc appuyé sur le bouton TOGA (tableau 1). À ce moment-là, le P/O avait terminé la liste de vérification et lorsque l’aéronef accélérait pour franchir 50 nœuds, le commandant de bord a confié les commandes au P/O. Le P/O a assumé le rôle de PF et le commandant de bord est devenu le pilote surveillant.
Les 2 membres de l’équipage de conduite ont entendu des sons et senti des vibrations pendant la course au décollage, mais ils ont cru que l’aéronef roulait sur des feux encastrés d’axe de piste. Même si le commandant de bord a dit au P/O de se déplacer vers la gauche pour éviter les vibrations, l’aéronef a maintenu son alignement sur la piste.
Après le décollage, la tour a donné l’instruction à l’aéronef de passer à la fréquence de départ. L’aéronef est monté normalement et a poursuivi sa trajectoire sans incident jusqu’à CYEG.
Le 17 février 2023, l’équipe chargée de la maintenance de WestJet a remarqué des dommages causés par des corps étrangers au pneu droit du train d’atterrissage avant, a remplacé les 2 pneus avant et a par la suite remis l’aéronef en service. Le lendemain, à 2 h 26 le 18 février, l’exploitant de l’aéroport KLAS a relevé les dommages aux feux de bord de piste sur la piste 01R et a informé WestJet des dommages 6 jours plus tard. WestJet en a ensuite avisé le BST.
L’exploitant de l’aéroport a déterminé que 8 feux de bord de piste du côté droit de la piste 01R avaient été heurtés : 7 feux ont été endommagés et la lentille du 8e feu est tombée. La distance entre le 1er feu endommagé et le 8e feu endommagé était d’environ 2680 pieds (figure 2).
Événe-ment | Heure (hhmm:ss,ss) | Description de l’événement | Vitesse sol (GS) en nœuds ou vitesse corrigée (CAS) en nœuds | Réglage de la puissance moteur (N1) pour le moteur gauche/droit |
---|---|---|---|---|
A | 1824:56,94 | Sur le cap de piste | 14,6 GS | 26,4/26,0 |
B | 1824:59,86 | Avancée des manettes de poussée | 16,5 GS | 43,6/41,8 |
C | 1825:04,59 | Activation du TOGA | 27 GS | 78,5/74,8 |
D | 1825:28,98 | Dépassement et endommagement du 8e feu de bord de piste | 132 CAS | 88/87,7 |
E | 1825:32,07 | Rotation (le capteur de référence air-sol [WOW] indiquait un mode aérien) | 141 CAS | 87,8/87,5 |
F | 1825:35,87 | Le capteur WOW du train d’atterrissage principal indiquait un mode aérien | 152 CAS | 87,5/87,4 |
1.2 Personnes blessées
Aucun passager ni membre d’équipage n’a été blessé.
1.3 Dommages à l’aéronef
Le pneu droit (no 2) du train avant a été légèrement endommagé.
1.4 Autres dommages
Étant donné que, au moment de l’événement, l’équipage de conduite ignorait que l’aéronef était entré en contact avec les feux de bord de piste, il n’a pas communiqué avec l’ATC pour signaler de possibles dommages.
Les débris, circonscrits, se trouvaient immédiatement à l’extérieur des marques de bord de piste. Les électriciens de l’aéroport ont remplacé les 7 feux endommagés et ont réparé le 8e feu. Rien n’indique qu’il y a eu des répercussions sur les opérations aéroportuaires en raison des feux endommagés.
1.5 Renseignements sur le personnel
Commandant de bord | Premier officier | |
---|---|---|
Licence de pilote | Licence de pilote de ligne (ATPL) | Licence de pilote de ligne (ATPL) |
Date d’expiration du certificat médical | 1er août 2023 | 1er juillet 2023 |
Heures totales de vol | 26 000 | 3794 |
Heures de vol sur type | 14 712 | 159,2 |
Heures de vol au cours des 24 heures précédant l’événement | 5,7 | 5,7 |
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement | 13,4 | 5,8 |
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement | 72,4 | 38,5 |
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement | 164,65 | 145,7 |
Heures de vol sur type au cours des 90 jours précédant l’événement | 164,65 | 145,7 |
Heures de service avant l’événement | 5,0 | 5,5 |
Heures hors service avant la période de travail | 19,0 | 13,5 |
L’équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord travaillait pour WestJet depuis 22 ans et le P/O travaillait pour WestJet depuis environ 5 mois. Le vol précédent et le vol à l’étude était la 1ère fois qu’ils étaient jumelés et qu’ils effectuaient des vols ensemble comme équipage. Le commandant de bord avait souvent effectué des vols à destination de KLAS, mais le P/O ne l’avait fait qu’une seule fois.
D’après un examen de l’horaire de travail et de repos des membres de l’équipage de conduite, rien n’indique que la fatigue a nui à leur rendement.
1.6 Renseignements sur l’aéronef
Constructeur | Boeing |
---|---|
Type, modèle et immatriculation | 737-7CT, C-GWCN |
Année de construction | 2005 |
Numéro de série | 34157 |
Date d’émission du certificat de navigabilité | 23 novembre 2005 |
Total d’heures de vol cellule | 56 352 heures |
Type de moteur (nombre) | CFM56-7B24 (2) |
Masse maximale autorisée au décollage | 154 500 lb (70 080 kg) |
Type(s) de carburant recommandé(s) | Jet A, Jet A1 |
Type de carburant utilisé | Jet A |
Au moment de l’événement, aucune défectuosité ayant pu avoir une incidence sur le vol n’était consignée, et rien n’indique qu’un mauvais fonctionnement d’un composant ou d’un système a joué un rôle dans l’événement à l’étude.
1.7 Renseignements météorologiques
Le soleil s’est couché à 17 h 23 à KLAS, et le crépuscule civil est survenu à 17 h 49. Vers 18 h 14, pendant les heures d’obscurité, l’aéronef a été refoulé de la porte d’embarquement de l’aérogare pour circuler en vue du décollage du vol à l’étude.
Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) diffusé à 18 h 56 pour KLAS indiquait des conditions météorologiques de vol à vue :
- vents du 020° vrai à 7 nœuds;
- visibilité de 10 milles terrestres;
- quelques nuages à 25 000 pieds au-dessus du sol;
- température de 7 °C;
- point de rosée de −17 °C.
Les conditions météorologiques et la visibilité n’ont pas été considérées comme des facteurs contributifs à cet événement.
1.8 Aides à la navigation
Sans objet.
1.9 Communications
Sans objet.
1.10 Renseignements sur l’aérodrome
KLAS est un aéroport international situé à Paradise (Nevada, États-Unis), à environ 5 milles terrestres au sud de la ville de Las Vegas. Géré et exploité par le département de l’aviation du comté de Clark, il s’agit du principal aéroport de la vallée de Las Vegas. En 2022, KLAS s’est classé au 5e rang des aéroports américains pour le nombre total de mouvements d’aéronefs Note de bas de page 8. L’aéroport est décrit comme ayant un rythme d’exploitation élevé pour assurer le mouvement rapide d’un grand nombre d’aéronefs.
L’aéroport a 4 pistes. La piste 01R/19L mesure 150 pieds de largeur sur 9771 pieds de longueur. Le seuil de la piste 01R est décalé de façon permanente de 491 pieds. Les feux de bord de piste ont des réglages de luminosité variables; le réglage maximal est d’intensité moyenne. Au cours de l’événement, ils étaient réglés au premier niveau d’intensité sur 3. Bien que des feux d’identification d’extrémité de piste soient installés, la piste 01R n’est pas munie de feux d’axe; de tels feux ne sont installés sur aucune autre piste.
KLAS utilise un système de surveillance d’équipement aéroportuaire de détection de surface – modèle X (ASDE-X) avec distribution de données. Cet équipement fournit des indices aux contrôleurs de la tour ATC, située à 1,4 mille marin du seuil de la piste 01R, et permet d’identifier avec précision tous les aéronefs et véhicules présents sur l’aire de mouvement de l’aéroport. Le système n’est pas conçu pour alerter automatiquement les contrôleurs en cas de situations dangereuses conduisant à un mauvais alignement au décollage.
Pour la détection des corps étrangers, KLAS mise sur les inspections de piste effectuées par les équipes au sol dans des véhicules. Avant l’événement, les inspections consistaient en 2 passages effectués après la tombée de la nuit, et il n’y avait pas de procédures officielles quant à l’endroit des passages. Dans la plupart des cas, elles étaient effectuées sur la partie centrale de la piste.
1.10.1 Environnements visuels des seuils de piste et des seuils décalés
Les normes canadiennes et américaines en matière de marques de seuil de piste sont très semblables. Les marques de seuil de piste permettent de repérer le début de la piste disponible pour l’atterrissage. Ces marques sont des bandes longitudinales peintes en blanc qui s’étendent latéralement sur la largeur approximative de la piste. Les caractéristiques des bandes sont déterminées par la certification de la piste, par la largeur de celle-ci, ainsi que par la catégorie d’approche dont elle fait l’objet.
De plus, la marque d’identification de piste est le numéro de piste peint et centré sur l’axe de piste et situé à 12 m du bord supérieur de la marque de seuil de piste.
Dans certains cas, le seuil d’atterrissage peut être déplacé ou décalé; par exemple, lorsque des obstacles naturels ou artificiels interfèrent avec les trajectoires d’approche de la piste et leur utilisation doit être limitée. Aux États-Unis, [traduction]
un seuil décalé est un seuil situé à un point de la piste autre que le début désigné de la piste. Le décalage d’un seuil réduit la longueur de piste disponible pour les atterrissages. La partie de la piste située derrière un seuil décalé est disponible pour les décollages dans l’une ou l’autre des directions et pour les atterrissages dans la direction opposée. Une barre de seuil blanche d’une largeur de 10 pieds est présente sur toute la largeur de la piste à la hauteur du seuil décalé. Des flèches blanches sont positionnées le long de l’axe dans la zone entre le début de la piste et le seuil décalé Note de bas de page 9.
Les normes canadiennes indiquent que la pointe de flèche doit mesurer 10 m de long et le fût au moins 20 mNote de bas de page 10. Les normes aux États-Unis sont semblables, et exigent une longueur de 13,5 m et de 24 m, respectivement (figures 3 et 4). La partie décalée d’une piste peut être utilisée pour la circulation au sol et le décollage. Elle peut également être utilisée pour la course de décélération après un atterrissage à l’extrémité opposée.
1.10.2 Marques d’axe de voie de circulation
Les feux et les marques d’axe de voie de circulation fournissent aux équipages de conduite un guidage visuel continu le long d’une trajectoire désignée. Selon la norme de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis relative aux marques présentes aux aéroports, les marques d’axe de piste sur une voie de circulation qui mène à la piste peuvent se terminer au bord de la piste. Cependant, pour les voies de circulation qui entrent sur la piste dans une zone de seuil décalé, les marques d’axe de voie de circulation continuent sur la piste et se prolongent parallèlement aux flèches qui mènent au seuil décalé sur au moins 200 pieds au-delà du point de tangence ou jusqu’à la barre de seuil décalé, selon la distance la plus courte Note de bas de page 11. Les marques d’axe de voie de circulation à KLAS sont jaunes avec une bordure noire.
Les feux d’axe de voie de circulation, de couleur vert et ambre, sont encastrés parallèlement à l’axe de la voie de circulation. Aux États-Unis, conformément à la norme de la FAA pour le balisage lumineux des aéroports, il est interdit d’installer des feux d’axe de voie de circulation de guidage vers la piste dans les limites de la piste où des opérations ne sont pas effectuées à moins de 1200 pieds (365 m) de portée visuelle de piste Note de bas de page 12 (opérations par faible visibilité) (figure 5). Cette norme vise à éviter un éclairage excessif dans la zone de la piste.
Les aéroports canadiens, par contre, permettent l’installation de feux d’axe de voie de circulation qui s’étendent sur les pistes non certifiées pour les opérations par faible visibilité, même si cela n’est pas exigé (figure 6), afin de s’assurer que le signal visuel fourni aux pilotes est cohérent et normalisé. Toutefois, si des feux d’axe de voie de circulation sont présents, le balisage lumineux doit être conforme à la norme; l’exploitant de l’aéroport ne peut pas satisfaire qu’à une partie d’une norme Note de bas de page 13.
Dans l’événement à l’étude, l’aéronef s’est engagé sur la piste 01R à partir de la voie de circulation D, sur laquelle les marques d’axe de voie de circulation s’étendaient jusqu’au centre de la piste; toutefois, le balisage lumineux s’arrêtait aux marques de bord de piste, conformément à la norme.
1.10.3 Marques de bord de piste
Les marques de bord de piste (connues sous le nom de marques latérales de piste au Canada) améliorent le contraste visuel entre les bords de piste et le relief environnant ou les accotements de piste et définissent la largeur de la piste. Les marques latérales se présentent sous la forme de 1 bande parallèle sur chacun des bords de la piste. Les normes canadiennes régissant les marques de piste des aérodromes prévoient que les bandes latérales sont interrompues aux intersections entre 2 pistes ou aux intersections entre une piste et une voie de circulation Note de bas de page 14 Note de bas de page 15. En revanche, la norme américaineNote de bas de page 16 relative aux marques de bord de piste précise que les pistes doivent présenter des marques de bord de piste ininterrompues (figures 7 et 8).
Lors de l’événement à l’étude, l’aéronef s’est engagé sur la piste 01R à partir de la voie de circulation D, franchissant une marque de bord de piste continue.
1.10.4 Marques d’accotement de piste et de voie de circulation
Les accotements de piste sont les zones adjacentes aux bords définis de la piste qui offrent une résistance à l’érosion due au souffle et qui permettent le passage de l’équipement de maintenance et d’urgence. Les accotements revêtus aident à réduire la quantité de saleté et de débris qui pénètrent sur la piste, offrent une zone de dégagement plus lisse pour les sorties de piste latérales et permettent le passage des véhicules destinés aux opérations aéroportuaires sans utiliser la surface de la piste.
Bien que les normes américainesNote de bas de page 17 relatives à la géométrie des pistes indiquent que les surfaces stabilisées, comme le gazon ou le pavage à faible coût, conviennent pour l’accotement, les surfaces d’accotement revêtues sont requises pour les pistes qui accueillent des aéronefs ayant une envergure de 36 m ou plus et une hauteur de queue de 13,7 m ou plus (les mesures approximatives d’un Boeing 767, qui est plus gros que l’aéronef à l’étude, un Boeing 737). Les accotements de voie de circulation ont une fonction semblable à celle des accotements de piste et ne sont pas destinés à être utilisés par les aéronefs.
Aux États-Unis, les accotements de piste peuvent présenter des marques pour mieux les distinguer de la piste. Dans ce cas, elles sont constituées de bandes orientées à 45° par rapport à l’axe de piste et peintes en jaune (figure 9) Note de bas de page 18.
Les accotements de voie de circulation peuvent également présenter des marques qui montrent clairement que ces zones ne font pas partie de la surface de la voie de circulation. Ces marques, qui sont également peintes en jaune, sont des bandes orientées perpendiculairement à l’axe de la voie de circulation (figure 10) Note de bas de page 19.
Au moment de l’événement à l’étude, la piste 01R à KLAS n’avait pas de marques d’accotement de piste, pas plus que la voie de circulation D n’avait de marques d’accotement de voie de circulation à l’endroit où elle approche et croise la piste 01R.
KLAS compte plusieurs initiatives de sécurité qui recueillent des données concernant les opérations aéroportuaires, et l’analyse de ces données a mené à ce que des changements soient apportés à l’aéroport. Les marques d’aire de sécurité des pistes et des voies de circulation ne sont pas une exigence universelle. Par conséquent, KLAS n’a pas l’intention d’en ajouter autour de l’intersection de la voie de circulation et de la piste où l’aéronef à l’étude est entré sur la piste 01R. Cependant, dans le passé, lorsque des travaux de construction ont été réalisés à KLAS, ces marques d’aire de sécurité de la voie de circulation ont été ajoutées lorsque des données justifiaient l’imposition de mesures de sécurité supplémentaires (dont l’ajout de marques d’accotement de voie de circulation et de piste) dans certaines zones.
1.10.5 Balisage lumineux de piste
Au Canada et aux États-Unis, la norme relative au balisage lumineux de bord de piste exige que celui-ci émette une lumière blanche. Alors qu’un aéronef approche de la fin du balisage lumineux de piste, la couleur passe du blanc au jaune, ce qui indique les 600 derniers mètres (ou 610 m aux États-Unis) de la piste, qui peuvent comprendre un seuil décalé. Lorsqu’un seuil de piste est décalé, le balisage lumineux de bord de piste situé dans la zone précédant le seuil décalé émet une lumière rouge orientée vers l’aéronef en approcheNote de bas de page 20, Note de bas de page 21 et une lumière jaune dans la direction opposée. Dans la zone du seuil décalé de la piste 01R à KLAS, on comptait 2 feux de bord de piste rouges encastrés du côté droit devant le seuil décalé.
Tous les feux de bord de piste sont disposés en 2 rangées parallèles, chacun équidistant de l’axe de piste, et présentent un espacement uniforme ne dépassant pas 60 m (ou 61 m aux États-Unis).
Si une piste est équipée de balisage lumineux d’axe de piste, ces feux émettent une lumière blanche orientée vers l’aéronef en approche. Pour avertir les équipages de conduite de l’extrémité imminente d’une piste, la coloration passe à rouge et blanc en alternance pour les 900 derniers mètres, puis au rouge pour les 300 derniers mètres Note de bas de page 22, Note de bas de page 23. À KLAS, aucune des pistes n’est munie de feux d’axe de piste en raison du fait que les conditions météorologiques de vol à vue sont prédominantes à l’aéroport à longueur d’année.
Les normes canadiennes et américaines en matière de balisage lumineux des aéroports sont semblables. Entre le coucher et le lever du soleil, ou lorsque d’autres conditions environnementales particulières persistent, les feux de bord de piste et d’axe de piste (s’ils sont installés) doivent être allumés pour les aéronefs au départ. Le balisage lumineux d’approche doit être allumé uniquement pour la piste d’atterrissage desservie par les feux. Toutefois, les contrôleurs peuvent allumer les feux autrement, s’ils le jugent nécessaire, et les pilotes peuvent également demander que le balisage lumineux d’approche soit allumé.
Lors du décollage de l’aéronef à l’étude, les feux de bord de piste étaient allumés.
1.11 Enregistreurs de bord
L’aéronef à l’étude a volé environ 80 heures avant que les responsables de WestJet ne soient mis au courant de l’événement à KLAS et reconnaissent qu’il serait nécessaire de récupérer les données de l’aéronef à des fins d’enquête. Toutefois, à ce moment-là, les données de l’enregistreur de données de vol et de l’enregistreur de conversations de poste de pilotage du vol à l’étude avaient été écrasées.
Les données de l’enregistreur à accès rapide (QAR) étaient toujours disponibles. Les données du QAR ont été téléchargées; elles contenaient des renseignements du vol à l’étude.
Fait établi : Autre
Le temps qui s’est écoulé entre le mauvais alignement de l’aéronef au décollage et la découverte, par le personnel de l’aéroport, des feux de bord de piste brisés, ainsi que le temps qu’il a fallu pour signaler l’événement à WestJet, ont fait en sorte que les données de l’enregistreur de données de vol et de l’enregistreur de conversations de poste de pilotage ont été écrasées.
1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact
Sans objet.
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
Selon l’information recueillie au cours de l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux ont nui à la performance de l’équipage de conduite.
1.14 Questions relatives à la survie des occupants
Sans objet.
1.15 Incendie
Sans objet.
1.16 Essais et recherche
1.16.1 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :
- LP034/2023 – QAR and ADS-B Data Recovery and Analysis (Récupération et analyse des données du QAR et de l’ADS-B)
1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion
WestJet est un exploitant aérien canadien certifié pour mener des opérations aériennes assujetties à la sous-partie 705 du Règlement de l’aviation canadien. L’entreprise est également un organisme de maintenance agréé assujetti à la sous-partie 573 du Règlement de l’aviation canadien. L’exploitant aérien est aussi un organisme de formation au pilotage accrédité par Transports Canada.
Au moment de l’événement, la flotte principale de WestJet comptait 41 Boeing 737-700, 37 Boeing 737-800 et 24 Boeing 737 Max, ainsi que 7 Boeing 787. WestJet dispose également de 3 simulateurs de vol B737-700 pour la formation des pilotes, à Calgary (Alberta). Les formations en classe initiales et périodiques ont lieu au siège social de la compagnie à Calgary.
La formation de WestJet comprend du contenu sur la gestion des ressources de l’équipage et la gestion des menaces et des erreurs exigé en vertu du paragraphe 725.124(39) des Normes de service aérien commercial Note de bas de page 24.
La compagnie surveille et gère les risques opérationnels à l’aide d’un système de gestion de la sécurité approuvé par Transports Canada. Le système se sert d’outils, comme la surveillance des données de vol, un programme d’assurance de la qualité des opérations aériennes et des procédures d’exploitation normalisées, qui génèrent une boucle de rétroaction pour aider à cerner et à atténuer les risques en matière de sécurité.
De plus, WestJet envoie régulièrement des lettres de sécurité qui contiennent des renseignements opportuns. Par exemple, l’équipe des opérations aériennes de la compagnie a publié une note de service immédiatement après l’événement à l’étude afin d’informer les équipages de problèmes possibles liés aux seuils décalés lors des décollages Note de bas de page 25.
1.17.1 Documentde qualification de route et d’aérodrome
WestJet produit également un document de qualification de route et d’aérodrome pour chaque aérodrome qu’elle dessert. Ce manuel informe les équipages à propos des mises en garde et des procédures relatives au départ, au vol en route, à l’approche et à l’atterrissage, qui sont propres à cet aérodrome. Par exemple, le document pour KLAS indique que l’aéroport n’utilise pas de feux d’axe de piste.
1.18 Renseignements supplémentaires
1.18.1 Autres événements et enquêtes concernant un mauvais alignement au décollage
Le BST a déjà fait rapport sur des sorties de piste latérales résultant d’un mauvais alignement au décollage. Les dossiers du BST font état de 9 autres événementsNote de bas de page 26 au cours desquels les équipages de conduite se sont alignés et ont amorcé une course au décollage sur un bord de piste plutôt que sur l’axe de piste. Tous les événements sont survenus dans le cadre d’opérations nocturnes.
L’un des événements, survenu en 2006, a donné lieu à une enquête du BST sur le mauvais alignement au décollage d’un Airbus A319-114 immatriculé au Canada de KLAS à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (CYUL) (Québec) Note de bas de page 27. L’enquête a révélé que les marques de piste, combinées au fait que le PF se concentrait principalement sur le départ de l’aéronef qui le précédait et qu’il a eu recours à sa vision périphérique pour orienter l’aéronef sur la piste, ont contribué à ce que l’aéronef soit aligné sur l’accotement en asphalte de la piste plutôt que sur l’axe de piste. Par la suite, des feux de bord de piste ont été endommagés pendant la course au décollage. Il convient de noter que ce mauvais alignement au décollage n’a été porté à la connaissance de l’ATC ou de l’aéroport que 2 heures après l’événement et que, pendant ce temps, des débris potentiels provenant des feux brisés auraient pu constituer un danger pour les aéronefs au départ.
En 2009, l’Australian Transport Safety Bureau (ATSB) s’est penché sur les facteurs qui influent sur les cas de mauvais alignement au décollage. L’étude a mis en évidence 7 facteurs de sécurité courants qui contribuent au mauvais alignement au décollage et dont la présence accroît le risque d’un événement. Les 7 facteurs étaient [traduction] :
- les opérations de nuit;
- l’environnement de la piste et de la voie de circulation, y compris les marques ou le balisage lumineux d’entrée de piste qui prêtent à confusion, les zones de revêtement supplémentaire sur la piste, l’absence de feux d’axe de piste et les feux de bord de piste encastrés;
- la distraction (à l’intérieur du poste de pilotage) ou l’inattention de l’équipage de conduite;
- les mauvaises conditions météorologiques ou une visibilité faible ou réduite;
- la réalisation d’un départ à partir d’un seuil décalé ou d’une intersection;
- la délivrance d’une autorisation du contrôle de la circulation aérienne lorsque les aéronefs s’engagent sur la piste ou circulent encore au sol;
- la fatigue de l’équipage de conduite Note de bas de page 28.
Ces facteurs peuvent être résumés comme suit : les facteurs humains, les facteurs environnementaux et les facteurs opérationnels. L’un des principaux facteurs humains relevés dans le cadre de la recherche est la distraction, qui se traduit par une attention partagée. La distraction divise l’attention de l’équipage de conduite, qui se concentre sur l’exécution de tâches à l’intérieur du poste de pilotage au détriment d’une évaluation précise de l’environnement extérieur. Cette situation se produit souvent pendant la circulation au sol, lorsque les membres de l’équipage de conduite doivent garder les yeux rivés à l’intérieur du poste de pilotage pendant de longues périodes. Comme il est expliqué dans le rapport de l’ATSB, [traduction]
au lieu de maintenir le regard vers l’extérieur à partir du moment où ils s’engagent sur la piste, ils portent leur attention à l’intérieur pour une raison ou une autre, par exemple pour vérifier les instruments, confirmer la configuration de l’aéronef ou exécuter les éléments de la liste de vérification. Bien que les opérations en équipage multiple atténuent partiellement ce risque en précisant et en répartissant les rôles de pilotage et de surveillance de l’aéronef entre les pilotes, il arrive encore que les deux membres d’équipage ne traitent pas les indices environnementaux externes avec précision. Cette attention partagée est souvent nécessaire pour s’aligner ou amorcer la course au décollage […] Note de bas de page 29.
Parmi les facteurs environnementaux décrits dans le rapport de l’ATSB figurent les marques de seuil de piste. Communément appelées « touches de piano », elles aident les équipages de conduite en définissant la largeur de la piste. Comme l’explique le rapport, [traduction]
les aéronefs utilisant un seuil décalé ne pourront pas voir les marques de seuil normales, telles que le numéro de piste ou les « touches de piano », qui constituent des indices importants pendant la phase d’alignement du vol Note de bas de page 30.
Le rapport souligne également les facteurs opérationnels, dont la nécessité de suivre les marques d’axe de voie de circulation et les feux d’axe de voie de circulation disponibles pour permettre à l’équipage de conduite de maximiser la possibilité d’aligner correctement l’aéronef sur la piste en vue du décollage, en particulier lorsque les autorisations ATC sont transmises pendant l’alignement de l’aéronef ou lors du départ de celui-ci à partir d’une zone autre que le seuil d’une piste, où les indices pour l’alignement latéral par rapport à la piste sont moins nombreux.
1.18.2 Questions relatives aux facteurs humains
1.18.2.1 Multitâche
Lorsque l’on se penche sur la capacité d’une personne à gérer plusieurs tâches concurrentes, capacité également appelée multitâche, on se fonde généralement sur la théorie des ressources multiples pour évaluer ce type de rendement. La théorie des ressources multiples comporte 3 éléments clés : la demande de ressources, la multiplicité des ressources et l’affectation exécutive des ressources Note de bas de page 31. La demande de ressources décrit les efforts nécessaires (c.-à-d., les ressources attentionnelles) pour s’acquitter des tâches. Plus la demande de ressources attentionnelles est grande, plus la charge mentale est importante. La multiplicité des ressources, qui constitue le 2e élément de la théorie, renvoie à la variété des ressources disponibles pour accomplir une tâche particulière. Lorsque 2 tâches exigent la même ressource (par exemple, une attention visuelle), le rendement diminuera de manière plus importante que si l’on faisait appel à des ressources distinctes, par exemple, l’attention visuelle et l’attention auditive. Le dernier élément, l’affectation exécutive des ressources, consiste à déterminer de manière consciente la tâche à laquelle une plus grande part de nos ressources et de notre attention sera consacrée Note de bas de page 32. En utilisant ces 3 éléments, on peut mieux comprendre le rendement possiblement dégradé d’une personne qui essaie de gérer plusieurs tâches, selon la nature des tâches et le contexte dans lequel elles ont été effectuées.
1.18.2.2 Traitement de l’information dans des environnements dynamiques
Le traitement de l’information est essentiel à la performance humaine. Il est décrit en plusieurs étapes, à savoir la perception de l’information, la transformation de l’information sous différentes formes, la réaction à l’information, le traitement de l’information rétroactive et l’évaluation des effets sur l’environnement Note de bas de page 33.
1.18.2.2.1 Perception
La perception est le processus par lequel les êtres humains acquièrent, traitent et interprètent l’information provenant du monde extérieur. L’identification d’un objet dans un environnement est liée non seulement à la sensibilité physique d’une personne aux propriétés de détection telles que la lumière, le son et la température, mais aussi aux objectifs, aux connaissances et aux attentes de cette personne Note de bas de page 34. On reconnaît plus rapidement les objets lorsqu’ils sont vus dans leur contexte, plutôt que lorsqu’ils sont présentés de manière isolée ou dans des contextes incohérents Note de bas de page 35. En outre, les objets et attributs qui ressemblent à l’objet cible peuvent être perçus et interprétés comme l’objet auquel ils ressemblent.
La façon dont une personne peut percevoir l’information grâce à un mélange d’indices de détection provenant de l’environnement externe et de ses propres objectifs, connaissances et attentes peut être décrite dans le contexte d’un départ de piste. De chaque côté d’une piste, à partir de son axe, se trouve une étendue d’asphalte d’environ 75 pieds de large, à laquelle s’ajoute un accotement revêtu. La vue de la largeur de l’asphalte et la vue de l’accotement sont des indices de l’environnement qui indiquent que l’aéronef est positionné sur l’axe de piste. Certaines pistes aux États-Unis ont de très grandes étendues d’asphalte qui se prolongent au-delà de la ligne de bord de piste de part et d’autre de la piste. En revanche, aux aéroports du Canada, l’accotement revêtu en bordure de piste ne mesure qu’au plus 25 pieds de large, et au-delà de cet accotement se trouve du gazon ou une autre surface texturée. Lorsqu’un pilote voit une grande surface d’asphalte à côté de l’aéronef, il peut interpréter cet indice comme une indication que l’aéronef est positionné sur l’axe de piste alors qu’en fait, l’aéronef peut être positionné sur le bord de la piste. Un ensemble d’indices externes est combiné aux objectifs, aux connaissances et aux attentes d’un pilote pour lui permettre de comprendre la position dans l’espace.
Les attentes d’une personne peuvent être utilisées pour prévenir les mauvaises interprétations lorsqu’elle travaille dans des conditions dégradées Note de bas de page 36. Par exemple, les attentes créées par la formation et l’expérience contribuent à la façon dont une personne perçoit et interprète l’information présente dans un environnement, ainsi que la nature de l’information qui est perçue. Par conséquent, il est important que les équipages de conduite qui exploitent des aéronefs à partir d’une zone de seuil décalé sachent que les indices permettant de repérer l’axe de piste sont différents et moins nombreux dans cet environnement. En outre, il est également utile de savoir la raison pour laquelle des conditions visuelles dégradées ou sombres peuvent avoir une incidence négative sur la vision et la perception, et la manière dont cela se produit, afin de soutenir les opérations menées dans ces conditions.
Les signaux et les renseignements sensoriels peuvent être ambigus en fonction de l’environnement dans lequel ils sont perçus. La résolution de l’ambiguïté est un aspect essentiel du traitement des signaux et des renseignements sensoriels. Le cerveau résout l’ambiguïté de 2 façons : les processus ascendants et les processus descendants, ou une combinaison des deux Note de bas de page 37. On parle de traitement ascendant lorsque l’information remonte des niveaux inférieurs vers les niveaux supérieurs d’analyse; les caractéristiques simples des signaux et des renseignements sont intégrées dans des images ou des formes plus larges en fonction de règles ou de connaissances que possède l’observateur Note de bas de page 38. Lorsque l’information circule des niveaux supérieurs vers les niveaux inférieurs d’analyse, il est question de traitement descendant; les connaissances et l’expérience antérieures sont utilisées pour orienter la perception de niveau inférieur Note de bas de page 39.
Lorsque ce concept est appliqué à la perception par un pilote d’un environnement visuel de piste, le pilote voit les indices visuels et l’information dans l’environnement et utilise un traitement ascendant (c.-à-d. les capteurs perceptifs de l’œil qui savent où et quoi regarder) et un traitement descendant (c.-à-d. les connaissances acquises au cours de la formation et des expériences antérieures sur l’organisation de l’environnement) pour interpréter les indices et l’information afin de comprendre la position de l’aéronef sur la piste. L’information et les indices ambigus dans l’environnement externe deviennent plus difficiles à résoudre et sont plus susceptibles d’être mal interprétés lorsqu’il y a interférence ou dégradation de l’information et des indices environnementaux (par exemple, en cas de visibilité réduite ou dans l’obscurité).
1.18.2.2.2 Transformation de l’information et prise de mesures
Le traitement de l’information chez l’être humain peut être regroupé en 3 niveaux : fondé sur les compétences, fondé sur les règles, et fondé sur les connaissances Note de bas de page 40. Malgré cette distinction, bon nombre des tâches importantes accomplies par les personnes représentent, en réalité, des combinaisons de niveaux de performance fondée sur les compétences, les règles et les connaissances.
La performance fondée sur les règles suppose la perception consciente des indices environnementaux, qui déclenchent l’application de règles apprises en fonction de l’expérience. Ces règles établissent un lien entre les indices environnementaux et les objectifs de la tâche, d’une part, et les actions à exécuter, d’autre part Note de bas de page 41. Les activités réalisées au niveau des règles utilisent des règles qui ont été mémorisées en fonction de l’expérience et de la formation. Des problèmes liés à la performance fondée sur les règles peuvent survenir lorsque l’information recueillie ou les indices perçus dans l’environnement ne sont pas mis en correspondance de façon appropriée et qu’une action est manquée ou que la mauvaise action pour la situation est appliquée. Un indice peut passer inaperçu ou être mal interprété lorsqu’une personne est pressée ou s’attend fortement à ce que quelque chose se produise à la suite d’une action. Les indices peuvent également être manqués lorsqu’un problème survient à un endroit inattendu, lorsque l’indice est ambigu ou dégradé et lorsque les indices sont semblables Note de bas de page 42.
La performance fondée sur les règles est étroitement liée à la prise de décisions fondées sur la reconnaissance Note de bas de page 43. Tel que l’explique le livre Sources of Power: How People Make Decisions, [traduction]
le modèle de prise de décisions fondées sur la reconnaissance (RPD) fusionne deux processus : la façon dont les décideurs évaluent la situation pour reconnaître la ligne de conduite qui a du sens, et la façon dont ils évaluent cette ligne de conduite en l’imaginant Note de bas de page 44.
Dans ces circonstances, les gens prennent leurs décisions en déterminant que les situations sont typiques et familières, puis ils exécutent leurs décisions. Ils comprennent quels types d’objectifs ont du sens, quelles priorités établir, quels indices sont importants et à quoi s’attendre ensuite, ainsi que les façons typiques de réagir dans des situations données Note de bas de page 45. En déterminant qu’une situation est typique, ils déterminent également une ligne de conduite susceptible d’être efficace et procèdent à une simulation mentale rapide pour évaluer son adéquation à la situation. Ce modèle de prise de décisions est le fruit de recherches sur la façon dont les décisions sont prises dans des contextes réels, dynamiques et sensibles au temps Note de bas de page 46. L’évaluation de la situation est un aspect important de la prise de décisions dans ces environnements réels Note de bas de page 47.
Lorsque les personnes prennent des décisions et des mesures fondées sur ce modèle, des erreurs et de mauvais résultats peuvent découler d’une expérience insuffisante (p. ex. lorsqu’elles n’ont pas l’expérience de la situation) ou de l’information inadéquate (p. ex. si l’information ou les indices nécessaires à une bonne évaluation de la situation ne sont pas disponibles ou sont dégradés) ou encore d’erreurs de simulation mentale (p. ex. lorsqu’elles associent les indices ou les signes d’un problème à une situation différente) Note de bas de page 48.
2.0 Analyse
Pendant le départ de nuit de l’aéronef à l’étude du seuil décalé de la piste 01R à l’aéroport international Harry Reid (KLAS) (Nevada, États-Unis), l’aéronef, à l’insu de l’équipage de conduite, était aligné sur la marque du bord droit de la piste et est entré en contact avec 8 feux de bord de piste pendant qu’il effectuait sa course au décollage. L’enquête a révélé que les pilotes possédaient les qualifications appropriées pour effectuer le vol et qu’il n’y avait aucune indication de mauvais fonctionnement des systèmes de l’aéronef.
L’analyse portera donc sur l’attention de l’équipage de conduite lors de l’alignement de l’aéronef sur la piste 01R, sur les indices visuels à la disposition de l’équipage de conduite pour déterminer son emplacement, sur les attentes de l’équipage de conduite à l’égard de ces indices et sur le processus d’inspection de piste de l’exploitant de l’aéroport.
2.1 Attention de l’équipage de conduite
Le premier officier (P/O) et le commandant de bord avaient tous deux une charge de travail relativement importante au moment du départ. Le P/O gérait plusieurs tâches pendant que l’aéronef approchait de la marque de point d’attente avant piste, jusqu’au moment où il a pris les commandes pendant le décollage. Ces tâches comprenaient, sans nécessairement s’y limiter, la recherche et le réglage de la fréquence de départ, la réception et la relecture de l’autorisation de décollage, la conversation avec l’équipage de cabine et l’achèvement du circuit géographique et de la liste de vérification avant le décollage. Ces tâches auraient accaparé la plus grande part des ressources attentionnelles du P/O, à tel point qu’il a manqué l’annonce de l’autorisation initiale de décollage du contrôleur tour du contrôle de la circulation aérienne (ATC) pendant qu’il discutait de la fréquence de départ avec le commandant de bord.
Ce temps de « tête baissée » et la concentration sur les activités à l’intérieur du poste de pilotage auraient limité sa capacité à effectuer des balayages extérieurs pendant la circulation au sol de l’aéronef. Il est donc peu probable qu’il ait prêté attention à l’un ou l’autre des indices environnementaux à l’extérieur de la fenêtre du poste de pilotage pour aider à s’assurer que l’aéronef était correctement aligné pour le décollage. Le P/O n’a dirigé son attention à l’extérieur de la fenêtre qu’après qu’on lui a confié les commandes de l’aéronef. À ce moment-là, l’aéronef était déjà aligné sur le bord droit de la piste, que l’équipage de conduite a confondu avec l’axe de piste, et commençait sa course au décollage sur la piste 01R.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
La lourde charge de travail du P/O a fait en sorte que son attention était principalement concentrée sur la gestion des tâches dans le poste de pilotage pendant que l’aéronef se plaçait sur la piste 01R. Par conséquent, il n’a pas été en mesure de fournir un soutien supplémentaire pour aligner visuellement l’aéronef en bonne position sur la piste 01R.
La charge de travail du commandant de bord avant le décollage était répartie entre 2 tâches principales : faire circuler l’aéronef en vue de se positionner pour le décollage et surveiller les progrès du P/O. Dans le cas présent, le commandant de bord a probablement dû consacrer moins de ressources au traitement de l’information pendant la circulation au sol de l’aéronef, étant donné qu’il connaissait bien la configuration de l’aéroport et qu’il s’était rendu régulièrement à KLAS; que l’aéronef était le 1er en attente pour décoller de la piste 01R et qu’il n’y avait donc pas d’aéronef devant lui à surveiller; que l’équipage de conduite pouvait suivre les feux d’axe de voie de circulation; et que les conditions météorologiques étaient optimales, mis à part l’obscurité.
Par conséquent, une plus grande part des ressources attentionnelles du commandant de bord a probablement été consacrée à la surveillance et au soutien du P/O. Par exemple, le commandant de bord a accusé réception, en même temps que le P/O, le 2e appel de l’ATC leur accordant l’autorisation de décollage après qu’ils avaient tous deux manqué le 1er appel. À un moment donné, pendant la circulation au sol de l’aéronef pour le positionner sur la piste 01R, le commandant de bord a jeté un coup d’œil au P/O parce qu’il avait l’impression que ce dernier prenait un peu plus de temps que nécessaire pour effectuer certaines tâches, comme la liste de vérification avant le décollage.
Cette concentration sur le P/O était probablement motivée par un sentiment de pression de partir dans les plus brefs délais. Ayant effectué régulièrement des vols à destination de KLAS pendant qu’il était à l’emploi de WestJet Airlines Ltd. (WestJet), le commandant de bord était conscient de la tendance de l’ATC de KLAS à être direct et déterminé à assurer le mouvement rapide de la circulation aérienne. Il avait également remarqué que 2 aéronefs s’apprêtaient à prendre position derrière eux alors qu’ils passaient devant l’aérogare. Plus tard, après avoir délivré l’autorisation de décollage sans recevoir de réponse immédiate, le contrôleur tour n’a attendu que 3 ou 4 secondes avant de communiquer de nouveau avec l’équipage de conduite. Ces facteurs, combinés au fait d’être jumelé à un P/O avec qui il n’avait effectué qu’un seul vol auparavant (lors de l’étape précédente), ont fait en sorte que le commandant de bord a ressenti de la pression pour partir dès que possible et qu’il a consacré une part importante de son attention aux tâches du P/O dans le poste de pilotage.
Une fois l’aéronef sur la piste 01R et en prévision de la course au décollage, le commandant de bord a commencé à régler les manettes de poussée et à surveiller les jauges des moteurs. Ces tâches qui s’ajoutaient à la surveillance du P/O, ont détourné son attention de l’extérieur, et ont exigé des ressources attentionnelles supplémentaires. Ces facteurs ont restreint sa capacité à bien percevoir les indices environnementaux à l’extérieur de l’aéronef, comme les marques de seuil de piste, qui auraient pu lui indiquer que l’aéronef était mal aligné latéralement. Conscient de la vitesse des opérations à KLAS et du risque de retard, le commandant de bord essayait d’assurer un départ en temps opportun.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Influencé par la pression temporelle perçue pour partir, le commandant de bord s’est concentré principalement sur le P/O et le réglage des manettes de poussée en vue du décollage. Son attention a donc été détournée de l’alignement latéral de l’aéronef sur la piste.
2.2 Indices visuels
2.2.1 Balisage lumineux
KLAS est équipé de feux d’axe de voie de circulation pour aider les aéronefs à se déplacer dans l’aérodrome. Toutefois, les feux d’axe de la voie de circulation D, sur laquelle l’aéronef à l’étude a circulé pour se rendre à la piste 01R, se terminent aux marques de bord de piste, tandis que les marques d’axe de voie de circulation se poursuivent jusqu’au centre de la piste. Cela est conforme à la norme de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, qui interdit l’installation de feux d’axe de voie de circulation de guidage vers la piste dans les limites de la piste où des opérations ne sont pas effectuées à moins de 1200 pieds (365 m) de portée visuelle de piste, ce qui s’applique aux opérations à KLAS.
La norme diffère de celle qui s’applique aux aéroports canadiens, où les feux d’axe de voie de circulation peuvent être installés jusque sur les pistes, même si les pistes ne sont pas certifiées pour des opérations par faible visibilité. Bien que l’intention de la norme américaine soit de réduire l’éclairage excessif dans la zone de la piste, dans l’événement à l’étude, elle a créé un danger potentiel en éliminant un indicateur visuel clé en cours de route vers la destination prévue de l’aéronef, en arrêtant plutôt le balisage lumineux aux marques de bord de piste. La fin de ces feux aux marques de bord de piste diminue la saillance de ce balisage lumineux pendant les opérations de nuit. Par conséquent, il était plus probable que l’équipage de conduite dans l’événement à l’étude aurait été obligé de se fier à d’autres indices pour aligner correctement l’aéronef.
De plus, au Canada et aux États-Unis, le balisage lumineux d’axe de piste et de bord de piste utilise des feux blancs. La nuit, les feux d’axe de piste sont un indice couramment utilisé par les équipages de conduite canadiens pour s’assurer que leur aéronef est bien aligné pour le décollage, étant donné la difficulté de discerner les marques de piste dans des conditions sombres. Cependant, contrairement à la plupart des grands aéroports desservis par WestJet au Canada, KLAS n’a pas de feux d’axe de piste. Cela s’explique par le fait que les opérations à KLAS se déroulent normalement dans des conditions de vol à vue, dans lesquelles les feux d’axe de piste ne sont pas nécessaires, plutôt que dans des conditions de vol aux instruments.
Des renseignements sur l’absence de feux d’axe de piste étaient disponibles dans le document de qualification de route et d’aérodrome de WestJet, qui sert de référence dans les exposés avant vol des équipages de conduite. Ce point aurait pu être inclus dans l’exposé avant vol; toutefois, compte tenu de l’expérience du commandant de bord à KLAS, des conditions météorologiques favorables et du fait que les procédures de WestJet n’exigent pas que des sujets précis soient abordés pendant l’exposé avant vol, l’absence de feux d’axe de piste n’a probablement pas été abordée.
2.2.2 Marques
Aux grands aéroports, les indices visuels fournis par les dimensions et les marques de piste, y compris les marques latérales de piste, sont nettement différents au Canada de ce qu’ils sont aux États-Unis. Au Canada, les marques latérales de piste ne traversent pas les voies de circulation ou les autres pistes qui la croisent. Aux États-Unis, à l’inverse, ces marques, appelées marques de bord de piste, se poursuivent de part et d’autre de ces intersections. Dans le document de qualification de route et d’aérodrome de WestJet, cette différence concernant les marques entre les aérodromes canadiens et américains n’est pas incluse en tant qu’élément dont les équipages de conduite devraient être conscients.
Lorsque l’aéronef à l’étude s’est engagé sur la piste, la première marque de piste visible pour le commandant de bord a été la marque blanche pleine du bord droit, qui correspond à l’orientation de la piste.
Les marques d’accotement sont un moyen de défense pouvant aider les équipages de conduite à déterminer s’ils se trouvent sur le bord d’une piste ou d’une voie de circulation. Ces lignes jaunes aident à mettre en évidence les zones revêtues qui ne devraient pas être utilisées par les aéronefs, mais qui peuvent être difficiles à distinguer des surfaces de piste et de voie de circulation en service. Ces marques ne sont pas obligatoires, mais elles peuvent fournir des indices visuels supplémentaires pour aider les équipages de conduite à déterminer leur emplacement lorsqu’ils circulent au sol et s’alignent sur les pistes aux aéroports où la surface revêtue est grande. Au moment de l’événement à KLAS, la piste 01R n’avait pas de marques d’accotement de piste. La voie de circulation D n’avait pas non plus de marques d’accotement de voie de circulation à l’endroit où elle croise la piste 01R.
De plus, les seuils de piste offrent généralement des environnements visuels distinctifs, établis par des marques de seuil de piste et des numéros de piste, qui permettent aux équipages de conduite de distinguer la largeur et l’orientation de la piste. Cependant, lorsque les équipages de conduite commencent à décoller depuis la zone située devant un seuil décalé (ou depuis une intersection ailleurs sur la piste), ils disposent d’un moins grand nombre d’indices visuels pour les aider à définir la largeur de la piste et, par conséquent, l’axe de celle-ci. Dans l’événement à l’étude, l’aéronef est entré sur la piste à environ 330 pieds avant le seuil décalé de la piste 01R. Par conséquent, l’équipage ne pouvait pas compter sur les marques de seuil de piste typiques comme indice facilement accessible qui aurait pu l’aider à aligner l’aéronef.
Fait établi quant aux risques
Si les exploitants d’aéroports n’intègrent que les marques et le balisage lumineux minimaux exigés par la réglementation et n’adoptent pas d’aides visuelles améliorées en option dans la mesure du possible, il y a un risque accru que les pilotes ne soient pas pleinement conscients de l’endroit où ils se trouvent sur les surfaces de l’aéroport.
2.3 Attentes de l’équipage de conduite
2.3.1 Expérience et attentes du commandant de bord
L’expérience et les attentes du commandant de bord ont eu une incidence sur la façon dont il a perçu l’environnement visuel au moment de la circulation au sol de l’aéronef pour le positionner sur la piste.
L’un des indices visuels les plus fiables dont disposait le commandant de bord pendant qu’il circulait au sol vers la piste était probablement la marque de bord de piste, étant donné qu’elle est blanche et plus épaisse que l’axe de voie de circulation, qui est une ligne jaune avec une bordure noire. Le commandant de bord s’attendait également à voir une ligne blanche comme celle-ci pour indiquer que l’aéronef avait atteint le centre de la piste. Dans l’événement à l’étude, toutefois, la ligne blanche, comparativement aux marques utilisées aux aéroports canadiens, était située à un endroit inattendu. En raison de bonnes conditions météorologiques et de l’autorisation de décollage déjà reçue, le commandant de bord ne voulait pas retarder le départ. Il portait donc principalement son attention dans le poste de pilotage pour surveiller le P/O.
Au cours de sa carrière, le commandant de bord a effectué un grand nombre des vols de nuit dans des aéroports munis de feux d’axe de piste, et il est probable que les feux d’axe de piste représentaient un autre indice couramment utilisé pour déterminer l’alignement dans des conditions de vol de nuit. Il est donc probable que le commandant de bord a interprété à tort les feux de bord de piste dans cet environnement comme étant des feux d’axe de piste, même si les 2 premiers feux devant l’aéronef étaient rouges. Comme il devait composer avec une charge de travail élevée et accorder son attention à différentes choses, en plus de ressentir une pression accrue pour partir dans les plus brefs délais, il n’a pas d’abord pensé au fait que KLAS n’avait pas de feux d’axe de piste.
Pendant que le commandant de bord alignait l’aéronef sur la piste 01R, son attention partagée aurait fait en sorte que sa perception des indices à l’extérieur du poste de pilotage soit davantage fondée sur le traitement descendant de l’information. Ainsi, il s’est probablement servi davantage de son expérience et de ses connaissances pour comprendre son environnement et il s’attendait donc à une certaine évolution de la situation. Cela contraste avec une approche ascendante, selon laquelle une personne consacre une plus grande part de ses ressources attentionnelles à rechercher activement tous les détails précis à sa disposition dans l’environnement physique afin de mieux comprendre une situation particulière. Pendant que le commandant de bord était toujours en quête d’indices environnementaux pendant la circulation au sol et l’alignement de l’aéronef, sa perception et son traitement de ces indices ont probablement été influencés par ses attentes, étant donné que la plus grande part de ses ressources attentionnelles était déjà dirigée ailleurs.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Lors du virage à droite pour établir le cap de piste en vue du décollage, le commandant de bord a perçu la marque de bord de piste droite comme étant l’axe de piste, et les feux de bord de piste droits comme étant les feux d’axe de piste. Les indices visuels limités et ambigus qui étaient disponibles répondaient probablement aux attentes du commandant de bord selon lesquelles l’aéronef était aligné sur la piste. Par conséquent, l’aéronef était aligné latéralement sur le bord droit de la piste plutôt sur le centre de la piste.
2.3.2 Attentes du premier officier
Au moment où il a confié au P/O les commandes de l’aéronef et que ce dernier a concentré son attention à l’extérieur de la fenêtre, le commandant de bord avait déjà aligné l’aéronef sur ce qu’il croyait être l’axe de piste et avait amorcé la course au décollage. Le P/O avait donc peu de temps pour percevoir et comprendre son environnement et cerner les indices pertinents pour déterminer l’alignement de l’aéronef. À ce moment-là, il s’est fié à l’indice le plus important qui était à sa disposition, c’est-à-dire les feux avec lesquels le nez de l’aéronef était aligné; il a cru qu’il s’agissait des feux d’axe de piste.
Le P/O, comme le commandant de bord, s’attendait probablement aussi à voir des feux d’axe de piste compte tenu de son expérience de vol dans les principaux aéroports canadiens; l’alignement de l’aéronef par rapport à ces feux ne semblait donc pas sortir de l’ordinaire. De plus, l’obscurité a éliminé d’autres indices qui auraient pu offrir des indications contradictoires concernant la position perçue de l’aéronef. Par exemple, la ligne continue de bord de piste, aurait été partiellement visible grâce aux phares avant en tant qu’indice signalant le mauvais alignement, étant donné qu’elle est différente de la ligne de l’axe de piste (qui est pointillée). Toutefois, cet indice n’était pas aussi saillant que les feux de bord de piste compte tenu de l’obscurité et du peu de temps dont disposait le P/O pour traiter cet indice.
De plus, étant donné que le commandant de bord, que le P/O savait très expérimenté, avait aligné l’aéronef en vue du décollage, le P/O aurait eu besoin d’un indice extrêmement fiable et sans ambiguïté pour remettre en question le positionnement de l’aéronef par le commandant de bord sur la piste.
Comme les deux membres d’équipage de conduite avaient cette même perception erronée de l’emplacement de l’aéronef sur la piste, l’équipage de conduite n’a pas mis en doute la position de l’aéronef lorsqu’il a percuté les feux de bord de piste. Les membres d’équipage croyaient tellement que l’aéronef était bien aligné sur la piste qu’ils ont perçu que les sons et les vibrations de l’aéronef au moment de percuter les feux de bord de piste étaient causés par les feux d’axe de piste encastrés. Les indices qui auraient permis de remarquer le mauvais alignement n’étaient pas disponibles en raison de l’obscurité ou n’ont pas été perçus et traités compte tenu des facteurs supplémentaires en jeu lors de la circulation au sol et de la première partie du positionnement de l’aéronef sur la piste.
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
En raison de la réduction des indices visuels et du temps insuffisant pour traiter complètement son environnement à partir du moment où il a pris les commandes de l’aéronef, le P/O n’a pas remarqué que l’appareil était aligné sur le bord droit de la piste lorsqu’il a pris les commandes pendant la course au décollage.
L’équipage de conduite ne s’est pas rendu compte que l’aéronef avait percuté les 8 feux de bord de piste, car il a cru que les sons et les vibrations correspondaient à un contact normal avec les feux d’axe de piste encastrés et, par conséquent, il a poursuivi le départ.
2.4 Aéroport international Harry Reid
2.4.1 Équipement de détection
KLAS est muni d’un équipement aéroportuaire de détection de surface. Cet équipement fournit des indices accrus aux contrôleurs, ce qui leur permet d’identifier tous les aéronefs et véhicules présents sur l’aire de mouvement de l’aéroport. Le système n’est pas conçu pour alerter automatiquement les contrôleurs en cas de situations dangereuses conduisant à un mauvais alignement au décollage. De plus, KLAS ne dispose pas d’équipement autre que le recours à des inspections visuelles pour détecter les corps étrangers sur les surfaces de piste.
La tour ATC se situe à 1,4 mille marin du seuil de la piste 01R; par conséquent, lors d’opérations de nuit et en l’absence d’alertes relatives à un éventuel mauvais alignement sur la piste, il est peu probable que le contrôleur tour ait eu suffisamment d’indices pour repérer le mauvais alignement de l’aéronef à l’étude sur la piste.
Dans l’événement à l’étude, les dommages à l’aéronef ont été mineurs, mais ils ont nécessité le remplacement de 2 pneus du train avant. Si l’équipage de conduite ignorait les dommages à la roue avant, l’exploitant de l’aéroport et les contrôleurs ne savaient pas non plus que le balisage lumineux de piste avait été endommagé et que des débris étaient restés sur la piste, car même si KLAS a exigé des inspections de piste pour les dommages causés par des corps étrangers, les débris n’ont été découverts que près de 32 heures plus tard. Les débris des feux brisés sur le bord droit de la piste représentaient un danger pour d’autres aéronefs.
Au moment de l’événement, le personnel du département de l’aviation du comté de Clark, qui gère et exploite KLAS, faisait généralement 2 passages à bord d’un véhicule pendant ses inspections après la tombée de la nuit. Ces passages ne couvraient que le centre de la piste et pas forcément les bords de piste.
Fait établi quant aux risques
Si les inspections de piste ne couvrent que la partie centrale d’une piste, il y a un risque que des débris se trouvant sur les bords de la piste passent inaperçus.
2.4.2 Procédures de signalement en cas d’aéronef mal aligné
Comme le démontrent les recherches de l’Australian Transport Safety Bureau sur les facteurs qui influent sur les événements liés à un mauvais alignement au décollage la nuit, ainsi que les rapports d’événements antérieurs du BST, les mauvais alignements au décollage sont peu fréquents, mais ils ne sont pas rares. Étant donné que l’exploitant de l’aéroport KLAS ne tient pas de registre relatif aux mauvais alignements au décollage, il est impossible de savoir exactement combien se produisent dans la zone de seuil décalé de la piste 01R. L’ampleur réelle du risque est donc inconnue.
Fait établi : Autre
Tant que les mauvais alignements au décollage à KLAS ne seront pas relevés et consignés, l’étendue complète du risque d’un mauvais alignement restera inconnue.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- La lourde charge de travail du premier officier a fait en sorte que son attention était principalement concentrée sur la gestion des tâches dans le poste de pilotage pendant que l’aéronef se plaçait sur la piste 01R. Par conséquent, il n’a pas été en mesure de fournir un soutien supplémentaire pour aligner visuellement l’aéronef en bonne position sur la piste 01R.
- Influencé par la pression temporelle perçue pour partir, le commandant de bord s’est concentré principalement sur le premier officier et le réglage des manettes de poussée en vue du décollage. Son attention a donc été détournée de l’alignement latéral de l’aéronef sur la piste.
- Lors du virage à droite pour établir le cap de piste en vue du décollage, le commandant de bord a perçu la marque de bord de piste droite comme étant l’axe de piste, et les feux de bord de piste droits comme étant les feux d’axe de piste. Les indices visuels limités et ambigus qui étaient disponibles répondaient probablement aux attentes du commandant de bord selon lesquelles l’aéronef était aligné sur la piste. Par conséquent, l’aéronef était aligné latéralement sur le bord droit de la piste plutôt sur le centre de la piste.
- En raison de la réduction des indices visuels et du temps insuffisant pour traiter complètement son environnement à partir du moment où il a pris les commandes de l’aéronef, le P/O n’a pas remarqué que l’appareil était aligné sur le bord droit de la piste lorsqu’il a pris les commandes pendant la course au décollage.
- L’équipage de conduite ne s’est pas rendu compte que l’aéronef avait percuté les 8 feux de bord de piste, car il a cru que les sons et les vibrations correspondaient à un contact normal avec les feux d’axe de piste encastrés et, par conséquent, il a poursuivi le départ.
3.2 Faits établis quant aux risques
Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.
- Si les exploitants d’aéroports n’intègrent que les marques et le balisage lumineux minimaux exigés par la réglementation et n’adoptent pas d’aides visuelles améliorées en option dans la mesure du possible, il y a un risque accru que les pilotes ne soient pas pleinement conscients de l’endroit où ils se trouvent sur les surfaces de l’aéroport.
- Si les inspections de piste ne couvrent que la partie centrale d’une piste, il y a un risque que des débris se trouvant sur les bords de la piste passent inaperçus.
3.3 Autres faits établis
Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.
- Le temps qui s’est écoulé entre le mauvais alignement de l’aéronef au décollage et la découverte, par le personnel de l’aéroport, des feux de bord de piste brisés, ainsi que le temps qu’il a fallu pour signaler l’événement à WestJet, ont fait en sorte que les données de l’enregistreur de données de vol et de l’enregistreur de conversations de poste de pilotage ont été écrasées.
- Tant que les mauvais alignements au décollage à KLAS ne seront pas relevés et consignés, l’étendue complète du risque d’un mauvais alignement restera inconnue.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 WestJet Airlines Ltd.
Après l’événement à l’étude, WestJet Airlines Ltd. (WestJet) a diffusé une note de service à tous les pilotes concernant les départs à partir des zones situées avant le seuil décalé d’une piste. Cette note de service fait référence à l’événement et informe les équipages de conduite du risque que les pilotes alignent par inadvertance l’aéronef sur le bord de la piste pendant les départs de nuit des zones de piste autres que le seuil lorsqu’ils se trouvent à des aéroports où les marques ou les feux de piste et de voie de circulation ne sont pas normalisés (en fonction des normes canadiennes). Les mesures d’atténuation en place pour réduire au minimum ces menaces sont également décrites.
La note de service met en garde les équipages de conduite contre les menaces au sol suivantes à l’aéroport international Harry Reid (KLAS) (Nevada, États-Unis) [traduction] :
- un paysage aéroportuaire visuellement uniforme;
- un environnement opérationnel complexe au sol et une méconnaissance possible de cet environnement;
- les lumières de l’aéroport se confondent avec celles des environs;
- des opérations de piste à haute intensité;
- des marques et des feux non normalisés sur les voies de circulation et les pistes Note de bas de page 49.
De plus, l’équipe des opérations aériennes de WestJet a examiné et mis à jour son document de qualification de route et d’aérodrome pour KLAS. Plus précisément, les notes préexistantes de la section des départs et de la circulation au sol au moment du départ ont été révisées et placées dans la section sur les mises en garde à la première page, et le risque associé aux départs à partir de la zone décalée de la piste 01R a été mis en évidence. La section sur les mises en garde a également été mise à jour pour mettre davantage l’accent sur les menaces liées à la circulation au sol et aux alignements sur les pistes afin d’aider les équipages de conduite et de les sensibiliser à ces menaces Note de bas de page 50. Le document de qualification de route et d’aérodrome mis à jour a été étiqueté avec le bouton « NOUVEAU » pour attirer l’attention des pilotes.
4.1.2 Aéroport international Harry Reid
Le coordonnateur du système de gestion de la sécurité à KLAS a indiqué qu’après l’événement à l’étude, une formation supplémentaire a été offerte et certains changements ont été apportés aux procédures concernant les inspections de piste. À la suite de l’événement à l’étude, le Avant l’événement à l’étude, le coordonnateur principal était responsable des inspections des aires de mouvement, tandis que le coordonnateur secondaire n’était responsable que des inspections à l’extérieur de ces aires. Après l’événement à l’étude, le coordonnateur secondaire a été chargé des inspections des aires de mouvement. Avec ce changement de responsabilité, le coordonnateur secondaire peut accorder la priorité aux inspections des aires de mouvement en ayant moins de distractions.
De plus, lors des inspections à KLAS, il est maintenant exigé d’effectuer 3 passages (côté gauche, côté droit et centre) sur chaque piste.
À l’automne 2023, KLAS a mis en œuvre un plan à 3 phases pour traiter de la perceptibilité des pistes et des voies de circulation. La phase 1, qui s’est terminée à l’automne 2023, comprenait l’installation de marques d’accotement de voie de circulation du côté nord des voies de circulation A et D à partir de la barre d’arrêt de chaque voie de circulation jusqu’à la ligne de bord de la piste 01R.
- La phase 2, qui devrait être terminée au plus tard le 30 avril 2024, comprendra ce qui suit :installer des marques d’accotement de voie de circulation du côté sud des voies de circulation E1, F1 et J de la barre d’arrêt de chaque voie de circulation jusqu’à la ligne de bord de la piste 19R;
- installer des marques d’accotement sur la piste 19R de l’extrémité d’approche jusqu’à environ les feux de l’indicateur de trajectoire d’approche de précision (PAPI);
- appliquer une couche de revêtement bitumineux sur les accotements des pistes 01L/19R et 01R/19L afin d’accroître le contraste entre la piste et les accotements (sur toute la longueur);
- continuer la sensibilisation publique afin d’informer les usagers de l’aéroport relativement aux marques en place et aux configurations des feux.
Lorsque ces éléments auront été mis en œuvre, KLAS fera le suivi des incidents pour une période de 90 jours.
La phase 3, qui est prévue à l’automne 2025 et qui sera mise en œuvre conjointement avec le prochain projet d’atténuation des incursions sur piste, comportera l’application d’un revêtement bitumineux sur les accotements des pistes 08L/26R et 08R/26L afin d’accroître le contraste entre la piste et les accotements (sur toute la longueur).
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .