Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A23O0028

Collision avec le relief
1401380 Ontario Limited (s/n Wilderness North Air)
Cessna 208B Caravan, C-GMVB
Aéroport de Nakina (Ontario), 30,8 NM NNW

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 28 février 2023 vers 12 h 45, heure normale de l’Est, l’aéronef Cessna 208B Caravan (immatriculation C-GMVB, numéro de série 208B0317) exploité par 1401380 Ontario Limited, faisant affaire sous le nom Wilderness North Air, a quitté l’aéroport de Nakina (CYQN) (Ontario) pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) de jour à destination de l’aéroport de Fort Hope (CYFH) (Ontario) avec 2 pilotes à bord.

    Vers 14 h 45, heure normale de l’Est, l’exploitant a déterminé que l’aéronef était en retard, car il n’était ni arrivé à CYFH ni revenu à CYQN et n’avait pas donné de nouvelles depuis peu de temps après le départ. L’exploitant a signalé la disparition de l’aéronef au Centre conjoint de coordination de sauvetage, qui a lancé des recherches aériennes qui se sont poursuivies jusqu’au 4 mars 2023, date à laquelle l’épave de l’aéronef a été retrouvée à environ 30,8 milles marins au nord-nord-ouest de CYQN.

    Les 2 pilotes ont été mortellement blessés. L’aéronef a été détruit. Il n’y a pas eu d’incendie après l’impact. Il n’y avait pas de radiobalise de repérage d’urgence à bord, car elle avait été retirée en vue de sa recertification.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Déroulement du vol

    Le 28 février 2023, l’aéronef Cessna 208B Caravan (208B) (immatriculation C-GMVB) exploité par 1401380 Ontario Limited, faisant affaire sous le nom de Wilderness North Air (WNA), devait effectuer 2 vols de transport de marchandises entre l’aéroport de Nakina (CYQN) (Ontario) et l’aéroport de Fort Hope (CYFH) (Ontario).

    Le pilote de l’aéronef à l’étude, qui venait d’être promu commandant de bord (CdB) sur le 208B, devait voler seul dans des conditions de vol à vue (VFR) de jour. Après avoir passé en revue les renseignements météorologiques avec ses collègues pendant leur exposé matinal, il a déterminé que les conditions météorologiques étaient favorables pour le vol et a noté que les vents prévus allaient souffler en rafales. Un pilote qui était présent à l’exposé, mais qui n’était pas en service ce jour-là, a offert de l’accompagner. Pour tous les vols ce jour-là, le pilote de l’aéronef à l’étude devait être CdB et occuper le siège de gauche, et le 2e pilote était membre d’équipage supplémentaire sans aucune tâche attribuée, occupant le siège de droite.

    Les cargaisons ont été chargées à bord de l’aéronef, et pour le 1er vol de la journée, l’aéronef a quitté CYQN à 10 h 20 Note de bas de page 1 et atterri à CYFH à 10 h 55. Après avoir déchargé les cargaisons, ils ont quitté CYFH à 11 h 20 et sont revenus à CYQN à 11 h 56.

    Les pilotes ont chargé l’aéronef de cargaisons pour leur 2e vol à destination de CYFH. Selon la feuille de chargement, il y avait 3320 livres de provisions et d’articles ménagers à bord. Les pilotes ont ravitaillé l’aéronef et ont décollé de la piste 27 vers 12 h 45. Selon les informations obtenues, quelques minutes après le départ, ils ont effectué un appel radio sur la fréquence de trafic d’aérodrome, indiquant leur position et une heure d’arrivée estimée à 13 h 30 à CYFH.

    Environ 30 minutes après le départ du vol à l’étude, un 2e aéronef 208B (immatriculation C-FUYC) exploité par WNA a également décollé de CYQN à destination de CYFH, avec des cargaisons d’un autre client. L’équipage de conduite a connu des averses de neige en route, et peu après l’arrivée à CYFH à 14 h, il y a eu une bourrasque de neige, qui a réduit considérablement la visibilité. À ce moment-là, 2 clients attendaient leurs cargaisons à CYFH, et on a vite constaté que l’aéronef à l’étude n’était pas encore arrivé. Vers 14 h 30, le personnel de WNA à CYQN a été informé que l’aéronef à l’étude n’était pas arrivé à 13 h 30 comme prévu. À 14 h 45, la direction de WNA a informé le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) à Trenton (Ontario) que l’aéronef était en retard. WNA a entamé ses propres recherches aériennes le long de la trajectoire de vol en faisant appel à l’appareil C-FUYC, qui a quitté CYFH à 15 h 10 avec 2 membres d’équipage à bord, a suivi la trajectoire de vol directe de l’aéronef disparu et est retourné à CYQN à 15 h 46. L’équipage a ravitaillé l’aéronef et a quitté à 16 h 20 pour effectuer un autre vol de recherche en compagnie de 2 pilotes supplémentaires faisant du repérage. Ils ont effectué des recherches le long de la trajectoire de vol jusqu’à 18 h 40 et sont retournés à CYQN. Le JRCC a lancé ses opérations à 15 h, et le premier aéronef assigné à la tâche est arrivé dans la zone de recherche à 17 h.

    Les recherches se sont poursuivies au cours des 4 jours suivants. L’aéronef à l’étude a été localisé le 4 mars 2023 à 30,8 milles marins au nord-nord-ouest de CYQN, le long de la trajectoire de vol directe vers CYFH. Les 2 pilotes ont été mortellement blessés. L’aéronef a été détruit par les forces d’impact. Il n’y a pas d’incendie après l’impact. Il n’y avait pas de radiobalise de repérage d’urgence (ELT) à bord de l’aéronef à l’étude, car elle avait été retirée en vue de sa recertification.

    1.2 Personnes blessées

    Deux pilotes se trouvaient à bord. Le tableau 1 ci-dessous indique les blessures subies.

    Tableau 1. Personnes blessées
    Gravité des blessures Équipage Passagers Personnes ne se trouvant pas à bord de l’aéronef Total
    Mortelles 2 2
    Graves 0 0
    Légères 0 0
    Total des personnes blessées 2 2

    1.3 Dommages à l’aéronef

    L’aéronef a été détruit.

    1.4 Autres dommages

    L’aéronef a percuté le relief dans une zone boisée; plusieurs arbres ont été abattus ou marqués durant l’impact. D’après la charge de carburant inscrite sur la feuille du dossier des vols, on estime que jusqu’à 380 litres de carburéacteur se sont déversés sur le lieu de l’événement.

    1.5 Renseignements sur le personnel

    Le CdB a commencé à travailler à WNA le 21 février 2022 en tant que préposé d’aire de trafic, étant entendu qu’il occuperait un poste de pilote lorsqu’un tel poste serait disponible. En tant que préposé d’aire de trafic, il a eu l’occasion de monter à bord du 208B en tant que membre d’équipage supplémentaire. Il a commencé sa formation au sol sur le 208B le 4 avril 2022. WNA demandait normalement à ses nouveaux pilotes de suivre une formation au sol peu après leur embauche afin qu’ils aient une bonne compréhension de l’aéronef et de ses systèmes lorsqu’ils auraient l’occasion d’être à bord pendant un vol. Le CdB n’a commencé sa formation au pilotage sur le 208B que le 19 décembre 2022. Il a obtenu sa vérification de compétence pilote (VCP) le 3 janvier 2023 et a commencé son expérience préparatoire en vol le lendemain. Il a accumulé 89,7 heures de vol d’expérience préparatoire en vol du 4 janvier 2023 au 14 février 2023, et un commandant instructeur de la compagnie a signé son formulaire d’expérience préparatoire en vol le 18 février, ce qui l’autorisait à piloter l’aéronef 208B pour WNA comme seul membre d’équipage à bord de l’aéronef. Le jour de l’événement, il en était à son 4e jour d’exploitation de l’aéronef sans commandant instructeur dans le siège de droite.

    Le 2e pilote était un pilote chevronné au sein de la compagnie qui avait été récemment promu dans un rôle de gestionnaire de base. Il n’était pas prévu qu’il soit en service le jour de l’événement. Selon WNA, son statut durant le vol à l’étude était celui de membre d’équipage supplémentaire, plutôt que celui de commandant en second ou de commandant instructeur. Il était un CdB avec beaucoup d’expérience de pilotage du 208B à WNA, bien que la quasi-totalité de son temps de vol récent eût été passé sur l’aéronef Air Tractor AT-802, qu’il avait commencé à piloter en avril 2020. Même s’il n’avait pas piloté régulièrement le 208B, il avait toutefois suivi un entraînement périodique sur cet appareil entre le 7 janvier 2023 et le 27 janvier 2023 et obtenu sa VCP le 23 février 2023.

    Les 2 pilotes possédaient les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le CdB ne possédait pas de qualification de vol aux instruments. Le 2e pilote possédait une qualification de vol aux instruments, mais il ne satisfaisait pas aux exigences de mise à jour des connaissances.

    Le CdB était le seul membre d’équipage requis pour le vol à l’étude.

    Tableau 2. Renseignements sur le personnel
      Commandant de bord Autre membre d’équipage
    Licence de pilote Licence de pilote professionnel (CPL) Licence de pilote professionnel (CPL)
    Date d’expiration du certificat médical 1er août 2023 1er juillet 2023
    Nombre total d’heures de vol 325* 2570*
    Nombre d’heures de vol sur type 103,6 662*
    Nombre d’heures de vol au cours des 24 heures précédant l’événement 1,4 0
    Nombre d’heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement 1,4 8
    Nombre d’heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement 51 34,5
    Nombre d’heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement 103,6 113
    Nombre d’heures de vol sur type au cours des 90 jours précédant l’événement 103,6 31
    Nombre d’heures de service avant l’événement 6 6
    Nombre d’heures de repos avant la période de travail 14 19

    * Heures approximatives

    1.6 Renseignements sur l’aéronef

    Tableau 3. Renseignements sur l’aéronef
    Constructeur Cessna Aircraft Company*
    Type, modèle et immatriculation 208B Grand Caravan, C-GMVB
    Année de construction 1992
    Numéro de série 208B0317
    Date d’émission du certificat de navigabilité 4 décembre 1992
    Total d’heures de vol cellule 28 262,6 heures
    Type de moteur (nombre) Pratt & Whitney Canada PT6A-114A (1)
    Type d’hélice (nombre) McCauley 3GFR34C703/106GA-0 (1)
    Masse maximale autorisée au décollage 4110,45 kg
    Types de carburant recommandés Jet A, Jet A-1, Jet B
    Type de carburant utilisé Jet A

    * Textron Aviation Inc. est le titulaire actuel du certificat de type.

    L’aéronef 208B est un aéronef à aile haute et à train d’atterrissage fixe doté d’un turbopropulseur. Ce type d’aéronef est équipé pour effectuer des vols VFR de jour, mais peut aussi être équipé pour les vols de nuit, les vols selon les règles de vol aux instruments (IFR), ainsi que les vols dans des conditions de givrage.

    L’aéronef à l’étude a été construit en 1992 et était initialement équipé pour les vols de nuit et IFR. Bien qu’un seul pilote soit requis pour piloter l’aéronef 208B, l’aéronef était équipé d’un ensemble complet d’instruments de vol et d’un ensemble de commandes devant chacun des sièges des pilotes; le pilote était normalement assis dans le siège de gauche. Seuls les instruments du côté gauche sont requis pour les opérations VFR de jour; toutefois, les dossiers indiquent que WNA s’efforçait raisonnablement d’entretenir tous les instruments installés lorsque des problèmes liés aux instruments non requis étaient observés et signalés.

    L’aéronef était en outre muni d’un conteneur de fret et avait été modifié de manière à accroître à 9062 livres sa masse maximale autorisée au décollage.

    Selon la feuille de chargement de l’aéronef remplie par le pilote pour le vol à l’étude, l’aéronef était chargé à sa masse brute de 9062 livres et le centre de gravité se situait à l’intérieur des limites permises.

    Les dossiers indiquent que l’aéronef ne présentait aucune défectuosité au moment de l’événement. Il n’y avait aucune indication qu’un mauvais fonctionnement de composant ou de système ait joué un rôle dans cet événement.

    Le calendrier d’entretien approuvé exigeait des inspections à des intervalles de 100 heures. La plus récente inspection de l’aéronef avait eu lieu le 10 janvier 2023. Le matin de l’événement, l’aéronef avait accumulé 56,9 heures depuis cette inspection. Il restait 21,5 heures avant le prochain entretien prévu, qui était une révision du moteur.

    1.6.1 Radiobalise de repérage d’urgence

    L’ELT avait été retiré de l’aéronef à l’étude à des fins de recertification le 8 février 2023. La recertification d’un ELT est une tâche de maintenance qui doit être effectuée tous les 12 ou 24 mois selon le type d’ELT.

    Selon la réglementation, l’ELT peut être retiré du service pour une durée maximale de 30 jours afin d’effectuer cette tâcheNote de bas de page 2.

    1.7 Renseignements météorologiques

    La station d’observation météorologique la plus proche de CYQN est à l’aéroport de Geraldton (Greenstone Regional) (CYGQ) (Ontario), qui se trouve à 26 milles marins au sud-sud-ouest de CYQN. Selon le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome à 12 h, les conditions étaient les suivantes :

    • vents du 290° vrai (V) à 8 nœuds, rafales à 15 nœuds;
    • vents variants de 250°V à 320°V;
    • visibilité de 5 milles terrestres (SM);
    • neige légère;
    • renseignements sur les nuages manquants (bien qu’un message d’observation météorologique spéciale d’aérodrome, émis 2 minutes plus tard, indique un plafond couvert à 2200 pieds au-dessus du sol [AGL]);
    • température : −5,2 °C;
    • point de rosée : −8,6 °C;
    • calage altimétrique : 29,50 pouces de mercure.

    Dans l’heure qui a suivi, plusieurs bulletins météorologiques spéciaux ont été émis, avec des visibilités variant entre 5 et 9 SM dans de la neige légère, et des plafonds aussi bas que 2200 pieds AGL.

    La carte Nuages et temps de la prévision de zone graphique (GFA) pour la région, émise à 12 h 26 et valide à 13 h, indique une possibilité de cumulus bourgeonnants isolés associés à une visibilité de 3 SM dans de légères averses de neige, et des plafonds à 1500 pieds AGL (annexe A). La carte Givrage, turbulence et niveau de congélation de la GFA pour la même période de validité indique qu’il y avait peu de risques de givrage le long de la trajectoire de vol à l’étude, avec une zone de givrage mixte modéré entre 3000 et 8000 pieds au-dessus du niveau de la mer à l’est (annexe B).

    1.7.1 Évaluation météorologique

    Le BST a demandé à Environnement et Changement climatique Canada de procéder à une évaluation complète Note de bas de page 3 des conditions météorologiques le jour de l’événement, couvrant les environs de la route du vol à l’étude et le lieu de l’accident. Cette évaluation comprenait l’information suivante :

    • Vents d’ouest modérés avec rafales de 25 à 30 nœuds, indiquant une turbulence mécanique modérée, probablement jusqu’à 4000 pieds au-dessus du niveau de la mer.
    • Au-dessus de 1500 pieds AGL, probablement une couche de cumulus fragmentés, avec des plafonds moyens de 2500 à 3000 pieds AGL et des sommets de 5000 pieds AGL. Un givrage mixte léger à modéré aurait été présent dans ces nuages.
    • Des cumulus bourgeonnants dont les sommets atteindraient probablement 5500 à 7000 pieds AGL, noyés dans la couche de cumulus. Les données des stations proches de la trajectoire de vol prévue indiquaient une visibilité aussi faible que 5/8 SM, et plus largement 2 SM en raison des averses de neige. Les averses de neige peuvent réduire la visibilité verticale à 1200 pieds ou moins, ce qui rend le plafond aussi bas que 1200 pieds AGL.
    • En traversant les cumulus bourgeonnants noyés, un givrage mixte modéré était probable entre 2100 pieds AGL et 7000 pieds AGL, avec une augmentation de la turbulence due aux courants descendants et ascendants.

    Les conditions météorologiques dans lesquelles les pilotes dans l’événement à l’étude se sont retrouvés n’ont pas pu être déterminées.

    1.8 Aides à la navigation

    L’aéronef était équipé d’un GPS (système de positionnement mondial) Garmin GNX650, qui constituait le principal moyen de navigation des équipages de conduite. De plus, les équipages de conduite utilisaient une application sur tablette qui pouvait servir à la planification avant le vol et la récupération des données météorologiques, ainsi qu’à afficher les cartes et la position de l’aéronef pendant la navigation en route.

    1.9 Communications

    Les pilotes qui empruntent cette route utilisaient généralement la fréquence de trafic d’aérodrome 122,8 MHz de CYQN pour communiquer leur position et leurs intentions dans les environs de CYQN, et la fréquence 126,7 MHz lorsqu’ils étaient en route pour signaler leur position et surveiller le trafic.

    1.10 Renseignements sur l’aérodrome

    Sans objet.

    1.11 Enregistreurs de bord

    L’aéronef n’était muni d’aucun enregistreur de bord, que ce soit de données de vol ou de conversations de poste de pilotage, et la réglementation en vigueur n’en exigeait pas.

    Même si la réglementation ne l’exige pas, chaque aéronef exploité par WNA est équipé d’un dispositif portable de suivi GPS, qui doit être utilisé pour chaque vol dans le but de surveiller la progression de chaque vol. Les dispositifs sont configurés pour consigner la position GPS à l’interne toutes les minutes et transmettre à un intervalle de 2 minutes des données de position par satellite à un utilitaire internet.

    Avant l’événement, le dispositif attribué à l’aéronef à l’étude fonctionnait normalement. Le jour de l’événement, le dispositif ne consignait ni ne transmettait automatiquement les renseignements sur la position. Le pilote a utilisé le dispositif pour envoyer un message texte à son arrivée à CYFH après le 1er vol. Le message était accompagné de renseignements sur la position, ce qui indique que le dispositif était fonctionnel et capable d’envoyer des données.

    Le dispositif a été récupéré sur le lieu de l’accident et a été examiné au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario). Il a été endommagé par les forces d’impact, et, bien qu’il ait pu être mis sous tension, il n’était pas entièrement fonctionnel. Il n’a pas été possible de déterminer pourquoi les renseignements sur la position n’ont pas été consignés ou envoyés automatiquement ce jour-là.

    WNA ne disposait pas d’une politique ou d’une procédure exigeant que ces dispositifs soient testés ou que leur fonctionnement soit vérifié avant chaque vol.

    1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    Le sillon creusé par l’épave était orienté sur un cap d’environ 350° magnétique et mesurait environ 170 pieds de long entre le point d’impact initial avec le sol et l’extrémité la plus éloignée de l’épave. Les débris, constitués de fragments du fuselage et des cargaisons, étaient répartis le long de la trajectoire en forme d’éventail à partir du point d’impact initial avec le sol, s’élargissant à environ 50 pieds de part et d’autre de la trajectoire finale de l’aéronef.

    Des dommages notables sur 3 arbres au sud du lieu d’impact ont permis de confirmer quelles étaient la trajectoire et l’assiette de l’aéronef dans les instants qui ont précédé l’impact avec le sol. Il a été déterminé que l’aéronef volait avec l’aile droite basse et à un angle de descente d’environ 22° immédiatement avant l’impact. L’épave et les cargaisons étaient très fragmentés, ce qui indique qu’il y a eu un impact à grande vitesse.

    La majeure partie de l’aile droite, de l’arrière du fuselage et de l’aile gauche a été retrouvée au point initial d’impact avec le sol ou tout près, tandis que le poste pilotage et le moteur ont été retrouvés à l’extrémité du lieu de l’accident, à environ 170 pieds du point initial d’impact avec le sol. Plusieurs arbres ont été renversés par la partie avant de l’aéronef avant qu’il ne s’immobilise.

    Aucun signe de défaillance structurelle ou mécanique antérieure à l’impact n’a été observé sur le lieu de l’accident.

    Le moteur a ensuite été envoyé au laboratoire du BST pour une inspection de démontage du moteur. Aucun problème mécanique qui aurait empêché le fonctionnement normal du moteur n’a été décelé. L’hélice a été envoyée au fabricant pour y être examinée de plus près, ce qui a révélé que, d’après les dommages subis par le moyeu de l’hélice, les pales de l’hélice étaient à un angle correspondant à un fonctionnement normal au moment de l’impact.

    1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

    Selon l’information obtenue au cours de l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux ou pathologiques ou la fatigue aient nui à la performance du pilote.

    1.14 Incendie

    Malgré les signalements initiaux d’incendie après impact, il n’y a eu aucun signe de dommages causés par un incendie ou de combustion sur aucune partie de l’épave, et aucun article de cargaison endommagé par un incendie n’a été retrouvé sur le lieu de l’écrasement.

    1.15 Questions relatives à la survie des occupants

    L’aéronef a été retrouvé 4 jours après sa disparition; il a été repéré par un observateur à bord d’un aéronef de l’Association civile de recherche et de sauvetage aériens qui participait aux recherches coordonnées par le JRCC. Des techniciens en recherche et sauvetage ont été descendus au sol à partir d’un hélicoptère pour vérifier qu’il s’agissait bien du lieu de l’accident et pour déterminer s’il était possible de procéder à un sauvetage.

    Les techniciens en recherche et sauvetage ont signalé que les pilotes avaient été retrouvés dans leurs sièges avec leur ceinture-baudrier attachée, sans toutefois que les sièges soient encore attachés à une structure de soutien.

    Compte tenu de l’ampleur des forces d’impact, cet accident n’offrait aucune chance de survie.

    1.16 Essais et recherche

    1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP039/2023 – NVM Recovery – Various [Récupération des données de la mémoire non volatile – Divers]
    • LP053/2023 – Annunciator Panel Analysis [Analyse de panneau des voyants lumineux]
    • LP131/2023 – Engine Teardown and Propeller Hub Examination Report Review [Étude du rapport de démontage du moteur et d’examen du moyeu de l’hélice]

    1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

    1.17.1 Wilderness North Air

    WNA est basée à Thunder Bay (Ontario). Elle a été établie en juin 2001 en tant que compagnie d’hydravion avec 2 aéronefs munis de flotteurs pour desservir leurs sites accessibles uniquement par aéronef. Au fil des années, alors que la compagnie a étendu ses activités, d’autres aéronefs ont été ajoutés à la flotte. Au moment de l’événement, la flotte de WNA était composée de 7 aéronefs : 3 aéronefs Cessna Grand Caravan (208B), 2 aéronefs Air Tractor (AT-802), 1 aéronef de Havilland Otter (DHC-3) et 1 aéronef de Havilland Beaver (DHC-2 Mk. I).

    WNA a reçu l’approbation de Transports Canada (TC) pour exercer ses activités en vertu de la sous-partie 703 (Exploitation d’un taxi aérien) du Règlement de l’aviation canadien (RAC). Cette approbation est limitée aux opérations VFR de jour, sauf pour les aéronefs AT-802 de la compagnie, qui sont également autorisés à effectuer des vols VFR de nuit.

    WNA effectue 3 types d’opérations aériennes distinctes, toutes visées par un seul certificat d’exploitation aérienne, mais chacune étant assortie de son propre ensemble de procédures d’exploitation :

    1. Le service des hydravions et des avions à flotteurs, utilisant les aéronefs de Havilland Otter et Beaver, qui est en activité depuis plus de 30 ans.
    2. Les opérations de suremport aérien, utilisant des aéronefs AT-802 modifiés, depuis 2008.
    3. Les opérations de transport de cargaisons et de passagers à partir de CYQN, utilisant les aéronefs 208B, depuis 2019.

    Au moment de l’événement, WNA employait 12 pilotes à temps plein, 6 d’entre eux étant affectés à la base de Nakina.

    1.17.2 Exploitation des aéronefs Cessna Grand Caravan

    WNA a acquis les 3 aéronefs 208B basés à CYQN en mars 2019, les ajoutant à son certificat d’exploitation aérienne. Ces aéronefs étaient basés à CYQN avec leur exploitant précédent; la clientèle et les routes de vol sont restés largement inchangés après que WNA a acquis les aéronefs 208B.

    WNA a poursuivi le service mis en place par l’exploitant précédent et a commencé à utiliser le nom ZAM pour ses opérations à CYQN. Ce service comprend le transport de cargaisons et de passagers vers plusieurs collectivités éloignées de la région, principalement la Première Nation d’Eabametoong (Fort Hope [Ontario]), la Première Nation de Neskantaga (Lansdowne House [Ontario]), la Première Nation de Marten Falls (Ogoki Post [Ontario]) et la Première Nation Webequie.

    Les pilotes de 208B empruntent régulièrement les mêmes routes plusieurs fois par jour vers un nombre limité de destinations et connaissent bien leur région d’exploitation.

    Huit pilotes à temps plein sont affectés aux opérations des 208B. WNA a pour politique de recruter des pilotes pour les opérations de 208B directement à partir d’un programme de pilotage professionnel, qui permet aux participants d’obtenir leur licence de pilote professionnel - avion avec au moins 200 heures d’expérience de vol. Bien que certains pilotes de WNA détiennent une qualification de vol aux instruments, WNA n’en exige pas pour ses pilotes.

    1.17.2.1 Supervision par la direction

    L’équipe de direction de WNA se compose du gestionnaire des opérations, qui est responsable de la supervision des opérations aériennes, et du chef pilote, qui relève du gestionnaire des opérations et est responsable de la supervision des équipages de conduite. Le gestionnaire des opérations et le chef pilote ont également des fonctions de vol régulières, principalement pendant les mois d’été.

    Étant donné que le personnel de direction exigé par TC est établi au bureau de la compagnie à Thunder Bay, qui se trouve à une distance de route d’environ 330 km de Nakina, les opérations quotidiennes de CYQN étaient gérées à distance. Le gestionnaire des opérations et le chef pilote étaient accessibles toute la journée par l’intermédiaire d’un groupe de messagerie texte pour discuter des opérations aériennes, visible par tous les pilotes et par le personnel de la compagnie, ainsi que par téléphone ou par courriel.

    L’examen des communications par messagerie texte archivées par les enquêteurs a révélé que le gestionnaire des opérations et le chef pilote (la direction) étaient présents quotidiennement dans les discussions de groupe et qu’ils communiquaient constamment avec le groupe de pilotes à CYQN.

    1.17.2.1.1 Supervision sur place

    Lorsque WNA a acquis les aéronefs 208B, elle a également proposé à 2 pilotes qui travaillaient pour l’exploitant précédent de maintenir leur emploi. La direction a estimé qu’il serait utile de confier à l’un de ces pilotes, qui avait une vaste expérience des opérations, le nouveau poste de gestionnaire de base de WNA afin d’assurer une supervision quotidienne sur place du groupe de pilotes. En plus de ses fonctions de pilotage, il était chargé de former, de surveiller et d’encadrer un groupe de pilotes moins chevronnés, certaines de ces fonctions étant partagées avec d’autres pilotes instructeurs désignés par la compagnie.

    Avant le départ à la retraite de son premier gestionnaire de base à la fin 2021, WNA a embauché un remplaçant à temps partiel, un pilote qui possédait également une expérience considérable auprès de l’exploitant précédent des 208B et dont le rôle principal à WNA était d’aider à la formation des nouveaux pilotes.

    Au début de février 2023, WNA a remplacé le gestionnaire de base à temps partiel et a promu à ce poste 2 de ses pilotes à temps plein établis à Nakina. Ces pilotes devaient avoir des horaires opposés afin que l’un d’entre eux soit toujours présent pour les opérations quotidiennes. En même temps, en plus des 2 gestionnaires de base, la compagnie a promu un autre pilote établi à Nakina au rôle de chef pilote adjoint.

    Ni le rôle de gestionnaire de base ni celui de chef pilote adjoint ne sont requis par TC pour les exploitants visés par la sous-partie 703 du RAC; de plus, ces rôles ne font pas partie de la structure de gestion à WNA. Aucun document de la compagnie, y compris son manuel d’exploitation, ne détaille les responsabilités de ces deux rôles.

    1.17.3 Opérations aériennes

    1.17.3.1 Contrôle d’exploitation

    À titre d’exploitant de taxi aérien, WNA, conformément à l’article 723.16 de la Norme de service aérien commercial 723 Note de bas de page 4 , est tenue d’utiliser un système de contrôle d’exploitation de type D, selon lequel le gestionnaire des opérations de la compagnie délègue au CdB l’autorité en matière d’élaboration, d’exécution ou de modification d’un plan de vol exploitation pour un vol particulier. Ainsi, l’auto-régulation des vols et l’autorisation à décoller sont assurées par le CdB.

    Rien n’indique une quelconque pression opérationnelle pour effectuer les vols dans des conditions météorologiques inférieures aux minimums approuvés par l’exploitant.

    1.17.3.2 Exposés météorologiques

    Chaque jour, avant le début des opérations de vol, les pilotes en service à CYQN se réunissent pour passer en revue les prévisions météorologiques de la journée. WNA s’attend à ce que chaque pilote à qui on a assigné les fonctions de CdB effectue son propre examen météorologique avant cette réunion. L’un des pilotes indiquera à la direction, par l’intermédiaire du groupe de messagerie texte, s’ils ont estimé que les conditions météorologiques sont propices et, si elles le sont, quand ils prévoient commencer les opérations aériennes de la journée. Chaque jour, il pouvait y avoir jusqu’à 3 aéronefs 208B mis à l’horaire pour des vols, et jusqu’à 6 pilotes de différents niveaux d’ancienneté participant au processus de prise de décisions. Selon le manuel d’exploitation de WNA Note de bas de page 5 et la réglementation Note de bas de page 6, chaque CdB est ultimement responsable de sa décision d’aller de l’avant avec un vol ou d’y renoncer.

    Lorsqu’ils évaluaient les conditions météorologiques avant le vol, les pilotes de WNA ont indiqué qu’ils utilisaient les messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome et les prévisions d’aérodrome (TAF) de CYGQ (la station météorologique la plus proche) conjointement avec la GFA. Ils avaient aussi récemment commencé à utiliser une prévision de givrage produite quotidiennement par le National Weather Service des États-Unis pour évaluer les risques de givrage en vol.

    Bien que de nombreux aéroports de destination n’offrent pas de services de compte rendu météorologique, beaucoup d’entre eux ont des caméras météo, ce qui permet aux pilotes d’évaluer les conditions à ces aéroports avant leur départ.

    1.17.3.3 Altitudes de croisière

    Les pilotes ont indiqué qu’en raison des performances de montée à la masse brute de l’aéronef 208B, ils choisissaient souvent de voler à environ 2000 pieds au niveau moyen de la mer (MSL), ou à environ 1000 pieds AGL, lorsqu’ils volaient à la masse brute maximale.

    Lorsqu’ils retournaient à vide à CYQN, ils étaient encouragés à voler au moins jusqu’à 5500 pieds MSL pour enregistrer les paramètres du moteur à des fins de suivi de la maintenance lorsque les conditions météorologiques le permettaient. Un examen des vols antérieurs a montré qu’ils volaient parfois jusqu’à 10 000 pieds MSL pendant les étapes à vide vers CYQN.

    1.17.3.4 Minimums opérationnels selon les règles de vol à vue

    Les minimums opérationnels VFR énumérés ci-dessous s’appliquent à l’exploitation VFR dans l’espace aérien non contrôlé, qui est le type d’espace aérien couvrant le principal secteur d’exploitation de la flotte de 208B de WNA.

    Tableau 4. Résumé des minimums des règles de vol à vue de jour dans l’espace aérien non contrôlé indiqués dans l’article 602.115 du Règlement de l’aviation canadien
    Altitude d’exploitation de l’aéronef Visibilité en vol minimale (SM) Distance verticale par rapport aux nuages Distance horizontale par rapport aux nuages
    1000 pieds AGL ou plus 1 500 pieds 2000 pieds
    Moins de 1000 pieds AGL 2 Hors des nuages Hors des nuages

    Si les critères de vol VFR ne sont plus présents pendant le vol, l’aéronef est entré dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC).

    Les dangers associés à la poursuite d’un vol VFR en IMC sont bien connus. Les accidents survenant lors de vols commençant dans des conditions météorologiques de vol à vue et se poursuivant jusqu’à ce que les pilotes perdent le repère visuel avec l’horizon présentent un taux de mortalité élevé. Selon les données recueillies par le BST, ces types de vols ont entraîné 122 accidents et 137 pertes de vie au Canada de 1999 à 2023.

    1.17.3.4.1 Vol selon les règles de vol à vue au-dessus de la couche

    Le manuel d’exploitation de WNA comprend une section sur le vol VFR au-dessus de la couche (VFR OTT) Note de bas de page 7 : il s’agit d’une procédure permettant aux pilotes de planifier la partie en route d’un vol au-dessus des plafonds de nuages si les conditions météorologiques prévues sont propices à le faire.

    Les aéronefs 208B de WNA ne sont pas approuvés pour le vol VFR OTT; toutefois, l’enquête a révélé qu’il y a eu plusieurs occasions durant la saison hivernale 2022-2023 au cours desquelles des pilotes sont allés au-dessus des plafonds nuageux et ont indiqué aux autres dans le groupe de messagerie texte que le vol au-dessus de la couche est une façon d’atteindre leur destination planifiée.

    1.17.3.5 Données de vol archivées

    L’enquête a permis d’accéder aux renseignements historiques sur les vols fournis par le système de suivi GPS embarqué utilisé par WNA sur tous ses aéronefs. Les renseignements disponibles pour chaque vol comprenaient la date, l’heure, la vitesse, la trajectoire, l’altitude et la latitude/longitude, enregistrés à des intervalles de 2 minutes. Les données de vol ont été comparées aux renseignements météorologiques archivés, et on a constaté que les routes de vol étaient presque toujours suivies directement, même si les conditions météorologiques n’étaient pas propices à suivre la route directe en maintenant le vol VFR. Ainsi, les écarts météorologiques latéraux n’étaient probablement pas utilisés comme stratégie pour maintenir le vol VFR. Cependant, les données indiquaient aussi plusieurs occasions dans lesquelles le pilote est retourné à la base après avoir rencontré des conditions météorologiques défavorables.

    1.17.3.6 Membres d’équipage supplémentaires

    WNA permet à ses employés d’effectuer un vol en tant que membre d’équipage, soit pour aider au déchargement des cargaisons à la destination, soit en qualité de mentors, comme c’était le cas lors du vol à l’étude. Il n’a pas été possible de déterminer la fréquence à laquelle les pilotes demandaient à un autre pilote de les accompagner à des fins de mentorat, bien que rien ne porte à croire que cela se produisait régulièrement.

    La présence d’un mentor ou d’un CdB chevronné en tant que membre d’équipage peut influencer le processus décisionnel d’un pilote et la dynamique dans le poste de pilotage, surtout dans des situations qui nécessitent une évaluation des risques Note de bas de page 8. Bien que le mentorat soit bénéfique pour le perfectionnement des compétences, son intégration aux vols, en particulier dans des conditions difficiles, doit être bien gérée pour s’assurer qu’il renforce de façon positive les pratiques de sécurité des vols.

    1.17.3.7 Placement des cargaisons

    La majeure partie des cargaisons transportées par WNA sont constituées de provisions et d’articles ménagers emballés par le fabricant, ce qui donne des colis de taille, de forme et de poids variables. Le manuel d’exploitation de WNA exige que l’équipement et les cargaisons soient [traduction] « [r]etenus pour éviter qu’ils se déplacent pendant le mouvement de l’aéronef à la surface, le décollage, l’atterrissage et la turbulence en vol Note de bas de page 9 ».

    Il a été signalé que les pilotes plaçaient les articles de manière à ce qu’ils ne puissent pas se déplacer latéralement en vol, et qu’ils s’efforçaient également de placer les cargaisons à une hauteur uniforme pour empêcher les articles de glisser. Chaque aéronef est normalement chargé à sa masse maximale autorisée.

    En général, la seule méthode physique de confinement des cargaisons à être employée au moment de l’événement dans les aéronefs 208B de WNA était une cloison et un filet d’arrimage situés juste derrière les sièges des pilotes, qui séparait les pilotes de la soute. Aucun filet d’arrimage n’était utilisé pour empêcher les cargaisons de se déplacer latéralement ou verticalement. Les sangles d’arrimage n’étaient utilisées que pour le transport de marchandises volumineuses, telles que les véhicules tout-terrain, les motoneiges et les gros appareils électroménagers.

    1.17.4 Formation

    1.17.4.1 Vérification de compétence et formation au vol aux instruments

    Lorsqu’ils mènent des activités en vertu de la sous-partie 703 du RAC, les membres d’équipage titulaires d’une licence pour les vols VFR de jour sur aéronef monomoteur sont tenus d’avoir réussi une VCP dont la période de validité n’est pas expirée pour le type d’aéronef piloté.

    La formation initiale pour les activités de taxi aérien en vol VFR de jour sur aéronef monomoteur exige 6 heures de formation au sol et 3 heures de formation en vol. La formation périodique nécessite 3 heures de formation au sol et 1 heure de formation en vol.

    La formation et l’évaluation en vue de réussir une VCP comprennent des situations de vol normales et anormales.

    Le programme de WNA ne comprend pas de formation de base sur les compétences de vol aux instruments, de formation sur les procédures de vol aux instruments ou de formation sur les manœuvres de rétablissement en cas de perte de repères visuels, et la réglementation n’exige la tenue d’aucune de ces formations.

    1.17.4.2 Expérience préparatoire en vol

    Étant donné que la plupart des pilotes commencent à travailler à WNA avec peu d’expérience de vol, la direction de WNA a structuré le programme de formation des pilotes autour d’une introduction aux opérations qui consistait en des tâches autres que le pilotage. L’introduction aux opérations était suivie d’une longue période de formation préparatoire en vol qui dépassait souvent 100 heures de vol, bien que le manuel d’exploitation n’en exige que 5 Note de bas de page 10. L’intention de la direction était de permettre aux pilotes de perfectionner leurs compétences en prise de décisions et en pilotage sous la supervision d’un commandant instructeur. L’expérience préparatoire en vol commence après que le pilote eut terminé son VCP et se poursuit jusqu’à ce qu’un ou plusieurs commandants instructeurs estiment que le pilote est prêt à effectuer un vol sans commandant instructeur dans le siège de droite.

    L’enquête n’a pas révélé de pressions exercées par la direction sur les candidats ou les commandants instructeurs pour que l’expérience préparatoire en vol soit effectuée selon un calendrier précis, ni d’indications selon lesquelles les pilotes qui dépassaient un certain nombre d’heures d’expérience préparatoire en vol subissaient des conséquences négatives, telles que des mesures disciplinaires ou un licenciement.

    1.18 Renseignements supplémentaires

    1.18.1 Prise de décisions du pilote

    La prise de décision du pilote (PDP) est un processus cognitif qui permet de choisir un plan d’action parmi diverses options. Plusieurs facteurs, circonstances et biais peuvent avoir une incidence sur la PDP, y compris l’objectif ou le but du vol ainsi que les connaissances, l’expérience et la formation du pilote Note de bas de page 11 . Ces facteurs peuvent conduire à des situations où les pilotes pourraient accorder la priorité à l’atteinte de l’objectif plutôt qu’à la gestion des menaces, ce qui risquerait d’entraîner une réduction de la marge de sécurité.

    La gestion des menaces exige une connaissance, une évaluation et une atténuation des risques, la sécurité étant la principale motivation. Cette approche nécessite que les membres d’équipage fassent preuve de discipline et de leur sens du jugement, car elle peut être incompatible avec l’objectif de l’achèvement d’un vol.

    Inversement, le fait de se concentrer sur l’atteinte d’un objectif ou d’un résultat peut entraîner une diminution de la sensibilité aux risques, en particulier lorsque des activités à haut risque n’entraînent aucun résultat négatif à plusieurs reprises. Les membres d’équipage peuvent s’habituer à ces risques, ce qui modifie leur perception et leur acceptation de ces risques au fil du temps Note de bas de page 12. L’absence de mesures d’atténuation pour ajuster la perception du risque peut mener une personne à sous-évaluer les risques et, par conséquent, à entreprendre plus de pratiques très risquées. Note de bas de page 13

    Dans un contexte organisationnel, si ces pratiques plus risquées aboutissent à plusieurs reprises à des résultats positifs sans répercussions négatives immédiates, elles peuvent progressivement s’ancrer dans la culture organisationnelle. Quand ces pratiques n’ont aucun effet négatif et donnent très souvent des résultats positifs (comme un vol parvenant à destination et des clients satisfaits), elles peuvent sembler rationnelles, et elles finissent éventuellement par devenir la norme. Ce changement de normes et de valeurs au sein de l’organisation nécessite des contre-mesures solides pour maintenir les normes de sécurité, telles que la formation continue, la supervision indépendante et des contrôles efficaces des risques.

    WNA reconnaît que de nombreux vols comportent un élément de risque, car les conditions météorologiques dans sa région d’exploitation peuvent être très variables et les produits de prévisions météorologiques disponibles sont limités. Par conséquent, les risques relatifs aux conditions météorologiques ne sont pas évités, mais plutôt évalués à l’aide d’un processus de prise de décisions de groupe pour déterminer s’il est possible d’effectuer le vol de façon sécuritaire.

    1.18.2 Prise de décisions de groupe

    La prise de décisions de groupe est un processus au cours duquel 2 personnes ou plus travaillent ensemble pour prendre une décision, ce qui rend possibles un meilleur accès aux renseignements et une plus grande capacité à traiter ces renseignements. La prise de décisions de groupe est plus efficace lorsqu’elle s’appuie sur divers points de vue et qu’elle se conforme à des évaluations objectives des dangers et des risques.

    La prise de décisions de groupe est un processus plus complexe que la prise de décisions individuelle. En milieu de travail, la dynamique de groupe peut être influencée par de nombreuses variables, comme la disponibilité des renseignements pertinents, l’expérience antérieure, les besoins commerciaux de la compagnie et les attentes sociales.

    La dynamique de groupe peut entraîner les conséquences suivantes Note de bas de page 14 ,Note de bas de page 15 :

    • le conformisme : s’il y a un déséquilibre entre l’expérience ou l’ancienneté, il s’agit du changement graduel du point de vue d’une personne pour qu’il corresponde davantage à la norme du groupe;
    • la conformité : si une personne prend plus de risques qu’elle ne le souhaite, à la demande d’une personne ou d’un groupe, si ce groupe ou cette personne a déjà demandé quelque chose d’encore plus risqué;
    • la pensée de groupe : la motivation de maintenir un consensus de groupe emporte sur la motivation d’évaluer toutes les options possibles. Une fois que la pensée de groupe s’établit, les personnes peuvent commencer à percevoir ce groupe comme invulnérable et adoptent une rationalisation collective, en ignorant toute opinion contraire à celle du groupe.

    La prise de décisions de groupe peut être améliorée lorsque le groupe a accès à des renseignements fiables, tels que les conditions météorologiques locales, et qu’il utilise des critères objectifs, tels que l’altitude ou les limites de visibilité, pour évaluer les risques potentiels.

    Une fois en vol, les décisions sur la faisabilité et la poursuite du vol sont souvent prises en groupe. Il s’agit de partager des renseignements sur les routes en cours ou achevées, y compris la visibilité, la présence de nuages et l’apparition de zones à nuages bas. Ces renseignements partagés peuvent façonner ou renforcer les attentes du pilote et son modèle mental de la route, l’amenant à se concentrer sur des indices visuels précis, comme un ciel dégagé après les nuages, tout en négligeant potentiellement d’autres indices importants, comme l’évitement du relief.

    1.18.3 Désorientation spatiale

    L’être humain est en mesure de discerner l’orientation de son corps (par exemple, s’il est couché, debout, penché) lorsqu’il est physiquement en contact avec le sol. Le milieu en 3 dimensions dans lequel se déroule un vol est étranger au corps humain, et des conflits sensoriels peuvent survenir, rendant ainsi difficile, voire impossible, le maintien de l’orientation spatiale. La désorientation spatiale du pilote se définit comme étant [traduction] « l’incapacité du pilote à interpréter correctement l’attitude, l’altitude ou la vitesse de l’aéronef en fonction de la Terre ou d’autres points de référence Note de bas de page 16  ».

    Pour s’orienter dans l’espace, l’humain décode l’information reçue de 3 systèmes sensoriels :

    • le système visuel;
    • le système vestibulaire (information provenant de l’oreille interne);
    • le système proprioceptif (information provenant des muscles, des articulations et des os) Note de bas de page 17 .

    Le système visuel fournit 80 % de l’information servant à déterminer notre orientation spatiale. En cas de perte d’information visuelle, il ne reste que 20 % de l’information, qui est reçue des systèmes vestibulaire et proprioceptif. Ces 2 derniers systèmes fournissent de l’information moins précise et plus susceptible d’être erronée, car ils sont susceptibles aux illusions et aux erreurs d’interprétation Note de bas de page 18 .

    Le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) décrit les risques de désorientation. Il indique que la vue est notre sens d’orientation le plus puissant et souligne qu’il est impossible de s’y fier au milieu de nuages ou dans des conditions de voile blanc, ce qui augmente la probabilité de désorientation. Le manuel donne l’exemple suivant :

    [U]ne fois qu’un virage est stabilisé, la sensation d’être en virage disparaît. Par conséquent, lorsqu’un pilote sort d’un virage, il peut avoir l’impression d’amorcer un virage en sens contraire et amorcer un autre virage involontairement, voire entraîner l’avion dans une vrille […]. Note de bas de page 19

    Bien qu’on mentionne les nuages et le voile blanc, un manque semblable de repères visuels externes et la désorientation qui en résulte peuvent survenir dans l’obscurité. La désorientation spatiale peut entraîner une perte de maîtrise de l’aéronef ou un impact sans perte de contrôle Note de bas de page 20 .

    Une bonne connaissance des mécanismes qui entraînent la désorientation spatiale et des moyens pour y faire face, ainsi qu’une bonne conscience de la désorientation possible lorsque la visibilité et les références au sol sont réduites, demeurent des atouts essentiels pour prévenir la perte de maîtrise en vol Note de bas de page 21 . Lorsque les repères visuels au sol sont faibles ou nuls, la désorientation spatiale peut être surmontée en passant au vol aux instruments Note de bas de page 22 .

    1.18.4 Rapport d’enquête sur une question de sécurité de transport aérien du BST

    1.18.4.1 Données sur les accidents

    En novembre 2019, le BST a publié son rapport d’enquête sur une question de sécurité Note de bas de page 23 sur la sécurité des activités de taxi aérien. Une section du rapport d’enquête sur une question de sécurité (SII) examine les types d’accidents survenus dans le secteur des taxis aériens, en utilisant les données de 167 rapports d’enquête du BST publiés entre 2000 et 2014. Trois types d’accidents décrits sont potentiellement pertinents pour l’événement à l’étude. Ces types d’accidents, ainsi que les données connexes, sont énumérés dans le tableau 5.

    Tableau 5. Types d’accidents d’avion présentant des caractéristiques d’accident communes à l’événement à l’étude ainsi qu’un temps de vol total moyen des pilotes et des dangers et facteurs de risque qui sont pertinents pour cet événement, sélectionnés parmi tous les accidents du secteur des taxis aériens décrits dans le Rapport d’enquête sur une question de sécurité du transport aérien A15H0001 du BST
    Type d’accident Caractéristiques de vol souvent associées à ce type d’accident Temps de vol total moyen des commandants de bord Dangers et facteurs de risque le plus souvent cités comme faits établis dans les rapports d’enquête publiés du BST

    VFR + perte des repères visuels + CFIT

    Nbre d’accidents : 11

    • Prévision de détérioration des conditions météorologiques
    • Décollage dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC)
    • Obscurité, nuages ou précipitations en vol (certains vols au-dessus de l’eau ou à proximité de montagnes)
    • Perte des repères visuels à la surface entraînant un CFIT
    6219 heures
    • Vol dans des IMC
    • Vol dans des conditions de visibilité réduite
    • Décollage avec prévisions de détérioration des conditions météorologiques et intention d’évaluer en route
    • Illusion de trou noir

    VFR + perte des repères visuels + perte de maîtrise

    Nbre d’accidents : 6

    • Décollage en VMC
    • Obscurité, nuages, précipitations en cours de vol
    • Perte des repères visuels au sol
    • Perte de maîtrise en vol
    • Collision avec le relief ou un plan d’eau
    4170 heures
    • VFR marginal et rencontre IMC en route
    • Manque d’expérience de vol aux instruments (cité comme facteur causal et contributif, bien que 4 des 6 pilotes en cause étaient qualifiés pour ce type de vol)

    Givrage

    Nbre d’accidents : 5

    • Conditions de givrage prévues
    • Vol de transport de passagers avec un seul pilote
    • Conditions de givrage en vol
    • Incapacité de maintenir l’altitude
    2920 heures
    • Poursuite du vol dans des conditions de givrage prévues
    • Conditions météorologiques limites
    • Aéronef non certifié pour voler dans des conditions de givrage connues
    • Décrochage aérodynamique
    • Contrôle d’exploitation à régulation des vols par le pilote

    Comme décrit dans la SII, « le BST a enquêté sur de nombreux accidents où le pilote avait tenté d’effectuer un vol ou avait continué de voler dans des conditions météorologiques défavorables. Les enquêtes montrent comment des expériences antérieures de dépassement des limites entraînent l’adoption de pratiques non sécuritaires, et comment ces pratiques peuvent perdurer si les exploitants les acceptent implicitement Note de bas de page 24  ».

    1.18.4.2 Renseignements météorologiques

    La SII contient une analyse de l’accessibilité des renseignements météorologiques pour les exploitants des régions éloignées. De nombreux exploitants de taxis aériens, dont WNA, sont en activité dans des régions où les services de compte rendu météorologique sont minimes; les pilotes doivent donc se fier aux prévisions de zone, aux signalements des pilotes et aux caméras météo des aéroports de destination qui en sont équipés.

    Les exploitants interrogés dans le contexte de la SII ont indiqué que l’amélioration des comptes rendus météorologiques ainsi que la sensibilisation des équipages et des clients à la prise de décisions et aux risques liés aux vols par mauvais temps contribueraient à atténuer les risques liés aux vols dans ces régions éloignées.

    2.0 Analyse

    Le pilote et le pilote qui l’accompagnait détenaient la licence et les qualifications appropriées pour le vol selon les règles de vol à vue (VFR). Rien n’indique que la fatigue ou d’autres facteurs médicaux ou physiologiques aient nui à la performance des pilotes.

    Les dossiers indiquent que l’aéronef ne présentait aucune anomalie non corrigée au moment de l’événement. L’examen de l’épave de l’aéronef n’a révélé aucun problème mécanique préexistant, et l’enquête a permis de déterminer qu’il n’y a pas eu de désintégration en vol ni de séparation des gouvernes.

    Bien qu’il soit évident qu’une perte de maîtrise s’est produite, comme le montre l’impact à grande vitesse et à angle moyen, les renseignements disponibles étaient insuffisants pour déterminer les causes de la perte de maîtrise.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Pendant la partie en route du vol, au-dessus d’une région éloignée, le pilote a perdu la maîtrise de l’aéronef pour une raison inconnue, ce qui a entraîné la collision avec le relief.

    Bien que la cause précise de l’événement n’ait pu être déterminée, plusieurs facteurs sont pris en compte dans l’analyse ci-dessous :

    • vol VFR de jour;
    • supervision par la direction et acceptation de pratiques non sécuritaires;
    • dynamique de groupe;
    • exigences de formation au vol aux instruments pour les exploitants de taxis aériens.

    L’analyse portera aussi sur les questions liées à la retenue des cargaisons et à la radiobalise de repérage d’urgence (ELT).

    2.1 Vol de jour selon les règles de vol à vue

    Bien que le Règlement de l’aviation canadien (RAC) régissant les opérations de vol de jour selon les règles de vue, y compris les minimums météorologiques pour le vol VFR, soit clairement énoncée, la conformité à ce règlement est difficile à surveiller par l’exploitant et à faire respecter par l’organisme de réglementation.

    Les renseignements météorologiques disponibles pour le secteur d’exploitation de Wilderness North Air (WNA) étant limités, les pilotes se fiaient grandement aux caméras météo et aux rapports verbaux de leurs aéroports de destination, et il était courant d’entreprendre un vol si les conditions météorologiques aux aéroports d’origine et de destination semblaient convenables.

    Une fois en route, l’interprétation par un pilote de la visibilité actuelle en vol est subjective et peut changer d’un moment à l’autre, ce qui signifie que la visibilité réelle en vol pourrait être en-deçà du minimum spécifié dans le RAC.

    L’analyse météorologique effectuée par Environnement et Changement climatique Canada ne montrait pas de zones étendues de visibilité réduite ou de précipitations; toutefois, il y avait des zones isolées associées à des cumulus bourgeonnants près de la trajectoire de vol, où des averses de neige auraient pu réduire la visibilité jusqu’à 5/8 mille terrestre avec des plafonds connexes de 1200 pieds au-dessus du sol. Il n’est pas certain que l’équipage de conduite de l’aéronef à l’étude ait poursuivi son vol dans une zone à visibilité réduite; cependant, de nombreuses enquêtes ont permis de démontrer que la poursuite d’un vol VFR dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) peut entraîner une désorientation spatiale et une perte de maîtrise.

    Fait établi quant aux risques

    Si les pilotes en vol VFR choisissent de se rendre dans des zones où la visibilité est susceptible de passer sous les minimums pour le vol VFR, il y a un risque de désorientation spatiale et de perte de maîtrise.

    2.2 Supervision par la direction et acceptation de pratiques non sécuritaires

    Même si WNA a pris des mesures pour s’assurer qu’il y avait une surveillance des opérations de 208B sur place par la présence de gestionnaires de base et d’un chef pilote adjoint, aucune publication de la compagnie ne détaillait les responsabilités pour ces rôles. Sans responsabilités de supervision définies et objectives pour les superviseurs sur place, le risque que des écarts par rapport aux procédures de la compagnie et à la réglementation passent inaperçus augmente. Par conséquent, les compagnies qui gèrent leurs opérations de vol à distance, ou qui n’ont pas de rôles de supervision clairement définis, doivent prendre des mesures adéquates pour s’assurer que les opérations sont menées en toute sécurité et conformément à la réglementation.

    À WNA, la compagnie utilisait un système de régulation par le pilote de type D, qui reposait sur l’expérience de l’équipage de conduite pour assurer la sécurité des opérations et la conformité réglementaire. Même si le gestionnaire des opérations et le chef pilote étaient disponibles et participaient aux discussions de groupe quotidiennes sur les opérations aériennes, ils étaient établis à Thunder Bay (Ontario). Par conséquent, ils comptaient sur les gestionnaires de base et le groupe de pilotes pour maintenir la conformité avec les normes de la compagnie et les normes réglementaires. Même si elle avait accès aux données de vol provenant de dispositifs de suivi par satellite, la direction ne disposait pas de processus pour utiliser ces données comme moyen de surveiller les opérations aériennes pour s’assurer qu’elles respectaient les normes de sécurité, et la réglementation ne l’exigeait pas. En surveillant les renseignements disponibles pour les routes, les vitesses et les altitudes de vol des pilotes 208B, il est possible que la direction ait pu constater des anomalies qui auraient pu fournir de l’information sur la manière dont les pilotes réagissaient lorsque les conditions météorologiques changeaient.

    De plus, dans le groupe de discussion par messagerie texte utilisé par les pilotes et la direction pour partager des renseignements opérationnels, il y a eu des cas où on a dérogé ou considéré déroger des politiques de la compagnie et de la réglementation, comme effectuer un vol au-dessus d’une couche nuageuse à bord d’un 208B, alors que ce n’était pas une pratique approuvée. L’enquête sur une question de sécurité du BST portant sur les activités de taxi aérien a révélé que l’acceptation de pratiques non sécuritaires et la gestion inadéquate des dangers opérationnels étaient des grands facteurs contributifs des accidents. Des pratiques non sécuritaires peuvent être acceptées progressivement dans l’exécution des tâches, dans une dérive des pratiques sécuritaires qui passe inaperçue, ce qui réduit la marge de sécurité.

    WNA a reconnu le risque inhérent à ses activités qui existait en raison des conditions météorologiques très variables et des sources limitées de renseignements météorologiques à jour. De ce fait, une évaluation collective des dangers de nature météorologique a eu lieu, donnant aux pilotes une latitude considérable dans les décisions liées à la météo. Cependant, l’accent mis sur l’achèvement des vols plutôt que sur la gestion des menaces a probablement incité les pilotes à accepter des risques pour atteindre leurs destinations.

    Sans supervision quotidienne sur place, il est difficile pour les exploitants d’évaluer continuellement et objectivement les risques et d’imposer des mesures d’évitement ou d’atténuation nécessaires. À WNA, certaines pratiques non sécuritaires étaient bien établies, comme le fait de voler directement dans des zones de visibilité réduite, et à travers celles-ci, même si la visibilité était susceptible de passer sous les minimums réglementaires, de voler au-dessus de plafonds de nuages sans avoir obtenu une approbation pour le faire, et de transporter des cargaisons sans dispositif de retenue. L’acceptation de ces pratiques non sécuritaires peut devenir normalisée dans une culture d’entreprise où les pilotes continuent à prendre des risques parce qu’ils n’en subissent aucune conséquence négative et, par conséquent, de tels comportements ne sont plus considérés comme étant risqués.

    Fait établi quant aux risques

    Si les exploitants aériens ne trouvent pas des moyens pour évaluer continuellement la sécurité des activités quotidiennes, comme en utilisant les données de vol, en surveillant les communications au sein de la compagnie ou en fournissant aux superviseurs des responsabilités clairement définies, il y a un risque que les pratiques non sécuritaires deviennent courantes.

    2.3 Dynamique de groupe

    Le groupe de pilotes d’aéronefs 208B de WNA se réunissait chaque matin pour un exposé sur les activités prévues de la journée, au cours duquel les prévisions météorologiques étaient examinées et communiquées. Cette réunion était relativement informelle et comprenait une discussion sur les besoins opérationnels en plus de l’évaluation des conditions météorologiques. Une fois que la décision d’effectuer un vol ou d’y renoncer était prise, l’un des pilotes informait la direction, par messagerie texte, des conditions météorologiques propices ou non et de l’heure de début des opérations de vol. Le jour du vol à l’étude, le commandant de bord désigné, qui devait initialement effectuer un vol VFR de jour en solo, a changé ses intentions après que l’exposé matinal eut révélé qu’il devait y avoir des rafales de vent. Il a demandé l’aide d’un pilote plus chevronné, et un pilote qui n’était pas en service et qui avait assisté à l’exposé a accepté de se joindre à lui.

    Les décisions prises par les groupes et au sein des groupes, comme des exposés chaque matin, peuvent être un moyen efficace de prendre une décision essentielle à la sécurité. Toutefois, en l’absence de critères objectifs efficaces et fiables permettant de faciliter le processus de prise de décisions, les biais de groupe – tels que le conformisme, la conformité et la pensée de groupe – peuvent faire en sorte qu’on assume involontairement plus de risques.

    Dans un poste de pilotage, les pilotes débutants peuvent s’en remettre au pilote plus chevronné et être amenés à accepter plus de risques qu’ils ne le feraient individuellement en tant que seuls décideurs.

    Fait établi quant aux risques

    Si les décisions critiques pour la sécurité sont prises en groupe, il y a un risque que certains pilotes se fient à l’évaluation des autres, ce qui les amènera à entreprendre ou à poursuivre un vol dans des conditions qui les auraient portés à renoncer au vol s’ils avaient été seuls à prendre la décision.

    2.4 Exigences de formation pour le vol aux instruments dans le secteur du taxi aérien

    Les pilotes de WNA ne sont pas tenus de posséder une qualification de vol aux instruments et ne sont pas formés ou vérifiés expressément pour le vol aux instruments pendant leur vérification de compétence pilote et l’expérience préparatoire en vol qui s’ensuit. Les pilotes qualifiés pour le vol VFR travaillant pour des exploitants régis par la sous-partie 703 du RAC ne sont pas tenus par la réglementation de suivre une formation au vol aux instruments pendant leur vérification de compétence pilote ou leur expérience préparatoire en vol.

    Lorsque les pilotes sont en vol VFR dans un espace aérien non contrôlé, la réglementation leur permet de voler dans des conditions de visibilité réduite jusqu’à 1 mille terrestre. Il peut être difficile de voler lorsque la visibilité est réduite à ce point, surtout dans les zones où il y a peu de repères visuels au sol, comme c’est le cas dans les régions isolées en hiver, lorsque le sol est recouvert de neige.

    Si la visibilité en vol chute sous les minimums pour le vol VFR, et les pilotes peuvent alors se retrouver dans des IMC. Lorsque ces situations se produisent par inadvertance, les pilotes doivent rapidement passer au vol en se fiant seulement aux instruments, ce qui peut s’avérer difficile s’ils n’ont pas suivi de formation récente ou s’ils ne possèdent d’expérience de telles conditions.

    Fait établi quant aux risques

    Si les pilotes ne maîtrisent pas le vol dans des IMC, ils pourraient ne pas avoir les habiletés leur permettant de gérer une entrée par inadvertance dans ces conditions, ce qui augmente le risque de désorientation spatiale et de perte de contrôle.

    2.5 Arrimage des objets transportés

    Les pratiques en vigueur à WNA concernant l’arrimage des cargaisons dans les opérations aériennes de 208B consistaient essentiellement à s’assurer que les cargaisons ne se déplaceraient pas latéralement pendant le vol. Les sangles d’arrimage n’étaient utilisées qu’avec des marchandises volumineuses, telles que les véhicules tout-terrain, les motoneiges et les gros appareils électroménagers.

    WNA et ses pilotes n’avaient pas pris en compte les risques liés au fait de transporter des cargaisons sans les retenir de façon à les empêcher de se déplacer verticalement, et il n’existait aucun moyen de retenir les cargaisons pour les empêcher de se déplacer verticalement.

    Fait établi quant aux risques

    Si les cargaisons ne sont pas arrimées, elles risquent de se déplacer pendant un mouvement inattendu ou inhabituel de l’aéronef, ce qui pourrait entraîner des difficultés de maîtrise de l’aéronef.

    2.6 Radiobalise de repérage d’urgence

    Le jour de l’événement, l’aéronef à l’étude était exploité sans ELT. Même si la réglementation ne l’exigeait pas, WNA utilisait un système de suivi par satellite pour suivre chacun de ses aéronefs. WNA n’exigeait pas que le système soit testé ou que son fonctionnement soit vérifié avant chaque vol, mais il apparaissait probablement fonctionnel pour le pilote qui l’a utilisé pour transmettre un message de routine à la fin de son 1er vol de la journée. Le système à bord de l’aéronef n’a ni consigné ni transmis de données pendant le vol à l’étude.

    Par conséquent, bien que l’enquête ait permis de déterminer que cet accident n’offrait aucune chance de survie en raison des forces d’impact, les retards dans les opérations de recherche et sauvetage peuvent mettre en danger la vie des survivants.

    Fait établi quant aux risques

    Si les aéronefs volant dans des régions éloignées sont autorisés à voler sans ELT ou sans autre moyen de transmettre leur position, il existe, en cas d’urgence, un risque de retard des opérations de recherche et sauvetage qui pourraient sauver des vies.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Pendant la partie en route du vol, au-dessus d’une région éloignée, le pilote a perdu la maîtrise de l’aéronef pour une raison inconnue, ce qui a entraîné la collision avec le relief.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. Si les pilotes en vol selon les règles de vol à vue choisissent de se rendre dans des zones où la visibilité est susceptible de passer sous les minimums pour le vol selon les règles de vol à vue, il y a un risque de désorientation spatiale et de perte de maîtrise.
    2. Si les exploitants aériens ne trouvent pas des moyens pour évaluer continuellement la sécurité des activités quotidiennes, comme en utilisant les données de vol, en surveillant les communications au sein de la compagnie ou en fournissant aux superviseurs des responsabilités clairement définies, il y a un risque que les pratiques non sécuritaires deviennent courantes.
    3. Si les décisions critiques pour la sécurité sont prises en groupe, il y a un risque que certains pilotes se fient à l’évaluation des autres, ce qui les amènera à entreprendre ou à poursuivre un vol dans des conditions qui les auraient portés à renoncer au vol s’ils avaient été seuls à prendre la décision.
    4. Si les pilotes ne maîtrisent pas le vol dans des conditions météorologiques de vol aux instruments, ils pourraient ne pas avoir les habiletés leur permettant de gérer une entrée par inadvertance dans ces conditions, ce qui augmente le risque de désorientation spatiale et de perte de contrôle.
    5. Si les cargaisons ne sont pas arrimées, elles risquent de se déplacer pendant un mouvement inattendu ou inhabituel de l’aéronef, ce qui pourrait entraîner des difficultés de maîtrise de l’aéronef.
    6. Si les aéronefs volant dans des régions éloignées sont autorisés à voler sans radiobalise de repérage d’urgence ou sans autre moyen de transmettre leur position, il existe, en cas d’urgence, un risque de retard des opérations de recherche et sauvetage qui pourraient sauver des vies.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Wilderness North Air

    À la suite de l’événement, Wilderness North Air (WNA) a pris les mesures suivantes pour atténuer les risques :

    1. Une directive de la compagnie a été émise exigeant l’utilisation d’un filet d’arrimage entre chaque zone de chargement des aéronefs 208B, pour empêcher que les cargaisons se déplacent vers l’avant et vers l’arrière en cas de turbulence en vol ou d’assiette anormale.
    2. On a ajouté les manœuvres de sortie d’une assiette anormale au programme de formation à bord de l’aéronef.
    3. Deux des 3 aéronefs 208B de la compagnie ont été équipés de systèmes de vision synthétique et de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B) réception/émission pour améliorer la conscience situationnelle des pilotes, le suivi des vols ainsi que la collecte de données. WNA prévoit moderniser son 3e aéronef 208B dès que possible.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Carte Nuages et temps de la prévision de zone graphique GFACN33 émise à 12 h 26, heure normale de l’Est, le 28 février 2023

    Annexe A – Carte Nuages et temps de la prévision de zone graphique GFACN33 émise à 12 h 26, heure normale de l’Est, le 28 février 2023
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    Carte Nuages et temps de la prévision de zone graphique GFACN33 émise à 12 h 26, heure normale de l’Est, le 28 février 2023

    Source : Environnement et Changement climatique Canada

    Annexe B – Prévision de zone graphique – Carte de givrage, de turbulence et de niveau de congélation GFACN33 émis à 12 h 29, heure normale de l’Est, le 28 février 2023

    Annexe B – Prévision de zone graphique – Carte de givrage, de turbulence et de niveau de congélation GFACN33 émis à 12 h 29, heure normale de l’Est, le 28 février 2023
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    Prévision de zone graphique – Carte de givrage, de turbulence et de niveau de congélation GFACN33 émis à 12 h 29, heure normale de l’Est, le 28 février 2023

    Source : Environnement et Changement climatique Canada